samedi 16 septembre 2017

FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn, Serge Hutin L'Etrange Histoire d...

FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn, Serge Hutin L'Etrange Histoire d...: L'étrange histoire de l'astrologie...

FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn Astrologie et Prophétie Merveille...

FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn Astrologie et Prophétie Merveille...

TAF, LA TELEVISION ASTROLOGIQUE FRANCOPHONE DEPUIS DIX ANS: jacques Halbronn La Vie Astrologique en 2 volumes

TAF, LA TELEVISION ASTROLOGIQUE FRANCOPHONE DEPUIS DIX ANS: jacques Halbronn La Vie Astrologique en 2 volumes

jacques Halbronn Article Astrologie Encyclopaedia Universalis






ASTROLOGIE


L'astrologie a traversé les siècles en assumant les rôles les plus divers, et il n'est pas toujours aisé de la reconnaître sous ses multiples apparences et ses statuts les plus contrastés. On lit un texte la concernant en fonction d'une certaine représentation ; ainsi celle d'un savoir sur l'humain dont les fondements se situeraient au-delà ou au-dessus de l'humain. Impliquant un état préstructuré de la psyché, l'astrologie dévaloriserait l'homme par rapport à la nature si elle s'avérait fondée. Ses errances mêmes témoignent du fait que l'astrologie n'a pas dû sa gloire tant à sa « vérité » qu'à son crédit ou à sa position stratégique au sein de l'ensemble des savoirs. Ayant fait l'objet de multiples et incessantes tentatives de démystification, mirage qui disparaît quand on s'en approche de trop près ou qu'on veut l'isoler de son environnement, l'astrologie est contradictoire : phénomène de société que certains ne prennent guère au sérieux, elle renvoie l'historien aux efforts des hommes pour harmoniser les savoirs et les religions avec les modernités successives. Fallait-il demander davantage à l'astrologie que d'enseigner aux hommes à regarder vers l'avenir et à s'y préparer ? N'est-il pas heureux que ses pouvoirs réels soient si limités tout en étant capables de mobiliser les esprits ?
Marginalisée, l'astrologie existe toujours, et son rejet hors de la science pèse sur toute tentative pour rappeler sa grandeur passée et la fascination qu'elle a pu exercer sur de grands esprits. Suscitant encore nombre de publications, les discours astrologiques, bien que désormais perçus comme archaïques, font partie des diverses composantes de la culture européenne, et il convient d'interroger de près les prises de position qu'ils ont suscitées.

Émergence et assise des discours astrologiques

L'astrologie existe dès lors que certains croient en elle et veulent savoir ce qu'elle a à leur dire. De ce fait, il est probablement plus important de déterminer ce qu'on attend d'elle que ce qu'elle est objectivement capable de fournir. Mais comment c [...]

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jacques Halbronn Mathématiques Divinatoires

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Yves Lenoible sur le Centiloque de Ptolémée

Du nouveau à propos du Centiloque de Ptolémée

“Après de longues années de recherche sur le Centiloque pseudo-ptolémaïque (appelé Le Livre du fruit, Karpos), Giuseppe Bezza – qui nous a quitté prématurément le 18 juin 2014 – vient de faire publier aux Editions Mimesis (Milano, septembre 2013) un ouvrage extrêmement riche sous le titre Commento al Centiloquio tolemaïco. L’oeuvre contient, entre autres documents, sa traduction en italien des cent aphorismes publiés en langue arabe (1) puis grecque, assortis de leurs commentaires (2).

Ces deux versions inédites du Centiloque (traduction des textes arabe et grec) renouvellent notre compréhension des cent aphorismes et de leurs commentaires, à savoir ceux dont nous disposons en France, et parmi les plus connus, ceux traduits du latin par Nicolas Bourdin (3) sous le titre Le Centilogue de Ptolémée ou la seconde partie de l’Uranie (1641, 1993), et ceux également traduits du latin par Julevno (4) sous le titre Les cent sentences astrologiques (1938, 1984).”
Note 1 : C’est Franco Martorello qui a établi le texte arabe de Ahmad Ibn Yusuf Ibn al-Daya.
Note 2 : Aphorismes et commentaires sont accompagnés d’une grande quantité de notes, d’un glossaire, d’une bibliographie détaillée, et d’une Introduction sous la plume de Giuseppe Bezza, qui fait le point sur la question de la paternité de l’ouvrage, très discutée pendant des siècles (Introduction traduite en français par mes soins, et désormais disponible sur le site du RAO).
Note 3 : Nicolas Bourdin a traduit du latin la Tétrabible (publication en 1640), ainsi que le Centilogue de Ptolémée ou la seconde partie de l’Uranie, publié chez Cardin Besongne à Paris, en 1651, et réédité par les Editions Tredaniel en 1993. Nicolas Bourdin “est le traducteur incontournable de Ptolémée en français” (Jacques Halbronn), mais il n’est pas le premier. Dans la postface de l’édition de 1993, J. Halbronn écrit qu’il existe à la Bibliothèque Nationale des manuscrits de l’ouvrage datant du règne de Charles V (1348, 1349).
Note 4 : La traduction du latin (texte de Pontanus) par Julevno (Jules Evenot) a été publiée en 1938 par Paul Chacornac sous le titre Le Centiloque ou les cent sentences. Elle a été reprise par les Editions Traditionnelles sous la dénomination Les cent sentences astrologiques, Paris, 1984.
Quelques aphorismes du Centiloque 
Il serait sans doute pertinent d’évoquer désormais, à leur tour, quelques sentences ayant trait, plus spécifiquement, à l’art de l’astrologie lui-même. Pour cela, procédons à l’analyse des aphorismes n° III, n° V, n° VIII, et n° XXIX, tels que nous pouvons les lire chez Nicolas Bourdin (Le Centilogue de Ptolémée ou la seconde partie de l’Uranie, traduit du latin, 1641, 1993) et chez Julevno ( Les Cent sentences astrologiques, également traduites du latin, 1938, 1984), puis dans les versions arabe et grecque récemment mises à l’honneur par Giuseppe Bezza (Commento al Centiloquio tolemeo, septembre 2013).
Sentence III : aptitude/astre puissant
Version de Nicolas Bourdin :« Celui qui est habile à quelque chose telle qu’elle soit, aura certainement aussi l’astre qui signifie cette chose, grandement puissant en sa naissance ». Grandement puissant, c’est-à-dire « bien situé, soit au respect du monde [par rapport aux angles], soit dans le zodiaque [par ses dignités], soit par ses aspects, soit d’autre sorte » (Nicolas Bourdin voulait-il par là suggérer la nature de l’astre ?). Par exemple, dit-il, celui qui est ingénieux et éloquent aura Mercure bien placé, celui qui est vaillant, Mars, etc.Ainsi, « nous verrons de la prudence en ceux que Saturne gouverne, de l’équité aux joviaux, de la vaillance aux martiaux, de la douceur aux vénériens, de la finesse aux mercurialistes, le Soleil donnera de l’éclat, la Lune de l’activité ». Les effets engendrés par telle ou telle planète bien placée seront toujours identiques.
Le reste du commentaire est consacré à quelques exemples.
Ainsi, Cicéron doit sa grandeur à la disposition de son ciel natal : « son Soleil montant au Lion sur l’horizon, le Lion gouvernant l’Italie,…lui décerna cet éclat illustre…, avec Mercure, Vénus, Mars et le Roitelet, alors au premier degré du Lion où était son AS », ce qui lui donna « ce torrent d’éloquence que nous admirons encore tous les jours en ses écrits ».
Sixte V, de basse condition, fut élevé à la dignité pontificale, grâce à son Soleil et à son Jupiter sur son AS, conjoint à Mercure et à Mars, ce qui le fit changer de métier « de gardien de troupeaux pour celui de pasteur universel de l’église ».
Le roi Gustave de Suède, redoutable conquérant, avait Mars (au trigone de sa Lune) maître de X, alors que Jupiter, maître du Soleil et de l’AS, se trouvait en maison II avec la Part de fortune.
Le cardinal de Richelieu avait Vénus maître de I placée au MC, Mars et Mercure respectivement logés en l’AS et en XI, en leurs dignités, tandis que le Soleil était maître du MC.
Version de Julevno :
« Celui qui possède des aptitudes pour un art quelconque aura, certainement, une étoile propice à cette indication, placée puissamment dans sa nativité ».
Julevno parle-t-il d’une étoile fixe, ou d’un astre errant ? Nous n’en saurons rien, vu que le commentaire brille par son absence. Et nous ne savons pas non plus, bien sûr, ce qu’il entend par une étoile « placée puissamment » dans une nativité.
Version arabe :
« Ptolémée a dit : celui qui par nature est disposé à une chose est celui qui, dans sa nativité, a le significateur de cette chose puissant ».
Après nous avoir renvoyés à la sentence LXXXVI, où il est dit que les planètes, par leur qualité, par leur force, par leurs opérations, sont comme les éléments des corps (voir en fin d’article note 1), Al Daya affirme qu’une planète puissante dans la nativité d’une personne rend visibles ses opérations ; la personne aura alors une disposition naturelle excellente, prompte à réaliser ce qu’indique la planète.
Mais qu’appelle-t-on une planète puissante ? Ou plus exactement, dans quels cas peut-on attribuer à un astre ce qualificatif de « puissant » ? Le commentateur arabe répond à cette question de façon très précise, qui peut étonner, et même éblouir les yeux de nos contemporains, peu habitués à la richesse de l’enseignement des Anciens. Une planète est puissante lorsqu’elle se trouve :
1) dans sa « participation » (hazz)(note 2) ;
2) dans son champ d’action (hayyiz)(3) ;
3) dans l’angle qui lui est compatible (watad)(4) ;
4) dans une configuration favorable vis-à-vis du Soleil (Sams)(5), comme par exemple l’orientalité (tasriq)(6) pour les planètes supérieures et l’occidentalité (tagrib)(7) favorable aux planètes inférieures.
5) Et autres positions qui lui sont propres.
Si nous mettons de côté les dignités et l’angularité des planètes, communément reconnues aujourd’hui comme facteurs de puissance, nous ne pouvons malheureusement que déplorer le manque de connaissance de nos contemporains, qui négligent ces notions de « faction », d’orientalité vis-à-vis du Soleil, et plus spécialement de lever héliaque, pourtant si efficaces. Il faut remercier chaudement Giuseppe Bezza d’avoir mis à disposition tous ces aphorismes, et notamment le III, qui rappelle ces notions essentielles.
Version grecque :
« Celui qui est apte à une chose quelconque a certainement l’astre qui la signifie puissant dans sa nativité ».
Le commentaire est remarquablement bref. On peut le citer entièrement : « En vérité, l’homme viril a Mars puissant, l’intellectuel Mercure, et ainsi de suite pour les autres astres ». C’est évidemment très clair, très concis, très concret. On peut néanmoins regretter qu’il ne soit pas précisé dans quelles conditions un astre est puissant, considération certainement inutile pour les astrologues de l’époque, familiers avec toutes ces notions.
Sentence V : détourner les maux
Version de Nicolas Bourdin :
« Celuy qui est savant peut éviter plusieurs événements des astres, lorsqu’il aura connu leur nature, et se préparer soi-même avant leur événement ».
Deux mots-clé dans cette sentence : « éviter » et « se préparer ».
Pour être en mesure d’éviter plusieurs événements qui le menaceraient, le savant doit connaître « la nature et la science », la nature [c’est-à-dire le don du ciel], la science [c’est-à-dire la science des hommes]. Ainsi les événements ne répondront pas tous à une fatalité. Cet aphorisme reprend le célèbre passage de la Tétrabible, dans lequel Ptolémée expose sa philosophie de l’art : « Les événements, communs ou particuliers, lesquels n’ont d’autre origine que les causes célestes, …se produisent inévitablement selon une nécessité absolue. Mais il en est d’autres, qui ne naissent pas du seul mouvement des cieux et qui se peuvent aisément transformer par des remèdes contraires…Ceci est du ressort de la science des hommes, qui, en cette rencontre, ne sont point enchaînés à une fatale nécessité. » Et plus loin : « Ces mêmes événements sont, ou totalement détournés, ou de beaucoup adoucis, alors qu’ils ont été prévus et qu’on y donne soin à l’aide des remèdes naturels reconnus comme ayant une force contraire efficace » (I, 2, traduction du latin du même Nicolas Bourdin). Il est donc possible, dit Nicolas Bourdin, d’éviter les maux « à l’aide de la science ». – L’existence de ce passage de la Tétrabible pouvait laisser penser que l’auteur du Centiloque était bien Ptolémée en personne, ce qui n’est en aucune façon une preuve en soi, plusieurs auteurs différents pouvant développer les mêmes idées selon l’état de leurs convictions !
Ceci dit, le savant doit se préparer à recevoir les effets menaçants des astres. Là encore, nous pouvons renvoyer à un autre passage de la Tétrabible, toujours dans le chapitre 2 du Livre I, où le prince des astrologues affirme que «la prévision acclimate et affermit l’esprit en sorte que l’attente des choses futures se passe comme si celles-ci étaient déjà présentes, préparation qui nous permet de les recevoir avec sérénité ».
Toutefois, Nicolas Bourdin demeure circonspect quant à l’efficacité des savants, « vu que plusieurs ont tenté vainement d’éviter les maux qu’ils craignaient ». Ainsi se moque-t-il tant soit peu de l’excellent astrologue qui avait prévu la mort violente du duc de Milan, par une poutre qui tomberait sur lui, et qui, mené au supplice pour cette prédiction malheureuse, fut lui-même écrasé, avec beaucoup d’autres, par une tour de la cathédrale !
Le discours qui clôt ce commentaire se perd dans des méandres ténébreux…
Version de Julevno :
« Celui qui connaît la nature des astres peut facilement en détourner les mauvais effets, en sachant se mettre en garde contre leur maléfique influence, avant qu’elle ne se manifeste ».
Mais comment détourner les mauvais effets des astres ? C’est ce que nous ne savons pas ; en effet, la science des hommes n’est mentionnée nulle part. Pour le reste, le contenu de la sentence est le même, avec toutefois un « facilement » qui laisse rêveur.
Dans son commentaire, Henri Selva affirme que, si l’homme averti ne peut absolument pas éviter les événements qui reposent sur une loi immuable, du moins peut-il « se préparer à soutenir leur choc », et « amortir leur effet », non pas par des remèdes contraires (il n’en dit mot), mais par une « volonté sage  et forte » – là encore, on ne peut être qu’incrédule devant cette foi en la volonté.
Version arabe :
« Ptolémée a dit : l’astrologue est parfois en mesure de conjurer beaucoup d’effets des étoiles, encore faut-il qu’il connaisse la nature de ce qui agit, et qu’il prépare celui qui reçoit les effets à les tolérer, avant qu’ils ne se vérifient ».
Nous voici revenus à plus de réalisme, attendu que l’astrologue est « parfois » en mesure d’éviter les effets des étoiles, et non pas « facilement », comme le relate Julevno. En effet, dans son commentaire, Al-Daya nous rappelle que les astres n’agissent pas de la même façon, du fait que les sujets qui sont atteints par leurs effets sont eux-mêmes différents. Mais il est en notre faculté de porter ces sujets vers l’augmentation ou vers la diminution de l’état où ils se trouvent, ceci par une juste régulation. Lorsqu’il craint un événement pour un sujet, celui qui connaît les astres doit nécessairement pousser ce sujet vers un état opposé à celui dont il craint les effets. Ainsi, celui qui était prédisposé à subir ces effets ne sera pas frappé par ce qui, auparavant, était à craindre.
Par exemple, dit-il, si nous connaissons la nativité de celui qui subit l’action des astres, et s’il s’y trouve des indications d’astres liés à une maladie de la nature de Mars, nous porterons sa constitution d’un état d’équilibre à un autre qui lui est éloigné. En fait, avant que se produise l’opération de Mars, nous porterons vers le froid cet état d’équilibre, de la même quantité existant entre l’état d’équilibre et l’excès de chaud. Par conséquent, quand adviendra l’action de Mars, la personne l’aura déjà précédée par l’intermédiaire d’une disposition contraire : confrontée à ce que Mars lui promettait, sa nature répondra en tendant vers l’équilibre. L’astrologue qui connaît la nature de Mars attribuera ainsi une constitution différente à celui qui subira l’action de l’astre, et il procèdera de façon analogue pour les autres planètes, pour autant que cela soit possible.
Version grecque :
« L’expert peut détourner beaucoup d’opérations d’astres quand il connaît leur nature et qu’il se prépare avant que n’adviennent leurs opérations ».
Commentaire : L’âme bien adaptée qui se conduit de la meilleure façon pousse ce qui est en puissance à changer la disposition préexistante du sujet et à la tourner vers le plus ou vers le moins. Exactement comme si, après avoir examiné ce qui allait advenir, nous reconnaissions avec certitude qu’une fièvre élevée surgirait chez le natif, à cause de la configuration de Mars. Donc, connaissant cela par avance, nous porterons la constitution du sujet vers une tonalité plus froide, en mesurant avec attention de quelle quantité se changera sa constitution préexistante. De cette façon, avec un Mars qui réchauffe les corps, et qui serait atteint par des configurations adverses, la bonne harmonie sera rétablie.
L’on peut observer que les textes dont nous disposons en langue française restent dans les généralités, tandis que les versions arabe et grecque nous plongent dans des considérations plus concrètes, comme par exemple les effets d’un Mars (de nature chaude) blessé dans un thème, effets que l’on peut détourner en faisant intervenir chez le sujet une complexion plus froide, ceci avant que Mars puisse opérer.
Sentence VIII : soutenir le bien
Version de Nicolas Bourdin :
« Le sage contribue à l’opération céleste, de la même sorte que l’excellent jardinier en labourant et en nettoyant ».
L’excellent laboureur sait parfaitement ce que son champ peut porter, le blé dans la plaine, le vin dans le coteau, les légumes en terre grasse, le sainfoin en terre aride, l’herbe dans les fraîcheurs, le bois sur les roches, les sillons étroits pour écouler les excès d’eau, les plantes nuisibles qu’il lui faut arracher, et ainsi de suite…
Tout comme le laboureur cultive sa terre, le sage doit cultiver les dons qu’il a reçus du ciel. Si dans son thème Saturne est puissant, qu’il s’adonne à l’agriculture et aux choses graves ; si Jupiter lui est favorable, qu’il embrasse des emplois qui conviennent à cette planète, etc.. Le sage doit collaborer avec ce que lui a conféré le ciel, sans chercher à revendiquer des choses qu’il ne peut obtenir. Ainsi, l’homme « ne peut pas espérer de biens solides, si Saturne et le maître de IV sont affligés ; des richesses, si Jupiter et le maître de II font mal ; des charges dans la guerre, si Mars est dans les maisons cadentes et dans sa ruine ; des honneurs et des dignités si le Soleil et le maître de X sont faibles ; des faveurs et des bienfaits des femmes si Vénus et le maître de XI sont mal logés ; des emplois dans les négociations et les ambassades si Mercure et le maître de IX sont affligés ; de l’action et de l’estime populaire si la Lune n’est pas bien placée ».
Ainsi se termine, de façon très utile pour le praticien, le commentaire de Nicolas Bourdin. Que va nous dire Julevno ?
Version de Julevno :
« L’astrologue habile et sagace peut combattre les effets des influences du ciel, de même que le laboureur expérimenté peut combattre la mauvaise nature d’un champ, en l’améliorant par la culture ».
« Combattre les effets du ciel » ? Combattre les « avertissements » du ciel, combattre les « accidents » et les « dangers », comme l’affirme Fomalhaut dans son commentaire ? Faut-il accepter cette version de la sentence VIII, qui ne fait que réitérer celle de la sentence V – répétition parfaitement inutile ? « Combattre » les effets du ciel, comme le martèle Julevno, alors que la version de Nicolas Bourdin souligne, au contraire ici, dans la sentence VIII, la nécessité qu’a le sage de « contribuer à l’opération céleste » !
Version arabe :
« Ptolémée a dit : l’âme savante collabore avec l’action de la sphère céleste comme le paysan collabore avec les forces de la nature en labourant et en taillant ».
Il s’agit ici également, de « collaborer » avec, et non de « combattre », les forces de la sphère. L’âme savante connaît ces forces et sait comment elles s’appliquent aux individus. Donc, lorsque le savant percevra l’action d’un bien dans le thème d’un natif, il encouragera ce dernier à être bien disposé pour accueillir ce bien, qui sera ainsi amplifié et clarifié. Puis Al Daya, estimant en avoir assez dit, renvoie à son commentaire de la sentence V.
Version grecque :
« L’âme savante aide la vertu du ciel de la même façon que le paysan parfait aide la nature en labourant et en désherbant ».
Par « âme savante », on doit comprendre l’âme qui connaît les vertus de la nature et la constitution des astres, celle qui sait anticiper ce qui va advenir aux hommes, que ce soit un succès ou un revers. Elle invite ceux qui sont sur le point de prospérer à favoriser une amplification de leur bonne fortune. Mais aussi, elle exhorte à fuir la disgrâce imminente ceux qui sont sur le point de subir un revers sous le coup d’un mauvais démon, comme c’est le lot de la nature humaine. De façon analogue, l’excellent paysan, en labourant et en désherbant, jette les graines dans son champ, et ce qui naît de la terre devient un aliment utile, qui toutefois ne peut devenir comestible sans désherbage.
L’allusion à l’excellent paysan, reprise dans toutes les versions, illustre parfaitement les deux volets de l’action de l’astrologue savant, à savoir favoriser le bien (sentence VIII) et fuir le mal (sentence V), avant même que se produisent leurs effets. Tout comme le labour favorise la bonne qualité de la terre et des grains, tandis que le désherbage lutte contre l’action des plantes nuisibles.
Sentence XXIX : félicités des étoiles
Version de Nicolas Bourdin :
« Les étoiles fixes apportent des félicités irraisonnables et admirables, que, pour la plus grande part, elles rendent remarquables par des infortunes ; si ce n’est que les planètes s’accordent à cette félicité ».
Dans son commentaire, Nicolas Bourdin souligne le côté inattendu des félicités accordées par les étoiles fixes ; néanmoins il leur reconnaît une action « frêle et caduque » si elles ne sont pas soutenues par celle des planètes.
Suit ensuite un très long développement sur ces étoiles, dont nous ne dirons que l’essentiel. Divers auteurs, dit notre commentateur, les ont méprisées sous le prétexte qu’elles ne produisent rien. Pourtant, « la grandeur de leur corps, l’immensité de leurs sphères, l’infinie multitude de leurs corps, la brillante clarté de quelques unes, leurs levers et couchers avec le Soleil », les donnent pour essentielles. « Sans elles, il n’y aurait ni vie, ni mouvement, ni action, ni passion mutuelle, ni génération, ni vicissitudes des temps ». Hommage est rendu à Galilée, dont les lunettes nous ont fait découvrir un immense univers bien ordonné, une immensité de « globes suspendus qui se soutiennent et s’assistent les uns les autres ». Parmi toutes ces étoiles, nous serons plus affectés par les plus proches et les plus grandes, celles qui ont le plus d’éclat. Parmi elles, N. Bourdin cite le Grand Chien (Sirius), Arcturus, le Roitelet (Régulus), Antarès, l’œil du Taureau (Aldébaran), la Lyre, l’Epi, le Bouc, la bouche du Monstre.
Comment expliquer leur influence ? Par la transmission de lumière qui se fait grâce à l’attraction solaire, par leur puissance magnétique, par le « lien étroit qui unit et joint toutes choses » dans l’univers. Les astres ont en effet les mêmes éléments (étain, plomb, argent, etc.) que les entrailles de la terre, l’homme étant « un petit monde abrégé qui nous enseigne à connaître le grand ». N. Bourdin rappelle que, pour les Platoniciens, il existe une âme universelle qui règne sur le monde. « Tout le monde animé, tous les globes, tous les astres, l’admirable Terre aussi, sont gouvernés dès le commencement par les âmes qui lui sont propres et destinées ».
Mais pourquoi les félicités accordées par ces étoiles demeureraient-elles « frêles et caduques » et seraient-elles suivies d’infortunes immenses ? Ce fait, reconnu par l’expérience, survient lorsque ces étoiles « ne sont pas fécondées par les errantes », c’est-à-dire lorsqu’elles ne sont pas « jointes aux principaux significateurs ». Quels significateurs ? Nous aimerions le savoir, mais nous ne le saurons pas. Ce que nous saurons, c’est que ces globes éloignés « donnent bien les choses avec plus d’éminence, mais avec moins de proportion à notre respect , de sorte que leurs faveurs ne se sauraient trouver ni fermes, ni assurées, si les astres plus voisins ne concourent à soutenir ce bonheur » – Le manque d’efficacité durable des étoiles serait donc dû à leur éloignement !!!
Nicolas Bourdin termine son discours par quelques exemples d’infortunes tirés de l’Antiquité.
Version de Julevno :
« Les étoiles fixes produisent des fortunes surprenantes et prodigieuses qui, souvent, sombrent dans le malheur ou dans une catastrophe, à moins que les planètes ne promettent par elles-mêmes, dans la nativité, le succès ou la fortune ».
Julevno consacre à cette sentence un commentaire plus court que celui de Nicolas Bourdin, mais qui se veut explicatif. Satisfera-t-il notre curiosité ?
Le commentateur énonce tout d’abord quelles sont les étoiles fixes les plus efficaces : celles de 1ère grandeur, celles situées sur l’écliptique ou en déclinaison Nord, celles qui sont unies à une planète par conjonction ou par antisce, celles qui se lèvent ou culminent avec une planète, leur orbe de lumière étant estimé à 5°.
Lorsqu’elles sont situées dans les angles d’un thème (surtout à l’AS et au MC) et avec le Soleil ou la Lune, les étoiles dites royales élèvent le natif à une condition exceptionnelle, même si ce dernier sort d’un milieu très modeste. Il s’agit d’Aldébaran, de Régulus, d’Antarès, des Pléiades ( ?), de Fomalhaut, de l’Epi de la Vierge, de Rasalgethi. Toutefois, les bienfaits qu’elles accordent peuvent tourner à la ruine et au malheur, à moins que les significateurs ne soient protégés par Jupiter ou par Vénus (par aspect), capables par eux-mêmes de donner des biens durables, les significateurs étant le Soleil, la Lune et le MC.
Malgré quelques points discutables (l’orbe des étoiles, leur antisce avec une planète quelconque par exemple), ce commentaire de Julevno semble mieux répondre à nos attentes que celui de N. Bourdin, souvent entortillé et ténébreux – peut-être les connaissances de l’époque et la langue du XVIIème siècle en sont-elles responsables ?
Version arabe 
« Ptolémée a dit : les étoiles fixes accordent des dons qui vont au-delà de ce qui est attendu des thèmes d’origine, mais souvent ils s’accompagnent d’une disgrâce ».
Voici le commentaire d’Ibn Al Daya : Après la naissance et les quatre années de nutrition (tarbiyah)(8), l’une des choses qu’il est nécessaire de connaître dans une nativité est la dignité des astres et ce qui l’indique, comme le tasriq(9) des planètes, leur dasturiyah (10), et en outre les significateurs [de vie] puissants dans les angles. Tout ceci montre que le natif parviendra à une meilleure condition que celle de ses prédécesseurs.
Qu’ajoutent de plus les étoiles fixes (celles qui sont les cœurs [Cœur du Taureau, Cœur du Lion, etc.] et celles de première grandeur) ? Lorsqu’elles se trouvent sur l’angle de l’AS ou du MC, sur le luminaire conditionnel (11) et sur la Part de fortune, elles élèveront la situation du natif jusqu’à son aspiration maximale, au-delà de ce que l’on pouvait attendre, de telle sorte qu’il administrera les affaires d’un grand règne, même si ses ancêtres étaient inconnus et d’origine modeste. – Les étoiles ainsi définies et ainsi placées apporteront un maximum de bienfaits, beaucoup plus puissants que ceux accordés par les planètes.
Toutefois, lorsque ces étoiles ne sont pas soutenues par l’action des planètes, lorsqu’elles sont les seules à signifier la fortune, le natif mourra de mort violente. Voilà sans doute, sans autre explication, sans bavardage d’aucune sorte, un fait d’expérience, qui peut nous déconcerter. La version grecque nous fournira-t-elle quelque éclairage ?
Version grecque :
« Les astres non errants provoquent des fortunes extraordinaires et inattendues, mais, plus d’une fois, elles se terminent par un malheur, à moins que les planètes ne soutiennent leur succès ».
Le succès provient du lever matinal des astres (12), du camp qui leur convient (13), et de leur angularité. Dans ces cas-là, celui qui naît deviendra plus illustre que ses propres géniteurs. Mais que font les étoiles fixes, les cœurs et celles qui sont de première grandeur, précise bien le commentateur ? Lorsque l’une d’elles se retrouve sur l’angle de l’AS ou du MC, sur le Soleil le jour et sur la Lune la nuit, ou sur la Part de fortune, le sort de celui qui naît s’élèvera grandement, au point qu’il deviendra l’intendant d’un grand roi, même si ses géniteurs sont d’humble condition. Et si le succès lui parvient par la seule signification des étoiles fixes, sa mort sera très malheureuse et non naturelle.
Cette version est très proche de la précédente, et toutes deux très peu éloignées des deux versions en langue française. Toutefois, entre les « infortunes » des étoiles fixes énoncées par Nicolas Bourdin et « le malheur ou une catastrophe » avancés par Julevno, il y a une marge avec « la mort violente » du sujet lui-même, prédite par le texte arabe, exprimée tout aussi violemment, et la « mort très malheureuse et non naturelle » du texte grec. Les Anciens n’hésitaient pas à dire les choses de façon directe, simplement et crûment ! ce qui peut satisfaire les esprits épris de vérité ! Les aphorismes du Centiloque, dans les versions arabe et grecque heureusement transmises par G. Bezza, méritent donc que l’on s’attache à leur enseignement, tant ils nous apparaissent justes, précis, concrets, faisant ainsi mentir Morin de Villefranche, qui, chez les Chaldéens, chez les Egyptiens, et pour ce qui nous concerne ici chez les Arabes, ne voyait que de « vaines fictions » (Préface du XXIème Livre de l’Astrologia Gallica).
Danièle Jay
jay-daniele@orange.fr
Bibliographie
– Bezza, Giuseppe, Arcana Mundi, Antologia del pensiero astrologico antico, biblioteca universale Rizzoli, Milano, 1995.
– Bezza, Giuseppe, Commento al primo libro della Tetrabiblos di Claudio Tolemeo, Nuovi Orizzonti, Milano, 1990, 1992.
– Bezza, Giuseppe, Commento al Centiloquio tolemaico, Mimesis, septembre 2013, disponible à la librairie Ibis Esoretica, via Castiglione, 31, 40124 Bologna.
– Bourdin, Nicolas, Tetrabiblos, Editions Vernal/Philippe Lebaud, Paris, 1986.
– Bourdin, Nicolas, Le Centilogue de Ptolémée ou la seconde partie de l’Uranie, réédité par Guy Tredaniel, Paris, 1993.
– Jay, Danièle, Le Ciel en mouvement, Editions Sep-Hermès, Paris, 2006, 2010.
– Julevno, Les Cent sentences astrologiques, Editions Traditionnelles, Paris, 1984.
– Ptolémée, Claude, Tetrabiblos, traduction de Pascal Charvet sous le titre Le Livre unique de l’astrologie, Nil Editions, Paris, 2000.
notes
1) Sentence LXXXVI : « Ptolémée a dit : le Soleil est source de la force vitale, la Lune de la force naturelle, Saturne de la force de rétention, Jupiter de la force d’accroissement, Mars de la force d’irascibilité, Vénus de la force de concupiscence, Mercure de la force de cogitation. Dans les nativités, Mars, Vénus et Mercure sont les significateurs des inclinations et des professions ». Dans le commentaire, nous lisons que les dispositions naturelles, la générosité, l’avarice, la sincérité, le mensonge, etc., proviennent du mélange de ces trois inclinations et professions, et du comportement de ces trois planètes.
2) Une planète dans son hazz occupe une portion du zodiaque conforme à sa nature – c’est le lieu du zodiaque où elle possède une dignité (domicile, exaltation, terme, triplicité, face). Elle « participe » au signe qu’elle occupe, ce qui entraîne bonne fortune et félicité.
3) Une planète dans son hayyiz se trouve placée dans le milieu qui lui est naturel, dans sa sphère d’influence, dans sa « faction » ; elle est dans sa faction si, diurne, elle se trouve dans un thème diurne (Soleil au-dessus de l’horizon), et si, nocturne, elle se trouve dans un thème nocturne (Soleil au-dessous de l’horizon). Ce terme arabe est l’équivalent du terme grec « haïresis ».
4) Watad : il s’agit des quatre angles de la figure.
5) Sams : indique le Soleil.
6) Tasriq désigne l’orientalité des planètes supérieures par rapport au Soleil (elles se lèvent avant lui), mais surtout leur lever héliaque, qui est le moment où la planète sort des rayons du Soleil et où elle reprend toute sa vigueur. « La planète après la combustion, après son passage sous les rayons, est comme celui qui avance de la maladie à la convalescence et à la force ; l’orientalité perfectionne sa force… » (Al Biruni).
7) Tagrib : désigne l’occidentalité des planètes inférieures par rapport au Soleil (elles se couchent après lui).
8) Tarbiyah : lorsque l’enfant est faible à la naissance, on ne sait s’il survivra. Il faut attendre quatre ans, les quatre années de nutrition, pour se prononcer sur l’avenir de l’enfant.
9) Tasriq : c’est l’orientalité des planètes par rapport au Soleil, surtout leur lever héliaque ; voir la note 6 de la sentence III.
10) Dasturiyah : c’est la position d’autorité d’une planète.
11) Le luminaire conditionnel est le luminaire « de la condition », c’est à dire le luminaire qui s’accorde avec la condition diurne ou nocturne, soit le Soleil en thème diurne, la Lune en thème nocturne.
12) Lever matinal : c’est le lever héliaque qui se fait le matin.
13) Le « camp » n’est autre que la « famille » de l’astre, la sphère d’action où il se trouve à son aise. Un astre diurne est dans son « camp » lorsqu’il se trouve dans un thème diurne, un astre nocturne dans un thème nocturne. Cette condition est désignée en langue grecque sous le terme d’haïrésis.

ETTEILLA l ASTROLOGIE DU LIVRE DE TOTH

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L'Astrologie du livre de Thot (1785), suivi de "Recherches sur l'histoire et l'astrologie du tarot" Broché – 1 janvier 1990

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Claude Dariot Introduction au Jugement des astres

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Jacques Halbronn sur Morin de Villefranche

12/06/2016

Jean-Baptiste MORIN : Remarques astrologiques

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Jean-Baptiste MORIN : "Remarques astrologiques"
Sur : Le commentaire du centiloque de Ptolémée par Nicolas de Bourdin.
Ou "Le Fanal de l’astrologie".
Introduction et notes de Jacques Halbronn.
Jean-Baptiste Morin, né à Villefranche en 1583, mort à Paris en 1656, est considéré par tous les spécialistes comme le plus savant des astrologues français. Docteur en médecine, professeur de mathématiques au Collège de France, astronome, la science positive lui doit des méthodes nouvelles de détermination des longitudes célestes et terrestres appliquées à la pratique de la navigation, grâce à un abrégé de sa "Science des longitudes", publié en français, à l'usage des pilotes (1647).Son oeuvre capitale reste cependant, une "somme astrologique" (Astrologia gallica, 1661), dont les huit cents pages in-folio en latin demeurent, malheureusement, impubliables. Aussi doit-on attacher d'autant plus d'intérêt à un traité oublié dans lequel Morin lui-même a présenté en français un abrégé de son enseignement magistral : les "Remarques astrologiques" (1657). Cependant, cet ouvrage n'a jamais été réédité depuis trois siècles, bien qu'il soit indispensable non seulement à l'étude de l'astrologie française au siècle de Louis XIV, mais aussi à l'interprétation exacte de l’œuvre de Ptolémée. Ce Fanal que Morin propose aux vrais amateurs de l'astrologie éclaire des problèmes fondamentaux, théoriques et pratiques, dont l'importance est rarement signalée par les auteurs modernes. Illustré de gravures d'une insigne rareté provenant des collections de la bibliothèque de l'Observatoire de Paris, cet ouvrage contient en outre une bibliographie complète de l’œuvre de Morin, la reproduction intégrale des précieuses tables des correspondances symboliques planétaires et zodiacales extraites de l'édition originale de "l'Astrologia gallica", ainsi que les horoscopes de Louis XIV, de Richelieu et de Jérôme Cardan, établis par J.-B. Morin.
RETZ / Bibliotheca Hermetica (Alchimie - Astrologie - Magie), 1975.
303 pages – 12,5 x 20,5 cms – 505 grammes.
Nombreuses gravures et illustrations in et hors-texte.
Reliure cartonnée éditeur entoilée de rouge bordeaux. Titre et nom d’auteur en doré au dos et sur un premier plat assez richement orné + jaquettes de protections couleurs.
Etat = Quelques petites marques/traces de manipulations, ainsi que deux petits accrocs sur une jaquette restée néanmoins bien brillante… sont les seuls petits défauts à signaler ; la reliure est en excellent état (y compris les coiffes) et l’intérieur est tout simplement parfait ! Bel exemplaire !
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jacques Halbronn De la compilation de Crespin Archidamus aux Sixains de Morgard






Editions RAMKAT
2
De la Compilation de Crespin Archidamus
aux Sixains de Morgard
   L es Editions Ramkat ont récemment publié une série de textes fondamentaux précédée d'un indispensable appareil critique de Jacques HALBRONN. En réunissant une importante iconographie nostradamique, souvent rarissime, nous constituons une sorte de critique de l’édition classique des Prophéties de Nostradamus. L'auteur présente successivement, et avec un art certain du suspense, toute une série de pièces à conviction, comme dans une enquête policière, à la manière du film de Jean-Jacques Annaud, tiré du roman Au nom de la Rose d’Umberto Eco, faite de rebondissements et de témoignages, jusqu'à ce que le lecteur découvre que, d’une certaine façon, le roi est nu...
      Un triptyque de Nostradamus pour 1557, paru à la fin de 1556, rassemble selon Jacques Halbronn, les éléments authentiques les plus anciens que nous possédions pour l’heure, les Centuries, si tant est qu’elles puissent lui être attribuées, n’étant pas parues du vivant de Nostradamus ; ces pièces - dont on ne fournit ici que les épîtres - mais aussi les Prophéties d’Antoine Couillard (1556), auront servi à produire, après la mort de Michel de Nostredame en 1566, des contrefaçons, à commencer par la fameuse Epître à Henri II, placée en tête des centuries VIII, IX et X, mais aussi un texte qui la complète, les Significations de l’Eclipse pour 1559, voire les Centuries elles-mêmes.
   L'auteur pense que la fameuse Epître (centurique) à Henri II, en tête des centuries VIII, IX et X, a été constituée à partir des trois préfaces de Nostradamus pour 1557 : la Grand' Pronostication pour 1557, l'Almanach pour 1557 et les Présages Merveilleux pour 1557, toutes publiées chez le même éditeur parisien, Jacques Kerver - et bénéficiant du même privilège - respectivement adressées au roi de Navarre, Antoine de Vendôme, à la reine Catherine de Médicis et au roi Henri II. L'étude de J. Halbronn reproduit intégralement, dans la présente édition, les épîtres de ces trois documents essentiels, ainsi que leur Privilège.
      Les Prophéties à la Puissance divine d’Antoine Crespin, dont nous reproduisons la première édition, représentent pour l’auteur, qui nous en offre un décryptage systématique, un témoignage contemporain fiable, concernant les Prophéties de Nostradamus, puisque pour ce chercheur, les éditions connues de 1555, 1557 et 1568 seraient des contrefaçons d’éditions plus tardives !
      Les Prophéties de Morgard, qui complètent le manuscrit des Sixains signalé par Daniel RUZO et Robert BENAZRA, pose le problème de clefs nécessaires à la lecture des Centuries. A cela s'ajoute la découverte d'un imprimé daté de 1606, les Signes merveilleux apparus au ciel, texte qui comporte un quatrain parmi ceux qui auraient été présentés à Henri IV, à l’occasion du baptême des enfants royaux, ce qui conduit l’auteur à considérer comme contrefaçons les éditions de 1605, lesquelles comportent des sixains.

Page de titre Crespin

   Jacques HALBRONN, directeur de la Bibliotheca Astrologica (Paris), établissement spécialisé dans la recension de textes astrologiques et prophétiques, notamment dans le champ français et judaïque, docteur ès Lettres, a justement consacré sa thèse d'Etat aux textes prophétiques et à leur implication dans le politique. Ce premier titre, Prophetica Judaica Aleph (PJA), ne reprend pas in extenso le travail qui figure dans la thèse universitaire de l’auteur.

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FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn Les conditions du discours scient...

FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn Les conditions du discours scient...: Les conditions du discours scientifique relatif à la constitution et à la reconstitution de l’objet. Théorie générale Prése...

jacques Halbronn Révolutions et Prophéties (suite)

 Il s'agit en fait d'un extrait d'un recueil richement illustré de gravures, paru en 1642, à Amsterdam, chez Crispin Van de Passe (BNF, Res p Z 26569 (3)), De ondergang des Rommschen Arends" - la Chute de l'Empire Romain - de Bartholomeus Hulsius, Bartholomeus qui comporte aussi, entre autres, un texte de Paracelse . Ce recueil était marqué par le personnage de Gustave- Adolphe.

L'école nostradamiste française;
C'est sous le Premier Empire que l'on peut vraiment parler d'une génération d'exégètes , notamment avec des scrutateurs des Centuries" tels Bouys, Odoucet, Motret, Bellaud .
Si les calculs, inspirés de ceux de Pierre d’Ailly, d’un Turrel, n'avaient pas été déviés parRoussat, et par un pseudo Nostradamus , c'est bien pour les premières années du XIXe siècle que la “rénovation du monde” aurait été attendue.
La période impériale restera comme un lieu privilégié de l'exégèse nostradamique. Il est intéressant de signaler divers exemples de mise en rapport de quatrains ou de sixains avec les événements révolutionnaires tels qu'on les trouvera, tant en France qu'à l'étranger, dans cette littérature.
Le cas de la prophétie nostradamienne se distingue notamment des prophéties écrites après coup comme celle d'Orval en ce que les textes étudiés appartiennent tous au XVIe et au XVIIe siècles et sont parfaitement attestés comme étant antérieurs à la Révolution.
C'est ainsi qu'en introduction à la Prophétie d'Orval, il est indiqué "La mort de Louis XVI si bien annoncée dans ces prévisions leur donna une vogue extraordinaire" (L'Invariable de Fribourg, 1839) mais on nous précise aussitôt que la partie du texte concernant cet événement n'a pas été recopiée. La mort de Louis XVI n'est pas ici sans faire penser à celle d'Henri II: le prétendu succès prévisionnel aurait dans les deux cas "lancé" la prophétie pour la prophétie d'Orval, on n'a encore moins de preuves que celle-ci ait circulé avant la mort du roi.



L'exégèse nostradamique de la bataille d'Austerlitz.
Le “Soleil” d'Austerlitz est du 2 décembre 1805. Cela explique probablement pourquoi 1806 fut une grande année pour Nostradamus .
Si Odoucet écrivit, dès 1790, une Révolution Française... pronostiquée par les Prophétiques Centuries de M. Michel Nostradamus" (BNF, La32 292), dans l'exaltation qui suivit la Prise de la Bastille et la Nuit du 4 août 89,. Bellaud; donne, à l'apogée de la carrière militaire de Bonaparte, un Napoléon, premier Empereur des Français. Prédit par Nostradamus (à) suivi de l'onomatomancie appliquée à Napoléon Ier Empereur des Français et Roi d'Italie" (BNF, Lb44 461).
Bouys est un ardent partisan de l'Empereur et il est certain qu'il n'utilisera pas certains quatrains désobligeants pour ce dernier:
Mis à son lieu savant et débonnaire
Tout le sénat sera dessous sa main
Fâché sera par malin téméraire”
(Centurie X, Quatrain 90)
On commente ainsi: Bonaparte n'est-il pas visiblement ce savant débonnaire (on est en 1806) qui succède à un tyran exécrable (Robespierre).
Mais Théodore Bouys veut aussi annoncer l'avenir, à la façon d'un Janus: Paragraphe XVI Prédiction de Nostradamus dont on attend l'accomplissement, sur la conquête de l'Angleterre par Napoléon le Grand".
Sur l'océan sera la porte ouverte
Tremblera Londres par voile découverte
Le règne en l'isle sera réintégrant”
(Centurie II, Quatrain 68)
Un des quatrains qui aura le plus marqué les esprits est commenté - pour la première fois ? - par Bouys, il s'agit de la Fuite de Varennes de 1791:

De nuit viendra par la forest de Rennes
Deux parts, voltorte, Herne la pierre blanche
Le moine noir en gris dedans Varennes
Elu cap, cause tempête, feu, sang, tranche”
(Centurie IX, quatrain 20)
Traduction: “De nuit, le mari et la femme viendront paar la forêt de Reines, le chemin est divisé en deux parts: la belle reine vêtue fr blanc, le roi qui a la dévotion d’un moine, vêtu en gris. Ce roi déclaré chef, l’incendie, les agitations, le meurtre et le pouvoir du glaive s'ensuivront”.
Bouys répond à certaines objections:
On dira, sans doute, qu’en lisant Reine dans herne et Roi dans noir, on verra dans Nostradamus tout ce qu’on voudra; on aurait raison de le dire, si l’on supprimait, si l’on ajoutait, si l’on changeait plus d’une lettre dans un mot. Mais que l’on fasse bien attention que lorsqu'on ne trouverait pas reine dans herme et roi dans noir, lorsqu'il n'y aurait même que deux étoiles à la place de chaque mot, le sens indique assez que ce ne peut être que le roi de France qui était en gris et la Reine qui était en blanc, cette pierre précieuse blanche, qui sont passés par la forêt de Reines, sont arrivés de nuit dedans Varennes et par voie détournée, voltorte, et qui par leur voyage ont causé tempêtes, feu, sang, tranche ou tête tranchée. Ce verset exprime tous les malheurs qui suivirent son élection de roi constitutionnel élu cap, et sa fuite à Varennes.”
Il s'agit là en tout cas de l'un des versets les plus troublants et qui interpellera un Dumézil .
Il convient de signaler, toujours chez Bouys, un autre quatrain, le trente-quatrième, toujours appartenant à la neuvième centurie:
Retour conflict passera sur le Thuile
Par cinq cens un trahir sera tiltré
Narbon et Saulce par contaux avons d'huile”
Traduction: Le mari seul sera chagrin de la coiffure qui lui sera imposée; après un retour tumultueux, il passera aux Tuileries, il sera reconnu victime d'une multitude de traîtres parmi lesquels Narbonne et l'épicier Saulce.
Les commentateurs sont gênés du fait que la fin du quatrain concernerait la Fuite de Varennes (juin 1791), tandis que le début de celui-ci vise l'épisode du qui se déroula le 20 juin 1792.
Bouys publie au Ch. XXIV une Lettre de M. à M. Bouys concernant les Nouvelles Considérations sur les Oracles", ce qui entraînera, la même année, une protestation vigoureuse de l'intéressé, un certain Motret, de Nevers, farouche adversaire de l'Astrologie, citant le quatrain latin réputé hostile à l'astrologie de la sixième centurie et qui annonce un H. Torné-Chavigny , Motret, qui, comme Bellaud, connaît bien les exégètes de Nostradamus donne une traduction latine de deux quatrains dont il s'efforce de fournir une interprétation exemplaire (BNF, R 44608).
Mais comment Motret aurait-il eu connaissance des Nouvelles Considèrations? Est-ce que cette lettre ne montre pas qu'il y eut une précédente édition à moins que le texte ait circulé en manuscrit? Dans sa lettre, le correspondant parle de "vos Nouvelles Considèrations sur les oracles et sur Jeanne d'Arc". En effet, en 1806, à la suite de ses Considèrations (sur Nostradamus), l'on trouve un Précis sur Jeanne d'Arc et sur ses prédictions. Bouys aurait- il, dans un premier temps, intégré ses réflexions sur Jeanne d'Arc au sein de ses Considérations pour les mettre à part ensuite ? L'ouvrage de Bouys est en outre centré sur l'Angleterre ("la conquête que ce héros (Bonaparte) doit faire de l'Angleterre") et il semble bien qu'en 1806, il s'agissait là d'un projet plus ou moins révolu après le camp de Boulogne et Trafalgar (1805). En 1806, c'est vers l'Est que désormais le vainqueur d'Austerlitz (1805) dirige ses ambitions.
Ce qui conférera un certain impact à l'oeuvre de Bouys tient surtout à la relation qu'il entreprend de montrer entre prophétie et magnétisme. Un Rapport fait à plusieurs académies paraîtra la même année. Il semble bien qu'il s'agisse d'une supercherie de l'auteur lui même, visant à apporter un crédit supplémentaire à son livre. Ce "rapport" est d'ailleurs curieusement publié par le même éditeur que l'ouvrage étudié: Debray et Desenne, à Paris.
"Vous serez, Messieurs, convaincus, qu'il faudrait être souverainement injuste pour assimiler pareilles prédictions à celles de MathieuLaensberg, Mathieu .. Si vous l'avez pensé comme tout le monde savant et éclairé, il faut que le monde savant et éclairé ait le courage de revenir de son erreur. J'aurais pu citer (..) beaucoup de quatrains capables de faire la plus grande impression (à) L'auteur des Nouvelles Considérations a judicieusement conclu que l'accomplissement de toutes les Prophéties de Nostradamus dont nous avons été témoins devrait être une assurance que celles qui concernent Napoléon Ier, Empereur des Français et particulièrement la longueur de son règne, auront également leur accomplissement. Je ne peux m'empêcher de mettre sous vos yeux les deux quatrains qui contiennent la conquête de l'Angleterre et la prise du roi se sauvant en chemise" (p.17)
En 1813, J. P. F. Deleuze, consacrera à l'ouvrage un chapitre (Section IV ch. IX) de son Histoire Critique du Magnétisme Animal" (BNF) et le débat se poursuivra sous la Restauration, Deleuze polémiquant avec l'Abbé Wurtz Jean Wendel, Vicaire de Saint- Nizier (Lyon) auteur, entre autres, des Précurseurs de l'Antéchrist (1816).
Mais ces recueils de quatrains choisis selon la fantaisie du commentateur et appliqués à sa guise, ne se contentent pas de couvrir la période révolutionnaire ou impériale. Il importe en effet pour renforcer le crédit de la nostradamocratie que toute l'Histoire de France s'y reflète, du moins depuis le XVIe siècle. Les nostradamistes disposent au demeurant de peu d'outils chronologiques étant donné qu'ils ne maîtrisent pas le mode d'emploi des Centuries. Ils disposaient certes de l'atout mais passé ce cap, il sera difficile de prédire au moyen des Quatrains sinon à très court terme. L'on pourrait parler d'un journalisme nostradamique s'ajustant à l'actualité la plus immédiate.


Nouvel avatar du Mirabilis Liber

En 1800 dans L'Avenir dévoilé ou Concordance des Prophéties de Nostradamus avec les événements passés, présents et à venir de la Révolution" (Hambourg), l'on revient sur l'idée que la fin du XVIIIe siècle a été annoncée, mais l'on attribue à tort cette prophétie au Mirabilis Liber" plutôt qu'à Regiomontanus. Il s'agit certes d'une refonte du vaticinium mais la filiation reste flagrante.
"Quand mille ans seront révolus depuis l'enfantement de la Vierge. Quand sept autres siècles auront succédé à ce long espace de temps, alors viendra le dix huitième siècle dont la fin sera à jamais mémorable par les tristes événements dont elle fera époque. Si le monde entièrement perverti ne s'écroule pas, si la terre et la mer ne rentrent pas dans le néant, au moins tous les empires seront ébranlés".
On reconnait la similitude de construction avec la prophétie pseudo-régiomontanienne, notamment avec la référence à l'enfantement de la Vierge, c'est à dire le début de l'ère chrétienne.
Après le succès de divers avatars de la Prophétie de Vatiguero", à la fin du XVIIIe siècle, l'on aborde le XIXe siècle qui s'efforce d'intégrer les événements considérables qui se sont succédé.
En 1806, E. J. B. Vignier de Soligny, publie une Prophétie qui n'a jamais été imprimée, dédiée au Cardinal Caprara (BNF, Rp 2395). C'est un extrait du Mirabilis Liber qu'il attribue au grand prophète Jérémie alors qu'il s'agit de la prophétie de Saint.i. Sévère suivie de la prophétie de Vatiguero comportant entre parenthèses les dates, selon l'ère dite des martyrs, pourvues d'un coefficient leur permettant de s'ajuster sur la fin du dix-huitième siècle. Vignier polémique avec l'auteur anonyme d'un article paru, à la rubrique "Variétés" (pp 3-4), dans le Journal de l'Empire en date du 31 mars 1806 à la suite d'une deuxième édition de son texte.
Le compte-rendu signé M...x; que publie ce quotidien en 1806 est important en ce qu'il constitue une des premières analyses critiques du Mirabilis liber bien avant celle d'un Charles Nodier, Charles en 1829 (cf infra):
"Cet ancien livre est un recueil de prophéties de toutes espèces et de pronostics tirés des folles conjectures de l'astrologie judiciaire. Il paraît que plusieurs de ces pièces avaient déjà été imprimées séparément avant d'être réunies. Elles sont mises sous le nom de Saint Sévère Sulpice, de Sainte Brigitte, de Joachim, de Jean de Vatiguero etc, etc."
L'article se poursuit ainsi: "L'éditeur n'épargne rien, pas même l'imposture puisqu'il l'attribue (la prophétie) au grand prophète Jérémie quoique le Mirabilis Liber, le mette sur le compte de Saint- Sévère qui n'y a sûrement jamais pensé". Vignier réplique dans la nouvelle édition en arguant de ce qu'il ne connaît pas de Saint de ce nom puis il convient qu'il puisse exister plusieurs éditions du recueil et que le "critique anonyme" n'a pas eu recours à la même que lui. Si le critique du Journal de l'Empire avait été entendu par Vignier, qui pourtant le cite, le nom de Saint-Sévère aurait remplacé celui de Saint- Césaire tout au long du siècle.
La démarche de l'auteur est en effet ambiguë. Il se réfère à l'édition du Mirabilis Liber" en reprenant la traduction de 1797 mais en en supprimant des passages significatifs de la prophétie de Vatiguero, tel que l'épisode du retour du jeune captif rejetant les fils de Brutus. La chose est étonnante si l'on sait que c'est précisément ce passage qui sera par la suite utilisé comme référence à Bonaparte! Il est probable qu'en 1806, cela pouvait paraître comme évoquant la Restauration tout autant que sous la Révolution... En revanche, Vignier se permet certains ajouts: devient ou encore , devient .
Le changement au titre, "imprimé" au lieu de "paru" laisse entendre que Vignier veut bien reconnaître que le texte a circulé en manuscrit mais, bien que signalant un exemplaire de la Bibliothèque Impériale, celui -ci ne comprend apparemment pas, peut-être en raison des caractères gothiques, qu'il s'agit d'un imprimé.
En 1805, Dulaure note que l'on est passé du Bélier aux Poissons, voilà deux siècles. Mais ce qui intéresse l'auteur des Cultes (Ed 1805, pp. 79 et seq) est le moment où le point vernal se trouvait dans la constellation des Gémeaux. Pour lui, la dualité de ce signe est la preuve qu'il a correspondu, à un moment donné, à l'équinoxe de printemps, que le zodiaque s'est mis en place avec les Gémeaux dans l'axe vernal. A vrai dire, nombreux sont les signes qui offrent une certaine dualité et notamment la Balance qui occupé précisément l'équinoxe d'Automne.
En 1810 paraît un historique du millénarisme en France, les "nouveaux millénaires ou Chiliastes" du à l'Abbé Grégoire , auteur par ailleurs d'un Essai sur la régénération des Juifs. Il y est question notamment des Jansénistes et des Figuristes (
Il semble que son étude n'ait pas été pleinement exploitée au niveau bibliographique. En particulier, dans le cas d'Agier dont il résume un texte chiliastique avec le titre complet sans en citer l'auteur, paru dès 1809: les Psaumes nouvellement traduits sur l'hébreu et mis dans leur ordre naturel avec des explications et des notes critiques .

II - Le Prophétisme sous la Restauration

Avec la Restauration, le regard porté sur la Révolution et sur l'Empire change, et les commentaires des Centuries" recourent à une autre sémantique, notamment en ce qui concerne Napoléon. D'autres quatrains lui sont appliqués que ceux proposés par Bouys, Théodore ou en tout cas, ceux qui y sont désignés changent de signifiant : Bellaud parlait de Napoléon, et par la suite Pissot lui préfère Buonaparte. Il faut en quelque sorte défaire l'exégèse qui s'était développée sous l'Empire en jetant un regard radicalement diffèrent sur le héros déchu.
Le droit de Louis XVIII - Louis Stanislas Xavier de France - frère de Louis XVI, Comte de Provence, au trône de France impliquait la mort du Dauphin. De fait, il porta le nom de Louis XVIII dès l'annonce de l'événement: choix insolite puisque c'est la seule fois dans l'histoire de France que deux frères règnent sous le même prénom. En prenant le nom de Louis XVIII, le comte de Provence enterrait son neveu.
A partir de 1830, Louis-Philippe; connaîtra lui aussi, on l'a dit, un problème de légitimité face àHenri V, bien vivant celui-ci mais bien jeune. On peut se demander d'ailleurs pourquoi le nouveau roi, fils de Philippe Egalité, duc d'Orléans n'adopta point un prénom déjà existant tel que Philippe, devenant ainsi Philippe VII. Il l'eut souhaité mais il fallait marquer la rupture avec le passé. Il est le seul roi de France qui, en quelque sorte, ne porte pas de numéro: on ne dit guère Louis-Philippe Ier. Un tel procédé n'a probablement pas contribué à renforcer sa légitimité.
Une tâche apologétique
Les premières années de la Restauration vont donc correspondre à une floraison de commentaires prophétiques visant à consolider le retour des Bourbons et à mettre entre parenthèses la période de vingt-cinq ans de la Révolution et de l'Empire. Par ailleurs, en 1830, François duc de Reichstadt, l'ancien "roi de Rome", Napoléon II, né en 1811 - au profit de qui Napoléon Ier capitula à la fin des Cent Jours - est encore en vie et a ses partisans qui invoqueront son nom lors de la chute de Charles X . Jean Tulard, parle pour cette période qui précède et suite la chute de Charles X d'une "occasion manquée". Il n'est donc pas exclus que certaines allusions à un jeune prince prisonnier aient visé l'Aiglon, le "fils de l'homme", comme on l'appelle. Celui qui n'était même pas prénommé Napoléon- mais reconnu empereur par les Chambres en 1815 lors de la seconde abdication de son père - mourra en 1832 à l'âge de 21 ans - c'est en cette année que disparaît également le duc d'Orléans, le fils de Louis-Philippe - laissant ainsi le champ libre à son cousin germain Louis Bonaparte, de trois ans son aîné.
La Restauration avait été, affirmait-on, annoncée dès la fin du XVIIIe siècle. La prophétie y trouvait là d'ailleurs son thème central d'inspiration. Mais lorsque la fortune de Bonaparte déclina, notamment avec la Campagne de Russie, les propos devinrent plus directs tels cette Prophétie sur le rétablissement prochain de la maison de Bourbon et la chute du tyran" d'un sieur Delaporte
L'année 1814 était annoncée dès les années Trente du XVIe siècle par Turrel, Pierre comme l'achèvement de ce qui avait commencé en 1789:
"Parlons de la huitième maxime & merveilleuse conjonction que les Astrologues disent être faite environ les ans de nostre Seigneur mil sept cens octante & neuf, avec dix révolutions Saturnales oultre environ vingt-cinq ans après sera la quatrième et dernière station de latitudinaire firmament.à"
Mais il semble 1que Pierre Turrel, n'avait vraisemblablement pas bien suivi le raisonnement de Pierre d'Ailly, il serait parvenu à fixer 1814 par erreur.
Le 30 octobre 1814, Fra (nçois) Mar. de Mougé publie chez Mongie des Prédictions très remarquables faites les 20 et 23 Janvier 1628 qui annoncent d'une manière fort claire la chute de Buonaparte, le rétablissement du trône des Bourbons, la Paix générale et le salut de la France ou Extrait d'un livre allemand imprimé en 1632 ayant pour titre Deux petits Traités merveilleux dont l'un relate les révélations célestes et visions qu'a eues en 1627 et 1628 une fille pieuse nommée Ponitowska Poniatowska Krystyna sur l'état de l'Eglise Chrétienne, sa délivrance et l'épouventable destruction de ses ennemis (BNF, Lb45 383). Il s'agit de deux révélations de cette prophétesse chère aux protestants Français de la fin du XVIIe siècle issues d'un recueil de problèmes du Centre de l'Europe..
Les pamphlets abondent en cette année 1814, où pointe la contre-révolution: La révolution, l'usurpateur et le retour des Bourbons prédit 777 ans avant Jésus Christ (BNF) ou encore une Prophétie sur le rétablissement prochain de la maison de Bourbon et la chute du tyran par Delaporte (BNF, Ye 19667).
Au lendemain de la capitulation de Napoléon paraîtra un Buonaparte prédit par des prophètes et peint par des historiens (..) ou morceau en prose et en vers sur les circonstances actuelles, recueillis par A. Boniface .
On y trouve une "buonopartiade, petit poème en douze quatrains" qui comporte un ensemble d'extraits des Centuries. Le tsar Alexandre Ier, qui influera sensiblement sur la mise en place du nouveau pouvoir en France, y joue un certain rôle sous le nom de "roi d'Europe" (Centurie X, quatrain 86).
Boniface, professeur de français, propose une Concordance extraordinaire et très remarquable entre les divers almanachs dits de Mathieu Laensbergh":
Février 1814: "Exemple nécessaire de sévérité à l'égard d'un fameux scélérat qui désolait un vaste état" (Le Véritable Almanach de Mathieu .i.Laensberg, Mathieu )
Mars 1814: "Un grand nombre d'événements extraordinaires, se succèdent avec rapidité, nous donneront de belles espérances" (Le Double almanach journalier avec les prédictions de Mathieu Laensbergh);
Avril 1814: "Incroyable entreprise. Fermeté nécessaire qui donnera d'heureux résultats (idem)
Suivent encore quelques quatrains issus du Véritable et Double Almanach journalier.



A - La prophétie de saint Césaire

Par ailleurs, ce recueil comporte la Prophétie de Saint Césaire extraite du Liber Mirabilis, c'est à dire la Prophétie de Vatiguero selon le code pratiqué.
On trouve aussi une traduction partielle de la vision tétramorphique dans les Prophéties Curieuses tirées de Manuscrits très anciens" (avril 1814) BNF.
Dès le retour de Louis XVIII, en 1814, va reparaître un texte qui ferait allusion à la restauration des Bourbons, sous le nom de Prophétie de St Césaire". Il s'agit le plus souvent de rééditions des textes qui circulèrent à partir de 1795 sous la Révolution. C'est ainsi que l'on notera en 1815, une Prophétie recueillie et transmise par Jean de Vatiguero extrait du Mirabilis Liber ou encore la Prophétie écrite en 540 par Césaire évêque d'Arles et imprimée en 1525, parue chez Chaumerot jeune" où l'auteur entend compléter le travail de Roucoux consacré à saint Sévère. En réalité, cet auteur qui prend la peine de signaler les pages (folios) du Mirabilis liber à la Bibliothèque redevenue Royale, prend des libertés avec le texte et notamment, comme on le fit au lendemain de la Révolution, change "pax" en "par", se moquant ainsi des prétentions égalitaires de la Révolution. Marina Caffiero, 1990, p. 416, signale une édition en italien, parue à Florence en 1814 : :": " Estratto delle profezie de san Cesario vescovo di Arles che trovasi a pagina prima e seguenti nel libro intitolato Mirabilis, esistente nella Biblioteca nazionale di Parigi, l'edizione del quale e del principio dellla stampa, cioe del 1450. Toute cette production est, selon nous, liée à la possibilité que Louis XVII, le jeune captif du Temple, va tôt ou tard, réapparaître, ce qui place celui-ci dans la lignée d'un François Ier, à propos duquel la prophétie de Vatiguero-St Césaire (sic) avait été exhumée.
L'on a bien affaire à une seule et même “traduction” française:
Le roi sera humilié et privé de sa couronne. Le peuple la donnera à un autre auquel elle n’appartient pas mais un jeune captif recouvrera la couronne et détruira les enfants de Brutus. (1814, Prophétie de St Césaire et fragment de l'Histoire de la Ville d'Is",BNF, Rp 2390 ) par (M. L(e) C (omte/chevalier). de R (oucoux).

On reconnaît cette fois la Prophétie de Saint Sévère: :
Malheur à toi ville de Philosophes, tu seras soumise; un roi humilié, quoique à ta confusion recouvrera la couronne de lis et détruira les enfants de Brutus”
Un jeune captif qui recouvrera la couronne de lis” et “Le lis sera privé et dépouillé de sa noble couronne et on la donnera à un autre auquel elle n’appartient pas et le Français sera humilié jusqu’à la confusion et plusieurs diront “la paix, la paix”. Et il n'y aura point de paix."
En 1815, une autre édition (BNF, Rp 2393) rendra ce passage (p.7) ainsi " Beaucoup diront égal, égal, égal mais il n'y aura point d'égal". Cette lecture de saint Sévère qui substitue par à pax avait eu beaucoup de succès au lendemain de la Révolution.
On a généralement l'impression que l'on ne traduit guère à partir du texte latin, mais que l'on utilise les traductions déjà en circulation ce qui rend le repérage de l'emprunt immédiat encore plus sûr.
Ainsi, cette Prophétie de St Césaire est-elle inspirée d'une traduction française de Vatiguero Johannes, même si l'on change quelques mots par acquis de conscience:
devient pour le pseudo-saint Césaire:
.
Toutefois, si l'on suit le déroulement des deux textes, celui de St Césaire est abrégé.
Chez Vatiguero: :
Mais vers l’an 1515... ces provinces seront secourues par un jeune captif qui recouvrera la couronne du lis et étendra sa domination sur tout l’univers Une fois bien établi, il détruira les fils de Brutus et leur île”


devient chez saint Césaire, où l'on a supprimé toute référence de date:
Le jeune prisonnier qui recouvrera la couronne des lis et dominera l’univers entier, étant rétabli sur son trône, détruira les enfants de Brutus et les îles”


B - Le retour du Lilium Regnans

Rappelons que le texte (voir supra) pris dans un appendice tardif de la Pronosticatio de Lichtenberger (Cologne, 1526 ) débute par une attaque de la part du Lys sur ses voisins, notamment le Lion et le fils du Lion. Collin de Plancy, en 1840, dans son recueil, La fin des temps, se gardera bien de traduire cette entrée en matière dans son recueil "La fin des temps" (pp. 68-69), ne prenant le texte qu'au moment des représailles:" Veniet Aquila a parte orientali etc "Un empereur suivi d'une multitude d'hommes viendra du côté de l'Orient, ses ailes étendues sur le soleil (la France) pour aider le fils de l'homme'A la suite de quoi "Perdet Lilium coronam " Le roi des Français (sic) perdra sa couronne. Collin de Plancy fait explicitement référence à une clef du texte de Naumerberger (Aquila, Leo, Lilium, Caput Mundi).
En avril 1814, donc au début de la première Restauration (jusqu'en mars 1815) étaient parues, des Prophéties curieuses tirées de manuscrits très anciens. L'une prédit les malheurs de la France, la tyrannie, les ravages et la fin de Bonaparte. L'autre prédit que la maison de Bourbon perdra sa couronne que les puissances du Nord figurées par un aigle venu du côté de l'ouest la reprendrait et qu'elle sera remise sur la tête du souverain légitime".
La première pièce s'intitule Buonaparte, fléau de l'univers. Prédit 800 ans avant sa naissance. Prophétie tirée d'un livre qui a pour titre Mirabilis Liber".
La seconde est un énième commentaire du fameux texte de Jean de Murs-Naumerberger et qui fait cette fois du lion Napoléon, du lys, les Bourbons, de l'Aigle septentrional, le tsar et du fils de l'homme, l'héritier légitime de la couronne de France qui traversera les eaux pour accéder à son trône. Il y est prôné l'appel à l'étranger pour se débarrasser de Napoléon. L'aigle, ce n'est déjà plus l'"Empereur" français mais c'est désormais et à nouveau l'Autriche ou la Russie:
"Le lis figure la maison de Bourbon, le Lion, Buonaparte, l'Aigle d'Orient, l'empereur de Russie, le Fils de l'Homme, le souverain légitime" (p. 14), c'est à dire Louis XVIII.
Ainsi le texte "Le Lis perdra sa couronne, l'Aigle la recouvrera et ensuite le Fils de l'Homme en sera couronné" confère au Tsar un rôle providentiel dans le règlement des affaires de France qui se perpétuera jusqu'au premier conflit mondial, jusqu'à la déconvenue de la Révolution d'Octobre qui déboucha sur une paix séparée, avec la Prophétie dite du Frère Johannes, publiée en septembre 1914 en première page du Figaro.
La première partie se présente comme extraite du Mirabilis Liber".
Mais il ne s'agit pas cette fois de la Prophétie de St Césaire-Vatiguero" mais des Vaticinia" joachimites qui font suite à la Pronosticatio" de Lichtenberger . La première devise utilisée est moriens et un passage vise directement Louis XVIII, mente canus. Ce même passage sera rajeuni en 1830 pour les besoins de la cause.
Les commentaires de Viguier
Nous allons retrouver le texte de Jean de Murs et de Naumerberger dans la Prophétie d'Innocent XI, éditée en 1816 et dont Collin de Plancy, en 1840, ne dira mot alors qu'il cite Naumerberger, dans son recueil, la Fin des temps, c'est la Prophétie du Pape Innocent XI, précédée de celle d'un anonyme avec l'explication par M. V (iguier) père lazariste de son état, qui avait déjà fait paraître en 1814 la Véritable Prophétie du vénérable Holzhauser, B. , objet d'un compte-rendu dans le Journal de Paris du 17 août 1815 (Bib Institut, fol S 204). L'article s'arrête en particulier sur la date de 1787 (1000 + 600 + 97+ 90), qui ressortirait du texte holzhauserien, à propos de la situation politique du temps de Joseph II, ce qui est à rapprocher de la prophétie remaniée du pseudo .i.Regiomontanus pour 1788.

La Prophétie de Barthélémy .Holzhauser
L'abbé Viguier s'en prend à la Prophétie dite de St Césaire" : certain perfectionnisme à propos d'une prophétie n'aurait-il pas, demande-t-on, amené son auteur à élaborer un faux ? Car s'il est exact que Barthélemy Holzhauser est connu pour ses prophéties, qu'il inclut au sein de son Commentaire sur l'Apocalypse".
Cette prophétie d'un religieux allemand contemporain d'Innocent XI aurait, dès 1658, mis en avant l'année 1787 (1697+90) (). Il y est notamment question de la Prophétie de St Malachie et ce serait par le biais de l'Allemagne que cette Prophétie des Papes" aurait connu une nouvelle fortune en France.
Le titre de la Prophétie est quant à lui correct, c'est le fond qui ne l'est guère: Vaticinium plurimum reverendi domini Bartholomaei Holzhauser, parochi et decani Bingae infra Moguntiam, defuncti in fama sanctitatis, 1658, poème latin qui ne comporte que vingt deux vers et que Viguier se chargera de commenter.à
Ce qui serait le plus remarquable, si un tel texte était d'époque, c'est d'avoir trouvé les devises des papes correspondant à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, alors que ceux qui s'y essaieront au XVIIe siècle échoueront totalement dans ce genre d'entreprise chrono-pontificale.
Ainsi, Holzhauser aurait à la fois donné la date de 1787- selon un procédé qui n'est pas sans évoquer celui que présida pour 1588 et... 1788 ou les pseudo- quatrains chiffrés des Centuries"- et la devise d'Aquila rapax , c'est-à-dire (sans citer St Malachie, ce que Viguier se hâte de faire puisqu'il extrapolera en direction de la devise précédente).
Texte latin:
Millia tum sexcenti anni, nonagintaque septem
Adde novem decies, tunc venit ista dies”

Traduction dans le texte de Viguier.
Que l’on ait mille, puis six cent et quatre vingt dix sept, ajoutez y neuf fois dix, c’est alors (à) que les Frères Mineurs seront privés de leurs cloîtres et souffriront l’exil “ (p. 7)
En ce qui concerne 1787, le commentaire de l'Abbé français est le suivant à savoir que Holzhauser n'aurait eu le dessein de rendre, dans ses huit premiers vers, que cette portion du tableau de l'histoire de Joseph II qui concerne les . L'Empereur d'Autriche est mort en effet en 1790. Le Coq Français serait responsable des malheurs de l'Eglise: Viguier associe à Aquila Rapax (Pie VII 1800-1823) son prédécesseur, Peregrinus Apostolicus, c'est-à-dire Pie VI; (1775-1799).2
Comment considérer que Pie VII mérite sa devise ? Viguier l'explique ainsi:
Alors se vérifia le nom d’Aigle ravisseur, qualité singulière (à). Il en devenait pas moins un Aigle ravisseur en retirant ses chères ouailles de la griffe des loups de l’Eglise gallicane”
Viguier se sert de la Prophétie d'Holzhauser, Bartholomeus pour spéculer sur le rétablissement de la Papauté dans ses biens temporels.
En ce qui concerne l'autre volet, à savoir la Prophétie du Pape Innocent XI de 1816, on notera un récit du Chevalier William Temple, William (1692) qui n'est pas sans annoncer ceux concernant les prophéties dites d' Olivarius Philippe ou du Solitaire de l'Abbaye d'Orval.
"Je me souvins alors que l'avois vue en 1668 entre les mains de Mylord Arlington, qui me dit qu'elle avoit été trouvée dans quelque Abbaye d'Allemagne" (p. 227). L'ouvrage de Viguier est truffé de "preuves", de témoignages visant à garantir l'ancienneté de la prophétie (pp. 232 et seq).
Le commentaire de Viguier sur la prophétie innocentienne dont nous avons montré qu'elle devait être rapprochée de celle de Murs-Naumerberger retiendra notre attention. Viguier ne dispose pas des "clefs" et est donc condamné à diverses suppositions qui, le plus souvent, ne recoupent pas celles que nous connaissons.
Viguier commence ainsi son récit: " Ce fut au mois de mai 1795 que me parvint à Constantinople la première information de l'existence d'un Oracle qui porte le nom d'Innocent XI."
Au lendemain de la défaite napoléonienne, le texte du Lilium regnans exige, en effet, de nouvelles clefs ou du moins de nouvelles significations pour les mots clefs. Viguier reconnaît que le texte attribué au pape, rejoint un oracle plus ancien (pp. 5 et 6): 1° le plus ancien des deux oracles 2°le moins ancien des deux oracles Prophetia Innocentii XI, Pontificis maximi. En fait, nous avons affaire à un seul et même ensemble de texte, dans la ligne de la prophétie de Jean de Murs.
Véritable diptyque dont les titres sont symétriques: celui de 1815 comporte comme suite "ou le rétablissement des Papes à Rome" alors que celui de 1816 se prolonge ainsi "ou le rétablissement des Bourbons en France ".
Il s'agit en fait, avec la Prophétie du Pape Innocent XI contemporain de la Révocation de l'Edit de Nantes, avatar de celle de Jean de Murs, rédigée du temps de la Grande Peste, trois siècles avant l'avènement de ce pape, c'est un commentaire autour du Lys qui perdra sa couronne , et dont nous avons montré la parenté possible avec certaines descriptions du temps de l'Antéchrist chez Pierre d'Ailly .
Viguier fournit de longues explications (pp 12 et seq) quant à ceux qui eurent connaissance de cette prétendue prophétie d'Innocent XI et annonce par ce luxe de détails les développements qui entoureront une Prophétie d'Orval en 1839.
L'auteur de cette Prophétie papale distingue l'Aigle Français, Napoléon et l'Aigle Allemand. La Prophétie débute ainsi:
Prophétie du Souverain Pontife Innocent XI. Quand St Marc donnera Pâques et que l’on célébrera la Pentecôte à la Saint Antoine et que l’on adorera le Corps de Dieu à la Saint Jean, le monde entier poussera vers vous des cris. En effet, le lis régnant fera un mouvement dans la partie supérieure contre la race du Lion, il viendra sur ses terres et il environnera un Fils du Lion. La même année, le Fils de l'Homme...”.
Le texte latin est ainsi traduit par Viguier en 1816 : "Le lis entrera sur la Terre du Lion, portant des animaux féroces dans ses bras. L'aigle fera un mouvement de ses ailes et le Fils de l'Homme viendra au secours du côté du Midi; alors il y aura une grande guerre par tout l'Univers mais après quatre ans la Paix poindra et le salut du Fils de l'Homme proviendra d'où l'on croyoit que résulteroit sa ruine totale".
Et Viguier de commenter "Qu'avaient en outre de saillant le congrès et la paix de Nimègue parmi tant d 'autres accords bien plus importants au bonheur du genre humain, pour avoir mérité les honneurs d'une Prophétie? (..) Le chevalier Temple s'est égayé avec raison sur l'application de cet Oracle au temps où il vivoit..."
On retrouve le Lilium regnans, à tort attribué à Lichtenberger et non à Naumerberger, au XIXe siècle dans le recueil de 1840 d'un Collin de Plancy, lequel intègre en effet dans son recueil "La Fin des Temps" un texte qu'il affecte à Lichtenberger et qu'il date de 1526. En réalité, il s'agit d'une pièce placée en appendice de certaines éditions de la Pronosticatio: le texte est attribué à Naumerberger, recueilli par Johan Fridriger, Johan. Elle parait au XVIe siècle sous le titre suivant: Arcana quaedam in vetustissimis reperta scripturis de maximorum regnorum mutatione & magnis cladibus, que l'on pourrait abréger en "de maximorum regnorum mutatione", du changement des principaux empires, titre qui annonce certain chapitre de la République de Bodin (1576). Il s'agit d'un pronostic pour 1515 et les années suivantes mais ces dates ne correspondent nullement à la version d'origine puisque nous avons affaire à un texte attribué à l'astronome Normand .i.Jean de Murs qui vécut à Paris dans la première moitié du XIVe siècle . Cet appendice constitue une prolongation du chapitre XVII de la Pronosticatio (IIe Partie), devenu XVIII dans le Mirabilis Liber.
Au début de la prophétie pseudo-innocentienne la référence à 1515 disparaît pour laisser la place à une année où les jours de fête coincideraient avec certains saints du calendrier. Ainsi: Prophetia Innocentii XI Pontificis Maximi: Quando Marcus Pascha dabit et Antonius Pentecosten celebrabit et Joannes Deum adorabit, totus mundus ad te clamabit, c'est-à-dire: Quand à la Saint-Marc on adorera Pâque et que l'on célèbrera la Pentecôte à la Saint-Antoine et que l'on adorera le Corps de Dieu à la Saint-Jean ...Ce procédé a l'avantage de ne pas limiter la prophétie au XVIe siècle comme on avait souhaité le faire en ce qui concerne la Prophétie de Bassigny-Jean de Vatiguero laquelle vise également, dans ses dernières retouches, le début du XVIe siècle.


La prophétie du pape Innocent XI
La prophétie d'Innocent XI ne nous est en fait connue que par Viguier qui lui consacre, en 1816, un commentaire de plus de 200 pages lié aux événements de son temps. Les détails qu'il fournit quant à son authenticité (pp 10 à 16) restent sujets à caution comme cela le sera quelques années plus tard (1820 pour la Prophétie d'Olivarius, 1839 pour celle de l'Abbaye d'Orval) mais ici nous avons accès aux textes d'origine. Dans le cas des deux autres prophéties qui connaîtront une fortune certaine au XIXe siècle et qui éclipseront totalement cette "Prophétie d'Innocent XI", l'on se réfère également à des textes du milieu du XVIe siècle. L'on peut donc considérer que la publication par Viguier de ce texte, dans les premiers temps de la Restauration, influera sur la mise en place d'autres textes du même genre et notamment avec le cortège de témoignages apportée pour preuve de l'ancienneté de la prophétie (cf infra). Cette Prophétie qui annonce la défaite française aurait, selon Viguier (pp. 22-24), circulé tout au long du XVIIIe siècle chez ses ennemis. La Prophétie d'Innocent XI nous apparait dans son traitement par Viguier avoir précédé et annoncé les prophéties d' Olivarius et celle de l'Abbaye d'Orval (cf infra). L'"autre prophétie" figurant dans le recueil pseudo-innocentien est liée au Lilium regnans, elle (c'est à dire Louis XVIII à la suite de la victoire des contre la France).
Cela dit, Innocent XI était contemporain de Louis XIV puisqu'il régna de 1676 à 1689. Or, à cette époque le Roi de France s'en prit à la Hollande comme en témoigne le chevalier de Jant dans son exégèse nostradamiste de l'époque. En 1668, le Traité d'Aix La Chapelle avait attribué à la France une partie de la Flandre mais c'est en 1678 que le traité de Nimégue termine la Guerre de Hollande. Il semble donc probable que l'affrontement entre la France et les Pays Bas ait pu évoquer la prophétie parue au siècle précédent à la suite de la Pronosticatio de Lichtenberger même si la dite prophétie se réfère à des événements plus anciens et notamment les revendications de l'Angleterre sur la Couronne de France qui n'étaient plus guère de mise à la fin du XVIIe siècle. En tout état de cause, Viguier cite (p 224) un texte bel et bien paru en 1692, à La Haye, du au Chevalier William Temple, ambassadeur de Grande Bretagne et dont il y eut la même année une traduction française et dans lequel le fils de l'Homme est le roi d'Espagne.
Or, à cette époque là, la France de Louis XIV avait des vues sur la Flandre et l'intervention anglaise était parfaitement envisageable. Chez Temple, le Fils de l'Homme est l'Angleterre mais celle ci doit s'attendre à de sérieuses difficultés avant de triompher de la France grâce à l'Allemagne. On peut se demander si un tel texte, publié à La Haye, ne recoupe pas les spéculations des milieux réformés français de Hollande (cf. infra) annonçant les plus grands malheurs pour le révocateur de l'Edit de Nantes.
En revanche, au XIXe siècle, le contexte post révolutionnaire se prêtait à nouveau à une telle lecture, notamment avec les armées alliées liguées contre la France conquérante à la veille de la Restauration. D'ailleurs, la Prophétie d'Innocent XI ne comportant pas de clef, l'Angleterre n'est plus directement identifiée au "Fils de l'Homme", lequel devient une figure assez énigmatique. Visiblement, Viguier ne dispose pas des clefs de la Prophétie de Naumerberger et ne fait aucun rapprochement entre l'Angleterre et le Fils de l'Homme. Il songe au Roi de Naples pour le Fils du Lion.à (p.44). Quant au Fils de l'Homme, ce n'est plus le Roi d'Angleterre mais le Roi de France qui en quelque sorte va récupérer sa couronne de la main de l'Empereur d'Allemagne.
Outre la question de l'interprétation des désignations allégoriques, il importe de signaler des changements dans le texte proprement dit.
Il en est ainsi des coupures apportées au niveau de l'introduction par Collin de Plancy qui dénaturent sensiblement le mouvement dramatique de la prophétie mais il est d'autres changements plus ponctuels. C'est ainsi que Viguier propose (p.227) de corriger le texte rendu par Temple, à propos du Fils de l'Homme. Est-ce-que l'Aigle vient au secours du Fils de l'Homme ou est ce le Fils de l'Homme qui vient au secours? Pour Viguier, le Fils de l'Homme ne saurait apporter son aide alors qu'il est déjà mis en difficulté. En fait, dans un premier temps, c'est le fils de l'homme qui vient au secours (Filius Hominis (à) ingredietur terram Leonis carentem auxilio) du Lion (le Comte de Flandre) mais il ne parvient pas à contenir le lys français et il faudra que l'Aigle à son tour intervienne. (Aquila (..) in adiutorium filii hominis).

C - La Prophétie de Martin de Gallardon

En cette année 1816, riche sur le plan de la production prophétique - la Restauration est enfin à peu près bien en place, il est question d'un paysan de Bauce, Thomas-Ignace Martin Thomas, , originaire de Gallardon, reçu par le roi le 3 avril 1816, non sans que le récit n'évoque celui de la rencontre de Jeanne d'Arc, venant de sa Lorraine, avec Charles VII, quatre siècles plus tôt. En 1816, Joly de Béry publie un Examen des apparitions et révélations de l'Ange Raphaël à Thomas Martin serviteur de Dieu dans les mois de Janvier, Février, Mars et Avril 1816, par un ancien magistrat de Dijon, Paris, Coquet, BNF, 8° Lb48 2897). L'Abbé Wurtz fait paraître à la suite l'"Aventure de Martin de Gallardon"
L'année suivante, un autre magistrat, Janséniste. Louis Silvy publie un texte plus ample sans citer dans le titre le nom de Martin: Relation concernant les événemens qui sont arrivés à un laboureur de la Beauce dans les premiers mois de 1816. (Paris chez Egron). Or, en 1816, le titre de l'Examen n'indiquait pas que Thomas était laboureur. ni qu'il venait de Beauce .
Ces textes jetèrent un voile de mystère sur la monarchie française juste au début de la Restauration et firent l'objet d'une traduction en italien dans les années Vingt qui témoigne de leur retentissement. Thomas Martin aurait eu en mai 1816 un entretien avec Louis XVIII dont on spécula vite de la nature. Selon Lecanu , le paysan de Beauce "lui intima presque l'ordre de descendre du trône en faveur de son prétendu neveu, le prétendu duc de Normandie, fils de Louis XVI (..); Martin était l'agent d'une coterie (à) marchant à la suite d'aventuriers qui se posaient comme héritiers du trône de France" (p. 193).
L'assassinat du Duc de Berry, en 1820, semble avoir favorisé la fortune de la prophétie du dit Martin. La Relation de Silvy, parue à Londres dès 1817, en français, (BNF, 8° Lb48 527 B) resort cette année là à Besançon (BNF): "C'est en 1820, deux mois après le crime épouvantable qui a enlevé à la France l'une de ses plus chères espérances qu'on réimprime une Relation comme quatre ans auparavant. On a pensé qu'il pouvait être utile de reproduire un écrit peut être déjà oublié" (Avis).

L'an 1840 en ligne de mire.
Dès 1816, l'on apprendra, grâce à Thomas Martin, que l'Archange Raphaël a fixé la date de 1840 comme celle à partir de laquelle la France serait enfin en paix, si par malheur elle devait fauter. Il s'agit d'une révélation ayant eu lieu le 12 mars 1816 alors que Thomas Martin séjourne déjà à Paris et se prépare à rencontrer le Roi. On songe aussi à Nostradamus se présentant devant Henri II.
On observe quelques variantes:
Examen (1816)
"Si on ne faisait pas ce qu'il (l'Archange) ordonnait (..) la France n'aurait point de paix avant l'année 1840" (p.3)
Relation (1817)
"L'Ange lui annonça encore que la paix ne serait rendue à la France qu'après l'an 1840"
Le rapport des médecins du 6 mai 1816 précise que, selon Martin, "l'Ange dit à Martin que si on ne faisait pas ce qu'il ordonnait, la France n'aurait point de paix avant l'année 1840"
On saisit la différence: dans le premier cas, la France doit se plier à certaines exigences dont l'ange est le messager sinon les troubles qui seront ainsi déclenchés se poursuivront jusqu'en 1840. Dans le second, il semble que l'on annonce une date cruciale, 1840, sans poser de conditions pour éviter les épreuves qui ne cesseront de s'accumuler entre temps.
Nous accorderons toute son importance à cette année 1840 en montrant que tous les prétendants - ou du moins certains de leurs partisans - tentèrent, à la veille de l'échéance ou en son lendemain, chacun à leur façon, de profiter de cette date, des pseudo-Louis XVII à Henri V, de Louis-Napoléon au duc d'Orléans, le fils de Louis-Philippe.


L'Antéchrist selon l'Abbé Wurtz
C'est en 1816 que Jean Wendel Wurtz publie anonymement Les Précurseurs de l'Antéchrist (à) ou la Révolution Française prédite par S. Jean l'Evangéliste" chez le libraire Lyonnais Rusand . L'ouvrage était précédemment paru pour partie sous le nom de L'Apollyon et le Gog de l'Apocalypse ou la Révolution Française prédite...", allusion transparente à Napoléon. Il servira de référence lors de l'effervescence prophétique de la fin du siècle. Son propos est ainsi résumé: "Depuis Mahomet jusqu'à l'Anté-Christ 1290 ans, l'Antéchrist paraîtra en 1912, il vivra ou règnera 45 ans, sa grande persécution commencera en 1953; il sera exterminé en 1957". Wurtz est donc un de ceux qui placent la fin du Monde, l'Antéchrist dans le siècle suivant.
Par ailleurs l'abbé Wurtz fait remarquer que 1816, l'année où il publie, correspond à 1516, année où Luther commença ses agissements, plus 300. Au départ, il hésite entre 1515 et 1516, ce qui évidemment modifie l'échéance immédiate. Par la suite, il affirmera qu'il y a un consensus autour de 1516. Précisons que c'est généralement 1517 qui est considéré comme le point de départ de la Réforme avec la publication des 95 thèses. On a l'impression que Wurtz; avait besoin d'une date très rapprochée et que 1817 était encore trop lointain. Il fallait en effet que cela coïncida avec la chute de Napoléon, en 1815.
Mais cet Abbé s'attaque également à la question du magnétisme, en 1817, toujours chez Rusand, dans Superstitions et Prestiges des Philosophes ou les Démonolâtres du Siècle des Lumières" (BNF) et il y étudie notamment les Nouvelles Considérations puisées dans la clairvoyance instinctive de l'homme sur les oracles, les sibylles et les prophètes..." de Bouys parues en 1806 et qui avaient fait l'objet d'un rapport devant plusieurs Académies (pp. 73 et seq). La Prophétie est ainsi abordée d'un point de vue "scientifique". Il s'agit de montrer qu'elle fait partie des pouvoirs naturels de l'Homme.

La fausse Prophétie de La Harpe-Cazotte
En mars 1817, parait à Montpellier, chez Auguste Seguin une Prédiction de Cazotte faite en 1788, et rapportée par La Harpe"3. Dans le Journal de Paris du 13 février 1817, l'exécuteur testamentaire, Boulard, mettait bien en garde contre la supercherie mais ce n'est qu'en 1820 qu'un certain Beuchot publiera le post-scriptum manquant dans le Journal de la Librairie. Gérard de Nerval (en 1845) puis Sainte- Beuve lui consacreront des études. Cela n'empêchera nullement Collin de Plancy, en 1840, dans sa Fin des Temps", de placer la Prophétie de Cazotte en tête de son recueil sans rétablir aucunement le post scriptum.

D - L'enfant du miracle

Parmi les innombrables chants qui avaient célébré la naissance du roi de Rome, signalons de M. Millevoye, Le chant de Virgile sur la naissance du Roi de Rome, Paris, (BNF, 4° Ye pièce 879). Il y est question (p. 5) d'une "nouvelle étoile" parue peu de jours avant la naissance du fils de Marie-Louise.
Dans la même veine, parurent:
Camerlinck, L'heureuse naissance du Roi de Rome, imitation de la IVe Eglogue (BNF, Ye 39698)
Loizerolles, Le Roi de Rome, poème allégorique imité de la quatrième Eglogue de Virgile ( BNF, Ye 2662)
L'année suivante paraît Virgile expliqué par le siècle de Napoléon par N. E. Lemaire ( BNF, Lb44 1158):
"Mais quand déjà tu pourras lire les exploits des héros et les faits magnanimes de ton père"
"Virgile n'a jamais voulu célébrer la naissance de Marcellus, ni de Drusus, ni du prétendu fils de Pollion.
Dans les années qui suivent l'avénement de Louis XVIII, la question de la continuité de la dynastie va à nouveau se poser. Dès 1819, à propos du passage d'une comète, dans une feuille intitulée La comète de l'Union, était annoncée cette naissance du petit fils du Comte d'Artois (cf BNF, Vp 4122). Il convient de préciser - pour comprendre l'excitation des esprits - que le fils âiné du futur Charles X, Louis de Bourbon, duc d'Angoulème, avait épousé Marie-Thérèse, soeur de Louis XVII, et que leur mariage restait stérile: en 1819, la duchesse d'Angoulème a passé les 40 ans.
La France attend donc fébrilement la naissance de l'enfant du duc et de la duchesse de Berry. Celle-ci est en effet enceinte et un certain E. Johanneau, fait paraître, à son compte, Le retour de l'âge d'or ou l'Horoscope de Marcellus. Eglogue de Virgile (BNF, Yc 13963):
"L'ordre des temps renaît, l'âge dernier finit
De la Sibylle enfin, l'oracle s'accomplit
Le règne heureux revient de Saturne et d'Astrée
Un nouveau né descend de la voûte éthérée
De cet enfant qui doit avec nos voeux d'accord
Bannir l'âge de fer, ramener l'âge d'or
Lucine, c'est à toi de hâter la naissance
De ton frère, déjà, vois régner la clémence.
Enfant divin, tu viens de naître
Une nouvelle ère commence
Jadis prédit par la Sibylle
C'est ton mystère enfin
Que dans ses vers chanta Virgile
Mais ce n'est pas un fils qui cette fois viendra au monde mais une fille, Louise d'Artois, future duchesse de Parme. Henri V est ainsi espéré bien avant sa naissance, un peu comme ce fut le cas de Louis XIV, près de deux siècles plus tôt. Il y annonce une naissance qui n'est pas celle d'Henri V mais de sa soeur, née en cette année, le 21 septembre, que l'on voit sur certains tableaux avec son frère. Texte paru avant que l'on ne découvre qu'il s'agissait d'une fille, la future duchesse de Parme.
Dès sa naissance, en octobre 1820, un certain Auguste Hus Auguste, anachorète, lui adresse un "premier hommage" (BNF, 8° Lb48 179). Mais un mois plus tard, Hus n'hésite pas à appeler déjà le nouveau-né du nom d'Henri V: L'ombre d'Henri IV au berceau de dieudonné Henri V, duc de Bordeaux (BNF, Lb48 1830) alors que Louis XVIII et son frère mais aussi son oncle, le Duc d'Angoulême, sont encore en vie. Michel Chomarat, Michel signale qu'en 1816 Motret avait fait paraître à Nevers, une Prophétie concernant le Mariage et les Descendans Mâles de LL AA RR Mgr le Duc et Mme la Duchesse d'Angoulesme ( BM Lyon, Fonds Chomarat, 9026). Le couple n'eut pas d'enfants. Signalons aussi en 1816 d'un certain P. A. Vieillard, P. A. le Mariage de Robert de France ou l'astrologie en défaut (à) à l'occasion du mariage de S. A. R. Mgr le Duc de Berry, Paris, BNF Yth 23315. Il s'agit d'une comédie en un acte, jouée au Théâtre Français au mois de juin, campant l'astrologue.i. Zodiacobalus. En 1820, un certain Hélie C avait signé une Explication des Prophéties passées et à venir", évoquant l'assassinat par Louvel.
Le Duc de Bordeaux - que l'on nommera bientôt "l'enfant de l'Europe"- va voir peu à peu, surtout lors de l'abdication du futur Charles X , tourner à son profit certaines prophéties légitimistes qui pouvaient concerner le Dauphin. Mais le fils posthume du Duc de Berry devra compter toute sa vie avec les faux ou prétendus Dauphins (cf. infra).
Mentionnons notamment les Prophéties au sujet de la naissance de S.A.R. Mgr le Duc de Bordeaux (BNF Lb48 3211) promis dès sa naissance, à l'instar du futur Louis XIII, à un destin glorieux: "Assis sur le trône de ses pères, doué des vertus de Henri le Grand, il aura ses lumières". Parurent également des Prédictions relatives à la naissance de Mgr le duc de Bordeaux et aux mémorables événemens dont nous sommes les témoins depuis 30 ans, Paris, 1820, BNF, Lb48 1787 où l'on peut déjà lire "Viendra un roi cinquième du nom", allusion à ce nom qu'il portera par la suite, celui d'Henri V. En 1821, une souscription lui offrira, comme cadeau de naissance, le château de Chambord, ce qui l'amènera, à 19 ans, à troquer le titre de Duc de Bordeaux contre celui de Comte de Chambord.
Plusieurs poètes célèbreront la naissance de l'"enfant du miracle", sauvant la dynastie: Victor Hugo Victor ("Chez les vieux martyrs de la gloire"), Lamartine dans ses Méditations :
"Il est né l'enfant du miracle/ Héritier du sang des martyrs /Il est né d'un tardif oracle/ Il est né d'un dernier soupir"
Mais à la même époque, à la suite de la mort de Napoléon, à Sainte- Hélène, en 1821, il y a également un fort engouement en faveur d'un autre enfant: Napoléon II, devenu plus modestement le duc de Reichstadt .

E - De Jeanne Le Royer à Mademoiselle Le Normand

La Restauration voit les femmes occuper une place appréciable sur le créneau de l'écriture prophétique, reprenant ainsi le flambeau d'une Suzette Labrousse. Dans un cas, il s'agit d'une religieuse, dans l'autre d'une voyante célèbre ayant pignon sur rue. Elles marqueront le siècle, chacune à leur façon.
En 1817 étaient parues , rapportées par le "rédacteur de ses révélations", un abbé Charles Genet, - qui n'est pas sans évoquer un Dom Gerle s'occupant de Suzette Labrousse, des prophéties liées à l'avénement de l'Antéchrist trouvant en face de lui l'archange de la France, saint Michel. Elles émanent de Jeanne Le Royer, dite Soeur de la Nativité (1731-1797). Le titre original du manuscrit en aurait été, La Nouvelle Apocalypse ou recueil sur des révélations faites à une âme chrétienne touchant les derniers temps mais l'on opta pour une formule plus sage, Vie et révélations de Soeur Nativité (sic) qui deviendra par la suite Vie et révélations de Soeur de la Nativité.
Le Christ lui serait apparu et lui aurait déclaré que le nombre d'heures restant entre le moment de son apparition et le coucher du soleil correspond au nombre de siècles à courir. Or le soir était déjà proche. L'échéance du jugement n'est pas pour le XIXe siècle mais plutôt pour la fin du siècle suivant et au plus tard pour le XXIe siècle: "celui de 2000 ne s'écoulera pas sans qu'il arrive". Ces paroles feront l'objet de rééditions tout au long du XIXe siècle - 1849 et 1870. Dans un compte-rendu paru en feuilleton, en avril-juin 1820, "Sur la vie et révélation de la Soeur de Nativité", L 'Ami de la Religion et du Roi, en ses numéros 595, 599 et 613, tomes XXIII et XIV, BNF, 8° Lc2 890, exprimera certaines réserves, ce qui provoquera en 1821 une "Réfutation des critiques de cet ouvrage".
En 1818 la Nouvelle Apocalypse est commentée dans l'Extrait d'un livre admirable qui sera le trésor des fidèles dans les derniers âges (Augsbourg BNF, 8° La32 104)
. En cette même année paraissait à Paris, chez Adrien Le Clère, Adrien , qui publiera Holtzhauser, une Exposition méthodique de l'Apocalypse conforme à la tradition de l'Eglise Catholique, c'est à dire uniquement relative à la conversion des Juifs et à la fin du monde du Comte Carlo Pasero de Corneliano (BNF, Recueil factice 8° La32 104 (3)
Dès 1820, année de l'assassinat du duc de Berry, Mademoiselle Lenormand publiait dans les Mémoires Historiques et Secrets, la Prophétie d'Olivarius dont la fortune serait considérable durant le siècle. "De toutes les absurdités lancées par Mlle Lenormand, explique Alfred Marquiset , l'une est restée, bien mieux elle a été imprimée cinquante fois, répétée dans de nombreux volumes et on la cite encore aujourd'hui (1911) comme un des monumens de prévisions extraordinaires"
L'activité de la Sibylle du XIXe siècle, connue également Outre-Manche, ne débuta en fait pour ce qui est de ses publications que du retour des Bourbons, à savoir le vieux sang de la cap (e) (Prophétie d'Olivarius) qui fait suite au règne du Corse (Gaule Itale ) et de la mort de Joséphine (1814). En fait, il semble que la Sibylle se soit laissée surprendre par les Cent Jours car les Souvenirs Prophétiques d'une Sibylle sur les causes secrètes de son arrestation le 11 décembre 1809, parus en 1814, seront remis à Napoléon lors de son retour à Paris en mars 1815. Une autre femme, Sophie de Senneterre de Renneville, accueille avec joie le retour de l'Empereur: le Réveil de Napoléon ou les destinées de la France accomplies par M. P***, Paris, Avril 1815
En 1820, la voyante de la rue de Tournon , consacre une note à commenter un passage de la dite prophétie: "La France doit recouvrer son antique splendeur mais elle ne sera réelle et même immuable que de 1823 à 1828 et pourtant depuis plus d'une Olympiade, les lis auront refleuri de nouveau et même un jeune prince sera un jour bien cher aux diverses nations". Dès 1817, Mademoiselle Le Normand, Marie-Anne avait exprimé une telle attente dans les Oracles des Sibylles (p.28). Cette note sera supprimée dans l'édition de 1827 . Mais c'est l'année 1855 que la voyante avait en ligne de mire, elle n'y parviendra point.
Signalons par ailleurs le goût de Mlle Lenormand pour les gravures anciennes. En 1817, dans les Oracles Sibyllins (ou la Suite des Souvenirs Prophétiques), figurent des gravures empruntées à un traité de Gregor Jordan Gregor qu'elle date de 1622 mais dont nous connaissons des éditions pour 1591 et 1592 (Prophetiae seu vaticiniae (..) ex sanctorum quorundam hominum monumentis). C'est ainsi que Mlle Lenormand introduisit les illustrations dans le genre prophétique français qui jusqu'à présent y avait été des plus réticents. Ces gravures, signalées dès 1820, par Despréaux, en son recueil de l'Oncle Incrédule, comportent des légendes de son cru: "Malheur à toi, ville des philosophes", qui figure dans la Prophétie de SaintSévère du Mirabilis Liber ou encore "Malheur à toi, ville aux sept collines, lorsque de tes murs retentiront les louanges de la lettre K" (pp. 516 et seq.)
Mademoiselle Le Normand aurait donc disposé d'une assez jolie culture prophétique et se réfère notamment volontiers au "Pasteur Angélique" (La Sibylle au Congrès d'Aix La Chapelle, BNF, G 25848) ouvrage faisant suite aux Oracles Sibyllins" (1819), comportant de gravures prophétiques telle cette scène pourvue de la légende suivante: "Ici Dieu choisit un Prince qui exécutera ses desseins et qui uni de volonté avec les autres Princes se présente avec eux au Pasteur Angélique" ou encore, autre tableau ". Ici les Princes réunis en présence du Pasteur Angélique se liguent entre eux pour détruire la religion mahométane et propager la religion chrétienne". La sibylle n'avait pourtant pu accéder à ce congrès de 1818 qui précéda l'évacuation des troupes "alliées".
Mais ne peut-on envisager qu'à partir de 1819, date de ses premières publications, elle ait trouvé quelque collaborateur plus érudit? Il nous est difficile d'admettre en effet que tout l'appareil critique qui marque son oeuvre puisse lui êtres imputable à part entière. Les cas sont fréquents, au demeurant au XIXe siècle, de tels subterfuges .

Le Traité d'Astrologie de Mlle Le Normand (1817)
En 1817, Mademoiselle Le Normand, avait fait paraître des Oracles Sibyllins ou la suite des Souvenirs Prophétiques". On y trouve entre autres un exposé assez substantiel d'Astrologie (en note et en petits caractères, il est vrai), au chapitre La Méditation. Il s'agit d'une astrologie cabalistique qui prétend néanmoins s'appuyer sur des documents astronomiques. Ce n'est qu'en 1823, que Lazare Républicain Lenain, publiera, à Amiens, sa Science cabalistique". Il y cite la Thréicie de Gabriel Auclerc à propos des Grandes Conjonctions, parle d'un cycle de 796 ans et de l'an 1788.
Mais dans les années Vingt parait à Boulogne/Mer le Vox Stellarum" de Francis Moore, almanach astrologique anglais, pourvu de cartes du ciel astronomiques interprétées de façon orthodoxe. Mais si l'ouvrage est déposé à la BNF dans le cadre du dépôt légal, il semble bien que les Anglais aient simplement demandé à un imprimeur français, pour des raisons de prix, de produire cet ouvrage dans sa seule version anglaise.
En 1845 paraîtra un traité d'Astrologie, muni de tables astronomiques, placé sous les auspices de Mlle Le Normand .




Collin de Plancy et les pseudonymes féminins
Migne publiera, en 1846, deux volumes d'un Dictionnaire des Sciences Occultes" dans l'Encyclopédie Migne signé ..Collin de Plancy . Ce texte a une longue histoire analysée par J. Céard, : elle débute vers 1818. Cette année là parait chez Mongie la première édition du Dictionnaire Infernal" du même auteur, laquelle subira divers remaniements notamment en raison de l'évolution religieuse de Collin. En 1819, paraîtra, chez le même éditeur, un texte de P. B. Simonnet., la Réalité de la magie et des apparitions ou contrepoison au Dictionnaire infernal.
Mais nous nous intéresserons ici aux sources de la partie du Dictionnaire consacrée à l'Astrologie ou plus exactement à ce qu'on nomme alors les "Horoscopes", c'est à dire la description des douze types zodiacaux.
Or, en 1818 paraissait, chez Lerouge, à Paris, un Art de tirer les cartes" signé "Gabrielle Perenna, Gabrielle de Salon, Sibylle Provençale de la lignée de Nostradamus". L'année suivante, la seconde édition est signée "Gabrielle Radegonde Perenna, Sibylle Provençale etc". En 1838, une autre édition portera le nom d'Aldegonde Perenna, Sibylle Provençale (chez Locard-David).
Mais en 1826, Collin de Plancy avait introduit, chez Mongie, l'éditeur du Dictionnaire, un "article" signé Aldegonde Perenna , Sibylle Polonaise (sic). La mode est aux auteurs féminins et plus tard, dans les années quarante, Mlle A. Lelièvre, ne sera autre que ..Marc Guillois et Julia Orsini le prête nom de Simon Blocquel . Dès lors, on est en droit de s'interroger sur le cas de Mademoiselle Le Normand, est elle vraiment l'auteur de tout ce qui se publie sous son nom, même de son vivant et notamment des travaux les plus amples, comportant un lourd appareil de notes à l'instar des deux volumes des Mémoires de l'Impératrice Joséphine ?
En fait, si l'on étudie les descriptions des douze types zodiacaux du "Dictionnaire" - et bien d'autres recoupements pourraient s'effectuer pour d'autres rubriques - force est de constater qu'il s'agit d'un seul et même texte, avec des variantes superficielles mais non moins signifiantes.
D'une part, la série commence curieusement, dans tous les cas, avec la Balance, c'est à dire avec l'Automne comme si l'on voulait respecter la conception juive d'un calendrier débutant à cette période de l'année. Chaque signe se voit relié à un travail d'Hercule, dans la ligne des recherches de Dupuis dans son Origine de tous les cultes". Enfin, chaque signe comporte une description masculine suivie d'une description féminine. Or, dans les éditions Lerouge, qui ne font pas référence à Collin de Plancy qui parait simultanément chez Mongie, les deux descriptions sont séparées dans la mesure où l'on aborde d'une part les douze naissances masculines, de l'autre les douze naissances féminines, ce qui n'est pas sans rappeler Sinibald de Spadacine et son Miroir d'astrologie naturelle", apparu au début du XVIIe siècle.
Or, chez Collin, les notices masculines et féminines sont regroupées pour chaque signe, ce qui constitue une étape plus tardive dans l'histoire de ce texte. Collin oppose de façon pertinente les "horoscopes" aux "thèmes", anticipant sur l'acception propre au XXe siècle: à propos de Mlle Le Normand, il écrit: "Elle donnait des horoscopes, c'est à dire des thèmes tout faits suivant les enseignements des vieux astrologues qui ont trouvé tant de lumières dans les douze signes du zodiaque". L'Horoscope serait donc une tentative pour fixer un certain nombre de "lois" valables pour des populations assez nombreuses alors que le "thème" qui ne serait pas "tout fait" serait comme un habit fait sur mesure qui n'aurait pas de portée générale.
En fait, le Dictionnaire Infernal" ne prétend pas vraiment être autre chose qu'une vaste compilation, l'auteur se contentant de temps à autre de faire quelque réflexion ironique sur le sujet traité. On y trouve notamment un exposé des 78 cartes du Tarot revues par Mlle Lenormand. Parmi ses sources, Collin cite l'Oracle Parfait ou nouvelle manière de tirer les cartes au moyen de laquelle on peut tirer son horoscope" d 'Albert. d'Alby, paru en 1802 (BNF, R 45438) et qui aurait, selon lui, connu une première version dès 1788.
En tout état de cause, le Dictionnaire Infernal annonce une autre compilation qui paraîtra d'abord anonymement en 1840, sorte d'anthologie des Prophéties sous le titre La Fin des Temps" avec une préface de Bareste

Les ateliers de prophéties
En tout état de cause, même si la prophétie antéchristique alliacienne se voyait confirmée à la lettre puisque la Révolution Française est datée de 1789, de la prise de la Bastille, il fallait battre le fer tant qu'il était chaud et profiter de ce crédit pour peser sur les évènements à venir: c'est ce que pensèrent les exégètes du XIXe siècle, directement en prise, au demeurant, avec le politique.
A priori, toute prophétie concernant la Révolution la précède. Certes, cette prophétie sera parfois découverte - inventée - à l'occasion de celle-ci, mais elle ne peut, telle est la règle, que lui être antérieure. Il importe donc de la présenter comme telle.
La Prophétie d'Olivarius" probablement apparue dès 1815, au début de la Restauration, comporte, outre son contenu propre, tout un discours sur les conditions de sa découverte:
ncement de 1793 les maisons royales, les châteaux, les monastères, les abbayes et les églises furent pillés par ordre des Montagnards. (..). On avait un jour du mois de Juin 1793, pillé bon nombre de bibliothèques. La grande salle dans laquelle on déposait ces papiers était pleine. François de Metz et plusieurs employés procédaient au dépouillement de ces manuscrits (à). Ils avaient presque catalogué tous ces ouvrages de peu de valeur et qui ne devaient point recevoir les honneurs du bûcher, quand un petit in-12 frappa leur attention: c'était le Livre des Prophéties composé par Philippe Dieudonné-Noël Olivarius (à). La copie textuelle de la prophétie d'Olivarius, , écrite de la main même de François de Metz est datée de l'an 1793.” On étudiera plus loin les avatars de la Prophétie d'Olivarius sous la Monarchie de Juillet, et notamment le cas de la Prophétie d'Orval.


La somme de Déodat de Boispréaux
Les historiens du prophétisme nostradamique ont oublié un auteur qui joue, selon nous, un rôle essentiel dans le développement des études prophétiques en général et nostradamiennes en particulier, Déodat de Boispréaux . .
Il ne s'agit pourtant pas d'une mince oeuvre mais de trois volumes in octavo fort copieux. sur lesquels figure une formule pourtant assez éloquente: Nostradamus redivivus.
L'ouvrage aurait pu s'intituler simplement Recueil des prédictions les plus remarquables qui ont paru dans le monde depuis le quatorzième siècle jusqu'à nos jours contenant le Nostradamus redivivus, la prophétie d'Holzhauser, surnommé le grand prophète de Souabe, l'extrait analytique du Mirabilis Liber avec le chapitre où la révolution européenne se trouve annoncée" en trois tomes (Paris chez Locard et Lévi) mais le compilateur a préféré faire précéder ce titre d'un autre, plus pittoresque, Mon oncle le crédule et de fait, à la lecture on songe parfois par son ton aux Imaginations Extravagantes de Monsieur Oufle, oeuvre de l'Abbé Bordelon parue au début du XVIIIe siècle dont un abrégé ressortira en 1789 à Amsterdam . Sa forme romancée annonce l'Homme Rouge des Tuileries de Paul Christian Paul alias Christian Pitois (1863)4.
Nous retiendrons surtout de quelle façon Boispréaux, Déodat (de) présente son corpus lequel recoupe quasiment le nôtre: Nostradamus, le Mirabilis Liber, Moult, Holzhauser, Malagrida, Saint Césaire, Cazotte, Mlle Lenormand etc. Une telle collection sera par la suite, à la fin de la décennie, monnaie courante. Mais la qualité de l'étude annonce en réalité un Bareste, Eugène qui publiera vingt ans plus tard, son Nostradamus à l'âge de 26 ans Boispréaux pour sa part, ne se focalise pas uniquement sur cet auteur auquel néanmoins il accorde une partie importante de ses tomes I et III. Il annonce aussi un Bricon, Edouard, par l'importance qu'il accorde au Mirabilis Liber que celui- ci éditera en 1830 ou un Madrolle qui en donnera de larges extraits en 1851, dans le Grand Prophète et le Grand Roi (cf infra): il s'agit en fait presque d'une réédition de la traduction.
L'auteur de l'Oncle crédule cite le Supplément à la Bibliothèque Instructive ou Catalogue de Gaignat paru à Paris en 1769. Le numéro 380 du dit catalogue (pp 102-104), à la rubrique Théologie, décrit une édition du Mirabilis Liber tandis que le numéro 381 traite du Livre Merveilleux, ce qui amène le commentaire suivant de Boispréaux: "Ce second livre pourrait être et est en effet jusqu'à un certain point, la traduction du premier", point dont nous avons montré qu'il ne pouvait guère être retenu.
Rien de significatif n'est paru sur l'oeuvre nostradamique depuis le début du XVIIIe siècle, avec Tronc du Condoulet, Pierre de Haitze, Leroux et Guynaud à l'exception de la Vie et Testament de Nostradamus de 1789 qui n'est au demeurant qu'une réédition. Voilà donc un siècle que les recherches historiques à ce sujet stagnent. Quant au Mirabilis Liber, aucune étude d'ensemble n'avait été réalisée, la dernière édition complète datant de près de trois siècles, l'ouvrage n'ayant paru jusqu'au début du XVIIe siècle qu'avec son premier volet. Boispréaux analyse systématiquement les différentes pièces du recueil de 1522. tant pour la partie latine que pour la partie française qu'il reproduit donc avant Edouard Bricon .
Approche en effet, avec les trois volumes de Déodat de Boispréaux, qui ne situe pas uniquement dans une perspective divinatoire ou apologétique mais également sinon davantage historique et descriptive, sans oublier une mise en scène romanesque qui ne manque d'ailleurs pas d'allant. Il a commis par ailleurs quelques textes littéraires, à l'instar de Laurent Bordelon,Laurent c'est ainsi que l'on a droit à une excursion, en diligence, avec changement à Arles, jusqu'à Salon de Provence pour y visiter le sépulcre de Michel de Nostredame.

Nostradamus dans les écoles
En 1824, les lecteurs de la Bibliographie choisie des poètes français jusqu'à Malherbe avec une notice historique et littéraire de Pierre René Auguis, Pierre- René sur chaque poète, pouvaient y lire, dans le tome III, une brève présentation de Nostradamus, suivie, en illustration, de quelques sixains (XIII à XIX): "Les ouvrages de ce poète, nous dit-on, eurent une vogue prodigieuse". A cette époque, l'oeuvre de Nostradamus est perçue comme d'un seul tenant.

Le retour des Tableaux Prophétiques
En 1821 paraissent à Lyon les Tableaux Prophétiques prédisant la ruine de la Monarchie Turque et le rétablissement de l'Empire Grec". Le XIXe siècle sera bel et bien le siècle où les Turcs devront évacuer une partie importante de leurs conquêtes européennes, mais les prophéties sur la chute du pouvoir ottoman s'accorderont mal avec l'alliance des Français et des Anglais au côté des Turcs contre les Russes, notamment lors de la Guerre de Crimée (1855); tout comme au début du XVIe siècle la diplomatie française en liaison avec les Turcs convenait assez mal à la vocation française, destinée par le discours prophétique, devoir en venir à bout. Toutefois, en 1827, la France, au sein d'une alliance chrétienne, avait remporté la bataille de Navarin sur les Turcs. En 1830, la Grèce - du moins sa partie méridionale, devient indépendante de fait .
Le recyclage étant la régle dans l’histoire du texte prophétique, l’on retrouve ainsi une série d'images issues du recueil d'Artus Thomas paru au début du XVIIe siècle, redessinées, mais en restant très proche de l'original et l'éditeur précise que le texte dont il a légèrement changé le titre fut imprimé en 1620. Entre le début du XVIIe et le début du XIXe la série des Vaticinia" n'est toujours pas parue en France et les Tableaux Prophétiques" apparaissent comme une oeuvre privilégiée.

Joseph de Maistre et l'an 1792
Un des plus farouches adversaires de la Révolution Française, le savoyard Joseph de Maistre (1753-1821) était fasciné par le passage de l'Epître nostradamique à Henri II dans laquelle figurait l'année Mil Sept Cents Nonante Deux. Dans les Soirées de St Petersbourg", parues l'année de sa mort, il écrit dans le cours du "XIe Entretien":
re Beauregard, depuis le vers d'un anonyme destiné au frontispice de Ste Geneviève jusqu'à la chanson de Mr de Lisle, je ne crois pas qu'il y ait eu de grands événements annoncés aussi clairement...”
Mais le Comte de Maistre, apôtre de la Contre-Révolution , lui- même allait être voué à assumer un certain statut prophétique. Et cela autour d'une oeuvre datant de 1796, ses Considérations sur la France, parues en exil, en Suisse et en Angleterre. En 1829, peu de temps après sa mort, plus de trente ans après la première publication du dit ouvrage, certains s'essaieront à présenter le Comte comme un prophète à l'occasion d'une réédition intervenant à la fin du règne de Charle X. En 1814, au lendemain du départ de Napoléon pour l'Ile d'Elbe, de Maistre aurait reçu une lettre d'un Russe s'exprimant ainsi: "La partie prophétique de l'ouvrage m'a également frappé". Quant à l'avant propos de l'éditeur, il s'achève sur une telle tonalité: "Bien que cette lettre ait été écrite en 1814, elle n'en présente pas moins d'intérêt: il semble même qu'elle en acquiert davantage par suite des événements qui alors avoient réalisé les vues de l'auteur et donné à son livre le caractère, pour ainsi dire, d'une prophétie accomplie". Nous n'insisterons pas sur ce qui pouvait être perçu comme prophétique dans ce texte, l'essentiel étant ici qu'il soit considéré tel et qu'un texte puisse être prophétique sans se situer désormais nécessairement dans la mouvance ésotérique: tout discours politique lucide est susceptible de recevoir un tel qualificatif peut être un peu galvaudé .
Joseph de Maistre rappelle Thomas Kselman , dans ses Soirées de St Petersbourg" Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence (XIe dialogue), composées de 1803 à 1817, parues en 1821, année de sa mort , regrettait la carence des prophéties au XVIIIe siècle. On peut en effet penser que certaines prophéties auraient mis en garde la monarchie mais aussi que celle-ci aurait maintenu un empire mieux assuré sur le peuple.




Le rappel de la prophétie alliacienne
En 1824, Arthur Dinaux dans une Notice historique et littéraire sur le Cardinal Pierre d'Ailly évêque de Cambrai au XVe siècle parue à Cambrai constate (pp. 70 et 94):
"Il faut donc avouer ici que le savant d'Ailly a fait beaucoup trop de cas de l'Astrologie Judiciaire. il rapportait à l'influence des astres non seulement les événemens civils mais aussi les changemens de religion et l'origine des hérésies (à). Par un hasard singulier, Pierre d'Ailly conclut de ses observations astrologiques que l'Antéchrist devait venir en 1789. Si l'Anté-Christ signifie l'Ennemi de Jésus Christ, ainsi qu'on l'explique, on pourrait considérer comme tel la Révolution Française commencée en 1789; pour cette fois du moins d'Ailly n'aurait pas été tout à fait un faux prophète".

La publication des Mémoires de Casanova
C'est d'abord en allemand - Aus den Memoiren des Venetianers Jacob Casanova de Seigalt, oder sein Leben wie er zu Dux in Boehmen niederschrieb, Leipzig, Brockhaus - que parurent, en 1822, les Mémoires du Vénitien Casanova dans une traduction et des notes de Wilhelm von Schutz, à partir d'un manuscrit cédé en 1820 par le petit neveu de Casanova, Carlo Angiolini, rédigé en français portant, selon le témoignage de Schutz, le double intitulé :
Histoire de ma vie jusqu'en 1797 & Mémoire de Jean Jacques (sic) Casanova de Steingalt contenant ses voyages et ses aventures galantes et politiques en Angleterre, en Russie, en Pologne et en Allemagne". Schutz donne le titre en français, ne cachant nullement qu'il s'agit d'une traduction mais la première édition française qui fera suite, dès 1825, ne précisait pas qu'elle avait été réalisée à partir de l'allemand et non de l'original français. En 1827, une autre édition, à l'initiative de l'éditeur allemand Brockhaus, réalisée par un Français installé à Dresde, Jean Laforgue, commencera à paraître sous le titre "Mémoires du Vénitien J. Casanova de Seingalt, extraits de ses manuscrits originaux, publiés en Allemagne par G. de Schutz". (BNF, Res. K 1215). Titre ambigu car l'on se demande s'il ne s'agit pas d'une nouvelle traduction à partir de l'allemand de Schütz, la traduction précédente ayant été très libre. Or, il semblerait que le manuscrit n'ait circulé avant 1860. En tout état de cause, l'introduction de Schütz est largement exploitée.
Le texte nous intéresse en ce qu'il comporte un épisode astrologique, assez proche des préoccupations d'un Lenain, . Casanova aurait notamment possédé une Instruction sur les heures planétaires". L'aventurier fait bel et bien partie de cette mouvance qui comporte un Cagliostro ou un St Germain . Ses relations avec la Marquise d'Urfé retiendront notre attention:
"Après souper, nous sortîmes à pied et nous entrâmes à l'hôtel sans être vus de personne. Je cachai Marcoline dans une grande armoire puis m'étant mis en robe de chambre, j'entrai chez la marquise pour lui annoncer que Sélénis avait fixé la régénération au jour suivant avant trois heures et qu'il fallait qu'elle fût terminée à cinq et demie pour ne pas nous exposer à empiéter sur l'heure de la Lune qui venait à la suite de celle de Mercure et qui ne devait pas être mêlée à la régénération parce que son effet serait de l'annuler ou au moins de la rendre incomplète (à). La marquise commençait à se montrer inquiète et j'affectais de l'être aussi un peu. Je regardais à mes montres, je calculais les minutes des heures planétaires et je disais de temps en temps. "Nous sommes encore dans l'heure de Mars; celle du Soleil n'est pas encore commencée (à) un fiacre nous transporta chez Marcoline avec la caisse des offrandes aux sept planètes que j'avais si bien gagnée".
On notera que ce traitement des heures planétaires n'est pas sans évoquer la succession des âges selon Trithème, à une échelle évidemment beaucoup plus modeste puisque cette dernière a pour unité 354 ans.
En 1829, est jouée une pièce de théâtre Nostradamus, drame en trois actes d'Antony Béraud et Valory (Mourier) que par une licence qu'il avoue il situe au temps de la saint- Barthélemy (1572) alors que Michel de Nostredame est mort depuis 1566; le mage tombera victime des événements. (BNF Yth 12778).

III - Olivarius : l'empire en perspective

Sous la Restauration, le prophétisme servira à perpétuer une certaine légende napoléonienne, notamment avec Mlle Le Normand qui va, s'il faut l'en croire, exhumer, on l'a dit, une prophétie du XVIe siècle, due à un certain Olivarius, qui aurait annoncé l'épopée napoléonienne et ses lendemains.

L'Empereur et la comète de 1811
La comète de 1811 fut peut-être le témoin de la naissance du roi de Rome, elle apparaîtra, surtout avec le recul, comme le signe avant coureur de la déchéance de Napoléon.
Témoin ce premier texte vraisemblablement paru aux premières heures de la Restauration, L'Horoscope de Buonaparte sur la Comète de 1811" (BNF) signé S. M. ";
déterminer la force et le genre d'influence que pouvait présenter ce nouveau phénomène. Notre doyen, vieillard vénérable par son savoir et son grand âge (à) prit la parole:
Son cours est réglé comme celui des astres et leur influence est d'autant plus redoutable qu'elles ne paraissent que très rarement et à des époques remarquables (à). La queue de celle que nous voyons pourrait noyer le genre humain, si nous allons la heurter de trop près mais rassurez vous, la Providence ne veut point la mort du pêcheur: cette Comète nous annonce tout à la fois le châtiment de nos erreurs et la miséricorde infinie de l'Eternel.”
Une telle dévastation doit s'étendre encore sur toute la terre pendant neuf cent jours. Mais à ce terme, la constellation autour de laquelle gravite maintenant cette fatale Comète, la Grande Ourse, délivrée de son horrible influence rassemblera ses Grands Aigles du nord et l'Aigle usurpateur ne pouvant soutenir leur aspect formidable, abattu et privé de ses ailes, sera réduit à ramper tristement sur la terre. C'est alors, mes amis, que nous verrons renaître dans nos jardins ces Lis dont la blancheur doit effacer à jamais la pourpre sanguinaire qui depuis si longtemps a fait rougir nos champs”à Grâce à l'Eternel, la dernière heure du crime a sonné; la prédiction est accomplie... Vive Louis XVIII!”. En 1812, l'évêque constitutionnel (Dept. de la Hte Marne) A. H. Waindelaincourt fait paraître une Preuve de la durée du monde encore pendant vingt mille ans. De l'impossibilité qu'une comète nous cause aucun mal et qu'elle se précipite vers la terre, Paris, C. Villet, BNF, Vp 6501. L'auteur s'y appuie notamment sur la précession des équinoxes - dont il a mal compris, d'ailleurs, le processus - pour montrer que la terre s'inscrit dans un cycle qui n'est pas près de s'achever.
Dans un autre texte, Les Cinq Lettres et les cinq réponses ou la Comète de 1811" (1817), on pouvait lire:
Il n’est que trop certain que depuis l’année de la Cométe des événements déplorables ont agité toute l’Europe l’espace de quatre ans (à) Sera-t-il dit que cette suite d’années calamiteuses n’est qu”un effet du hasard et que l’astre errant que l’on vit les devancer immédiatement était loin de les signaler ?”
Sorte d'entretien avec un interlocuteur plus ou moins imaginaire qui, après avoir tracé un historique de l'influence des comètes, conclut:
?????? de circonstances extraordinaires et de nature à intéresser les nations.”
On ne sera pas surpris de cette survie d'une astrologie cométique en une période où l'astrologie de type planétaire est quasiment introuvable, sur le sol français, sauf chez les marchands de livres anciens. Mais les comètes ont toujours fait bande à part et impressionné les esprits même dans les périodes les plus , comme cela avait été encore le cas en 1773.
L'auteur s'arrête longuement sur le conflit entre Napoléon et Pie VII, ce dernier ayant été contraint de suivre l'Empereur à Fontainebleau. Notons à ce propos cette référence à la Prophétie de Saint Malachie, bien que celle-ci ne soit pas nommément citée:
(p. 31)
Les commentateurs ultérieurs des devises des papes du XIXe siècle préféreront voir dans Aquila Rapax Napoléon Ier lui-même, mais, à l'époque de la rédaction de ce texte, la cote de l'Empereur déchu est au plus bas.
En 1820, une comète serait passée sur l'île de Sainte-Hélène annonçant la mort prochaine, comme pour César, de Napoléon Bonaparte, l'année suivante.


Une refonte du Mirabilis Liber?
C'est en 1820 - donc après la chute de l'empereur et peu avant sa mort - dans les Mémoires de l'Impératrice Joséphine" que Mlle Le Normand, au prix d'exégèses successives, s'entretenant de Napoléon, va faire connaître au public, à son compte, une "Prophétie extraite d'un vieux livre de prophéties de Philippe-Dieudonné-Noël OIivarius, imprimé en 1542, soustrait pendant la révolution chez les ci devant Bénédictins de.à , qui figurera désormais en bonne place dans les recueils de Prophéties Modernes" et sera traduite en anglais. La dite Prophétie d'Olivarius, supposée trouvée dans une Abbaye Bénédictine sera suivie, à l'occasion de la parution d'autres ouvrages, de supplémentaires sous la Monarchie de Juillet
Le texte serait, nous dit-on, issu d'un Livre des Prophéties" et daterait de 1542. Il s'agirait donc d'un recueil de prophéties comme le Mirabilis Liber". Il existe certes un astrologue du nom d'Olivarius, mais les textes que l'on connaît n'ont pas trait à la Prophétie et ne correspondent pas à cette date.
La "Sibylle du XIXe siècle" fait ainsi s'exprimer Napoléon (Tome II p.488): "Je n'ai jamais voulu rien croire, disait à cette dernière époque Napoléon, mais je conçois ici de bonne foi qu'il y a des choses qui sont au dessus de la portée des hommes, et que nonobstant leur rare perspicacité, ils ne parviendront jamais à les approfondir, témoin cette singulière prophétie trouvée chez les Bénédictins (..) et que je connais. Que dit- elle ? Est-ce moi qui en suis l'objet? agitait-il. Il paraît qu'un jour l'ancienne dynastie remonterait sur le trône (Joséphine en eut toujours la pensée, note Mlle Le Normand). En vérité, nous devrions nous en rapporter pour tout à celui qui régit l'univers et faire notre profit des étincelles de lumière réparties parfois sur quelques êtres privilégiés, pour nous éclairer sur la route véritable qu'il faut suivre et nous prévenir des écueils que nous pourrions y rencontrer"
On notera que cette Prophétie d'Olivarius est en quelque sorte introduite par Napoléon alors qu'au XVIe siècle, l'Epître lui aurait été adressée comme dans le cas du Mirabilis Liber.
Dès 1820, Déodat de Boispréaux mentionne la prophétie suivante dans Mon oncle le crédule (vol 3, p.159):
"Au reste, elle (la Sibylle) n'épargne pas la capitale de la France. Elle se souvient d'une antique prophétie qui lui avait été répétée par un saint personnage, dans sa première enfance.
"Malheur à toi, ville des philosophes
Hélas ! Hélas! malheureuse cité
Car un jour le soc de la charrue passera sur tes ruines et un père, en les examinant attentivement, dira à son fils "Paris était là"
Ce texte n'appartient pas à la Prophétie d'Olivarius . Il pourrait s'agir d'une version antérieure à 1820.
Dans l'édition de 1827 des Oeuvres de la voyante (p. 468, Tome II) une note en bas de page a disparu: "La France doit recouvrir son antique splendeur mais elle ne sera réelle et même immuable que de 1823 à 1828 et pourtant depuis plus d'une Olympiade, les lis auront refleuri de nouveau et même un jeune prince sera, un jour, bien cher aux diverses nations. Les peuples se réjouiront à sa naissance. Il sera le gage d'une paix et d'une réconciliation générale " (Oracle des Sibylles, Paris, 1817, p.28).
Au premier abord, l'on est tenté de soupçonner la voyante, la fameuse Le Normand, d'avoir rédigé ou en tout cas véhiculé un texte prophétique calqué sur le destin de Napoléon; (la Campagne de Russie, l'incendie de Moscou, la Restauration, les Cent Jours (trois Lunes et un tiers = 100). Mais, à étudier le document de plus près, il semble constitué - ce qui n'est pas contradictoire - d'expressions empruntées à la littérature prophétique et notamment au Mirabilis Liber - la formule vatiguérienne fils de Brutus - que l'on retrouvera dans la Prophétie d'Orval - en est un bon exemple - et singulièrement aux parties qui furent traduites en français. Ce qui fait l'intérêt de cette Prophétie est sa chronologie dont l'unité est 30 jours soit une Lune à partir de Waterloo (1815). Hübscher 5 note que certains propos de Mademoiselle Le Normand s'apparentent à ceux de sainte Brigitte .
Quelques passages nous serviront pour une comparaison ultérieure avec la Prophétie d'Orval" qui n'est publiée qu'en 1839 mais qui, compilée par l'Abbé Danel, a probablement circulé vers à partir de 1828, dans les années qui précédèrent la chute de Charles X - ce qui ne signifie pas qu'elle n'ait pas fait ensuite l'objet de retouches de circonstance. En tout état de cause, une autre prophétie, très proche, est attestée dès le début des années 1820, il s'agit de celle d'Olivarius. Danel n'aurait eu, au fond, en 1828, qu'à retoucher celle-ci, en ayant pris connaissance dans l'édition de 1827 de l'ouvrage de Mademoiselle Le Normand qui comportait le dit texte. Avec le prophétisme orvalien, nous avons affaire, sur le plan stylistique, avec un genre qui se distingue à la fois des Ecritures et des Centuries: une sorte de chronologie à peine cryptée de l'histoire de France post révolutionnaire, à l'usage des dauphins en lice.
La première phrase n'est pas sans rappeler un verset des centuries- "Un Empereur naîtra près d'Italie" (I, 60). De même l'usage de la forme "cap" pour capétien existe dans les quatrains et notamment celui consacré à Varennes. "Esleu cap. cause tempeste etc " (IX 20).
Aura deux femmes et fils un seul... Ses ennemis brûleront par feu la grande ville (il s'agit de Moscou)à Lors le grand homme, trahi par les siens amis... A la sienne place seront mis les rois du vieil sang de la Cape (retour des Capets)à Lui contraint à l'exil dans la mer dont est venu si jeune et proche de son natal lieu, y demeurant par onze Lunes (à). Et lui cheminera vers la grande ville où s'être assis le roi du vieil sang de la Cap (e) qui se lève, fuit... Mais déchassé de nouveau par trinité population européenne (les armées coalisées)à après trois lunes et tiers de Lune, est remis à la sienne place le roi du vieil sang de la Cape”.
Lors un jeune guerrier cheminera vers la grande ville, il portera lion et coq sur son armure....Guerroyant encore avec tant de gloire sept fois sept lunes (soit quatre ans) que trinité population européenne (la Triple Alliance?) par grande crainte et cris et pleurs... ploient sous les lois saines”. Mais paix durant 25 Lunes (soit 2 ans)à”
Il reste que la Prophétie d'Olivarius" ne peut s'appliquer au retour de la République à la différence de celle d'Orval (cf. infra). La Révolution de 1830 fut-elle annoncée ? Il sera longuement discuté par la suite de l'existence de cette Prophétie avant 1830 et l'on accumulera les témoignages. L'on admet assez généralement qu'elle a pu circuler vers 1828 (cf. infra). La question est de savoir, au vu des multiples changements qu'elle subira au cours de son histoire, sous quelle forme, à quel stade.

Un manuscrit au nom d'Elivarius (sic)
Nous comparerons le texte figurant dans les recueils de prophéties du XIXe siècle sous le nom d'Olivarius avec le passage d'un manuscrit de la succession de l'Abbé Rigaud, sous le nom d'Elivarius, le final des deux textes se référant à l'année 1542.
Texte du recueil de Collin de Plancy:
" Dans Lutetia, la Seine rougie par sang (suite de combats à outrance), étendra son lit par ruine et mortalité. Séditions nouvelles de malencontreux maillotins. Ains seront pourchassés du palais des rois par l'homme valeureux; et par après les immenses Gaules déclarées par toutes les nations grande et mère nation. Et lui sauvant les anciens restes échappés du vieux sang de la Cape, règle les destinées du monde, se fait conseil souverain de toute nation et de tout peuple; pose base de fruit sans fin, et meurt".
Se pourrait-il que ce texte ait connu une version antérieure à son apparition chez Mademoiselle Le Normand, sous ce nom d'Elivarius: Extrait d'un vieux Livre de prophéties....donné Noel Elivarius imprimé en 1542 soustrait pendant la Révolution chez les cy devant bénédictins de la Gaule:
"Dans Lutetia la Seine rouge par sang suite de combat à outrance étendra son lit par ruine et mortalité, sédition nouvelle de male montreux maillotins ainsi seront pour chasser du palais des rois par l'homme valeureux et par après les immenses Gaules. Déclaré par toutes les nations grande et Mer Nation. Et lui sauvant reste Echappés du vieil sang de la Cap regle. Les Destinée (sic) du monde dictant conseil souverain de toute nation et de tous peuples peu base de fruit sans fin et meurt".
On ne peut qu'observer qu'il s'agit très vraisemblablement d'une copie défectueuse du texte imprimé à commencer par le nom de l'auteur. Il n'y a pas là d'archaïsme mais bien plutôt corruption: sans au lieu de sang, male montreux au lieu de malencontreux, pour chasser au lieu de pourchassés, Mer Nation au lieu de mère nation etc.
En revanche, il peut être intéressant de noter que ce texte a pu circuler séparément - sous la forme de 2 pages in folio - et non pas uniquement dans le cadre d'un tome des Souvenirs de l'Impératrice Joséphine.


L'Oracle de Napoléon (1822)
On connaît le rôle que joua ou prétendit avoir joué, dans ses Mémoires parues à la chute de l'Empire, une Mademoiselle Le Normand . Mais Napoléon lui-même se vit auréolé après sa mort en 1821 de certains talents prophétiques.
Il convient de s'arrêter sur un document "égyptien" qui connût une certaine fortune, L'Oracle de Napoléon, dont nous ne connaissons pas d'édition française. Il s'agit d'un texte qui aurait été retrouvé en 1801 par .i.Sonnini;, , le chef de la Commission des Arts, dans l'un des tombeaux de la Vieille Egypte, près de Thèbes, sur le mont Lybique
. On notera que ce document semble suivre la carrière du Zodiaque de Denderah (), puisque découvert en 1801, il n'est diffusé qu'en 1822, date à laquelle un certain H. Kirchenhoffer rédige un Prologue, depuis Londres, et dont il serait le traducteur à partir de l'allemand. Le manuscrit aurait été trouvé lors de la retraite française de 1813. Il se nommait Oracle ou Livre des Destins". Il s'agit en réalité d'un système de questions et de réponses comme il en circulait tant au XVIIIe siècle sous le nom d'Oracle des Dames"
. Citons aussi, toujours en 1822 un Philosophical Merlin, being the translation of a valuable manuscript formerly in the possession of Napoleon Bonaparte (..) enabling the reader to cast the nativity of himself without the aid ot tables (..) or calculations, Londres, par R. C. S. Philo. astro et G. W. G. 6




III - Une Révolution programmée: 1830

Outre qu'en 1827 reparaissent, cette fois chez un éditeur ayant pignon sure rue, les Mémoires publiés par Mlle Le Normand avec la Prophétie d'Olivarius Philippe déjà inclue dans ce même cadre dès 1820, ainsi que, de Silvy, la Révélation en faveur de la France par l'entremise de Thomas Martin en 1816, on publiera en 1828 un recueil prophétique, un des premiers d'un genre qui fera fureur après le départ des Bourbons. La politique menée par les ministres de Charles X, monté sur le trône en 1824, inquiète par les concessions qu'il convient de faire aux libéraux. En 1828, le libraire J. J. Blaise, J. J. publie, peut être avec l'aide de Madrolle, A., un texte fort hostile à la libéralisation du régime, tenu pour responsable de l'assassinat du duc de Berry, en 1820, et à l'essor des sociétés secrètes, thèmes que l'on retrouvera dans les Protocoles des Sages de Sion, à la fin du siècle. (
Dès 1828, paraissait la Sagesse Profonde", un des premiers ensembles hétéroclites qui se succéderont au cours du XIXe siècle mais ne comportant pour l'essentiel que des textes alors récents. Nous nous intéresserons davantage aux recueils faisant largement appel aux prophéties de la Renaissance; mais un Henri Dujardin, alias James, dans son Oracle pour 1840, puisera largement dans la Sagesse Profonde qui, pour sa part, annonçait 1828 comme une année cruciale et propice aux révolutions. L'auteur - ou co-auteur - de la Sagesse la compare notamment à la première Restauration de 1814, qui fut bousculée par le retour de Napoléon. En effet, le prophétisme ne peut pas constamment innover, il doit gérer ce qu'il a produit dans le passé; en effet, le fait de s'appuyer sur un texte dont l'ancienneté est attesté, constitue un atout essentiel, même si son recyclage exige de recourir certaines acrobaties. Si tel auteur a avancé telle date, autant s'y tenir, tant qu'elle n'est pas dépassée. Les fondements du prophétisme sont en effet constitués par ses propres scories alors que ceux de l'astrologie sont liés à une astronomie toujours en mouvement.
La Sagesse Profonde, comporte notamment la fameuse Prophétie de Regiomontanus dont il n'avait plus guère été question depuis 1788. Edouard Bricon, Edouard poursuivra dès 1830 dans cette direction comme auteur et comme libraire.
En cette même année 1828, paraissent des Conjectures sur la fin du monde pour servir d'antidote contre les séductions du temps par un membre de l'Association Catholique".

La promesse d'un XXe siècle apocalyptique
Un autre aspect important du discours de l'auteur des Conjectures tient à son attitude à l'égard du XXe siècle. Certes, sous le nom de Nostradamus avait-on (désigné dans un quatrain la fin du siècle suivant:
Du ciel viendra un grand Roy d'effrayeur
Ressusciter le grand Roi d'Angoumois
Avant après Mars régner par bon heur”
(Centurie X, Quatrain 72)

L'on nous annonce, dans le même recueil, de graves événements, à la suite d'une lecture du Livre de Daniel" pour 1912 et 1947, quarante-cinq ans plus tard. En effet, si l'on ajoute à 622, date de l'Hégire islamique les 1290 jours convertis en années, l'on obtient le début du XXe siècle. Or, comme cette prophétie se déroula durant 45 jours, il convient que les événements s'étendent durant autant d'années qu'il y eut de jours. Mais c'est à l'An 2000 que parvient, au bout du compte, l'auteur des Conjectures (p.97) c'est la fin du XXe siècle qui conclut les 6000 ans de la Création, ce qui est à rapprocher de 1999 figurant dans la Prophétie napolitaine de Théodat (cf supra). C'est l'amorce d'un nouveau millénarisme que relaiera un AdrienPéladan, cinquante ans plus tard.

L'Avertissement de Gabriel Galland
Il convient de s'arrêter sur un auteur qui se manifestera également sous la Monarchie de Juillet mais qui dès octobre 1827 avait annoncé des événements graves pour 1830 dans un Avertissement véritable et assuré, au nom de Dieu (BNF, D 24531). En fait,Galland avait choisi Marseille pour y célèbrer l'avènement du "fils de l'homme" au mois de mars 1830. Galland qui s'était en fait approprié ce titre demandait à Charles X d'assurer sa protection mais n'annonçait nullement sa chute. En fait, Galland avait choisi 1830 parce qu'il aurait alors, lui-même, 33 ans.


Le fils de l'Homme
Dès 1829, Joseph Méry et le poète bonapartiste Auguste Barthélemy avaient publié un poème intitulé Le fils de l'homme",7. Napoléon II, portrait à l'appui, y était ainsi désigné . Par cette expression, l'Aiglon devient un martyr christique, retenu prisonnier par l'Autriche. Barthélemy sera condamné par la justice de Charles X. L'agitation prophétique au cours de la fin de ce règne, pourrait être due en partie aux espérances concernant Napoléon II.

L'Almanach et la Révolution
En 1829 parait dans l'Almanach liégeois de Mathieu . Laensbergh pour 1830; un texte qui rétrospectivement, pour les contemporains, se révélera prophétique pour la Révolution orléanienne:
Il y aura un grande remue-ménage. Une partie de l”Europe sera mise à feu et à sang. Murmure des peuples subjugués et insurrection. Les amis de la paix et des lois feront cesser ces horreurs. Le feu se changera en fumée et bien des gens en sortiront noir comme l'enfer” (Juillet).
Ce texte sera repris dans plusieurs recueils. Rappelons toutefois, à toutes fins utiles, que 1830 fut aussi l'année de la révolution belge et que l'almanach est liégeois.


Les Mélanges tirés d'une petite Bibliothèque de Charles Nodier (1829)
Nodier, Charles consacre le chapitre XXXI au Mirabilis Liber" qu'il distingue nettement du Livre Merveilleux". L'année suivante, Bricon, E. publiera une traduction du Mirabilis Liber
- il mentionne le Chant du Coq François de 1621 dont une pseudo-édition était parue au lendemain de la Révolution. Typiquement, Nodier s'arrête sur la Pronosticatio de .i.Lichtenberger dont il signale les 44 vignettes mais sans établir le moindre rapprochement avec le Mirabilis Liber. Il est vrai qu'il se sert d'une édition de la Pronosticatio de Lichtenberger de 1528 (Cologne, Quentel ) et non de l'édition française dépouillée de ses illustrations de 1530. Nodier, Charles s'intéresse surtout aux Arcanae de Naumerberger qui se trouvent en annexe et qu'il attribue à Lichtenberger comme le fera après lui Collin de Plancy . Il y voit apparemment une allusion à l'Empereur, l'aigle (Napoléon) qui succède au roi, le lys (Louis XVI). Le Chapitre XLIV est quant à lui consacré à Nostradamus . Bareste dix ans plus tard se référera à Nodier (BNF, Z 56300).



La Charte bafouée
En 1839, Francis Girault, résumera le règne de Charles X (1824-1830) par le verset suivant des centuries;
"Sept ans sera Philip, fortune prospère"
Et de rappeler que Charles X se prénommait Philippe Charles. Le plus souvent, "Philip" sera utilisé pour désigner Louis- Philippe.
Charles X serait tombé pour avoir, en promulguant en juillet 1830, quatre ordonnances, porté atteinte à la Charte octroyée par son frère, en juin 1814, qui avait accompagné le retour des Bourbons.
Le faussaire Lamothe-Langon, publiera en 1835, des Soirées de Sa Majesté Louis XVIII, Paris, BNF, Y2 47202. Dans un chapitre intitulé "Dernière prophétie du roi" (77e soirée), il fait dire au roi s'adressant à son frère, le futur Charles X:
"La charte est notre Arche d'alliance; qui la mutilera, qui l'éludera, périra comme le firent les Hébreux sacrilèges" (Vol. 2, p. 416)








Chapitre III
L'activisme prophétique sous la monarchie de juillet

Si la révolution de 1830 fut préparée et annoncée, en quelque façon, par une certaine effervescence prophétique, qui s'avèra favorable à l'avénement d'un Orléans, on pourrait parler alors d 'un arroseur arrosé. Le règne de..Louis- Philippe sera en effet marqué par les spéculations prophétiques qui séviront surtout durant les années Trente puis tendront à se calmer après le paroxysme quelque peu décevant de 1840 et le bruit fait autour de la prophétie d'Orval. Louis-Philippe se verra destiner l'expression , figurant dans la Prophétie de Vatiguero, et il sera symbolisé davantage par le coq que par le lys. Le prophétisme apparaît comme une sorte de contre-pouvoir.

I - La cabale contre les Orléans

Il semble bien qu'un nouvel essor du prophétisme français date des dernières années du règne de Charles X. . Certes, il serait tentant d'y voir une tentative de déstabilisation de Louis-Philippe mais force est de constater que le phénomène aura d'abord bénéficié à ce dernier puisqu'il aura abouti à l'abdication du dernier frère de Louis XVI.
Cette discorde au sein du camp légitimiste - Louis XVII (Charles Louis (sic) Naundorf, Richemont (Claude Perrin), Louis XIX (le duc d'Angoulême), Henri V et sa mère, la Duchesse de Berry, comme nouvelle régente italienne - favorisera finalement l'avènement des Orléans, camp, on le verra, lui-même bientôt divisé entre partisans de Louis-Philippe et de son fils.


1840, les 20 ans d'Henri V.
Henri V portait un prénom - l'anagramme (Chiren) apparait chez Nostradamus -, c'était peut-être là son principal atout mais nul doute qu'avec un autre prénom (Charles, notamment) l'on eut trouvé d'autres résonances tout aussi prophétiques. Il était ainsi loisible de rapprocher son destin, on l'a vu, de celui d'Henri IV voire de lui adresser l'Epître de Nostradamus à Henri Second.
Une prophétie pouvait lui convenir que l'on ne se fit pas faute d'exhumer dans un certain nombre de recueils, celle du Moine de Padoue (Gazette de France, 19 juillet 1840). Il s'agit d'un texte rédigé en français et qui aurait été recopié par un moine de Padoue, une sorte de geste des rois prénommés Henri:

Dix fois dix ans: le duc de Bordeaux est né en 1820. Nous sommes en 1840...

L'émergence de la prophétie d'Orval
La prophétie d'Olivarius Philippe laisse la place à la prophétie d'Orval qui n'en est qu'un avatar: quasi identité de date d'origine (milieu du XVIe siècle), des conditions de sa découverte voire même de nom. En 1830 les recueils d'Edouard Bricon incluent la dite Prophétie d'Olivarius. Nous reviendrons plus longuement sur la genèse du canon orvalien.
Au lendemain de la Révolution, Edouard Bricon, publie coup sur coup trois recueils de prophéties: l'un est la traduction expurgée d'un classique, le Mirabilis Liber", généralement désigné à l'époque comme Liber Mirabilis" sous le nom de Livre admirable " alors que jusqu'à présent l'on en connaissait surtout des extraits plus ou moins arrangés. Bricon y renvoie à la Sagesse Profonde parue en 1828.
Edouard Bricon, eut en effet l'idée de proposer une édition française in extenso, mais "orthodoxe", du Mirabilis Liber qui tranchait avec les quelques pages qui étaient parues depuis la Révolution sous ce nom (Saint Sévère, Vatiguero, Joachim). Travail au demeurant assez limité, puisque le début de la partie latine - celui qui correspondait à la Pronosticatio lyonnaise de 1515 - avait été traduit et que la partie française était restituée telle quelle, en . Il reste que le Mirabilis Liber n'avait pas connu d'édition globale depuis trois siècles (soit approximativement depuis 1530, au moins) puisque les éditions du XVIe siècle, traduites en français, ne comportaient pas, paradoxalement, l'essentiel de la partie française du dit recueil.
Si Bricon ne mentionne pas la traduction partielle du XVIe siècle, il est assez clair qu'il s'inspira de l'édition de 1561 ou de celle de 1611, autrement dit de l'édition dite de Gruget,.. En effet, ce dernier _ s'il s'agit bien de lui _ prit l'initiative de supprimer le nom de. Lichtenberger qui figurait dans les éditions de 1535 et de 1545 (Prophétie de Madame Ste.i.Brigitte Sainte ). Or,Bricon, lui aussi, la référence à. Lichtenberger. S'il avait travaillé sur des textes latins, il eût préservé ce passage de l'Oratio Auctoris et probablement fait figurer le nom de l'astrologue allemand dans le titre.
Il convient de préciser qu'une partie des textes latins du Mirabilis Liber, hors Pronosticatio de Lichtenberger, avaient été traduits par Guillaume Postel dans le Thresor des Prophéties de l'Univers.
Dans sa Préface, Bricon rappelle que l'ouvrage se trouve à l'index et qu'il a demandé à une personne de confiance d'effectuer des coupures.
Il s'agit du chapitre II (De l'état des Alsaciens, Siennois, Gaulois & Cymbrois) où il est question , du Chapitre IX (Cette constellation induira plusieurs à luxure abominable) et du chapitre X (Cette constellation inclinera les femmes, les vierges & nonnains à concupiscence charnelle), de la Troisième Partie de la Pronosticatio de Lichtenberger dont les titres mêmes vont disparaître de la table des matières. Le Chapitre XIV est quant à lui considérablement élagué (Qu'aucuns climats seront vexés de diverses infortunes): .
Bricon déclare apprécier tout particulièrement le texte de Savonarole qui n'avait pas été traduit jusqu'alors en français et insiste sur sa défiance à l'égard de l'Astrologie .
L'historien des prophéties se doit d'être extrêmement vigilant. Il est rare qu'un auteur, à l'occasion notamment d'une traduction-on pense au Janus Gallicus latin- ne soit tenté de modifier un texte ou sa présentation pour faire passer un certain message. C'est ainsi que Bricon, dans le développement du Mirabilis Liber" extrait des Vaticinia de Joachim et d'Anselme" et dont nous avons vu qu'une traduction inédite avait déjà existé en 1814. Il n'hésite pas à présenter un personnage âgé mente canus sous les traits d'un jeune homme: "Le Ciel t'appelle, prince frêle et souffrant". Il songe ainsi à s'adresser à Henri V, âgé alors de dix ans, et à ses partisans mais peut-être évoque-t-il le malheureux dauphin du Temple.
Abordons à présent le Nouveau Recueil de Prédictions"; (novembre 1830), et le Recueil de Prédictions: deux recueils, à vrai dire, sensiblement différents.
En introduction au Recueil de prédictions depuis le seizième siècle jusqu'à la consommation des temps qui connaîtra plusieurs éditions jusqu'en 1831, l'on pouvait lire:
"Le recueil que j'offre au public sera, je n'en doute pas, un sujet de réflexions pour les siècles futurs, la matière d'une page dans l'histoire de nos jours. "A telle époque dira-t-on, parut un ouvrage qui renfermoit telle ou telle prophétie; voici ce qui s'est accompli". Alors on saura mieux la confiance que mériteront les prophètes de ces temps reculés, car je présume qu'ils auront les leurs. On saura si jamais la vérité de l'avenir a été manifestée aux hommes, si jamais il a existé d'autres prédictions que celles écrites après l'accomplissement des faits". A la manière des démonomanes de la Renaissance, Bricon se présente comme un simple transmetteur d'informations qui ne s'engage pas.
Relevons parmi les textes figurant dans cette anthologie un ouvrage paru en 1817, les Précurseurs de l'Antéchrist (Lyon, 1817) annonçant la naissance de l'Antéchrist pour 1912. Il vivra ou règnera - chiffre caractéristique du Livre de Daniel (XII, 13) - 45 ans. La grande persécution commencera en 1953. Il sera exterminé en 1957" (p.20).
On y trouve aussi la Prophétie d'Olivarius, texte "soustrait pendant la révolution chez les ci-devant Bénédictins" (pp.44 et seq), la Prédiction de Jean de Vatiguerro (p. 49) à cette occasion, Bricon reprend une partie de sa traduction du Mirabilis Liber.
On s'intéressera particulièrement à ce queBricon écrit en 1830, dans le Nouveau Recueil de Prédictions, au sujet de la Prophétie des Papes. (pp. 43 et seq). Bricon ne commence sa liste qu'en 1700 avec Clément XI. Curieusement, Bricon ne donne pas de noms de papes pour Rosa umbria, Visus velox vel ursus velox, puis il passe à Pie VI, Pie VII; Léon XII et Pie VIII. Il renvoie au Dictionnaire de Moréri;.
Le lecteur de Bricon n'a ainsi aucune idée de la date de parution de la dite Prophétie et pourrait être amené à croire qu'elle débuta au XVIIIe siècle ou au contraire bien avant, du temps de Saint Malachie.


1831 et les Nouvelles Conjectures
Ce recueil, qui fait suite aux Conjectures sur la fin du monde pour servir d'antidote contre les séductions du temps, paru en 1828. (cf supra) s'intitule Nouvelles Conjectures pour confirmer la fin prochaine du monde et indiquer les époques des principaux événements qui doivent la précéder, paru au lendemain de chute de Charles X, est déterminant et précède de plusieurs années l'effervescence qui se manifestera dans les années 1839-1840 coïncidant peut être avec le fait qu'Henri V, né en 1820, atteignait un âge où il pouvait prétendre à régner - de fait il sera majeur à 13/14 ans dès 1833 - et où il convenait de mettre fin à l'interim orléanais. L'ouvrage parait à Toulouse, une ville qui comptera par la suite dans l'édition de recueils prophétiques, chez Augustin Manavit, Augustin (BNF, D 46247).
Il semble bien qu'en ce début des années Trente l'année 1840 apparaît comme une échéance cruciale. L'auteur _des Conjectures et Nouvelles Conjectures est resté à ce jour anonyme - on sait seulement qu'il se dit membre d'un groupe intitulé l'Association Catholique et que nous n'avons pas situé - fait référence à l'année 1840. Il renvoie à cette occasion à la Prophétie dite de Naples", qui aurait été trouvée dans les papiers de Monseigneur de Novion, évêque de Lodève, comportant une devise pour l'an 1840.. On peut penser que cette mention ait pesé sur le choix de cette année comme devant être fatidique.
Le compilateur des Nouvelles Conjectures s'intéresse également à la Prophétie de St Malachie: (Chapitre II) qu'il nomme . L'auteur note que l'on obtient une moyenne de 9 ans par pontificat en se fondant sur les treize derniers. Comme il en reste encore 14, à raison de 9 ans pour chacun, l'on obtient 126 ans.
L'auteur des Conjectures" passe ainsi en revue les Papes et leurs devises malachiques depuis la Révolution, en commençant par Pie VI, Peregrinus apostolicus, persécuté par le Directoire, puis Pie VII, Aquila rapax, "en raison de sa lutte religieuse et de son triomphe spirituel sur cet aigle ravissant dont la puissance fortuite et heureusement passagère étonna l'Univers". Puis il en arrive à.i.Pie VIII, vir religiosus, le prédécesseur de Pie IX.
L'auteur considère que la Révolution Française a des exégètes face à des textes restés inintelligibles.
Il est aussi un des premiers commentateurs français de la Lettre (à) sur la fin du monde" du Chanoine Rémusat (qui avait en 1786 repris à son compte l'année 1860, avancée par Rondet, texte qui figurera par la suite dans certains recueils, outre ses parutions séparées. Il est remarquable que l'on n'ait pas signalé que l'année 1790 qui figure chez Rémusat pouvait désigner la Révolution Française.
Mais notre auteur est surtout le premier, à notre connaissance, au lendemain de l'accession deLouis- Philippe d'Orléans au pouvoir à avoir indiqué l'an 1840 comme celui d'un changement au sommet. Rappelons toutefois que Thomas Martin, au début de la Restauration (cf supra), avait déjà avancé cette date.
Signalons toujours en 1831 un commentaire des centuries de .i.Nostradamus; favorable à Louis-Philippe, qui salue une nouvelle dynastie que lui (la France) a destiné la Providence. A. M. .Caze publie à Paris (chez Stahl) des Prophéties de Maître Michel Nostradamus où il a annoncé en 1555 les événements calamiteux et les grandes mutations survenus sur la Terre depuis 1789 jusqu'en 1831 et où il est annoncé pour l'avenir des grands changements et des prophètes avec leur explication et des observations politiques (BNF, Ye 48356)
.
En fait, ces publications reflètent et accompagnent le climat politique de l'époque: en novembre 1832, la duchesse de Berry, mère du petit Henri, duc de Bordeaux, est arrêtée à Nantes à la suite de son action en Vendée. En mars de cette même année, un complot légitimiste avait échoué à Paris. Le 15 juillet 1832 une proclamation sera affichée ". C'est aujourd'hui la fête d'Henri, de votre roi légitime, qu'un perfide parent a chassé du trône de ses pères (à) Henri cinquième du nom (à) va atteindre sa douzième année et tous ceux qui ont eu le bonheur de le voir et de l'approcher depuis deux ans, vous ont dit qu'aucun enfant de son âge n'était aussi instruit, aussi avancé, ne promettant autant".



Béranger et la comète de 1832


Il semble que l'on ait annoncé la fin du monde pour 1832, Pierre-Jean de . Béranger s'est fait l'écho de cette frayeur:

Dieu contre nous envoie une cométe
A ce grand choc nous n'échapperons pas
Je sens déjà crouler notre planète
………………………………………..
Vite, à confesse, allez âmes craintives
Finissons en, le monde est assez vieux!
Le monde est assez vieux...”
En 1833, Béranger publie une chanson intitulée "Nostradamus".
"Nostradamus qui vit naître Henri IV / Grand Astrologue a prédit dans ses vers/ Que l'An 2000 date/ Qu'on peut débattre/ De la médaille on verra le revers/ Alors, dit-il, Paris, dans l'allégresse/ Au pied du Louvre ouïra cette voix/ Heureuse France soulagez ma détresse/ Faites l'aumône au dernier de vos rois"


Le recueil de Demonville;
En 1832, un certain Demonville publie un Exposé des différentes prédictions sur l'avènement du Pontife Saint, couronné par les Anges et du Monarque fort, auxilium Dei, Lilifer, secours de Dieu, dieudonné, porteur de Lys.
On y retrouve en grande partie le choix des deux recueils de Bricon, parus depuis peu: Jérome Botin, Vatiguero, Olivarius et Holzhauser. L'étude de ces textes fait d'ailleurs apparaître des éléments quasi identiques. Demonville liera fortement prophétie et politique lors d'une candidature assez dérisoire à l'élection à la Présidence de la République de décembre 1848, mêlant Holzhauser et la prophétie des papes avec des préoccupations constitutionnelles.

La suite d'Olivarius.
En 1831, quatre ans après la dernière édition de la Prophétie d'Olivarius, l'on trouve, sous le nom de Mademoiselle Lenormand, Cinq feuillets des Tablettes Prophétiques de Jorael" in L'Ombre de Henri IV au Palais d'Orléans", qui constituent une suite à la Prophétie d'Olivarius" le sixième feuillet figure dans Le petit homme rouge au Château des Tuileries, titre qui fera fortune (cf infra).
En 1832, parut le septième feuillet in le Manifeste des Dieux" puis, enfin, en 1833, les feuillets huitième, neuvième et dixième, in Arrêt Suprême des Dieux de l'Olympe". Ces feuillets, tous parus chez Dondey-Dupré Père et fils rédigés au début du règne de Louis- Philippe, pourraient constituer le chaînon reliant la Prophétie d'Olivarius à celle d'Orval.
Il importe d'étudier de quelle façon Marie-Anne Adélaïde Lenormand procéda pour écrire une suite à la Prophétie parue en 1820, sinon plus tôt. Problème qui se pose pour tout auteur ou continuateur qui veut élaborer une suite, à commencer par le canon nostradamique. En outre, de telles suites achèvent de nous convaincre de la modernité de la dite Prophétie.
Le texte de 1820 débutait ainsi:
"La Gaule Itale verra naître non loin de son sein un être surnaturel (..). Ce chemin sinueux lui baillera force peines."
Le premier feuillet d'Olivarius de 1831, comporte le passage suivant:
"L'être surnaturel que la Gaule Itale avait vu naître non loin de son sein (à). Onc (sic) l'un des siens encore jeune s'ouvrira à travers mille obstacles un chemin sinueux".
Et bien entendu l'on retrouve à plusieurs reprises l'allusion aux Capets: "le sang du vieil roi de la cape" ou "le vieux roi de la cape" alors que dans l'édition de 1820-1827, cape s'écrivait "cap": les rois du vieil sang de la Cap. Or l'orthographe qui s'imposera dans les recueils prophétiques n'est pas Cap mais Cape.
Entre janvier 1831 et février 1833, parurent donc au nom de Mlle M (arie) A (nne) Le Normand, dix feuillets d'Olivarius tandis que devaient continuer à s'écouler les Mémoires Historiques et Secrets. de 1827.
La dernière livraison, celle du 28 février 1833-l'on songe à Massard, Jacques dans les années 1686-87- au sein de l'Arrêt Suprême des Dieux de l'Olympe comporte trois "feuillets de révélations", de 8 à 10 (pp. 133 et seq.). Louis-Philippe est désigné sous le nom d'"allié du vieux sang de la Cappe (sic) auquel il est conseillé de "rappeler le roi du lys" (Neuvième feuillet). Dans le dernier feuillet, Mlle Le Normand - le titre de l'ouvrage n'en fait guère mystère - semble prôner une régence, avec la Duchesse de Berry, laissant à Henri V le temps de mûrir puisqu'il n'a en 1833 que treize ans, âge de la majorité royale cependant. Elle ferait donc partie du complot prophétique visant à obtenir le départ de Louis-Philippe, qui ne sut s'en tenir à un rôle de régent.
"Que le sage et le plus discret deviendrait le tuteur du jeune Lys avec icelle dame vray royne, adoptant les couleurs de son écu. Ainsi le prince captif aurait loisir pour s'enquérir à l'aise des hauts faits des paladins français et se fortifierait en science et sagesse" 8
Le dernier feuillet d'Olivarius désigne d'ailleurs 1840 (p.141), ce qui recoupe l'interprétation de la Prophétie d'Orval. En 1833, la duchesse, la "Dame du Lys", est en délicatesse avec le pouvoir:
"Nous sommes les maistres, ains ne voulons plus de maistres, retournez à Palerme", lieu de naissance de la Duchesse.
Un tel texte, par sa transparence, par sa précision, relève davantage du pamphlet politique que du prophétisme classique. Il s'agit de refléter et d'influer sur les événements du jour. Mais n'en était-il pas déjà ainsi, peu ou prou, du moins pour les lecteurs de l'époque, lorsque Michel de Nostredame traitait, par le jeu de ses quatrains et de ses anagrammes transparents, des intrigues de cour à la fin du règne éphémère de François II.? Si l'on respecte, avec plus ou moins de bonheur, un certain archaïsme de la langue, en revanche, l'on ne se donne pas la peine de recourir à un codage des années: le huitième feuillet d'Olivarius débute carrément ainsi: "Vers l'an du Seigneur 1833 voire après". La Sibylle, dont les oeuvres sont récapitulées sur plusieurs lignes, sur la page de titre de chaque publication, avec ses "Révélations", vient au secours de la Duchesse et de son jeune fils...
Déclin, on le voit, du discours prophétique: le texte devient par trop explicite comme si l'on ne faisait plus trop confiance en la perspicacité du lecteur moyen. On lui met les points sur les i. A moins que l'on ne jette le masque et que sous couvert de prophétisme, il s'agisse d'une action politique en bonne et due forme...
Parmi les similitudes entre prophéties d'Olivarius et d'Orval, notons l'usage de "cap" ou "cape" pour Capet: chez Dujardin, dans l'Oracle pour 1840 , on lit: "le vieux sang de l'homme de cap (sic)" qui se change chez Collin en "vieux sang de la cape" .
Le 23 juin 1843, la "Sibylle du XIXe siècle" meurt avant le terme qu'elle s'était fixé. A l'occasion du décès de Marie-Anne Adélaïde Le Normand, née en 1768 à Alençon, qui avait rayonné tant en France qu'en Angleterre, plusieurs biographies parurent, les unes favorables, les autres hostiles ou satiriques. Encore en 1843,le Ministère de la Justice fut mis au courant des visées du milieu prophétique:" Je joins à l'envoi l'un des exemplaires saisis. Il vous sera facile en le parcourant de reconnaître que cette publication intitulée Le Livre de toutes les Prophéties est hostile au gouvernement du roi et que plusieurs passages, notamment ceux où se manifeste l'espérance du retour de la dynastie déchue, pourraient donner lieu à des poursuites" . On comprend qu'il ait fallu user de stratagèmes.
Un certain Hortensius Flamel - que nous étudierons plus avant sous ses autres identités, éditera et commentera les Dernières prophéties de Mlle Le Normand Marie (BNF, R 41565). Le même auteur, sous le nom de Francis Girault, produira une Mlle Le Normand, sa Biographie complète, seule autorisée par sa famille (BNF Ln27 12279) en la même année 1843. Le texte est assez proche mais ne comporte pas les prophéties. De son vrai nom, Gabriel Bourbon-Leblanc, cet auteur prolifique fit partie de l'entourage de Naundorff.
Il convenait de trouver, comme pour Etteilla, une disciple de Mlle Lenormand : dans ces Dernières Prophéties (1843), il est proposé une MademoiselleClément . qui publiera en 1852 un Flambeau de l'Avenir.
Que disent ces "Dernières prophéties" de 1843 que la Sibylle aurait laissées dans une cassette à sa mort? Une fois de plus, les enjeux politiques sont présents. On attribue ainsi à Mlle Le Normand d'avoir annoncé le fatal accident du fils de Louis- Philippe de 1842. On y retrouve des éléments récurrents dans la Prophétie d'Olivarius: " jeune captif", "fils de Brutus", "six vingt jours".
On sait que Mlle Le Normand est favorable au retour d'Henri V: "Je vois maintenant l'époque d'un roi qui s'accomplit. Ni régence, ni règne d'un enfant ne succèderont. Un exilé reviendra et la couronne sera posée sur sa jeune tête" Et le pape viendra l'oindre.
Pronostic assez frappant: "le royaume deviendra une seconde fois un empire". Annonce du second Empire? Probablement, dans l'esprit du rédacteur bien éloigné des ambitions de la famille Bonaparte, s'agit-il de la résurgence des espérances d'un François Ier.
En cette année 1843, Louis Dubois, ironisera à propos du recueil posthume des Dernières Prophéties:
Dans les Souvenirs, cette prophétie qu'elle prétend avoir formulée en 1814, mais qu'elle n'a imprimée qu'en 1815, est évidement faite après coup. L'auteur du Mirabilis Liber qui la livra à l'impression vers 1500 fut moins prudent que la Sibylle Alençonnaise: il la donna pour 1525 au plus tard. Or elle ne se réalisa pas”.
En cette même année 1843, paraît à Bruges, l'Essai sur l'influence des comètes sur les phénomènes de la terre de l'anglais Thomas Ignace Forster, qui constitue un historique sur les croyances dans l'influence des comètes, notamment chez Kepler. Or précisément, l'année 1843 fut marquée par une certaine effervescence prophétique autour d'une comète.

Les mises en garde de Galland
Gabriel Galland avait (cf supra) effectivement privilégié l'année 1830 dans sa prophétie de 1827 et il n'oubliera pas de le rappeler dans ses écrits suivants: La Paix et la vérité aux hommes, annoncée dès 1826 (BNF, D 35534) en 1832. Il publiera dans la foulée Le Trône de la Parole de Dieu, la vérité dévoilée ou le Second Avènement de Jésus Christ" (BNF, D 35536) en 1837. Il y avertit Louis-Philippe qu'il connaitra le même sort que Charles X s'il ne l'écoute pas.

Spéculations autour de Louis XVII
Au début du règne de Louis-Philippe, l'exaltation autour des "faux dauphins", c'est à dire de l'éventuelle survie du fils de Louis XVI , connaît un nouveau souffle, avec une multiplicité de candidats .
Thomas Martin, dont on considère qu'il aurait annoncé à Louis XVIII la survie du Dauphin, lui déconseillant de se faire sacrer à Reims, est récupéré par un légitimisme qui s'efforce de prévaloir sur celui qui concerne Henri V. Il aurait même été question d'un mariage de Naundorf avec la duchesse de Berry, désormais veuve, tout comme le fils de Charles X avait épousé sa cousine germaine, Madame Royale, Marie-Thérèse, soeur de Louis XVII.
Silvy, en janvier 1831, fait paraître une nouvelle édition de sa Relation, "augmentée de plusieurs lettres du sieur Martin écrites en 1821" (BNF, 8° Lb48 528C). Il cite in fine un texte, extrait des Mémoires d'une femme de qualité" (Tome II, Ch 27 et 28), relatif à l'entrevue de Thomas Martin avec Louis XVIII. On a signalé le texte de l'abbé Perrot paru chez Bricon: Le passé et l'avenir expliqués par les événements extraordinaires arrivés à Thomas Martin (avec) quelques mots sur les relations publiées à ce sujet par M. S (ilvy. L'ouvrage paraît chez Edouard Bricon. On reprochera notamment à Silvy d'avoir mentionné des passages douteux des Mémoires d'une femme de qualité, dont les auteurs sont Damas-Hinard, Lamothe Langon, Malitourne et Villemarest (BNF, 8° La37 1).
Peu après on peut lire une réplique intitulée: "M. S (ilvy)...à l'auteur de l'écrit intitulé Le Passé et l'avenir expliqués etc" (BNF, Lb48 2899) dans laquelle l'auteur de la Relation se plaint de ce que son texte ait été repris, sans son accord, dans le Passé et l'Avenir.
L'ouvrage publié chez/par Bricon comportait au titre un développement supplémentaire: "Dissertation (..) sur les "Mémoires" dits du duc de Normandie". La formulation trahit assez ses doutes.
En 1831 étaient en effet parus de tels Mémoires (..) du fils de Louis XVI écrits et publiés par lui même" (BNF, 8° Ln27 15061) dont l'auteur, au service de Richemont, serait un certain Saint-Edme (pseudonyme d'Edme-Théodore Bourg). L'auteur s'inspire du Journal de Cléry, valet de chambre du Roi .
Bricon aurait-il été hostile à l'existence de Louis XVII? Bien au contraire, mais il met en cause le bien fondé de la prétention du Baron de Richemont à être le Dauphin. Bien plus, la rencontre de Martin de Gallardon avec Naundorf s'effectuera chez lui en septembre 1833. Bataille de prétendants où il semble que l'"ex Baron de Richemont" ait été le premier à prendre position officiellement, en tout cas au niveau de l'édition, à une époque où l'on disputait également les chances de Napoléon II. Il est à remarquer à propos de Naündorf - avec l'umlaut qui souvent disparaît - que le cas du petit fils de l'Empereur d'Autriche a pu l'encourager: est-ce que le Roi de Rome n'a pas oublié également le français au profit de l'allemand, est- ce qu'il n'a pas des souvenirs assez vagues de ses premières années à la Cour de France? Est-ce que sans son exemple, celui qui se prétend duc de Normandie, aurait pu songer à surmonter son handicap germanique? Henri V, lui-même, en résidant à Frohsdorf suivra peu ou prou ce modèle d'un prétendant venu de l'Est.
Thomas Martin avait-il lors de son entrevue avec Louis XVIII fait allusion à Louis XVII. Il semble bien que cette thèse, reprise d'ailleurs par le cultivateur lui même, soit tardive, comme l'indique Silvy, liée précisément à l'apparition de nouveaux candidats au titre de Dauphin, au début de la Monarchie de Juillet.
Parmi les naundorfistes les plus acharnés, signalons le comte Modeste Gruau de La Barre qui publie en 1834, à Londres, un Abrégé de l'Histoire des infortunes du Dauphin, ouvrage qui sera très vite publié en anglais, An abridged account of the Misfortunes of the Dauphin, toujours à Londres, en 1838, (BNF) , alors que le pseudo-Baron de Richemont avait dès 1831 fait paraître des Mémoires du Duc de Normandie. (BNF, 8° Ln27 15065). On notera que Gruau préfère l'expression "Dauphin" à celle de "Louis XVII". Bourbon-Busset -Leblanc publiera en 1835, à Paris, une mise au point Le véritable Duc de Normandie ou réfutation de bien des impostures (BNF, Ln27 15073).

Le retour de Cagliostro
Lamothe-Langon exploite le filon de l'Affaire du Collier et de la période qui précéda la Révolution. En 1834, il publie un "roman historique", Cagliostro ou l'Intrigante et le cardinal (BNF, Y2 20477) qui devient en 1840 "Marquise et charlatan ou l'Intrigante et le Cardinal" (BNF, Y2 47150). Il y reproduit notamment le "Mémoire à consulter de Mlle Leguai d'Oliva dans le procès du Collier". Cagliostro y est appelé "chef des mages modernes," " chef sublime des sciences occultes". Il devient un acteur central dans le procès du cardinal de Rohan. En 1846, Lamothe- Langon publiera de pseudo Mémoires de la Comtesse de Valois de La Mothe. (BNF, Ln27 11297)

Les pseudo-déclarations de Louis XVIII.
Lamothe-Langon a, en effet, produit un grand nombre de fausses ou de faux Mémoires de personnages célèbres dont certains visaient, selon N. Cohn, à favoriser Naundorff.
C'est ainsi que dans les Soirées de Louis XVIII, (Paris, 1835, op. cit. p. 329, le roi se serait ainsi exprimé sur l'affaire des faux dauphins:
"Si le Masque de fer a trouvé tant d'admirations crédules, il fallait s'attendre que le roi, mon neveu, descendu au tombeau dans l'enceinte étroite et cachée d'une prison ne manquerait pas d'intrigues (..). A Hervagault a succédé Mathurin Bruneau qui osa se dire Louis XVII sous la main de fer de Buonaparte, et qui aujourd'hui me redemande son sceptre" (59e soirée), "Le masque de fer"). Louis XVIII ne pouvait de toute façon ignorer que certains prétendaient être son neveu et retrouver un jour ou l'autre leur trône perdu. C'est dans la perspective d'un retour possible annoncé que le prophétisme assume sa fonction récurrente.

Les attaques contre le prophétisme.
Quel rapport existe-t-il entre le prophétisme et les faux dauphins, demandera-t-on. En 1837, A (uguste) F. V. Thomas, répond à cette interrogation, notamment, dans son Naundorff, mémoire à consulter sur l'intrigue du dernier des faux Louis XVII (BNF, 8° Ln27 15083), ouvrage probablement réalisé à l'instigation de la police, contre La Voix d'un proscrit, mémoire historique et judiciaire (BNF, 8° Lb51 3068) périodique naundorfien (cf infra), et qui provoquera, l'année suivante une Réponse au pamphlet intitulé Mémoire à consulter, de Ch. de Tenper , Paris (BNF, Ln27 15084).
Le texte de Thomas nous semble assez éclairant et inspirera Quèrard il aborde le cas de Martin de Galardon: "Les prophéties de Martin, sur lesquelles on avait gardé un silence prudent, on les tout à coup révélées et on a eu d'autant plus de facilité à leur donner un grand caractère d'exactitude qu'on les a taillées sur les événements accomplis. A mesure que l'avenir devenait du passé, le livre prophétique s'agrandissait pour recevoir de nouvelles pages. C'est ainsi que Martin s'est trouvé avoir annoncé la mort de Mgr le Duc de Berry, la révolution de Juillet, l'apparition de M. Naundorff, sa reconnaissance par le paysan de Galardon" Et de poursuivre à propos de 1840: "Nous ne parlerons pas de son avènement au trône qui aura lieu en 1840, parce que, sans doute, d'ici là (à) son règne (sera) encore différé de quelques années pour punir la France du peu d'enthousiasme qu'elle a fait éclater en apprenant sa venue".
Puis Thomas analyse la complicité qui lie prophètes et prétendants:
Naundorff "se fit adepte de Martin et les Martiniens ne voulant pas être de retour de courtoisie (et) se firent Naundorfistes. Il admit que le paysan de Gallardon était un prophète et les partisans de celui-ci admirent que l'horloger prussien était le fils de Louis XVII". On pourrait vraisemblablement retrouver le procédé dans certains liens entre Henri de Navarre et un Chavigny, autour de 1589.
En 1850, Quèrard consacrera à la question de nombreuses pages de ses Supercheries Littéraires, dépassant l'ampleur habituelle de ses notices . Dans un article intitulé "Quérard pamphlétaire", il se fera sévèrement rabrouer dans les colonnes de l'Inflexible, journal proche de Richemont , pour avoir mélangé les textes favorables à celui-ci et ceux qui soutenaient Naundorf ou ses héritiers. C'est à cette époque, en 1850, que Richemont aurait rencontré la "prophétesse de Niederbronn".

L'attente autour du fils de Louis-Philippe
Alors que le petit fils de Charles X a le double handicap de l'âge - l'idée d'un enfant roi et d'une régence est plus difficile à accepter au XIXe siècle - et de son oncle, le Duc d'Angoulême, sans parler de Louis XVII, certaines prophéties se portent vers Ferdinand- Philippe, né en 1810, aîné des fils de Louis Philippe .
C'est dans un commentaire autour de la prophétie d'une religieuse que nous découvrons une telle attente: Prophéties d'une religieuse de Belley, publiées par M. de la Marne, Paris, 1831 . Il s'agit de l'oeuvre de Louis Philibert Machet de la Marne .
Prophétie: "En l'an 1840, l'enfant de l'exil lui succèdera et la paix alors sera donnée à la France. (p. 9)
Commentaire: " En l'an 1840, le duc de Chartres né à Palerme durant l'exil de ses parents, succèdera à son père qui, pour finir sa vie dans le repos, lui aura cédé le trône. En ce temps, une paix profonde se fera dans toute la France."
Lorsque Collin de Plancy publie en 1840 sa Fin des Temps, préfacée par Bareste, il reprend ce passage ayant 1840 pour échéance, sans le commentaire certes mais en renvoyant explicitement au texte de Machet de la Marne. En 1848, l'édition belge comporte toujours la référence à 1840. En revanche, celle de 1871, parue chez Plon, ne mentionne plus cette date (p.134): on lit seulement "L'enfant de l'exil lui succèdera; la paix alors sera donnée à la France. Mais la fin des temps ne sera pas éloignée". En revanche, la mention de juillet 1830 est restée puisqu'elle annonce la Monarchie de Juillet, information dont disposait le rédacteur de la dite prédiction qui ne semble pas avoir été publiée auparavant.
Il convient donc de se reporter à Machet, auquel se réfère Demonville , dont le texte prend acte de la multitude des prétendants, qui n'est pas sans évoquer l'élection d'un roi de Pologne, un trône est à prendre; dans le texte de Collin, on lit "Des cris retentissent de toutes parts: Vive la république, vive Napoléon, vive Henri, Vive louis". Là encore, le compilateur a supprimé les chiffres figurant en 1831: Napoléon III, Henri V, Louis XVII. En fait, c'est bien un autre candidat qui est ici prévu, on l'a vu, Ferdinand-Philippe , le fils du roi des Français.
Ainsi par le jeu des renvois bibliographiques - dont on saisit le rôle déterminant pour une sorte de jeu de piste - le lecteur finit-il par découvrir ce qui est en filigrane dans le recueil: non pas l'avènement d'un Bonaparte ou d'un Bourbon de la branche aînée mais du rejeton de Louis-Philippe, ce qui aurait pour effet d'engager de façon décisive le processus dynastique au delà de sa seule personne, c'eût été clore alors définitivement le chapitre Charles X comme Machet le note dans sa troisième édition. Mais en 1842, Ferdinand-Philippe meurt, victime d'une chute de calèche, à Neuilly, chemin de la Révolte . En tout cas, la mort du Duc d'Orléans fut ressentie comme une catastrophe pour les Orléanistes. Madrolle y voit un parallèle avec la fin du duc de Berry. Dans les deux cas, le flambeau passe au petit-fils, encore enfant mais cela le conforte surtout dans ses espérances en faveur de Naundorf.
Désormais les chances de Louis-Philippe s'amenuisent sensiblement de constituer une souche royale car le prince défunt laisse un tout jeune fils, le comte de Paris, ce qui empêche un autre fils du roi de remplacer le Duc d'Orléans. Il importe de mettre en place une éventuelle régence, le roi se sentant vieillir. Deux ans après, meurt le Duc d'Angoulême, Karl Naundorf, l'horloger qui se prétendait Louis XVII, décède en 1845: le champ est libre pour Henri V, qui en 1845 a 25 ans.
Ainsi, les conspirateurs de cette campagne prophétique auraient-ils visé une révolution de palais, le fils, Ferdinand, remplaçant le père abdiquant, non sans avoir atteint une certaine apogée, notamment en s'alliant à un pape Hohenlohe (cf infra).
Or, cette espérance n'est nullement le seul fait de quelque illuminé: Casimir Périer avait en 1831, alors qu'il est Président du Conseil, envisagé une telle issue pour créer un fait dynastique. Le Prince Royal, le nouveau Duc d'Orléans qui depuis l'avénement de son père, fait carrière dans l'armée, soutenu par le Maréchal Soult qui opine dans ce sens, sera mis en avant, à l'occasion des émeutes des canuts de Lyon de novembre. Mais Périer meurt du choléra en 1832, à la suite d'une visite à l'Hôtel Dieu en compagnie du Duc d'Orléans .
Machet de la Marne confirme au demeurant sa thèse en citant un autre texte, celui d'un "cultivateur de Villeneuve de Berg". Il s'agit d'un certain Deleuze, lecteur de Nostradamus, qui annonce un règne "court" pour le futur Louis-Philippe". Machet commente: "Ce règne durera 10 ans (..). En le comparant à ceux de 30 et 40 années, on peut le trouver court" (Troisième édition p. 19)
Machet confirme sa prophétie à propos du fils de Louis- Philippe (p. 22, note 3). "Au moment de l'abdication de Philippe (Louis-Philippe), l'empereur de Russie se trouvera près de Turin, à la tête d'une armée, et le duc de Chartres, dans la ville même. L'empereur conduira ce prince jusqu'à la frontière de France, où des régiments français iront le recevoir" (Troisième édition, p. 23).
Quant à Henri V, Machet, qui publie en 1831, le verrait bien régner "dans une province des états napolitains qui lui sera donnée en apanage par S. M. le roi de Naples, son oncle" (p. 20, note 2). On se débarasse ainsi assez cavalièrement du petit-fils de Charles X.

La satire des Prophéties
Il eût été bien surprenant qu'une telle agitation prophétique restât sans réaction. L'historien de ce domaine se doit d'explorer les résistances et les rejets, nous l'avons vu à propos des "Faux Dauphins".
A la fin de 1830 qui avait notamment vu paraître les productions d'Edouard Bricon , on publiait à Lyon (Impr. Gabriel Rossary) des Etrennes aux amateurs de Prophéties politiques ou l'année 1831" (BNF, Ye 21636).
Il s'agit d'un long texte en vers faisant référence au Liber Mirabilis (sic) et àHolzhauser, accessoirement, à deux reprises, à Nostradamus, mais aussi à Deleuze et à Martin de Gallardon.
L'auteur est un des premiers à dénoncer l'attribution de la Prophétie de Vatiguero" à Saint Césaire:
"Nous croyons à Césaire, antique et saint- prélat
Mais le Césaire obscur moine de son état
Qui dans un faux latin de l'avenir nous parle
N'est pas le saint- pasteur qu'on révère dans Arles"
A propos du Mirabilis Liber:
"LIBER MIRABILIS, je l'ai lu ce bouquin
Ces noires visions d'un portefroc taquin
Et son commentateur le père MALACHIE
Ces deux moines cruels nous donnent l'anarchie"

Et d'imiter le style animalier et floral:
"Et triomphant enfin der la rébellion
Par le serre de l'aigle ou la dent du lion
Ou par un fils de roi présentent à la France
Une branche de lys, symbole d'espérance"

Toujours en vers, on nous rappelle que le "savant.Barbier, qui l'attribue à "Bermevhobi (sic)" - déformation de Bemechobus/Methodius - affirme que le livre fut imprimé au XVIe siècle "vers l'an 45", mais dans ce cas que dire des Prophéties qu'il comporte et qui s'arrêtent en l'an 1516? Rappelons que pour relier ce texte aux événement révolutionnaires et post-révolutionnaires, il convenait d'utiliser un chiffre complémentaire.

Thomas Martin et l'attente de 1840
L'avènement de Louis-Philippe puis l'approche de la date fatidique de 1840 conduisent à des rééditions de la Relation de Silvy qui adopte en 1830 un titre plus explicite: Relation concernant les événemens qui sont arrivés au sieur Martin (à) dans les premiers mois de 1816. Nouvelle édition augmentée de plusieurs lettres du sieur Martin sur de nouvelles apparitions etc, chez Hivert (BNF, 8° Lb48 528). A la suite de cette réédition, paraît en cette même année 1831, à Paris et à Marseille une Concordance singulière de deux prétendues apparitions qui ont fait beaucoup de bruit en France pendant les XVIIe et XIXe siècles (BNF, Lb37 4089). Ce recueil comporte une première étude sur François Michel, Maréchal Ferrant de Salon reçu par Louis XIV, l'autre l'"entrevue de Thomas Martin " avec Louis XVIII. On y trouve également d'autres prophéties: Malachie, Liber Mirabilis, Nostradamus.
En 1832, Bricon, publiera un quatrième volume prophétique, d'un certain Perreau: Le Passé et l'avenir expliqués par des événements extraordinaires arrivés à Thomas Martin Thomas laboureur de la Beauce (..). On y a joint une dissertation sur le procès- verbal de la mort de Louis XVII, sur les Mémoires dits du Duc de Normandie (BNF, 8° Lb48 2898). Silvy, dont le texte figure dans ce recueil, réagit, en cette même année 1832, par une réponse figurant séparément puis dans une réédition de sa Relation. Silvy opte désormais pour l'autre variante à propos de 1840: "L'Ange lui annonça encore que la paix ne serait pas rendue à la France avant l'année 1840" (p. 31).
La chute de Charles X s'accompagna par ailleurs dans les années 31-32 de l'émergence des prétentions d'un Louis XVII, ayant atteint la quarantaine parallèlement à celle d'une régence en faveur d'Henri V, âgé de dix ans. Il semble bien que dès la Restauration, des prétendants se soient présentés. Un recueil des Destinées futures de la France paru en 1832 comportant une Lettre àLouis- Philippe Ier lui demandant d'abdiquer en faveur du petit fils de Charles X., alors âgé de 12 ans. C'est aussi un exemple d'utilisation orientée des Prophéties (de Moult) deMoult . Son auteur A. Antoine (de St Gervais ) nous indique qu'il se sert d'une édition comportant également la Prophétie de Naples" dans laquelle figure pour l'année 1840 la formule ": " Pastor non erit. Il pourrait s'agir des Nouvelles Conjectures" Les "prophéties de Thomas Martin laboureur à Gallardon en Beauce" y figurent en bonne place (p. 4).
La publication du recueil de Perreau, chez Bricon trouve également à partir de juillet 1832 un écho dans le Journal des Presbytères et Archives de la Religion Catholique (BNF, F 37486): "Notice historique sur Martin de Gallardon et sur ses apparitions". A propos de la date de 1840, on peut lire: "L'Ange lui annonça que la paix ne serait rendue à la France qu'après l'an 1840 ". En note, il est précisé: "Voici les propres expressions de l'Ange à ce sujet: " Si la France ne se hâte de mettre fin à ses désordres, elle sera dans l'agitation jusqu'à l'an 1840". La première décennie du règne de Louis- Philippe n'est pas présentée sous les meilleurs auspices à moins de prendre des mesures radicales.
En cette même année, un certain Fortin publie à Paris (BNF, 8° Ln27 15065). contre Antoine (de Saint-Gervais), une Existence de Louis XVII prouvée par les faits et les prophéties et réponse aux brochures de MM de St Gervais et Eckard . On y trouve une "Suite des Prophéties de Saint Césaire archevêque d'Arles et qui se trouvent pages première et suivantes Libri Mirabilis, déposé à la Bibliothèque Nationale de Paris et dont l'édition remonte aux premiers temps de l'imprimerie".
Fortin essaie d'y montrer que les textes prophétiques ne conviennent que pour le fils de Louis XVI. "Mais un prince qui aura été captif dans sa jeunesse "juvenis captivatus" recouvrera la couronne de lis etc" ne peut concerner que le fils de Louis XVI. Il n'y a de prince captif dans sa jeunesse que le Duc de Normandie. "Recouvrera la couronne des lis": pour recouvrer un bien, il faut l'avoir possédé puis perdu." Voilà probablement qui veut disqualifier le Comte de Chambord. En renfort de Mademoiselle Le Normand.
Curieusement, son adversaire, Antoine de Saint-Gervais, qui défend la thèse de la mort du Dauphin à l'instar d'un Jean Eckard est également, on l'a vu, un chaud partisan des prophéties et singulièrement de celle dite de Saint Césaire avec ses Destinées futures de la France d'après les révélations prophétiques de personnes inspirées du ciel suivie d'une lettre à Louis-Philippe Ier. "Notre jeune Henri, écrit Antoine, a bien été captif depuis son départ de St Cloud jusqu'à son embarquement à Cherbourg"
En 1839, un certain Elie Caisson met en cause les travaux de Bellaud dans Napoléon Ier, empereur des Français, prédit par Nostradamus". Il montre que d'autres quatrains complètent fort bien le portrait de l'Empereur, lesquels ont été négligés par ses thuriféraires de 1806.
Il circule également dans les années trente des mémoires de Napoléon à Ste Hélène (BNF, Lb51 2217) à caractère prophétique: ainsi ce Manuscrit du Matelot anglais, l'intime de Napoléon William Killian publié par M. Hibermann, libraire à Philadelphie" paru dans un Extrait des Prévisions, Prédictions et Prophéties de Napoléon à l'Ile Ste Héléne.
En date du 6 juillet 1820, on y lit (p.16):
"Aujourd'hui, le général a beaucoup parlé de cette demoiselle Lenormant (sic) qu'il a déjà citée. C'était une fille fort extraordinaire, qui eût pu jouer un plus grand rôle dans le monde, si elle eût eu plus de hardiesse. Napoléon a dit: "J'appris qu'elle voulait publier les malheurs que l'avenir me préparait. J'allai la trouver et la menaçai des oubliettes de Vincennes. Cette pauvre fille toute tremblante me jura que personne au monde n'entendrait parler ni de l'île d'Elbe, ni de Ste Hélène; qu'elle aimerait mieux renoncer à son art que de troubler en rien le repos de ma majesté. J'ai souvent regretté d'en avoir ainsi agi avec elle, non pas que j'éprouvasse des remords d'avoir parlé d'oubliettes (c'était plaisanterie de ma part) mais j'aurais voulu que le monde connût ces prédictions: en les voyant accomplies, on n'eût pu douter de la mission que j'avais reçue".

Les Prophéties pour 1912
En 1837 le Comte N. d'Hédouville fait paraître, chez Perisse Frères, Les sept âges de l'Eglise ou Introduction à la lecture de la Révélation de St Jean" (BNF, A 9095) qui reprend le calcul de l'AbbéWurtz qu'il cite seulement comme l'"auteur des Précurseurs de l'Antéchrist", à partir de l'An 622, début de l'ère musulmane, auquel on ajoute autant d'années qu'il y a de jours (1290) figurant dans le Livre de Daniel". Mais il existe une autre série de 1335 jours, soit un écart de 45 jours. On lit en effet dans Daniel (XII) 11-12): "Il se passera 1290 jours. Heureux celui qui attendra avec confiance et verra la fin des 1335 jours", qui seront la durée de vie de l'Antéchrist (p.341), ce qui nous amène à 1957 si l'on change les jours en années. Et de noter que parmi ceux qui sont en vie en 1836, beaucoup connaîtront cette fatidique année 1912.

II - La prophétie d'Orval et 1840.

Pour qu'il y ait processus prophétique, il faut qu'il y ait généralement un intérêt politique assez immédiat, même lorsque le travail impliqué peut sembler disproportionné. C'est ainsi que la Prophétie de St Malachie a fort bien pu être élaborée, initialement, dans le seul but de faire élire un Pape, le futur Grégoire XIV, ou mieux encore un cardinal qui ne fut même pas choisi (devise 75 De antiquitate urbis).

Les années 1839-1840 et la Cabale contre Louis Philippe
La Prophétie d'Orval" - qui constitue l'apport principal du XIXe siècle à la littérature du genre en France - fut, on le conçoit, l'oeuvre d'opposants au pouvoir Orléanais. Rappelons que Mademoiselle Lenormand continue à publier ses "feuillets d'Olivarius" dans les Années Trente et il nous semble très probable que la Prophétie d'Orval soit un avatar de ceux- ci, elle puise simplement dans les mêmes sources, outre qu'on l'attribue à un certain Philippe Olivarius. Des formules comme "Celte Gaulois" semblent fort lenormandiennes. On retrouve le nom de Brutus, emprunté à Vatiguero, dans les feuillets, on y recourt à la Lune pour marquer le temps, même si la prophétie d'Hermann de Lehnin, liste des rois de Prusse, sur le modéle de la prophétie de Saint Malachie 9a pu inspirer le récit de l'invention du texte (abbaye cistercienne). Si Mlle Lenormand, Marie-Anne ou ceux qui travaillent pour elle, n'ont pas crié à l'imposture lors de la parution de la Prophétie d'Orval en 1839, ne serait- ce pas parce que celle-ci était partie prenante?
On cite également vers 1840 le quatrain de Nostradamus:
Philippe, sept ans fortune prospère
Arrêtera des Arabes l'effort
Mais, après adverse affaire
Un jeune oignon abîmera son fort”
Si l'on comprend comment 1789, 1830 et 1870 provoquèrent des réactions de type prophétique, si le fait que tel phénomène ait lieu peut rendre compte de certaines effervescences à certains moments, en revanche, l'on comprend moins bien, si l'on se situe au niveau de l'Histoire vulgarisée, ce qui a pu entraîner dans le cours de l'année 1839 une telle production, provoquer une telle fièvre. Il importera, pour l'historien de la prophétie, d'en rechercher les causes dans la vie politique de l'époque, ce qui permettra d'exhumer certains événements jugés importants à l'époque mais considérés rétrospectivement, à tort ou à raison, comme assez négligeables.

Récits d'invention
Les prophéties olivariennes accordent beaucoup d'importance à la mise en place d'une généalogie, d'une transmission étalée sur plusieurs décennies voire sur plusieurs siècles encore que les troubles de la Révolution aient, selon de tels discours, en quelque sorte contribué à faire ressortir des abbayes divers textes oubliés, lors de la confiscation; il est d'ailleurs exact que les fonds conservés par l'Eglise passèrent en partie dans les bibliothèques municipales et que le Mirabilis Liber fut exposé à la Bibliothèque du Panthéon, au lendemain de la Révolution.
En ce qui concerne la Prophétie d'Orval" nous avons le récit de l'Abbé Aimé F. James alias Henri Dujardin (Le Propagateur de la Foi (Tome V) :
Lorsque les Français révolutionnaires vinrent faire le blocus de Luxembourg (à) L’abbé d’Orval et ses moines arrivèrent dans la place avec (à) une partie de leurs archives (à) Au bout de quelques jours, l’abbé, en mettant en ordre les papiers qu’il avait sauvés trouva les Prévisions d'un Solitaire (à). Il les apporta au maréchal (de Bender) qui, dit-on, en rit beaucoup. Mais les Français de distinction qui se trouvaient dans son salon en prirent des copies, qui se répandirent dans toute la ville et au delà”.
On n'hésite pas à allécher le lecteur: "Après de longues et nombreuses recherches, nous avons découvert un vénérable ecclésiastique qui possède le commencement des Prévisions du Solitaire. Sitôt que cette pièce importante sera entre nos mains, nous nous empresserons de la publier". Il ne semble pas que cette première partie de la Prophétie d'Orval" ait jamais été publiée encore que la tâche n'eût guère été ardue puisqu'il ne s'agissait que de rédiger un historique des événements prérévolutionnaires, en un style adéquat. On voit à quel point le prophète se mue parfois en historien et le chronologiste en prophète.

Les passages manquants des Prophéties ;
Un trait commun aux Prophéties d'Olivarius et d'Orval est de ne pas être parvenues, du moins aux dires de leurs commentateurs/éditeurs, en entier. L'on n'a généralement conservé que la partie concernant l'époque de leur . C'est ainsi que la Prophétie d'Orval dans sa réédition par Dujardin de l'Oracle pour 1840 débute en 1848 par le sous titre "suite".
Or, déjà au début du XVIIe siècle, nous trouvons cet argument:
Orval: (cf.Collin de Plancy, 1840, La Fin des Temps)
Même discours, on le verra, pour la prophétie jumelle d'Olivarius.
Il est certain qu'il était préférable d'insister sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'une prophétie ad-hoc, d'où l'insistance à rappeler qu'il ne s'agit que d'un extrait qui couvre de longues périodes dont celle qui intéresse l'époque. Il y eut d'ailleurs des tentatives pour augmenter ces prophéties en les faisant commencer plus tôt.

Orval et Henri V
Si Napoléon est clairement représenté ainsi que la Restauration et la Monarchie de Juillet, celui auquel on pense dès 1840 et auquel on pensera encore en 1870, est Henri V, né en 1820 et désigné par Charles X comme successeur, alors qu'il n'a que dix ans. Il s'agit donc avec la Prophétie d'Orval" d'un document légitimiste qui rejette Louis-Philippe comme usurpateur.
Publiée pour la première fois en 1839-40 dans le but de favoriser la venue d'Henri V parvenu à l'âge de vingt ans, Louis-Philippe; ne devant, selon la volonté de Charles X;, qu'assurer une sorte de lieutenance générale, de , elle se veut antérieure à l'abdication de Charles X, si l'on en croit ses partisans. Pourquoi cette insistance dans la chronologie ? Si l'on considère que la Révolution de 1830 et ses retombées étaient assez imprévisibles _ et ce fut en effet un certain jeu de dupes _ avoir annoncé le retour d'un héritier légitime impliquait que le trône ait été perdu ou confisqué. En revanche, si la Prophétie était parue après 1830, les données du problème étaient déjà posées et le calcul politique plus évident. N'a-t-on pas parlé de à propos de cette Prophétie ? Et il est vrai que les discussions sur son authenticité sont assez comparables à celles concernant un miracle ou une béatification, ce dont le XIXe siècle fut friand, d'ailleurs.






III - Le milieu prophétique sous Louis Philippe.

1840 voit en effet - dix ans après Bricon - la publication de plusieurs sommes de prophéties qui se recopient largement et ouvertement dans une sorte de conspiration. Le mieux informé, celui qui est probablement allé le plus à la source fut l'Abbé James alias Henri Dujardin, auteur de l'Oracle pour 1840 paru à la fin de 1839. Lui emboîtera le pas le jeune. Bareste; (1814-1861) qui profite de la publication de son Nostradamus pour y joindre de nombreuses digressions empruntées à.. Dujardin et notamment une Explication des quatrains de Nostradamus". D'ailleurs il publie chez le même éditeur, Maillet, , Bareste remaniera pour la circonstance un feuilleton qu'il avait fait paraître dans le Capitole du 21 octobre 1839, journal au demeurant connu pour ses positions bonapartistes. Signalons que les Prophéties d'Olivarius et d'Orval débutent par une allusion à Napoléon Bonaparte.
Bareste, dans son Nostradamus de 1840, 1852, (Art. "Nostradamus") signale un texte consacré à Nostradamus paru en 1839 dans La Gazette de Paris (5 et 25 mars 1839). met bout à bout les deux prophéties olivariennes (pp. 220 et seq) la Prophétie d'Olivarius telle que l'a rapportée Mademoiselle Le Normand. Dans le Capitole, Bareste fait ainsi pendant aux publications chargées de la promotion de la Prophétie d'Orval en cette même année 1839. Bareste en propose une version plus romancée que celle figurant chez M. A.. Le Normand laquelle avait placée le texte en note:
"Un soir (à) Napoléon se rendit à la Malmaison. Il aimait beaucoup y causer merveilleux, surtout avec Joséphine qu'il savait être très superstitieuse. Un soir donc il arrive, parle de ses immenses projets et termine en remettant entre les mains de l'impératrice un vieux livre manuscrit composé en 1542. Tiens, lui dit l'Empereur en ouvrant cet in 12 relié en parchemin et jauni par le temps, regarde et lis. Joséphine lut à haute voix: Prédictions du Maistre Noel Olivarius" etc. On notera que Bareste n'emploie pas ici la formule "Prophétie" utulisée par Mademoiselle Le Normand dans les Mémoires Historiques et secrets.
Curieusement, Bareste survivra non pas à travers son Nostradamus, qui ne sera pas réédité, mais grâce à un court extrait intitulé Nostradamus et Napoléon, figurant dans une anthologie intitulée L'Echo des feuilletons; et qui paraîtra jusque dans les années soixante. Ce sera aussi grâce à une brève notice "Les prophéties" au sein du recueil La Fin des Temps" dont l'auteur n'est pas indiqué et dont on saura plus tard qu'il s'agit de Collin de Plancy; qui en tout état de cause reprendra diverses études de Dujardin, H. et deBareste, E. .
Enfin, Bareste fonde en 1841 l'Almanach Prophétique
sous le nom de , faisant référence à l'ouvrage de ce nom rédigé par lui-même. L'abbé Torné-Chavigny en reprendra l'idée dans les années 1870 avec son Almanach du Grand Prophète. Mais, dès 1848, l'identité de l'auteur de l'Almanach évolue ": ": ce n'est plus l' mais le . Dans cette veine, il y aura bientôt des descendants de Moult et de. Maginus; (cf. infra)à
Le contenu astrologique de cet Almanach est d'un certain niveau comme en témoigne l'édition de 1844 une étude sur les "conjonctions planétaires" qui propose des correspondances historiques entre conjonctions planétaires et événements: la conjonction de Mercure, Vénus, Mars et Jupiter en 1725 correspondrait ainsi au Traité de Hanovre. Pour 1792, on donne l'explication suivante selon laquelle le 22 septembre de cette année, Saturne dominait tandis que le Soleil en opposition en Balance se trouvait à proximité de toutes les autres planètes (sans tenir compte des planètes transsaturniennes). Pour 1801 et le retour de la paix, il s'agit d'une conjonction de la Lune, Vénus, Jupiter et Saturne en Lion, le 3 octobre.
Enfin, pour 1830, le 28 juillet le Soleil en Lion apparut avec Saturne, Mercure et Vénus, à peu de distance de la Lune et en opposition à Mars, Vénus et Jupiter, etc.
Il est clair que l'auteur de ces cogitations, dans les années quarante du XIXe siècle, a su maintenir une certaine continuité avec les astrologues des siècles précédents. On trouve d'ailleurs dans le même Almanach Prophétique" pour 1844 une étude du même ordre consacrée aux comètes.
Cette publication ne fait pas l'unanimité et l'on publie très vite chez Bureau, à Paris, un Anti-Nostradamus, almanach historique, utile, moral et amusant pour 1843, contenant une réfutation curieuse des calculs de l'Almanach Prophétique" (BNF) qui plus tard prendra le titre d'"anti prophétique".
Sur la couverture de l'almanach "anti-prophétique" - puisqu'il se présente également comme tel - un portrait de "Barestadamus" (BNF, Recueil 8° V 3204). L'exemplaire dont nous disposons pour 1847 comporte des développements sur Nostradamus, ainsi cette Apostrophe à Nostradamus sur son lit de mort.
L'auteur de l'article "Nostradamus" ironise sur le fameux quatrain de la fuite à Varennes et s'en prend notamment à Bellaud .
"De nuit viendra par la forêt de Reines
Deux parts, Voltorte, herne pierre blanche
Le moine noir en gris dedans Varennes
Elu cap, cause tempête, feu,sang, tranche "
"Vous riez, c'est que vous trouvez ces vers absurdes et cherchez en vain le rapport qu'ils peuvent avoir avec la fuite de qui que ce soit. Ecoutez pourtant le Docteur Bellaud (..). Il vous dira que le "moine noir" est l'équivalent de "le nommé roi"; il ajoutera que "herne" signifie reine, deux parts, deux époux, voltorte, chemin détourné, cap, chef, pierre blanche, la robe de mousseline de la reine". Le signataire de cette diatribe, un certain Moeder, Pierre (maître Pierre) refuse de s'extasier sur la présence du nom de Varennes et poursuit: "Par une critique analogue, le docteur Bellaud (..) est parvenu à trouver dans les quatrains de Nostradamus la prédiction de la Saint-Barthélemy, de la mort de Charles Ier, roi d'Angleterre, de la persécution de l'Eglise Chrétienne, en 1792, de l'élévation de Napoléon etc mais après l'événement" (pp 33-34).

L'autre Almanach Prophétique
Bareste a en face de lui Antoine Madrolle, qui publie également un Almanach. Il s'agit de l'Almanach prophétique perpétuel (BNF, 8° V 12672), pour 1849 "et sutout 1850" auquel fera suite un Almanach de Dieu seul prophétique et perpétuel. Edition nouvelle pour 1852-1856 (BNF, 8° R 27914) qui reprend largement le même texte avec quelques changements significatifs dans l'introduction.
Madrolle prend en effet à partie l'"almanach soi disant prophétique" qui "a prédit en 1842 pour 1843 (à peu près comme Jurieu, avait juré en 1688 pour 1689 la fin de la Rome éternelle".



Un personnage clef des années Quarante, Gabriel de Bourbon-Busset
Bien souvent, un homme réussit à lui seul à animer divers personnages, un véritable monde qui n'existerait pas sans lui, on pense à un Lamothe-Langon. Derrière les pseudonymes de Francis Girault, du Dr Lecabel, d' Hortensius Flamel, des derniers textes de Mlle Lenormand, de la Comtesse de ***, un seul et même homme, Gabriel de Bourbon-Busset . Précédant Bareste, dès 1836, le Dr Lecabel propose une étude assez rigoureuse de la bibliographie de Nostradamus, dans son Voyage imprévu dans le pays des intelligences ou quelques prédictions très remarquables de Nostradamus" (BNF, Lb51 2596).
En mars 1839 paraissait dans la Gazette de France un article intitulé Vérifications et explications de quelques Prophéties remarquables de Nostradamus", signé Francis Girault. Il y est question du Voyage imprévu paru en août 1836. L'ouvrage, qui constitue une étude critique de celui de Bouys, paraît en pleine querelle des dauphins et Bourbon-Busset qui est un des avocats de Naundorf aux côtés de Gruau, n'hésitera pas (p. 29) à apporter un quatrain à l'appui: "Vous (y) voyez un autre roi, jugé, condamné et exécuté à la voix d'une assemblée régnante, son épouse condamnée à mort pardes jurés, l'existence déniée à leur fils qu'on n'ose pas assassiner et qu'on ne peut en juger car il a beau dire J'existe, on répond "Non, vous êtes mort."
Un peu plus tard, F. Girault publie une lettre du dit Docteur Lecabel. L'auteur de l'article va rendre visite à l'auteur de l'ouvrage dans une maison sordide. Il semble bien que Paul Christian, l'auteur de l'Homme Rouge des Tuileries ait pu s'inspirer, vingt ans plus tard, de ce récit pour camper Bonaventure.i. Guyon, Bonaventure, l'astrologue de la Révolution
.
C'est à la suite de ces publications dans la presse qu'en cette même année 1839 un certain P. C(haillot) décida, de peur de se faire, dit-il, traiter de plagiaire, de rendre public son propre commentaire de Nostradamus reprenant le titre de Vraies Centuries et Prophéties de Maître Michel Nostradamus interprétées pour le passé, le présent et l'avenir et corrigées d'après les plus anciennes éditions", à Avignon chez Pierre Chaillot , le Jeune. On y trouve des versions abrégées de la Préface à César et de l'Epître à Henri II. comme le note R. Benazra, ( RCN 1990, p. 382).
Chaillot curieusement se sert du titre de l'ouvrage de Girault qui reprend les articles: Le passé, le présent, passé et l'avenir ou prédictions vérifiées, expliquées de quelques prophéties remarquables de Michel Nostradamus.(BNF, 8° Lb51 2976) Il se contente d'entrecouper son édition des centuries de quelques commentaires de temps à autre, qui rejoignent parfois en effet ceux de Girault-Lecabel.
L'année suivante, peu après la parution de l'Oracle pour 1840 d'Henri Dujardin, Eugène. Bareste; publiait son Nostradamus qui comporte in fine une Explication des quatrains de Nostradamus laquelle est une compilation de divers interprètes nommément cités tels Bouys, ou le chevalier de. Jant; ou encore F. Girault
. Bareste conclut de façon assez énigmatique: "Nous allons rapporter d'autres quatrains qui peuvent s'appliquer à l'époque actuelle. Nous devons ajouter que tout commentaire nous est interdit en pareille circonstance" (p.525) Collin de Plancy , dans son recueil préfacé par le même Bareste (La Fin des temps, Paris, 1840) conclut son étude sur Nostradamus par des "Quatrains prophétiques qui regardent le présent et l'avenir". dont le premier quatrain (X, 89) porte le nom de "Philip" allusion évidente au souverain régnant. Un second quatrain est cité comportant également ce prénom (VI,82). On y sent l'attente d'un retour du roi légitime et au départ des Orléans. "L'arbre qu'estoit par longtemps désséché/Dans une nuict viendra à reverdir" (II,50). A l'instar du Janus Gallicus, on met en majuscules les mots clefs; PHILIP, ORLEANS (VIII,42), TIERS (IX,5) - allusion à Adolphe Thiers (1797-1877) un des principaux ministres de la Monarchie de Juillet - on écrit en italique "Capitole" (VI,13). Le premier verset du premier quatrain "Sept ans sera PHILIP fortune prospère" désigne l'année 1837. Toujours en 1840, Collin de Plancy consacre un fort chapitre de sa Fin des Temps" consacré aux commentateurs de Nostradamus, dont un certain. Telmunder auteur de Prophéties qui seraient parues en 1840 mais non localisées .
Par ailleurs. Bourbon-Busset-Giraul est biographe de Mlle Lenormand, . En 1843 parait Mlle Le Normand, sa biographie, ses prédictions extraordinaires par Francis Girault avec une Introduction philosophique sur les sciences occultes mises au regard des sciences naturelles" qui parait chez Breteau et Pichery. La même année paraissent les.m1.Dernières Prophéties de Mlle Lenormand avec un commentaire par Hortensius Flamel, Hortensius". Il s'agit là d'un autre pseudonyme de Bourbon-Busset... Signalons aussi en 1843 les Mémoires et prophéties du petit homme rouge depuis la St Barthélémy jusqu'à la fin des temps par une Sibylle, attribués à Bareste (BNF, 8° Lb51 3778)
En 1845, parait enfin chez Breteau qui avait déjà publié la biographie de Mlle Le Normand par F. Girault, un Grand Jeu de Société. Pratiques secrètes de Mlle Lenormand par Mlle la Comtesse de *** qui connaîtra une édition en trois volumes et une autre en cinq. Dans la Vie de Mlle Le Normand, un des volumes, le Traité complet de chiromancie avait été annoncé initialement aussi sous le nom de F. Girault.
En 1846, Alexandre Dumas, père, commence la publication des Mémoires d'un médecin dont la première série s'intitule "Joseph Balsamo" alias Cagliostro, et la deuxième, "Le Collier de la Reine". Dans ce dernier texte, l'auteur a suivi assez fidélement le cours du procès de 1786, conservant le nom des divers protagonistes.

Portrait du Prophète du XIXe siècle. .
L'astrologue devient ainsi un personnage pittoresque dont le protoptype semble avoir été établi par Girault et repris par Paul Christian dans son Homme Rouge.
Francis Girault:
Nous allâmes lui faire une visite dans sa retraite du Faubourg Saint Jacques, au fond d’une cour ceinte de murailles crevassées par les ans et qui menacent ruine (à) Nous nous trouvâmes après être montés au quatriéme étage face à face avec un petit vieillard maigre et osseux, vêtu d'une large houppelande et coiffé jusqu'aux sourcils d'un bonnet fourré à la manière des anciens Alchimistes (..). C'était le docteur Lecabel (..). J'aperçus dans la cellule une grande table (…) couverte ou plutôt encombrée d'un pèle mêle de livres antiques (..). La chambre entière était comme bordée d'une tapisserie quadrangulaire de volumes, la plupart traitant des sciences occultes” (1839)
Paul Christian, - L'Homme Rouge des Tuileries
On voyait encore, au commencement du siècle, dans la rue de l’Estrapade, sur ce plateau du Mont Sainte-Geneviève que le vieux Paris nomma pays Latin, une maison d’aspect sinistre (à) Haute et maigre bâtisse, à fondements boîteux et dont les pores exhalaient une froidure monacale (..) cinq étages crevassés (…) porte basse, espèce de trappe verticale ouvrant un couloir étroit, sombre et fétide (..) Une table en bois crasseux (…) supporte une énorme bible in folio ouverte au milieu de la prophétie d'Ezéchiel (..). Sous cette Bible et tout à l'entour chevauchent d'autres volumes (…). Le locataire (..) vous apparait sous les traits d'un septuagénaire dont le profil saturnien s'emmanche d'un cou décharné (..), un surtout vert-olive étonné de couvrir encore quelqu'un... un gilet jadis noir (à) voilà l'écorce authentique de cette ruine humaine que le voisinage ne connaît que sous le nom ou le sobriquet de bonhomme Bonaventure” (1860). On notera que la scéne est censée se dérouler dans le même quartier latin où vécut Catherine Théot, sous la Révolution (cf supra)

La dette de Collin de Plancy
Les auteurs de recueils prophétiques sont amenés à se piller les uns les autres; c'est ainsi que si l'on trouve référence à Antoine Couillard du Pavillon chez Collin de Plancy (1840), cela semble être dû aux articles de Francis Girault parus au début de 1839 dans la Gazette de France. Alors que chez Girault, le récit se présente comme un roman initiatique - la rencontre avec le Dr Lecabel - chez Collin, il s'agit d'un chapitre intitulé le sieur du Pavillon (1560) lequel témoignait, en s'en gaussant, que de son temps, les prophéties visaient la fin du XVIIIe siècle. En réalité, dès 1822, ce texte avait été mentionné par un certain François Bon.


En attendant l'An 40
Le 8 janvier 1840 parait dans le Journal des Débats (BNF), de tendance ultra, un texte d'une colonne, sans titre:
Plusieurs des prophéties qui circulent partout depuis quelque temps annonçaient la fin du monde pour hier le 6 janvier 1840 (à) On a dit que 1840 est en ceci l’héritier direct de 1740, que des bruits semblables ayant fini par attrister Louis XV aux abords de cette année, les courtisans pour dissiper ces inquiétudes s'amusaient des prophéties et de là serait venu le dicton: Je m'en soucie comme de l'an Quarante”.
Souvent ces Prophéties et plus encore ces Recueils de Prophéties" sont de véritables jeux de piste, qui exigent un guide. Toutefois, l'un des auteurs de recueils _ paru à Lyon en 1841 _ semble plus explicite. Il apparait que la Prophétie d'Orval" comporte une certaine chronologie _ comme c'était le cas pour celle de Jean de Vatiguero et il est clair que la présence d'une date ou d'un moyen d'en calculer, excite les esprits.
On trouve 10 ans en soustrayant "six fois trois lunes et quatre fois cinq lunes" soit trois ans et quarante jours ("Et voilà déjà six fois trois lunes et quatre fois cinq lunes que tout se prépare") de quatorze fois six lunes et six fois treize lunes, ce qui donne treize ans cinquante jours (Dieu est encore béni pendant (à.). La différence est de dix ans, ce qui aboutit à 1840.
Mais la Prophétie d'Orval", qui est désormais découpée en versets comme la Bible _ ce qui permet une plus grande précision dans les renvois, est truffée de ces éléments chronologiques tel que celui-ci: .soit quatorze ans et 200 jours.

1840 Outre Rhin
Le Nostradamus" de Bareste sera traduit en allemand ver 1845 sans aucun texte français des quatrains en référence. Mais en 1840 paraissent également à Stuttgart, chez Sonnenwald, des Prophezeiungen des Nostradamus nach der Lyoner Ausgabe von 1568". En fait, les commentaires concernent essentiellement la vie politique française depuis la Révolution et notamment Bonaparte, les Alliés à Paris, la chute de Charles X; et notamment qui n'est autre qu'Henri V . . Voilà qui montre à quel point il est contestable de concevoir une bibliographie de Nostradamus sans y inclure les éditions étrangères, et notamment dans les langues des pays environnants.

1840, année de complots
Il est souvent difficile de cerner les enjeux politiques derrière cette agitation prophétique. Force en tout cas est de constater que Bareste publie alors - on l'a vu - dans le Capitole, un journal bien connu pour représenter le parti napoléonien. Il semble en fait que plusieurs candidats aient tenté de se positionner par rapport à l'échéance de 1840, tant la culture prophétique s'était alors répandue. Hoëné de Wronski en témoigne , lui qui incarne une certaine sensibilité de ce courant, dans une polémique avec les rédacteurs londoniens de l'idée napoléonnienne, pris à parti par la Gazette de France .
Précisément,le 6 août 1840, le prince Louis Napoléon, profitant de l'engouement provoqué cette année là par le retour des cendres aux Invalides, de son oncle, fera une tentative à Boulogne/mer, entouré par une petite troupe, pour se faire proclamer empereur en cette année 1840, ce qui le conduira en prison, au fort de Ham, en Picardie, condamné à la détention perpétuelle. Il s'en échappera en 1846 sous un déguisement. Wronski, qui a également la fibre prophétique et prône un "messianisme", s'adressera à Louis-Philippe pour qu'il fasse preuve de mansuétude tout comme dans le cas de la Duchesse de Berry . On peut se demander si cette tentative qui a priori semblait peu susceptible de réussite, n'a pas été encouragée par un certain discours prophétique. Une pareille mésaventure avait été le lot de Charles Emmanuel Ier, Duc de Savoie en 1601 (cf supra). En ce qui concerne Henri V, il semble, d'après ses écrits, qu'il ait attendu 1844 et la mort de son oncle, le Duc d'Angoulème ("Louis XIX"), pour véritablement se considérer prétendant au trône. L'abdication de Charles X en faveur de son petit-fils et non du dauphin en titre depuis 1824 n'aurait donc pas été admise par le Comte de Chambord devenu adulte, même si sa mère, notamment lors de son équipée malheureuse de 1832, au début de la Monarchie de Juillet, avait revendiqué ses droits au trône, alors qu'il était âgé d'une douzaine d'années.

La résurgence de la prophétie martinienne
La Prophétie martinienne (tirant son nom du paysan de la Bauce) sera également accessible en allemand puisqu'en 1839 paraissait à Strasbourg, au sein du Royaume de France, un Bericht über die sich mit einem Ackersmann aus der Beauce zugretragenen Begebenheiten in den ersten Monaten des Jahres 1816 (BNF, Lb48 531), avec l'indication de l'échéance de 1840. Il semble qu'il s'agisse d'une traduction des premières éditions dans le titre desquelles ne figurait pas le nom de cet émule de Jeanne d'Arc.
Il ne semble pas toutefois que les apparitions de Thomas Martin aient attiré l'attention de Dujardin qui dans son Oracle pour 1840 n'en dit mot. Il faudra attendre la fin de 1840 alors que déjà l'attente prophétique est quelque peu retombée, pour que Collin de Plancy lui accorde pas moins de 45 pages de son recueil La Fin des Temps en s'appuyant sur le Journal des Presbytères de 1832. Pourtant, l'on peut raisonnablement penser que l'échéance de 1840 était apparue pour la première fois en 1816 dans l'Explication relative aux révélations angéliques au laboureur de Beauce.

Gestion de l'échec politico-prévisionnel de 1840.
L'auteur de 1840. Pressentimens" commente en 1839:
Plus de sept années se sont écoulées depuis 1830, allez-vous dire et qu’est-il advenu? N’est-ce pas depuis deux ans surtout que le trône du 7 août a reçu les plus terribles secousses?”
L'on a, pour la circonstance, modifié la chronologie d'une série de devises pour que 1840 corresponde à Non erit Pastor, Plus de Pasteur.
Avec 1840, il semble bien que la prophétie ait conquis les esprits, qu'il s'agit quasiment d'un contre-pouvoir.
Jusqu’à cette année 1840, tous les calculateurs des époques des grands événements étaient convaincus qu’ils arriveraient en 1840. La chose leur paraissait claire presque jusqu’à l’évidence. 1840 s’était passé sans les grands événements, tous s’écrièrent : nous avons mal compris les dates”
En fait, avec cette attente de l'An Quarante, la prophétique se solda à court terme par un échec. Le chanoine Timothée Lacombe le reconnait dans les quatre Lettres qu'il envoie en 1849 à l'évêque de Verdun et qui paraîtront, à Bordeaux sous le titre de Prophétie d'Orval rendue à l'authenticité depuis l'an 1793, 1848 (BNF, R 47641)

Au lendemain de cette année qui aurait dû être fatidique, la tendance sera à l'apologétique, certains prenant en ligne de mire 1842 comme dans les éditions suivantes du Grand Livre des Prophéties et Prédictions.
Dans L'Invariable de Fribourg de 1840 (86e livraison ), après avoir quelques mois plus tôt reproduit la Prophétie d'Orval annonçant bel et bien un changement au bout de dix ans (ou presque), on tient à préciser: "Aucune prédiction n'indique l'an 1840 comme le terme du désordre social actuel et l'époque du rétablissement de l'ordre universel. Bien loin de là, l'an 1840 est à peine indiqué et seulement dans un passage de la prédiction d'Orval, bien vague d'expression". Le procédé est assez remarquable: on fait un pronostic dont le lien avec le texte utilisé n'est pas très clair pour ensuite affirmer que le texte en question n'était pas explicite.
Denormandie, qui rédige son propos en 1841 _ mais ne publiera qu'en 1848, délai Examen de diverses prédictions:
La première chose que nous devons faire, en commençant cer ouvrage, c’est de réfuter une objection qui ne manquera pas de se présenter à l’esprit de beaucoup de lecteurs : “Les prédictions, diront-ils, s’adressaient à l’année 1840; or, elles ne sont point accomplies. On ne doit donc plus s'en occuper”. Cette objection serait fondée si, comme on l'a cru, et comme on le croit encore, les prédictions concernaient effectivement 1840”
La Prophétie d'Orval et Louis XVII.
Nous avons noté avec quelle générosité un Collin de Plancy nous fournissait la liste des divers périodiques s'étant fait l'écho de la Prophétie d'Orval. Mais il en est un qui est oublié et qui nous intéresse au premier chef: la Voix d'un proscrit, mensuel qui défendra les positions de Naundorf précisément de mars 1839 à avril 1840 et qui s'intéressera fortement à la prophétie d'Orval. Il est vrai, comme le note O. Friedrichs , que la collection de ce mensuel est fort rare et qu'il n'est pas recensé dans le catalogue collectif des périodiques. Mais le rédacteur en chef, A. Gozzoli prit la peine de faire paraître, en 1840/41 semble-t-il, au bureau de la Voix d'un Proscrit, la collection complète sous un seul volume et celle-ci se trouvait à la BNF au fichier des anonymes à Voix d'un proscrit (BNF, 8° Lb51 3068) Le dernier numéro reconnaît l'échec prophétique concernant l'année 1840. Il n'est pas exclus que certaines retouches aient été effectuées.
La lecture de ces centaines de pages ainsi reliées révéle un vif intérêt pour le prophétisme chez les Naundorfistes, qui sera quelque peu occulté par la suite et l'on peut se demander s'ils n'ont pas été les premiers concernés par l'attente de l'An 40, même si parmi les éxégètes du corpus prophétique, les différents prétendants aient trouvé des sectateurs.
Parmi les contributeurs à la Voix d'un Proscrit, A. Gozzoli, le responsable et Xavier Laprade sont les auteurs des textes les plus remarquables au regard du prophétisme, accordant la plus grande importance au "prophète villageois" ou"laboureur" qu'est Thomas Martin de Gallardon ainsi qu'à la prophétie d'Orval et d'une façon générale à l'année fatidique 1840 .
Le journal La Quotidienne, dans son numéro du 11 novembre 1839, se fit l'écho, avec quelque ironie, de cette attente. Il lui est ainsi répliqué:
"Pourquoi ne pas dire ouvertement que l'année 1840 est indiquée, clairement désignée, dans une foule de prophéties dont quelques unes datent de près d'un siècle, comme devant amener avec elle d'immenses événements politiques et religieux et changer la face d'une partie du monde? Pourquoi ne pas ajouter que la plupart de ces prophéties sont d'autant plus dignes de foi qu'elles annonçaient aussi de la manière la moins équivoque les révolutions diverses et les changements de dynastie que nous avons vu se succéder chez nous et qu'elles ont pour garantie de l'avenir la sanction du passé? (à). Nous marchons à grands pas vers l'époque de cette reconnaissance que le paysan de Gallardon a prédite: nous touchons à l'année que les probabilités humaines, d'accord avec les avertissements divins, signalent comme grosse d'événements mémorables (..). Il y a trois ou quatre ans, l'année 1840 paraissait si loin, qu'il semblait que nous n'y arriverions pas; aujourd'hui nous courons vers elle avec une vitesse étourdissante" (Voix d'un proscrit, pp. 285-289)
Gruau de la Barre, resté fidèle à Naundorff, n'en était pas moins sensible aux prophéties, comme il s'en expliquait en 1836: "Je crois au Duc de Normandie parce que je crois à Martin; Martin évidemment pour moi a été chargé d'une mission divine; cette mission, longtemps annoncée d'avance, l'a conduit à la cour de Louis XVIII (..). Dieu ne se communique pas aux hommes pour leur prophétiser l'imposture donc le fils de Louis XVI existe. Martin était un homme probe et croyant en Dieu et Martin a salué du titre de prince le prétendant actuel: donc ce prétendant est véritablement le fils de Louis XVI" (p. 17).

L'auto-critique de Gozzoli.
Les événements attendus ne s'étant pas produits en 1840, et Naundorff restant exilé, son camp se divise. Il y a les déçus et ceux qui poursuivront au delà de la mort prochaine du "Prince", tel notre Gruau de la Barre, reportant sur Charles XI, son fils, leur attente peu ou prou messianique . Gozzoli fait paraître en février 1841, à Londres, la ville où s'est retiré Naundorf puis en mai, à Boulogne/mer l'Aveu d'une erreur. (BNF, Ln27 15093): "On sait, écrit- il à propos du proscrit, que des prophéties plus ou moins authentiques furent exploitées par ce jongleur sacré et l'aidèrent puissamment à jouer son rôle" (p. 7). A propos de ce qu'il appelle lui-même des illusions, l'ancien gèrant de la Voix d'un proscrit conclut que leur engagement a été victime du ridicule. Morin de Guérivière, favorable à l'"ex baron" de Richemont, lui réplique par une Lettre à M. A. Gozzoli, avocat, Paris, 1841, BNF, Ln27 15094. Il reproche à Gozzoli de rejeter certes l'homme Naundorff et ses procédés, son immoralité, mais de maintenir qu'il est bien Louis XVII. Mais Pierre Michel Vintras. et Madrolle soutiendront Naundorff, jusqu'à sa mort en 1845 (cf infra).
Le polygraphe nostradamiste Bourbon Leblanc (Busset) fait écho à ce reniement dans un texte signé Dr Lecabel, probable anagramme de Leblanc:
"Ils lui reprochent de leur avoir dit qu'il était chargé d'une mission providentielle (..) d'avoir capté leur confiance (..) par des faits merveilleux et des révélations surnaturelles (..). Le prince leur a conté sans rire que le paysan de Gallardon, Thomas Ignace Martin, ressusciterait et lui donnerait la main pour le conduire auprès de la duchesse d'Angoulème, heureuse après tant d'hésitations de retrouver en lui son frère et d'assister en personne à un miracle (..) Mme Le Normand et l'incomparable cartomancien Moreau en ont débité bien d'autres à l'empereur Napoléon".
En fait Bourbon-Busset alias Lecabel considère que ces personnes ont certes été victime de mystification mais que cela ne remet nullement en cause l'identité de Naundorf qui a payé ses partisans avec des promesses en l'air, notamment avec l'annonce de son avénement pour la saint Sylvestre 1840 et ce dès 1837. Le prophétique apparaît comme un fusible du politique.

IV - Un nouvel âge d'or du recueil de prophéties

C'est sous la Monarchie de Juillet que le prophétisme devient une véritable force politique et retrouve l'ascendant qu'il avait au XVIe siècle mais plus encore, selon nous, au début du XVIIe siècle, sous le jeune Louis XIII, dans les annnées 1620-1630, donc deux siècles plus tôt. Le recueil conserve les mêmes traits qu'à cette époque, à la fois un certain manque de scrupule dans la manipulation des textes et un caractère hétéroclite qui s'abstient de tout rapprochement entre les pièces ainsi réunies. Toutefois, certaines critiques se font jour notamment à propos de Regiomontanus et de la Prophétie pour 1788.

Le retour du Jésuite Ménestrier en 1840 .
Le libraire Seguin publie en 1840 un recueil de pièces lequel ne comporte pas à proprement parler de titre mais une table des matières en tient lieu. On y trouve certes en tête l'article de R***; sur la Prophétie d'Orval" pré-dujardinienne, mais aussi des documents plus anciens puisque le Jésuite Ménestrier et l'Abbé Wurtz, y contribuent largement. Le texte de Ménestrier est celui paru dans la Philosophie des Images Enigmatiques de 1694 mais avec uniquement le texte latin du Lignum Vitae sans même l'ajout des papes ayant régné depuis Urbain VII (cf supra). En note, on peut lire: " Nous y joignons les noms des papes qui se sont succédé depuis Innocent XII jusqu'à ce jour sans les accompagner de remarques, laissant au lecteur le soin de découvrir des rapports entre ces noms et ces devises ". Voilà donc un auteur hostile au prophétisme malachique figurant dans un recueil favorable à ce genre de littérature, du fait même qu'il exposa, en son temps, par le menu, les documents qu'il souhaitait dénoncer...
Si la Prophétie de Saint Malachie, si les Centuries" et le Mirabilis Liber" sont évoqués depuis cinquante ans, les critiques contre les Prophéties restent assez rares jusqu'en 1840. Ainsi parait ce recueil en 1840 à Avignon dans lequel le compilateur eut l'idée de faire appel à un auteur de la fin du XVIIe siècle, Claude François Menestrier en extrayant plusieurs pages de sa Philosophie. Si le recueil annonce , l'extrait couvre un champ plus large correspondant aux paragraphes d'origine. Des oracles & fausses prophéties, des Prophéties attribuées à St Malachie et Des Centuries de Nostradamus".
En outre, Bareste, dans son Nostradamus (Prophéties modernes)" consacre quelques pages à Ménestrier en cette même année 1840, en rapport avec la Prophétie de St Malachie". Nous reviendrons plus amplement au chapitre suivant sur la genèse et la fortune de la Prophétie d'Orval.

Le recueil avignonais
La structure du recueil avignonais de 1840 est assez atypique, puisqu'elle comporte notamment une Instruction sur la manière d'exorciser. De Wurtz, ce ne sont pas Les Précurseurs de l'Antéchrist" dont traitait en 1837 Hédouville qui ont été retenus, mais un extrait des Superstitions", intitulé Examen critique du magnétisme animal". Toutefois, l'on peut lire les avis de l'Abbé surMartin de Gallardon, le conseiller des rois et sur la Prophétie Turgotine". Mais pourquoi prendrait on la peine de ressortir un texte paru une seule fois en 1817 sinon parce qu'il annonce l'année 1840?
Un des commentateurs les plus complaisants à l'égard de la Prophétie de Naples" est l'auteur de l'Abrégé d'un Commentaire inédit sur l'Apocalypse", paru en 1844, Antoine Blazy, (BNF, A 8173) qui n'hésite pas (tome III) à changer 1790 en 1789 pour les besoins de sa démonstration. En effet, interroge-t-il pourquoi la dite Prophétie de Naples aurait elle mentionné à juste titre 1789 et les malheurs de l'Eglise et se serait trompée pour 1840? Et de fournir de laborieuses explications, fondée sur une comparaison avec l'Apocalypse, pour conférer à cette année une importance cruciale. Le même Blazy Antoine se fera également l'apologète des prophéties, au lendemain de l'échec de 1840, comparable à celui de 1524. Il est clair qu'il n'y a échec d'importance qu'en des temps où l'on croit aux prophéties, celui-ci étant proportionnel à l'impact précèdent l'événement supposé devoir survenir.
Mais déjà dans le Propagateur de la Foi" de l'Abbé James, alias Dujardin, (Tome V p. 77) on peut lire une variante de la devise pour 1840, l'auteur de l'article se demande s'il faut lire Non erit Pastor comme il est généralement indiqué ou bien "Unus erit Pastor" qui veut dire à peu près l'inverse. Or, dans la Prophétie d'Orval", version Dujardin, on trouve: "Un seul Pasteur sera dans la Céleste Gaule".
En 1840 parurent, outre l'Oracle pour 1840, deux recueils de textes prophétiques. L'un à Avignon qui comporte, on l'a vu, un texte de Menestrier sur la Prophétie de St Malachie et surtout une étude d'un certain R*** consacrée à la Prophétie d'Orval" et qui s'intitule Des Prophéties Modernes". L'autre est du à Collin de Plancy et s'intitule La Fin des Temps confirmée par des Prophéties authentiques nouvellement recueillies", il connaîtra de nombreuses rééditions et, comme pour Lichtenberger, le nom de son auteur finira par disparaître de l'ouvrage... souvent attribué au Préfacier, Eugène Bareste,
Le propre des recueils est d'être pillés, dans la mesure où l'on considère qu'ils ne constituent pas vraiment une oeuvre personnelle du compilateur. L'on ne s'en est point privé à l'endroit de Collin de Plancy.
En 1841, encore à Avignon, Pierre Chaillot le Jeune, qui venait de publier une édition des Centuries commentées par son père, réalise un recueil ainsi intitulé Prophéties, prédictions et probabilités touchant les événements de nos jours et ceux qui doivent précéder la fin du monde (BNF, R 47643). A l'intérieur, fin du monde est remplacé par fin des temps, ce qui le rapproche du titre de Collin de Plancy. Ce recueil parait après l'échec de 1840.
On s'y réfère à un certain L. P. et à sa Fin des temps ou accomplissement de l'Apocalypse et des anciennes prophéties (1840, BNF, A 10915). Il s'agit en fait de Pierre Lachèze lequel annonce comme date fatale 1900, selon un calcul fondé sur la prise de Jérusalem par Omar en 636. Le processus en fait débutera 3 ans et demi plutôt en 1896, par le retour des Juifs dans leur "patrie". En 1846, Lachèze fait paraître le Retour des Juifs ou l'accomplissement de toutes les prophéties, BNF, A 9503, dont la quatrième vision traite du "retour des juifs, (de) la ruine de l'Antéchrist et (de) la Jérusalem Céleste"
Parmi les autres pièces, celle de Rémusat .
- figurant dans l'autre recueil avignonnais - réapparaîtra en 1848 in Le livre de toutes les prédictions considérablement augmenté et suivi d'une Lettre sur la proximité de la fin du monde par M. le Chanoine Rémusat et de la Prière de Pie IX, Paris, L. Maison, et Lyon, Chambet Aîné, (BL, 8610 a 45), en compagnie de la Prophétie d'Orval - avec de longs passages en latin avec leur traduction, dans le style de Collin de Plancy - de Regiomontanus, Lichtenberger, Vatiguero; on y trouve encore l'explication de quelques quatrains des Centuries de Nostradamus extraits de l'édition de 1839 comme il est indiqué in fine. En fait, ce qui est remarquable, c'est un découpage en trois parties: l'Apocalypse de Jean, les prophéties prérévolutionnaires, les prophéties post-révolutionnaires avec la religieuse de Belley et les visions de Martin de Gallardon . La conclusion comporte une déclaration de Joseph de Maistre.
Or, si l'on compare la compilation de Chaillot avec le recueil antérieur de Collin de Plancy , l'on note un agencement assez semblable avec in fine la religieuse de Belley, Martin de Gallardon mais aussi la Croix de Migné et un extrait du "Tableau des trois époques" de 1829. En revanche, le début du recueil ne fait guère de place au Nouveau Testament chez Collin de Plancy lequel classe les textes par ordre chronologique.
Revenons sur quelques computations présentes dans ce dernier recueil. On y met notamment l'accent sur l'année 1896. Si, en effet, l'on ajoute à l'an 636 durant lequel Omar conquit Jérusalem les 1260 de l'Apocalypse, on obtient 1896.
L'Abbé Rondet, au siècle précédent avait également fondé son argument sur l'an 17 du calendrier musulman mais, lui, obtenait 1860 et non 1896, ce dernier nombre étant apparemment plus correct.
Le commentaire est assez confondant dans son instrumentalisation des Juifs: "A cette époque, Hénoch et Elie ramèneront les Juifs dans leur patrie après en avoir chassé les Musulmans puis ils (les Juifs) seront mis à mort par la bête qui sortira du puits de l'Abyme (sic), Satan qui possèdera le monde pendant cinq ans, puis l'Antéchrist dont le règne est de 3 jours 1/2 ou 3 ans 1/2 finira avec le monde en 1900"
L'avénement de Pie IX, en italien Pio Nono, en 1846 est salué par Madrole dans la Feuille éternelle (BNF, D 42563) qui rappelle au pape sa devise malachienne, Crux de Cruce et développe (p.5) le thème du Pasteur Angélique à partir du Mirabilis Liber.

Les aménagements de .Collin de Plancy
Dans la Fin des Temps", Collin, dont nous avons déjà pu apprécier les procédés, n'a pas hésité à modifier quelque peu les textes qu'il avait publiés dès 1840 avec une Préface de Bareste. Dans les premières éditions, la liste complète de la Prophétie de St Malachie est donnée avec les correspondances jusqu'au pape de l'époque, Grégoire XVI qui meurt en 1846, suivie des devises restant à attribuer. Mais dans l'édition de 1870, la liste s'arrête à Pie IX; avec, pour prochaine échéance, la formule finale consacrée au dernier Pape Pierre II. Collin a placé un nouveau texte devant celui de Bareste, "la fin du monde" où il désigne, portraits à l'appui, l'Empereur d'Allemagne, promu à Versailles comme l'Antéchrist alors que le Pape Pie IX est spolié de ses Etats, victime de la Guerre franco-prussienne, qui conduit la France à retirer sa garnison de Rome. Ainsi, France et Papauté voient-elles leur destin lié.
C'est bien dans ce recueil - paru en 1840, mais sensiblement modifié en 1870, et cette fois illustré, que l'on peut assister à une démarche particulièrement dénuée de scrupule de la part du compilateur.
Les trois pages consacrées à la Prophétie sur la succession des Papes" sont un modèle du genre; l'auteur du chapitre affirme: . Or, il indique qu'elle fut publiée en 1595: pourquoi commencerait-elle au début du XVIIIe siècle alors que son point de départ déclaré est le XIIIe siècle?
Suit un texte sur les derniers jours:
ble jugera le monde”
C'est ainsi que l'on saute une dizaine de devises, tant il semblait évident que la perte des Etats de l'Eglise constituait un signe de la fin, Crux de cruce. Le Christianisme est sur la croix. Les temps prédits sont arrivés.
D'autres contemporains de Collin de Plancy ne se résolurent pas à écourter le texte de la Prophétie en préférant abréger la vie des Papes restant à élire.
L'auteur du Dictionnaire du Diable n'a pa eu scrupule à tronquer les dernières devises de la Prophétie de Saint Malachie.
Collin de Plancy reprend à son compte le travail d'un Vignier pour qui il convenait d'appliquer à la Prophétie de Vatiguero un coéfficient correcteur. "L'auteur qui a recueilli ces prédictions paraît avoir suivi l'ère de Dioclétien ou des martyrs souvent usitée à cette époque; il faut dès lors ajouter 284 ans, à chacune de ces dates" ce qui permet de passer du XVIe à la fin du XVIIIe siècle. C'est ainsi que la période allant, chez Vatiguero, de 1490 à 1525 devient 1774 à 1809 mais il s'agit ici essentiellement des années 1502 à 1518, l'année 1505 correspondant alors à 1789. Une telle lecture de certaines dates avait été pratiquée par les protestants au XVIIe siècle: la prophétie est souvent liée à la chronologie et au calendrier..à commencer par le millénarisme: l'An 2000 n'existe que pour ceux qui se référent à l'ère chrétienne.
Ainsi, lorsqu'il cite les Contredits" de Couilard Du Pavillon (1560), il change les années, pensant probablement que ses lecteurs n'iront pas vérifier:
. Cette date de 1555 ne doit pas nous induire en erreur: il n'est pas ici question de Nostradamus (la nouvelle Epître à Henri II donne 1792) mais de la date de rédaction des Contreditz . Bien plus, Couillard cite à de nombreuses reprises le Livre de l'Estat et Mutation du Monde de Richard Roussat et c'est cet auteur qui est explicitement visé (p. 103), quelques lignes plus loin, à propos de cette prophétie pour la fin du XVIIIe siècle (Livre IV, Ch XVII : "De ce que les astrologues eux-mêmes se contrarient en prédisant la fin du dernier période"). Certes, les Contreditz s'adressent-ils dans leur titre à Nostradamus mais celui-ci n'y est même pas cité.
D'autres approximations sont dues à un malentendu. Quand Lecanu, dans le Dictionnaire des Miracles et des Prophéties" (1854) affirme que Roussat,. a annoncé l'année 1793, il additionne 1550 et 243, en oubliant que la est 1548. Mais, comme nous l'avons indiqué, plus haut, ces résultats sont dus à une erreur de transposition de .i.Roussat, reprise par Nostradamus et Du Pavillon .
En fait, Collin de Plancy; nous fournit involontairement, dès 1840, les moyens de certains rapprochements: comparons un passage du Liber Mirabilis (p.46 de l'édition 1871) et un passage de la Prophétie d'Orval (p.83 de l'édition 1871)
Liber Mirabilis (Vatiguero):
e en sorte qu'il n'en sera plus question et qu'ils seront à jamais anéantis”
Prophétie d'Orval: premier paragraphe
stupides seront à son approche car il les dominera et prendra nom empereur”
L'on imagine que la lecture de la Prophétie de Vatiguero" très en vogue sous la Révolution a pu aisément évoquer le personnage de Bonaparte à condition de privilégier certaines expressions: l'île évoque dans le contexte de la fin du XVIIIe siècle est la Corse, dont le futur empereur, encore fort jeune lors de ses premiers exploits, est originaire. On reprend la formule de Vatiguero sur les fils de Brutus. On supprime évidemment la référence à la couronne de lis qui fit au départ interpréter le texte en faveur du Dauphin. En quelque sorte, Napoléon se substitue à Louis XVII comme destituant les révolutionnaires, ces fils de Brutus.
est à rapprocher de la Prophétie de Naumerberger" que Collin classe à Lichtenberger . Son commentaire est le suivant: l'Aigle, c'est l'Empereur, mais il s'agit ici de Napoléon, le Lis est le roi de France, le Lion est la Flandre. Collin note: "Lichtenberger (sic) quoique donnant plusieurs significations du filius hominis ne nous dit pas quel est ce dernier fils de l'homme". On sait qu'initialement, il s'agit de l'Angleterre.

La Prophétie de Jérome Botin
Bricon avait publié en 1830 un Nouveau Recueil de Prédictions" dans lequel il se réfèrait à un manuscrit comportant trois pièces dont la dernière concerne un certain Jérome Botin Jérome (p.37):
"A.M.D.C. Traduction d'une partie d'un vieux manuscrit de la bibliothèque des R.P. Bénédictins de l'abbaye Saint-Germain des Prés. Ce manuscrit commence par un traité de l'Influence des Lettres, suit un petit poème en l'honneur de sainte- Marthe, tous deux sans nom d'auteur, le troisième (à) est du révérend père Jérôme."
Or, la Prophétie d'Olivarius" est également censé être extraite d'un recueil: Livre des Prophéties; (de 1542), recopiée par François de Metz en 1793:
Ce texte annoté par Bricon comporte des notes en bas de pages que l'on retrouve fidèlement, dix ans plus tard, dans le recueil La Fin des Temps" de Collin de Plancy, lequel cite Bricon: il s'agit toujours d'établir que cette Prophétie avait circulé avant les derniers événements auxquels on la rapporte. A la différence de la Prophétie d'Orval" qui apparaîtra dix ans plus tard ou de celle d'Olivarius reproduite par Mademoiselle Le Normand, Mlle dans les Mémoires de l'Impératrice Joséphine", dans les années Vingt, l'on ne se contente pas dans la prophétie botinienne de faire démarrer le texte avec la Révolution en déclarant que le début a disparu. Ici, l'on passe successivement en revue, au fil des notes en bas de page, la réforme de Luther, la réforme d'Angleterre, Louis XIV, la révolution de France, Louis XVI, Bonaparte. La Prophétie de Botin pourrait être, de par sa construction, l'archétype des Prophéties d'Olivarius" et d'Orval. Elle pourrait avoir été élaborée à la naissance du futur Henri V, en 1820: "La rosée du ciel descendra sur la terre désolée et sur l'Eglise éplorée et il y aura un enfant du sang du roi que donneront les gens d'Artois; il gouvernera avec prudence et honneur la France et l'esprit du Seigneur sera avec lui." On sait qu'Henri V était petit-fils de Charles X, précédemment comte d'Artois.
Il est question, pour Botin, non pas de l'Abbaye d'Orval qui est cistercienne, mais de celle de St Germain des Prés et de la bibliothèque des Bénédictins qui y est installée.
Le document daterait du règne de Charles VI, sous le pape Jean XXIII; et non Jean XXII; comme on trouve dans la version de Collin de Plancy de la Prophétie de Botin". 1410 est la date de la Révélation à Botin, date du début du court pontificat de Jean XXIII (1410-1415).
Le ton de la "Prophétie de la Révélation reçue par Jérome Botin mort en 1420" est celui d'une imprécation, d'une malédiction: "Malheur... malheur". On retrouve ce ton dans certains passages de la Prophétie d'Orval. On ne recourt pas en revanche chez Botin à un quelconque système chronologique comme c'est le cas pour Olivarius et Orval:

Orval:
Malheur au Celte (Céleste) Gaulois! Le Coq effacera la fleur blanche "

Botin
Oui, malheur, mille fois malheur au peuple qui s’est révolté contre l’autorité et qui a renversé les lois : il a arraché de la prospérité jusqu’à la racine, il a brisé les lys, l’aigle planera sur lui”
Certes, Collin de Plancy envisage la possibilité de textes rédigés après la chute de Charles X :

Réflexions sur cette Prophétie (d’Orval) : La première pensée qui vient à l’esprit, après l’avoir lue, c’est qu’elle est écrite après les événements, que c’est une oeuvre moderne postérieure à 1830. Il est certain qu’elle n’a commencé à faire du bruit et à à se répandre que depuis cette époque. Mais l'incrédulité que fait naître sa première lecture, relativement à son authenticité, diminue bientôt quand on connaît les nombreux renseignements (à) publiés...”
Collin ne relève pas l'expression qui apparait dans la Prophétie de Vatiguero, traduite par Bricon et dans la Prophétie d'Orval".
L'Abbé Torné Chavigny soutiendra que les Prophéties d'Olivarius" et d'Orval dont il souligne les similitudes sont l'oeuvre d'un seul et même auteur, Nostradamus lui-même, dans les Années Quarante du seizième siècle, avant qu'il ne publie ses Centuries". Face à un certain nombre de détails par trop précis, certains admirent que l'on ait pu en effet actualiser les dites Prophéties tout en n'ayant pas accès aux originaux pour en faire la preuve. Nous avons vu à propos de Vatiguero que certains passages apparemment récents étaient d'origine.
La première partie de cette prophétie aurait été omise dans les copies qui en ont été faites au commencement de la révolution française. On n'en possède aujourd'hui que la seconde partie, commençant à Napoléon: autrement dit, la coupure s'est faite exactement à l'endroit où commence celle d'Olivarius.
En tout état de cause, la dette de ces textes envers le Mirabilis Liber est-elle déterminante ? Sur le plan formel, probablement, en ce que les auteurs ont souhaité apporter une certaine patine, une certaine ancienneté à leurs oeuvres. Sur le fond, on a puisé dans des notions historiques élémentaires correspondant aux étapes généralement admises. Le problème se retrouvera avec les Protocoles et leurs sources.

La différence entre Olivarius et Orval
Les deux Prophéties d'Olivarius et d'Orval" ne furent pas aussitôt perçues comme identiques mais seulement comme convergentes , sinon l'on eut mentionné le texte attribué à Olivarius dont la date de parution (1820-1827) était indiscutable. Pourquoi n'a-t-on pas eu recours _ après 1848 lorsque le problème se posa _ à cette prophétie que Collin de Plancy d'ailleurs place juste avant dans son recueil? Il est d'autant plus étonnant qu'il y avait un consensus, à l'époque, pour faire émerger la prophétie d'Orval en 1828, soit un an après la publication de la dernière édition du volume de Mademoiselle Le Normand...
Quand on sait que les propos concernant le sont empruntés à Sainte Brigitte, le débat semble tout à fait dérisoire. Il est étonnant que l'on n'ait pas étudié dans le corpus des Prophéties Modernes" si on ne retrouvait pas la dite Prophétie sous d'autres appellations que celles indiquées lors de la . Par ailleurs, même si l'on avait effectué de tels recoupements, la prophétie ne pouvait être trop ancienne, sous peine de correspondre à d'autres périodes de l'Histoire de France. Le fait d'avoir exilé Henri V avait d'ailleurs pour effet de donner tout son sens à la Prophétie!
En fait, la supériorité d'Orval sur Olivarius est dans sa chronologie. Sur les quatre Prophéties reliées entre elles, deux fournissent des dates, Vatiguero et Orval et deux sont sans date, St Césaire et Olivarius.

Sur Regiomontanus et 1788
Collin de Plancy, s'inspirant de la Sagesse Profonde" de 1828, propose la traduction suivante:


Après mille ans accomplis depuis l’enfantement de la Vierge et que de plus sept cents ans se seront écoulés, la quatre vingt huitiéme année sera une année bien étonnante et entrainera avec elle de tristes destinées. Dans cette année, si toute la race perverse n'est pas frappée de mort, si la terre et la mer ne se précipitent pas dans le néant, du moins tous les empires du monde seront bouleversés et il y aura de toutes parts un grand deuil” (cf. supra)
C'est alors que va se déclencher la polémique à laquelle nous avons déjà fait allusion. Hemey d'Hauterive, dans une note en bas de page de la Biographie Michaud (article Brusch .), dévoile la supercherie, sans citer ses sources avec précision. Dans l'..Oracle pour 1840 (et son Supplément), Henri ..Dujardin réplique:
Nous répudions comme faits sans conscience et sans critique les recherches du savant anonyme dont il parle (à) Nous nous promettons d’examiner à fond la question et nous ne désespérons pas de prouver que la leçon authentique porte “et septuagentos” et nous verrons si ce n'est pas dans la leçon de Brusch qu'à ces mots on a substitué ceux qu'on y lit”
En outre, Dujardin se sert des autres prophéties du XVIe siècle réussies _ qui sont toutes au demeurant le fait d'astrologues _ pour créditer celle de Regiomontanus et c'est en effet l'esprit des recueils que de faire masse. Pourquoi, après tout, Johannes Müller alias Regiomontanus n'aurait-il pu annoncer, lui aussi, 1788, puisque le (pseudo) Nostradamus, indiscutablement, annonça 1792 dans l'Epître à Henri II et Pierre d'Ailly 1789?
En tout état de cause, il n'en restait pas moins que l'on avait polarisé l'attention de l'opinion sur l'an 88. Lorsque la troisième Révolution, celle de 1848, se produira, il s'agira de recueillir les dividendes .
Signalons en 1848, un texte satirique, "la République en 1998" in Le Bonheur public, prophétie de Nostradamus, fragment inédit de la XIe centurie trouvée en 1847 dans (son) tombeau, de F. Girault, BNF, Lb54 2172. On y trouve un pastiche de la lettre à Henri II matinée de calculs olivaro-orvaliens Après que dix- sept fois sept fois sept fois soixante-cinq jours, plus dix fois sept jours, plus quatre jours se seront écoulés depuis le 24 février 1848, époque de la grande rénovation sociale
Il reste qu'effectivement l'intérêt pour 1788 n'est bel et bien qu'un recyclage de ce qui se produisit autour de 1588, deux siècles plus tôt. Double avantage: d'une part faire oublier l'échec relatif de 1588 et de l'autre le transformer en un succès à longue échéance beaucoup plus convaincant, pour certains, qu'une sensibilisation se produisant dans les années qui précèdent l'événement.
Cela n'a pas empêché la croyance selon laquelle Regiomontanus aurait annoncé la Révolution de se perpétuer jusque dans des ouvrages récents, du fait d'information de seconde main que l'on ne prend pas la peine de vérifier (journal artistique au lieu d'historique) et dont on ignore qu'elles ont été réfutées.
Signalons ainsi le récit d'André Barbault , dans Astrologie Mondiale, Paris, Fayard, 1989, p. 29:
= _Jean Muller dit Regiomontanus prend également intérêt à la pratique de la Mondiale et formule, lui aussi, une prévision de la Révolution française, rapportée par le Journal artistique (sic) et littéraire n°s des 15 octobre 1687 (sic), rier 1792, page 234: sont pas frappés de mort; si la terre et les mers ne sont pas anéantis, du moins tous les Etats seront bouleversés et le deuil sera général” (Paris, Fayard, 1979)
Aucune explication, au demeurant, sur les méthodes utilisées par Regiomontanus dans un ouvrage consacré aux techniques de l'Astrologie Mondiale: l'important est désormais le résultat, on n'est plus vraiment en mesure, dans le milieu astrologique, d'exposer par le menu la technicité des grandes conjonctions.



A la recherche du recueil mystérieux
Dans le Supplément à l'Oracle pour 1840, Dujardin fait référence, en mars 1840, à une dont il ne dit pas clairement d'où il l'a extraite. Pour quelle raison est-on passé d'Ubertin (d'Otrante) à ..Werdin Ubertin ? L'on peut penser qu'il pourrait s'agir d'une mauvaise leçon de manuscrit car par la voie de l'imprimé une telle déformation semble inconcevable. Il a en effet circulé des manuscrits prophétiques dans lesquels la forme manuscrite peut éventuellement se lire “W”, ce qui donne Wertin au lieu de Ubertin .
Dujardin évoque vaguement, comme source de cette Prophétie de Werdin, un extrait de deux in-folio dont il donne jusqu'à la date de publication, 1600: tome II p. 1007. Mais l'auteur ne nous est pas fourni car l'ouvrage pourrait, nous dit-on, alors se voir confisquer. Cette référence à la fois précise et vague sera reprise jusqu'à nos jours, au fil des recueils et des études et certains laisseront entendre que c'est le recueil tout entier qui porte le nom de Vaticinium memorabile". Nous avons, pour notre part, identifié le recueil en question, il s'agit du Lectionum memorabilium et reconditarum" de Johann Wolf paru à Lauingen, lieu d'impression des oeuvres de Leovitius et dont une seconde édition augmentée sera réalisée en 1672, soit un an avant la publication de la dite Prophétie par J. B. de Rocoles sans sa quatrième édition (cf supra). La Bibliothèque Sainte- Geneviève (du Panthéon) possède les deux éditions du Lectionum, ce qui explique que Dujardin, en ait pu avoir connaissance et ait craint qu'on supprimât la page concernée. On y apprend d'ailleurs que le texte du Vaticinium Memorabile avait déjà été signalé dans le Mercurius Gallicus" de Jansonius de Dokkum (Doccomensis Frisius) relatant les événements de 1593, soit très peu de temps avant le passage figurant dans l'anthologie de Wolf (cf B. Mazarine).
Pourquoi cet intérêt pour “ Werdin”.? En fait, Dujardin ne fait que rapporter un écho qui, en ce début de 1840, défraie la chronique, notamment dans la Gazette de France. Il s'agit visiblement, même si cela n'est pas formulé, d'une référence légitimiste à Henri V qui a alors vingt ans. .
En juillet 1848, au lendemain de la Révolution , Dujardin republiera en un seul volume une seconde édition de son Oracle avec son supplément, tout en gardant la couverture de départ (BNF). En cette année 1848, dans ses Etudes sur le XVIe siècle, Philaréte .Chasles exprime son agacement pour ce prophétisme à outrance. Il publie un chapitre assez bien documenté sur les commentateurs de Nostradamus et sur les divers textes prophétiques en circulation. L'auteur considère que Nostradamus fait partie intégrante du paysage intellectuel du dit siècle.
En juin 1848, dans le Recueil de prophéties politiques curieuses et extraordinaires sur les affaires du moment. Bordeaux (BNF, R 55134), on essaie d'attribuer à Pierre Turrel dont on rappelle au lecteur qu'il a annoncé 1814, un calcul à la mode sur les lunes: "Calculez toutes les lunes écoulées depuis la rentrée des Bourbons (8 juillet 1815) jusqu'au 24 février 1848 et vous trouverez 380 lunes écoulées.à" . Ce texte semble être d'abord apparu, dès 1846, dans l'Almanach Prophétique pour 1847, de Bareste (BNF, 8° Lc22 124) donc avant la chute de Louis-Philippe. Bareste lui même reconnaît la similitude avec la Prophétie d'Olivarius, mais il y trouve des précisions nouvelles. Il s'agirait, dans cet article, d'un texte envoyé par un certain Comte A. de C., d'une traduction d'une partie du Période, texte initialement paru en latin - ce qui est en effet possible - mais qui, à l'époque, n'aurait été que partiellement rendu en français. Force est de constater que, par delà la supercherie, y figurent bien les dates de "848" et de "850" et que celles-ci n'ont pas été ajoutées après coup.
Madrolle, dans le Grand Prophète et le grand Roi (Paris et Rome, 1851 Paris, (BNF, 8° Lb55 2002) se sert également du pseudo- Turrel, pour patronner une sorte de prophétie d'Orval-Olivarius en y apportant une touche astrologique. Il suit d'abord (p.139) fidèlement Turrel (Période, fol XXV verso)
"Or, laissons à tant à plus parler des chouses faictes et que ont faict, que quasi tous les hommes scavent, s'ilz ne sont ignorans, et parlons de la huictième maxime et merveilleuse conjonction que les astrologues disent être faicte environ les ans de Nostre Seigneur mil sept cens octante et neuf (1789) avec dix révolutions saturnelles; et oultre VINGT CINQ ANS après (1814) sera la quatrième et dernière station de l'altitudinaire firmament. Toutes ces choses considérées et calculées, concluent les astrologues, que si le monde jusque là dure, de très grandes et admirables mutations et altercations seront au monde, mesmement de sectes et de lois"
Et Madrolle de poursuivre: "Voici comment s'exprime Turrel en parlant de l'année 1814 où il était resté dans sa précédente prophétie:
"à.Trois lunes et un tiers de lune après la quatrième station de l'altitudinaire firmament, le Puissant Exilé marche vers la Grande ville pour reconquèrir ses droits et faire revivre sa race (..). Environ cent soixante lunes sont accomplies et les peuples guerroient dans le signe du lion (..). Il paraîtra dans le signe Virgo et son signe à lui sera Pisces (..). L'artisan délaissé (Pierre-Michel) viendra s'asseoir (..) au banquet etc"
Et Madrolle toujours supposé recopier Turrel de conclure Je ne dis pas dans quel temps se passeront toutes ces choses, ajoute Pierre Turrel, et quand viendra celui qui doit sauver le monde. Dieu seul le sait. Mais qu'on se souvienne des nombres milliaires de N.S.J.C. suivis de 796 (suit le symbole graphique du signe des Poissons) 8 - 815 (suit le symbole du Taureau) 30- 829 (symbole des Gémeaux)19 - 831 symbole du Capricorne) 4- 832 (symbole du Cancer) 6 (symbole de la Vierge 28) - 848 (symbole du lion) 0-850 (symbole du scorpion, suivi de deux demi lunes se faisant face) et surtout des signes Pisces et Virgo (p. 142).
Madrolle - qui confère une place à Pierre Michel Vintras, alias Sthratanael, dans son scenario, fournit une série d'années à partir de 1796 - cette année suit celle de la mort présumée du Dauphin- 1814 (Première Restauration où Louis XVIII règne), 1829, 1830, 1831, 1832- 1848, 1850.
La Prophétie d'Orval fut appliquée à Louis XVII, note le journal L'Univers du 8 juillet 1850 (n°1279). En 1850, à Lyon, Claravali sera l'auteur d'une Vie de Mgr le Duc de Normandie, connu sous le nom de M. l'ex Baron de Richemont, (BNF, Ln27 17445) dont un "appendice" (après la p. 552) est consacré à la "célèbre prophétie d'Orval": ainsi le camp de Richemont ne souhaitait-il pas ignorer un tel texte.

Le procès de Vintras (1842)
Plus de cinquante ans après le procès impliquant Cagliostro, qui donna lieu à divers Mémoires d'avocats (1785-1786), un autre procès intenté contre Pierre Michel alias Eugène Vintras , suscitera, en 1842, une importante littérature de la part des défenseurs et notamment la vindicte de l'évêque de Bayeux11
Vintras est accusé avec Geoffroy, agent de Naundorf qui l'avait recruté, d'avoir extorqué de l'argent des soeurs Garnier, notamment pour publier un ouvrage de la "société" de l'Oeuvre de Miséricorde. Il s'agit de l'Opuscule sur des communications annonçant l'Oeuvre de la Miséricorde de l'abbé Charvoz, Alexandre, curé de Montlouis. (BNF, Rec. 8°Z 7401). Il convient donc à la défense de démontrer que la cause est juste, qu'il ne s'agit pas de chimères. En fait, il semble qu'il ait fabriqué ou fait fabriquer en série des hosties sanglantes pour son rituel mais aussi on lui fit grief de participer à un complot pour la prise du pouvoir par Naundorff.
Ainsi, Maître Bérard, de Pontlieue dont le nom mystique était Athzeraël, répandra-t-il sa "Défense de Pierre Michel Vintras", parue à Caen, dans le département du Calvados où demeure, dans un moulin, le prophète de Tilly sur Seulle . Mémoire ambitieux et consistant - qui le fera condamner - et qui passe en revue, sous prétexte de répondre aux différents chefs d'accusation, contre son client, la question de Louis XVII, les textes prophétiques (Liber Mirabilis, la prophétie d'Olivarius etc). Il s'arrête longuement sur Martin de Gallardon et ses contacts avec Louis XVIII et Charles X. Il signale notamment des rumeurs qui circulèrent en 1840 quant à une action armée venant de Normandie pour que le "Dauphin" Naundorff se substitue à Louis-Philippe (p.5).


Essor des recherches nostradamiques
Bareste est probablement l'un des premiers auteurs après Déodat Despréaux et son Oncle Incrédule (1820) à avoir voulu dépasser la Vie rédigée par Jean Aimé de Chavigny de, encore que l'on puisse encore s'interroger sur l'apport de Pierre de Haitze en 1711-1712 et 1789 (Vie et Testament de Nostradamus). Toutefois, en 1839, Francis .Girault publie Le passé, le présent et l'avenir ou Prédictions, vérifications et explications de quelques prophéties remarquables de Michel Nostradamus. On y trouve un récit de la vie de Nostradamus et une suite d'éditions des Centuries (pp 11-16). En Allemagne, il convient de citer le travail d'Edouard .Roesch sur la Géographie de Nostradamus".


La prophétie de Michel .iPirus
Dans l'Oracle pour 1840 qui porte en sous-titre Recueil de Prophéties Anciennes et Modernes
, Henri Dujardin insère les Prophéties et Révélations des Saints Pères... par Michel .Pirus. Il précise: . Dujardin n'envisage à aucun moment que ce texte ait pu être compilé antérieurement. Il prend cependant la peine d'indiquer dans quelle Bibliothèque il a pu étudier ce petit livret de 24 pages. Dujardin précise . Il s'agit en fait d'un ouvrage revu par Dujardin. Nous en examinerons les variantes par rapport à l'original ainsi que certaines observations de A. Chauffard ..
Un des traits les plus remarquables de l'ouvrage consacré à la Noble Fleur de Lys" tient à ce qu'il est le premier à avoir formulé en français - du moins sous forme imprimée - au début du XVIIe siècle, la phrase de Vatiguero sur les fils de Brutus:
Les Turcs ont remplacé les Anglais.
Initialement, donc, il s'agissait d'un texte, outre son sens premier, qui concerne le début du XVIe siècle (1515) mais n'en devait pas moins s'appliquer, par la suite, à Louis XIII, dans sa lutte annoncée - en vain - contre les Turcs...
Dujardin ne retient de la Noble Fleur de lys que les premières lignes et s'arrête avant le passage consacré - voir notre premier livre - à la Chronique de Magdebourg", qui parle du sang de Louis (sic) César & des Rois de France.
Dujardin:
Pirus voulant absolument que Louis XIV fût le roi de France qu'annoncent ces prédictions, assigne ici des époques à ces grands événements. Tous ceux qui sans être prophètes ont prétendu expliquer des prédictions non encore accomplies se sont trompés”comme Pirus.”
Chauffard interrompt le texte de Dujardin, qui en comporte 57, au numéro 50.

Retour de la Prophétie de St .Malachie
Un des premiers auteurs du XIXe siècle, après Viguier en 1815, à consacrer un développement important à cette Prophétie des Papes" qui a fini par éclipser les autres, telle celle de Joachim de Flore avec ses vignettes et ses roues, est un certain Vial Arcade d'Orient qui signe A (rcade). d'Orient qu'il traite d'"interprète astrologue"
Certes, en 1840, a-t-on, dans le cadre d'un recueil réédité la Réfutation du Jésuite Menestrier, parue à la fin du XVIIe siècle, mais avec le Tome IV de l'Accomplissement des Prophéties... contenant l'Etat de l'Eglise pendant et après l'Antéchrist avec ce qui doit advenir du Socialisme et l'Explication de la Prophétie des papes de S. Malachie", nous nous trouvons devant une apologie de la dite Prophétie, exercice qui sera fort couru après 1870.
Déjà le personnage central est Pie IX, élu en 1846 à 54 ans et cette réédition et cette Apologie ne semblent se justifier que par rapport à ce Pape - vingt ans plus tard, il sera toujours en exercice - et qui semblait, pour une certaine opinion, après quelques années de règne, correspondre fort bien à sa devise malachienne: Crux de Cruce .
Dans un bref recueil de 4 pages qui paraîtra en 1847-1848 on trouve un commentaire malachien sur l'élection de Pie IX. Saint Malachie n'a-t-il pas, selon Claude Comiers (Nature et Présage des Comètes, 1665) " laissé 130 (sic) prophéties pour autant de souverains pontifes romains desquels ayant déjà passé et vérifié la prophétie, nous devons atteindre les vingt-huit papes qui restent encore du nombre de ceux qu'il (St Malachie) a prophétisés (à) avant l'avénement de Jésus Christ". Et l'auteur de décréter, que désormais,sans que l'on cerne bien son argumentation, que le nouveau pape Pierre IX (sic), élu en 1846, est le dernier pape.

V - Le canon orvalien

La manifestation principale du prophétisme français - dans la ligne du Mirabilis Liber (XVIe) et de la Prophétie des Saints Pères (XVIIe) - est certainement la Prophétie de l'Abbaye d'Orval. Nous avons déjà abordé son émergence aux abords de 1840, il convient à présent d'étudier comment elle trouve un nouveau souffle avec la révolution de 1848 puis de revenir plus amplement sur sa genèse.

Les rééditions de la Prophétie d'Orval
Dujardin réédite en 1848 son Oracle pour 1840, encore que sur la couverture figure toujours "Mars 1840". (BNF, R 34349). Il ne s'agit pas pour autant, à proprement parler, d'un faux puisqu'en note, il est précisé: "Ce supplément fut publié pour la première fois séparément avec une pagination particulière au mois de mars 1840 en même temps que nous faisions paraître la seconde édition de l'Oracle. Nous le faisons réimprimer au mois de Juillet 1848 en retranchant quelques pièces et ajoutant des notes " (p. 153).
La comparaison entre les deux versions du premier supplément met en évidence certains hypothèses devenues caducques: ainsi en mars 1840, Dujardin annonçait-il, dans une "conjecture sur le Pontife saint" ("Recherches sur la Prophétie d'Orval" p. 89) le prochain avénement d'un Jésuite, le Prince Cardinal Charles Odescalchi (ref. Propagateur de la foi, tome V), probablement pour succéder à Grégoire XVI mais entre temps, le cardinal Mastai Ferretti fut élu en 1846, prenant le nom de Pie IX.
Dans les éditions antérieures à la découverte de la fraude, l’auteur (l’abbé Danel) avait fait précéder son oeuvre d’une préface dans laquelle il essayait de démontrer par des témoignages anonymes et des mensonges constatés et avoués depuis que la prédiction avait été copiée en 1823 sur un volume imprimé à Luxembourg en 1544, époque où aucun imprimeur ne s'était encore établi en cette ville. Dans les éditions qui ont suivi la sentence de l'évêque de Verdun on a fait disparaître toute cette fantasmagorie compromettante”
Avec la du second "lancement" de la Prophétie d'Orval en 1848, celle-ci allait acquérir une importance qu'elle n'aurait évidemment pas eu en cas d'échec complet. Dès lors, pour Dujardin, Henri, l'important n'est plus le récit de la découverte de la Prophétie:
"Pour moi, écrit- il en septembre 1849, la Prophétie d'Orval n'était ni vraie ni fausse et (à) je la soumis à l'épreuve décisive de la publicité, lui donnant une date incontestable et laissant au temps le soin de lui imprimer le caractère qu'il conviendrait de lui reconnaitre". Au lendemain de l'avénement de la Deuxième République, il avait interpellé, dans un Second Supplément à l'Oracle de 1840 l'Evêque de Verdun, Louis Rossat, pour lui demander de mener une enquête afin de confèrer un statut à la prophétie. L'évêque avait publié ses résultats sous forme de circulaire "confidentielle" en date du 6 février 1849 dans divers supports comme l'Ere Nouvelle (BNF, Microfilm D 311) du 16 mars suivant . "Il était du devoir de la presse, écrit-on dans ce journal catholique en introduction de la circulaire épiscopale, de prévenir l'opinion contre de semblables publications et de montrer avec quelle sagesse et prudence l'Eglise agit en pareille circonstance. Elle n'a, jamais quoi qu'on ait pu dire, cherché à troubler l'imagination des peuples et à entretenir la crédulité des simples: au contraire, elle désavoue formellement ces sortes de moyens et elle s'est constamment attachée à prémunir les esprits et à éloigner d'eux tout ce qui n'a pas un caractère suffisant d'autorité et de vérité" (p. 2)
On retiendra avant tout que cette lettre révèle à quel point les événements de 1848 avaient été perçus par une partie de l'opinion, catholique, comme susceptible de valider la Prophétie d'Orval. Autrement, l'évêque n'aurait pas ressenti le besoin de faire cette mise au point, et ce justement à ce moment là.
Dans cette "circulaire" comme la nomme Lacombe, il est question du Mémoire figurant dans le Second supplément à l'Oracle pour 1840, qui selon Dujardin, serait l'oeuvre du faussaire, l'abbé Danel. Or, dans les Précis Historiques bruxellois (BNF, 8° Z 10415) de l'année 1871, l'auteur anonyme de l'article "Prophéties en vogue" n'hésitera pas à affirmer (p. 67):
"M. Henri Dujardin avouant la faute qu'il avait commise en composant cette pièce a dit qu'il l'a en partie compilée et en partie fabriquée (à) On pourrait voir quelles parties datent de la fin du siècle passé ou du commencement de ce siècle et quelles parties sont dues à M. Henri Dujardin". Il s'agit là d'un contre-sens par rapport au texte de Mgr Rossat qui certes mentionne "un mémoire (..) dont les données principales ont été fournies par un prêtre de mon diocèse" et de signaler en note le Deuxième supplément à l'Oracle contenant un mémoire sur l'authenticité de la prophétie d'Orval etc, par Henri Dujardin, Paris, 1848". Apparemment l'auteur de l'article a mal lu la référence et à cru qu'il était indiqué que le mémoire était du à Dujardin lui-même, par ailleurs abbé. Vingt ans après, voilà donc Dujardin impliqué dans un texte qui sera repris par la Semaine Liturgique de Marseille
Il semble, cependant, qu'il ait eu en main le faux "mémoire" manuscrit qui aurait servi pour certaines éditions. Dujardin lui avait répliqué en cette même année 1849 dans une Lettre de l'auteur de l'oracle pour 1840 et les années suivantes à M. l'abbé.à.sur la circulaire de Mgr l'Evêque de Verdun relative à la Prophétie d'Orval (BNF, Rp 1912) en se félicitant entre autres que l'évêque puisse attester que la dite prophétie était connue dès 1828, ce qui suffisait en effet à accorder au texte le mérite d'avoir annoncé la date de la Révolution de Juillet.
L'Abbé D., c'est à dire Danel" de Belleville (Meuse) aurait donc été l'artisan d'une mystification. L'Evêque raconte:
Il me déclara que le petit livre imprimé à Luxembourg en 1544 n’avait jamais existé que dans son imagination; que la prophétie d’Orval dans la partie relative à l’Empire était exclusivement son oeuvre; que le reste avait été composé au hasard avec des lambeaux d'anciennes prophéties empruntées à des recueils inconnus (de l'Eglise)à que dans le principe il n'avait vu dans cette supercherie qu'un amusement sans portée; mais que le temps s'étant chargé de vérifier quelques unes de ses prévisions, la vanité d'un côté, de l'autre la fausse honte l'avaient fait persévérer dans une voie dont il était enfin heureux de sortir”
A cela Dujardin -James répondra qu'il est parfaitement disposé à considèrer que le texte initial est une création tardive, datant de 1828, mais que cela importe peu puisque les événements qui se sont succédé depuis ont confirmé son caractère prophétique. On retrouvera le débat autour des Protocoles des Sages de Sion au lendemain de la Grande Guerre - qu'on appelait alors "Guerre de Quatre ans", - encore faut-il que le texte n'ait pas subrepticement été retouché .
Le chanoine Timothée Lacombe, proche de l'archevêque de Bordeaux, se fera l'avocat de la Prophétie d'Orval" alors qu'il considérera celle d'Olivarius comme un faux - ce qui montre que la hièrarchie catholique n'est pas unanimement derrière l'évêque de Verdun - d'où le nom ambigu d'un de ses ouvrages Méfiance et Confiance pour les Prophéties Modernes" .
Lacombe considère que certains passages (le paragraphe 39 sur 10 fois 12 lunes annonçant une échéance au bout de 10 ans) sont des interpolations et n'ont pas été rédigés par Danel. Mais ne s'agit-il pas là, sous couvert de critique, d'un moyen d'évacuer un élément qui a été infirmé par les événements ?
En fait, il semble bien que les deux soient des faux mais que l'un ait été confectionné avec plus d'adresse que l'autre sinon à partir de l'autre. Il n'en reste pas moins que ces textes comportent des éléments empruntés au corpus de la littérature prophétique, à commencer par la prophétie de Jean de Vatiguerro, mais à partir de quel état?
Olivarius:
"Cet homme sortira tout jeune de la mer (..) et sera ainsi nommé non roi mais peu après appelé Imperator"
Le texte a été récupéré au profit de Napoléon Ier. On profite du fait qu'il est né en Corse. Il n'est pas question ici d'en faire un prisonnier, ce qui rapproche ce passage des premières versions du XIVe siècle.
Orval:
"En ce temps là, un jeune homme venu d'Outre-mer, dans le pays des Celtes-Gaulois se manifestera (..) les fils de Brutus moult stupides seront à son approche car ils les dominera et prendra nom empereur"
Dans le même recueil du XIXe siècle qui comporte ces deux textes, celui de Collin de Plancy (1840), nous trouvons d'ailleurs la prophétie de Vatiguero:
"ces provinces seront secourues par un jeune captif qui recouvrera la couronne du lis et étendra la domination sur tout l'univers; une fois bien établi, il détruira les fils de Brutus et leur île"

Le recours au Mirabilis Liber
On observera qu'apparemment les sources d'Olivarius-Orval ne seraient pas le Mirabilis Liber, du fait de l'absence du chronème captivatus (cf supra). Les deux versions, avec et sans, vont cohabiter au XIXe siècle. Il se pourrait que la réalisation du texte d'Olivarius-Orval ait recouru à quelque recueil manuscrit, trouvé dans une bibliothèque.
Dans ce domaine, au demeurant, la plupart des documents sont suspects d'une façon ou d'une autre.à Lacombe soutiendra par ailleurs, à propos de la condamnation exprimée par l'Evêque de Verdun: "cette réfutation porte uniquement sur les détails apocryphes insérés dans le Deuxième supplément publié en septembre 1848 , relativement à la découverte du petit livre et non sur le fond et l'existence même de la prophétie" (p. 231)
Dujardin avait fourni en 1848, dans le Deuxième Supplément à l'Oracle pour 1840 (BNF, R 34350), des documents qui rendaient très probable le fait que le compilateur de la Prophétie d'Orval ait eu entre les mains un exemplaire du Mirabilis Liber. L'abbé Danel (p.18) décrit l'original à partir duquel la Prophétie fut composée:
"Je n'aurai même pu savoir en quel lieu et en quelle année le livre avait été composé si près du titre de chaque prophétie ne se fussent trouvés et le nom du lieu et la date de l'impression". Or l'on sait que plusieurs pièces du Mirabilis Liber portent une telle référence assez inhabituelle. Ainsi la Pronosticatio de Lichtenberger, qui s'y trouve comporte-t-elle in fine l'indication du libraire lyonnais et de l'année de publication (1515).
Autre détail significatif: Danel note qu'une partie était en latin, une autre en français.
Enfin, le titre de "Solitaire d'Orval" évoque le "peregrinus Ruth", qui apparait dans certaines éditions comme l'auteur du recueil sans parler d'une iconographie représentant quelque ermite.
Le retour de la dynastie Bonaparte accédant au pouvoir au lendemain de la "Seconde" République donne l'impression d'un scénario qui se répète. Dès lors, certaines prophéties qui précisément en proposent semblent de nouveau être d'actualité.
On a vu que celui qui mettrait fin aux excès des fils de Brutus pouvait aussi bien être un Bourbon qu'un Bonaparte. La Prophétie de Vatiguero" et ses avatars est donc une fois de plus de mise en 1848, prophétie contre-révolutionnaire s'il en fut. En fait, cette prophétie est à double tranchant: elle annonce à la fois que les fils de Brutus seront vaincus, mais aussi qu'ils amènent le désordre. Elle sert donc aussi bien pour rendre compte des révolutions () que des contre-révolutions!

Les retouches de l'Oracle pour 1840
En 1848, reparaissent des éditions apparemment à l'identique de l'Oracle pour 1840 (BNF, R 34349). La page de titre est marquée "Mars 1840". On songe aux rééditions des Centuries où figure 1568. Certes, figure la formule "seconde édition, perfectionnée et augmentée d'un Supplément" mais l'on peut penser que celle-ci suivit de peu la première. Il faut entrer dans l'ouvrage pour constater que nous sommes bel et bien en face d'une édition postérieure à la Révolution de 1848.
La comparaison avec l'édition de 1839 est édifiante. D'une façon générale, la pagination et la mise en page sont restées identiques. On note cependant que la Prophétie d'Orval était présentée en 1839 dans le cadre d'un chapitre intitulé "Notice sur les Olivarius" et qu'elle fut annoncée comme "Prophétie de Philippe Olivarius dite d'Orval" avant de devenir en 1848 "Prophétie du Solitaire d'Orval" (p.81) .
L'argumentation de Dujardin, Henri est d'une grande "évidence": il y a dans la Prophétie d'Orval un passage ainsi rédigé: "Dieu veut éprouver le retour à lui par dix huit fois douze lunes. Dieu seul est grand; il purge son peuple par maintes tribulations". Dès lors que 12 lunes correspondent en gros à un an-notons que les Tablettes du Chrétien de juin 1839 avaient une lecture plus restrictive, ce qui aboutissait à 17 ans 16 jours seulement- on obtient en gros les 18 ans que dura le règne de Louis-Philippe si l'on admet que par lune, il faut comprendre mois.
Une première approche du texte de 1839/40 confirme bien la présence du nombre dix- huit dans le texte de l'Oracle pour 1840. Mais, las!, le multiple n'est pas douze mais dix! "Ce pourtant Dieu veut éprouver le retour par dix huit fois dix lunes". Ce qui change tout. Henri Dujardin serait- il un faussaire du prophétisme dans la grande tradition?. Toutefois, en approfondissant la recherche, on est vite contraint de constater que l'histoire de ce texte est encore plus complexe qu'il n'y paraît. En effet, quand on consulte les éditions de 1839 et 1840, en dehors de celle qui est insérée dans l'Oracle, celles-ci comportent la mention: dix huit fois douze lunes. Dans un hebomadaire intitulé les Tablettes du Chrétien d'octobre 1839, (BNF, D 10109) p. 489, on peut lire dans un article déjà cité "Curieux document pour servir à l'Histoire de notre temps etc ": " Dieu veut éprouver le retour à lui par dix huit fois douze lunes (17 ans 16 jours). alors qu'en décembre 1839, Dujardin, dans son Oracle pour 1840, note "dix huit fois dix lunes" et sans rien préciser entre parenthèses sur la durée de ce terme. De même dans le Propagateur de la Foi, nous avons vu que Dujardin avait noté "dix huit fois dix lunes".
Bien plus, Bareste dans son édition de 1840 de Nostradamus indique "dix huit fois douze lunes" tout comme Collin de Plancy dans la Fin des Temps, recueil paru également en 1840. Dujardin semble donc s'être aligné sur cette autre version en 1848, au lendemain des événements qui venaient confirmer cette version. Est ce à dire que Dujardin aurait mal recopié en 1839/40 les articles déjà parus? Collin, dès 1840, cite diverses sources que ne mentionne pas Dujardin dans la première édition de son Oracle pour 1840.
Dans l'édition de décembre 1839 de l'Oracle pour 1840, Henri ..Dujardin avait certes publié le texte susmentionné avec les dix-huit fois dix lunes. Mais dès le 16 janvier 1840, il fait paraître une nouvelle version sous la forme d'un fascicule séparé en s'expliquant ainsi: "Quelques jours après que la première édition de mon Recueil eut paru, je fus informé qu'il existait une copie plus exacte que celle que j'avais adoptée. Je fus assez heureux de pouvoir me la procurer". On verra que la nouvelle version est en réalité plus tardive et s'éloigne du modèle initial. Ce nouveau texte parait avec la mention "Suite", indiquant qu'un développement antérieur existait qui n'était pas reproduit et qui recouvrait les événements antérieurs à la Révolution.
En mars 1840 parait une nouvelle édition de l'Oracle pour 1840 avec une version encore modifiée, toujours avec les explications sur la nature de ces changements.
Il semble bien que l'Abbé ait apporté des modifications au texte paru dans la presse (Journal des Villes et Campagnes du 22 juin). La version Bareste avec ses dix-huit fois douze lunes sera reprise dans l'édition fribourgeoise de 1870, enfin dans le recueil de Tisserand .
Un trait de cette version - déjà présent en janvier 1840 - consiste à changer "Celte Gaulois", propre à l'Olivarius lenormandien, sauf pour la première occurrence, en "Céleste Gaulois". Dujardin corrige "terre de captivité" en "île de captivité". Dans la version classique, il y a une occurrence avec "terre (s) de captivité" et une autre avec "île de captivité". Chez Dujardin, l'on trouve deux fois "île de captivité: "les Grands ombragés l'envoieront guerroyer dans l'isle (terre) de la captivité". Pour certains commentateurs, ce serait de Napoléon, envoyé en Egypte, terre de captivité pour les Hébreux, qu'il s'agirait.
Plus loin: "venez, jeune prince, quittez l'isle de la captivité, joignez le lion à la fleur blanche". Il s'agirait ici d'Henri V .

Dix ans en toutes lettres.
Mais l'ajout principal de mars 1840 se situe entre les versets 47 et 48 - la prophétie a souvent été découpée de la sorte. On trouve chez Dujardin le paragraphe suivant qui ne figure pas dans les premières éditions - il n'apparaît pas dans les Tablettes du Chrétien de 1839:
"Dieu est saoul (las) d'avoir baillé des miséricordes et ce pourtant il veut pour ses bons prolonger la paix encore pendant dix fois douze lunes". On verra qu'il s'agit de constater que le retour d'Henri V n'aura finalement pas lieu, à la lumière des événements, en 1840 mais en 1850.
Au demeurant, Dujardin ne donne-t-il pas le texte intégral: "Ici dans l'imprimé qui était en assez mauvais état se trouvait un mot illisible qu'on a suppléé par celui que nous imprimons en caractères italiques. Il en est de même de quelques autres mots qu'on rencontrera ci-après."
On trouve en effet quelques points de suspension dans le premier texte de Dujardin: "Le Roi du peuple en abord vu moult faible et pourtant contre ira bien des mauvais mais il n'était pas bien assis et voilà que Dieu... (le jette à bas)." On trouve également ce morceau de phrase supprimé ainsi que plusieurs autres dans un Curieux document pour servir à l'Histoire de notre temps"imprimé à Rennes ( chez Mme de Caila, née Frout). Extrait du Journal des Villes et des Campagnes (22 juin 1839) (B. M. Rennes) titre sous lequel la prophétie, on l'a vu, paraît dans les Tablettes du Chrétien.

L'Histoire racontée par la Prophétie d'Orval
Il est parfois tentant de rester à la surface des textes et de ne pas tenter d'en cerner la logique interne: ces chiffres qui figurent dans le cours de la prophétie n'ont pas été lancés par hasard. La supercherie ne consiste pas nécessairement à changer les dates mais à leur confèrer une signification qu'ils ne revêtaient pas initialement, en s'appuyant précisément sur le fait que les lecteurs ne rentreront pas vraiment dans le texte et se contenteront de repèrer tel ou tel chiffre concordant avec des événements connus. Il existe bel et bien plusieurs niveaux de lecture, celui qui préside au moment de la publication de la prophétie et celui qui s'impose lorsque l'on confronte celle-ci à des événements survenus depuis.
Ainsi, sommes-nous avec la Prophétie d'Orval confrontés avec deux hypothèses: soit la version initiale comportait elle dix-huit fois douze lunes et en chemin Dujardin par inadvertance ou pour toute autre raison a changé douze en dix, soit, celle ci faisait elle bel et bien apparaître dix lunes au lieu de douze, pour le dit passage, et par la suite, pour telle ou telle raison, on aura préféré changé le dix en douze. En outre, on ne peut exclure que des versions plus anciennes aient existé. On ne pourra donc faire l'économie d'une compréhension de l'articulation du texte.
Or, le dit texte suit une ligne chronologique assez simple puisqu'il décrit les différents pouvoirs qui se sont succédé depuis la Révolution et ses fils de Brutus. Le nombre de lunes chaque fois indiqué correspond à la durée de chacune des périodes et donc nous renvoie à une chronologie objective fidèlement respectée.
Il est d'abord question de l'ascension et de la chute de Napoléon, qui s'achève par la campagne de Russie ("la tierce part a péri par le froid"). C'est ensuite la première Restauration: "le vieux sang des siècles qui reprend place et lieu dans la grande ville cependant que l'homme dit moult abaissé va au pays d'outre mer d'où était advenu": Napoléon repart vers une île de la Méditerrannée, Elbe, pour 11 lunes (la lune onzième) (avril 1814-mars 1815) et Louis XVIII doit repartir, "le vieux sang quitte la grande ville". Mais bientôt c'en est "fait de l'homme de mer", les Cent Jours qui curieusement sont marqués par le passage d'une huitième Lune alors que 4 lunes suffiraient amplement. Et c'est le retour définitif de Louis XVIII: "Voici encore venir le vieux sang de la Cape". Mais la Révolution - les fils de Brutus - n'ont pas renoncé et voici qu'après 15 ans de règne des Bourbons - 1815-1830 - vient la chute de Charles X . Et c'est le règne de Louis Philippe, "le roi du peuple" mais là encore les fils de Brutus vont bientôt se déchaîner et on nous annonce le terme "dix fois six lunes et pas encore six fois dix lunes" presque 120 lunes. Si l'on accorde en gros 12 lunes par an car à notre avis tel est le code pratiqué, la clef chronologique en usage, on arrive à presque 10 ans. D'où l'attente pour 1840 qui occasionne la publication de la Prophétie d'Orval. Le texte paru avant 1840 se devait alors de préciser "pas encore" 10 ans (Journal des Villes et des Campagnes, Tablettes du Chrétien). En revanche, dans les éditions plus tardives de 1840 "pas encore" deviendra "puis encore" voire "plus encore" (Prophétie authentique) puisque dès lors on aura bien atteint le nombre de dix années depuis la Révolution de Juillet. De tels ajustements, s'ils sont viables dans un chapeau explicatif, sont bien mal venus dans le corps même du texte prophétique censé avoir été transmis tel quel depuis des décennies voire des siècles. Dujardin, avec une certaine ingénuité expliquera en 1840, dans l'édition datée du mois Mars, qu'il a commis une "erreur" - ce qui justifiera une retouche - en publiant "pas encore" à la place de "puis encore" comme si le fait de passer le cap du Nouvel An impliquait un tel procédé. En tout état de cause, comme le signale le Journal des Débats, on attendait un événement majeur pour le 6 janvier 1840, celui ci ne s'étant pas produit, dans les jours qui suivirent, il convenait de corriger le tir d'où une nouvelle version de l'Oracle en Mars mais dès la fin janvier-ce qui montre bien que ce texte au sein du recueil constituait bel et bien une pièce maîtresse- va paraître en fascicule cette Prophétie dite d'Orval publiée par Henri Dujardin, à Paris, chez Maillet, chez qui sortira au cours de l'année, le Nostradamus de Bareste (BNF, Rp 2391) en date du 16 janvier, soit dix jours après la date mentionnée par le Journal des Débats. Dujardin mentionne divers changements, publiant ainsi une troisième version: "cette édition était d'autant plus nécessaire que toutes les réimpressions qui ont paru depuis quelque temps ont été faites sur des copies incomplètes et renferment des fautes plus ou moins graves qui altèrent ou changent le sens. Entre autres fautes qu'on pourrait signaler, nous indiquons celle- ci "dix fois six lunes et pas encore", il faut "et puis encore" et entre autres omissions, cette phrase toute entière. "Dieu est saoul d'avoir baillé des misèricordes et ce pourtant il veut pour ses bons (sic) prolonger la paix encore pendant dix fois douze lunes". "Et Dujardin d'introduire un sursis supplémentaire de 10 ans en raison des "bons". On pense à l'argument de Saint Vincent Ferrier Ferrer Vicente pour expliquer un délai d'un siècle.
Nous avons laissé sans explication le passage où il est question d'un laps de temps de 15 ans. Comment cette durée est elle rendue dans le texte de la Prophétie d'Orval? Il est clair que onze lunes correspondent ainsi à onze mois pour marquer le premier retour de Louis XVIII. Dès lors, si l'on considère précisément le passage faisant l'objet de variantes. à savoir dix-huit fois dix lunes ou dix-huit fois douze lunes, il est clair que 18 fois 10 lunes correspondent à un temps inférieur à 18 fois 12 lunes. Dans un cas il s'agit de 180 lunes, soit 15 ans, de la même façon que 120 lunes correspondent à 10 ans, dans l'autre, on obtient 18 ans, soit trois ans de plus.
Or, il est clair que la période s'étendant entre la chute de Napoléon et la chute de Charles X ne saurait être considérée comme couvrant 18 ans mais 15 ans depuis Waterloo jusqu'à la Révolution de Juillet 1830. La bonne leçon serait donc 18 fois dix lunes et c'est bien celle choisie par Dujardin dans le Propagateur de la Foi à partir de l'Invariable de Fribourg (Suisse) et dans la première édition de décembre 1839 de l'Oracle pour 1840. Nous n'avons pas eu accès à ce journal suisse mais seulement à un texte déjà mentionné: "Extrait du Journal des Villes et Campagnes (22 juin 1839) que nous pouvons comparer avec les Tablettes du Chrétien dont l'article concerné paraît à la même époque. Le titre en est identique: "Curieux document pour servir à l'Histoire de notre temps" suivi d'une formule entre parenthèses dans les Tablettes et séparé d'un chapeau dans le Journal: "PROPHETIE. Imprimée en 1544 et trouvée (conservée dans les Tablettes) pendant la Révolution dans l'ancienne Abbaye d'Orval (les Tablettes indiquent, pour leur part, "conservée dans l'Abbaye d'Orval en Lorraine).
Comparons le chapeau du texte de l'Extrait et celui des Tablettes, situé après le titre complet: guère de disparités, encore que les deux textes soient rédigés différemment: on y mentionne notamment Machiavel qui aurait "remarqué que nul changement grave n'était arrivé dans le monde sans avoir été annoncé longtemps à l'avance d'une façon ou d'une autre". Le texte de la prophétie aurait été vu, indique le chapeau, dès 1826 et aurait étonné les "Tuileries". Nous pensons pour notre part que le texte est certainement postérieur à la Révolution de Juillet 1830. Mais quel mérite y aurait-il eu, dès lors, à annoncer les 15 ans séparant Napoléon de Louis-Philippe après la chute de Charles X?
Les Tablettes ne prennent pas la peine d'indiquer que le début du texte est censé manquer: "On n'a pas copié les événemens relatifs à la révolution de 91 qui tous étaient accomplis lorsqu'on a tiré cette copie". Entrons dans le texte proprement dit. On note le même usage des italiques pour les mêmes passages.
Mais l'Extrait comporte des coupures déjà signalées qui ne figuraient vraisemblablement pas dans l'original du Journal des Villes et des Campagnes et pas davantage dans les Tablettes que nous avons, elles, consultées et qui ne diffèrent guère, pensons-nous, du dit Journal. Cet Extrait notamment ne comporte pas les dernières lignes du texte avec l'annonce de la fin du règne des Capets et l'avénement de l'Antéchrist.
Il reste que les mêmes chiffres figurent entre parenthèses - et notamment les 17 ans seize jours - ce qui montre bien que le commentateur n'avait rien compris au texte, sinon il aurait corrigé de lui-même et il en est ainsi de ceux qui adoptèrent cette version. Il convertit entre parenthèses les lunes en années sans prendre conscience du code employé d'où ces 17 ans et 16 jours au lieu de 18 ans. Car ce n'est qu'en 1848 qu'il pouvait y avoir eu quelque intérêt à ce qu'il soit question de 18 ans, quelque part dans le texte.
Examinons la suite de la chronologie orvalienne avant l'interpolation de dix années supplémentaires déjà signalées, laquelle d'ailleurs aboutissait à 1850.
Après la chute annoncée de Louis- Philippe pour 1840, c'est l'avénement d'Henri V: "venez jeune prince (à) sage sera le rejeton de la Cape". Son règne durera "pendant quatorze fois six lunes et six fois treize lunes". Puis ce sera la fin des Capets: "la fleur blanche s'obscurcit pendant dix fois six lunes et six fois vingt lunes puis disparaît pour ne plus paraître" et il est possible que l'on parvienne ensuite à la fin des temps.
Traduisons: le règne d'Henri V durera 162 lunes soit à raison de 12 lunes par an un peu plus de treize ans, ce qui nous amène à 1853. A cela il convient d'ajouter encore une quinzaine d'années (180 lunes) difficiles et nous parvenons à 1868.
Puis le texte se conclut ainsi:
"Et voilà déjà six fois trois lunes et quatre fois cinq lunes que tout se sépare et le siècle de fin a commencé. Et c'est le temps de l'Antéchrist. Après un nombre non plein de lunes, Dieu combat par ses deux justes et l'homme du mal a le dessous." Encore un laps de temps de 38 lunes, soit un peu plus de trois ans et nous atteignons 1871/72. et c'est enfin le temps de la fin, les deux justes sont Hénoch et d'Elie et la durée du règne de l'Antéchrist est de trois lunes et demie, nombre non plein de lunes. L'on connaît en effet le thème eschatologique selon lequel la fin de la royauté française s'achèverait par la fin du monde.
Cette conclusion apocalyptique est à rapprocher de celle de la prophétie de Vatiguero hormis le fait que le pape ne joue pas de rôle dans la Prophétie d'Orval et que Vatiguero ne fait pas allusion directement à l'Antéchrist:
"Ce pape aura avec lui un empereur, homme très vertueux qui sera des restes du sang très saint- des rois des Français (..). Ainsi il n'y a aura plus qu'une loi, une foi, un baptême (..). Mais après que le siècle aura été réformé, il paroitra de nouveaux signes dans le ciel (.. . C'est pourquoi Dieu aménera et avancera la fin du monde" (in La Fin des temps, Collin de Plancy, 1840).
Le témoignage de Dujardin (Oracle de mars 1840, BNF, R 34347) va dans le sens d'un article du Journal des Villes et des Campagnes comportant des coupures reprises dans le Propagateur de la Foi tandis que le texte des Tablettes du Chrétien serait complet. Signalons ainsi ci- dessous les passages qui ont fait l'objet de suppressions dans l'Extrait. On a mis entre parenthèses les passages non parus dans le pamphlet de 3 pages.
Malheur au Celtes Gaulois, Le coq effacera la fleur blanche (et un grand s’appelle le roi du Peuple. Grande commotion sera posée par mains d’ouvriers qui ont guerroyé dans la grande Ville. Dieu seul est grand : le régne des mauvais sera vu croître mais qu’ils se hâtent, voilà que les pensées du Celte Gaulois se choquent et que grande division est dans l'entendement). Le Roi du peuple sera ainsi en abord vu moult faible et pourtant contre ira de bien des mauvais; mais il n'était pas bien assis, et voilà que Dieu (le jette à bas. Hurlez fils de Brutus, appelez sur vous les bêtes qui vont vous dévorer. Dieu grand ! quel bruit d'armes). Il n'y a pas encore un nombre plein de lunes et voici venir maints guerroyeurs, c'est fait la montagne de Dieu a crié à Dieu; les fils de Juda ont crié à Dieu de la terre étrangère et voilà que Dieu n'est plus sourd. Dix fois six lunes et pas encore six fois dix lunes (neuf à dix ans) ont nourri sa colère (Malheur à toi, grande ville! voici des rois armés par le Seigneur mais déjà le feu t'a égalée à la terre; pourtant tes justes ne périront pas, Dieu les a écoutés. La place du crime est purgée par le feu, le grand ruisseau a conduit toutes rouges ses eaux à la mer et ) la Gaule comme délabrée va se rejoindre; Dieu aime la paix... (points de suspension ne correspondant pas à une rupture du texte). Jeune prince, quittez l'île de la captivité; joignez le lion à la fleur blanche. Ce qui est prié (prévu) Dieu le veut."
Le texte de l'Extrait du numéro du 22 juin 1839 s'achève, on l'a vu, sur la formule suivie de points de suspension: "Dieu est encore béni pendant quatorze fois six lunes et six fois treize lunes (treize ans trente quatre jours ”.
En revanche, on ne saurait considèrer ces deux publications comme comportant l'état premier du texte. C'est vers le Propagateur de la Foi de A.F. James-Dujardin qu'il faut se diriger. Les explications qui accompagnent le texte et qui fournissent des dates plus ou moins reculées doivent être reçues avec précaution: on ne peut exclure telle ou telle attestation antérieure à telle date à condition de préciser que si telle ou telle version existe, elle ne comportait pas tel passage. La question des interpolations complique singulièrement le travail de la datation. Un texte ancien peut être perçu à tort comme tardif pour la seule raison qu'il comporte des retouches. Il ne faut pas, comme conseillait Kepler, au début du XVIIe siècle, à propos de l'astrologie, jeter le bébé avec l'eau du bain. Inversement, un texte récent ne saurait être considéré comme ancien uniquement parce qu'il comporte un cadre qui l'est.

Genèse de la Prophétie d'Orval
La mise en place de la Prophétie d'Orval" nous semble particulièrement instructive, pour éclairer rétrospectivement l'histoire des éditions des Centuries" dans les années 1588-1590 (L'on peut suivre le fil des éditions successives, d'un mois à l'autre avec les modifications apportées au fil des événements. On dégagera trois étapes.
Au début des années Trente, un texte apparait,dans le style des feuillets d'Olivarius chers à Mademoiselle Le Normand. Dujardin, dans la toute première édition de l'Oracle pour 1840 en date de décembre 1839, attribue la Prophétie d'Orval à Philippe Olivarius, alors que l'autre Prophétie est attribuée à Philippe-Dieudonné-Noël Olivarius. Dujardin introduit les deux prophéties par une "Note sur les Olivarius" dans laquelle il constate les analogies entre Prophétie d'Olivarius et Prophétie d'Orval (p.69-70). Il rédige une Préface de la Prophétie de Philippe Olivarius dite d'Orval et preuves de son authenticité (p.81). On ignore ce qui a amené Dujardin à attribuer ce texte à ce Philippe Olivarius sinon la conviction d'un rapprochement à faire avec la littérature olivarienne attachée au nom de Mlle Le Normand.
D'ailleurs, cette formule sera dès janvier 1840 abandonnée. pour devenir Prophétie du Solitaire d'Orval. Dujardin emploie même la formule de prophétie d'Olivarius d'Orval comme on dit Hermann de Lehnin.
A partir de 1839 - après dix ans de pouvoir orléaniste - le texte va être diffusé dans une certaine presse catholique (Tablettes du Chrétien, Journal des Villes et des Campagnes, l'Invariable de Fribourg du Comte Arthur O'Mahony Arthur ). mais avec des variantes plus ou moins fidèles à l'original.
La première occurrence imprimée et localisable, en juin 1839, semble avoir été le Journal des Villes et des Campagnes. Elle est reprise immédiatement dans le Propagateur de la Foi. Mais au Tome XIV (pp. 173-187) de l'Invariable, Nouveau Mémorial Catholique, établi à Fribourg (Suisse) (Bib. Université Lille, 062446), un certain R*** regrette notamment que la première phrase du document, par ailleurs tronqué, ait été éliminée. Il affirme (p.13) que le texte qui circulait en fait depuis quelques années déjà débutait ainsi: et non par . L'article de R*** est repris dans le Propagateur de la Foi à l'Automne 1839 avec quelques notes supplémentaires de l'Abbé James (Tome V, 1839, p. 149 et seq, BNF, D 61054 sous le titre Critique des Prédictions modernes et en particulier de la Prophétie d'Orval" mais ce n'est pas la première fois, on le sait, que le Propagateur publiait la dite Prophétie, il avait dans un premier temps reproduit l'article tronqué du Journal des Villes et des Campagnes, en citant chaque fois ses sources de façon à ne pas s'engager directement. Mais l'Abbé James prend l'initiative de diviser la prophétie en un certain nombre de paragraphes numérotés qui ne figurent pas dans les articles d'origine. Encore faut-il préciser que ce découpage, s'il se maintient dans son principe, variera à plusieurs reprises.
Dès 1839 vont donc cohabiter deux versions concernant dix-huit fois douze lunes ou dix lunes; mais rappelons qu'à l'époque cette variante n'a pas d'incidence puisqu'elle est censée concerner le passé, à savoir la durée cumulée des règnes de Louis XVIII et de Charles X. Celles publiées par le Journal des Villes et des Campagnes et par les Tablettes du Chrétien sont les premières occurences de la forme 18 fois douze lunes tandis que l'Invariable, le Propagateur de la Foi (Tome V) et l'Oracle pour 1840 de décembre 1839 suivent la forme 18 fois dix lunes. Encore faut-il préciser que le Propagateur a d'abord reproduit dans son tome IV (p.330 et seq) en juin 1839, sous la rubrique "Annales et Variétés", le texte défectueux, comportant entre autres des coupures, du Journal des Villes et des Campagnes avec dix fois douze lunes avant de reprendre le texte de l'Invariable de Fribourg.
Passé le cap de la nouvelle année 1840, et du début janvier dont on attendait tant, Dujardin renonce à la version de l'Invariable pour adopter la version complète lancée par les Tablettes du Chrétien mais la version, introduite par R***, parue dans l'Invariable si elle n'est plus de mise dans les éditions suivantes de l'Oracle pour 1840, sera reproduite dans un recueil avignonais en cette même année 1840 (BNF, D 48841) qui place en tête le titre de l'article de l'Invariable: "Des Prédictions modernes et en particulier de la Prophétie dite d'Orval par M. R***", chez Seguin Aîné, ainsi que dans la Prophétie authentique arrivée d'Amérique suivie de celle qui a été trouvée dans l'Abbaye d'Orval, Paris, Dentu, BNF, Rp 2389, paru également en cette année là.
Le texte de la Prophétie d'Orval dans la version de mars 1840 de l'Oracle de Dujardin figure chez Bareste ou dans les éditions suivantes de l'Oracle pour 1840; il est sensiblement remanié, on y ajoute en italique un certain nombre de termes, on change Celte Gaulois en Céleste Gaulois. L'on conserve, tant chez Bareste que chez Collin de Plancy, la formule des Tablettes "dix-huit fois douze lunes". On ajoute le sursis de dix fois douze lunes, soit 10 ans, ce qui est quelque peu contradictoire avec le terme de 18 ans- encore que l'on ne sache pas a priori à partir de quelle date calculer ces années.
Survient 1848 et l'on s'aperçoit que la forme 18 fois douze lunes coïncide avec la durée du règne de Louis Philippe, la convergence est soulignée et c'est donc cette version qui l'emporte à l'aune d'un certain prophétisme alors qu'il s'agit très probablement d'une erreur de copie survenue en 1839 dans les Tablettes du Chrétien et dans le Journal des Villes et des Campagnes.
Toutefois, le fait qu'aucune réédition de la Prophétie d'Orval n'ait eu lieu entre 1840 et 1848 nous amène à penser que la Prophétie d'Orval était tombée en disgrâce et qu'il fallut la nouvelle Révolution aboutissant à la Seconde République pour confèrer toute son importance au passage des dix-huit fois douze lunes, ce qui fut aussi largement le cas pour la prophétie alliacienne, soixante ans plus tôt.
Il conviendrait dès lors de classer l'échéance de 1848 comme une réussite du prophétisme français au même titre, toutes proportions gardées que celle concernant 1789. On ne saurait être trop regardant: la prophétie d'Ailly devait elle aboutir à 1789 selon les calculs considérés et quant aux Centuries, les interprètes ne s'autorisent- ils pas d'y accèder en toute liberté, se contentant de retenir un chiffre ou un mot sans trop se préoccuper du contexte qui sera appréhendé dans la foulée.

Une littérature néo-vatiguerienne
En définitive, cette littérature olivarienne pourrait fort bien être qualifiée de vatiguerienne. On sait que ce texte avait servi au prix de l'ajout d'un coéfficient. L'étape suivante allait consister à la refondre. Il n'est pas indifférent que la dite Prophétie de Vatiguero/Césaire figure dans le recueil de Collin de Plancy de 1840 aux côtés des deux prophéties olivariennes. Collin précise qu'il faut ajouter 284 ans à chaque date. Le lecteur saisit ainsi des bribes: un roi mis en fuite, l'invasion de la France - une crainte ressentie surtout dans les premières années qui suivirent la Révolution puis dans les derniers temps du premier Empire - un jeune captif qui recouvrera la couronne de lis. La domination étrangère sera épargnée à la France de l'époque mais en 1830 - trois cents ans après la mise en place de cette version liée à la captivité de François Ier - la spoliation des droits du jeune Henri V exaspèrera les esprits et Louis Philippe sert de repoussoir, un peu comme un antipape.

La Prophétie d'Olivarius et les Lunes
Il convient de souligner que le recours aux lunes pour marquer le temps dans un style prophétique est déjà attesté dans la prophétie d'Olivarius telle qu'elle apparaît en 1820 dans l'oeuvre de Marie Anne Adélaïde Le Normand . dont le récit est extrêmement proche, dans son propos, de celui de la Prophétie du Solitaire d'Orval. Au fond, tout se passe comme si la Prophétie d'Orval était celle d'Olivarius, ayant intégré la Monarchie de Juillet. Elle fait apparaître le jeune prince (qui pourrait être Louis XVII né en 1785) comme un recours et spécule sur la chute de Louis XVIII de la même façon que l'on spéculera sur celle de Louis-Philippe.et son remplacement par Henri V.
C'est ainsi que les Cent jours sont désignés par "trois lunes et un tiers de lune". Mais le règne de Louis XVIII ne sera pas de tout repos: "Le sang du vieil roi de la Cape sera le jouet de noires trahisons (..). Lors un jeune guerrier cheminera vers la grande ville" Il semble que cette accession soit, dans l'esprit de la prophétie, favorisée par les Belges (la Gaule Belgique). On comprend que Bareste ait publié en 1839 la dite prophétie dans le Capitole parallélement à ceux qui promouvaient celle d'Orval, plus à jour. Le fait que l'on indique les difficultés du règne de Louis XVIII permet d'y lire celle de Louis-Philippe tant le XIXe siècle est riche en recommencements.
On lit dans Olivarius: "Ains paix durant vingt cinq lunes", soit deux ans environ ou encore "sept fois sept lunes" soit près de quatre ans.

Un canon éclaté
Bien que la prophétie relayée par Mlle Lenormand. qui pourrait n'en avoir rédigé que les suites - les dix feuillets - au début des années Trente, en imitant le style de la première parution, semble être antérieure à la prophétie chère au Propagateur de la Foi, les éléments fournis pour la Prophétie d'Orval nous paraissent plus cohérents. Si celle ci n'avait été qu'une copie de celle d'Olivarius, on ne nous fournirait pas des explications aussi détaillées et vraisemblables sur son origine qui nous semble bien être le Mirabilis Liber à la structure si reconnaissable. A l'inverse, ce qui nous est narré de l'invention de la prophétie d'Olivarius nous semble plus hâtif et on ne nous signale un recueil du XVIe siècle que de façon très ponctuelle. Nous sommes bel et bien face à un même ensemble néo-mirabilien qui aurait pu faire l'objet vers 1870 - comme pour Nostradamus au début du XVIIe siècle et déjà en 1594 avec la compilation chavignienne en faveur d'Henri IV - d'un canon regroupant trois volets la Prophétie d'Olivarius telle qu'elle figure dans les Mémoires de 1820 et 1827, la prophétie d'Orval telle qu'elle figure dans l'Oracle pour 1840 - avec éventuellement l'interpolation des dix- huit fois douze lunes de 1848 - les feuillets d'Olivarius de Mlle Le Normand parus en 1831-1833. Un tel canon, plus qu'un recueil de pièces par trop dépareillés, eut servi la cause d'Henri V lequel de toute façon, à la différence de son aïeul, ne pensa pas qu'il pouvait se permettre de compromis avec ses convictions chromatiques, à propos du drapeau.










Chapitre IV
La faillite des dynasties

1848, rétrospectivement, apparaît comme le coup fatal porté à la dynastie Bourbon et à son supplétif Orléans. 1870 voit, pareillement, le dernier Bonaparte porté au pouvoir. Cela n'empêchera, bien au contraire, toutes sortes de prétendants de se manifester et au prophétisme d'alimenter leurs attentes.

I - Le prophétisme autour de Louis-Napoléon Bonaparte

Napoléon III apparaîtra comme un personnage quasi-messianique, notamment au regard de la question juive., c’est ainsi qu’il est à l’origine du décret de naturalisation des Juifs d’Algérie qui sera mené à bonne fin en 1870 par Adolphe Crémieaux. La Guerre de Crimée qui conduit la France en Orient correspond en quelque sorte à un acte manqué, à l'instar de la Campagne d'Egypte de son oncle. Quant à la politique italienne, elle se termine en catastrophe, lorsque la France retire ses troupes au moment de la Guerre franco-prussienne. Louis-Napoléon Bonaparte nous apparaît donc comme le dernier monarque français, celui qui aurait pu en effet accomplir un destin en résonance avec certaines attentes prophétiques. Napoléon III finira par être considéré comme Antéchrist.

A - L'ajustement des prophéties à partir de 1848

La chute de Louis-Philippe- lequel d'ailleurs abdique en faveur de son petit fils le Comte de Paris et non en celle d'Henri V - relance les espérances du camp bonapartiste comme du camp légitimiste qui songe à Henri V mais aussi, chez certains dissidents, à Louis XVII dont plusieurs revendiquent l'identité .
Paul Lecoint, dans sa Justice de Dieu. Prophétie sur les destinées de la France et du Président de la République propose un raisonnement assez alambiqué à base de dates et de nombres en faveur du Duc de Normandie, qui ne serait de toute façon plus tout jeune, puisque né en 1785, il aurait la soixantaine. Mais 1848, c'est aussi, pour le milieu prophétique, la consécration tant attendue de la Prophétie d'Orval. 1848 et la Deuxième République apparaîssent au demeurant comme le début d'une Ere Nouvelle qui justifierait comme en 1792 de ne plus compter à partir de l'Ere Chrétienne .
Avec la Révolution de Février qui apporte comme une confirmation de la Prophétie d'Orval", il semble que la hiérarchie religieuse ne puisse plus "laisser faire". Il en sera de même en 1870 avec la Prophétie des Papes" qui, chez certains, revêt effectivement un caractère assez trouble. pour ne pas parler des spéculations sur la prochaine conversion des juifs, considérée comme une des conditions de la Fin du Monde. Nous avons vu (qu'à la fin du siècle précédent, ce "rappel" des Juifs constituait une pomme de discorde au sein des milieux catholiques.
Au lendemain de la Révolution de Février, la Prophétie d'Orval" est de nouveau à l'honneur: Dujardin rappelle ce qui s'est passé en 1840. La Gazette de Flandre- Artois" dans un numéro paru au lendemain des événements, cite le texte du Journal des Villes et des Campagnes" de 1839 (BNF, Rp 2392) mais reproduit celui de l'Oracle pour 1840 dans son édition datée de décembre 1839. La nouvelle Révolution est là avec la Seconde République.
Il parait une Prophétie Merveilleuse concernant la Révolution de Février 1848, la chute de Louis-Philippe, la Restauration de la Royauté et les événements qui doivent venir". Il s'agit simplement de la Prophétie d'Orval" découpée en un certain nombre d'épisodes.
Un titre très proche circule également à cette époque mais cette fois annonçant la "proclamation de la République": Prophétie merveilleuse concernant la Révolution du 24 février 1848: La Chute de Louis-Philippe, la proclamation de la République et les événements qui doivent suivre (extraite d'un ouvrage imprimé à Luxembourg en 1544 sous le titre de Prévisions d'un Solitaire (BNF, Lb53 45)

Echéances de la prophétie d'Agier
Si le camp orvalien a connu un certain échec en 1840, il est d'autres prophètes également déçus, les lecteurs de la Revue Ecclésiastique, Tome X. (BNF, D 50435) qui ont attendu l'arrivée de 1849 dans l'esprit de ce qu'Agier écrivait en 1822. Il y était entre autres question des juifs qui convertiraient le monde entier au christianisme. Or, en 1849, paraîssent, sous la plume de l'Abbé J. Charbonnel, J., Soixante ans encore! et le monde n'est plus. Féconde et plausible explication de l'Apocalypse (Paris et Mende BNF, A 83370) où l'auteur annonce la délivrance de Jérusalem pour 1896-98, la conversion des juifs, le règne de l'Antéchrist, le tout s'achevant vers 1909-11.
Comme à l'accoutumée, certains s'essaieraient de revoir la date annoncée. Dans un Avis à nos frères pour les derniers temps paru en 1850 dans la dite revue . Le propos est présenté dans l'esprit d'un pari pascalien:
"Supposé que nous nous soyons trompé en compagnie de ces hommes si judicieux et si savants, il n'y pas grand inconvénient. L'événement viendrait nous démentir et nous fermer la bouche. Le lecteur de son côté aurait perdu quelques heures de son temps, ce qui n'est pas une grande perte pour la plupart et ce qui vaudra mieux que de le consumer à des lectures dangereuses ou à des plaisirs défendus par la loi de Dieu. Mais si nous ne nous trompons pas (comme nous en avons la ferme confiance), quels avantages ne retirera-t-on pas de l'étude de ces avertissements!" (p. 365).
Et de nous expliquer qu'Agier a commis une erreur en plaçant l'édit d'Hadrien en 134 et qu'il convient, au vu de certains documents historiques, de repousser cette date de quelques années et de conclure " Nous connaissons maintenant d'une manière approximative l'étendue de cette période (le grand "renouvellement"), elle semble devoir se terminer vers le courant de 1850-1851 ou 1852"



Le comique prophètique
Le prophétisme se trouve pris entre deux feux: la hiérachie catholique s'inquiète et le public exprime une certaine dérision. Des Prophéties comico-blago-charivariques pour 1848 de F. Le Villard, F., paraissent chez Mme Delavigne (BNF, Zp 2479). L'on met les comètes en vers.

Chanson de la Comète de 1848 (BNF)
Elle nous prédit la défaite
Des rois qui faisaient tant de bruit
Par ce signe, l'Etre suprême
Nous annonce ce Parfait bonheur
De l'abondance, elle est l'emblème
Du despotisme la terreur (bis)
Vive la Comète (bis)
...........................
Signé: Mazoyer ”


La crise constitutionnelle de 1851
Nous avons pensé qu'il serait heureux de nous arrêter sur un événement qui, a priori, est extérieur à notre sujet, à savoir le coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte, qui survint le 2 décembre 1851. Mais ce faisant, nous pensons contribuer à une réflexion plus en profondeur quant à l'essence du phénomène prophétique.
Au demeurant, les textes jouent en cette affaire un rôle déterminant, en l'occurrence celui de la constitution du 4 novembre 1848, qui fut suivie le 10 décembre de la tenue de l'élection présidentielle au suffrage universel, la première du genre en France, sur le modèle américain.
Ceux qui rédigèrent la constitution fixèrent en effet à 4 ans le mandat du Président, à l'instar de la constitution des Etats Unis. Mais ils pensèrent judicieux d'interdire la possibilité d'un deuxième mandat pour le même Président en 1852. A la rigueur, selon l'article 45 de la constitution, le Président sortant - on ne savait pas encore que ce serait Louis Bonaparte - pourrait se représenter en 1856, après quatre ans d'absence. L'on observe donc une tentative de la part du monde politique de baliser le futur .
Il subsiste des manuscrits qui ne firent apparemment pas l'objet de publications et qui témoignent d'une certaine pression du milieu astrologique français sur le futur Napoléon III. La Bibliothèque Municipale de Lyon-La Part Dieu conserve des lettres d'Eugène Ledos Eugène (n° 5806), l'une de novembre 1848, à la veille de l'élection du 10 décembre et l'autre du 7 avril 1851, adressée au Prince Président de la République, alors que le pouvoir personnel ne s'était pas radicalisé. Ledos y encourage Louis Napoléon Bonaparte sur la voie de l'Empire.
Toujours est-il que Louis-Napoléon tenta vainement d'obtenir la révision de l'article 45 mais il ne put atteindre la majorité nécessaire des 3/4 pour ce faire car les monarchistes avaient déjà leur propre candidat en réserve. Un compte à rebours était déclenché car il fallait impérativement que le coup d'état eut lieu avant la fin du mandat de 4 ans, donc avant le 10 Mai 1852. Ce qui fut fait. Une nouvelle constitution, du 14 janvier 1852, confèra à Louis-Napoléon un mandat de dix ans, donc a priori jusqu'en 1862.
Les monarchistes, qui venaient de "fusionner", avaient en effet intérêt à empêcher que Louis Bonaparte puisse demander un second mandat, ils considéraient que l'heure était venu de rétablir, après ce bref entr'acte de 4 ans, la monarchie en trouvant un accord entre Orléanistes et légitimistes, quitte à passer par une élection présidentielle, dans un premier temps.
En quoi ces événements sont-ils d'un enseignement pour une recherche sur le prophétisme? Nous ferons d'abord remarquer que nous sommes en présence d'une fixation arbitraire du temps et l'on peut se demander si le prophétisme n'a pas correspondu à une sorte de préhistoire de la démarche constitutionnelle, par une fixation de dates qui devait avoir un certain fondement et relevait parfois du mouvement des astres dans le ciel, à la façon d'une horloge.
Mais l'échec même du procédé est également signifiant: un tel mécanisme ne pouvait en quelque sorte que contraindre Louis-Napoléon au coup d'état, ce dont il se serait passé, si on lui en avait donné l'occasion. Dans ce cas, le changement d'une partie infime d'un article du texte constitutionnel ne pouvait se faire que de façon très lourde par un accord de la plupart des députés. Et c'est en raison de cette impuissance même à amender le texte, pour l'adapter aux circonstances, que la constitution de 1848 fit long feu et qu'un homme et ses parusans furent contraint de recourir à la force. Par comparaison, ni la monarchie, ni la papauté, ne se situent dans une durée limitée, aucune structure de la vie politique de l'Ancien Régime ne se pliait à une quelconque périodicité: seule la majorité du roi en France était clairement précisée, en liaison avec les rites de passage (à 13 ans, bar mistva, chez les juifs, circoncision chez les musulmans). D'une façon plus générale, le droit constitutionnel est l'expression du temps de la Cité. Même la mort du roi, sous l'Ancien Régime, ne devait, en principe, laisser de vide institutionnel, de par la mise en place de processus automatiques. En fait, la naissance et la mort du souverain pourraient avoir été considérées en analogie avec le lever et le coucher d'un astre, en dehors de toute interférence.
Nous avions signalé les mésaventures de Lalande en 1773 provoquant une panique en discourant sur une comète, alors qu'il ne souhaitait en aucune façon jouer au prophète. Dans le cas de la constitution de 1848, nous avons affaire à des hommes qui n'ont pas davantage une telle ambition mais qui, parce que voulant exorciser l'avenir, en posant des principes draconiens, ont induit une situation explosive.

Madrolle et Louis XVII
Au cours de cette période qui précéde le coup d'Etat de Louis Bonaparte du 2 décembre 1851, et où le sujet la mode est l'élection d'un président de la République, issu d'une des familles ayant régné sur la France, Antoine Madrolle fait paraître, en cette année, une véritable somme prophétique , mêlant centuries et Mirabilis Liber: Le Grand Prophète et le Grand Roi...de la République Française (BNF, 8° Lb55 2002).
Ce dernier ouvrage, peu connu des spécialistes de Nostradamus - qui n'ont pas balisé systématiquement le corpus prophétique - fait au demeurant largement appel aux Centuries. et à Jean Aimé de Chavigny, . Madrolle y propose un commentaire des pièces du Mirabilis Liber sans le citer, à la différence de Boispréaux, Déodat (de) en 1820. C'est en fait des pans entiers de ce recueil qu'il date de 1520, qui se retrouvent dans le Grand Prophète et le Grand Roi, extraits tant de la partie latine que de la partie française.
Pour Madrolle, en 1851, le grand Prophète, c'est Pierre Michel Vintras alias Sthratanaël, le "prophète de Normandie" au service du "duc de Normandie", Louis XVII ou de ses fils, notamment l'aîné, le "dauphin", Charles Edouard de Bourbon, comme il le désigne dans son introduction. Madrolle qui s'était réjoui de la mort providentielle du duc d'Orléans en 1842 dut déchanter lors de celle de Charles-Louis Naundorf en 1845.
Le titre de l'ouvrage de Madrolle, est assez explicite son Grand roi de la République Française, c'est bien entendu celui qui fera suite à Louis-Napoléon à la fin de son mandat de 1852. L'idée d'un roi élu du peuple, est dans le prolongement du statut de roi des Français de Louis-Philippe. C'est de fait le mariage entre la république et la monarchie
Madrolle commente (Grand Prophète, pp. 140-141) le Janus Gallicus, au profit de Louis XVII. Ne trouve-t-on pas en traduction latine du quatrain de Juin 1561
"Excurret modo, nec campo pugnabit aperto
LODOICUS, versans tristes in pectrore curas
Undique primates horrenda pericula cingent
At SEPTEM atque DECEM plures numero adgredientur"
Le Janus Gallicus de 1594 rend très librement le quatrain de l'Almanach (
"Course de LOIN, ne s'apprester conflicts
Triste entreprise, l'air pestilent, hideux
De toutes parts les Grands seront afflicts
Et dix sept assaillir vint & deux"

On notera que le chiffre 22 au dernier verset n'est pas repris dans la version latine. Madrolle trouve dans le passage en latin Lodoicus et 17, sans se demander comment l'on est passé de "Loin" à ce nom (cf supra).
Cela dit, Madrolle interroge: "Le Janus Gallicus va jusqu'à nommer le grand roi futur, Louis. Et cela, l'an (15)94, lorsque nul Dauphin ne portait ou n'était appelé à porter ce nom."
De fait, aucun dauphin n'avait reçu le prénom de Louis, depuis le fils de Charles VII, en 1423, le futur Louis XI, soit depuis près de deux siècles, Louis XII n'étant pas promis au trône à sa naissance, ni même frère du dauphin. Qu'est-ce qui amena Henri IV à baptiser son fils ainsi, hormis le souvenir de Saint Louis dont la descendance faisait des Bourbons des princes du sang et justifiait leur accès au trône de France, en tant que cousins éloignés? Nous montrerons, au livre suivant, que le Janus François avait transformé chaque fois LOIN en LODOICUS en hommage à Louis Ier de Condé (1530-1569), également un Bourbon, le Grand Condé portera ce prénom au siècle suivant. Toujours est-il que le nom de Lodoicus, proche de Ludovicus, figurera à de nombreuses reprises, dans le Janus Gallicus sinon dans les quatrains de Nostradamus et qu'au cours des deux siècles suivants, c'est ce même prénom qui marquera tous les rois de France, de Louis XIII à Louis XVIII. Peut-on supposer que le prénom Louis conféré en 1601 au Dauphin serait inspiré du Janus François? Ou bien le prestige de cet ouvrage tint-il en partie à ce subterfuge du Lodoicus, concernant le passé et qui ne visait qu'à montrer l'aptitude des centuries à prévoir les événements écoulés jusqu'à la rédaction du Janus François, sans prétention pour l'avenir?


L'Astrologie dans l'Encyclopédie de Migne ;
Dans la monumentale Encyclopédie (de Migne); de Migne, les sciences occultes ont droit à deux volumes, sous la direction de Collin de Plancy, qui reprend (cf supra) les éléments de son Dictionnaire Infernal", qu'il expurge en raison de son évolution spirituelle. On y trouve, certes, une foule de données concernant la pratique de l'astrologie sans, nous semble-t-il, que cela puisse vraiment permettre au lecteur de dresser un thème. Ce qui autorisera encore en 1864 Paul Christian, Paul, dans l'Homme Rouge des Tuileries, à laisser sciemment croire à son lecteur qu'il n'y a jamais eu d'autre astrologie qu'un certain mélange d'astrologie et de tarot, n'hésitant pas cependant à dresser des thèmes à la manière du XVIe siècle, mais qui ne reposent pas pour autant sur des bases astronomiques réelles (cf infra). Dans son Histoire de la Magie, Paul Christian
Paul Christian fournit en outre plusieurs centaines de maximes astrologiques issues d'auteurs classiques. En revanche, Eliphas Lévi, avait revendiqué l'héritage de Gaffarel, . ce qui semble beaucoup plus vraisemblable pour fonder une sorte d'astrologie cabalistique à base de cartes.


