lundi 12 avril 2010

L'astrologie et la dialectique du un et du tout

par Jacques HalBronn

Avec Internet, l'humanité se rapproche d'un certain idéal de totalité. Mais l'on ne peut que constater que le livre résiste bien à la Toile parce qu'il implique des choix en aval, l'onction, l'engagement d'un éditeur. Mais avant qu'Internet n'existât et ne se répandît, les manuscrits restaient dans les tiroirs. Aujourd'hui, on trouve ces textes ignorés ou rejetés par les comités de rédactions sur des blogs.
Il ne suffit donc pas que quelque chose existe pour qu'elle exerce nécessairement une influence significative. Analogiquement, nous dirons qu'Internet, c'est l'astronomie et le livre mis en avant par les éditeurs l'astrologie, ce qui implique un tri, une sélection. Rien ne serait donc plus faux que de croire qu'astronomie et astrologie ne font qu'un, puisque l'astrologie tend par définition à se démarquer de l'astronomie, du fait qu'elle opère des choix dont l'astronomie semble incapable, tout comme Internet n'est pas fait pour choisir mais pour recueillir en vrac.
Or, bien des astrologues semblent incapables de "penser" le choix voire de comprendre la nécessité existentielle (de ex, qui signifie extraire, tirer hors) du choix, même si dans les arts divinatoires, on fait des tirages sauf précisément en astrologie. Certes, le thème astral est-il une forme de "tirage" mais ce ne sont pas les hommes qui l'effectuent puisqu'il est dicté par les données de naissance.
Il y a deux populations à bien distinguer: ceux qui se situent dans une certaine grégarité, un peu comme les moutons de Panurge et qui se rassurent mutuellement en soutenant les mêmes opinions et ont conscience de leur force collective, quelle que soit les dites opinions du moment qu'elles sont partagées consensuellement et puis il y a l'ensemble des fortes individualités qui n'hésitent pas à prendre le contrepied de la tendance dominante et ambitionnent à terme de faire passer leurs idées à la masse, avec laquelle ils entretiennent des relations complexes d'amour/haine, de fascination/rejet, le leader parvenant éventuellement à dompter la dite masse et à l'unir autour de lui et non autour d'une synthèse hétérogène.
Le leader apparait aux yeux de la première population comme un mal nécessaire et dont on accepte difficilement de reconnaitre l'importance tant son attitude relève d'une autre logique et d'un autre fondement. Le leader ne va pas s'appuyer sur le dit consensus mais sur une intime conviction et sur une motivation (c'est à dire d'un mouvement) intérieure.
Or, précisément, l'astrologie est directement liée à la cyclicité d'une telle motivation intérieure et c'est pour cette raison que nous soutenons que les leaders sont l'objet principal de l'astrologie, étant entendu qu'il vient un temps, au cours du cycle, où la masse trouve une dynamique qui lui est propre, si ce n'est qu'elle n'est que le reflet de l'énergie dégagée par les leaders, un peu partout dans le monde, à la façon dont la lune reflète le rayonnement solaire. Notons qu'en astrologie, la Lune représente la foule.
On aura compris que celui qui appartient à la population "panurgienne" aura quelque difficulté à comprendre la démarche viscérale du leader à commencer par la légitimité de celui-ci, plus ou moins autoproclamée. Pourquoi lui parmi tant d'autres possibles?
Or, si l'on veut comprendra la genèse même de l'astrologie, il importe de se rendre compte qu'elle aura exigé des choix forcément arbitraires, à partir du moment où l'on ne pouvait considérer toutes les configurations existantes. Mais justement, il existe une certaine pratique de l'astrologie, qui de facto assume une telle pluralité de par l'étude de chaque thème, des transits qui l'activent et dans ce cas l'astrologie n'aurait pas à choisir.
Cependant, il y a là quelque paradoxe en ce que, ce faisant, chaque personne serait dotée d'un thème natal différent de celui des autres (voir le début de la conférence de Jacky Alaiz, sur la télévision astrologique), ce qui va à l'encontre d'un vécu collectif, impliquant un même comportement ou un même sort pour une très grande quantité de gens en un temps très court.
