samedi 23 janvier 2010

L'apport de Léon Lasson à l'Astrologie Mondiale

par Jacques HalBronn

Le nom de Léon Lasson, pionnier par ailleurs dans le domaine des statistiques astrologiques et des planètes transplutoniennes, est certes associé à un échec prévisionnel de première grandeur, son livre, paru en 1938 (et non 1937 comme on l'écrit souvent, il termine son livre à la fin décembre 1937!) n'annonçait-il pas "Quinze ans de paix pour l'Europe" à la veille même de la Seconde Guerre Mondiale laquelle n'épargna certainement pas ce continent? Pronostic d'autant plus étonnant que les événements de l'époque n'étaient pas vraiment rassurants...
Mais par delà et au delà un tel échec, il importe de comprendre les enjeux liés à la démarche de Lasson, dont l'ouvrage avait été préfacé par le belge Gustave-Lambert Brahy, qui d'ailleurs l'avait édité à Bruxelles, aux éditions de la revue Demain.
Brahy présente ainsi l'apport du travail de l'astrologue français : " Ainsi, l'astrologie mondiale qui se trouvait réduite à des principes assez arbitraires ne permettait guère en tout cas de déterminer mieux que la frise extérieure des menus événements. M. Lasson nous fournit dans ce livre la trame essentielle. Grâce à lui, nous pouvons suivre et devancer le cours des événements".(p.11)
Un des mérites de Lasson aura été, en tout cas, d'avoir compris que la multiplication des cycles conjonctionnels les disqualifiait pour tenir le rôle de référentiel dominant. Et pour cette raison, Lasson se mit en quête d’un phénomène plus rare, à savoir les éclipses, cantonnant dès lors les conjonctions à un rôle subalterne, du fait même de leur nombre, celles-ci prolongeant dans le temps en quelque sorte les effets de l'éclipse, ce qui permettait à la dite éclipse de couvrir une période relativement longue. A un tout autre niveau, que dire de ces astrologues calculant la "dominante" d'un thème en combinant les paramètres et les critères les plus divers? Pas plus nous ne suivrons Brahy quand il écrit: "Ne perdez jamais de vue qu'il faut proportionner vos conclusions à la fréquence et à l'importance des configurations en jeu. Si vous rencontrez par exemple un mauvais aspect Mars-Uranus qui se produit plusieurs fois par an, ne concluez pas à la catastrophe et encore moins à la fin du monde. Ne maintenez une conclusion que lorsqu'elle s'appuie sur d'autres facteurs qui la fortifient ou la confirment" ("Clef de la prévision des événements mondiaux et des fluctuations économiques et boursières"(Paris, Ed. Traditionnelles, 1989, p. 243). Il n'est, en effet, pas question pour nous de jauger la valeur d'une configuration en rapport à sa rareté. Les conjonctions de Saturne avec les quatre étoiles fixes ne sont pas spécialement rares mais elles constituent, selon nous, le super-cycle dont tout le reste dépend et découle, si tant est que l'on cherche (au niveau 2 de NOA) de recourir à toutes sortes de combinatoires dont la teneur épistémologique est incomparablement moins significative.
L'avantage que Lasson crut par ailleurs trouver dans cette mise en avant des éclipses (que Fomalhaut avait déjà recommandé de ne pas ignorer dans son "Manuel d'astrologie sphérique???" de 1897) était leur faculté de localisation, une éclipse n'étant pas visible partout sur terre. Là où elle était visible, là elle agirait le plus, pensait-il. C'est ce qui lui faisait, justement, dire en 1938 que l'Europe serait épargnée vu que les éclipses et occultations à venir ne se produiraient pas dans cette zone géographique...En revanche, d'autres parties du monde devraient, selon lui, être bien plus gravement affectées au cours des années à venir. Echec patent, donc, avec le recul, au niveau de la localisation.
