Etudes de Critique biblique, astrologique nostradamiquej et linguistique.
lundi 21 octobre 2024
jacques halbronn Critique biblique Parallélismes.. Des menaces sur les naissances de Moise et de Jésus et de leurs missions respectives assignées vers les Enfants d'Israël.
jacques halbronn Critique biblique Parallélismes.. Des menaces sur les naissances de Moise et de Jésus et de leurs missions respectives assignées vers les Enfants d'Israël.
Dans le Livre de l'Exode, le récit de la rencontre entre Moise et les Enfants d'Israel suscite un certain nombre d'interrogations. Moïse, nous dit-on, est envoyé par un certain dieu vers un certain peuple. Mais est ce ou non son peuple ou seulement celui de ce Dieu dont il s'agit? Dans notre ouvrage "Le monde juif et l'astrologie. Histoire d'un vieux couple" (Ed Arché, 1985), nous avons signalé des narratifs comparables concernant la circonstance des naissances, ce qui est notamment le cas de celles de Moïse et de Jésus (cf Evangile de Mathieu II, 13) comme nous avons montré que les premières éditions des Centuries de Nostradamus des années 1550 avaient été reprises des éditions des années 1580!
Sur le web
"Fuite en Égypte
Mathieu 2, Evangile Mathieu verset 13 Après leur départ, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » 14 Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, 15 où il resta jusqu’à la mort d’Hérode, pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : D’Égypte, j’ai appelé mon fils.
"D’Égypte j’ai appelé mon Fils
Tout comme le patriarche Joseph (Genèse 37.40) et au moment de l’annonce de l’enfant (1,18-25), l’époux de Marie, bénéficie d’un songe divin le prévenant du danger à venir et du salut donné. Face au projet mortifère d’Hérode, Dieu permet, la parole de son ange, de préserver la vie du Fils. L’intervention divine écarte l’enfant du danger. La révélation de l’identité royale (et divine) de Jésus, grâce à l’Écriture et aux mages (2,1-12) anticipe la confrontation entre le pouvoir mondain et le pouvoir divin lors de la passion : 26, 53 Penses-tu que je ne puisse faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges ? Mais, l’une des fonctions de ce passage est d’associer l’enfant Jésus à la figure de Moïse et à la délivrance, par Dieu, des fils d’Israël. Ainsi, l’opposition entre la famille de Jésus et Hérode n’est pas sans évoquer le combat de Pharaon contre les Hébreux (Ex 7-15).
De même, le passage cité du prophète Osée (Os 11,1 D’Égypte j’ai appelé mon fils) associe le sort de Jésus (mon fils) à celui du fils désignant collectivement les fils d’Israël, sous le calame du prophète. Jésus fuit la fureur d’Hérode, comme Moïse et les Hébreux celle de Pharaon.
De même, comme Moïse avait survécu aux enfants hébreux, Jésus survivra (2,16-18) aux massacre des enfants de Bethléem. Et comme Moïse sortit d’Égypte pour libérer son peuple, au nom du Seigneur, Jésus et sa famille sortiront aussi d’Égypte (2,19-23) et commencera alors le ministère salvateur de Jésus."
En fait, le paralléle est double puisque non seulement, on nous parle de deux naissances sous pression mais, dans un second temps, il est question de missions assignées pour guider certaines populations en priorité et comme par hasard, il s'agit des mêmes, à savoir les Enfants d'Israel (Exode III) les brebis perdues de la maison d'Israel :
Evangile Mathieu X, 1-7)
5 Tels sont les douze que Jésus envoya, après leur avoir donné les instructions suivantes: N'allez pas vers les païens, et n'entrez pas dans les villes des Samaritains;
6 allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël.
7 Allez, prêchez, et dites: Le royaume des cieux est proche.
Sur le web
"Au chapitre 15 de Matthieu, en terre étrangère, une femme cananéenne crie à Jésus car sa fille est cruellement tourmentée par un démon. Jésus lui répond « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Contrairement à certains commentaires, ces "brebis perdues" ne visent aucunement la maison de Juda, à laquelle appartient Jésus mais bien les descendants des schismatiques, à la mort de Salomon, des siècles auparavant.
On avouera que le paralléle est bien troublant et notamment du fait de la juxtaposition du récit de la naissance et de celui de la mission attribuée à Moise lors de l'épisode du Buisson Ardent (Exode III)
ט וְעַתָּה, הִנֵּה צַעֲקַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל בָּאָה אֵלָי; וְגַם-רָאִיתִי, אֶת-הַלַּחַץ, אֲשֶׁר מִצְרַיִם, לֹחֲצִים אֹתָם. 9 Oui, la plainte des enfants d'Israël est venue jusqu'à moi; oui, j'ai vu la tyrannie dont les Égyptiens les accablent.
י וְעַתָּה לְכָה, וְאֶשְׁלָחֲךָ אֶל-פַּרְעֹה; וְהוֹצֵא אֶת-עַמִּי בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, מִמִּצְרָיִם. 10 Et maintenant va, je te délègue vers Pharaon; et fais que mon peuple, les enfants d'Israël, sortent de l'Égypte."
D'aucuns soutiendront que cela "prouve" que l' Ancien Testament préfigure le Nouveau mais l'on peut se demander s'il ne s'agirait pas plutôt d'un calque, dans un sens ou dans l'autre. Il ne serait pas totalement absurde de penser que l'histoire de Moise aurait pu être copiée sur celle de Jésus, par delà la chronologie proposée par la Bible.Rappelons que selon nos travaux les éditions des Centuries des années 1580 auraient été à l'origine des éditions des années 1550! JHB 21 10 24
La méthode typologique appliquée à la Bible sur une base iconographique.
Sur le web
"La méthode typologique
La méthode typologique (aussi appelée allégorique, symbolique, doctrine de la concordance) est une lecture de l'Ancien Testament à la lumière du Nouveau. L’Ancien Testament préfigure le Nouveau. Il contient des types (ou préfigures) annonçant les thèmes (antitypes, figures) du Nouveau.
Exemple : le baptême du Christ (Nouveau Testament) est annoncé par la traversée de la mer Rouge (Ancien Testament). Dans les deux thèmes, on passe d'un monde ancien à un monde nouveau par la purification de l'eau. Le parallélisme peut être poursuivi dans les scènes qui suivent cet épisode :
Traversée du désert par les Juifs <---> Retraite du Christ dans le désert
(quarante ans) <---> (quarante jours)
Tentations des Juifs <---> Tentations du Christ
Moïse reçoit les lois <---> Premier sermon du Christ
sur le mont Sinaï <---> sur la montagne
Idée générale : dans la perspective chrétienne, il n'y a qu'une seule parole, celle de Dieu. Les deux Testaments disent donc la même chose, l'un sous forme cryptique, l'autre dévoilée. La volonté démonstrative est clairement antijudaïque et se retrouve dans la littérature du temps : dans les mystères de la Nativité, les Juifs sont appelés à témoigner un à un par leurs prophètes. Ils doivent reconnaître qu'ils ont été aveuglés : tout était contenu dans leurs textes sacrés, mais ils n'avaient pas su le lire. Les types ou préfigures (faits antérieurs à l'Incarnation) se réalisent dans les antitypes ou figures (vie du Christ). Les scènes de l'Ancien Testament sont des préfigures du Nouveau.
