samedi 23 janvier 2010

Quid d'une astrologie "contextuelle"?

par Jacques HalBronn

Le terme d'astrologie "conditionnaliste" continue à déclencher en nous une certaine perplexité (voir les débats du colloque "La Lune au Clair" de mars 1987 et notamment l'intervention de Michel Aguilar, repris sur la télévision astrologique). Il importe de replacer cette expression dans un certain contexte qui est celui de l'ensemble de la démarche propre à Jean-Pierre Nicola.
Voilà un auteur qui n'a pas peur de manier un certain nombre de concepts philosophiques, c'est le moins que l'on puisse dire (comme le RET, représentation, existence, transcendance). Mais c'est le même auteur qui appelle son travail d'astrologie conditionnelle (dans un premier temps), dans les années soixante encore que le titre de son premier ouvrage "La condition solaire" joue quelque peu sur les mots: condition, conditionnel....et de vrai le mot même recouvre un champ sémantique assez riche. Quel rapport, en effet, entre la "condition humaine" et les "réflexes conditionnés" ou le mode "conditionnel" au niveau grammatical? Quelles sont au demeurant, demanderons-nous, les "conditions" d'existence de l'astrologie (voir l'un de nos colloque autour de ce thème, en partie repris sur la Télévision Astrologique)?
Cela dit, que quelqu'un maniant les concepts éprouve le besoin de préciser que ceux-ci sont à replacer au sein de toutes sortes de contextes, terme qui pour nous est quasiment synonyme de conditionnements, cela nous parait de bon aloi. En effet, dans la réalité, le concept n'est appréhendé que dans un contexte donné et la diversité des contextes peut faire sensiblement varier, moduler la perception d'un concept. Il faut descendre du concept vers ses manifestations multiples et vice versa remonter des dites manifestations vers le concept.
Le problème, c'est qu'il existe des situations intermédiaires - en quelque sorte au milieu du gué- où le concept tend à se complexifier, à se conjuguer, à se démultiplier sans pour autant atteindre à la complexité contextuelle d'un cas ponctuel. Si le concept est épistémologiquement le paradis et les manifestations l'enfer, on découvre un purgatoire "équinoxial" qui est le lot de bien des modèles, à mi-chemin entre ces deux extrêmes que l'on pourrait qualifier de solsticiales. (sur le cas du bélier et de l'équinoxe de printemps, voir notre étude dans le présent JBA)
Ce stade équinoxial n'a pas été suffisamment bien décrit et conscientisé par les astrologues, c'est un stade critique du fait même de son hybridité. Or, l'astrologie nous semble bel et bien atteinte d'un syndrome équinoxial de par l'ambigüité même des positions qu'on lui attribue généralement. Pour reprendre l'exemple de l'œuvre de Nicola, nous dirons que celle -ci est pour le moins pluriconceptuelle, puisqu'elle comporte une ternarité (RET), elle-même subdivisée en trois facteurs planétaires, soit un total de neuf facteurs auxquels vient s'ajouter la Lune, dont on peut d'ailleurs se demander si elle est vraiment nécessaire, si ce n'est par volonté d'exhaustivité au regard du systéme solaire - exhaustivité dont nous contestons, pour notre part, le principe.
Si l'on ajoute une subdivision du zodiaque (photopériodique) en 12 et une autre correspondant aux maisons (SORI) également en 12, sans parler des aspects (harmoniques ou dissonants), on a là un modèle d'une certaine complexité mais évidemment moins complexe, on s'en doute, que la réalité qu'il est censé aider à décrypter.
Donc, dans le systéme "Nicola", la dimension conditionnelle intervient dans ce passage du dit modèle susdécrit succinctement à une appréhension d'une réalité donnée, par exemple dans le cas d’une personne face à son thème natal.
Cela dit, il nous a semblé comprendre que la notion de "conditionnement astrologique" véhiculée par la mouvance conditionaliste, signifiait que l'astrologie serait un conditionnement parmi d'autres, ce qui est une toute autre affaire, apparemment, que l'idée d'un concept s'accommodant de divers contextes, le concept étant ici central et non considéré au sein d'un ensemble multifactoriel, selon l'expression chère à Alain de Chivré.
