lundi 8 mars 2010

Pour une approche romanesque de l'Astrologie

par Jacques Halbronn

Il faut se méfier des historiens et se souvenir que parfois la réalité dépasse la fiction. Par réalité, nous entendrons ici ce qui est reconstitué par les historiens et qui débouche souvent sur une représentation totalement invraisemblable des choses. Et comme a dit quelqu'un "le vrai n'est pas toujours vraisemblable". Mais qu'est ce que le vrai si ce n'est ce que nous savons de quelque chose? En ce sens, il nous apparait que les historiens auront causé du tort à l'astrologie en la réduisant à ce qui en a été conservé, à ce que l'on en "sait".
Quand nous prônons, de manière quelque peu provocatrice, une approche romanesque de l'Astrologie, nous entendons souligner le fait que souvent les romans sont plus pertinents, d'un point de vue anthropologique que les récits historiques et c'est pourquoi leur lecture tend à s'avérer plus satisfaisante pour l'esprit. Philosophie et Roman font bon ménage comme l'a démontré Jean-Paul Sartre.
Nous même avons beaucoup donné à l'Histoire mais d'une certaine façon nous ne nous identifions pas pour autant à cette corporation, qui d'ailleurs s'en rend bien compte. Par exemple, nous ne nous satisfaisons pas de nous en tenir aux "faits", c'est à dire à ce qui nous est parvenu/survenu/provenu du passé. Pour nous, il ne s'agit là que d'une matière brute qui demande à être considérablement retravaillée, repensée, ce à quoi beaucoup d'historiens se refusent..
Ecoutons donc un astrologue aux velléités historiennes : ce qu'il va nous relater sera "vrai" mais cela ne tiendra pas cependant la route...Quel dilemme entre le vrai qui sonne faux et le fictif - parce que non attesté, pas assez documenté, qui sonne juste!
L'Histoire génère toutes sortes d'idiosyncrasies, alimente les nationalismes par le merveilleux qu'elle génère en raison même de ses lacunes et de ses carences. Signalons en passant que moins on comprend quelque chose, plus on a envie d'en rire, c'est pourquoi certaines couches de la société, manquant souvent d'une vision globale, passent leur temps à se moquer de tout ce qu'elles ont quelque peine à comprendre, s'en tenant aux "faits", à ce qui en est dit, à ce qui leur est parvenu..Et à partir de là on construit des discours dont l'invraisemblance est compensée par la véracité.
Faites l'expérience: résumez la vie de quelqu'un par son Curriculum Vitae, que de "trous", que de passages inexpliqués, c'est une collection à la Prévert!
On comprend que les Historiens aient été priés de ne pas fréquenter l'Académie Royale des Sciences, plus encore peut-être que les astrologues qui pouvaient, eux, s'appuyer, avec plus ou moins de bonne foi, sur l'astronomie. La grande question des historiens - et notamment de la Nouvelle Histoire - aura été: sur quoi l'Histoire peut-elle s'appuyer pour ne pas se morfondre dans une sorte de surréalisme? Car tel est bien le penchant de la science historique: le surréalisme! Et il ne faudrait pas croire que les historiens constituent une caste étroite. En réalité, la plupart des gens sont des historiens qui s'ignorent, à la façon dont Monsieur Jourdain faisait de la prose, ne serait-ce que des historiens du quotidien, de quelque microcosme. Ecoutez tous ceux qui ont quelque chose à raconter? Ne sont-ce pas là des historiens d'ailleurs très rigoureux qui mettront un point d'honneur à répéter mot pour mot ce qu'ils ont vu, lu, entendu?
Quand nous prônons donc une approche romanesque pour l'Astrologie, il faut comprendre qu'il importe d'en parler intelligemment. Est-ce vraiment trop demander? La carte n'est pas le territoire, qu'est-ce que cela signifie si ce n'est que les ruines ne sont pas la forteresse, ce ne sont que des ruines. Maintenant il n'est pas interdit d'essayer d'imaginer ce qui précéda, ce qui donna, produisit de telles ruines et de le faire en respectant une certaine vraisemblance, un certain bon sens dont certains historiens croient pouvoir encore se dispenser.
Paradoxalement, en faisant appel à notre imaginaire, nous éviterons probablement de brider notre intelligence en lui faisant avaler des couleuvres, au nom de la sacrosainte réalité ou vérité! Cela dit, il faut bien des historiens qui s'en tiennent aux apparences, aux données "brutes" comme il faut des conservateurs de musées ou de bibliothèques s'en tenant aux "faits", à ce qui est écrit.
Notre imaginaire ne nous fera pas délirer car il converge avec la philosophie. Comme on dit : les grands esprits se rencontrent et nous partageons un certain imaginaire par delà les cloisonnements des diverses disciplines; L'imaginaire désenclave!