Gabriel Trarieux d'Egmont, influencé par Lasson, rédige dans un "Essai de prévisions sur la guerre", Paris, Flammarion, un "mea culpa": "Je n'avais pas annoncé la guerre et les autres astrologues non plus (...) je n'avais pas prédit la guerre. Je l'avais même formellement écartée. C'est fâcheux pour moi seulement. Il va sans dire que cette erreur n'est pas imputable à l'astrologie. mais à ses imparfaits interprètes" (p.11). Mais cet auteur est tributaire des limites de l''outillage" dont il dispose, à commencer par les éphémérides qui, alors, paraissaient année par année, ce qui condamnait à recourir à des expédients comme les directions, calculées à partir du thème. Il aura donc fallu une amélioration dans l'édition des données astronomiques pour qu'une astrologie mathématique soit remplacée par une astrologie astronomique ou du moins lui accorde une certaine place..
Lasson, on l'a compris, croyait avoir trouvé avec les éclipses le super système au sein duquel tout le reste de l'astrologie viendrait s'inscrire, une sorte de panacée universelle. Ce faisant, Lasson eut le mérite d'esquisser ce que nous appelons le niveau 1 du NOA et Brahy en comprenait les enjeux. Si l'on ne les suivra pas en ce qui concerne les éclipses, le principe d'une telle recherche nous semble essentiel et ne pas avoir été compris suffisamment après la Guerre, notamment par J. P. Nicola qui s'accommoda fort bien d'une astrologie de la diversité et de la complexité (soit le niveau 2 de NOA). Quant aux tentatives d'André Barbault avec l'indice de concentration planétaire, il avait le mérite de présenter une sorte de synthèse cyclique, incluant un bouquet de planètes lentes (de Jupiter à Pluton). Le défaut des solutions proposées tant par Lasson que par Barbault nous apparait comme étant l'absence d'une cyclicité centrale si l'on entend par là des périodes de même dimension et de même nature, tout au long. Quel cycle des éclipses? Quel cycle de l'indice de concentration planétaire?
La solution que nous proposons, soixante-dix ans environ après Lasson (1938) et quarante ans environ après Barbault ("Les hommes et les astres" , Paris, Pauvert, 1967), aura consisté à réintégrer le référentiel des étoiles fixes en astrologie mondiale, permettant ainsi la mise en place d'un supercycle régulier de 4 x 7 ans. L'objection au système que nous prônons est connue : pourquoi cette planète là et ces étoiles là et pas d'autres combinatoires tout aussi acceptables, en principe? L'avantage de Lasson et de Barbault tenait au fait qu'ils n'avaient pas à répondre à cette question de par les options prises qui n'impliquaient pas un choix.
Notre réponse sera la suivante : l’humanité aime les cycles simples, comme en témoigne la fortune du système électoral qui, depuis la fin du XVIIIe siècle, convoque périodiquement les populations à se choisir de nouveaux dirigeants. En référence à la sociobiologie, nous pensons que l''existence de tels processus cycliques dans la vie politique ne fait que refléter, en remplaçant les astres par les nombres (intervalles de tant d'années entre deux élections), c'est à dire par un calendrier - une structure interne très anciennement ancrée dans l'Inconscient collectif. Il revient à l'astrologie (voir notre intervention à Tours, au colloque de géopolitique, sur teleprovidence) de fournir les outils adéquats, fondés sur une réalité anthropologique autrement plus profonde que celle qui sous entend les actuels systèmes constitutionnels. C'est là que s'ouvre le champ du niveau 1 du NOA, à savoir la détermination du cycle et non ses éventuelles subdivisions qui, quant à elle, relève du niveau 2 du NOA. Mais il ne faut pas mettre la charrue (niveau 2) avant les bœufs (niveau 1). Si l'on file cette image, il est clair que sans astronomie, il n'y a pas d'astrologie qui vaille tout comme un sculpteur a besoin de disposer d'un matériau de départ. Mais sans astrologie, le ciel est ingérable par nos sociétés car il faut y percer des axes comme dans une immense forêt infranchissable. Et une fois ces axes tracés, l'on peut développer des villes, et cela relève d'un troisième plan, qui est celui d'une astrologie appliquée aux avatars multiples.
On notera que certaines personnes sont plus douées pour les microdécisions que pour les macrodécisions. Les unes sont capables de faire une infinité de petits choix mais ont des difficultés à garder en tête une ligne directrice. Les autres sont, en revanche, aptes à se consacrer à des choix majeurs en lâchant pris en aval.
