lundi 12 avril 2010

L'Astrologie et la tentation de la linéarité

par Jacques HalBronn

Nous éprouvons quelque malaise quand nous entendons tel ou tel astrologue nous parler de l'évolution du monde qui serait marquée par l'ère du Verseau ou la découverte de nouvelles planétes. Nous y voyons une tentative de prise, d'appropriation du pouvoir par les valeurs Yin.
En effet, les valeurs yang ne peuvent s'affirmer que dans la cyclicité et un refus de toute linéarité. Car qu'est-ce que la linéarité si ce n'est un refus de retourner au point origine au nom d'une certaine idée du progrès?
Nous incluons dans la linéarité, toute périodicité excessivement lente, qui renvoie le retour au point origine à une date fort éloignée. Que l'on en juge en ce qui concerne les ères précessionnelles dont le cycle global dépasse les 25000 ans! Mais c'est déjà le cas pour les transsaturniennes et singulièrement pour Pluton qui a besoin de 248 ans pour revenir à son point de départ. Tous ces facteurs tendent bel et bien à yiniser l'astrologie en renvoyant aux calendes grecques tout retour. Et c'est déjà vrai avec Uranus et ses 84 ans.
A contrario, tout cycle court inquiète les gens du Yin de par la fréquence que cela implique d'un retour aux valeurs yang.
Autrement dit, tout se passe comme si à la fin du XVIIIe siècle, l'astrologie avait amorcé une remise en question de la cyclicité alors même d'ailleurs que l'on parlait de révolution! Rappelons en effet que la théorie des ères précessionnelles a été présentée dans les années 1790 et qu'Uranus n'est entré dans les manuels d'astrologie qu'un certain temps après sa découverte de 1781. C'est alors que nait ce que l'on peut appeler l'astrologie contemporaine ou du moins celle qui dominera le XXe siècle.
Pourquoi qualifions-nous de Yin un discours de linéarité, si courant de nos jours? Revenons sur la dialectique Yin Yang en disant qu'au commencement est le Yang, et que tout cycle ramène donc au Yang, c'est à dire à la conception, dans tous les sens du terme. Au bout d'un certain temps, le yang passe le relais au Yin en attendant que Yin, à son tour, revienne vers le Yang pour enclencher un nouveau cycle. Pour faire image, prenons le cas d'une mère qui accouche d'un enfant et qui au lieu d'accepter d'en porter un autre arguera du fait que cet enfant qui est né, il faut l'élever avant d'en mettre un nouveau au monde. On dira qu'elle trouve là prétexte à ne pas revenir vers l'homme en mettant en avant l'intérêt qu'elle porte à l'enfant déjà advenu. Un tel manège peut conduire à ne plus faire d'enfant! Cela s'assimile à une exigence de linéarité qui ne nous semble nullement innocente.
C'est pourquoi nous exprimerons de façon très nette notre méfiance face à des propos linéaristes qui claironnent à quel point l'astrologie annonce des temps nouveaux au point de nous faire oublier la nécessité du cycle, et d'un cycle court pouvant être vécu plusieurs fois au cours d'une vie. Nous avons du mal à entendre des réflexions sur le fait que Pluton restera de nombreuses années dans un seul signe car sans parler d'un retour de cet astre tous les deux siècles et demi, le temps imparti au seul passage de Pluton dans un seul signe nous semble déjà surdimensionné et il en est de même si l'on subdivise en 12 chaque ère précessionnelle de 2160 ans. Cela donne des unités beaucoup trop longues qui freinent pour le moins l'éventualité d'un retour vers le Yang et un nouveau passage du Yang vers le Yin, avec tout ce que cela implique.
Une autre problématique yin est du même ordre est celle d'une sorte de quête de perfection, de parachèvement (en grammaire, l'on parle du "plus que parfait" (en anglais pluperfect) pour désigner une action totalement terminée) . Or, au nom d'une telle exigence d'aboutissement, l'on voit des gens ne pas ou plus oser s'exprimer spontanément, craindre toute forme d'improvisation. Les relations humaines deviennent des mises en scène, des spectacles balisés de bout en bout.(genre scènes ouvertes, si à la mode à Paris, type karaoké, animation pour les maisons de retraite, où il suffit de savoir lire pour faire à peu près bonne figure, on peut savoir lire une partition ou un thème natal, cela s'apprend). Le yin est friand de perfection, de totalité, de synthèse, d'un objet abouti, accompli, figé pour l'éternité, comme c'est le cas d'un poème, d'une sonate, d'un tableau, qui atteignent à l'intemporalité. Par le truchement de l'interprète qui instille une dose homéopathique de yang, toutes ces œuvres renaissent, comme si la mort pouvait ainsi être vaincue. C'est ainsi que récemment, nous avons fait revivre les textes de notre grand mère, Claude Jonquière (1885-1957) à la "Cave à poèmes" de Gérard Trougnou.
Pour le Yin, la mort est fascinante en ce qu'elle est un aboutissement mais cela vaut pour toute chose, non seulement une personne mais une œuvre. et le Yin a le don de conférer à ce qui est mort l'illusion de la vie. D'ailleurs, dans l'ancien système à 8 secteurs (octotopos), la maison VIII est la dernière. Il n'est d'ailleurs pas logique que la maison de la Mort n'ait pas été placée à la fin lorsqu'on est passé de 8 à 12 maisons, s'alignant ainsi sur le Zodiaque..A contrario, le Yang est un début (c'est à dire littéralement un dépassement du "bout")



JHB
25. 02. 10

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