C'est bien là, en effet, que le bât blesse du fait de la cohabitation de discours qui nous semblent a priori incompatibles et nous reposons donc notre problématique: est-ce que l'astrologie conditionaliste est conceptuelle tout en se prêtant, par la force des choses, à une certaine contextualité ou bien est-elle un conditionnement coexistant avec d'autres conditionnements?
Quelle différence cela fait-il? demandera-t-on. A entendre un certain nombre d'astrologues conditionalistes s'exprimer (voir par exemple le Colloque de 1987 et notamment l'intervention de Bernard Blanchet, dont nous publierons progressivement les actes en audio sur la télévision astrologique) par rapport à l'interprétation de thèmes de naissance, il nous est apparu, en effet, que leur intention explicative était relativement poussée. C'est ainsi que la Lune (en signe) sera modulée par les aspects qu'elle entretient dans le thème natal mais dans ce cas, les aspects constituent en eux mêmes un conditionnement. Bien plus, c'est le thème natal qui est bel et bien un conditionnement par rapport auquel chaque planète devrait être perçue.
Tout se passe, en fait, comme si, au bout du compte, le conditionnement de l'individu était déjà inscrit dans le thème natal ou du moins comme si chaque planète était conditionnée par ses rapports avec les autres facteurs du thème natal considéré. Dans ce cas, en effet, l'on peut être tenté de parler d'un conditionnement astrologique se juxtaposant ou se superposant à d'autres types de conditionnements mais n'en occupant pas moins une position assez centrale, du fait de ses propres ramifications, de la complexité du modèle de référence.
Pour notre part, nous pensons qu'un tel modèle, tel que celui présenté par l'école conditionaliste est trop complexe du fait même de ses ambitions à intégrer chaque astre du systéme solaire au sein d'un ensemble d'astres et de subdivisions diverses qui les encadrent et les modulent, dans une optique de solidarité et d'interaction.
Nous prônons, quant à nous, un modèle réduit à une seule planète se plaçant périodiquement en conjonction avec un certain nombre de balises sidérales, stellaires mais sans interaction entre les planètes. Autrement dit, les phases que connait la dite planète sont constantes, elles ne dépendent ni du cours des autres planètes, lequel introduirait toutes sortes de perturbations, ne se répétant pas à l'identique d'un cycle à l'autre, ni des positions au sein d'une série infinie de thèmes de naissance (autant que d'individus nés et à naitre!) .
On aura compris que pour nous si l'astrologie est un concept, elle ne peut proposer un systéme de panachage entre plusieurs planètes, elle doit s'en tenir à un seul cycle parfaitement récurrent, ce qui n'est permis que par la prise en compte d'étoiles et non de planètes. Le panachage du concept astrologique ne peut se concevoir qu'en aval au contact de divers conditionnements extra-astrologiques. L'idée même d'une astrologie pluri-conceptuelle-au sens du RET et de l'astrologie traditionnelle en général - fait problème en ce qu'elle présuppose une cohabitation et une interférence entre concepts au sein d'un seul et même modèle, ce qui constitue une contradiction dans les termes. Pour nous, les modulations qu'un concept subit ne sont pas pour autant dues aux seuls conditionnements externes. Le principe même d'un concept astrologique est la cyclicité, mais cette cyclicité doit se dérouler de façon rigoureuse et régulière et non de façon chaotique, ce qui se passe quand on se sert de plus de deux planètes.
