samedi 1 mai 2021

Jacques Halbronn La fabrication des fausses rééditions nostradamiques

La fabrication des fausses rééditions nostradamiques par Jacques Halbronn La thèse qui désormais nous semble la plus probable en ce qui concerne la genése des éditions « centuriques » est celle du recyclage- autour de trente ans plus tard – de la production de Nostradamus. Nous avons déjà abordé cette question dans un texte intitulé « du Nostradamus premier au Nostradamus bis » mais nous n’avions pas encore pris toute la mesure de l’entreprise et ne nous étions pas encore posé toutes les bonnes questions. La position que nous présentons ici est liée à une étude des quatrains « présages », c’est à dire de ceux parus dans les almanachs et qu’il faut distinguer, jusqu’à un certain point des quatrains « centuriques » L’édition Chevignard du Recueil des Présages Prosaïques comporte deux lacunes (cf les Présages de Nostradamus, Ed Seuil 1999). L’une tient à ce qu’elle ne distingue pas entre les almanachs et les pronostications, les textes appartenant à ces deux catégories s’enchainant sans que l’on marque une quelconque limite. Il est certes possible que le manuscrit ne comporte pas de tels marqueurs mais cela ne dispense pas de les souligner dans le cadre d’une édition crituque. Prenons l’exemple de l’année 1555 qui va nous occuper plus loin. Sous le titre « Des présages de l’an 1555 » (p. 218 et seq)on nous présente en fait la pronostication que l’on reconnaît au fait qu’elle se structure selon les 4 saisons et non mois par mois, depuis le printemps jusqu’à l’hiver. Puis l’on passe, sans prévenir à l’almanach avec dans la même page la fin de la pronostication et le début de l’almanach, ce que l’on reconnaît à une division mois par mois, de janvier à décembre. Or, Chevignard n’indique à aucun moment quand on est dans la pronostication et quand on est dans l’almanach, ce dernier étant marqué par des quatrains, ce qui n’est pas le cas de la pronostication. Pas plus n’indique-t-il les années où l’almanach est présenté sans quatrains. On aurait ainsi pu noter que pour l’an 1556, on ne disposait que de l’almanach mais sans quatrains (p.252) L’autre lacune de cette édition est qu’elle ne mentionne pas les Epitres introductives. Dans nos Documents Inexploités sur le phénoméne Nostradamus (2002), nous avons reproduit en fac simile une Epitre à la Christianissime Catherine reine de France (pp. 192) placée en tête de l’almanach de l’année 1557 et datée du 13 janvier 1556. Quant à la Grande Pronostication nouvelle et portenteuse de prédiction pour l’an 1557, elle est dédiée à Antoine de Bourbon, roi de Navarre alors que les Présages Merveilleux pour 1557 comportent une épitre au roi Henri II. Soit trois épitres pour l’an 1557 – que nous avons toutes reproduites – et l’on peut raisonnablement supposer que ces diverses publications annuelles étaient toutes introduites par quelque épitre ou préface. Qu’elles ne figurent pas dans le Recueil des présages prosaiques est une chose, que l’on puisse s’en passer en est une autre car lors des rééditions des années 1580, il est clair que nous avons affaire à des épitres recyclées. Or, pour 1555, nous avons le texte des Prophéties de Du Pavillon (1556) qui reprend des passages d’une épitre de Nostradamus à César tout comme pour les Présages Merveilleux pour 1557, nous avons une reproduction phototographique du début de l’ épitre à Henri II, dans le Testament de Nostradamus par D. Ruzo (Ed. Rocher 1982) que Chevignard ne signale même pas.Pour la pronostication pour 1555, Chevignard (p. 218) signale l’épitre dédicatoire à Joseph des Panisses, prévot de Cavaillon, en date du 17 janvier 1554 (dont Ruzo donne la page de titre mentionnant le dédicataire). Il note que « c’est première qui contienne des quatrains prophétiques » si ce n’est que c’est l’almanach annuel qui en contient et non la Pronostication tout comme c’est