mercredi 9 juin 2021

Jacques Halbronn La dialectique émisssion -réception. De l'héritage au mimétisme. Les moeurs des chercheurs

Jacques Halbronn La dialectique émission/réception. De l’héritage au mimétisme. Les moeurs des chercheurs Posté par nofim le 9 juin 2021 Par Jacques Halbronn Il est plus facile d’émettre que de recevoir. Celui-ci pourra s’exprimer en telle langue et ne comprendra qu’à moitié ce qu’on lui dira dans la dite langue, soit parce que son vocabulaire est limité, soit parce qu’il est troublé par le passage de l’écrit à l’oral, du fait de codes de prononciation qu’il ignore. On le comprend mais lui ne comprend pas tout, même s’il nie la chose.. Celui-ci dira des choses qui ne sont pas de lui d’où la formule : ce que vous dites d’intéressant n’est pas de vous et ce qui est de vous n’est pas intéressant. Nous mettons en garde contre les fausses causalité : le récepteur a fort bien pu instrumentaliser l’émetteur en s’alignant sur lui alors même que le dit émetteur n’avait ni la conscience, ni la volonté d’influer sur lui. Lorsqu’un auteur puise dans un ouvrage des éléments de son propre travail, peut-on encore parler d’une dialectique émission/réception ? L’historien des textes est évidemment confronté à de telles situations quand il s’agit d’apprécier équitablement l’apport d’un certain travail et cela vaut sur le plan artistique, de la musique au cinéma en passant par la peinture. Il ne suffira pas d’aimer telle œuvre mais de s’interroger sur ce qui l’aura marquée de façon à ne pas lui attribuer une originalité qui ne lui correspond pas. Le résultat final ne saurait en aucune façon épuiser le débat car cela fausse les perspectives. Rendons à César ce qui est à César. Or, force est de constater qu’une telle déontologie est hors de portée de la plupart des « chercheurs » qui font l’impasse sur certaines informations disponibles, ce qui est rendu bien plus aisé avec les moteurs de recherche qu’il y a encore une vingtaine d’années. L’ exigence d’exhaustivité est la règle. Autrement dit, on demande à ce qu’un auteur non seulement cite correctement ses sources mais encore mentionne systématiquement à ses lecteurs les travaux qui ont précédé les siens, ce dont il devra absolument s’en enquérir. Il devra le faire de façon transparente, en ne se contentant pas de citer des textes en vrac dans une « bibliographie » mais en signalant, le moment venu, les recoupements et les pistes à suivre au moyen de notes en bas de page. On peut également étudier en aval l’impact d’une œuvre, d’autant qu’il arrive que certaines sources ne finissent par émerger que tardivement. Ainsi, tel auteur a pu s’inspirer d’un manuscrit inédit lequel finira par paraitre , ce qui risque de fausser la chronologie. Afin d’illustrer notre propos, nous reprendrons le cas d’une thèse de doctorat, soutenue fin 1993 d’Hervé Drévillon et qui sera publiée en 1996 chez Chamvallon. Nous comparerons notamment le texte de la thèse et celui de l’imprimé, trois ans plus tard en ce qui nous concerne plus ou moins directement puisqu’il s’agit en l’occurrence de la façon dont Dréville se référe à nos propres publications ou mémoires. Titre de la thèse (EHESS 1993) Titre de l’imprimé (1996) On commencera par le remaniement de la bibliographie. Lors de la soutenance, fin 1993, Drévillon ne semble pas avoir pris encore connaissance de deux publications parue au printemps de cette même année, aux éditions Guy Trédaniel-La Grande Conjonction alors qu’en 1996, il les signalera dans sa bibliographie. Etrangement, des éléments figurant dans la bibliographie de la thèse auront disparu dans l’imprimé trois ans plus tard. On pense notamment à notre « Introduction Bibliographique à l’étude de l’Astrologie ????», qu’il mentionne comme datant de 1989 en tant que mémoire universitaire d’une bonne centaine de page qui lui avait été communiqué sans que nous sachions exactement dans quelles circonstances. En tout état de cause, Drévillon ne prend pas la peine de signaler, ne serait-ce qu’en note de bas de page, l’usage qu’il en aura fait et donc de quelle façon cela l’aura aidé. Mais comme on l’a dit, cette mention de notre Introduction Bibliographique ne figurera plus en 1993. En revanche, d’autres de nos travaux s’y trouveront, à savoir les deux éditions