lundi 4 juillet 2022

Mireille Huchon Nostradamus (2021)

Mireille Huchon Dans Nostradamus (2021), pages 263 à 284 Quelques mois après la disparition de Nostradamus, les lecteurs, en prenant connaissance de son almanach pour 1567, apprenaient la fin de ses prévisions annuelles, si prisées, qui, depuis une quinzaine d’années, rythmaient le cours de leur vie. Le Nostradamus avait été, pour beaucoup, le compagnon fidèle de chaque jour, comme pouvait l’être le Calendrier des bergers. Mais, peu après, ils étaient invités à découvrir trois centuries inédites avec une épître liminaire à Henri II datée du 27 juin 1558, à moins qu’ils n’en aient déjà eu connaissance du vivant de Nostradamus. Centuries posthumes ou non ? Originales ou apocryphes ? À moins qu’il ne s’agisse de prophéties en brouillons… 2De son vivant, ses livres de prophéties n’avaient pas remporté un succès comparable à celui de ses productions annuelles. Il en fut de même durant les deux décennies qui suivirent sa disparition, avec la publication d’une seule édition en 1568. Mais le souvenir de Nostradamus était entretenu par ceux qui affublaient leurs propres livraisons annuelles de son nom ou d’un patronyme voisin. Il aurait pu cependant disparaître de la mémoire collective si la crainte de la fin du monde pour 1588 n’avait entraîné une fièvre éditoriale, si l’assassinat d’un roi, Henri III, la fin d’une dynastie, les troubles politiques afférents n’avaient pas conduit à se tourner vers une figure prophétique, si Chavigny n’avait pas publié le Janus, inaugurant un genre promis à une exceptionnelle fortune : les livres d’interprétation de ses prophéties. L’histoire de Nostradamus allait ensuite se confondre avec celle de ses exégètes. Linéaments 3La parution des dernières centuries de Nostradamus est énigmatique. En 1585, Du Verdier, à la rubrique « Michel de Nostradamus » de sa Bibliothèque, mentionne avec un commentaire peu flatteur l’édition de « Dix Centuries de prophéties par Quatrains qui n’ont sens rime ne langage qui vaille [impr. A Lyon par Benoist Rigaud 1568] ». Aucune édition de Benoist Rigaud n’a été conservée avec ce titre, mais Rigaud a bien fourni dix centuries, si l’on ajoute à l’édition de 1568 des sept premières centuries celle des Prophéties de M. Michel Nostradamus. Centuries VIII. IX. X. Qui n’ont encore jamais esté imprimées ; dépourvue de date et avec sa propre pagination, elle semble avoir été publiée au même moment. 4La date de première publication et l’authenticité de ces trois nouvelles centuries posent problème en raison de la présence de l’épître liminaire à Henri II, ce qui suggère l’existence d’une édition en 1558, aujourd’hui perdue. Mais certains quatrains de ces trois nouvelles centuries font indubitablement référence à des événements politiques de cette période particulièrement troublée, 1559-1561, où trois rois se succédèrent sur le trône à un an et demi d’intervalle. La lecture conjointe de la lettre et de ces quatrains laisse donc entendre que, du vivant d’Henri II, Nostradamus aurait prédit des événements avérés ensuite. Sa prescience est donc manifeste. Prescience réelle, s’il existe bien une édition publiée en 1558, ou prescience forgée par quelque faussaire qui a pu vouloir, après coup, donner l’illusion de la capacité de prophétie de Nostradamus ; il aurait écrit des quatrains obscurs et sibyllins, rédigé une lettre à Henri II absconse et hermétique. 5Les caractéristiques de ces centuries invitent à un autre scénario : une publication faite à partir d’un original de lecture particulièrement difficile. L’état d’inachèvement de certains quatrains, avec des vers faux ou incomplets, des reprises de vers d’un quatrain à l’autre, témoigne qu’il s’agit de brouillons de Nostradamus dont les irrégularités mêmes ont été fidèlement respectées. Chevigny, qui, dans l’Androgyn de 1570, indique avoir en sa possession toutes les œuvres de Nostradamus, dut être impliqué dans leur publication. Il s’agit d’un témoignage exceptionnel permettant d’entrer en quelque sorte dans l’atelier de Nostradamus, d’appréhender certaines de ses habitudes, telle la création groupée de quatrains sur un même thème. 6Le sort réservé aux toponymes permet de mesurer le scrupule apporté à la transcription d’un original difficile à déchiffrer et aussi de voir Nostradamus à l’œuvre dans sa pratique de la bibliomancie. Il a largement mis à contribution La Guide des chemins de France, ce récent et remarquable guide d’itinéraires pour voyageurs dans les provinces françaises paru en 1552 [1] [1] La Guide des chemins de France, op. cit. Sur cette source…. Dans un même quatrain sont regroupées les références empruntées à tel ou tel itinéraire. Ainsi en est-il du fameux quatrain de Varennes : 7 De nuit viendra par la forest de Reines, Deux pars vaultorte Herne la pierre blanche, Le moine noir en gris dedans Varennes Esleu cap. cause tempeste feu, sang tranche. IX.20 8Pour un des plus fameux exégètes de Nostradamus au xixe siècle : « Ce quatrain prophétique est si extraordinaire que seul il suffirait pour placer son auteur parmi ces génies extraordinaires que nous admirons sans les comprendre [2] [2] E. Bareste, Nostradamus, op. cit., p. 513.. » On a, en effet, voulu y lire la prédiction de la fuite de Louis XVI et de Marie-Antoinette et leur arrestation à Varennes : 9 Deux époux (deux parts), le Roi, délaissé & vêtu de gris (le Noir moyne en gris), & la Reine (Herne), cette pierre précieuse vêtue de blanc (la pierre blanche), sortiront de nuit par la porte (fores) de la Reine, prendront un chemin détourné (vautorte) & entreront dans Varennes. L’élection de Capet (Capet esleu) causera la tempête, le feu, le sang, le couperet tranchant (tranche) [3] [3] Anatole Le Peletier, Les oracles de Nostradamus, I, Paris, Le…. 10De cette ingénieuse interprétation, Georges Dumézil a fait une savoureuse « sotie » au xxe siècle, subtile variation sur la manie de la glose [4] [4] Georges Dumézil, « …Le moyne noir en gris dedans Varennes ».…. En réalité, Renes, Vaultorte, Hervee, Varennes, La pierre blanche sont des noms de lieux qui jalonnent des itinéraires de Bretagne menant à Rennes [5] [5] La Guide, op. cit., p. 128-131.. Le Varennes de Louis XVI, lui, est en Lorraine ! Celui qui a lu le brouillon de Nostradamus a bien individualisé ce nom de lieu, mais non les autres moins connus. L’écriture de Nostradamus était notoirement difficile à déchiffrer. Le quatrain de Varennes n’est qu’un exemple, parmi d’autres, de composition de quatrains à partir de ces itinéraires, et de défiguration involontaire par le lecteur du manuscrit, les noms surtout les plus rares étant méconnaissables. Ainsi en est-il pour Le bourg la Royne, Le pont Antony, Montlehery, Chastres, la forest de Torfou, l’hermitage, Estampes réunis sur une demi-page du guide [6] [6] Ibid., p. 92, avec une reprise identique, p. 97. et qui donnent matière à deux quatrains successifs où Estampes est correct, Chastres corrigé et le reste des noms singulièrement travesti : 11 Du bourg Lareyne parviendront droit à Chartres Et feront pres du pont Authoni panse, Sept pour la paix cautelleux seront martres Feront entree d’armee à Paris clause. IX.86 Par la forest du Touphon essartee, Par hermitaige sera posé le temple, Le duc d’Estampes par sa ruse inventee, Du mont Lehori prelat donra exemple. IX. 87 12Dans ces trois centuries, Nostradamus se fait chroniqueur de la royauté française et des événements où s’affrontent Espagne, France et Angleterre, à la fin du règne d’Henri II, durant celui de François II et au début de celui de Charles IX. Henri II est bien présent avec ses succès militaires. C’est l’Hercule gaulois en conflit avec Philippe II, le roi d’Espagne, qui est suggéré dans ce vers : « Quand Hercules battra l’Haemathion » ; Nostradamus y joue sur le nom géographique de l’Aemathie, lié à Philippe de Macédoine, et sur Emathion, tué par Hercule lors de son expédition pour aller dérober les pommes d’or du jardin des Hespérides. À côté de Chyren, anagramme d’Henric, Nostradamus use des anagrammes de Norlaris (Lorrains) et Mendosus (Vendosme), faisant état d’une rivalité dont sort victorieux le second. C’est une référence au moment où les Guise sont évincés du pouvoir à l’avènement de Charles IX en 1560. Le duc de Vendôme – c’est-à-dire le roi de Navarre – assure alors, rappelons-le, la fonction de lieutenant général du royaume, à défaut de la régence qu’il a laissée à Catherine de Médicis. Des vers sont explicites : « Le ranc Lorrain fera place à Vendosme, / Le hault mys bas et le bas mys en hault [7] [7] Prophéties, X.18.. » La Navarre, comme dans les premières livraisons de centuries, est fréquemment citée, preuve supplémentaire du souci de Nostradamus de se faire bien voir de cette cour. 13Plusieurs quatrains font référence aux troubles lyonnais du début de la décennie 1560 [8] [8] Prophéties, IX.70 ; X.59.. Un vers a fait couler beaucoup d’encre : « Sénat de Londres mettont à mort leur roy [9] [9] Prophéties, IX.49.. » Mis en relation, mais après l’événement seulement, avec l’exécution de Charles Ier d’Angleterre en 1649, il a été considéré à l’instar du quatrain de Varennes comme la preuve irréfutable de la prescience de Nostradamus [10] [10] E. Bareste, Nostradamus, op. cit., p. 501.. L’histoire d’Angleterre ne manque toutefois pas de souverains subissant le même sort. Tel Édouard II, déposé par le Parlement en janvier 1327 et assassiné peu après [11] [11] Peter Lemesurier, Nostradamus Bibliomancer, Pompton Plains,…. Telle la « Nine Days Queen », Jane Grey, reine d’Angleterre pour quelques jours de juillet 1553, de par la volonté de son cousin Édouard VI désireux d’évincer Marie Tudor ; Jane Grey fut déposée par le Parlement et exécutée. 