Flandrin
Hippolyte Flandrin, La Nativité, Adam et Eve.
1856. 18.5x32 cm. Esquisse pour l’église Saint-Germain des Prés.
Paris, musée du Louvre.
Noter le parallélisme entre la naissance du Christ (figure) et le péché originel (préfigure).
La nouvelle Ève (Marie) correspond à l'ancienne (Ève)
Mais il y a aussi volonté d'opposition : Marie rachète le péché d'Ève. Cela se marque dans les attitudes (Marie couchée, Ève debout), dans les vêtements (Marie habillée, Ève nue), les rapports à la divinité (Ève se cache le visage, Marie regarde son fils)...
Origine et développement
Cette méthode est issue du Nouveau Testament : le Christ est venu accomplir la Loi, pas l'abolir (Mt 5, 17). Cela se comprend dans la pensée apocalyptique des premiers siècles : le monde ne peut s'achever tant que les prophéties ne se sont pas avérées. Le Christ vient donc les accomplir. Pour saint Paul, l'ombre précède le corps, comme l'Ancien Testament précède le Nouveau (Col 2, 17). Jésus lui-même compare le poisson de Jonas aux Limbes où il doit rester trois jours et trois nuits (Mt 12, 40 : « Car tout comme Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits ») et sa croix au serpent d'airain dressé par Moïse (Jn 3,14 : « Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’Homme soit élevé / afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éternelle »).
Moïse
Le serpent d'airain et la croix du Christ,
relevé du vitrail de l'abbaye de Saint-Denis (vers 1140). J.C.B.
Les juifs (reconnaissables à leur bonnet pointu) sont attaqués par des serpent de feu dans le désert. Moïse (seul personnage nimbé) leur montre le serpent d'airain qu'il a fait fondre et jucher sur une hampe (ici une colonne). Ceux qui le regardent seront sauvés, ceux qui regardent les serpents de feu seront perdus. Il s'ajoute ici une représentation de la crucifixion, le Christ étant élevé sur la croix comme le serpent d'airain. Ainsi la typologie (serpent d'airain - Christ en croix) est-elle rendue sensible.
Le distique composé par l'abbé Suger, commanditaire de ce vitrail, précise d'ailleurs la signification typologique:
« Sicut serpentes serpens necat aeneus omnes / Sic exaltatatus hostes necat in cruce Christus. »
« Comme le serpent d'airain tue tous les autres serpents, Ainsi le Christ exalté sur la croix tue ses ennemis ».
Cette méthode se développe dans le milieu hellénistique d'Alexandrie dès le Ier siècle (Philon d'Alexandrie), mais surtout grâce à Clément d'Alexandrie et Origène. Saint Hilaire, exilé en Orient, la rapporte en Occident, qui verra les premières grandes sommes au IVe-VIIe siècles : Ambroise, Augustin, Grégoire le Grand... L'époque carolingienne en fera les résumés qui circuleront au moyen âge.
Elle constitue une des lectures possibles de la Bible, mais pas la seule. On définit en effet dès Origène les trois, puis les quatre sens de l'Ecriture (XIIe-XIIIe siècles) :
- historique (l'histoire telle qu'elle est racontée est vraie)
- allégorique (ou symbolique, ou mystique : l'Ancien Testament annonce le Nouveau, c'est la méthode typologique),
- tropologique (l'anecdote contient une vérité morale valable pour l'âme humaine)
- anagogique (elle contient aussi un enseignement sur la vie éternelle).
Ainsi Jérusalem peut être la ville (sens historique), l'Église militante (sens symbolique), l'âme chrétienne (sens tropologique) ou la patrie céleste (sens anagogique).
Ces quatre lectures sont systématisées dans l'école de Saint-Victor à Paris aux XIIe-XIIIe siècles, et résumés en deux vers mnémotechniques :
"Littera gesta docet, quid credas allegoria / Moralis quid agas, quo tendas anagogia"
"La lettre enseigne les action, l'allégorie ce qu'il faut croire, le sens moral ce qu'il faut faire, l'anagogie ce vers quoi on s'achemine"
On ajoute parfois une lecture mystagogique, qui concerne la préfiguration de la liturgie (essentiellement de l'eucharistie) : le sacrifice d'Abel, l'offre par Melchisédech de pain et de vin, le miracle de Cana, la multiplication des pains, la Cène... préfigurent le partage du pain et du vin à l'office.
Comment représenter la démarche typologique ?
• Le livre :
L'Écriture est transmise par un personnage de l'ancienne loi (ici, la Synagogue) à la Nouvelle (ici, saint Jérôme, traducteur de la Bible en latin). L'ancienne loi est écrite sur un rouleau (comme c'est toujours le cas dans les synagogues) et la nouvelle sur un codex (livre) : le passage de l'ancien support au nouveau symbolise bien cette tradition. À noter que le livre est ouvert : le texte traduit par Jérôme a été révélé à tous.
Le rouleau concrétise ici la transmission. Une de ses extrémités est tenue par saint Jérôme et descend le long de son corps ; l’autre extrémité est tenue, sous la console, par la Synagogue aux yeux bandés, qui détient la vérité mais ne peut la lire. Ce bandeau illustre un passage du prophète Jérémie (Lm 5, 16) : "Nos yeux se sont couverts (d'où le bandeau), la couronne est tombée de nos têtes".
Chartres
Chartres, cathédrale Notre-Dame,
portail méridional, baie de droite (portail des confesseurs),
statue colonne de l’ébrasement (XIIIe siècle). Photo JCB
• Le voile :
Ici, Mathieu rédige son évangile en regardant dans le livre ouvert par l’ange ; sur son lutrin est sculptée une synagogue aveugle (bandeau sur les yeux) qui montre du doigt les livres (fermés) qu’elle ne sait pas lire. Toujours dans le cadre de la polémique antijudaïque du christianisme médiéval, l'Ancien Testament contenait la vérité voilée. À la mort du Christ, le voile du Temple s'est déchiré... sauf pour la Synagogue, qui garde les yeux bandés ! Cette métaphore traduit la croyance en une vérité unique, révélée aux seuls chrétiens.