signalées parues en 1993 et le Catalogue de l’exposition « Astrologie et Prophétie » que nous organisâmes au tout début de l’année 1994. La question qui se pose est la suivante ; quelle est la différence entre la thèse et l’imprimé et est-ce que cela tient – et jusqu’à quel point- à la prise de connaissance de ces trois publications ? D’emblée, un point est saillant lors de la confrontation entre les deux corpus bibliographiques. Tout en tête de sa bibliographie de 1996, Drévillon mentionne comme seules sources manuscrites des recueils de l’Académie Royale des Sciences dont il ignorait totalement l’existence au vu de sa thèse de 1993. Or, ces références sont directement liées à la prise de connaissance de notre ouvrage consacré au reprint du Commentaire du Centiloque de Nicolas Bourdin en la postface que nous lui avions adjointe. A aucun moment, Drévillon ne signale ce qu’il nous doit, si ce n’est très vaguement en mentionnant dans sa bibliographie le dit ouvrage. Est-ce à dire que dans son esprit, il va de soi que ce qu’il présente dans sa thèse serait repris des travaux qu’il aura pris la peine de signaler en vrac ? Est-ce que le jury de thèse aura fait la part des choses pour lui accorder son titre et sa mention ? A propos de Nicolas Bourdin, traducteur de Ptolémée, on note une absence étonnante, dans la thèse tout comme dans l’imprimé, c’est celle de notre édition des Remarques Astrologiques de Jean-Baptiste Morin sur le dit Commentaire de Bourdin (Ed. Retz, 1975) Or, il est évident qu’en 1993 nous avions mentionné notre édition de 1975. Eh bien en 1996, Drévillon ne jugera pas utile de réparer cette lacune d’autant plus criante qu’il va s’attarder et sur le cas de Morin de Villefranche et sur celui du Marquis de Villennes alias Nicolas Bourdin, dont nous traitions comme il se doit dans notre Introduction à notre réédition de 1975 ! Passons au dossier Eustache Lenoble qui apporte un nouvel éclairage à la production astrologique du dernier tiers du XVIIe siècle et dont par ailleurs, en puisant dans les ressources de la Bibliotheca Astrologica dont nous sommes le directeur, Patrice Guinard avait traité dès 1987 (dans la revue Astralis, Lyon) Or, Lenoble est absent de la thèse mais fort présent dans l’imprimé. En effet, l’autre ouvrage paru en 1993 consacré à l’Astrologie du Livre de Toth, accorde une place considérable à cet auteur qui publie son Uranie à la fin du siècle. Mais revenons à ce propos aux documents de l’Académie des Sciences dont nous traitions dans l’ouvrage consacré à Bourdin. Dans notre postface, citée par Drévillon, mais seulement dans sa partie bibliographique (il ne donne pas d’index) nous montrions que lors de la dite Académie,fondée par Colbert en 1666, l’on aura pu dans ses premières décennies faire des communications liée à l’astrologie et nous y donnions l’exemple d’un certain Graindorge. Autrement dit, on aura compris qu’entre 1993 et 1996, Drévillon aura eu l’occasion- grâce à nous – de réviser complétement son propos sur la situation de l’astrologie à la fin de ce siècle qui fait l’objet de son travail. On note aussi que Drévillon a enrichi entre 1993 et 1996 sa bibliographie en ce qui concerne Pierre Bayle en y mentionnant non seulement les Pensées sur la Cométe mais les « Continuations » aux dites Pensées, ouvrage témoignant de l’activité astrologique à la fin du dit siècle. Or, nous avions en 1993 montré que Bayle s’était intéressé à Lenoble, ce qui nous avait d’ailleurs mis sur la piste du dit Lenoble/ Nous aborderons pour finir les questions relatives au volet proprement lié à l’histoire du prophétisme dans ce qu’il faut bien appeler la « compilation » d’Hervé Drévillon dont le titre de la thèse couvre un champ fort large association Astrologie et Prophétie, ce qui est, on l’a vu, le titre de notre exposition et de notre catalogue à la Bibliothèque Nationale de 1994. Signalons aussi notre article Astrologie dans l’Encyclopaedia Universalis (1994) Il se trouve que Drévillon aborde dans sa thèse de 1993 des sujets dont nous traitons dans notre Introduction Bibliographique, qu’il cite dans sa bibliographie, en ce qui concerne la fortune du Mirabilis Liber et du personnage de Sainte Brigitte, ce qui sera développé dans notre thèse d’Etat, Le texte prophétique en France