14Les dates, explicites, sont, comme dans les premières centuries, peu nombreuses. Celle de 1999 a affolé le monde au dernier changement de millénaire : 15 L’an mil neuf cens nonante neuf sept mois Du ciel viendra un grand Roy deffraieur Rescuciter le grand Roy d’Angolmois. Avant apres Mars regner par bon heur. X.72. 16Elle concernerait l’éclipse totale du Soleil du 11 août 1999 (correspondant dans le calendrier julien, en vigueur jusqu’en 1582, au 31 juillet 1999 [12] [12] P. Brind’Amour, Nostradamus astrophile, op. cit., p. 262.). La fin du xxe siècle attendait ainsi l’arrivée de l’Antéchrist, l’invasion mongole, la troisième guerre mondiale, la destruction de la terre par une comète… la fin du monde [13] [13] Peter Lemesurier, The Nostradamus Encyclopedia, New York, St…. Une tout autre lecture en a été proposée. Cette date correspondrait à une même position des planètes en août 1525 et en juillet 1999. Le roi d’Angoumois serait François Ier, comte d’Angoulême, qui aurait été miraculeusement guéri en août 1525 lors de sa captivité de Madrid [14] [14] Interprétation fournie par P. Lemesurier, Nostradamus…. Selon les témoignages contemporains, il serait revenu à la vie en recevant le Saint-Sacrement ; ce « grand Roy deffrayeur » – deffrayeur désignant celui qui paie les frais – serait alors Dieu, un Dieu payeur, et non débiteur, pour répondre aux débats théologiques de l’époque [15] [15] Robert Knecht, Un prince de la Renaissance, Paris, Fayard,…. 17Alors que la période de 1559-1561 est si présente dans des quatrains visiblement écrits après la survenue des faits, la lettre à Henri II est datée du 28 juin 1558, avec des prédictions commençant le 14 mars 1557. Elle n’avait pas vocation à accompagner les quatrains de ces trois centuries. Elle aurait pu avoir sa place dans un projet antérieur de publication de prophéties qui n’aurait pas abouti, la levée de boucliers contre Nostradamus après 1557 ayant pu être dissuasive ; elle serait restée à l’état d’ébauche. La présence d’éléments composites, les répétitions, les contradictions montrent qu’il s’agit là encore de brouillons mis bout à bout, peut-être rédigés à des dates et à des fins diverses [16] [16] Pour Jacques Halbronn, « Halbronn’s Researches 86 », Propheties…. Ainsi, le lecteur peut s’étonner d’y trouver, avec des calculs précis et très détaillés depuis Adam, deux dates divergentes pour la création du monde : 4757 ou 4173 avant J.-C. La première chronologie se réfère plutôt à la version des Septante – version grecque de l’Ancien Testament –, la seconde relève de la tradition massorétique de la Vulgate – traduction par saint Jérôme à partir d’un original hébreu. Dans la plupart de ses almanachs, Nostradamus, toutefois, avait opté pour – 3967, date voisine de celles que donnent les astrologues. Nostradamus, pour ce problème de date, a proposé des solutions diverses, où interfèrent astrologie et Bible [17] [17] Pour P. Brind’Amour, Nostradamus astrophile, op. cit., p. 177,…. Mais il n’a pas tranché. S’il avait dû divulguer la lettre à Henri II, il aurait probablement été amené à faire des choix. 18Le passage concernant l’annonce de la persécution de l’Église est représentatif des pratiques de Nostradamus. La date de début, 1606, est suggérée par des données empruntées aux Éphémérides de 1556 à 1606 publiées par Cyprian Leowitz en 1557 [18] [18] Ibid., p. 257.. Nostradamus reprend les positions des astres pour le 28 janvier 1606 et il traduit mot à mot les indications concernant la rétrogradation des planètes. Tubbe, avec qui il est en relation depuis la fin de 1559 et qui lui a transmis le livre de Leowitz, exprime en décembre 1560 sa satisfaction d’apprendre que Nostradamus en a pris connaissance. Ce passage ne doit donc pas être antérieur à 1560 [19] [19] Voir les lettres VIII, 4 novembre 1559, et XVIII,…. La date de 1792, pour la fin de ces persécutions, est celle que propose Roussat pour la rénovation du siècle. Nostradamus a emprunté ces deux dates spectaculaires à deux de ses ouvrages de prédilection. 19Il s’en prend, selon son habitude, à ses calomniateurs. Il est prêt à user, pour leur clouer le bec, de tous arguments, sans considération pour leur éventuelle inconvenance. Pourquoi s’étonner, prétend-il, que lui ait été donné « l’instinct de l’art divinatrice », alors que les rois de France ont le don de guérir les écrouelles ! 20Nostradamus a peut-être eu pour projet de publier de nouvelles prophéties peu après celles de 1557 et de les accompagner d’une lettre au roi. Il a pu garder dans ses papiers une ébauche d’épître liminaire. Mais les trois dernières centuries sont constituées de quatrains dont certains sont postérieurs à la mort d’Henri II et portent sur des événements qui se sont déroulés dans les années qui suivirent, tels l’éclipse de l’influence de la maison de Lorraine et le rôle du roi de Navarre au changement de rois en France. Les publier après la mort d’Henri II avec une lettre à ce souverain en date de 1558 pouvait donner à penser que Nostradamus avait, du vivant du roi, prévu tous les événements qui allaient suivre. Pour la publication, Chevigny a pu procéder à quelques modifications, amalgamer dans l’épître des éléments hétérogènes. Mais il a souhaité conserver les paroles de Nostradamus ou du moins essayé de les restituer dans leur authenticité. Il a voulu servir au mieux l’esprit de celui qui, selon lui, remporte la palme entre tous les mathématiciens d’Europe par son calcul et par sa voix, ce maître très vénéré, lumière et gloire de notre temps, selon les titres qu’il décerne à Nostradamus dans leur correspondance [20] [20] Lettre XV, 1er septembre 1560 ; lettre XLIII, 7 mai 1563.. Avatars 21À la mort de Nostradamus se sont multipliés ses épigones : Mi. de Nostradamus, M. Michel de Nostradamus le jeune, Antoine Crespin dict Nostradamus, Antoine Crespin Nostradamus, M. Crespin Archidamus, Florent de Crox disciple [21] [21] Robert Benazra, Répertoire chronologique nostradamique…. Dans une édition de présages recueillis de divers auteurs et prétendument trouvés dans la bibliothèque du défunt Michel de Nostredame, un avertissement de l’imprimeur au lecteur dénonce les imposteurs qui se trompent en pensant ainsi donner réputation à leurs « ineptes escrits », en s’avouant voisins, parents ou serviteurs de Nostradamus [22] [22] Presages pour treize ans, continuant d’an en an, jusques à…. L’un prend son lieu de résidence comme surnom. Un autre se prétend disciple de Nostradamus, « comme si Nostradamus avoit autrefois tenu escole, ou escrit livres par lesquels on peust estre instruit en cest art » ! Un Parisien se dit provençal, et celui-ci se fait appeler Nostradamus le Jeune. La charge ne manque pas de saveur, car cette édition est procurée par Mi. de Nostradamus le jeune, qui se faisait passer pour le fils de Nostradamus et qui a longtemps abusé les biographes de Nostradamus ! Il avait publié, dès 1568, une première édition des prédictions précitées [23] [23] Predictions pour vint ans, continuant d’An en An, jusques en… ; il fournit, sous le nom de Nostra Damus le Jeune, un recueil de prophéties de saints et de religieux, qui sera souvent imprimé avec les Centuries [24] [24] Recueil de revelations et propheties merveilleuses de Ste…. Florent de Crox, qui signe un almanach pour 1570 et un autre pour 1583, se présente en disciple du défunt Michel de Nostradamus [25] [25] Patrice Guinard, « Florent de Crox, le plus doué des imitateurs…. Ces divers opuscules relèvent souvent de la parodie ou d’un opportunisme pécuniaire ou politique et ne servent guère la réputation de Nostradamus. 22Une date provoqua un emballement médiatique qui profita à la mémoire de Nostradamus : celle de 1588 qui, pour certains astrologues, allait marquer la fin du monde. Cette imminence faisait débat. Un ouvrage s’en prenait à Cyprian Leowitz et à d’autres astrophiles contemporains qui, en raison des éclipses et de certaines conjonctions de planètes de 1579 à 1588, annonçaient la fin de l’empire, de la secte mahométane et même du monde [26] [26] François Liberati, Discours contre Cyprian Leovitius et autres…. En 1588, 1589 et 1590, les éditions des Prophéties de Nostradamus, publiées sans les trois dernières centuries, connaissent un développement sans précédent [27] [27] Édition limitée aux quatre premières centuries chez Raphaël du…. Il est à mettre en rapport avec les événements dramatiques de ces années-là – Ligue, Journée des barricades le 12 mai 1588, assassinat d’Henri III le 1er août 1589. 23À côté de ces publications, qui reprennent l’édition de 1557 des sept premières centuries, est publiée une édition qui se donne en titre comme augmentée pour l’année 1561 de trente-neuf articles dans la dernière centurie [28] [28] Elle offre une septième centurie complète, termine sur huit…. Elle est parodique avec des quatrains en double exemplaire, des modifications d’ordre des vers, les deux premiers prenant la place des deux derniers ; cette substitution veut donner à entendre l’inanité des prophéties de Nostradamus. Quant à la disposition de l’édition Rigaud de 1568 avec l’ajout indépendant des trois dernières centuries, elle se retrouvera en 1594 dans les éditions de Benoist Rigaud et, ensuite, de son successeur Pierre Rigaud. 