Tout se passerait, donc, comme s'il y avait eu un détournement du thème natal, au départ réservé à une élite, au profit du commun des mortels, problématique que l'on retrouve dans l'Histoire du monothéisme, avec le passage d'un peuple élu à l'idée d'une religion universelle (ce qui est le sens du mot catholique), s'adressant; a priori, à tous et qui tient en partie à un processus mimétique de reflet, comme décrit plus haut. L'important est de ne pas s'égarer dans cette galerie des glaces et de ne pas confondre la poule et l'œuf, l'arbre et ses fruits. L'Hiver est précisément là pour nous rappeler annuellement - et la nuit quotidiennement- que la diversité est un mirage, un leurre qui correspond à la "vue" qui va se porter sur les détails les plus infimes (jour, Eté) alors que l'Hiver fait ressortir la centralité du tronc et la dépendance des branchages-pour ne pas parler du feuillage - par rapport au dit tronc, tout comme la nuit fait disparaitre toutes sortes de nuances.
Il y a là quelque étrange renversement, convenons-en, dans la mesure où d'un côté le tronc est semblable à un soleil dont tout découle et que de l'autre, le soleil généré une illusion de diversité ou du moins en accentue et en exacerbe l'apparence. C'est en fait quand le soleil se retire que la centralité du tronc se manifeste, cela tient à sa générosité, sa fécondité qui se retourne contre lui. C'est, en fait, quand le soleil disparait, se retire, s'exile, que son rôle devient le plus tangible! Et c'est cela qui anime la cyclicité!
Or, nous pensons que l'astrologie s'est construite sur une cyclicité centrale et qu'elle ne se définit point par une multitude de cycles, comme le croient tant d'astrologues. Mais là encore nouveau paradoxe, l'astrologie s'est construite contre le soleil ou plus exactement elle en a gardé le principe de centralité tout en transposant la valeur solaire sur une série d'étoiles fixes, la lune étant, quant à elle relayée par Saturne, dont le cycle est d'un rapport d'un jour pour un an, soit grosso modo, 360 fois plus lent, et l'apport de l'astrologie est justement d'apporter une toute nouvelle temporalité que celle qui préexistait depuis des millions d'années.
Celui qui appartient à la "masse" est d'ailleurs, dans nos sociétés, invité, convié à faire des choix, lors des élections et ce faisant à manifester collectivement sa force. Nouveau paradoxe puisque c'est cette "union" (qui fait la force) qui est censée permettre un choix qui semble contradictoire avec l'idée du collectif! Inversement, le personnage "solaire" ne s'adresse-t-il pas in fine à la masse? Dialectique complexe qui en aura égaré plus d'un!.
En pratique, tout cela ne fonctionne pas trop mal si ce n'est que le discours sur l'astrologie, quant à lui, est à l'évidence perturbé sous sa formulation actuelle et notamment du fait de l'importance exorbitante accordée à l'idée du thème natal individuel, "l'horoscope pour tous", comme disent certains manuels. Il faut rendre à César ce qui est à César et donc le thème aux seuls chefs. Mais comment savoir, nous dira-t-on, qui sont les "heureux" détenteurs d'un thème natal et plus largement d'un lien direct avec le cosmos revu et corrigé par l'astrologie? D'aucuns répondront, naïvement, qu'il faut pour cela examiner le thème! Ce qui est absurde puisque le thème n'est valable que pour certains!
Nous répondrons que, globalement, cela n'a pas beaucoup d'importance car ce qui compte avant tout, c'est la dynamique générale du système, à savoir qu'au moment de la conjonction de Saturne avec l'une des quatre étoile fixes - ou plutôt dans l'orbe considérable avant et après la dite conjonction (voir nos textes sur le semi-octile de 20°30') - certaines personnes sont particulièrement touchées : pour nous il n'existe que deux saisons et non quatre, deux d'entre elles n'étant que des points d'interaction (voir notre entretien avec Jo Cohen sur la télévision astrologique qui montre que l'univers fonctionne sur une polarité et des interactions à l'instar des deux solstices et des deux équinoxes : gravitation, électromagnétisme, interaction forte, interaction faible). Cette sensibilité particulière au cosmos - que l'on retrouve par exemple avec les personnes réagissant à la pleine lune - signe le leader "solaire", au sens astrologique et cosmocratique du terme. Cela signifie qu'épistémologiquement, il n'est pas question de mettre à l'épreuve les lois astrologiques sur des personnes qui ne sont pas concernées ou dont on ne sait si elles le sont; Gauquelin avait empiriquement contourné le problème en réalisant ses statistiques sur des annuaires de personnes ayant particulièrement brillé dans leur profession. Il faudrait en faire de même, au niveau cyclique, pour les leaders d'envergure étant entendu que ce leadership doive s'exercer dans le cadre conjonctionnel. Car le terme de leader peut être galvaudé et