Etudes de Critique biblique, astrologique nostradamiquej et linguistique.
mardi 16 mars 2021
L'origine des quatrains nostradamiques/centuriques :sources internes et externes par Jacques Halbronn
L'origine des quatrains nostradamiques/centuriques :sources internes et externes.
Par Jacques HALBRONN
Dans le débat sur l'authenticité des Centuries dans l'oeuvre de Michel de Nostredame, il conviendrait- ce qui ne semble pas encore avoit été le cas, de comparer les « vrais » quatrains parus dans les almanachs de Nostradamus -du moins ceux qui ne sont pas le fait de faussaires avérés comme ceux produits par Barbe Regnault – avec les quatrains centuriques. Dans son édition du Recueil des Présages Prosaiques, Bernard Chevignard ne nous paraît pas avoir abordé cette problématique (Bernard Chevignard Présages de Nostradamus. Présages en vers 1555-1567 Présages en prose 1550-1559 Paris, Seuil, 1999 (le second tome ne sortira pas) qui paraît en juin après notre soutenance de thèse d'Etat, en janvier 1999, sur le Texte Prophétique en France). On notera que Pierre Brind'amour dans son étude des sources des quatrains centuriques( Pierre Brind'amour Nostradamus astrophile. Presses Universitaires d'Ottawa . Ed. Klincksieck 1993) repère un certain nombre de sources, notamment à partir de Chroniques alors que Chevignard ne traite pas de l'origine des quatrains des almanachs, dont nous avons traité dans notre post-doctorat soutenu en 2007,(EPHE Ve section Le dominicain Jean de Réchac et la naissance de la critique nostradamique au XVIIe siècle) qui comprenait un jury dont faisait partie Bernard Chevignard. En effet, nous y montrions que les dits quatrains (appelés présages dans les éditions « complètes » des Centuries) étaient issus de la prose de Nostradamus dans les almanachs correspondants, ce qu'indique d'ailleurs Brind'amour (p 248) à propos du quatrain pour Juillet 1557 : « Le quatrain trouve ces échos dans la pronostication de l'almanach pour 1557 On y retrouve les mêmes mots comme lion, chien,pucelle (pour Vénus), retourné (pour rétrogradation), ville. Nous donnons dans notre post doctorat bien d'autres exemples de recoupement avec des sources « internes » c'est à dire issues de la production même de Nostradamus.
. Chevignard, a contrario, ne soulevait pas cette question en 1999. Quant au Janus Gallicus, mis en œuvre par Chavigny, ouvrage bilingue français-latin(Janus François) de 1594 (à Lyon), il est flagrant qu'il s'efforce de mettre tous les quatrains, ceux des almanachs et ceux des centuries, sur le même pied et c'est peut être même l'enjeu principal de l'entreprise d'uniformisation et d'intégration. Chavigny avait projeté de publier le Recueil des Présages Prosaïques comportent les textes des publications annuelles de Nostradamus (cf la page de titre du manuscrit du dit Recueil) et devait disposer des diverses éditions des Centuries parues dans les années qui précédèrent (à partir de 1588
On aura compris que si l'on peut montrer que le mode de composition de ces deux « familles » de quatrains est sensiblement différent, cela laisserait aisément entendre que leur auteur n'en est pas le même. Or,ce point crucial, n'aura pas éte exploité et cela semble être un point aveugle.
Il importe de distinguer sources internes et sources externes en ce qui concerne les deux séries de quatrains, ceux des almanachs d'une part, ceux des centuries de l'autre. On a vu que pour les amanachs, il s'agissait surtout de sources internes, reprises de la prose de Nostradamus, lequel, par ailleurs,dans ses textes en prose, a pu puiser dans des sources externes. Mais avec les quatrains des centuries, nous ne disposons pas d'un original en prose « interne » comme pour ceux des almanachs. Or, Brind'amour a mis en évidence des sources « externes » des quatrains centuriques, à la suite de Chantal Liaroutzos avec l'emprunt à la Guide des Chemins de France (RHR) qu'étrangement Brind'amour ne signale pas dans sa bibliographie p. 545) Son article « Les prophéties de Nostradamus : suivez la guide » était paru en 1986 dans la même revue Réforme, Humanisme, Renaiisance, (pp. 35-40) où était paru notre étude en décembre 1991 que signale Brind'amour : « Une attaque réformé oubliée conre Nostradamus ? Cette étude de Liaroutzos fournit un excellent exemple des sources « externes » des quatrains centuriques. L'on y note que plusieurs quatrains sont repris d'un Guide de voyage de Charles Estienne, sans aucun rapport avec des considérations astronomiques ou historiques, et c'est d'ailleurs ainsi que le quatrain comportant le nom de Varennes sera construit, lequel quatrain inspira Georges Dumézil.