24Des quatrains de Nostradamus devaient circuler sous forme manuscrite. Ainsi, le poète aixois Louis Galaup de Chasteuil (1554-1598), célébré par César de Nostradame, possédait un manuscrit autographe. Un de ses descendants précise que Louis XIII avait demandé que le manuscrit de Nostradamus lui soit remis, mais qu’une copie de quelques-unes de ses prophéties avait été conservée. Dix des onze quatrains ainsi recopiés sont inédits, dont celui-ci de Saint-Tropez [29] [29] Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras, manuscrits 385 et… : 25 Non loin du port pillerie et naufrage De la Cieutat frapte Isles Stecades De Saint-Tropé grand marchandise nage Classe barbare au rivage et bourgades. 26Un autre de ces quatrains est présent dans le Janus qui livre deux quatrains inédits d’une onzième centurie et onze d’une douzième centurie. 27Au xviie siècle, a été ajouté au corpus des Prophéties un ensemble de cinquante-huit sizains de prédictions admirables qui auraient été recueillies des Mémoires de Nostradamus et qui sont présentées au roi en 1605 par Vincent Seve, de Beaucaire [30] [30] Les Prophéties de M. Michel Nostradamus […] présentees au tres…. Ce dernier prétend avoir recouvré ces pronostications de Nostradamus des mains de son neveu Henri Nostradamus, inconnu par ailleurs ; elles auraient été tenues secrètes jusqu’alors, dans la mesure où elles traitaient des affaires du roi et de ses successeurs, mais l’accomplissement de certaines d’entre elles aurait incité Seve à les divulguer. Ces prédictions, avec de fréquentes références à des événements de la première décennie du xviie siècle, furent dénoncées dès leur parution comme des faux [31] [31] Mercure François, 1610, p. 437, cité par Étienne Jaubert,…. Les éditions des Prophéties du début du xviie siècle sont aussi augmentées des cent quarante et un quatrains extraits des opuscules annuels de Nostradamus parus de 1555 à 1567 où ils se trouvaient en tête des pronostications de chaque mois. 28La découverte de pseudo-inédits de Nostradamus est toujours appelée à faire recette. Ainsi, au xviie siècle, sont exhumées des prédictions pour 1683 à 1694 tirées de ses « anciens manuscrits » ; de même, au siècle suivant, des prophéties pour sept ans à partir de 1760 [32] [32] Générales prédictions pour douze ans commençant en l’année 1683… ; et encore, au début du xixe siècle, des prophéties trouvées dans sa tombe au moment de son ouverture et qui portent sur diverses années du xixe siècle [33] [33] Plusieurs éditions sur le modèle Prophéties nouvelles de Michel… ! À côté de ces séries, on invente des quatrains particuliers pour les rapporter à certaines situations. Pierre de L’Estoile, dans son journal à la date de mai 1602, parle d’un mouvement de protestation d’avocats contre des taxes nouvelles, mouvement apaisé par la Cour ; comme ils tenaient pour responsable le président de la Grande Chambre qui revenait d’une ambassade à Venise, ils prétendirent avoir trouvé ces vers dans les centuries de Nostradamus : 29 Un gondolier, dans le royal pourpris L’infanterie amène à l’escarmouche, Plume en drapeau, la langue mise à prix Grisons vaincus, patrons ont mis la mouche [34] [34] R. Benazra, Répertoire chronologique nostradamique (1545-1989),…. 30Les deux quatrains suivants contre Mazarin – Nizaram par anagramme –, qu’on fit courir durant la Fronde en 1649, prirent place, dans certaines éditions, à la fin de la septième centurie : 31 Quand Innocent tiendra le lieu de Pierre, Le Nizaram Cilicien se verra En grands honneurs, mais après il cherra Dans le bourbier d’une civille guerre Lutèce en Mars, Senateurs en crédit Par une nuit Gaule sera troublée Du grand Cresus l’horoscope prédit Par Saturnus sa puissance exilee [35] [35] É. Jaubert, Éclaircissement des véritables quatrains de maistre…. 32À la fin du xviie siècle, l’on s’amusait à la composition de quatrains à l’imitation de Nostradamus : comme le précise un contempteur de Nostradamus, des personnes d’esprit en inventèrent pour se divertir lors des négociations d’Aix-la-Chapelle et les envoyèrent à Paris, comme s’ils étaient de Nostradamus. Telle était aussi l’habitude, sous les deux règnes précédents et en Angleterre pour les révolutions [36] [36] François Menestrier, La philosophie des images énigmatiques,…. Pareille invention n’a cessé au cours des siècles, relayée à l’envi, actuellement, par des réseaux sociaux. Supputations 33À côté des créations, les interprétations de quatrains, dont la diversité tient aux partis pris des exégètes et au crédit accordé aux dons divinatoires de Nostradamus, sont innombrables : prédictions d’événements plus ou moins proches, prédictions mises en relation avec certains événements ultérieurs qui en attesteraient après coup la validité, prédictions qui ne seraient que des projections dans le futur de l’histoire présente ou antérieure à Nostradamus [37] [37] Sur la réception de Nostradamus au cours des siècles, voir…. Comme l’écrivait, dès le début du xviie siècle, Gabriel Naudé, les centuries de Nostradamus sont si ambiguës, diverses, obscures, énigmatiques, chacun des quatrains parlant de cinq ou six choses différentes, qu’il n’est pas étonnant que la mention de la prise d’une ville, de la mort d’un grand en Italie, d’une peste en Espagne, d’un monstre ou d’une victoire qui va bien finir par arriver finisse par vérifier la prophétie. Nostradamus n’avait pas souhaité de sens clair et intelligible, afin que la postérité lui donne celui qu’elle veut [38] [38] Gabriel Naudé, Apologie pour tous les grands personnages qui…. Ces remarques d’un sceptique, qui ajoute que les fervents de Nostradamus ne manquent jamais d’avoir des centuries dans leurs poches et de les idolâtrer, n’ont cessé de se vérifier, avec de notables pics d’intense activité interprétative dans les moments de l’histoire les plus dramatiques. 34Nostradamus lui-même avait à l’occasion mis en exergue la justesse de ses présages. Dorat en fut l’interprète par excellence. Ensuite, la publication de l’imposant Janus donna le ton, en proposant aux lecteurs la prescience de l’histoire du siècle derrière les quatrains nostradamiens. César, curieusement, ne reprend aucune de ces interprétations – il ne fait pas cas du Janus. Il n’évoque qu’incidemment, et en poète, les prédictions de son père. Chargé des inscriptions lors de l’entrée à Salon, le 18 novembre 1600, de Marie de Médicis, venue de Florence à Lyon pour son mariage avec Henri IV, César en fournit une où il invite Salon à se réjouir de voir les oracles de son fameux poète maintenant accomplis, Nostradamus le vates dont le nom retentit dans le monde entier et qui a chanté dans son poème sibyllin les noces royales de France et de Florence [39] [39] C. de Nostradame, L’entrée de la reine Marie de Médicis à…. Quatre vers latins de sa composition célèbrent les oracles de Nostradamus, vers chantés pour les Toscans et que maintenant Marie fait accréditer pour ses noces avec Henri [40] [40] Ibid., p. 44. ; en pendant, ce quatrain des Prophéties, initialement rédigé pour Catherine de Médicis et appliqué par César à Marie de Médicis : 35 Du vray rameau des fleurs de lis issu Mis et logé héritier d’Etrurie Son sang antiq de longue main tissu Fera florir Florence et l’Armorie. V.39 [41] [41] César le poète a corrigé les vers de son père pour le problème… 36De même, dans son histoire de Provence, il met en relation un quatrain des Prophéties de 1555 – qui pouvait se rapporter à une ancienne tentative d’invasion de la France – avec une défaite des huguenots à Malemort en novembre 1589. À cette occasion, écrit-il, courut le bruit en Provence que cette défaite avait été prévue par un grand personnage dans ses quatrains prophétiques, et un contemporain en fit un sonnet où il indiquait la prédiction faite par « l’oracle de la France », « De la Terre et des Cieux le fidelle interprète [42] [42] Histoire et chronique de Provence, p. 879. ». L’œuvre de Nostradamus sous la plume de son fils devient donc une source d’inspiration pour poètes. 37À l’imitation du Janus, qui lisait dans les quatrains de Nostradamus les derniers règnes des Valois et l’émergence des Bourbons, les prophéties de Nostradamus, au fil du temps, vont être appliquées à tous les régimes. À la montée sur le trône du jeune Louis XIV et à l’époque de la Fronde, les éditions des Prophéties se multiplient – vingt-deux éditions entre 1644 et 1650 [43] [43] S. Gerson, Nostradamus. Le prophète de nos malheurs, op. cit.,… ; il en est de même des commentaires. Un auteur titre son ouvrage sur la prédiction de l’avènement de Louis XIV par plusieurs saints Pères, par les sibylles et par Nostradamus [44] [44] Jacques Mengau, Le glorieux evenement a la couronne imperiale…. Un autre trouve dans les centuries les présages de la fuite et du retour funeste de Mazarin [45] [45] Les Vrayes centuries de Me Michel Nostradamus, Expliquées sur…. Nostradamus, « l’Oracle », donne à voir que jamais régent ne fut plus contraire à la France, avec ses changements des lois et coutumes de France, préfigurés dans ce quatrain : 38 Cueur, vigueur, gloire le regne changera, De tous points contre aiant son adversaire. Lors France enfance par mort subjuguera. Le grand regent sera lors plus contraire. III.15 39Nostradamus aurait prédit l’éloignement du cardinal et son retour en France pour la piller. Le fameux quatrain de Varennes, avec sa mention de Bourg-la-Reine, est, dans ce contexte, rapporté aux étapes de son itinéraire ! 