Cette conviction s'exprime dans des vers mnémotechniques :
"In Veteri Testamento Novum latet, in Novo Vetus patet." (Augustin).
"Le Nouveau Testament est caché dans l'Ancien, l'Ancien devient évident dans le Nouveau"
"Quod Moyses velat Christi doctrina revelat;
Denudant legem qui spoliant Moysen"
"Ce que cache Moïse, la doctrine du Christ le révèle.
Ceux qui dépouillent Moïse, dévoilent la Loi."
(Suger)
Rohan
Livre d’heures dit de Rohan, 1418,
Paris, B.N.F., Ms Lat. 9471, fol. 21 r°
• Les prophètes
Lorsqu'ils sont mis en rapport avec les évangélistes ou des apôtres, ils symbolisent la vérité cachée dans des prophéties et qui doivent se réaliser dans les temps nouveaux. La liste traditionnelle des prophètes est remaniée pour faire correspondre les nombres :
- les douze "petits prophètes" peuvent dès lors correspondre aux douze apôtres (par exemple à Notre-Dame d'Amiens) et
- les quatre "grands prophètes" aux quatre évangélistes. Parfois les prophètes portent la croix (par exemple : la croix de Saint-Bertin à Saint-Omer, le puits de Moïse de Sluter à la chartreuse de Champmol...), et parfois ils portent les évangélistes.
L'exemple de la cahtédrale de Chartres est célèbre : sur cette verrière, les quatre évangélistes sont sur les épaules des quatre grands prophètes... Ce vitrail est souvent rapproché de la citation suivante : « Nous sommes des nains portés sur les épaules de géants » Bernard de Chartres (XIIe siècle), de sens cependant plus large (pour Bernard de Chartres, les « géants » sont les anciens)
Chartres
Chartres : lancettes du transept méridional (XIIIe siècle).
Isaïe / Matthieu ; Jérémie / Luc ; Ézéchiel / Jean ; Daniel / Marc.
• Le moulin mystique
Le célèbre chapiteau de Vézelay semble à première vue un moulin normal : un homme apporte du grain qu'il verse dans la trémie tandis qu'un second récolte la farine dans un sac. Mais un détail nous surprend : l’homme de droite a des traits bien spécifiques, qui évoquent plus un portrait qu'un personnage neutre. Il a en fait le type physique de Paul : calvitie frontale plus ou moins prononcée, barbe droite et en pointe, nez aquilin. Ce détail nous met sur la voie : il est admis que ce chapiteau traduit dans la pierre un vitrail de Saint-Denis aujourd'hui détruit, mais dont l'abbé Suger nous a laissé la description : « L'un de ces vitraux représente l'apôtre Paul tournant la meule tandis que les prophètes apportent leurs sacs. » C'est bien ce que nous voyons ici : le prophète apporte le sac de grain dont Paul récolte la farine. Le sens est expliqué par le distique suivant qui devait être inscrit sur le vitrail : « En tournant la meule, ô Paul, tu sépares la farine du son. Tu révèles le sens profond de la loi mosaïque [de Moïse]. De tant de grains est fait le vrai pain sans son, éternelle nourriture pour nous et les anges. » (Suger, Mémoire sur son administration abbatiale, ch. XXXI).
Par ailleurs, ce thème rappelle une inscription sur le livre tenu par saint Paul à Saint-Trophime d'Arles : « la loi de Moïse cache ce que la loi de Paul dévoile, maintenant le grain donné au Sinaï est transformé en farine ». Ainsi qu'une formule de Vincent de Beauvais : « La nouvelle loi est incluse dans l'ancienne comme le grain dans l'épi. »
Le thème est donc bien attesté dans la littérature et l'art contemporains du chapiteau.
Vézelay
Vézelay, basilique Sainte-Madeleine, chapiteau de la nef, XIIe siècle.
Utilisation de la typologie dans l'iconographie
Où trouve-t-on des scènes de l'Ancien Testament préfigurant le Nouveau ? Mises à part des peintures de l'hypogée sous la via latina (IVe s.), où Grabar trouve "évident" le rapprochement entre des scènes des deux Testaments (Le premier art chrétien), on rencontre pour la première fois des scènes typologiques à l'église Saint-Sabine, à Rome, datée de la première moitié du Ve s. Sur la porte en bois, des scènes de l'Ancien Testament sont mises en parallèles avec des scènes du Nouveau. Les deux battants d'une porte resteront durant tout le moyen âge un support privilégié de la typologie.
C'est surtout dans l'art des cathédrales après 1140 que la méthode symbolique influence considérablement l'art. Après la consécration du chœur de Saint-Denis en 1144, dont les vitraux développent ces parallèles, on les retrouve sur les vitraux de Chartres, du Mans, de Tours, de Bourges, de Lyon, de Rouen... Les ateliers d'émaux mosans et germaniques les utilisent largement (le plus bel exemple est le retable de Klosterneuburg, en 1181, signé par Nicolas de Verdun).
Aux XVe-XVIe, et surtout dans l'art germanique et flamand, on aime ajouter à des tableaux représentant une scène de l'ancien testament de petits éléments (chapiteau, pièce d'orfèvrerie...) en rapport avec la scène principale (voir point suivant). Cet art du détail se nourrit des livres compilant les typologies, souvent illustrés, comme la Bible des pauvres, les Bibles moralisées ou le Miroir du salut humain.
Les scènes typologiques sont plus rares à partir du XVIe siècle. Un bel exemple peut se trouver à la chapelle Sixtine. Dans la première campagne de décoration, la vie de Moïse et celle du Christ était mises en parallèle sur les murs. Cela induisait un parallélisme entre la vie des Hébreux "sous la loi" (sub lege) et des chrétiens sous la Grâce (sub Gratia). Or, un troisième style de vie était attesté dans l'Histoire : celle des hommes de l'origine, avant la loi de Moïse, lorsqu'on vivait sous la loi de Nature (sub Natura ou ante legem). Le plafond de Michel Ange vient combler cette lacune en ajoutant des épisodes de la Genèse.
On trouve aussi de beaux exemples de typologie chez le Tintoret à la Scuola di San Rocco à Venise et, au XVIIe siècle, dans les vitraux de Saint-Étienne du Mont à Paris... Les jésuites aiment encore cette disposition. Mais c'est un art didactique qui sort peu à peu de la mode : la connaissance de l'Ancien Testament s'est répandue (par l'imprimerie, par l'importance qu'il a prise chez les protestants...) et les Bibles des pauvres n'ont plus de raison d'être. L'idée se répand alors chez les rationalistes que les Évangiles ont été écrits pour justifier les prophéties de l'Ancien Testament. L'art typologique semble illustrer cette thèse, à l'inverse de ce qu'ils veulent démontrer !