Pour notre part, nous pensons que l'époque actuelle est marquée par des comportements conjonctionnels - jamais il n'y eut autant de réunions au sommet de chefs d'Etat que depuis un an, constate Yves Lenoble (conférence à Source du 8. 12. 09). Ces rencontres sont selon nous au cœur de toute la problématique astrologique (autour de la conjonction Saturne-Régulus) et non pas, comme le pense Lenoble, l'expression d'un cycle parmi d'autres (en l'occurrence la conjonction Jupiter-Neptune en verseau). Quand la dite conjonction Saturne-Régulus aura continué à se défaire, il est évident que la diversité finira par l'emporter- provisoirement - sur l'unité, sans qu'il soit le moins du monde nécessaire de faire intervenir d'autres cycles et d'autres planètes, comme le croit Lenoble. Il y a donc là une inflation, une débauche de cycles tout à fait superfétatoire qui empêche l'astrologie de se centrer sur un seul et unique supercycle. Il importe de passer de l'article indéfini à l'article défini: ne parlons plus d'"un" cycle mais "du" cycle. Inversement, ne gardons pas toutes "les" données astronomiques mais seulement "des" données astronomiques, certaines d'entre elles, sans aucun souci d'exhaustivité. Il n'est pas d'unité ni de cyclicité sans centralité, quand bien même, dans un deuxième temps, l'on puisse être amené à moduler, à adapter. Chaque chose en son temps. Et puisque l'on est dans l'esprit de l'Ecclésiaste, sachons que pour l'astrologie il n'y a rien de nouveau sous le soleil. En ce sens, l'astrologie rejoint la philosophie laquelle tend à tout ramener à des idées, à des concepts simples. Nul n'entre en astrologie s'il n'est philosophe!
Astrologie de crise ou crise de l'astrologie? Il semble bien qu'une fois de plus, les astrologues risquent gros en cherchant à surfer sur une "crise" (le terme avait été utilisé, au début des années Soixante par André Barbault, "La crise mondiale", Paris, Albin Michel). La vraie question est comment la crise est gérée à un moment ou à un autre. Autrement dit, ce n'est pas la crise qui dépend de l'astrologie mais son traitement - ce qui a bien entendu des effets sur le déroulement de la dite crise comme cela le serait pour quelque catastrophe naturelle (tsunami, par exemple, Katarina sur la Nouvelle Orléans etc) ou d'une pandémie (grippe H1 N1) et même dans le cas de 2012, voire de telle guerre mondiale, autant de phénomènes qui ne relèvent pas directement de l'astrologie et dont elle n'a donc pas à rendre compte. L'astrologie ne saurait rendre compte de tout ce qui se passe mais seulement de la façon dont ce qui se passe est perçu. Or, une crise qui se produit lors d'une conjonction supercyclique (ici Saturne en conjonction avec Régulus) sera l'occasion de grands sommets politico-économiques alors qu'en d'autres temps, elle aurait pu avoir des effets inverses, à savoir renforcement du protectionnisme et des cloisonnements. On peut d'ailleurs annoncer que le suivi de la crise actuelle va déboucher, à terme, vers des replis de certaines zones par rapport à d'autres. Et c'est aux astrologues d'annoncer à quel moment risque de se produire un tel basculement - soit en gros le mi-point entre deux conjonctions de Saturne avec deux étoiles fixes royales consécutives, ici entre Régulus et Antarés, et ce, sans que cela fasse intervenir une autre configuration, puisque c'est de la disjonction du supercycle qu'il s'agirait. Quant à l'entrée des planètes en Capricorne (pour Pluton) ou en Bélier (pour Jupiter et Uranus), cela relève d'un découpage zodiacal complètement artificiel (donc de niveau 2 NOA), sans le moindre fondement conjonctionnel. En ce qui concerne la dialectique du sujet et de l'objet, l'astrologie nous parle plus du sujet, l'Homme, l'Humanité, que de l'objet, ce qui lui arrive- au sens littéral du terme et en ce sens nous prônons une astropsychologie mondiale, le grand défaut de l'astrologie mondiale actuelle étant de se polariser sur l'objet en supposant que tout ce qui arrive d'important dans le monde. s'explique par les configurations astrales. Le prochain congrès Source SEP Hermès prévu sur le thème "Quel regard l'astrologue peut-il porter sur notre monde en crise?" (6-7 mars 2010) et auquel nous n'avons pas été invité à intervenir, ne semble pas avoir décidé d'éviter ce type de piège. Cela se comprend d'ailleurs fort bien concernant une astrologie dévertébrée, sans colonne vertébrale et qui n'a donc d'autre issue que de jouer au caméléon, en se faisant le reflet du monde extérieur-objet. La crise de l'astrologie- et de l'astrologue- est bien celle du sujet.