40Dans l’histoire des éditions de Nostradamus, jalonnée de contrefaçons, d’éditions antidatées, une publication se signale tout particulièrement à l’attention, celle de 1668 dont le titre fait état des Vrayes centuries et prophéties, où l’on voit tout ce qui s’est passé dans le monde [46] [46] Les Vrayes centuries et propheties, Amsterdam, Jean…. Nostradamus aurait prédit les plus notables événements : mariage d’Henri IV avec Marie de Médicis ; mort d’Henri IV, d’Anne d’Autriche et de Mazarin [47] [47] Sixains LIV et LVIII.. Trois quatrains sont rapportés à la fin cruelle de Charles Ier, roi d’Angleterre, à la tyrannie de Cromwell et à l’embrasement de Londres : « Sénat de Londres mettront à mort leur roy. » « Le sang du juste à Londres fera faulte, / Bruslés par fouldres de vint trois les six [48] [48] Prophéties, IX.49 ; VIII.76 et II.51 et pour la tyrannie de…. » En frontispice, se trouvent le spectacle de l’exécution de Charles Ier en 1649 et celui de l’incendie de Londres en 1666. Cette édition, en dramatisant ainsi les prédictions, fit beaucoup pour la réputation de Nostradamus. 41Chavigny avait fait servir les vers de Nostradamus à la gloire d’Henri IV. Plusieurs y lisent une célébration du règne de Louis XIV [49] [49] Tel Jacques de Jant, Predictions tirées des centuries de…. À la même époque, le jésuite François Ménestrier s’en prend à l’influence politique des Prophéties : pendant la Fronde, « le nom de Nostradamus et ses prétendues prophéties servirent à remplir le monde de satires et de rêveries contre le gouvernement » et l’on cherche tous les jours à appliquer ces rêveries aux affaires présentes : ce ne sont pour lui que des mystères ridicules qui relèvent des chansons du Pont-Neuf plutôt que des oracles [50] [50] F. Menestrier, La philosophie des images enigmatiques, op.… ! 42Le curé normand Jean Le Roux, lui, s’attache scrupuleusement au vocabulaire, à la syntaxe, au style de Nostradamus. Pour lui, certaines prophéties ne sont pas à prendre dans un sens littéral, mais à interpréter dans leur allusion à l’Écriture, à l’histoire ou à la fable [51] [51] Jean Le Roux, La clef de Nostradamus, Paris, Pierre Giffart,…. Le destinataire de l’épître à César ne serait pas le fils de Nostradamus, mais le véritable interprète des prophéties, et celui de la lettre à Henri II, Louis XIV lui-même. En 1724, le Mercure de France préfère développer l’hypothèse de prophéties tournées vers le passé : « Nôtre nouveau Licophron s’est prêté à lui-même le personnage de Cassandre pour déguiser en stile Prophétique, et sous des termes mistérieux les faits arrivez de son temps » : l’ouvrage de Nostradamus « n’est qu’une Énigme historique [52] [52] « Lettres critiques sur la personne et les écrits de Michel… ». 43Si le xviiie siècle rationaliste fut moins favorable à Nostradamus, ses prophéties retrouvèrent tout leur lustre avec la fameuse année 1792, celle que Nostradamus, à la suite de Roussat, avait prévue comme « une rénovation de siècle » et la fin des persécutions de l’Église. Le présage pouvait diversement s’interpréter et, à la Révolution, chaque camp enrôla Nostradamus. Ainsi s’opposèrent l’Almanach royaliste, ou la Contre-Révolution prédite par Me Michel Nostradamus pour l’année bissexte 1792 et Le magicien républicain ou Oracles des évènemens dont l’Europe et particulièrement la France sera le théâtre en 1793. En 1800 parut L’Avenir dévoilé, ou Concordance des prophéties de Nostradamus, avec les événemens passés, présens et à venir de la Révolution : pour son auteur, l’histoire prouve un incontestable accomplissement de ces prophéties. Les opuscules de tous bords se multiplièrent et, une fois encore, il n’est pas aisé de déterminer l’origine exacte de publications qui manient la satire, la parodie, la polémique. 44L’épopée napoléonienne n’a pas manqué non plus d’exciter les interprètes. Pour le médecin Bellaud, qui met en avant la concordance des prophéties avec l’histoire depuis Henri II à Napoléon, Nostradamus aurait prédit l’avènement de « Napoléon-le-grand [53] [53] Napoléon, premier empereur des français prédit par Nostradamus,… ». Pour le mathématicien Théodore Bouys, qui tient à une clairvoyance instinctive de l’homme, les prédictions de Nostradamus sont primordiales. Ce dernier a déjà prédit la mort de Charles Ier, celle du duc de Montmorency, la persécution contre l’Église chrétienne en 1792, la mort de Louis XVI, l’élévation de Bonaparte à l’Empire. Suivent les événements à venir : la longueur du règne de Napoléon, l’instauration de la paix sur tout le continent, une puissance sur mer égale à la terrestre, la conquête de l’Angleterre par « ce héros [54] [54] Théodore Bouys, Nouvelles considérations puisées dans la… » ! 45Nombreux seront, ultérieurement, les exégètes à rapporter ce quatrain de Nostradamus à la naissance et aux guerres de Napoléon : 46 Un Empereur naistra près d’Italie, Qui a l’Empire sera vendu bien cher, Diront avecques quels gens il se ralie, Qu’on trouvera moins prince que boucher. I.60 [55] [55] P. Lemesurier, The Nostradamus Encyclopedia, op. cit., p. 187.… 47Mais cet empereur-là serait plutôt l’empereur Frédéric II (xiiie siècle) [56] [56] Roger Prévost, Nostradamus, le mythe et la réalité. Un…. 48Eugène Bareste, dans son Nostradamus de 1840, eut, « contre la philosophie sceptique et railleuse du xviiie siècle », la « folle prétention de réhabiliter le savant ». Il met en avant l’ambiguïté des écrits de Nostradamus qui ne peuvent être entendus que par les grammairiens et les philosophes, lesquels n’ont, toutefois, pas pris la peine de le lire consciencieusement [57] [57] E. Bareste, Nostradamus, op. cit., p. III et 478.. Avec son édition des Centuries, Bareste fournit une longue biographie, une histoire des oracles et des prophéties, une évocation des prophètes hébreux, antiques et modernes, et il explique certains quatrains par l’histoire. Le lecteur pouvait aussi y prendre connaissance de deux prophéties qui auraient été écrites au xvie siècle par Philippe Olivarius et Pierre-Dieudonné-Noël Olivarius, prédisant l’arrivée d’un grand monarque et l’histoire de Napoléon. Bareste se plaît à décrire une scène où Joséphine lit à Napoléon la prophétie d’un livre publié en 1542 et qui aurait été retrouvé dans le monastère bénédictin d’Orval ; Napoléon à son retour d’Elbe en aurait constaté la validité. Ces fameuses prophéties d’Olivarius et d’Orval sont attribuées à Nostradamus lui-même par Henri Torné-Chavigny, curé de La Clotte [58] [58] Prophéties dites d’Olivarius et d’Orval, interprétées par leur…. Celui-ci considère que, dans ses quatrains, Nostradamus l’aurait prévu, lui, en interprète privilégié : ainsi ce vers « Apparoistra temple luisant orné [59] [59] Prophéties, VIII.5. » comporterait en final son nom, « t orné », auquel il ajoutera celui de Chavigny ! Il s’intéresse non seulement à montrer la prédiction de l’histoire par Nostradamus, mais aussi à faire une lecture des quatrains avec l’Apocalypse [60] [60] Henri Torné-Chavigny, L’Histoire predite et jugée par…. 49À côté de son Nostradamus, Bareste avait lancé un Almanach prophétique, pittoresque et utile qui se donne comme publié par l’auteur de Nostradamus, puis par un neveu de Nostradamus ; paru pendant une cinquantaine d’années, il fut largement diffusé – quelque cent mille exemplaires par an. Pendant plusieurs années, Torné-Chavigny publia, lui, l’Almanach du Grand prophète Nostradamus. 50Bareste et Torné-Chavigny, par leurs explications et par leurs almanachs, firent beaucoup pour la diffusion des prophéties de Nostradamus en une période marquée par d’importants changements politiques. Il en est de même d’Anatole Le Pelletier qui, en 1867, donne une édition critique des Prophéties, accompagnée d’un glossaire de la langue de Nostradamus, d’une clé des noms énigmatiques et d’une « Scholie des principaux quatrains » ; dans la droite ligne de Chavigny, en plus de trois cents pages, il met en relation les quatrains de Nostradamus avec l’histoire, depuis la Révolution jusqu’à l’Antéchrist. Il y célèbre, le 2 décembre 1851, l’avènement de Napoléon III, « le grand Neveu » annoncé dans ce quatrain : 51 Par le decide de deux choses bastars Nepveu du sang occupera le règne Dedans lectoyre seront les coups de dars Nepveu par peur pleira l’enseigne. VIII.43 [61] [61] Anatole Le Pelletier, Les Oracles de Michel de Nostredame,… 52Il en glose ainsi les deux premiers vers : « À la suite du renversement (par le decide) des deux gouvernements illégitimes (bastards) de Louis-Philippe d’Orléans et de l’Assemblée nationale de 1848, Napoléon III, le grand neveu du fondateur de la dynastie napoléonienne (nepveu du sang), montera sur le trône de France (occupera le règne). » Les deux vers suivants, énigmatiques, ne seront éclaircis que « par un fait ultérieur, humainement impossible à prévoir ». 53C’est au xxe siècle qu’il y eut un « engouement planétaire » pour les Prophéties : Nostradamus devint « un phénomène mondial [62] [62] H. Drevillon et P. Lagrange, Nostradamus. L’éternel retour, op.