Cependant, nombre de scènes de l'Ancien Testament continuent à faire référence à des épisodes du Nouveau. Même seul, un serpent d'airain ou une grappe miraculeuse, dans une église ou un temple protestant, peuvent symboliser la crucifixion.
L’art du détail
Rolin
Van Eyck, La Vierge au chancelier Rolin, 1435, Paris, Musée du Louvre. Huile sur bois, 66 x 62 cm.
Sans vouloir entrer dans cette « conversation sacrée » entre un commanditaire et la Vierge à l’enfant, sur laquelle beaucoup de choses ont été dites, remarquons les chapiteaux qui surmontent les piliers de la fenêtre.
Du côté gauche, au-dessus de la tête du chancelier Rolin, les chapiteaux sont parfaitement lisibles et illustrent le cycle du salut. On identifie aisément, de gauche à droite, l'ange expulsant Adam et Ève du paradis (l'ange a l'épée levée et Adam, nu, cache sa nudité de sa main), le sacrifice d'Abel et de Caïn (Caïn offre les produits de la terre et Abel offre un agenau), le meurtre d'Abel par Caïn, l'arche de Noé au moment où celui-ci lâche la colombe, l'ivresse de Noé (endormi, il laisse voir sa nudité, son fils cadet, Cham, s'en moque, tandis que ses deux fils aînés, Sem et Japhet, se détournent et le recouvrent). Ce cycle illustre les péchés de l'homme, mais aussi, par l'arche de Noé, les moyens de son salut. Ils sont au-dessus du chancelier, qui se présente comme un pécheur repentant, et se fie pour son salut à l'enfant Jésus, le "nouveau Noé". Dans les tableaux flamands du XVe siècle, les Vierges à l'enfant sont volontiers associées à des représentations d'Abel tué par Caïn, première mort de l'histoire de l'humanité. Ainsi celui qui apporte le salut (le Christ) est l'antitype de celui qui a apporté la mort (Caïn).
Du côté droit, au-dessus de la tête de la Vierge, le chapiteau est plus difficile à lire, car la couronne portée par l'ange masque la moitié du personnage principal. On y voit un personnage agenouillé, vêtu d'une longue robe, devant une armée de soldats en armes. La disposiiton des personnages n'est pas sans rappeler une typologie de la Vierge racontée par le livre des Juges, chap. 11. Jephté, en guerre contre les Ammonites, fait vœu, s'il remporte la victoire, de sacrifier la première personne qui sortira de sa maison à son retour pour venir à sa rencontre. Sa fille se présenta la première. Elle accepta le sacrifice, mais demanda un délai pour pleurer sa virginité avec ses compagnes. Elle est devenue par cela une préfigure de la Vierge qui sacrifie sa virginité pour permettre la victoire sur le Mal. Telle est la version du Speculum humanae salvationis (miroir de la salvation humaine), qui l'illustre par une scène similaire : L'armée de Jephté sur la gauche, la fille agenouillée sur la droite. Le lien avec la Vierge est assuré, mais des détails du chapiteau laissent un doute sur l'identification : l'objet porté par le personnage agenouillé semble un calice plus qu'un tambourin, plus classique ; le glaive brandi par Jephté est absent ou, peut-être caché par la couronne.
Jephté Chapiteau Vierge
NB : pour d'autres exemples de détails typologiques dans l'art flamand et germanique des XVe - XVIe siècles, voir : Jérôme Bosch.
NB : pour une analyse générale du tableau, on peut se référer à la notice de Gérard Boittelle.
Bibliographie :
Jean Daniélou, Sacramentum futuri, Étude sur les origines de la typologie, Paris, 1950
H. de Lubac, Exégèse médiévale, les quatre sens de l’Écriture, Paris, 1959-1964.
Louis Réau, Iconographie de l'art chrétien, Paris, Presses universitaires de France, 1955
Philiippe Emmanuel Krautter LEs Madianites, la tribu qui accueillit Moise
Philiippe Emmanuel Krautter LEs Madianites, la truibu qui accueillit Moise
Le peuple des Madianites apparaît très tôt dans le récit de la Bible, dès la Genèse, lors de l’épisode de Joseph vendu par ses frères. Les liens entretenus par ces tribus nomades installées sur les rives du Golfe d’Aqaba avec Israël ne furent pas sans rebondissements…
L’origine des Madianites remonte à l’un des six fils d’Abraham et de sa concubine Qetura, ainsi que le précise la Genèse (Gn 25, 1-2) :
Abraham prit encore une femme ; elle s’appelait Qetoura. Elle lui donna Zimrane, Yoqshane, Medane, Madiane, Yshbaq et Shouah.
C’est ce sixième fils, prénommé Madiân qui donnera son nom à ce peuple. Cependant, malgré cette illustre ascendance, les liens entre Hébreux et Madianites se distancieront quelque peu puisque ces nomades, tour à tour marchands ou pillards, s’éloigneront et arpenteront le nord-ouest de la péninsule Arabique, à l’est du golfe d’Aqaba.
Les Écritures, un peu plus tard, ne laisseront pas non plus une bonne image des Madianites puisque nous apprendrons qu’ils vendront sans scrupules l’un des douze fils de Jacob nommé Joseph comme esclave lorsque ce dernier jalousé par ses frères fut précipité par eux dans un puits afin de l’éliminer (Gn 37, 28) :
Des marchands madianites qui passaient par là retirèrent Joseph de la citerne, ils le vendirent pour vingt pièces d’argent aux Ismaélites, et ceux-ci l’emmenèrent en Égypte.
Moïse, réfugié auprès des Madianites
Un autre épisode allait pourtant rapprocher singulièrement Hébreux et Madianites lors de la fuite de Moïse d’Égypte. L’histoire est connue mais mérite d’être rappelée tant elle paraît importante afin de juger des liens qui unirent ces deux peuples. Alors que Pharaon avait cherché à éliminer Moïse de sa cour, ce dernier s’enfuit d’Égypte et alla vivre loin de là au pays de Madiâne. Après une longue marche, et alors qu’il se reposait près d’un puits, les sept filles d’un prêtre de Madiâne, nommé Jethro ou Réouël, vinrent puiser de l’eau pour leurs bêtes ; mais, à ce moment-là, nous dit le récit biblique (Ex 2, 17-18) :
Des bergers survinrent et voulurent les chasser. Alors Moïse se leva pour leur porter secours et il abreuva leur troupeau. Elles retournèrent chez Réouël, leur père, qui leur dit : “Pourquoi êtes-vous revenues si tôt, aujourd’hui ?”