Si l'on en revient à l'Histoire de l'astrologie, combien d'âneries n'ont-elles pas été proférées quant à ses origines? En effet, les historiens collectent toutes sortes de données et s'efforcent d'en faire une synthèse, ce qui passe souvent par des solutions de continuité qui comme leur nom l'indiquent visent à conférer une certaine illusion de continuité à des données réparties sur une certaine période de temps tout en étant censées converger. Souvent d'ailleurs l'Historien narre le passé à la lumière du présent, comme rétroactivement. Ainsi, du moins le croit-il, ne risque-t-il guère de se tromper s'il tient compte de la façon dont les choses ont évolué - et donc ne pouvaient qu'évolue, soutiendra-t-il..
Si l'on prend le cas de Nostradamus, un des astrologues les plus célèbres de toute l'Histoire Moderne, la plupart des historiens désirent s'en tenir à ce qui nous en est parvenu, à l'oeuvre telle que conservée dans les bibliothèques. Mais est-ce qu'un tel assemblage fait réellement sens? On nous répondra qu'au moins, c''est du "concret", un garde-fou contre la "fée du logis". Certes, mais à quel prix? Quid des contrefaçons quand on a affaire à un personnage entré dans la légende? Quid de tout ce qui n'a pas été conservé? Imaginons un moment un monde qui n'idolâtrerait plus l'Histoire, qui ne s'en tiendrait pas aux "restes"? Ne parviendrions-nous pas à une représentation toute différente de l'Histoire du Monde? Il est donc peut-être temps d'envisager de s'émanciper de la tutelle historienne? Que l'on songe au sionisme se croyant obligé de se réimplanter dans la terre des Hébreux, celle dont parle la Bible. Est-ce que cette "histoire" d'un peuple ayant survécu des siècles à la dispersion est bien celle d'un peuple ayant une Terre à retrouver?
Reconnaissons qu'il ne faut pas être Einstein pour s'en tenir aux faits puisqu'il n'est pas demandé de réfléchir mais de relater ce qu'il en est, c'est à dire ce que l'on en sait, ce qui fut probablement la première acception du mot science. On ne demande pas dans un procès à un témoin de spéculer mais de s'en tenir à ce qu'il "sait", "toute la vérité, rien que la vérité". On ne lui demande pas de penser. Mais aux juges, aux avocats, au jury, il reviendra de mettre tout cela en perspective, de parvenir à une certaine vraisemblance, quitte à rejeter, in fine, ce qui ne "passe" pas, qui ne cadre pas.
Quant à l'astrologie, tout se passe comme si l'on faisait le grand écart entre l'astronomie et la littérature astrologique telle qu'elle a pu être conservée, sans prendre la peine de mener une véritable fouille archéologique permettant de décomposer un objet, apparemment d'un seul tenant en toute une série de strates non seulement dans l'espace mais dans le Temps.
Abordant l'autre jour un éminent astrologue à propos de la signification de tel aspect en astrologie, il nous renvoya à Ptolémée en signalant qu'il préférait s'en tenir à son texte, en évitant toutes sortes de cogitations qu'il jugeait gratuites et spécieuses sans s'apercevoir que sa position était intenable au regard d'une certaine exigence de cohérence. En fait, notre astrologue-historien à ses heures- nous semble avoir voulu ainsi refuser de s'en remettre à tel maître à penser, préférant adopter un profil bas mais qui ne le contraindrait pas à s'incliner devant tel ou tel penseur de l'astrologie.
On pourrait au fond être tenté de psychanalyser une telle posture historienne qui ne va pas sans une certaine (psycho) rigidité. Elle nous semble correspondre à une position moyenne que l'on pourrait qualifier de petite-bourgeoise, ce qui correspondrait peu ou prou à ce qu'on appelle des "demi-savants", qui véhiculent des bribes de connaissance, en s'en tenant à une quête d'objectivité au prix d'une certaine irrationalité qui n'est d'ailleurs pas dénuée d'enchantement, comme on dit de nos jours. Pourquoi, en effet, toujours chercher à comprendre? Le Sage ne serait-il pas celui qui prend le monde tel qu'il est, sans le remodeler à sa guise? C'est oublier là que l'esprit humain, s'il n'est pas nécessairement porteur d'une science infuse, n'en est pas moins, dans ses manifestations les plus hautes, porteur d'une certaine universalité à laquelle tout doit se référer.
L'historien est trop souvent conduit à entériner l'invraisemblable au nom de faits lacunaires mais certains autour desquels il bâtira, c'est le cas de le dire, un mauvais roman. Selon nous, l'historien ne saurait renoncer aux exigences de la rationalité sur l'autel de la véracité "factuelle". Il nous fait penser, cet historien, à cet enfant qui développe une image magique du monde du fait de tout ce qui lui échappe. L'un, l'historien, est victime d'un décalage diachronique de par une carence temporelle et l'autre, l'enfant - et parfois l'étranger, le marginal - d'un décalage synchronique en ce qu'il ne parvient pas à s'inscrire dans un certain espace. Ce sont là des êtres peu structurés qui n'assument pas leur subjectivité pour soumettre les informations à la mesure de l'intellect humain et qui sont dès lors, condamnés à se plier au caprice de la conservation des données.


JHB
29. 01. 10

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