… ». En 1938 parut de Max de Fontbrune Les Prophéties de Maistre Michel Nostradamus expliquées et commentées [63] [63] Max de Fontbrune, Les prophéties de Maistre Michel Nostradamus…. L’auteur s’appuie sur l’épître à Henri II, qui prédit que la Romanie, la Germanie et l’Espagne « feront diverses sectes par main militaire » ; il y voit l’avènement des trois dictateurs, Franco, Mussolini, Hitler. Émile Ruir, la même année, prévoyait Le grand carnage d’après les prophéties de Nostradamus. Le gouvernement de Vichy allait ensuite interdire ces ouvrages, tout comme les publications qui, à partir de certains quatrains, laissaient entendre la chute d’Hitler. Les nazis saisirent des exemplaires des Prophéties pour leur propagande, commanditant des ouvrages qui présageaient leur emprise totale sur l’Europe. C’est à une véritable bataille de quatrains que se livrèrent alors les Allemands, diffusant en France des vers pronostiquant leur victoire totale, et les Anglais publiant en allemand des prophéties de Nostradamus qui annonçaient aux Allemands leur complète déroute [64] [64] Voir S. Gerson, Nostradamus, op. cit., p. 239-264.. 54La fin du deuxième millénaire, avec ses inévitables inquiétudes millénaristes, mit également les prédictions de Nostradamus à l’honneur. Jean-Charles de Fontbrune, en 1981, connut le succès avec son contesté Nostradamus historien et prophète qui mettait en avant plus de quatre siècles de prévisions réalisées et proposait ses interprétations pour les vingt dernières années du xxe siècle [65] [65] Jean-Charles de Fontbrune, Nostradamus historien et prophète.…. Le Roumain Vlaicu Ionescu a rapporté de nombreux quatrains de Nostradamus au communisme, annonçant en 1987 sa chute pour 1991 [66] [66] Vlaicu Ionescu, Nostradamus. L’histoire secrète du monde,…. Peter Lemesurier, dans The Nostradamus Encyclopedia, en 1997, a présenté les diverses interprétations prophétiques données pour chaque quatrain, allant même jusqu’à fournir la carte des invasions musulmanes en Europe prévues par Nostradamus pour le xxie siècle. Mais, en 2010, dans Nostradamus Bibliomancer. The Man, the Myth, the Truth, il devait abandonner totalement l’interprétation prophétique de l’œuvre de Nostradamus et lire les quatrains à la lumière, entre autres, du Mirabilis liber, de Julius Obsequens, de Tite-Live, de Froissart, de Plutarque et de Roussat, en fonction des événements de l’histoire passée ou contemporaine de Nostradamus. Entre les deux millénaires, un Janus bifrons, symbole de la double face de l’exégèse nostradamienne ! 55Juste après les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours de New York fut largement diffusé ce quatrain apocryphe fondé sur des vers empruntés à deux quatrains des Prophéties : 56 In the year of the new century and nine months, From the sky will come a great King of Terror. The sky will burn at forty-five degrees. Fire approaches the great new city L’an mil neuf cens nonante neuf sept mois Du ciel viendra un grand Roy deffraieur… X.72 Cinq et quarante degrés ciel bruslera, Feu approucher de la grand cité neufve… VI.97 [67] [67] H. Drevillon et P. Lagrange, Nostradamus. L’éternel retour, op.… 57Quand la cathédrale Notre-Dame s’embrasa le lundi 15 avril 2019, ce fut un vrai quatrain de Nostradamus qui fut immédiatement invoqué [68] [68] Blog de Jessica Adams. : 58 Chef d’Aries, Juppiter et Saturne, Dieu eternel quelles mutations ! Puis par long siecle son maling temps retourne : Gaule et Itale quelles esmotions ! I.51 59Nostradamus aurait prédit la catastrophe dans ces vers ainsi interprétés : position des astres lors du sinistre ; emploi du terme d’émotion par le président de la République dans son message, « Notre-Dame de Paris en proie aux flammes. Émotion de toute une nation » ; allusion à son prénom, Emmanuel (« Dieu parmi nous » en hébreu) ; troubles en France et en Italie à la suite des révélations concernant des affaires d’abus sexuels au Vatican… En réalité, dans les deux premiers vers du quatrain, Nostradamus s’inspirait du passage du Livre de l’estat et mutation des temps où Richard Roussat évoquait les mutations correspondant à la conjonction astrale de 1702 [69] [69] P. Brind’Amour, Nostradamus astrophile, op. cit., p. 213. La… : 60 En après, la tresfameuse approximation et union de Saturne et Jupiter, qui se fera près la teste d’Aries, l’an de nostre Seigneur mil sept cens et deux, monstrera universellement sus terre insignes, admirables, et plus que trèsgrandes altérations et mutations [70] [70] R. Roussat, Livre de l’estat et mutation des temps, op. cit.,…. 61Le troisième vers, lui, faisait référence au retour de la période de Saturne, prévu pour 2242 selon Roussat et pour lequel il faudrait donc s’attendre à maints bouleversements [71] [71] Ibid., p. 95. Voir ici.… Quelles seront alors ces « esmotions » ? 62Lire le futur dans les quatrains une fois l’événement passé, tel est, depuis près de cinq siècles, l’exercice auquel invitent les vers de Nostradamus, en des exégèses sans cesse renouvelées, phénomène qui pourrait durer jusqu’à la fin des temps. Y lire le passé ou le présent, c’est tenter d’y retrouver les impressions de Nostradamus au contact de ses lectures ou des événements de l’actualité de son époque. Notes [1] La Guide des chemins de France, op. cit. Sur cette source majeure des Prophéties, voir Chantal Liaroutzos, « Les prophéties de Nostradamus : suivez la guide », Réforme, Humanisme, Renaissance, no 23, 1986, p. 35-40. [2] E. Bareste, Nostradamus, op. cit., p. 513. [3] Anatole Le Peletier, Les oracles de Nostradamus, I, Paris, Le Peletier, 1867, p. 175. [4] Georges Dumézil, « …Le moyne noir en gris dedans Varennes ». Sotie nostradamique suivie d’un Divertissement sur les dernières paroles de Socrate, Paris, Gallimard, 1984. [5] La Guide, op. cit., p. 128-131. [6] Ibid., p. 92, avec une reprise identique, p. 97. [7] Prophéties, X.18. [8] Prophéties, IX.70 ; X.59. [9] Prophéties, IX.49. [10] E. Bareste, Nostradamus, op. cit., p. 501. [11] Peter Lemesurier, Nostradamus Bibliomancer, Pompton Plains, Career Press, 2010, p. 246. [12] P. Brind’Amour, Nostradamus astrophile, op. cit., p. 262. [13] Peter Lemesurier, The Nostradamus Encyclopedia, New York, St Martin’s Press, 1997, p. 237. [14] Interprétation fournie par P. Lemesurier, Nostradamus Bibliomancer, op. cit., p. 22, qui récuse ses interprétations précédentes. [15] Robert Knecht, Un prince de la Renaissance, Paris, Fayard, 1998, p. 244 ; sur Dieu débiteur, voir David Chytreus, Histoire de la confession d’Auxpourg, Anvers, Arnould Coninx, 1582, p. 300. [16] Pour Jacques Halbronn, « Halbronn’s Researches 86 », Propheties On Line, juxtaposition de notes prises à des époques différentes. [17] Pour P. Brind’Amour, Nostradamus astrophile, op. cit., p. 177, « sa pensée n’était ni assez cohérente ni assez unificatrice pour venir à bout des éléments divers que ses lectures lui apportaient ». [18] Ibid., p. 257. [19] Voir les lettres VIII, 4 novembre 1559, et XVIII, 1er décembre 1560. [20] Lettre XV, 1er septembre 1560 ; lettre XLIII, 7 mai 1563. [21] Robert Benazra, Répertoire chronologique nostradamique (1545-1989), op. cit., p. 78-117. [22] Presages pour treize ans, continuant d’an en an, jusques à celuy de mil cinq cens quatre vingts trois, Paris, Nicolas du Mont, 1571. [23] Predictions pour vint ans, continuant d’An en An, jusques en l’An mil cens quatre vintz troys, Rouen, Pierre Brenou, 1568 ; une autre édition, Rouen, P. Hubault, 1569. [24] Recueil de revelations et propheties merveilleuses de Ste Brigide, St Cyrille et autres saints et religieux personnages, Venise, Castavino d’Alexandrie, 1575. [25] Patrice Guinard, « Florent de Crox, le plus doué des imitateurs de Nostradamus », Revue française d’histoire du livre, no 129, 2008, p. 261-270. [26] François Liberati, Discours contre Cyprian Leovitius et autres modernes astrophiles, Paris, Guillaume Auvray, 1575, ouvrage cité par Du Verdier. [27] Édition limitée aux quatre premières centuries chez Raphaël du Petit Val, Rouen, 1588. Édition des sept centuries chez Raphaël du Petit Val, 1589 ; Vve Nicolas Roffet, Paris, 1588 ; Pierre Maynier, Paris, 1589, Charles Roger, Paris, 1589 ; François de Saint-Jaure, Anvers, 1590. [28] Elle offre une septième centurie complète, termine sur huit quatrains d’une centurie inconnue par ailleurs, voir R. Benazra, Répertoire chronologique nostradamique (1545-1989), op. cit., p. 118-124. Elle reprendrait, avec un titre identique, le contenu d’une édition, aujourd’hui perdue, parue à Paris en 1560 chez Barbe Regnault qui s’était fait une spécialité des écrits parodiques. [29] Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras, manuscrits 385 et 386, reproduction par Pierre Rollet, Nostradamus. Interprétation des hiéroglyphes de Horapollo, Barcelone, Ramoun Berenguié, 1968, p. 169-171, et D. Ruzo, Le testament de Nostradamus, op. cit., p. 295-296. [30] Les Prophéties de M. Michel Nostradamus […] présentees au tres grand […] prince Henry IIII, vivant roy de France et de Navarre, par Vincent Seve de Beaucaire. Au chateau de Chantilly […] dès le 19 mars 1605…, s.l., s.n., 1605. [31] Mercure François, 1610, p. 437, cité par Étienne Jaubert, Éclaircissement des véritables quatrains de maistre Michel Nostradamus, s.l., s.n., 1656, p. 73. [32] Générales prédictions pour douze ans commençant en l’année 1683 et finissant en l’année 1694 […], Troyes, Nicolas Oudot, s.d. ; Prophéties