la Pronostication qui comporte une vignette en frontispice et non l’almanach. Dès lors si Couillard s’en prend à l’adresse de Nostradamus à son fils César, cela ne pouvait être en tête de la Pronostication dédiée au prévot de Cavaillon mais bien plutot au début de l’almanach pour la même année 1555. Il reste que le dit Recueil des présages prosaiques – titre étonnant puisqu’il comporte des quatrains- n’en est pas moins d’un usage précieux si l’on sait en tirer parti,à condition de compléter, autant que faire se peut, par d’autres sources. Chevignard note avec raison, on l’a dit, que les quatrains des almanachs ne sont pas apparus avant la production pour l’année 1555. Ce point ressort d’ailleurs dans les éditions des Présages qu i accompagneront les Centuries au XVIIe siècle : Ci dessous la reproduction de leur présentation où l’année 1555 est mise en exergue : En effet, 1555 est précisément l’année de la première édition des Centuries de Nostradamus, Lyon, Macé Bonhomme. Il ne semble pas que ce point ait été signalé par Benazra ou par Brind’amour dans leurs introductions respectives à l’édition Macé Bonhomme (1984 et 1996). Or, selon nous, la Préface à César en tête de la dite édition aura d’abord été placée en tête de l’almanach de Nostradamus pour l’an 1555 et c’est de ce texte que traite à sa façon un Antoine Couillard Du Pavillon, dans ses »Prophéties » (1556) – cf Benazra, RCN, pp. 18-19. qui parle d’un pastiche. Nous avons montré dans un précédent texte que le dit pastiche n’était pas en phase avec le contenu des Centuries pas plus d’ailleurs que la Préface à César qui introduit le « premier volet ». Tout indique que c’est cet almanach pour 1555 qui aura servi de modèle pour le premier volet, tant pour la Préface à César que pour les quatrains qui y apparaissent pour la première fois. C’est un exemple de passage du Nostradamus premier au Nostradamus bis. Mais Nostradamus ne produit pas de quatrains pour l’an 1556 et les reprend pour l’année suivante 1557 et au delà. Or, on a dit que Nostradamus, dans ses Présages Merveilleux, s’adresse à Henri II, comme cela figure d’ailleurs sur la page de titre. L’édition suivante de celle de Macé Bonhomme se situe justement chez Antoine du Rosne en 1557. Selon nous, ces deux éditions auraient du totaliser 7 centuries complétes donc 700 quatrains et la moitié est 350, ce qui correspond à peu près au volume de la première édition. Le RCN nous montre d’ailleurs (p. 122) que des quatrains furent ajoutés d’une édition à l’autre si l’on considére la production des années 1588-89. Mais au bout du compte, le premier volet à 7 centuries ne dépassera pas la moitié d’une centurie pour la VIIe et dernière. La question que nous poserons à présent est la suivante : est-ce que l’épitre à Henri II remaniée à partir de celle ayant figure en tête des Présages Merveilleux n’aurait pas initialement introduit la deuxième partie du premier volet, débutant à la moitié de la Centurie IV vu que le projet au départ se limitait à sept centuries ? Une telle édition, certes, n’a pas été conservée. On aura préféré utiliser la nouvelle Epitre à Henri II pour ouvrit un second volet comportant 3 centuries et non pas 350 quatrains à moins de prendre en compte les 58 sixains qui seront ajoutés par la suite (sur ce sujet cf la production de Morgard, in Documents Inexploités 2002) Mais selon nous, au départ, la Préface à César devait correspondre à une production pour l’année 1555 et l’épitre à Henri II, remaniée par rapport à celle des Présages pour 1577 à une production pour l’année 1557..Lors de la production des éditions antidatées, il n’est pas apparu opportun de conserver la dite Epitre au Roi en tête de la seconde moitié du premier volet puisque l »idée de second volet avait été transférée pour un nouveau lot de 3 centuries ! Il suffisait en fait de changer le contexte , le texte retouché est devenu le suivant : ‘je viendrais consacrer ces trois centuries du restant de mes prophéties, parachevant la miliade ». Mais on ne connait pas d’édition antérieure à 1568 à 10 centuries – qui est posthume – comportant ce texte. Contrairement à ce que nous avons pu écrire par le passé, il est clair que la première option aura été de produire des éditions prétendument parues du vivant de Nostradamus. D’ailleurs, celle de 1568 ne se présente nullement comme posthume et ne mentionne en son titre ni la mort de Nostradamus ni l’Epitre au Roi. On est là en présence d’une solution de continuité visant à intégrer des centuries supplémentaires en déplaçant l’Epitre au Roi qui se trouvait en tête de la seconde moitié du premier volet, dans la Centurie IV, pour qu’elle vienne ouvrir un second volet bis. Initialement, l’ajout à la Ive centurie était indiqué dans les éditions parues sous la Ligue après le 53e quatrain. (cf Nostradamus – L’édition Regnault 1561, modèle des éditions parisiennes facétieuses de 1588-1589 cura.online.fr) On s’interrogera à présent sur le rôle de Jean Aimé de Chavigny dans cette entreprise de réédition contrefaite. Dans son RCN (pp. 118 et seq) Benazra signale à propos des additions à la VIIe cenrurie que des quatrains des almanachs ont été intégrés dans les éditions centuriques parues sous la Ligue et appartiennent en fait à l’almanach pour 1561. Encore fallait-il en 1588-89 avoir acccès au dit almanach parue un quart de siècle plus tôt. L’on pense immédiatement au Recueil des présages prosaïques dont Chavigny avait certainement un exemplaire puisqu’il en était l’éditeur (cf nos Annexes iconographiques). Robert Benazra apporte un élément d’appréciation à propos des rapports entre quatrains-présages des almanachs et quatrains centuriques.(cf RCN, pp. 130 et seq et pp 156 et seq) Benazra note que l’on trouve deux quatrains qui manquent à dans le dit Recueil édité par Chavigny : le premier « D’un présage pour la dite année « figure en tête du Recueil ( d’Esprit divin etc) et il est suivi d’un autre quatrain « de l’Epistre liminaire sus la dicte année » « La mer Tyrrhenne etc) (cf reprint Nice 1981 Annexes p. XI) Benazra trouve des points communs entre ce quatrain et le 59e de la Iie Centurie, ce qui viendrait confirmer que les quatrains des almanachs ont pu servir de modèle pour ceux des Centuries. Mais Benazra se contente de soupçonner Chavigny d’avoir fabriqué le quatrain de l’almanach et non l’inverse ! Chevignard, p. 113 Epistre liminaire sur l’an 1555 La mer Tyrrhene, l’Océan par la garde Du grand Neptun & ses tridens soldars Provence seure par la main du grand Tende Plus Mars Narbon l’heroiq de Vilars Quatrain 59 de la deuxiéme centurie (donc dans la première partie du premier volet (déjà chez Macé Bonhomme 1555) Classe Gauloyse par apuy de grand garde Du grand Neptune & ses tridents souldars Rousgée Provence pour obtenir grand bande Plus Mars Narbon par iavelotz & dards On capte le procédé de transformation du quatrain présage en un quatrain centurique avec le maintien des rimes Le seul verset qui n’aura pas changé est le deuxiéme Du Grand Neptune & ses tridents souldars. Quant au quatrième verset, il commence pareillement : Plus Mars Narbon. Le premier verset dans les deux cas se termine par « garde ». Rappelons que selon nous les quatrains des almanachs se contentent de paraphraser les textes en prose correspondants ; On trouve ainsi « Le grand Neptune » (Chevignard, p 224, n° 292) de la Pronostication pour 1555, à l’automne. Mais la même formule se retrouve pour l’almanach au mois de Mars (Chevignard, n°445, p. 242) et encore au mois d’aout (Chevignard n° 471p. 244) Mais dans le Recueil, il y a deux almanachs pour 1555 l’un avec quatrains et l’autre sans et c’est dans ce dernier que l’on a des récurre,ces du du « Grand Neptune ». « D’un autre présage sur la mesme année » (Chevinard, p 241) JHB 01 05 21

Aucun commentaire: