Par Jacques HalBronn
On aura beau dire mais l'astrologie d'aujourd'hui reste fortement marquée par une astrologie populaire qui ne l'a connue que par le truchement des 12 signes du Zodiaque.
Les astrologues auront beau étaler leur science et montrer que pour eux un signe est la résultante de différents paramètres (un des Quatre Eléments, les planètes maitresses par domicile et exaltation, les signes cardinaux, fixes, mutables), ce qui continue à prédominer est tout bêtement le nom du signe et il est bien difficile à l'astrologue d'en faire abstraction, si tant est qu'il s'y efforce.
Bien au contraire, il semble bien qu'un des exercices favoris pratiqués par ceux qui rédigent des livres sur le Zodiaque consiste à montrer que toutes les données relatives à un signes convergent et concordent. Tel est le rôle de l'exégèse astrologique ou en tout cas zodiacale, telle que la pratiqua André Barbault dans les années cinquante dans la célèbre collection du Seuil!
Rappelons que cette astrologie populaire des signes n'est pas née d'hier -comme d'aucuns ont cru pouvoir le dire - elle est largement attestée sous la Révolution Française (voir nos introductions dans certains volumes de la collection Zodiaque, chez Solar) et en tout état de cause c'est depuis bien plus longtemps la "vitrine" de l'astrologie, comme l'atteste l'iconographie des cathédrales (sur la façade de Notre Dame de Paris, par exemple)
Or, selon nous, les noms des signes peuvent entrainer l'astrologie sur de fausses voies qui lui sont dommageables.
Nous avons déjà (dans le précédent JBA) dénoncé le traitement du signe du bélier et montré à quel point ce signe était mal nommé à partir du moment où il correspondait à l'un des pôles de l'axe équinoxial. Rien n'est plus antinomique en effet que le bélier et le "climat" équinoxial! Il suffit de relier le mot "bélier" aux mots commençant par "équi" comme équilibre, équitable, équivoque pour comprendre qu'un tel rapprochement ne tient pas. Il convient certes mieux à la balance! On nous objectera que le printemps et l'automne, ce n'est pas la même chose mais ce n'en sont pas moins l'une et l'autre des saisons de transition, à cheval sur l'Eté et l'Hiver, ce qui les caractérise étant l'égalité entre la durée du jour et celle de la nuit.(d'où le nom même d'équinoxe, nox: nuit)
Pour compléter sa "défense", l'astrologue de service tiendra à nous rappeler que Mars est la planète du bélier et Vénus celle de la balance. On ne voit plus bien dès lors le rapport entre le dieu Mars et la notion même d'équinoxe! Tant qu'à faire, l'on verrait plutôt Mars à l'Automne et Vénus au Printemps, ce qui est d'ailleurs le cas au niveau des signes fixes: Vénus domine le Taureau et Mars le Scorpion, signes (fixes) placés au centre des deux saisons concernées.
Il importe au demeurant de revenir sur cette dialectique Mars-Vénus, deux dieux qui aiment les uniformes, terme assez équinoxial : Mars correspond à une certaine fascination pour l'uniforme, à commencer par celui des militaires tandis que Vénus favorise la mode qui impose aussi un certain type d'uniforme, une certaine façon consensuelle de s'habiller qui peut s'étendre à toutes sortes de domaine. Ces deux dieux, au fond, sont assez conventionnels et ne cherchent pas forcément la différenciation solsticiale. Au niveau astronomique, ces deux planètes ne sont-elles pas placées au centre spatial du système solaire antique, entourant la Terre, considérée comme le Centre (géocentrisme) alors que la Lune et Saturne correspondent à des extrêmes (solsticiales)? D'ailleurs, le cas de Mars est particulièrement délicat, il est inclassable: en astrologie mondiale, bien que ce soit une planète "extérieure", on a souvent tendance à ne pas le prendre en considération en raison d'une révolution relativement rapide. André Barbault n'inclut d'ailleurs pas Mars dans son indice de concentration planétaire. Ce n'est donc pas astronomiquement un astre bien typé, il est dans un entre deux!
Maintenant, si l'on examine les descriptions qui trainent sur le signe du bélier, l'on se rend compte que l'on fait peu de cas des considérations ci-dessus, comme s'il fallait avant tout justifier le nom attribué au signe. Quant au taureau, il faut aussi des miracles d'ingéniosité pour en faire....un signe vénusien, lui qui s'illustre dans les arènes et les corridas, à la manière d'un gladiateur!!!!