Cet oubli de la part de Pierre Brind'amour est facheux car la lecture de ce texte aurait pu conduite le chercheur canadien à mieux différencier les deux séries de quatrains. Cela dit, Brind'amour apporte sa contribution à la mise en évidence de sources « externes »[(pp ; 187 à 245)
Enumérons les chapitres concernés :
« les grandes conjonctions » « les périodes de Saturne », « les deux éclipses du printemps 1540 », « Tentative d'empoisonement en 1546 ? », « Le tremblement de terre du 4 mai 1549 « « Le dix kalende d'avril » « Cométes et météores »
Etrangement, Brind'amour va parler de « prédiction à rebours » (p. 227), ce qui montre l'incongruité du procédé de fabrication des quatrains centuriques à propos du tremblement de terre en mai 1549 et il fournir toute une série de quatrains répartis dans diverses centuries, ayant puisé au même évenement.
Ainsi, Brind'amour avait il traité des deux séries sans mettre en évidence ce qui les distinguait, à savoir que l'une- celle des quatrains centuriques- était « à rebours » alors que l'autre traitait de configurations à venir dans l'année de parution de l'almanach concerné.Il passe ainsi d'une série à l'autre (entre la page 245 à 247 sans signale la différence du processus de fabrication ! Et apparemment, Chevignard n'avait même pas pris en compte les observations de Brind'amour sur les sources « internes » des quatrains -présages alors même qu'il présentait le corpus adéquat pour mener ce type de rapprochement entre les vers et la prose !
Malgré un développement sur les « présages en prose » (pp 106 et seq) D'ailleurs, le sous titre même de son ouvrage y aurait du conduire « Présages en vers, présages en prose » si ce n'est que ce sont les présages en prose qui générent les présages en vers.
Pour notre part, nous avons montré que certains quatrains des Centuries, en tout cas celui comportant la mention « macelin » -VIII, 76) venait d'un ouvrage de Nostradamus assez peu connu, que l'on ne connaît qu'en manuscrit réédité au début du siècle dernier ; Des éléments de ce texte se retrouvent en italien (cf Benazra, RCN, pp ; 67-68)
Reproduction très fidéle d'un manuscrit inédit de M. de Nosredame dédié à SS ke pape Pie IV, Mariebourg 1906), dossier que nous avions déjà abordé dans notre étude déjà citée de 1991, parue dans RHR, cf Benazra Répertoire Chronologique nostradamique, pp. 52 et seq) Il semble bien que les faussaires ont pu avoir accès à sa bibliothèque, mettant ainsi en vers divers documents s'y trouvant comme des récits de voyage. Mais ce document est axé sur les annés 1566-1567 et donc décalé par rapport à la production centurique, plus tardive. On s'est souvent interrogé sur l'intérêt qu'il pouvait y avoir eu à se référer à des événements anciens dans la rédaction de prophéties. La thèse des faussaires nous semble la plus crédible, ceux-ci faisant flèche de tout bois pour remplir des pages et des pages, procédé qui ne nous semble pas vraisemblable appliqué à Michel de Nostredame. Il n'est d'ailleurs pas certain que les quatrains des almanachs ait été son œuvre. Il est probable d'ailleurs que ce travail besogneux ait été délégué à quelque versificateur calquant la production en prose de l'année et c'est d'ailleurs l'existence même des quatrains des almanachs qui aura été à l'origine de la production centurique pseudo nostradamique. Sans les dits quatrains, cela n'aurait pas eu lieu, ce qui montre que le succès, la fortune des almanachs aura dépendu des dits quatrains.
JHB
16 03 21
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