générales, nouvelles et curieuses […] depuis l’an 1760 jusques en l’an 1767, tirées des anciens manuscrits de M. Michel Nostradamus, Troyes, Garnier, s.d. [33] Plusieurs éditions sur le modèle Prophéties nouvelles de Michel Nostradamus, Trouvées dans sa tombe au moment de l’Ouverture, dans l’Église des Cordeliers de Salon, avec actualisation des années. [34] R. Benazra, Répertoire chronologique nostradamique (1545-1989), op. cit., p. 153. [35] É. Jaubert, Éclaircissement des véritables quatrains de maistre Michel Nostradamus, op. cit., p. 77. [36] François Menestrier, La philosophie des images énigmatiques, Lyon, Jacques Guerrier, 1694. [37] Sur la réception de Nostradamus au cours des siècles, voir Hervé Drevillon et Pierre Lagrange, Nostradamus. L’éternel retour, Paris, Gallimard, 2003, et Stéphane Gerson, Nostradamus. Le prophète de nos malheurs, xvie-xxie siècle, Paris, Tallandier, 2016. [38] Gabriel Naudé, Apologie pour tous les grands personnages qui ont esté faussement soupçonnez de magie, La Haye, Adrian Vlac, 1653, p. 341. Référence est faite à ce passage au début du présent ouvrage, lorsque est évoqué un contempteur du xviie siècle. [39] C. de Nostradame, L’entrée de la reine Marie de Médicis à Salon, op. cit., p. 41. [40] Ibid., p. 44. [41] César le poète a corrigé les vers de son père pour le problème du e à la césure ; à l’origine « antique » et « Fera Florence florir en l’armoirie ». [42] Histoire et chronique de Provence, p. 879. [43] S. Gerson, Nostradamus. Le prophète de nos malheurs, op. cit., p. 134. [44] Jacques Mengau, Le glorieux evenement a la couronne imperiale de Louis XIV de Dieu donné à present regnant, predit par plusieurs Saincts Peres, Sybilles, Michel Nostradamus et autres, Rouen, Jean L’Oyselet et P. de La Motte, 1648. [45] Les Vrayes centuries de Me Michel Nostradamus, Expliquées sur les affaires de ce temps, Paris, J. Boucher, 1652. Voir auparavant Visions astrologiques de M. Michel Nostradamus sur toutes les affaires de ce Temps. Et la confusion de Mazarin en vers burlesques, Paris, A. Musnier, 1649. [46] Les Vrayes centuries et propheties, Amsterdam, Jean Jansson & Vve Elizée Weyerstraet, 1668. [47] Sixains LIV et LVIII. [48] Prophéties, IX.49 ; VIII.76 et II.51 et pour la tyrannie de Cromwell, VIII.76. [49] Tel Jacques de Jant, Predictions tirées des centuries de Nostradamus., s.l., s.n., 1662 ; Prophetie de Nostradamus sur la longueur des jours et la félicité du regne de Louis XIV, s.l., s.n., 1672. [50] F. Menestrier, La philosophie des images enigmatiques, op. cit., p. 385-389. [51] Jean Le Roux, La clef de Nostradamus, Paris, Pierre Giffart, 1710, p. 209. [52] « Lettres critiques sur la personne et les écrits de Michel Nostradamus », Mercure de France, août et novembre 1724, p. 1736 et 1737. [53] Napoléon, premier empereur des français prédit par Nostradamus, Paris, Desenne, 1806. [54] Théodore Bouys, Nouvelles considérations puisées dans la clairvoyance instinctive de l’homme sur les oracles, les sibylles et les prophètes, et particulièrement sur Nostradamus, Paris, Desenne et Debray, 1806. [55] P. Lemesurier, The Nostradamus Encyclopedia, op. cit., p. 187. Voir aussi le vers « De souldat simple parviendra en l’empire » (VIII.57). [56] Roger Prévost, Nostradamus, le mythe et la réalité. Un historien au temps des astrologues, Paris, Robert Laffont, 1999, p. 219 ; P. Lemesurier, Nostradamus Bibliomancer, op. cit., p. 103. [57] E. Bareste, Nostradamus, op. cit., p. III et 478. [58] Prophéties dites d’Olivarius et d’Orval, interprétées par leur auteur Nostradamus, le grand prophète, Angoulême, Vve Girard, 1872. [59] Prophéties, VIII.5. [60] Henri Torné-Chavigny, L’Histoire predite et jugée par Nostradamus, Bordeaux, Lafargue, 1860-1862 ; Influence de Nostradamus dans le gouvernement de la France, depuis la publication de ses prophéties en 1555, jusqu’à ce jour, Paris, Collombon et Brulé, 1878 ; Concordance des prophéties de Nostradamus avec l’Apocalypse, Bordeaux, Vve J. Dupuy, 1861. [61] Anatole Le Pelletier, Les Oracles de Michel de Nostredame, t. I, Paris, Le Pelletier, 1867, p. 265 ; considéré par R. Benazra, Répertoire chronologique nostradamique, op. cit., p. 416, comme « le meilleur des interprètes de Nostradamus, suivi (de loin) par Torné-Chavigny ». [62] H. Drevillon et P. Lagrange, Nostradamus. L’éternel retour, op. cit., p. 87. [63] Max de Fontbrune, Les prophéties de Maistre Michel Nostradamus expliquées et commentées, Sarlat, Michelet, 1938. [64] Voir S. Gerson, Nostradamus, op. cit., p. 239-264. [65] Jean-Charles de Fontbrune, Nostradamus historien et prophète. Les prophéties de 1555 à l’an 2000, Monaco, Éd. du Rocher, 1980 ; voir, pour le xxie siècle, Nostradamus l’avait prédit, Monaco, Rocher, 2009. [66] Vlaicu Ionescu, Nostradamus. L’histoire secrète du monde, Paris, Éd. du Félin, 1987. [67] H. Drevillon et P. Lagrange, Nostradamus. L’éternel retour, op. cit., p. 92. [68] Blog de Jessica Adams. [69] P. Brind’Amour, Nostradamus astrophile, op. cit., p. 213. La date de 1702 est donnée par Roussat en ancien style ; il s’agit donc du début de l’année 1703. [70] R. Roussat, Livre de l’estat et mutation des temps, op. cit., p. 63. [71] Ibid., p. 95. Voir ici.

Theodore Herzl dans la culture populaire.

Theodor Herzl dans la culture populaire s Introduction Theodor Herzl [ˈteːodoːɐ̯ ˈhɛɐtsl̩] (hébreu : תאודור הרצל Te'odor Hertsel ; nom qui lui fut donné à sa Brit Milah : בנימין זאב Binyamin Ze'ev), surnommé Khozeh HaMedinah (חוזה המדינה), est un journaliste et écrivain austro-hongrois, né le 2 mai 1860 à Pest et mort le 3 juillet 1904 à Edlach. Il est surtout connu comme le fondateur du mouvement sioniste au congrès de Bâle en 1897 et l'auteur de Der Judenstaat (L'État des Juifs) en 1896. Il est aussi le fondateur du Fonds pour l'implantation juive pour l'achat de terres en Palestine à l'Empire ottoman. Il est l'un des premiers à mettre en place l'idée d'un État autonome juif. Biographie Jeunesse Theodor Herzl est né dans le quartier juif de Budapest, capitale du Royaume de Hongrie caractérisée par son cosmopolitisme très important. La ville abrite une population juive nombreuse, qui représente 20 % de ses habitants, aussi certains nommaient-ils la ville « Judapest ». Outre son prénom de Theodor, il porte aussi les prénoms juifs de « Binyamin Zeev ». Il est scolarisé dès l'âge de six ans dans une école juive traditionnelle où il reçut une instruction religieuse et où il apprit l'hébreu (jusqu'à ses dix ans). Theodor Herzl (ou Tivadar en hongrois, Wolf Théodore en allemand) grandit dans une famille bourgeoise germanophone tout près de la Grande synagogue de Budapest. La famille pratique un judaïsme digne de cette époque. Son père Yaakov, issu de l'immigration de la partie orientale de l'empire austro-hongrois, était un juif pratiquant et avait acheté des sièges, pour sa famille, à la grande synagogue de la rue Tabak à Budapest. Le grand-père de Theodor Herzl était juif orthodoxe, chantre de sa synagogue et proche du rabbin Yehuda Hay Alkalay (1798-1878), un des premiers membres des " Amants de Sion ", qui fut l'une des premières organisations à vouloir une " Alyah " religieuse sur la terre d'Israël, au cours du XIXe siècle. Le recensement de 1756 de la ville de Zemun dans l'actuelle Serbie garde la trace des aïeux de Herzl, qui y vivaient alors. En 2006, un ouvrage écrit par Georges Wiesz apporte de précieux renseignements sur le milieu d'origine et le sens profond de la judéité possédée par Theodor Herzl, qui fut aidé financièrement par ses parents, pour la diffusion des idées sionistes. En 1889, il épouse Julie Naschauer, du même milieu que lui. Le mariage est malheureux en dépit de la naissance de trois enfants (deux filles et un fils). Vie professionnelle Docteur en droit de formation, Herzl commence par écrire des pièces de théâtre puis devient journaliste et part à Paris comme correspondant de 1891 à 1896. Il rentre alors à Vienne et devient directeur littéraire du plus grand et du plus prestigieux quotidien viennois, la Neue Freie Presse. L'affaire Dreyfus et la naissance du sionisme Il était au début si peu tenté par le sionisme qu'en 1894 il n'hésitait pas à écrire les lignes suivantes en faisant le compte-rendu pour La Nouvelle Presse Libre de Vienne d'une pièce d'Alexandre Dumas fils, La Femme de Claude, où un certain Daniel encourageait les Juifs à revenir à la terre de leurs ancêtres : « Le bon Juif Daniel veut retrouver sa patrie perdue et réunir à nouveau ses frères dispersés. Mais sincèrement un tel Juif doit savoir qu'il ne rendrait guère service aux siens en leur rendant leur patrie historique. Et si un jour les Juifs y retournaient, ils s'apercevraient dès le lendemain qu'ils n'ont pas grand-chose à mettre en commun. Ils sont enracinés depuis de longs siècles en des patries nouvelles, dénationalisés, différenciés, et le peu de ressemblance qui les distingue encore ne tient qu'à l'oppression que partout ils ont dû subir » — Cité dans Petite Histoire des Juifs de Jérôme et Jean Tharaud. Paris, Librairie Plon, 1927. Herzl dira plus tard que l'affaire Dreyfus a motivé son engagement, même si cela n'apparaît pas dans son journal. En tant que correspondant à Paris du journal Die Neue Freie Presse, il suit l'Affaire depuis le premier procès de Dreyfus. Herzl est venu assister à la dégradation du Capitaine Alfred Dreyfus dans la Cour de l' École