désigner des meneurs qui correspondent, au contraire, à la phase disjonctionnelle mais dont la dynamique ne doit rien, cette fois, au comos astrologique. Etant donné que l'ère astrologique est tardive, elle est elle-même en dialectique avec l'ère qui l'a précédée et qui se perpétue relevant la tête chaque fois que la phase conjonctionnelle faiblit. On a là affaire à un phénomène de symbiose entre des "mutants" astrologiques et une population de base qui se soumet, avec plus ou moins de bonne grâce, à leur pouvoir, tout comme, en Angleterre, les saxons durent se soumettre à une aristocratie normande, venue d'ailleurs ou comme les patois durent , à terme, accepter le poids du français de la Cour (du roi Soleil).
En conclusion, nous dirons que le principal souci, actuellement, pour l'astrologie est de rendre celle-ci à ceux que cela concerne, quitte à ce que l'astrologie "solaire" des journaux continue à tenir son office pour des discours collectifs autour du signe zodiacal, ce qui est beaucoup plus honnête, finalement, que l'affirmation selon laquelle chaque personne dépendrait des planètes (et non pas seulement du soleil), transsaturniennes comprises. En ce qui concerne ces dernières, on relèvera le tour de passe passe consistant à affirmer que celles-ci correspondent à des changements majeurs pour l'Histoire de l'Humanité moderne en concluant que ces astres figurent dès lors ipso facto dans le thème de naissance de tout un chacun. Il y a là en vérité un empiétement fâcheux!
Est-ce à dire qu'il importe que les astrologues renoncent à dresser les thèmes de leurs clients? Nous dirons que l'on bascule alors dans l'astromancie, avec le recours à un thème foisonnant intégrant indistinctement toutes les planètes du système solaire, ce qui peut alimenter l'imaginaire du praticien! L'important -(voir notre entretien avec Jo Cohen et Laurent Cremadeils (alias Milo Baya)- c'est que ces pratiques qui se marient fort bien avec le tarot et autres pratiques divinatoires - ne se présentent plus comme de l'Astrologie -et c'était déjà le souhait de Ptolémée- encore que la Tétrabible soit truffée d'astromancie mais nous pensons pour notre part que seul le Prologue de cet ouvrage est de Ptolémée- de ne pas accepter comme étant partie d'un seul et même corpus tout ce qui porte le nom d'astrologie. L'astrologie doit donc se délester d'une grande partie de ce qui se présente sous son nom ainsi que de toute une population qui ne dépend pas de son système. C'est à ce prix qu'elle devrait trouver la place qui lui revient, au cours des deux prochaines décennies du XXIe siècle.
En conclusion, nous dirons que ceux qui soutiennent que le système solaire dans son intégralité, y compris donc les facteurs ignorés de l'Antiquité, doit impliquer l'astrologie sont des personnes qui ont un problème avec le processus du choix. D'ailleurs, cela ressort à toutes sortes de niveaux: lorsque nous disons que l'astrologie ne concerne au premier chef qu'une population restreinte, l'on nous demande comment déterminer qui en fait partie ou non. On nous affirme que c'est par le thème qu'on le saura, ce qui est une aberration puisque toute la question est justement de savoir qui est doté d'un thème. A la rigueur, un astrologue pourrait servir à décider qui parmi ses clients relève de l'astrologie au lieu de partir du principe que c'est le cas de tous (voir notre entretien avec Christine Badier et Mireille Petit, sur la télévision astrologique). On notera aussi que nombreux sont les astrologues qui sont incapables de définir le créneau propre à l'astrologie, là encore incapacité à choisir. Autrement dit, à entendre la plupart des astrologues, l'astrologie concernerait tout le monde pour traiter de toutes choses en se servant de toutes les planètes. Si ce n'est pas là le symptôme d'une incapacité à penser la notion de choix....Et voilà des gens qui vont proposer, paradoxalement, d'aider leurs clients à mieux se connaitre, donc à faire des choix parmi toutes les identités possibles ainsi qu'à se diriger dans leur vie, ce qui exige aussi de se fixer des buts et des temps, ce qui relève encore du Choix. Il y a bien là un problème de crédibilité à savoir qu'un savoir qui manifestement ne sait pas se situer, ni situer son domaine et sa cible, si ce n'est tous ceux qui font appel à lui, à plus ou moins bon escient. Il faudrait déjà que l'astrologie fasse le ménage devant sa porte avant de prétendre le faire chez les autres!


JHB
01. 02. 10

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