Ce dernier demanda alors à ses filles de faire venir auprès de lui l’étranger afin de le remercier pour son aide et secours. Après s’être installé dans la maison de Jéthro, Moïse épousa Séphora, l’une de ses filles dont il aura deux fils Guershom et Eliézer, alors même que cette alliance s’opposait pourtant aux règles strictes du Deutéronome de l’Ancien Testament interdisant formellement aux Juifs tout mariage avec des étrangères…
Des inimités également fortes
Mais les relations entre Israélites et Madianites ne furent cependant pas toujours sans conflits ni massacres. L’épisode le plus grave indéniablement demeure celui qui reste proverbial et encore aujourd’hui évoqué comme étant "le jour de Madiân". À l’époque des Juges, en effet, et alors que le peuple de Dieu avait une nouvelle fois fait ce qui était mal aux yeux de Dieu, un secours divin leur fut cependant apporté en la personne de Gédéon qui les délivra de leurs ennemis (Jg 7) :
Tous s’enfuirent jusqu’à Beth-ha-Shitta, du côté de Céréra, et jusqu’au bord de la rivière d’Abel-Mehola, près de Tabbath. (…) Ils s’emparèrent des deux chefs de Madiane, Oreb et Zéèb. Ils tuèrent Oreb au Rocher d’Oreb, et Zéèb au Pressoir de Zéèb. Puis ils poursuivirent Madiane et rapportèrent à Gédéon les têtes d’Oreb et de Zéèb, par-delà le Jourdain.
Cette victoire éclatante des Hébreux sur les Madianites restera jusqu’à nos jours gravée dans la mémoire juive, ainsi que le commémore le Psaume 82 : "Traite-les comme tu fis de Madian, de Sissera et Yabin au torrent de Qissôn"…
jacques halbronn Bible Le Dieu des Hébreux préfère les sacrifide de sang aux idoles de terre
jacques halbronn Bible. Le Dieu des hébreux préfére les sacrifices de sang aux idoles de terre.
Dans le Livre de la Genése, dès les premiers chapitres, Dieu distingue entre les offrandes, acceptant celle qui vient d'Abel, rejetant celle qui vient de son frère Caïn. De même, Dieu appréciera qu'Abraham soit prêt à lui sacrifier son premier né (Ismaël ou Isaac selon les traditions) et cela vaut aussi, éventuellement, dans le cas de Jésus. De telles réflexions nous permettent de jeter un nouveau regard sur le rejet de l'idolatrie laquelle apparait comme un substitut au sacrifice voire un subterfuges.
D'une certaine façon, nos civilisations tendraient à préferer les idoles, un Jésus statufié (avec le crucifix) plutôt qu'un Jésus immolé de son vivant. Quand Cain refuse d'offrir à Dieu les "premiers nés" de son troupeau, alors qu'Abel avait accepté, au fond, nous nous sentirions plus proches de Caïn selon nos valeurs actuelles. Le sacrifice des premiers nés (que l'on retrouve dans les 7 plaies dEgypte) accorde aux femmes un rôle qui ne leur est plus imparti quand il s'agit de fabriquer des objets.
Il nous revient de réfléchir sur l'inspiration des chapitres II à IV du Livre de la Genése, qui comportent la Création de la femme, la mère de Cain et d'Abel. Ces passages sont favorables aux sacrifices humains. Jésus sera également sacrifié et l'eucharistie évoque son sang (par le vin) mais il ne s'agit plus là d'un sacrifice humain mais d'un produit de la terre, Ce passage du sang vers le vin relève d'une forme de substitution propre à l'idolatrie; pour les juifs, seul le sang compte comme avec la circoncision laquelle ne saurait être remplacée par le baptéme;
Genése IX Alliance noachide et la sacralisation du sang
ךְ-בָּשָׂר, בְּנַפְשׁוֹ דָמוֹ לֹא תֹאכֵלוּ. 4 Toutefois aucune créature, tant que son sang maintient sa vie, vous n'en mangerez.
ה וְאַךְ אֶת-דִּמְכֶם לְנַפְשֹׁתֵיכֶם אֶדְרֹשׁ, מִיַּד כָּל-חַיָּה אֶדְרְשֶׁנּוּ; וּמִיַּד הָאָדָם, מִיַּד אִישׁ אָחִיו--אֶדְרֹשׁ, אֶת-נֶפֶשׁ הָאָדָם. 5 Toutefois encore, votre sang, qui fait votre vie, j'en demanderai compte: je le redemanderai à tout animal et à l'homme lui-même, si l'homme frappe son frère, je redemanderai la vie de l'homme.
ו שֹׁפֵךְ דַּם הָאָדָם, בָּאָדָם דָּמוֹ יִשָּׁפֵךְ: כִּי בְּצֶלֶם אֱלֹהִים, עָשָׂה אֶת-הָאָדָם. 6 Celui qui verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé car l'homme a été fait à l'image de Dieu.
On peut en conclure que le sang versé par les hommes à destination de Dieu est une chose, celui qui est versé d'un homme vers un autre homme en est une autre. Se pose ainsi la question des lois alimentaires (kashrout)
Sur le web
" Tout animal doit être tué par un abattage rituel puis vidé de son sang : il est en effet interdit de consommer du sang (Deutéronome 12,23) car « le sang c’est la vie et tu ne mangeras pas la vie avec la chair ».
JHB 21 10 24
Tiziana della Rocca Assimilation et antisémitisme: les exemples ibérique et allemand
Tiziana della Rocca
Pureté du sang
25 octobre 2013
Assimilation et antisémitisme : les exemples ibérique et allemand.
« Ils ont une nature sauvage, frénétique, instinctive ; la passion dominante de tous les fils de Jacob est une faim irrésistible de sang humain ». Pour un Chrétien du quatorzième siècle, le sang, la soif de sang est le vice fondamental des Juifs, mais le bûcher pour l’accusation de meurtre rituel brûlait déjà depuis le début du millénaire. On disait que les Juifs avaient crucifié et saigné un enfant. « On disait », les racontars étaient déjà en vogue à l’époque, plus fort que n’importe quelle réalité, et vérité, se nourrissant de fantaisies et d’obsessions, ils n’avaient pas de rivaux et le sang colorait et exagérait tout. Le Pape Innocent IV disculpa en vain les Juifs de l’accusation de meurtre rituel, l’odeur du sang excitait les âmes à un point tel qu’aujourd’hui encore, en Espagne, on en respire une dernière brise en célébrant le Santo Nino de La Guardia, un enfant à qui les Juifs auraient arraché le cœur pour le dévorer et boire tout son sang. D’ailleurs en 1946, dans la Pologne libérée où des millions de Juifs furent gazés par les nazis, puisqu’on disait qu’un enfant chrétien, etc., la population de Kielce s’était rendue dans le quartier juif et avait, dans l’indifférence générale des forces de l’ordre, lynché quarante Juifs et blessé quatre-vingt. Ils faisaient partie des derniers survivants.