soutenue en 1999, donc après la parution de l’ouvrage de Drévillon en 1996 chez Champvallon. (cf notre étude plus tardive dans la Revue Française d’Histoire du Livre sur Lichtenberger) Faut-il aussi rappeler que Drévillon cite les Actes du Colloque de Londres de 1984 tenu au Warburg Institute- et dont nous avions été l’instigateur- que Patrick Curry publiera en 1987 sous le titre Astrology, Science and Society, avec une étude de notre part « The revealing ?????) Autrement dit, quand nous parcourons les deux documents produits par Drévillon, nous avons nettement et de façon récurrente une impression de déjà -vu tant et si bien que nous éprouvons un sentiment de paternité à leur égard. Signalons notre étude(L’inversion de la controverse et l’Entre soi apologétique autour des Centuries « nostradamiques ») sur le Nostradamus que Drévillon a produite en 2003 avec Jean-Pierre Lagrange, chez Gallimard, Cette fois, bien que Drévillon mentionne nos travaux de 2002 « Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus (Prophetica Judaica, Ed. Ramkat)- mais pas notre thèse d’Etat de 1999 ( Le texte prophétique en France, Presses Universitaires du Septentrion) dans sa bibliographie en insistant toute fois sur le fait que les positions qui y sont défendues sont « controversées », on ne peut dire qu’il en aura tenu compte dans le corps de sa publication comme co-auteur, ce qui d’ailleurs aura considérablement hypothéqué, à ses dépens, la valeur scientifique de celle-ci. Pour la petite histoire, on notera que Jean Céard aura dirigé notre thèse d’Etat depuis 1985 et qu’il sera dans le jury de thèse de Drévillon et que le même Drévillon sera dans notre jury de thèse pour la soutenance de notre post Doctorat, en 2007, à l’EPHE Ve Section, « Le dominicain Jean Giffré de Réchac et la naissance de la critique nostradamique au XVIIe siècle), soit 4 ans après la parution de son Nostradamus, l’Eternel Retour, qui remettait évidemment en question son propre travail, consacré non plus au XVIIe mais au XVIe siècle. A ce propos, nous avons consacré dans « L’inversion de la controverse et l’Entre soi apologétique autour des Centuries « nostradamiques » la partie centrale de notre étude à la critique du Nostradamus de Drévillon et Lagrange, notamment dans leur interprétation biaisée de l’Elégie de Ronsard à Guillaume des Autelz et au caractère très improbable de la chronologie proposée des premières éditions des Centuries. Pour terminer le présent travail consacré aux influences et aux emprunts, venons-en brièvement à la récente parution par Denis Labouré de ‘Astrologie & Religion au Moyen Age ». (Domuni Press 2019), ouvrage largement consacré à Pierre d’Ailly. Nous avions déjà étudié par ailleurs les Origines de l’Astrologie, aux Ed. du Rocher, du même Labouré lequel avait publié en 1990 aux éditions ????un traité de Claude Dariot dont il avait pris connaissance à la Bibliotheca Astrologica avec notre postface.. Dans ses Origines de l’Astrologie, Labouré avait largement utilisé notre traduction des traités d’Abraham Ibn Ezra (Le Livre des fondements astrologiques, Préface de G . Vajda, Ed Retz 1977) en ne mentionnant pas cependant notre nom. Toujours, dans l’optique des emprunts et de leur (non) reconnaissance, on commencera par noter deux absences dans la bibliographie de Labouré : Le Monde Juif et l’astrologie, issu de notre thèse de 1979 (EPHE) La problématique astrologique chez les principaux penseurs juifs du Moyen Age Espagnol et notre thèse d’Etat Le texte prophétique en France. Formation et fortune (1999). On y ajoutera notre étude consacrée spécifiquement au cardinal, parue dans le Bulletin de la Société Historique de Compiégne, 1993 (Colloque européen 16-17 mai 1992 de Pierre d’Ailly à Christophe Colomb) « Pierre d’Ailly et l’Antéchrist » (pp. 49-78)/ En conclusion, la copie se substitue à l’original et tend à prendre sa place, ce qui constitue assurément un appauvrissement et une perte de compétitivité pour les sociétés qui tolèrent ce pillage, ce dépouillement, c »est là une cause majeure de médiocrité et les éditeurs ne devraient pas être complice de telles impostures, en se montrant plus vigilants quant à la qualité de ce qui leur est proposé. JHB 10 06 21

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