Deux modèles resteraient donc acceptables, à ce stade : soit une astrologie monoplanétaire et pluristellaire, soit une astrologie biplanétaire, qui pourrait se passer, à la limite, de tout repérage zodiacal, se contentant des aspects entre les deux planètes considérées pour se structurer. On a le cas, évidemment, matriciel, du cycle soli-lunaire (qui a généré notamment le calendrier lunaire et ses variantes liées au cycle saisonnier). L'inconvénient du systéme biplanétaire, c'est que les conjonctions n'ont pas lieu constamment au(x) même(s) endroit(s) du ciel. C'est ainsi que le cycle Jupiter-Saturne fonctionne sur la base de conjonctions en trigone (120°) d'une fois sur l'autre, ce qui a conduit à établir un supercycle de 800 ans, à partir d'une série de cycles de 20 ans et de 200 ans. De même, évidemment, dans le cas du cycle soli-lunaire, l'on a abouti à 12 moments successifs, ce qui est à la base des 12 signes zodiacaux. Il n'en est nullement ainsi pour un cycle monoplanétaire, avec une régularité spatiale parfaite, du fait de l'immobilité relative des étoiles fixes qui le balisent.
Il apparait donc que le biplanétarisme comporte par lui-même toutes sortes de modulations, dont la plus connue est évidemment celle des "signes zodiacaux", générés pourtant par la reconduction, tous les mois, du cycle soleil-lune. Dans le cas du cycle Jupiter-Saturne, les commentateurs ont glosé sur le changement d'Elément, selon que la conjonction se produisait dans une série de signes de tel ou tel Elément (Feu, terre, air, eau).
L'on pourrait certes introduite de telles modulations, reconnaissons-le, dans le cas du cycle monoplanétaire, en attribuant à chaque étoile fixe signifiante une portée spécifique, qui varierait donc selon qu'il s'agit d'Aldébaran, Régulus, Antarés ou Fomalhaut. Or, bien qu'il y ait eu des tentatives pour différencier les dites étoiles, cela n'est jamais parvenu au stade qui est celui des planètes (dotées de leurs dieux respectifs, empruntés à la mythologie), des signes (liés à l'iconographie des activités saisonnières, comme dans les almanachs médiévaux, comme les Très Riches Heures du Duc de Berry) ou des maisons (rappelons qu'il existe aussi une iconographie des maisons, voir nos Recherches sur l'Histoire de l'Astrologie et du Tarot, Paris, La Grande conjonction, - Trédaniel, 1993). Pour nous en tout cas, nous ne cherchons pas d'autres modulations au cycle monoplanétaire que le principe binaire selon lequel tantôt il y a conjonction, tantôt il n'y a pas conjonction, le recours aux étoiles ne servant qu'à réduire le temps d'une conjonction à l'autre par quatre, évitant ainsi d'attendre que la planète ait parcouru un cycle entier, ce qui serait le cas si l'on ne considérait qu'une seule étoile fixe.
En ce sens, l'astrologie que nous proposons pourrait être pleinement qualifiée de conditionaliste, en ce sens que par la simplicité même de son modèle, elle ne prétend aucunement empiéter sur toutes sortes de "contextes". Mais des objections se présentent alors: comment faire ressortir, dégager un concept proprement astrologique à partir ou au sein de tant de conditionnements qui lui sont étrangers?
Et c'est précisément en raison d'une telle difficulté que l'astrologie conditionaliste a probablement été amenée, au cours de son histoire, à se développer de la façon susdécrite de façon à atteindre, en quelque sorte, une certaine masse critique. Et cela vaut pour la genèse de l'astrologie en général.
Grave question que celle de l'émergence de l'unité par delà la diversité des apparences et qui dépasse très largement le seul cas de l'astrologie! Elle est au cœur tant du monothéisme judéo-chrétien que de la philosophie grecque, donc de la civilisation occidentale et blanche (ce qui inclut l'Islam arabe). Mais même en Orient, l'exemple de l'éléphant perçu sous différents angles par des aveugles mais ne faisant finalement qu'un témoigne de cette quête d'unité, de retour à la source, au premier mobile. La révolution copernicienne n'est-elle pas de cet ordre là?
Comment donc procéder pour faire surgir le concept à partir de manifestations infiniment diverses? Cela ne tient-il pas précisément à la vertu unificatrice- de lien - du dit concept? Selon nous, l'astrologie fait lien dans le temps comme dans l'espace, en montrant que les hommes obéissent depuis des millénaires aux mêmes lois cosmiques. Il n'est donc pas de compromis possible : seule l'unité radicale peut faire pendant, pièce à la diversité la plus débridée. Seule une astrologie vraiment une peut être à la mesure d'une Humanité une.



JHB
28. 12. 09

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