samedi 12 juin 2021

Jacques Halbronn L'apport de Mireille Huchon à la recherche nostradamologique

L’apport de Mireille Huchon à la recherche nostradamologique Par Jacques Halbronn Début 2021 parut chez Gallimard , dans la collection Biographies, un ouvrage ambitieux, à savoir le « Nostradamus » de Mireille Huchon, spécialiste de Rabelais. Embrassant un grand nombre de publications, on se demandera si la montagne n’a pas accouché d’une souris. A la différence d’Hervé Drévillon et Jean-Paul Lagrange, auteurs en 2003 d’un précédent opus chez le même éditeur, Mireille Huchon nous offre une quantité de notes de bas de pages mais sans index des travaux de recherche sur le sujet et sans bibliographie si ce n’est une dizaine de titres dans une rubrique intitulé « Nostradamiens » (p. 349). On est donc condamné à dépouiller l’entrelacs des notes non pas placées en bas de page mais en vrac pp. 311- 349) Dans la quatriéme de couverture, on insiste sur le caractère ‘biographique » plutôt que « bibliographique » du travail entrepris. « à la faveur de documents récemment exhumés » (cf pp. 292 et seq). De quels documents s’agit-il du Recueil des Présages Prosaïques, édité en partie dès 1999 aux éditions du Seuil par Bernard Chevignard et de la correspondance, éditée par Jean Dupèbe (Lettres inédites, (Travaux d'Humanisme et de Renaissance, n° CXCVI). Genève, Librairie Droz, 1983), donc des éléments connus déjà depuis un certain temps, vingt ans et quarante ans environ respectivement. Mais peut-on séparer biographie et bibliographie dans le cas de Nostradamus ? Un tel exercice apparait vite comme acrobatique. Cela contraint l’auteur à admettre d’office que le domaine bibliographique ne fait plus problème, surtout depuis les publications de Chomarat, Benazra et Brind’amour – entre 1989 et 1993- âge d’or en quelque sorte de la recherche en ce domaine -et qu’il est enfin temps de passer au stade biographique. Exemple :’ De son vivant, ses livres de prophéties n’avaient pas remporté un succès comparable à celui de ses productions annuelles » (p. 263) Dont acte. L’affaire est entendue. Le lecteur est fixé : Nostradamus a bien publié « de son vivant » ses « prophéties ». On nous explique qu’en « 1588, 1589 et 1590 les éditions des Prophéties de Nostradamus (…) sont publiées sans les trois dernières centuries »(p.272) Mireille Huchon se contente donc de constater qu’aucune « réédition » à 10 centuries n’aurait eu lieu entre 1568 et 1590 sans se demander si l’édition de 1568 a jamais existé, ce qui permettrait de comprendre pourquoi il n’en fut pas question dans les années citées. On voit là à quel point la biographie est tributaire de la bibliographie puisque la biographie est contrainte de conférer une réalité existentielle à toute la chronologie des œuvres, ce qui est là franchir un seuil redoutable ! Mireille Huchon ne peut éviter l’ecueil bibliographique quand elle évoque «  l’existence d’une édition en 155_ aujourd’hui perdue »(p 264) Quant à l’argument selon lequel certains quatrains traitent de telle époque du vivant de Nostradamus, c’est bien léger. Ce qui est plus grave, c’est quand certains quatrains traitent de la période de la Ligue (cf notre communication in Prophétes et Prophéties 1997) mais on peut alors mettre cela sur le compte de la vertu prophétique !D’ailleurs, Mireille Huchon s’interroge : » Préscience réelle s’il existe bien une édition publiée en 1558, ou prescience forgée par quelque faussaire qui a pu vouloir, après coup, donner l’illusion de la capacité de prophétie de Nostradamus » (pp 264-265) Mireille Huchon est tout à fait avertie de l’usage de la Guide des Chemins de France (1552) et elle ne s’étonne pas plus que cela que Nostradamus se soit amusé à compiler cet ouvrage truffé de noms de lieux.