Prenons un texte de Didier Derlich, depuis décédé (Hachette, 2000, p. 9) consacré au Bélier: un caractère "entier", ne pratiquant "guère l'art de la concession", aimant "les situations nettes", qui fonce "tête baissée sans prendre le temps de la réflexion", le printemps étant "plein d'énergie et de vitalité". Un fait est certain, une telle description n'a strictement aucun fondement "cosmique". On est aux antipodes de l'équinoxialité! Si en entrant plus avant dans le printemps, l'on est déjà happé par une dynamique estivale, il n'en est encore rien à l'équinoxe ou plutôt cela ne ressemble plus à rien et pas encore à grand chose de précis. Ce n'est plus tout à fait l'hiver et cela préfigure encore bien vaguement l'Eté.
Mais le plus curieux est que des "penseurs" de l'astrologie comme un J. P. Nicola qui affirme avoir pris ses distances par rapport à l'emprise du symbolisme, semblent parvenir à une même description que Derlich :
Bélier : "Le tempérament est impulsif, batailleur, dynamique. Il se dépense sans compter, prend ses adversaires de front et bouscule ses amis". Apparemment, Nicola n'associe pas ce signe au carré lequel est en analogie avec l'équinoxe, aspect qu'il compare à un "démarrage en côte".(Grand Livre de l'astrologue, op. cit. , p. 169), il est à l'évidence trop marqué par le symbole pittoresque du bélier voire par la planète Mars qui en est le maître, et ce en dépit du fait qu'il rejette les maîtrises. Il se contente d'un replâtrage. Force est d'ailleurs de constater que la plupart des astrologues, à la suite d'André Barbault, dans les années Cinquante du siècle dernier, nous y compris (voir notre "Grand Livre du Sagittaire", Tchou, 1981) n'ont pas su éviter le piège, cherchant à tout prix à tout concilier, à montrer que toutes les grilles se recoupaient, emportés par une sorte de délire exégétique. Mais pour nous, il ne s'agissait que d'un exercice de style.
Les astrologues ont-ils le choix si l'on considère que leurs clients se déterminent par leurs signes, que cela fait partie de leur identité astrologique voire de leur personnalité, avant même qu'ils ne se rendent chez l'astrologue ou ne s'initient plus savamment à l'astrologie. Si quelqu'un est "du bélier", on aura bien du mal à lui expliquer qu'astrologiquement, il est un personnage des demi-mesures, des demi-lunes, c'est à dire ayant comme une sorte de vocation gémellaire : on sait qu'on a du mal distinguer les deux demi-lunes tout comme parfois une journée de printemps se confond avec une journée d'automne.
Certes, le bélier est-il un signe de feu et la balance un signe d'air. Mais précisément, n'y a-t-il pas quelque inconséquence dans ces attributions qui font que chaque saison serait marquée par trois Eléments puisque trois signes?
Si l'on aborde la question des quadratures, il convient de souligner que c'est un aspect "équinoxial", à mi-chemin entre la nouvelle lune et la pleine lune, entre la conjonction et l'opposition. On nous dit qu'il est dissonant. Oui, si la coexistence des valeurs diurne et nocturne génère en effet un son intermédiaire, indéfinissable, pas très net. On nous dit que c'est un aspect de crise. Oui, si le passage par une période d'hésitation, d'indétermination est la cause d'un certain trouble, d'un certain flottement.
Que conclure? Que l'astrologie savante devrait se démarquer de l'imagerie zodiacale et ne pas chercher à tout prix à la justifier. Faut-il rappeler que chez la plupart des auteurs de la littérature astrologique savante des XVIe-XVIIe siècles, il n'y avait aucune référence à la mythologie -pour les planétes - ni au symbolisme pour les signes, à l'exception d'un Blaise de Pagan, aux antipodes de son contemporain Morin de Villefranche. Ce n'est finalement qu'au XXe siècle que les astrologues ont cru bon de ressourcer l'astrologie en prenant au sérieux les noms des signes et des planètes, à l'instar de ce que faisait depuis longtemps l'astrologie populaire, profane qui ne percevait l'astrologie que de l'extérieur. La 'Renaissance" de l'astrologie à l'aube du XXe siècle s'est faite au prix d'un syncrétisme conduisant les astrologues à articuler leur travail théorique par rapport au "symbolisme". Il est bon, un siècle plus tard, de se démarquer d'une telle entreprise.