Il semblerait, dans l’imaginaire collectif, que le Juif soit indissolublement lié au sang. Et pourtant le sang est un des tabous de la religion juive qui en interdit le contact. Le sang humain ne doit pas être versé en vain, jamais. Même dans la Kashrout (ensemble de règles alimentaires) l’animal abattu doit être saigné. Et, pendant ses règles, la femme ne peut avoir de relations sexuelles avec son mari. Comment interpréter, alors, la fantaisie du meurtre rituel juif ? Les Juifs sont-ils insatiables du sang d’un Dieu en évitant, par opportunité, de le reconnaître ? Ou bien, non contents de l’avoir déjà tué une fois, remplis d’orgueil et superstitieux, ils doivent le tuer au moins une fois par an pour éviter qu’il ne revienne les tourmenter ? Les fantaisies que ces persécuteurs attribuent à l’autre sont tellement nombreuses. Toujours est-il que depuis la Crucifixion du Christ, le sang n’a cessé de couler sur la tête des Juifs et le premier, parmi les grands exterminateurs, fut un empereur romain, le plus cultivé et le plus doux de tous : Adrien. Israël devint une mare de sang, six cent mille Juifs furent passés au fil de l’épée. C’est ainsi que débuta la diaspora qui porta le peuple dans des terres lointaines qu’ils ont cultivées, grâce à leur obstination, devant faire face à mille difficultés et lutter contre l’hostilité. Ils pratiquent leur religion, leurs coutumes, ils sont différents mais démontrent, en même temps, une grande capacité d’adaptation aux lieux où ils vivent. C’est un peuple à la structure mobile, qui inspire la peur : si l’autre n’est pas accepté en tant que tel, il incarne toutes les peurs et les craintes dont il s’est affligé. Et qui mieux que le Juif pouvait avoir cette fonction au sein de la société médiévale, dominée par le péché et, par conséquent, en conflit permanent avec sa propre chair ? Mais ce n’est pas tout, loin de là. Le Juif avait tué le Christ en chair et en sang, mais combien de fois les Chrétiens l’avaient-il tué, puisque le Christ a dit qu’il s’incarnait en chaque homme qui a subi un tort ? Du fait de leurs innombrables péchés, les Chrétiens se sentaient eux aussi déicides. Comment accepter d’être déicide et non plus disciples de ce Verbe, fondement de leur identité ? Il fallait reverser tout le mal sur les Juifs, pour l’éloigner de soi, avec l’illusion de s’en croire immunisé.
L’église avait, toutefois, préparé un remède : le péché originel des Juifs, le déicide, pouvait disparaître miraculeusement avec le baptême qui les convertissait en Chrétiens. Il existait cependant une difficulté : les Juifs étaient farouchement attachés à leur religion et, en dépit des avantages sociaux qu’une abjuration pouvait procurer, la plus grande partie refusait de se convertir. Les Chrétiens en furent indignés. Si les Pères de l’Église enseignent que l’Évangile est ce qui a été conçu de plus haut et de plus sublime jusqu’à présent et que son appel est irrésistible, qu’il enflamme les cœurs les plus durs, ce discours signifie implicitement que les personnes non animées du désir de se convertir, sourdes à l’amour du Christ au point de l’avoir crucifié, sont impies. Et si elles sont impies, les tolérer est un péché, il faut donc les convertir de force. C’est ce raisonnement qui fut à l’origine de la politique des conversions forcées et qui, contre toute attente de la part des deux parties, se révèlera non seulement un remède inefficace pour guérir de l’antijudaïsme, mais le fera même exploser dans toute sa violence.
Les conversions forcées sont nées dans l’équivoque et le doute le plus affreux. Dans l’Espagne wisigothe, avant la conquête mauresque en 711, les Juifs furent d’abord convertis par force avant que soient promulguée toute une série de dispositions pour les séparer des Chrétiens. Plusieurs siècles plus tard, dans le sud de l’Italie, les convertis de force furent considérés comme des « Neofiti (Néophytes) » ou « Mercanti (Marchands)». Et l’on pourrait citer d’autres exemples démontrant que les remèdes adoptés pour lutter contre l’hostilité envers les Juifs ont suscité une plus grande animosité à leur égard, ressentiment qui explosera au quatorzième et quinzième siècle. À cette époque, la communauté juive espagnole était la plus nombreuse et la plus puissante d’Europe. Plusieurs conseillers royaux des royaumes de Castille et d’Aragon étaient juifs. Mais la situation changea soudainement lorsque l’Espagne lança le processus de réunification interne. Un pogrom sanguinaire détruisit toutes les communautés espagnoles en 1391. De très nombreux Juifs furent obligés de se convertir, sous peine de mourir séance tenante. Et cela continua tout le siècle suivant : dévastations, conversions forcées et, enfin, en 1492, l’expulsion définitive des derniers Juifs encore présents. La politique adoptée par l’Espagne semblait avoir porté ses fruits, le mal avait été vaincu, la thérapie avait fonctionné : la moitié des Juifs s’était convertie, les autres s’étaient exilés. On pensait que toute la haine que leur présence provoquait aurait disparu une fois qu’ils seraient partis et que tout le monde se serait senti meilleur. Au lieu de cela, le phénomène du marranisme, le crypto-juif, fit curieusement son apparition : quelques Juifs continuaient de pratiquer en cachète l’ancienne religion de leurs pères, en contournant les lois, pour se moquer du Christ lui-même. Mais qui inquiéta vraiment au-delà de toute mesure, qui aiguisa les griffes de l’Inquisition et peupla de cauchemars le sommeil d’Isabelle ? Pendant toute la première moitié du XVème siècle, l’intégration des nouveaux Chrétiens s’est effectuée rapidement, carrières universitaires, ecclésiastiques, professions libérales, rien ne leur était interdit. Mais bien vite la haine, justement parce qu’elle avait disparu, devint invincible. Poussé par le bas clergé et privé du spectacle de voir les Juifs dans une condition pire que la leur, le bas peuple lança l’offensive. Il ne se résignait pas aux succès que la condition de nouveaux Chrétiens avaient procuré. Il leur enviait leur extraordinaire mobilité, exprimée dès qu’ils ont eu les moyens de le faire. On admire, on envie, on rivalise ou on tue. De nombreux cadavres de « conversos » commencèrent à s’entasser dans les rues. Les « conversos » étaient des déicides qui avaient revêtu l’aspect de braves Chrétiens, un affront encore pire. Le Christ avait été de nouveau crucifié. Que faire ? Comment réparer cette fatale erreur comprometant la bonne réputation de l’Espagne toute entière qui, lors d’un élan de générosité, avait permis aux Juifs de devenir chrétiens ? Comment détruire le danger provenant de la souche maudite qui, introduite au cœur du christianisme, complotait pour la supplanter ? Il fallait alors mieux garder les Juifs et les contrôler par une série de mesures plutôt que de les faire entrer, habillés en Chrétiens, par la porte principale, comme si, au lieu de le tuer, ils avaient aimé Jésus. Il fallait remédier au péché et les enfermer définitivement avec quelque chose dont ils ne pourraient plus se débarrasser. Mais comment les dégrader s’ils avaient été baptisés, et souvent les Juifs démontraient être de très bons Chrétiens ? On ne pouvait pas les persécuter pour leur foi, il fallait trouver quelque chose d’inattaquable, quelque chose qui ne prêtait ni à discussion, ni à interprétation, quelque chose qui les clouait définitivement à leur faute : cette chose c’était le sang.