(pp. 265 et seq) tout comme elle ne s’étonne pas que ‘Nostradamus se (soit) fait chroniqueur de la royauté française ». Il ne lui vient pas à l’esprit que de tels procédés seraient précisément ceux de tacherons payés par des libraires faussaires pour faire du quatrain à la chaîne ! Mais revenons sur le propos de Mireille Huchon (p. 266) à propos des quatrains géographiques (signalés par Chantal Liaroutzos) Elle mentionne la « correction « de Chastres en Chartres sans se demander ce que vient faire Chartres dans ce quatrain ; Or, la « correction » n’est nullement innocente, elle fait référence, selon nous, à l’annonce du couronnement d’un Henri IV, converti, dans la cathédrale de Chartres au lieu et place de celle de Reims qui lui est inaccessible dans les années 1593-94, ce qui, dans ce cas, permettrait de dater le quatrain pour ce moment qui fait suite à la fameuse formule «  Paris vaut bien une messe ».Il semble donc que Mireille Huchon ait pu croire que la forme « Chastres » était une erreur de la Guide des Chemins de France que l'on aurait corrigée dans le quatrain en question, alors que Chastres était tout à fait correct et n'a été changé en Chartres que pour les besoins de la cause ! Chastres alias Arpajon correspond bien géographiquement aux autres communes citées, ce qui n'est pas vraiment le cas de Chartres ! Mais venons-en à l’usage que tire Mireille Huchon du Recueil des Présages Prosaïques qui devait lui permettre, selon ses dires, de faire avancer le shmiblic. Elle nous parle d’extraits alors qu’il s’agit carrément de la reproduction intégrale de publications annuelles comme l’exposait Bernard Chevignard, en 1999, selon nos conseils. Mireille Huchon s’est probablement arrétée, par mégarde, dans ses notes en ce qu’en disait Pierre Brind’amour (décédé en 1995) en 1993 (Nostradamus astrophile) qui ne disposait pas d’assez d’exemplaires des imprimés de l’époque pour porter un jugement tout à fait pertinent. En fait, l’intérêt du dit Recueil, comme nous l’avons montré, est de nous permettre de retracer la genése de la préface à César dont Antoine Couillard se -fait l’écho en 1556 dans ses Prophéties sur lesquelles elle s’étend quelque peu (pp ; 166 et seq). Au premier abord, un tel témoignage semble attester de la parution de l’édition 1555 de Macé Bonhomme, qui s’ouvre par la dite Préface. Mais, justement il convenait de comparer le texte de Couillard avec la production de Nostradamus à ce moment -là, ce que permet justement le dit Recueil des Présages Prosaïques. L’on observe alors que certains passages des Prophéties de Couillard reprennent des éléments de la production de Nostradamus d’alors alors qu’on ne les retrouve pas dans la Préface à César en tête de la dite édition 1555. Inversement, à la lecture de la correspondance éditée par Dupébe, il n’est nullement question des Centuries mais –selon le texte latin d’une des lettres, d’ »éphémérides », c’est-à-dire d’almanachs –Dupébe ayant mal rendu ce passage (cf notre post doctorat Le dominicain Giffré de Réchac et la naissance de la critique nostradamique. EPHE 2007) dont il ne semble pas que Mireille Huchon ait pris connaissance 12 ans plus tard. Quant à Ronsard (cf pp. 213 et seq), dans son Elégie (dont Hervé Drévillon et J. P. Lagrange avaient traité avec une certaine désinvolture en 2003 dans son Nostradamus. L’éternel retour, chez le même éditeur, il n’attribue nullement la mort du Roi à une prophétie de Nostradamus –il s’agit d’une cométe qui avait laissé pressentir un drame notamment chez Junctin de Florence (cf Isabelle Pantin sur cette question, p. 477). Ronsard fait référence explicitement aux prédictions annuelles qui ont fait sa réputation et rappelons que ses almanachs comportaient des quatrains tirés de ses textes en prose – et dont il ne fut probablement même pas l’auteur- lesquels inspirèrent les faussaires dans leur projet « centurique ». L'annee 2003, célébrant la naissance de Nostradamus en 1503 inspira des éditeurs tels que Gallimard et Flammarion d'où la sortie des "Prophéties / Nostradamus ; présentation, notes, glossaire et bibliogr. par Bruno Petey-Girard. et la biographie de Lagrange et Drévillon qui s'avancèrent sur un terrain miné, mal préparés au répérage des supercheries littérairs/ . JHB 11.05. 21

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