Ce qui ouvre le dossier de la genèse du Zodiaque. D'où viennent ces appellations? Elles ont pour elles d'exister astronomiquement mais chacun sait qu'un tel découpage n'a qu'un intérêt purement conventionnel pour les astronomes tout comme les noms attribués aux planétes, d'ailleurs. S'il faut chercher dans l'iconographie des mois de l'année une représentation ovine, elle n'apparait pas à l'équinoxe de printemps mais lors de la tonte des moutons au solstice d'Eté, quand le mouton ne risque pas de prendre froid, ce qui n'est pas encore le cas en mars-avril! D'ailleurs, cette perte de sa laine, pour le mouton n'est-elle pas typique d'une situation solsticiale d'Eté, quand le jour se met à décliner, à régresser? En tout état de cause, le printemps est vénusien et non pas martien et le fait que la nature s'enrichisse de parures ne comporte pas de violence. C'est au contraire, en automne que le règne de Mars se place, comme si l'on coupait, l'on tranchait, dépeçait la nature. Vénus ajoute, apporte la vie - le mois de mai est celui des amours dans les almanachs médiévaux - Mars enlève, est artisan de la mort des hommes mais aussi des bêtes -on tue le porc. Vouloir symboliser le début du printemps par le bélier et par Mars constitue un double contresens mais cette double fausse attribution donne l'illusion de quelque vérité! Les ciseaux qui s'appliquent au mouton ne le blessent pas, ils ne font que le tondre, à la façon d'un barbier ou d'un coiffeur, ces ciseaux également nécessaires au tailleur et au couturier..
Le poids de l'histoire est ici un peu trop évident pour ne pas renoncer à la thèse d'une astrologie "universelle" qui ne serait que le décalque des structures "naturelles". Que cela soit le fait de choix ou d'erreurs, de déviances ou de corruptions, le fait est que l'astrologie, à tous les niveaux, est le fait des hommes et qu'elle ne trouve pas sa légitimité dans une spatialité universelle mais dans une temporalité humaine.
Trop de facteurs militent en faveur d'une astrologie produite par les hommes et pour les hommes/ Si encore les astrologues avaient pris la peine de se démarquer de certaines élucubrations comme la symbolique zodiacale, qui est un véritable patchwork, mais tenter de valider celle-ci ou en tout cas de la recouper, en laissant entendre que l'on ne fait que déchiffrer le langage astral, nous apparait comme singulièrement chimérique. Ce qui ne signifie pas que cette symbolique n'exerce un certain empire sur les esprits, mais cela n'a rien à voir avec une quelconque réalité cosmique, à moins de croire que le découpage zodiacal (signes ou constellations) ait autant de valeur, au niveau scientifique, que le nombre de planètes dans le système solaire! La thèse d'une astrologie naturelle est indéfendable en dehors de quelques effets solaires et lunaires. Tout le reste passe nécessairement par le prisme et le filtre des sociétés humaines. Le vrai problème, c'est que ceux qui sont attirés par l'astrologie le sont le plus souvent du fait de son caractère suprahumain. Par conséquent, toute tentative pour restituer à l'astrologie son humanité génère chez bien des astrologues une véritable crise de conscience, ce qui correspond à l'idée selon laquelle nous ne serions pas responsables de ce que nous sommes et de ce que nous faisons et avons fait, ce qui est très déculpabilisant, dédramatisant et détraumatisant : les épreuves que nous rencontrons ne sont pas dues à notre négligence et à notre imprévoyance mais ont été de longue date programmées, elles font sens notamment au regard de l'astrologie karmique (voir notre entretien avec Alain Gauthier sur la télévision astrologique)
Est-ce à dire que l'astrologie - comme d'aucuns depuis plus de 20 ans essaient de nous faire dire - ne serait qu'un artefact culturel? On pourrait dire que tout ce que les hommes empruntent au monde est "culturel", puisqu'ils le font à leur façon. Mais la façon dont les hommes ont pu se programmer, en s'imposant toutes sortes de lois, de coutumes, tout au long des siècles, peut, selon nous, seule expliquer comment et pourquoi l'Humanité est devenue ce qu'elle est. Nous sommes donc, collectivement, la preuve vivante de la faculté de notre espèce à évoluer et cette évolution relève du culturel, si ce n'est qu'il y a des strates extrémement diverses de culturel, celles qui sont inscrites très en profondeur et celles qui restent très en surface. Le génétique relève du culturel à un tout autre niveau que nos musées et nos langues. Il importe de distinguer au demeurant, pour prendre l'exemple des langues, le fait que nous soyons capables de parler des langues et le fait que nous apprenions telle langue en particulier. Génétiquement, nous avons accès à une certaine culture tout comme nous sommes en mesure de digérer quand nous ne sommes pas malades. Mais ce que nous recevrons -culturellement - dépendra de l'endroit où nous naitrons, grandirons et vivrons. On pourrait parler d'une culture structurelle (innée, liée à notre bagage héréditaire) et d'une culture conjoncturelle (acquise ou plutôt reçue). Quant à ce qui serait rigoureusement "inné" en ce qui concerne l'espèce humaine, il faudrait probablement remonter à un stade très primaire, probablement celui de la cellule et/ou de quelque big bang à moins de croire que l'Homme ait été crée tel quel, adoptant ainsi un point de vue créationniste.
JHB
01. 01. 10
1 commentaire:
Votre travail m’a beaucoup surpris car ça fait longtemps que je n’ai pas trouvé comme ce magnifique partage.
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