lundi 8 mars 2010

Le thème astral est-il une machine?

par Jacques HalBronn


Il y a des gens qui sont plus capables de faire marcher un quelconque appareil que de connaitre leur propre mode d'emploi.
On le voit quand des personnes visiblement en mauvaise santé ou traitant mal leur corps - excès pondéral, manque d'exercice physique, difficultés sexuelles, problémes de sommeil par exemple - et ne cultivant pas leur esprit - manque de créativité- sont en revanche tout à fait partantes pour se servir de telle ou telle machine. Contraste souvent assez saisissant qu'une personne âgée dont le corps dépérit et est en piètre état, qui aurait du mal à aligner deux phrases de son propre cru offrant un quelconque intérêt -s'en tenant au service minimum - mais qui se débrouille très bien avec un ordinateur....
Un tel questionnement interpelle l'astrologue : car qu'est ce qu'interpréter une carte du ciel si ce n'est apprendre à faire marcher une machine qui serait en l'occurrence nous-mêmes? Au fond, on remplacerait la personne en chair et en os par une sorte de diagramme mathématique, géométrique et à partir de là la personne pourrait s'intéresser à nouveau à elle-même. Tel serait le véritable enjeu d'une astrothérapie à savoir contourner certains blocages.
On nous répliquera qu'un texte n'est pas une machine. Pour nous, la machine est apparue dans l'environnement humain très tôt et l'écriture a joué un rôle essentiel dans ce sens. A la différence de la parole, écrire exige toute une logistique pour inscrire des signes sur un support mais aussi invention d'un mode d'écriture (alphabets, idéogrammes). C'est pourquoi parler des Saintes Ecritures, des Tables de la Loi, c'est déjà se placer dans un monde technique sinon technologique alors que les hommes ont longtemps vécu dans une tradition orale, notamment les Juifs -(le Talmud n'était pas écrit à l'origine) On notera cependant que l'écrit aplanit les différences entre langues utilisant le même alphabet ou le même système de représentation comme en Chine, où les mêmes idéogrammes ont le même sens, mais peuvent correspondre à des dialectes totalement différents. L'alphabet arabe a servi pour le persan et jusqu'à la chute de l'empire ottoman pour le turc. L'alphabet latin aura connu une fortune considérable avec une application aux langues les plus diverses. A contrario, des langues proches sont séparées par le recours à des alphabets différents (russe et polonais, arabe et hébreu etc.)
Or, à l'évidence, le thème astral est un écrit, une carte du ciel, censée nous renseigner sur ce que nous sommes, sur notre fonctionnement interne, bref nous fournir un mode d'emploi assez détaillé et qui viendrait heureusement relayer et renouveler notre rapport à nous-mêmes. Il est des gens qui peuvent longuement parler de leur thème mais qui ont bien du mal à dire ce qu'ils sont sans son aide, à moins de se contenter de décrire de façon machinale leur agenda en cours..
La lecture n'est nullement un acte innocent ni inoffensif, on peut difficilement le qualifier de comportement naturel. Si l'on considère qu'un texte est une machine, savoir le lire, c'est faire marcher la dite machine. L'enfant qui apprend à lire se met ipso facto au service d'une machine et cela peut se faire aux dépens d'une bonne compréhension de son fonctionnement intérieur, à part, évidemment, ce qui est nécessaire à l'utilisation de la machine considérée. Le problème de la bouche (voir nos travaux sur ce que nous appelons la stomatique, dans le journal de bord du printemps 2009 et sur le site Grande-conjonction.org), c’est qu'elle sert aussi bien à s'exprimer qu'à exprimer un texte. D'où une fâcheuse ambigüité que l'on pourrait comparer, toutes proportions gardées, à celle qui concerne les organes sexuels de l'homme qui sont aussi des orifices d'évacuation de liquides non assimilés (idem chez la femme avec la proximité de l'anus, de l'utérus etc., dans une même région du corps). Toujours est-il que quand quelqu'un parle, on ne fait guère la différence entre le fait qu'il lise -(ou récite) un texte et le fait qu'il improvise complètement un propos. Beaucoup ne font pas la différence et il en est de même quand quelqu'un est placé devant un piano: qu'il improvise ou qu'il interprète une partition (double présence de la machine: le piano et les notes écrites), le mouvement des mains sera, apparemment, du même ordre. C'est dire à quel point notre corps est mobilisé au service de la machine et à quel point la machine peut en prendre possession à son service et ce d'autant plus que les humains sont complices quand la dite machine favorise une certaine imposture, pallie certaines carences du fonctionnement interne des dits humains. C'est un cercle vicieux!
De plus en plus, les humains semblent être beaucoup plus à l'aise dans le dialogue avec toute une gamme de machine, de celles qui font appel à eux comme de lire un texte à celles qui sont autonomes(un CD ou un DVD pour lequel il suffit d'appuyer sur une touche sur un "lecteur"), les appareils de reproduction (photo, cinéma, disque etc.) ont déchargé les gens de la corvée de les peindre ou de les transcrire. Le rôle de la psychanalyse pourrait être justement d'apprendre à se connaitre (selon la fameuse formule grecque). Tel est bien le dilemme: connaitre les objets et notamment les machines ou bien se connaitre? Car nous-mêmes, sommes d'une certaine façon des machines ou plutôt les machines sont faites à notre image, elles reproduisent une partie de ce que notre organisme est en mesure de réaliser, mais une partie seulement (voir notre texte "Tselem" sur le site hommes-et-faits.com).
En ce qui concerne donc l'astrologie du thème natal, il est légitime, pensons-nous, de prendre conscience de certains pièges d'autant que rien ne prouve que tel ou tel usage du thème natal est adéquat pour nous comprendre ou pour comprendre autrui.(voir le Colloque de Touloise des 20 et 21 mars 2010 "Du bon usage de l'astrologie").
En effet, si j'apprends à me servir d'un certain appareil et qu'il se met à "marcher" comme il convient, c'est une chose mais dans quelle mesure peut-on en dire autant de moi considéré comme un appareil dont le thème de naissance serait le mode d'emploi? On comprend la formule chère aux praticiens '"ça marche"....ce qui veut dire que cela a des effets, que le client "fonctionne "bel et bien sur la base du thème tel que l'astrologue le lui lit. Le thème serait une sorte de "Sésame ouvre-toi" (pour Ali Baba) et la porte de notre "moi", alors; s'ouvrirait....
Si l'on prend la question de la créativité, nous dirons qu'elle correspond en principe à une bonne connaissance de soi, de la mise en œuvre de nos potentialités. Maintenant, si au lieu de s'épanouir sur ce chemin, la personne aura opté pour la voie consistant à faire appel à toutes sortes d'aides mécaniques, il ne peut y avoir qu'une forme d'aliénation.(terme qui autrefois désignait les malades mentaux: asile d'aliénés).
Ce que tenterait, dans le meilleur des cas, de réaliser une certaine astrothérapie - nous utilisons pour notre part le terme cosmothérapie (voir "Clefs pour l'astrologie", deuxième édition, Paris, Seghers, 1993)- serait de trouver un compromis en passant par la case "mode d'emploi' d'un objet visualisable - ce qui est le propre de la machine alors que ce qui est interne à l'humain ne l'est pas, sauf pour les "membres", à savoir ce qui est en surface et qui justement est mobilisé et mobilisable par et pour la machine- on dit qu'un thème est un mandala, donc est doté d'une forme, d'un dessin. On passerait ainsi du visible à l'invisible, de l'externe à l'interne, de l'instrument à l'organe.
Mais la cosmothérapie prendrait tout son sens -(voir un séminaire sur ce thème, à la télévision astrologique avec Frédéric Caillard et Eric Premier) - si le thème n'était en fait qu'un prétexte, un moyen pour amener la personne à s'intéresser directement à elle-même et non par le truchement d'un objet censé la représenter. Il importerait alors peu que le thème intrinsèquement - et selon l'ordinateur- soit porteur ou non de telle ou telle indication - vu que ce qui compterait serait la compréhension qu'en ferait, in fine, le "patient", amené par la force des choses à s'explorer et qui aurait le dernier mot.
La cosmothérapie, on l'aura compris, deviendrait alors une sorte de para-psychiatrie, et le cosmothérapeute travaillerait en cheville et sous le contrôle d'un psychiatre ou en tout cas d'un psychothérapeute recommandé par une instance. Par delà la question de l'astrologie, il s'agirait là de s'intéresser à cet objet qu'est le thème natal -(nous parlons de thématologie) et à la limite l'utilisation du dit thème pourrait s'enseigner dans le cursus psychologique universitaire, au même titre que le test de Rorschach, c'est à dire comme un exercice, un travail projectif à l'intention de personnes qui ont été mal sevrées et ont été trop tôt précipitées dans le monde des machines, notamment du fait d'un apprentissage prématuré de la lecture et de l'écriture, lequel est déjà provoqué par l'omniprésence du livre dans le rapport des parents à l'enfant, ce qui dénote déjà un problème chez les parents ou l'un des parents (souvent la mère). Il y aurait selon nous, ainsi transmise d'une génération à l'autre, une pathologie de la lecture -une bibliopathologie pourrait-on dire - qui pourrait prédisposer l'enfant à se référer, par la suite, au thème natal comme mode de passage obligé de retour à soi. D'où une campagne que l'on pourrait lancer au sujet de la place du livre dans le monde de l'enfance, d'autant que le livre pour enfants est une véritable industrie. C'est en fait l'excès de stimuli visuels qui fait problème en ce que le visuel prendrait le pas sur la parole, laquelle lui serait, en quelque sorte, asservie. On ne pourrait plus parler que sous la tutelle de l'écrit, du texte préétabli. Nous avons, pour notre part, fréquenté depuis quelque temps des groupes de lecture (Cave à poèmes, par exemple) où les prises de parole sont carrément cantonnées à la lecture ou à la récitation (par cœur) de textes, qu’ils soient écrits par tel auteur ou par l'intervenant lui-même. Faut-il y voir des lieux de thérapie ou au contraire des lieux où un simulacre d'expression spontanée donne le change, où la pure improvisation serait obscène, où un échange libre entre les participants serait tout à fait exclu, comme dans le cas d'une table ronde, d'un débat. Il nous a semblé que de tels groupes de lecture (ou de chanson), s'apparentent assez bien aux réunions astrologiques que nous connaissons (on pense au groupe de Didier Geslain par exemple où un groupe d'astrophiles étudient, à la suite, une série de thèmes de personnages plus ou moins connus). Nous serions en présence d'un relationnel impliquant le recours à des accessoires que sont les objets, ce qui, évidemment, nous fait songer à ces rapports sexuels faisant appel à tel ou tel instrument pour qu'ils puissent être pleinement accomplis, le sexe étant précisément un domaine qui relève a priori de notre fonctionnement interne. L'intrusion de l'objet, quel qu'il soit, comme condition de notre mode de fonctionnement, est un symptôme très remarquable d'un mauvais sevrage, même s'il se présente comme doté d'une dimension culturelle : que n'a-t-on pas écrit sur la question de l'alphabétisation comme marque de civilisation? Sans vouloir nous référer à Dune (voir nos textes à ce sujet), il importe en tout cas de préserver l'enfant, aussi longtemps qu'on le pourra, d'une perte de contact avec lui-même de façon à ce qu'il poursuive librement l'exploration de son être le plus longtemps possible.
On comprend mieux ainsi le caractère hypermathématique du thème natal qui culmine avec la synastrie, c'est à dire la comparaison de thèmes, degré par degré, par le calcul des aspects et des transits qui font songer à un mécanisme horloger plutôt qu'à un être humain.








JHB
21. 01. 10

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