Militaire à Paris le 5 Janvier 1895. C'est à cette époque qu'il estime absolument nécessaire la constitution d'un « abri permanent pour le peuple juif », thèse qu'il reprend dans son livre L'État des Juifs (Der Judenstaat), écrit en 1896. Le débat autour du titre français du livre intitulé Der Judenstaat bute sur certaines particularités linguistiques. Faut-il alors traduire « Judenfrage » — qui figure d'ailleurs en sous-titre de l'ouvrage de Herzl, « Versuch einer modernen Lösung der Judenfrage » — par « la question des Juifs » et non par « la question juive » ? Soulignons que Herzl surveilla de très près la parution française de son ouvrage et qu'il n'ignorait pas que le titre en était L'État Juif alors qu'une traduction stricte aurait dû être L'État des Juifs et non L'État juif, tout comme en anglais la traduction fut « The Jewish State ». Il y expose les trois principes fondamentaux du sionisme : l'existence spécifique du peuple juif ; l'impossibilité de son assimilation par d'autres peuples ; d'où la nécessité de créer un État particulier, qui prenne en charge le destin de ce peuple. À ces trois fondements du sionisme, le Premier Congrès sioniste de Bâle de 1897 ajoute un quatrième : le droit des Juifs à s'installer en Palestine, partie de l'Empire ottoman. Contrastant avec l'opinion répandue selon laquelle l'affaire Dreyfus aurait joué un rôle central dans la prise de conscience d'Herzl, certains (comme Shlomo Avineri, professeur de sciences politiques à l'université hébraïque de Jérusalem et ancien directeur général du ministère des Affaires étrangères israélien), affirment que « quiconque chercherait dans le journal [de Herzl] — pourtant riche en introspection, et fourmillant de références historiques – un quelconque indice de la centralité de l'affaire Dreyfus dans le réveil de l'identité juive [de Herzl], ou son développement vers le sionisme, serait extrêmement déçu ». Ce qui tend à faire penser que l'affaire Dreyfus a eu un impact a posteriori sur la conscience de Herzl. Comme cela est écrit plus haut, il est couramment admis que l'affaire Dreyfus a été un « coup de tonnerre » pour Théodore Herzl. Cependant, Claude Klein, dans son ouvrage intitulé Essai sur le sionisme, estime que « la réalité est évidemment bien loin de cette fiction ». Selon ce dernier, la « question juive » et l'antisémitisme n'ont jamais cessé de hanter Théodore Herzl. La mise en œuvre du projet « Dès qu'il se mit à assigner à son action des buts précis dans l'espace réel, à nouer les forces en présence, il dut reconnaître combien son peuple était devenu disparate parmi les nations et les destinées les plus diverses : ici les Juifs religieux, là les libres penseurs, ici les Juifs socialistes, là les capitalistes, tonnant les uns contre les autres dans toutes les langues, et tous fort peu disposés à se soumettre à une autorité centrale. » — Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen, Stefan Zweig Pour mener à bien son projet d'État pour les Juifs, il décide de lancer une campagne internationale et de faire appel à toutes personnes susceptibles de l'aider. Il va ainsi successivement se rapprocher des Rothschild (comme beaucoup d'Européens dès le XIXe siècle, le baron Edmond de Rothschild a déjà commencé à acheter des terres en Palestine depuis 1882) et de Maurice de Hirsch. Il demande des lettres de soutien à des personnages importants de l'époque comme le pape Pie X qui le reçoit en 1904, le roi Victor-Emmanuel III ou Cecil Rhodes. En avril 1896, il se rend à Istanbul en Empire ottoman et à Sofia en Bulgarie pour rencontrer des délégations juives. À Londres, le groupe des Macchabées l'accueille froidement, mais il reçoit un mandat d'encadrement de la part des sionistes de l'East End de Londres. Au cours des six mois suivants, ce mandat est approuvé par toutes les organisations juives sionistes mondiales. Le nombre de ses partisans augmente alors nettement. En 1897, à grands frais personnels, il fonde à Vienne l'hebdomadaire Die Welt. Il organise le Premier congrès sioniste à Bâle en 1897, dont il est élu président, poste qu'il a occupé jusqu'à sa mort en 1904. En 1898, il commence une série d'initiatives diplomatiques afin d'obtenir un soutien pour un pays juif. Il est reçu par l'empereur Guillaume II à plusieurs reprises, à partir du 2 novembre 1898. Il participe à la première conférence de La Haye. En mai 1901, il rencontre pour la première fois Abdülhamid II, le sultan de l'Empire ottoman, pour négocier des terres de Palestine. Herzl propose d'effacer les dettes impériales en échange de la Palestine mais celui-ci lui répond : « Les terres de Palestine appartiennent au peuple ottoman, pas à moi. Je n'en vendrai aucune portion, elles ont été conquises par le sang du peuple ottoman. Si vous voulez les prendre, il faudra que vous nous déchiquetiez.». En 1902-1903, Herzl est invité à témoigner devant la Commission royale britannique sur l'immigration des étrangers. Cette occasion lui permet de se retrouver en contact étroit avec les membres du gouvernement britannique, notamment avec Joseph Chamberlain, à l'époque secrétaire d'État aux colonies, par l'intermédiaire duquel il négocie avec le gouvernement égyptien, une charte pour l'installation des Juifs dans la région d'Al Arish, dans la péninsule du Sinaï, jouxtant le sud de la Palestine. À la suite de l'échec de ce projet, qui l'a conduit au Caire, il reçoit en août 1903, par l'intermédiaire de Leopold Greenberg (en) une offre de la part du gouvernement britannique afin de faciliter l'implantation d'une grande colonie juive de peuplement, avec gouvernement autonome et sous souveraineté britannique en Afrique de l'Est et connue sous le nom de Projet Ouganda. Dans le même temps, le mouvement sioniste est menacé par le gouvernement russe. Au lendemain du premier pogrom de Kichinev en 1903, il se rend à Saint-Pétersbourg et est reçu par Sergei Witte, alors ministre des Finances, et Viatcheslav Plehve, ministre de l'intérieur, antisémite notoire et crédité desdits pogroms. Le 12 juillet 1903, il note dans ces carnets que l'État du Congo était suffisamment vaste pour accueillir son projet. À cette occasion, Herzl présente des propositions pour l'amélioration de la situation juive en Russie. Il propose à Plehve une véritable alliance : « Soutenez mon projet, je vous débarrasserai de vos révolutionnaires juifs ». En marge du Congrès sioniste, Theodor Herzl contacte Khaym Jitlovsky, organisateur de l'Union des socialistes-révolutionnaires russes à l'étranger — qu'il prend pour un représentant du Bund — et lui propose l'appui de Von Plevhe qui attribuerait une charte au mouvement sioniste, en échange d'un engagement des révolutionnaires juifs à cesser leur lutte contre le gouvernement tsariste pour une durée de quinze ans. Il publie la déclaration russe, et présente l'offre britannique, connue sous le nom de « Projet Ouganda » devant le sixième Congrès sioniste (Bâle, août 1903), qui remporte la majorité des votants (295 contre 178 et 98 abstentions)[réf. nécessaire] ; à lui, ensuite la question d'étudier cette offre, malgré le très mauvais accueil de l'offre par la délégation russe. En 1905, après enquête, le congrès sioniste décide de décliner l'offre du Royaume-Uni et s'engage à créer un État juif en terre d'Israël, autrement dit en Palestine alors ottomane. Mort en 1904, Herzl avait demandé à être enterré en Palestine quand le peuple juif y aurait fondé un État indépendant. Le 17 août 1949, son corps, ainsi que celui de ses parents, Yaakov et Jeannette, et sa sœur Pauline sont inhumés au Mont Herzl. En septembre 2006, les dépouilles de ses enfants, Hans et Pauline, y ont été transférées depuis Bordeaux. Sa fille cadette, Trude Norman, est morte dans le camp de concentration de Theresienstadt et ses restes n'ont jamais été retrouvés. Le corps du fils unique de Trude, Stephen Theodore Norman (en), qui s'est suicidé en 1946 à Washington, est transféré au Mont Herzl le 5 décembre 2007. L'Organisation sioniste mondiale à Bâle En 1897, Herzl réunit à Bâle, avec l'aide de Max Nordau, le premier congrès sioniste. Les assises de l'Organisation sioniste mondiale sont établies et il la présidera jusqu'à sa mort, en 1904. Position à l'égard des Arabes musulmans Si, pour Michel Abitbol, qui prend appui sur la nouvelle utopiste de Herzl, Altneuland (Le Pays ancien-nouveau) (1902), Herzl « n'a prévu à aucun moment l'affrontement inéluctable entre nationalisme arabe et nationalisme juif », et en Européen qu'il était, « en bon humaniste occidental, pensait sincèrement qu'en faisant profiter de leur savoir-faire leurs voisins arabes, les nouveaux venus juifs ne seraient point considérés comme des intrus indésirables », d'autres chercheurs portent un jugement plus sévère sur le fondateur du sionisme. Ainsi, Moshe Behar et Zvi Ben Dor Benite rappellent que Herzl a rejeté les avis d'Abraham Shalom Yahuda, juif palestinien qui, dès 1896, le mit en garde contre une démarche unilatérale sans concertation avec les Arabes musulmans. Reuven Snir souligne le mépris de Herzl pour les cultures orientales, qui s'étendait aux Juifs orientaux (et ne visait donc pas seulement les Musulmans) : « C'est la volonté de Dieu, écrit Herzl, que nous revenions sur la terre de nos pères, nous devrons ce faisant représenter la civilisation occidentale, et apporter l'hygiène, l'ordre et les coutumes pures de