Le sang : depuis que, au moment de la condamnation et de la crucifixion du Christ, les Évangiles évoquèrent le cri avec lequel les Juifs permirent, dans un orgueil outrancier, que le sang du Messie descende sur eux pendant des siècles, ce sang pouvait devenir leur malédiction éternelle, une malédiction qui dépasserait toute bénédiction future, toute conversion et tout baptême. Les Espagnols déclarèrent avec beaucoup d’audace qu’il n’existait pas d’eau baptismale capable de laver le sang du Christ versé par les déicides et ils ordonnèrent à tous les sujets de présenter leur sang aux autorités qui, elles aussi, ont été contraintes de se soumettre à ce rituel. Le sang était lié au nom du père, mais aussi au nom de la mère. Les citoyens durent donc présenter leur arbre généalogique pour être innocentés de ce qui est devenu le vrai péché originel, impardonnable jusqu’à la fin des temps. Il suffisait qu’un parent lointain soit soupçonné de judaïsme, le tristement célèbre « faetor ebraicus », pour que toute sa descendance soit incriminée. Et il y eu de nombreuses surprises : des nobles espagnols qui présentèrent des documents pour obtenir des charges, peut-être des charges d’inquisiteurs, se retrouvèrent tout d’un coup de l’autre côté, dans le rôle des réprouvés, en raison d’une grand-tante mariée avec un Juif ou présumé tel. L’aveuglement espagnol se répandait, le même aveuglement qui, des années plus tard, leur a fait croire que les Indios n’avaient pas d’âme et qu’ils pouvaient donc être brûlés vifs, simplement pour les purifier un peu.
Qui organisait la persécution ? Les gouvernants espagnols. Tolède fut la première ville à approuver en 1449 les statuts de la « pureté du sang » qui ont été, par la suite, étendus à toute l’Espagne. Les « conversos » étaient impurs, ils ont un sang impur en raison de leur origine juive qui ne peut s’effacer. Ils ne pouvaient qu’accéder aux métiers les plus dégradants, métiers qui convenaient à leur nature. Le clergé s’est tout d’abord opposé à cela. Le Pape Nicolas V est intervenu en disant que le christianisme ne faisait pas de distinction, « non est distinctio Judaei et Graeci », mais l’avancée des Statuts fut, quoi qu’il en soit, irrésistible. Les « conversos » sont « maculados » « tachés » ils ont une « tache », « macula », dans le sang. Ils sont « impurs », « impuros ». Un célèbre portugais, Vincente da Costa Mattos, a dit : « Pouco sangue Iudeo he bastante a destruyr o mundo » [Peu de sang juif est suffisant pour détruire le monde]. Et le noble chrétien Don Lope de Vera, de la ville de San Clemente dans la Manche, fut brûlé sur le bûcher lorsque l’on découvrit que sa nourrice qui l’avait allaité était une ancienne convertie « de sangre infecta ». Et si nous trouvons dans la bibliographie de l’empereur Charles Quint : « Unique est le Seigneur de tous (..) mais qui peut cependant nier qu’il reste et persiste dans les descendants des Juifs l’inclinaison méchante de leur ancienne ingratitude, exactement comme l’inséparable négritude persiste parmi les noirs ? (…). De même, il ne suffit pas à un Juif d’être trois-quarts aristocrate ou vieux chrétien, car une seule lignée familiale (seule une race) le contamine et le corrompt. »
Le Nouvel Évangile, avec lequel on se rachète du sang du Christ, a été écrit. Le mal dans le Juif ne disparaît pas avec la conversion, il est dans son sang, il fait partie de sa nature. Ils sont méchants et c’est pour cela qu’ils ont tué le Christ. Tout s’explique maintenant, il n’y a pas de rédemption pour les Juifs, le cercle de la paranoïa se referme.
Qu’est-ce que l’on n’accepte pas des Juifs ? Qu’est-ce qui est à l’origine de l’antisémitisme ? L’errance, la grande invention juive. La Torah, que le Juif a toujours sur lui « comme une patrie portative », est à la base de l’errance, pas celle réaliste des nomades, mais l’insaisissabilité de l’être. Ne pouvant s’enraciner nulle part, le Juif dépasse les frontières et irrite les autochtones. En dépit de tout ses efforts, rien n’est jamais définitif pour lui. La terre reste toujours une promesse qui, même si elle est conquise, ne revêt jamais le statut de terre ferme. Le Juif est toujours en mouvement à travers les nations en poursuivant un au-delà qui n’est pas représentable. Il ne se hasarde pas à une interprétation unique et définitive du texte biblique, c’est à chacun de choisir sa voie, d’avoir une vision utile à son chemin. Mettre l’accent sur le sang, dans sa génétique concrète et dans sa clarté, signifie la négation de toute transcendance. Ce sang établit tout, si celui des Juifs est impur, il doit être éliminé, il ne doit pas être porteur de germes. On l’élimine en évitant qu’il soit versé, car une fois versé il pouvait infecter la terre aryenne. On préférait gazer et brûler les Juifs pour que le sang ne sorte pas. Plus qu’un massacre, ce fut une désinfection. Les femmes juives furent rarement touchées, alors que, lorsqu’ils conquirent l’Allemagne en 1945, les soldats russes violèrent sans aucune difficulté toutes les Allemandes qu’ils croisaient.