(voir nos textes dans le journal de bord). Le sujet fécond génère des objets. En revanche, quand le sujet est stérile; il lui fait importer des compléments. On pense à un plat de spaghetti qui n'est guère mangeable sans l'apport de quelque sauce qui n'a rien à voir, intrinsèquement, avec le produit pâte, même si une tradition s'est constituée, notamment avec la sauce tomate, comme pour les poireaux vinaigrette et la plupart des crudités. A contrario, les fruits sont fréquemment porteurs de leur propre liquide et ne nécessitent pas d'adjuvants. Le sujet doit pouvoir générer de lui-même ce dont il a besoin sans avoir à recourir à des éléments extérieurs, comme une sorte de deus ex machina. Si l'on traduit au niveau de la cyclicité, nous dirons qu'un cycle doit se suffire à lui-même et n'a pas besoin d'interférer avec d'autres cycles.
Il faut arrêter d'opposer une astrologie individuelle, personnelle du sujet et une astrologie mondiale de l'objet. L'astrologie a avant tout, selon nous, vocation à étudier les fluctuations du psychisme collectif incarné et porté par des personnages d'exception (cosmocratique), ce qui, de l'avis des historiens correspondait à sa vocation première avant qu'elle ne se démocratise et par conséquence fasse passer l'objet avant le sujet. En effet, plus on descend dans l'échelle sociale et moins la conscience d'être sujet sera puissante, tout étant perçu comme s'imposant "objectivement" à nous.
Pour en revenir à la question de la "crise", on ne saurait trop insister sur le fait que c'est l'évolution de son traitement qui peut relever de la prévision astrologique, que cela ait des incidences sur la crise en soi est évident -c'est la fameuse interaction du sujet et de l'objet mais il n'en reste pas moins que l'évolution du rapport à l'objet passera avant tout par la cyclicité dont le sujet subit les effets et qui dépasse et transcende le devenir même de l'objet dont les lois qui le régissent ne relèvent qu'accessoirement de l'astrologie, du moins telle que nous la concevons, ce qui permet un dialogue entre l'astrologie et les autres disciplines, du fait d'une certaine division du travail. Or, à partir du moment où l'astrologie se retire du monde de l'objet, elle parvient ainsi à s'épurer (en son niveau 1) et à trouver une nouvelle économie, dans tous les sens du terme, assumant avant tout sa fonction liée au sujet pensant. L'idée selon laquelle les deux guerres mondiales devraient correspondre à des configurations comparables nous apparait dès lors comme épistémologiquement suspecte. La seule question qui se pose est désormais la suivante: comment l'humanité se comporte-t-elle, à telle époque, et comment cela est-il amené à évoluer d'une année sur l'autre, face à tel problème, tel défi, tel challenge "extérieur".? Ce qui serait, précisément, intéressant à mettre en évidence consisterait à montrer que des attitudes semblables peuvent correspondre à des "réalités" dissemblables et vice versa que des attitudes différentes répondent à des réalités pourtant assez proches. Au regard des travaux de Darwin, nous pensons que ceux-ci n'accordent pas assez d'importance au sujet qui ne serait que le jouet du monde de l'objet. C'est selon nous l'évolution du sujet qui est déterminante, sa faculté à s'autostructurer cycliquement, ce qu'il fait en se branchant sur des cycles tels que ceux du cosmos, d'abord consciemment puis, sur des siècles, de plus en plus subconsciemment. N'oublions pas, en effet, qu'une des thèses sous-jacentes à l'astrologie implique l'idée d'un lien subconscient entre les hommes et les astres, ce qui ne signifie aucunement, on ne cessera de le rappeler, que tout ce qui arrive aux hommes est déterminé par les astres, sauf à comprendre "ce qui arrive" comme ce qui (se) joue sur sa réception du monde.



JHB
09. 12. 09

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