l'Occident dans ce bout d'Orient pestiféré et corrompu ». Herzl écrit encore : « c'est avec les Juifs, un élément de la culture allemande qui va aborder les rivages orientaux de la Méditerranée […]. Le retour des Juifs semi-asiatiques sous la domination de personnes authentiquement modernes doit sans aucun doute signifier la restauration de la santé dans ce bout d'Orient négligé ». Sa pensée et ses écrits Ouvrages L'État juif L'État des Juifs, suivi de Essai sur le sionisme par Claude Klein, sous le titre de De l'État des Juifs à l'État d'Israël, La Découverte, 2003 (ISBN 978-2-7071-4105-7) Nouveau pays ancien : Altneuland précédé de Retour à Altneuland : la traversée des utopies sionistes par Denis Charbit, Éditions de l'Éclat, 2004 (ISBN 2-84162-093-X) Journal, 1895-1904 Calmann-Levy, 1994 (ISBN 978-2-7021-1862-7) Altneuland En 1902, il publie Altneuland (Le Pays ancien-nouveau), roman à travers laquelle il décrit une utopie sioniste. Il y décrit une Palestine transformée en État d'essence juive, mais démocratique, dans lequel les non-juifs disposeraient des mêmes droits fondamentaux. Il insiste sur le droit de vote à travers la description d'une campagne électorale. Dans son livre, les Arabes, en plus de disposer du droit de vote, occupent des postes-clés. Theodor Herzl pensait que les Arabes accepteraient sans difficulté l'autorité coloniale, cela s'exprime dans son récit par le personnage de Rachid Bey qui accueille amicalement les colons. Il réagit à l'occasion à certaines déclarations de colons, quand l'un prétend que les Juifs ont amené l'agriculture en Palestine, il rétorque qu'elle existe en Palestine depuis fort longtemps. L'utopie est brisée par le personnage de Geyer, un migrant fraichement arrivé dans le pays et qui fonde un parti nationaliste juif. Lors de la campagne électorale, Geyer milite pour la suppression du droit de vote des non-juifs. Ses opposants avancent des arguments en faveur du droit pour tous sur base d'arguments universalistes mais aussi sous couvert de textes religieux hébraïques (« Il y aura une même loi parmi vous, pour l’étranger comme pour l’indigène » - Nombres 9 :14). Lieux lui rendant hommage En Israël, une ville porte son nom : Herzliya. Des rues de plusieurs localités (Rehovot, Rishon LeZion, Guedera, Kiryat-Malakhi, Be'er Ya'akov, Ma'alot-Tarshiha, Netanya, Jérusalem, Tel Aviv-Jaffa, Tirat Carmel) portent aussi le nom de Herzl. À Jérusalem, le mont Herzl abrite sa sépulture et celle d'autres figures marquantes de l'histoire d'Israël. En Europe, plusieurs localités (Bâle, Budapest, Edlach an der Rax (en Autriche), Vienne) ont donné le nom de Herzl à une rue ou une place. À Paris, la place Theodor Herzl a été inaugurée le 5 juillet 2006, dans le 3e arrondissement, à l'intersection des rues de Turbigo et Réaumur, en présence de Bertrand Delanoë, maire de Paris, de Pierre Aidenbaum, maire du 3e arrondissement et du chargé d'affaires de l'ambassade d'Israël. La plaque du 3e arrondissement contient 5 lignes : « PLACE THEODOR HERZL 1860-1904 JOURNALISTE ET ÉCRIVAIN INSPIRATEUR DU FOYER NATIONAL JUIF » Theodor Herzl dans la culture populaire La série télévisée turque Payitaht: Abdülhamid, qui retrace les 13 dernière années du sultan ottoman Abdülhamid II, il est interprété par Saygın Soysal. Dans le film The Big Lebowski, le personnage de Walter Sobchak interprété par John Goodman y fait allusion en entrant dans le bowling: « If you want it, it is no dream! » Sources Cet article contient des extraits de l'article « Herzl, Theodor » par Isidore Singer et J de Haas de la Jewish Encyclopedia de 1901–1906 dont le contenu se trouve dans le domaine public. Notes et références Notes Références Annexes Bibliographie Walter Laqueur : Le sionisme, t. I, éd. Gallimard, Tel, 1994, (ISBN 2070732525), Jacques Le Rider : Les juifs viennois à la belle époque (1867-1914), Éditeur : Albin Michel, 2013, (p. 94 à 120) (ISBN 2-226-24209-0) Alain Boyer, Théodore Herzl, Albin Michel, 1991 André Chouraqui, Théodore Herzl, Éditions du Seuil ; rééd : Un visionnaire nommé Herzl, Robert Laffont, 1991 Serge-Allain Rozenblum, Theodor Herzl, Paris : Éditions du Félin, 2001 Charles Zorgbibe, Theodor Herzl : L'aventurier de la terre promise, Paris, Éditions Tallandier, coll. « Biographies-Figures de proue », 420 p. 16, 2001 Stefan Zweig, En souvenir de Theodor Herzl, in "Hommes et destins", Éditions Belfond, 1999 Till R. Kuhnle, "L’émulation du monde ancien : 'Altneuland' de Theodor Herzl", dans Le travail de réécriture dans la littérature de langue allemande au XXe siècle (= Germanica XXXI), Lille : Université Lille III 143-157,2002 Denis Charbit, "Retour à Altneuland : traversées de l'utopie sioniste", dans Theodor Herzl, "Altneuland" Nouveau pays ancien, Paris : éditions de l'éclat, 2004 Jacques Halbronn, Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, éd. Ramkat, Préface de H. Gabrion, 2002 Georges Weisz, Theodor Herzl : une nouvelle lecture, Paris, Éditions L'Harmattan, 2006, 303 p. (ISBN 978-2-296-01637-8 et 2296016375, LCCN 2007415378, présentation en ligne) Camille de Toledo & Alexander Pavlenko (illustrations) : Herzl Une histoire européenne, 2018, Denoël-graphic, (ISBN 2-207-13329-X)

Jacques Halbronn Eîstémologie: si l'astrologie exste, elle peut se manifester suvonsciemment, ici et maintenant

jacques Halbronn Epistémologie : si l’astrologie existe, elle peut se manifester subconsciemment ici et maintenant * Selon nous, les récurrences numériques sont la voie royale pour accéder à l’astrologie et cela ne passe pas par la littérature astrologique qui est de l’ordre de la Surconscience. Il faut se méfier de ce que nous appelons ici Surconscience car cela interfère avec la Subconscience (cf nos textes à ce sujet) En effet, trop de surconscience interfère avec l’appréhension de la Subconscience, c’est ce qui vaut pour le « biais cognitif » que d’aucuns reprochent aux astrologues et astrophiles. En ce sens, la culture ne reléverait-elle pas de cette Surconscience? C’est ainsi que nos travaux en astrologie mondiale engagés dés le début des années soixante-dix partirent d’une observation de l’histoire des empires, se faisant et se défaisant, sous nos yeux en plein milieu du XXe siècle. Dès lors que ce phénoméne faisait apparaitre une certaine durée pour chaque temps – ce qui se faisait et ce qui se défaisait- on aboutissait au nombre 7 en termes d’années. Or, l’étude en paralléle, en quelque sorte, de l’astronomie, rendait possible une corrélation entre le dit phénoméne et le cycle de la planéte Saturne de 28/4. Mais cette méthode que nous préconisons, on s’en doute, peut s’appliquer aux objets d’étude les plus divers. Il s’agit de s’intéresser à un certain nombre de faits saillants susceptibles d’imprégner notre esprit au lieu de partir de tel ou tel texte, plus ou moins ancien, dont la transmission aura pu subir au cours des âges bien des avatars, des altérations par suppression comme par addition. Cela dit, il conviendra de se méfier de certaines formulations trompeuses, comme celle de « guerre », piége dans lequel tombal le regretté André Barbault.à la suite d’un Gouchon. Car il n’est pas , notamment, d’événéments plus différents entre eux que la Première et la « Seconde » Guerres Mondiales. On devra donc s’assurer que les dénominations existantes ne soient pas un leurre, au risque de bâtir sur du sable. Mais, en tout état de cause, il sera toujours préférable de s’intéresser en premier lieu à ce qui est le plus proche, le plus accessible, dans le temps comme dans l’espace car en tant qu’humains, notre perception optimale des choses concerne notre environnement qui nous interpelle spontanément. A contrario, peut-on sérieusement, déclarer que le Ciel nous parle, que nous entendons son « langage »? Selon nous, ce que font les humains nous percute bien davantage que ne peuvent le prétendre les astres. Même si l’on est prêt à admettre qu’in fine, en principe les astres reflétent quelque part une certaine réalité terrestre, cela reste un propos théorique bien plus que sensible. D’ailleurs, encore faudrait-il s’entendre sur la nature de leur « influence » (titre du premier ouvrage de Michel Gauquelin). En 1986, nous plubliames une sorte de manifeste « La pensée astrologique » en tête de l’ (Etrange)Histoire de l’astrologie (Ed Artefact) de Serge Hutin où nous insistions sur la notion d’instrumentalisation du cosmos par certaines sociétés humaines. Par ce terme, nous entendions l’aptitude des humains à utiliser arbitrairement certaines configurations astronomiques comme repérés de temps, sans que cela résultât aucunement d’une mise en évidence de corrélations réelles. Cela signifie que les humains partaient de ce qu’ils connaissaient pour capter le cosmos(le « Septénaire ») et non l’inverse. Certes; avec le recul du temps, une fois ce « branchement » mis en oeuvre,l’on pouvait être tenté d’inverser la démarche c’est à dire de partir du Ciel pour mieux comprendre ce qui se jouait « sur terre ». Mais partir du ciel, qu’est ce à dire: un ciel d’autant plus multiforme, polysémique, qu’il est traversé, émaillé par toutes sortes d ‘interconnexions entre ses composantes, ce qui confine à de l’illisibilité? Le « fil d’Ariane » dans le labyrinthe cosmique est- bel et bien, de l’ordre du fonctionnement des sociétés. JHB 04 07 22

Jacques halbronn Epistémologe ! Causalité,, analogie, ou emprunt, c...