Espagnols et Allemands, inquisiteurs et SS, quelle trame unit ces deux peuples ? Lors d’une conférence intitulée « Assimilation et antisémitisme racial : les modèles ibérique et allemand », l’historien américain Yerushalmi, a soutenu que dans les deux cas, le Juif devient une menace incontrôlable lorsqu’il cherche à s’intégrer et qu’il est donc nécessaire de l’isoler, de le ficher. Compliqués, tourmentés, remplis de religieux et de charnalité, les Espagnols tentèrent d’exorciser leurs fantômes. Ils convertirent de force les Juifs pour les river ensuite à leur origine. Ils oscillaient entre la condamnation et le pardon. Il y eut des bûchers, des expulsions, des absolutions mais de manière irrégulière et, à la fin, ils se calmèrent. Pour les nazis, en revanche, l’existence même de ce peuple constituait un crime et ils poursuivirent scrupuleusement son élimination totale. Un sadisme qui se présentait comme une nouvelle religion universelle. On ne tuait pas des hommes parce que c’étaient des hommes, peu importait ce qu’ils faisaient ou ce à quoi ils croyaient, on voulait anéantir leur façon d’être. L’ordre tacite adressé à certains Juifs allemands d’être allemand lorsque l’on sort de chez soi et d’être juif lorsque l’on est chez soi, n’a pas servi à grand-chose. Ils ne pouvaient pas mettre de masque pour se cacher, c’était le sang qui faisait autorité, il suffisait d’une goutte transmise par un lointain aïeul pour décider du sort d’un individu.
Ce n’est pas le mépris qui suscite les persécutions mais la haine, l’intolérance de voir son propre idéal incarné dans d’autres personnes. Les Allemands voulaient dominer le monde et ils se déchainèrent contre eux « pour qui une frontière ne signifiait presque rien ». Les Allemands aussi voulaient être les élus mais ils sentaient que « rien ne les destinait à ce statut ». C’est pour cela qu’ils forcèrent plus d’une fois l’Histoire. Mais cela ne servit à rien, ils craignaient d’être raillés par ce peuple qui, déraciné, avait planté ses racines dans le ciel, élu pour consacrer un petit morceau de terre, autrefois promise, où il serait tôt ou tard revenu.
jacques halbronn La symbiose planétes.signes saisonniers, en cause Enjeu de l'astrologie du XXIe siècle
jacques halbronn La symbiose planétes/signes saisonniers en cause Enjeu de l'astrologie du XXIe siècle
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, on assiste en France à une tentative de dé-zodiacalisation de l'astrologie, en réaction à l'essor d'une astrologie populaire, articulée sur le passage du Soleil sur les 12 signes zodiacaux. L'astrologie "sérieuse" entendait se démarquer de la symbolique pittoresque des signes/constellations, laissant l'autre astrologie servir de vache à lait. Les deux acteurs de ce divorce "libérateur" entre planétes et zodiaque furent André Barbault et Michel Gauquelin, chacun dans sa sphère, l'un pronant une astrologie de combinatoire planétaire, l'autre mettant en évidence la division du mouvement diurne autour du lever et du méridien par rapport à l'horizon du lieu de naissance.
Au lieu de placer la multiplicité du côté des saisons avec les 12 signes, Barbault se référe à la multiplicité des dieux- planétes qui ne sont en fait que la manifestation des signes et non l'inverse. Autrement dit, le dispositif des maitrises n'attribue pas les planétes aux signes mais indique par les planétes ce qu'il faut penser des signes! C'est ce qu'expose d'ailleurs Manilius qui se sert de dieux qui ne sont même pas toujours associés à des planétes. En réalité, un seul curseur planétaire masculin suffit pour activer l'ensemble féminin des signes. L'avantage d'une telle formule tient à l'égalité des secteurs alors que la combinatoire planétaire génére du désordre au niveau de la durée des périodes et donc des prévisions.
Nos travaux auront au contraire mis en évidence à quel point la présence de Saturne n'avait pas le même effet en signe fixe et en signe mutable. L'attribution dans la Tétrabible de Zeus-Jupiter aux signes du Sagittaire et des Poissons (et par ricochet aux signes des Gémeaux e de la Vierge, à leur opposé), soit deux signes mutables souligne le caractère dominant des valeurs "mutables" dans le cadre des quadrants saisonniers.
JHB 21 10 24
jacques halbronn Epistémologie. Les situations de symbiose assumer
jacques halbronn Epîstémologie. Les situations de symbiose à assumer.
La décolonisation, sous toutes ses formes, est liée à une situation de symbiose que l'on aura généré et que, quelque part, on n'entend pas/plus poursuivre selon les mêmes modalités. On pense au cas de la France dans les années 1950-60 mais bien plutôt à ce qui s'est passé à la mort du roi Salomon lorsque les populations du nord du pays ont manifesté leur volonté de changer le statu quo. Dans les deux cas, cela aura conduit à la naissance de nouveaux Etats, de nouvelles frontières avec finalement des brassages migratoires qui auront généré une nouvelle forme de symbiose, dans un cas comme dans l'autre. De nos jours, les relations entre l'Etat hébreu et la diaspora relévent évidemment d'une forme de symbiose qu'il convient de comprendre et d'apprendre à gérer et qui oppose, selon nous, les fils d'Israel conduits par Moise (Livre de l'Exode) et les fils de Jessé, dont David est issu. Les uns sont liés à la synagogue et à l'Etat d'Israel alors que les autres s'expriment au milieu des nations, leur rassemblement forcé, dans des camps, ayant été l'objet d'un holocauste, au cours de la Seconde Guerre mondiale.
La question de la symbiose ne se présente pas seulement dans le champ géopolitique mais en ce qui concerne également les relations entre certains domaines d'étude comme dans le cas de l'Astrologie et de l'Astronomie, bel exemple en effet de symbiose plus ou moins bien vécu d'un côté comme de l'autre..D'un côté, les astronomes n'apprécient pas trop les liens qui se sont noués avec l'astrologie souvent revendiqués par les astrologues désireux d'intégrer dans leur discipline les acquis de l'astronomie en matière d'exploration du système solaire: prise en compte largement suivie de nos jours d'Uranus, Neptune et Pluton. Mais il existe aussi des chercheurs, comme nous même, qui aimeraient repenser complétement les relations Astronomie/astrologie en affirmant que l'astronomie ne doit être utilisée en astrologie qu'à doses homéopathiques. Comme nous nous en sommes expliqués dans un autre texte mise en ligne conjointement, ce sont les signes qui générent de la diversité alors qu'une seule planéte suffit à les activer tout comme un seul mâle est en mesure de fécondre un grand nombre de femelles.
A propos du monde juif, il existe une symbiose entre deux idées de peuple, l'une horizontale, l'autre verticale, la première passe par la terre, le territoire, le spatial -comme la création d'un Etat (cf Herzl et son Judenstaat, 1896))- alors que la seconde passe par le sang, c'est à dire la généalogie, la génétique, de génération en génération (Toldoth, Léda: la naissance Genése chapitre V, Evangile Mathieu, Ch I) le temps. Actuellement, avec ce qui se passe en Israêl, le décalage entre ces deux idéologies est de plus en plus frappant, la Diaspora relevant surtout du second cas de figure.
JHB 21 10 24
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