Le Dictionnaire des Prophéties de Lecanu
Mais l'on trouve dans la même collection "Migne" paraissant à Montrouge, dans la banlieue parisienne, les deux tomes du Dictionnaire des Prophéties et des Miracles" du Chanoine Auguste François Lecanu parus respectivement en 1852 et 1857 et qui comportent nombre d'articles qui recoupent directement notre corpus, notamment . Il s'agit surtout d'un travail qui se démarque sensiblement par son ton des classiques recueils de prophéties des années 1840 bien qu'il comporte au demeurant les mêmes textes. Il est notamment le premier à reproduire - ou plutôt à redessiner avec de légères variantes - "une roue de vaticination", celle d'Aegidius Polacus, De XXVI Pontif. Rom. qui s'arrête à Clément VIII et comporte encore quatre cases vides (pp. 505-506) à partir d'un recueil italien de 1600. L'auteur ne semble poursuivre aucune quelconque entreprise de propagande et s'efforce de faire oeuvre critique.
De fait, les 2000 colonnes du Dictionnaire constituent une somme impressionnante de documents: on y aborde la plupart des textes qui ont retenu notre attention avec des éléments bibliographiques utiles; l'article "Papes" fait le point sur les Vaticinia et Malachie, l'article "Prophéties Politiques" où il reproduit entre autres les prophéties olivariennes, l'article Mademoiselle Le Normand, l'article "Liber Mirabilis", l'article "Regiomontan" (sic), l'article "Nostradamus" etc.
Lecanu fournit nombre de textes, son Dictionnaire étant à certains titres une anthologie, il reproduit une grande partie de ce que Gianini écrivait, vers 1600, sur les Vaticinia pseudo-joachimites, ainsi qu'une étude de Boyeldieu d'Auvigny sur Marie Anne Le Normand.. On y fait écho à certains doutes sur la paternité de celle-ci par rapport à un ouvrage du genre des Mémoires de l'Impératrice Joséphine. Le chanoine décrit par le menu les pièces constitutives du Mirabilis Liber sans pour autant mentionner le recueil de .i.Lichtenberger qu'il reprendra au demeurant par ailleurs.
Liber Mirabilis:
"un traité de la certitude de la divination astrologiques et de ses révélations particulières"
La Pronosticatio:
Lichtenberger "reprend les prophéties de ses prédecesseurs: celle de Joachim,de Sainte Brigitte, de Régnier (sic, pour Reinhardt) Lolhart"
Lecanu ne réalise pas que les deux documents sont identiques. On a déjà mentionné son explication ingénieuse pour l'apparition du nom de Saint- Césaire à propos d' une des pièces du Mirabilis Liber. Lecanu s'efforce de cerner les dates du dit recueil: "la plus ancienne édition est postérieure à l'an 1514 puisqu'on y trouve, sous la forme d'un entretien entre le Sauveur et sa Mère, une vaticination datée de cette même anée. Il y a une seconde édition faite à Paris en 1523"
Mais si Lecanu traite assez longuement des prophéties pseudo-merliniennes, il ne signale pas leur présence pour autant dans la partie en français du Mirabilis liber où il est vrai le nom de l'enchanteur ne figure pas (cf supra).
Par ailleurs, Lecanu s'efforce de cerner la genèse de certaines prophéties: la fixation de l'échéance régiomontanienne de 1588 serait due à une nouvelle interprétation de la prophétie d'Arnaud de Villeneuve. (c. 1240 ou 1250 av. 1312).qui avait d'abord abouti aux années 1355 et 1464. Le Dictionnaire des Prophéties, qui garde le plus souvent un ton assez distancié, signale que l'on a changé par la suite 1588 en 1788. Lecanu n'hésite pas à traiter de compilations tardives les Prophéties d'Olivarius et d'Orval, attribuant la première à Mlle Lenormand. Mais dans l'ensemble, il juxtapose des textes sans les relier dans la diachronie, ni en en précisant les variantes comme dans sa brève étude de "Lilium dominans in meliore parte". Lecanu pourrait néanmoins être considéré comme l'un des pionniers des études sur le prophétisme.









B L'agitation prophétique avant 1870
Citons un texte anglais, signé Baxter, paru en 1865 à ondres sous le titre Louis Napoleon, the destined monarch of the world and future personal Antechrist foreshawn in prophecies to confirm a seven years's covenant with the Jews about seven years before the millenium (..) until he finally perishes at the end of the war of Aremageddon about or soon after 1873, BNF, Lb56 490 A. Il s'agissait pourtant d'une sorte de réédition- un bégaiement- de ce qui s'était produit à la fin du précèdent siècle. La défaite de 70 - Sedan - va relancer vigoureusement le débat prophétique, on pense notamment au roman historique de ce nom d'Herman Goedsche, L'Empereur français est déchu, neveu de celui qui avait mis fin en 1806 au Saint Empire Romain Germanique. Le deuxième Reich Allemand est fondé à Versailles en janvier 1871. En 1873, année de sa mort, paraît encore, dotée d'une iconographie représentant Napoléon III, l'Internationale, précurseur de l'Antéchrist d'un certain chevalier Alphonse de Maynard, A. de .

L'Histoire de l'Avenir du chevalier Péladan
Dans les années soixante, Adrien Péladan, chevalier pontifical, fut responsable d'un hebdomadaire qui devait avoir le statut d'une publication diocésaine: il s'agit de la Semaine religieuse de Lyon, d'Autun et de Saint Claude et de la province (BNF Lc11 598 (20). A la fin de 1867, apparait une rubrique intitulée "Prophéties" qui transforme son nom au début de l'année suivante, en "Histoire de l'Avenir", elle est signée Péladan.
Ci-dessous les intitulés d'un certain nombre de chapitres; la série se conclut en quelque sorte par une lettre de l'abbé Torné-Chavigny sur Nostradamus:

1867 "Prophéties"
I La Révolution française et les troubles consécutifs en 1558 p. 734
II Calcul sur l'époque de la fin du monde
III L'avenir de la Prusse, annoncé au XIIIe siècle
IV Le grand Monarque
V Le monarque fort et le Pontife saint
VI Ce que fera le grand Monarque, suite de la polémique avec le ProgrèsVII Le dernier concile général
VIII Le grand Monarque Empereur d'Orient et d'Occident
IX Perpétuité du don de prophétie dans l'Eglise. Lettre prophétique inédite (de l'abbé Théaz (sic) à savoir Théard.
X Prophéties du Père Nectou de la Compagnie de Jésus. Fin des extraits de la prophétie du Père Nectou. Avenir de l'Angleterre, son châtiment et sa conversion.
XI Tableau des sept époques de l'Histoire de l'Eglise
XII Prophétie de Prémol publiée pour la première fois
XIII Prophétie de Prémol (suite)
XIV Prédiction sur l'Orient et la Turquie. A M. C. R. Girard, directeur du journal la Terre Sainte
XV Prophétie de Sainte Hildegarde et de l'ermite Théolofre sur l'Allemagne et l'Italie. La panique des bêtes, la prophétie de Prémol.
XVI Preuves de l'authenticité de la prophétie de Prémol. Prophétie inédite écrite au siècle dernier contre la secte des porte-lumière.
XVII Prophétie du Révérend Père Jérôme Bottin
(à)
XXI Prophétie de Plaisance, texte, traduction et clef
XXII Les 4 Révolutions. Prophéties de Hugues de Saint Chère.
XXIII Prophéties de Sainte Hildegarde
XXIV Le prodige aérien de Vienne
XXV Les Prophéties du Père Nectou
XXVIII Prédiction faite avant 1740. L'abbaye du Mont Saint Michel et la Monarchie française.
XXIX Prophétie sur le Messie conservées en Chine. Vision d'une religieuse sur l'avenir de la Pologne. Les prophéties (..) rien de commun avec le spiritisme. A M. le Comte de Paravey.
XXX La légende chrétienne du dernier roi des Francs, Prédiction touchant les derniers âges. Prophéties tirées des oeuvres de St Augustin. Consommation de l'Empire romano-chrétien.
XXXI Nostradamus est-il prophète? L'aigle celtique à Lyon. Lettre de Torné-Chavigny du 14. 11. 1868. Numéro du 12. 12. 68, sixième année.
XXXII Prophétie de Saint Augustin et de St Catalde sur le grand Monarque.
XXXV L'Aigle celtique à Saint Héléne.
Témoignage important que ce "feuilleton" diocésain en ce qu'il est probablement plus significatif que la myriade de parutions prophétiques dont on peut douter de l'impact réel et de la représentativité du point de vue des milieux religieux. La présence, dans les colonnes d'une Semaine Religieuse, tout au long de l'année 1868, de ces références au prophétisme moderne, en fait, pour le moins, un phénomène de société.
Pie IX, né en 1792, est pape depuis 1846, c'est à dire avant l'âge de cinquante-cinq ans et le sera jusqu'en 1878, contrariant ainsi les calculs malachiques d'un La Tour de Noé et de quelques autres. En 1849, était paru Le Prophète de Rome; de C. Denis O'Kelly, . Il ne reste plus alors que onze papes à venir selon la série des devises accompagnées des armoiries et il faut compter selon cet auteur environ six papes en cinquante ans. Mais l'auteur ne se doutait apparemment pas de la longévité du nouveau pape.

Nouvel appel à Henri V
Dès les débuts de la Monarchie de Juillet, des appels à une régence en faveur du petit fils de Charles X émanèrent des milieux prophétiques développant une littérature olivarienne.
En 1850, A. J. Silvestre, publie un recueil chez .Dentu intitulé Le Monarque Fort. Son avènement en août 1850 - événements qui doivent encore le précéder (..) avec tous les accomplissements qui se sont succédé jusqu'aujourd'hui et l'indication de ceux qui doivent arriver encore très prochainement" (BNF, Lb55 2866). Mais le comte de Chambord a trente ans il est en passe de ne plus être vraiment le jeune homme des prophéties, ce qui rendra l'application de certaines prophéties à son profit de plus en plus délicate. En attendant, Napoléon III met tous les prétendants d'accord.
Dans les années Cinquante, parait une revue occultiste dirigée par un certain Alcide Morin Alcide: Qui vivra verra. La Magie du XIXe Siècle. On y trouve des quatrains qui, selon leur auteur, ne seraient pas indignes de Nostradamus et qui sont censés avoir annoncé, lorsqu'ils furent rédigés, le passage de la Deuxième République vers le Second Empire.

Les publications de Passard
La politique des éditeurs d'almanachs annuels est de s'appuyer sur des textes ayant fait leur preuve et dont le charme archaïque est apprécié. C'est ainsi que les Prophéties de Moult ou de Maginus- alias Tabourot sont rééditées et complétées par leurs , Charles Joseph Moult, et Charles Maginu, Charles (sic) Passard fait aussi appel à Nostradamus, mais celui-ci n'a pas associé son nom aux Pronostications Perpétuelles" sinon à travers Moult dont il aurait vérifié les Prophéties...
Ainsi, dans un recueil, paru chez Passard, présenté par un certain , il est question d'une Pronostication perpétuelle composée par les anciens Philosophes, comme Pytagoras, Joseph le Juste et plusieurs autres", mais qui débute en réalité par un texte très proche des éditions attestées de la Pronostication des Bons Pères" sans les anomalies de la.m1.Pronostication des Laboureurs. Puis viennent en annexes certains textes qui figurent également à la fin du recueil prophétique de Rabelais .
Un autre recueil paru à la même époque, toujours chez Passard, comporte des Prophéties ou Prédictions perpétuelles composées par Pythagoras et plusieurs autres anciens Philosophes pour l'utilité des marchands, laboureurs et vignerons".
L'on y trouve le poème introductif de la Pronostication des Laboureurs" mais avec un texte cohérent, offrant quelques variantes sans importance et encore très proche de la Pronostication des Bons Pères". Ce qui laisse entendre que cette adresse commençant par devait faire partie de la dite Pronostication et n'est pas un apport de la Pronostication des Laboureurs.
Il n'est pas pour autant certain que l'éditeur, malgré la parenté des titres, ait eu clairement conscience de la similitude existant entre les deux textes. L'un des deux textes a été visiblement réécrit.
En 1867, parait un recueil anonyme intitulé Les mille et une curiosités des Prophéties anciennes et modernes. Benjamin Constant est l'auteur de la préface de cette " dissertation sur les impressions superstitieuses" (BNF, R 32316). On y trouve des références à des articles de journaux (Le Magasin Pittoresque de 1855) et d'encyclopédies sur le sujet (L'Encyclopédie Nouvelle de Pierre Leroux et J. Reynaud, tome 1, p.353) .

Les Comètes des Années Cinquante et la fin du monde
En 1854, parait la Comète et le Croissant, présages et prophéties relatifs à la Question d'Orient par un "astrologue contemporain" (BNF, Lb56 173) .
Le Second Empire trouvera dans le passage d'une Comète l'occasion de glorifier la France:
Confiant dans nos astronomes
Qui prétend que c'est bien à tort
Qu'une Comète émeut les hommes
Moi, cependant trop bon Chrétien
Pour y voir un nouveau prophète
Je crois que ce n'est pas pour rien
Qu'il nous arrive une comète
…………………………..
Sixième couplet:
En ce moment, notre pays
Jouit d'une paix glorieuse
La France n'a plus d'ennemis
Tant elle est grande et généreuse
Les Russes, comme les Chinois
Ont vu que rien ne nous arrête
Et c'est l'empire de nos lois
Que vient consacrer la comète”
Signé R.V.

On comparera la comète du Second empire avec celle de 1811 (cf supra), qui incarnait en quelque sorte le Premier. Mais on ne se prive pas non plus d'ironiser à la façon de cette Fin du monde ou la comète de 1857, prophétie choucroutienne (sic) recueillie par Arthur Lamy et dévoilée par Narcisse " (BNF, Ye 55471 (1195) Signalons encore une Fin du monde ou le 13 mai 1857. Chanson en 14 couplets (BNF, Ye 55472 (2307) à propos du retour de la comète de Charles Quint (1555) L'abbé François Maréchal publie, cette année, une Dissertation sur la fin du monde; BNF, Vp 10769. Il s'agit du retour de la comète de 1556 dont un astronome allemand avait annoncé le retour catastrophique. L'Almanach Astrologique 1858. (Paris, Pagnerre)publie un article à ce sujet: "Les Comètes et la fin du monde"

. L'échéance de 1860
En 1786, trois avant la Révolution était parue une Prophétie sur la Fin du Monde". L'auteur qui garde l'anonymat, le chanoine Rémusat, Hyacinthe ne songe pas aux événements très proches mais à la fin du siècle suivant.
Le fait que Rémusat ne fasse aucune allusion aux attentes pour 1788, 1789 ou 1792 (et pas davantage d'ailleurs ses contradicteurs Italiens de 1790) montre bien à quel point les textes qui s'y référaient passaient alors plus ou moins inaperçus, même chez ceux qui s'intéressaient a priori au sujet. Le texte de Rémusat connaîtra d'ailleurs, on l'a vu, une carrière assez remarquable au sein des recueils de prophéties du XIXe siècle d'autant que l'an 1860 se rapproche. Puisque nous nous intéressons tout particulièrement à la fortune des recueils , il convient de préciser dans quel cadre parut la Lettre de Rémusat. Après avoir été publiée séparément, elle figurera au sein du Livre de toutes les Prophéties et Prédictions" au point que parfois c'est tout le recueil qui sera attribué au chanoine.
Arrêtons-nous sur certaines pièces du dit recueil, on trouve notamment dans une édition de 1861 une Prophétie attribuée au Grand Prophète Jérémie, tirée du livre intitulé: Liber Mirabilis, publié en 1524". Ce texte bilingue est en fait une version de la Prophétie de St Sévère" qui figure au début du Mirabilis Liber".
Le compilateur du Livre de toutes les Prophéties et Prédictions (LTPP) semble avoir remanié Bricon, Edouard dont il cite le nom à plusieurs reprises. Il s'efforce notamment en notes de relier certains passages avec des événements révolutionnaires ou post-révolutionnaires:

(1790)
(1793)
(1804)
Qui plus est, l'éditeur fournit un texte latin à l'appui de sa traduction, qu'il a en fait modifiée par rapport à celui du Mirabilis Liber". Le LTPP" a quasiment supprimé toutes les références à la géographie italienne, lesquelles ne convenaient pas vraiment pour une application du texte à la France de la Révolution. Une seule exception: , il ne s'agit là que d'une incidente et aussi .
Mais il y a mieux: une édition plus tardive du LTPP comporte des variantes supplémentaires de la Prophétie de Werdin": on y trouve un ajout emprunté à Fridriger-Naumerberger 12
La Prophétie de St. Malachie chez les Jésuites
Dans son répertoire des Jésuites, Sommervogel consacre à Menestrier une notice dans laquelle il fait référence à la Prophétie des Papes". Il rappelle que l'Espagnol Feyjoo, à la suite de Menestrier, l'a démystifiée. Il précise toutefois que ces textes Apostolicus se traduit par Pape Etranger et Aquila Rapax par Aigle ravissante”.

Eliphas Lévi et Trithème
Dans Dogme et Rituel de Haute Magie" et dans Histoire de la Magie", Eliphas Lévi (alias Constant); décrit la théorie trithémienne des cycles planétaires de 354 ans, ce qui lui permet de s'apercevoir qu'en 1879, le monde va changer de cycle puisque celui de la Lune, commencé en 1525, va s'achever. Lévi annonce ainsi que la France verra sa mission universelle reconnue. En 1871, Adrien Péladan dans son Nouveau Liber Mirabilis s'en fera l'écho.
On notera également l'intérêt de celui qui se présentait comme l'abbé Constant, Abbé pour Paracelse . Il donne une traduction de la Préface de la Prognostication du Docteur Théophraste Paracelse". Le texte s'achève sur la description de quelques vignettes et l'occultiste français de conclure:
Nostradamus n'est pas oublié: Eliphas Lévi cite dans son Histoire de la Magie 13deux quatrains relatifs aux Bonapartes ("Un Empereur naîtra près d'Italie" et "De soldat simple parviendra à l'Empire".) mais nous sommes sous le Second Empire et on nous cite un extrait d'un Recueil de Prophéties" de 1820 : .
Mais notre auteur connaît également les Vaticinia" de Joachim : il signale ; il décrit aussi les vignettes d'un exemplaire en lettres gothiques imprimé en 1527 (sic):
nné qui d'une main relève l'étendard de la France et étend de l'autre son épée sur l'Italie; on y voit deux aigles et un coq qui porte une couronne sur la tête et une double fleur de lys sur la poitrine; on y voit le second aigle qui fait alliance avec les griffons et les licornes pour chasser le vautour de son aire et bien d'autres choses étonnantes”
Il apparait que le fait qu' Alphonse Constant ait choisi, pour reprendre une formule de Gougenot des Mousseaux (Le Juif etc), un "nom de guerre judaïque" a pu contribuer à renforcer un certain antijudaïsme et à encourager l' amalgame entre judaïsme et maçonnisme dans la mesure où la Franc-Maçonnerie recourt à une symbolique souvent proche de la kabbale. L'antisémite russe Serge Nilus (1852-1930), à la fin du siècle, le citera abondamment.et reproduira ses dessins. (cf notre ouvrage, Le sionisme et ses avatars au tournant du Xxe siècle, Ed. Ramkat, 2002)

Le procès de La Salette
En 1857 une demoiselle Constance de St Férréol de La Merlière, C. (de) poursuit en justice les abbés J. Déléon et J. Cartelier auteurs d'un texte qui laisse entendre qu'elle ne serait ni plus ni moins que celle qui serait apparue en tant que Vierge à deux enfants en 1846, à La Salette. C'est Jules Favre, dont on connaît le destin politique au début de la IIIe République, qui en fut l'avocat. La "Vierge" aurait engagé les enfants à ne révéler un secret qu'en 1858. Lecanu, dans son Dictionnaire des Prophéties de 1855, consacre un article au "Miracle de la Salette" et se réfère à ce propos à Pierre Michel Vintras. , le "prophète cauchois".

Une nouvelle version de la prophétie de Naples
En 1868, les Lettres d'un Ermite de J. E. de Camille, extraites du journal Le Monde consacrées en grande partie à l'Antéchrist comportent in fine des passages consacrés à la Succession des Papes selon St Malachie, à la Roue Prophétique des Pontifes, au Livre Merveilleux, à Holzhauser, à Bricon. On y trouve notamment une prophétie attribuée à Sainte Brigitte qui n'est autre qu'une reprise de la Prophétie dite de Naples (cf supra) mais avec des dates supplémentaires pour le XIXe siècle:
"1791 L'indignation de Dieu sur toute la Terre
1800 Dieu sera reconnaissant au petit nombre
1829 Une partie de l'Espagne tombera
1830 Il y aura salut
1846 Il n'y aura pas de Pasteur
1848 Gens contra Gentes
1860 Le plus scélèrat des hommes paraîtra
1886 Surgira l'Homme seul
(Dans la prophétie de Naples, c'est la date de 1888 qui figure)
1890 Il y aura un seul Pasteur et un seul Berceau
1900 Il y aura un grand signe dans le ciel
1980 Les impies prévaudront
1999 Les lumières s'éteindront.
En 1866-68, l'abbé Guillaume Rougeyron, . introduit les prophéties malachiennes dans deux de ses ouvrages: Les derniers temps, Paris, pp. 397 et seq en 1866 (BNF, D 56297) et De L'Antéchrist. Recherches et considérations sur sa personne, son règne, l'époque de son arrivée et les annonces qu'en font les événements actuels, en 1868, Paris, pp. 321-323 (14

Les faveurs de la hièrachie
En 1866, paraissait une "Lettre d'un Libre penseur à Monseigneur Félix Dupanloup, évêque d'Orléans au sujet de sa Lettre Pastorale sur les malheurs et les signes des temps, signée par un Franc Maçon du nom de Pierre. (BNF, Lb56 1660). Il s'agit d'une Lettre en réponse à la lettre pastorale du 9 octobre 1866 (BNF, 8° H 7501 (10). L'évêque Félix, très affecté par une catastrophe naturelle survenue dans son diocèse d'écrire alors: "Je ne puis pas ne pas remarquer combien les expressions dont se sert Notre Seigneur pour annoncer les mauvais jours s'appliquent étrangement aux temps où nous sommes et aux fléaux qui nous éprouvent" (p.5) A l'appui de son propos, Dupanloup fournissait quelques documents maçonniques. Il lui est ainsi vertement répondu: "Vous venez de publier sur les malheurs et les signes du temps, une lettre dans laquelle votre imagination se plait à nous montrer le présent et l'avenir si menaçants que nous sommes tentés de croire à une fin prochaine du monde et que nous n'avons plus qu'à renouveler ce qui se fit en l'an Mille donner tout ce que nous possèdons au clergé pour racheter nos fautes". Le fait que ce texte ait pris une tournure officielle en ce qu'il se trouve au sein d'une Lettre Pastorale de 1866 s'adressant aux prêtres du diocèse d'Orléans, montre bien quelle était l'attitude du clergé à la fin du Second Empire.
En cette même année 1866, Dupanloup est l'auteur d'une Préface à la cinquième édition d'un ouvrage controversé de Beauchesne: Louis XVII, sa vie, son agonie, sa mort, Paris dont la première daterait de 1852, ouvrage visant à rejeter les thèses évasionistes de l'époque. L'évêque y compare la mort de Louis XVI et de sa famille à la Passion du Christ. Cinq ans plus tard, en 1871, Dupanloup réagira contre les Prophéties modernes, dans une autre Lettre Pastorale (cf infra), s'alarmant devant la prophétisation croissante du clergé et de ses ouailles, visant à actualiser les Ecritures, au risque de n'en faire que des moyens de l'action politique, notamment autour d'Henri V.
Gruau de la Barre, qui publie hors de France, s'en prendra en effet à cet ouvrage avec son Non, Louis XVII n'est pas mort au Temple. Réfutation de l'ouvrage de M. A. de Beauchesne, Louis XVII etc, Bruxelles et Leipzig, 1858, BNF Ln27 15100, puis par un Louis XVII, Réponse à un article critique de la Revue Contemporaine, Bréda, (Pays Bas), 1858, BNF, Ln27 34912 ainsi que Le royal martyr du XIXe siècle. Réplique historique à Mgr Dupanloup, évéque d'Orléans, apologiste de l'oeuvre mensongère de M. de Beauchesne..., Breda, 1869, 1870, 3 vol., BNF, 8° Ln27 42431.
Les années soixante voient l'Eglise sous Pie IX accueillir favorablement les spéculations prophètiques. On verra que la chute du Second Empire aboutira à un certain raidissement.
En 1863, la Civilta cattolica, proche des milieux pontificaux prend la position suivante:
"Quant à l'apparition de l'Antéchrist, il y a lieu de la croire d'autant plus prochaine que ses précurseurs se montrent avec des caractères plus ressemblants et que l'état des choses dispose mieux les esprits à accueilir sa venue". On y parle de l'"organisation des sociétés secrètes" comme de l'un de ces signes. De façon assez pertinente, l'auteur de l'article pressent que l'essor de la technologie ne pourra que concentrer les pouvoirs d'un seul, ce qui rend la description de l'Antéchrist de mieux en mieux perceptible. L'article se poursuit en fustigeant ces "malheureux écclésiastiques qui,dans la guerre actuellement livrée à l'Eglise et au Christ favorisent par leurs actes et leurs discours la cause de la révolution et les précurseurs de l'Antechrist".
Pour apprécier l'impact de la défaite de 1870 sur le prophétisme, encore importe-t-il d'apprécier ce qu'il est dans les années qui précédèrent de façon à ne pas être tenté d'expliquer par une guerre perdue des phénomènes qui lui étaient antérieurs.
C'est ainsi qu'en 1868, la revue jésuite des Etudes religieuses, historiques et littéraires (15accueille un gros article, en trois livraisons, du jésuite Pierre Toulemont, intitulé "La question de la fin du monde et du règne de Dieu sur la terre".
Toulemont y fournit de nombreux exemples d'un climat prophétique dans les dernières années du Second Empire. Et cette effervescence constitue un terrain pour les années à venir, à moins qu'elle ne les anticipe. En 1868, la revue, le Mémorial Catholique, débute pare un "Nouveau mot sur le millénarisme et sur notre espèrance", par L. F. Guèrin et D. Laverdant. (BNF, Z 54913). En 1869, Guérin répliquera à l'article du jésuite par un éditorial, "Le messager de la fin du monde" (BNF, Z 54914)
Tout comme les protestants se sentant menacés au XVIIe siècle se sont ouverts au prophétisme antéchristique, de même la Papauté, au milieu du XIXe siècle, vivant très mal la révolution italienne, est- elle perméable à de semblables spéculations qui désignent comme Antéchrist ou comme son "agent" l'adversaire. On peut se demander si un tel état d'esprit ne prépare pas le terrain à un nouvel essor de l'antisémitisme, l'antéchrist étant celui qui est à la fois proche et hostile (

II - Le grand émoi de 1870

Au XIXe siècle, la France fait songer aux Hébreux. Elle passe par des phases si contradictoires d'apogée et de catastrophe et en outre elle a des prophètes qui s'en font l'écho.
Quand on étudie les dates de publication d'un Torné-Chavigny, d'un Chabauty, l'on observe que la période la plus foisonnante est le début des années Soixante-Dix. Il convient de nous resituer dans le climat particulier qui règne alors au niveau politique. La République a certes été proclamée mais les espoirs du camp monarchique restent considèrables et l'on espère qu'une fois de plus, comme en 1848, la république ne constituera qu'une brève parenthèse, un interrègne, une sorte de régence, peut-on présumer, se mettra en place, comme ce fut le cas sous Cromwell. Et de fait, si le futur Henri V n'avait pas désespéré les Orléanistes avec l'exigence du drapeau blanc en remplacement du drapeau tricolore, les années Soixante-Dix ne se seraient pas achevées sans une nouvelle Restauration au profit des royalistes, au nom d'un certain principe d'alternance avec les bonapartistes, eux aussi un mal nécessaire, qui venaient de passer la main. En fait, pour les monarchistes, il était possible de "prophétiser" leur retour après la phase bonapartiste comme cela avait eu lieu après la chute de Napoléon Ier.
La défaite de 1870 lors de la guerre franco-prussienne, où la France fut si seule, l'écroulement de l'Empire de Napoléon III, les menaces qui pesèrent sur Paris, la Grande Cité (incendie, destruction), la fin simultanée des Etats de l'Eglise, tout cela appelle le commentaire prophétique. On s'apitoie sur la France. Et c'est l'Allemagne victorieuse qui décidément serait l'Antéchrist.
Adrien Péladan, , le père du Sar Péladan l'exprime clairement dans son Nouveau Mirabilis Liber" dont une partie était parue, nous l'avons signalé, dans la Semaine Religieuse de Lyon. A présent, son propos prendrait un sens plus fort. Péladan est assurément un passionné de littérature prophétique et ses recueils qui paraîtront jusque dans les années quatre vingt sont l'aboutissement de l'Ecole prophétique française, pour le meilleur et pour le pire. C'est ainsi que dans un chapitre consacré à Trithème, ("Prophétie monumentale de Trithème sur les grands événements") reprenant la démarche d'Eliphas Lévi, , tenue vingt ans plus tôt, il souligne l'importance de l'année 1879, qui conclura le cycle de la Lune . "A cette date de 1879, précise Péladan, en 1871, de laquelle si peu d'années nous séparent, régnera donc Michaël, l'ange du Soleil qui est aussi l'ange de notre patrie, l'empire universel sera formé et la France en sera l'âme et le siège"
Il faut compter 354 ans à partir du début de la création du monde - et non depuis le début de l'ère chrétienne,. avec pour changements de règne planétaire, 354, 708, 1062, 1416, 1770, 2124 etc pour aboutir à 1879 après Jésus Christ, soit l'année suivant la publication du Dernier Mot des Prophéties mais dès 1871 le texte figurait dans le Nouveau Mirabilis Liber. Il est clair que le dispositif trithémien est lié à une certaine chronologie du monde.
Péladan, dans la lignée d'Eliphas Lévi conclut: "C'est Trithème qui parle: "Peut-être la France aura-t-elle à subir une croix et un martyre analogues à ceux de l'Homme Dieu mais, morte ou vivante parmi les nations, son esprit triomphera et tous les peuples du monde reconnaitront et suivront en 1879 l'étendard de la France victorieuse ou miraculeusement ressuscitée" (Dernier Mot, deuxième, Nîmes, Ed., 1878, p. 112). Toujours le spectre prussien.
Au lendemain de la défaite, les recueils de prophéties connaissent un nouvel essor: l'on réédite la Fin des Temps" de Collin de Plancy mais cette fois avec de nombreuses illustrations. D'ailleurs, rétrospectivement, cette Troisième République, déclarée le 4 septembre 1870, ne laissera pas en plus d'un siècle, avec ses avatars constitutionnels (IVe et Ve République) la place à la moindre couronne héréditaire. 1870 et sa Commune de Paris, étudiés par Marx, marquent l'achèvement du processus révolutionnaire, quatre-vingts ans après 1789.
Les temps décidément sont prophétiques, l'on raisonne avec des symboles qui évoquent le Tarot et Gengenbach: l'Empereur (Napoléon) a trahi le Pape (Pie IX) et seul le Roi (Henri V) pourra sauver la France. Celle-ci se paie le luxe d'avoir un Empereur et un Roi. Elle s'est emparé de l'aigle impériale, grâce à la dynastie des Bonapates, elle vit une sorte de guerre civile du fait qu'elle rassemble trop de symboles antagonistes. L'on retrouve les paroles de la Prophétie de Cambrai": l'Empereur trahira le Pape et le Roi de France viendra sauver ce dernier.
Donc, depuis 1870, la France est abattue. L'on verra que seront nombreux les hommes d'Eglise qui participeront à une réflexion sur son destin. On attend un homme providentiel qui saura faire oublier à la France ses malheurs de par la charge symbolique qu'il dégage.
Après 1870, la situation du Comte de Chambord reste incertaine car la "fusion" tarde à se faire avec les Orléanistes qui sont puissants à l'Assemblée Nationale et obtiennent l'abolition des lois d'exil. Mais en août 1873, un retournement se produit, le Comte de Paris se rend à Frohsdorf, résidence du petit fils de Charles X et reconnait sa prééminence. Désormais, les monarchistes sont liés aux décisions d'Henri V, notamment à propos du drapeau blanc , lors de la déclaration fatale de Salzbourg, au mois d'octobre, alors qu'ils auraient pu l'ignorer et obtenir un rétablissement de la monarchie à leur profit, par la voie parlementaire. On parle alors de "suicide politique " .


Nostradamus pendant la Guerre de 70;
Alors que la défaite française n'est pas encore vraiment consommée, paraîtra une pièce signée Jean Paul (pour Nostradamus) intitulée Grandes Prophéties de Nostradamus sur la délivrance de Paris (BNF, Lb57 1079), il voit les Français, sur la foi d'un quatrain, "loin de perdre Strasbourg (prendre) Cologne". Le dit Jean Paul, Jean poursuit ses spéculations dans les Premières grandes Prophéties de Nostradamus sur l'avènement de Napoléon au trône et la Chute de l'Empire. La Guerre actuelle et le siège de Paris. (à) la fuite du roi Guillaume (à) Gambetta. Notre délivrance finale et le triomphe de la France en Allemagne (BNF, Lb57 1078). Mais au traité de Versailles qui fonde l'Empire allemand, la France perd l'Alsace et la partie septentrionale de la Lorraine . Or, l'Alsace est un haut lieu de la prophétie Européenne. Il est probable que Johannes Lichtenberger alias Grümbach, Johannes naquit à Lichtenberg en Alsace même s'il vécut en hermite en Allemagne, dans le Palatinat. Il s'agit de toute façon de régions situées à la charnière de l'Empire et du Royaume.
En 1872, une virulente critique de l'exégèse nostradamique paraît, sous la plume d'un certain Just Théodar: Nostradamus démasqué. Prédictions de l'avenir de Gambetta, Mirande, BNF, Lb 57 3587
Après la chute de Napoléon III, parait un texte de Mouësan de la Villirouet , Les chiffres prophétiques du règne de Napoléon ou l'Histoire d'hier & d'aujourd'hui, écrite au mois d'avril 1866" (Rennes, 1870, B.M. Rennes) lequel affirme avoir annoncé la fin de son règne longtemps avant l'échéance (p. 42) par un système à base numérologique qui n'est pas, sans parenté - ce que ne précise pas, semble-t-il, Jean-Pïerre Brach, . - avec l'onomancie en vigueur dans la France du Second Empire. En fait, c'est dès 1852 que cet auteur breton avait développé ses méthodes historiques: Recherches sur les fonctions providentielles des dates et des noms dans les annales de tous les peuples" (Rennes, 1852, B.M. Rennes), donc avant les publications d'Eliphas Lévi et de P. Christian .
Pour 1871, parait à Lyon un Almanach des Prophéties, véritable recueil de pièces qui ressortira à l'identique d'une année sur l'autre. On y trouve notamment une "Prédiction werdinienne Werdin dans laquelle se trouvent annoncés la déchéance de Napoléon III, son exil, l'époque de sa mort etc. On y retrouve les thèmes qui figurent dans la prophétie de Fridriger-Naumerberger sur la menace que représente l'Aigle (l'Allemagne) pour la France (p.71). Curieusement, le texte est entrecoupé de chiffres qui ne figurent pas dans la version d'origine et qui sont censés laisser entendre que certains passages n'ont pas été décryptés.


Mort et succession de Napoléon III
Il existe un troisième prétendant, bonapartiste celui là mais bien jeune, ce sera très vite l'"orphelin de Chislehurst". En 1856 était né Eugène Louis Napoléon, il décédera en Afrique dès 1875. Dès sa naissance, il avait été salué comme "Napoléon IV" un peu à la façon d'un Louis XIII, encore dauphin .
En octobre 1873, après la mort de Napoléon III parait un pamphlet intitulé Napoléon IV, Henri V et la République" (BNF, Lb57 4499) dans lequel on annonce le règne prochain du petit- fils de Charles X après une tentative infructueuse des Bonapartes. Il est prédit qu'Henri V renoncera à Paris pour faire d'Avignon sa capitale et qu'il sera assassiné en 1910, à l'âge de quatre-vingt-dix ans.
L'astroprophétisme de Le Pelletier
La mort de Napoléon III en janvier 1873 fut un choc pour les nostradamistes et en particulier pour Anatole Le Pelletier, A. lequel avait escompté qu'il débarquerait en France
- sorte de retour de l'Ile d'Elbe, qui fait partie de la mythologie napoléonienne - notamment dans l'Eclaircissement des Oracles de Nostradamus, (1871). "La mort soudaine de Napoléon III me crée donc une fausse position qui me commande une grande réserve" reconnait ce concurrent de Torné Chavigny. Mais Le Pelletier de conclure "Il se peut aussi qu'une partie des faits inconsidérément attribués à Napoléon III (Mars) s'accomplissent pour son jeune fils (le nouveau Mars)" .
Le Pelletier aurait pu, dès les années Soixante- Soixante dix, publier un traité d'Astrologie axé sur les Ephémérides, il annonçait dans la Clef des temps", en 1871, une Dissertation sur l'Astrologie Judiciaire" (fascicule 8).
un mois alternativement dans chaque signe. La même conjonction se réitérera en 1875 et peut être encore au commencement de 1876 mais elle n'aura plus lieu qu'après un intervalle de 27 ans.” (Fascicule I).
Avec l'auxerrois Anatole Le Pelletier, l'on peut dire, malgré ses lacunes, que l'astrologie renoue avec la prophétie, non plus sous la forme d'une exégèse de textes anciens mais à partir d'éphémérides de la fin du XIXe siècle. En 1869, Gougenot des Mousseaux-, dans Le Juif, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens (Paris, Plon, BNF, A 14096) relatera (p.548) un entretien qu'il eut avec Lepeltier qui lui avait offert son livre. à propos des quatrains de ce prophète d'"origine judaïque" .
A partir de décembre 1873 se déroula une polémique dans les pages du Figaro, qui révèle un certain rapport au prophétisme au sein de la hièrarchie de l'Eglise. Un certain Léonce Dupont Léonce, dans un ouvrage intitulé Le quatrième Napoléon, paru en 1873, place en exergue les propos suivants qu'il attribue à Mgr Pie, évêque de Poitiers, lequel semble avoir annoncé la débâcle de 1870 et qu'il n'a fait que reprendre d'un article paru dans l'Union Bretonne du Ier octobre 1873, dirigée par Ernest Merson, lequel participera à la polémique. L'Evêque répliquera dans le Courrier de Vienne. Finalement, tous ces textes seront rassemblés sous un seul volume .
"Ce n'est pas pour un petit dessein que Dieu a fait naître l'Enfant Impérial et lui a donné le Saint-Père pour parrain. Ce gouvernement tombera parce qu'il a commis des fautes et que toutes les fautes s'expient mais après d'effroyables malheurs, la France cherchera un refuge et elle le trouvera dans le filleul de Pie IX".
Mais une des causes des souffrances d'alors serait la trahison de la France à l'égard du Pape. qui régna de 1846 à 1878 et fut témoin de tant de bouleversements,de la chute de Louis-Philippe à celle de Napoléon III Parallèlement à Henri V, l'attention se tournait également en effet vers un Pape, Pie IX et les deux personnages seront liés dans l'esprit des monarchistes Français.
C'est dire que les années 80 du XIXe siècle sont marquées par une certaine exaltation prophétique. Ce n'est peut-être pas par hasard qu'elles coïncident avec un essor particulier de l'occultisme.
Il est probable que l'absence de Roi a affaibli l'astrologie Française contemporaine, sous la Troisième République, si on compare la situation Outre Manche. Comme nous l'avons vu à propos de Lichtenberger et du Tarot, les Grands sont des interlocuteurs privilégiés de la Prophétie. Il suffit de prendre conscience de l'enthousiasme provoqué en France au cours des siècles par la naissance du Dauphin pour apprécier toutes les attentes qui pouvaient se greffer sur un nouveau-né, constituant ainsi périodiquement un nouvel appel au Prophète et à l'Astrologue, dressant le thème, tel Jean Baptiste Morin - voire Campanella - en 1638 pour Louis XIV. Une naissance royale est un peu comme une comète, elle renvoie l'Homme au mystère. L'astrologie et la Prophétie se nourrissent des naissances princières alors que, dans une République, l'enfant qui naît passe inaperçu car son destin n'est plus tout tracé vers le pouvoir.
L'exaltation nationaliste des milieux religieux est intense: la France peut en effet se permettre de concilier son avenir politique et l'avenir spirituel du monde.
L'Abbé F. Cucherat, écrit:
l a, avec les mêmes raisons, pris la France pour en faire à jamais la fille aînée de son Eglise...” Pour Cucherat, adepte du Sacré-Coeur de Jésus et rédigeant depuis Paray le Monial, la situation est la suivante: après la chute d'Adam et Eve, survint celle d'Israël et à présent la France est à son tour menacée d'effondrement - on est au lendemain de la défaite - si elle ne se convertit pas au culte proné par Marguerite-Marie Alacoque, Marguerite-Marie.
Cucherat, chanoine honoraire d'Autun et aumônier de l'hôpital de Paray le Monial avait réussi en 1871 à publier un long article (avril-décembre 1871, dans la Revue du Monde Catholique, Vol. 31 et 32, sous le même titre, BNF, Z 3121), en plusieurs livraisons, intitulé "La prophétie de la succession des papes depuis le XIIe siècle jusqu'à la fin du monde" qui s'achève avec un hommage à Pie IX victime de la maison de Savoie - qui occupe le trône d'Italie - symbolisée par la devise malachienne Crux de Cruce (pp 307-309). Le texte parut ensuite en livre d'où est extraite notre citation . Le groupe de Paray Le Monial ne suivait pas vraiment les mises en garde de Mgr Dupanloup...
L'antisémitisme français est à étudier à la lumière de tels discours: le peuple Français, plus que tout autre, dans cette optique, est le nouvel Israël. La Révolution a réveillé l'esprit de la France, en la contraignant à se reprendre, mais trop tard. La table rase l'emportera.


Regards sur l'imbroglio orvalien
Parmi ceux qui se proposent une étude critique du texte orvalien, un des textes les plus remarquables est probablement dû à un abbé Théodore Vincent : Le Grand Problème Social du jour devant l'admirable prophétie d'Orval exposée dans son origine, son authenticité et son interprétation, paru à Paris, en 1871 (BNF, 8° Lb57 2991). L'auteur, prolongeant les recherches de Lacombe, Timothée remarque l'existence de deux versions qu'il reproduit l'une à la suite de l'autre, signalant les différences comme nous l'avons fait plus haut. Selon lui, Danel qu'il appelle l'"étourdi Verdunnois" (p. 60) serait responsable des modifications intervenues dans le texte de la Prophétie d'Orval C'est lui qui aurait cru à tort à l'importance de 1840. "Il se décida, écrit l'Abbé (p.61), en conséquence à composer un livre ayant pour titre L'Oracle pour 1840 et les années suivantes. On a cru, ajoute-t-il, que M. Henri Dujardin, est l'auteur de ce livre; nous, d'après ce que nous savons, nous croyons que Henri Desjardin n'est très probablement qu'un pseudonyme sous lequel M. D (anel) s'est masqué à dessein". Apparemment, l'abbé ignore que l'Oracle pour 1840 comporte des versions différentes de la Prophétie d'Orval selon les éditions.
On passe ensuite aux modifications intervenues (p. 63): "Il n'y avait qu'une seule addition "A la suite du 47e verset des vieilles copies, (Danel) avait ajouté cette prédiction de son crû!: Dieu est saoûl d'avoir baillé des miséricordes et "pourtant il veut pour ses bons prolonger la paix pendant dix fois douze lunes" (à). On y remarque quelques marottes (..). Ainsi "la Celte Gaule" est changée en "Céleste Gaule". Ainsi le mot "Ost" prend la place du mot Armée. Le mot "Oyez" (qui) n'est pas dans l'original se répète avec une affectation visible". L'auteur signale aussi que la nouvelle version recourt à la première personne du singulier. "Dans le texte ingénu, on lit "Avec deux lustres seront passés depuis le siècle de la désolation"; dans le texte altéré on vous fait lire "Mais deux lustres sont passés d'après le siècle de désolation comme je l'ai dit en son lieu"
L'auteur relève une erreur du texte initial qui, pour marquer les 100 jours, parle d'une "huitième lune", ce qui donne près de 8 mois au lieu d'un peu plus de trois mois. Le nouveau texte a remplacé par cinquième lune.
En réalité c'est probablement l'inverse qui s'est produit: Danel aura rédigé la première version et celle ci aura été transformée.


Les Prophéties de St Césaire et de l'Abbaye d'Orval
En 1872 parait une édition de la Prophétie de St Césaire, par les soins de l'Abbé Curicque, . Mais il ne s'agit pas du texte de la Prophétie de Jean de Vatiguero. Cette nouvelle et "authentique" Prophétie de Saint Césaire" d'Arles aurait été trouvée à sa mort, dans les papiers du dernier archevêque d'Arles, Mgr Jean- Marie Du Lau, lors des événements de 89. Un certain abbé Trichaud se présente comme l'éditeur du texte ainsi retrouvé. D'ailleurs, cet abbé s'en expliquera et dénoncera dans un premier temps la confusion. En fait, nous avons déjà cité un texte en vers distinguant clairement les deux textes, et ce bien avant Trichaud.
L'Abbé Trichaud, raconte ainsi sa prétendue découverte, dans les papiers de Mgr du Lau, de la Magna Sancti Coesarii Arelatensis predictio", la Grande Prédiction de Saint Césaire, archevêque d'Arles".
Je parcourus ce document bien résolu de l’insérer dans l’histoire de saint Césaire. C’était au mois de mars 1847. Je dus abandonner ce travail considérable... Lorsque je le livrai plus tard à l’impression en 1853, l’Empire sauvait la France d’une épouventable anarchie... Je n'eus pas le courage de troubler ces douces espérances (à). Voilà pourquoi la prophétie de Saint Césaire ne parut pas dans mon Histoire (à). Mais aujourd'hui on est avide de prophéties. L'esprit français quoique rongé par l'incrédulité se plait à recourir aux oracles sibyllins comme pour y trouver un apaisement nécessaire”.
En réalité, il semble bien qu'il s'agisse là d'une nouvelle version de la Prophétie de Saint Césaire, marquée par les événements de 1870. En tout état de cause, l'importance accordée à cette "vraie" prophétie de saint Césaire ne tient qu'à l'existence du faux.
La Comtesse Pia de Saint- Henri, Pia, pseudonyme de Mlle Eisenhut, fit paraître à Marseille, en 1871, un Pie IX et Henri V d'après la prophétie de Saint Césaire (BNF, Lb57 2341). Elle n'hésite pas à y introduire des dates pour être plus convaincante: "1852. On y trouve des lettres du petit fils de Charles X. L'aigle vole pour la seconde fois et promène la guerre au delà de la Gaule" Huguet écrit un "Pie IX et les secrets de la Salette, concordance entre la Prophétie d'Orval et les lettres de Mélanie sur les événements actuels", Lyon, BNF, Lb57 22112. La Prusse, dit-on, dans ces textes, après avoir chatié la France, selon la volonté divine, pour avoir chassé ses rois, sera brisée "comme un instrument de colère devenu inutile".
Le texte de cette nouvelle Prophétie de Saint Césaire, prétendument traduite de latin en français par Mgr Trichaud, est particulièrement intéressant, en ce qu'il raconte l'Histoire de la France depuis ses origines, autrement dit, il prend la peine de remonter beaucoup plus en amont et ne débute plus à la fin du XVIIIe siècle. En fait, il s'agit plutôt de l'Histoire d'Arles, et le faux est très probablement repris d'une histoire de cette ville.
Le passage concernant Napoléon rappelle ceux que nous connaissons:

On y trouve aussi une description de Napoléon III:
.
Trichaud est censé commenter le dit texte ici et là, renvoyant d'ailleurs à son Histoire de la Sainte-Eglise d'Arles (Curicque, op. cit., p. 558):
"Napoléon Ier, ses exploits, sa persécution contre l'Eglise, son retour et enfin sa mort sur le rocher de Ste Hélène (..). Le Second Empire avec ses guerres (..) puis tous nos fléaux actuels".
Puis le texte se projette véritablement sur l'avenir après s'être en fait contenté de mettre en forme des événements connus:
32. Alors brille l'éclair de la miséricorde divine car la justice suprême a frappé tous les méchants. Il arrive le noble exilé, le donné de Dieu. Il monte sur le trône de ses ancêtres d'où la malice des hommes dépravés l'avait chassé. Il recouvre la couronne de lys refleuris. Par son courage invincible, il détruit tous les fils de Brutus dont la mémoire sera à jamais anéantie. Après avoir posé son siège dans la ville pontificale le Roi de Blois relèvera la tiare royale sur la tête d'un Saint-Pontife abreuvé par l'amertume des tribulations qui obligera le clergé à vivre selon la discipline des âges apostoliques. Tous deux unis de coeur et d'âme feront triompher la réformation du monde". Le "donné de Dieu", c'est un des prénoms d' Henri V.
Et le "commentaire" de conclure: "Un prochain avenir nous dévoilera tout à fait qui sont ce grand Pontife et ce grand Monarque qui doivent nous apporter la paix admirable après laquelle soupire le monde entier" (Curicque, op. cit., pp 562-563).
Les rédacteurs se sont apparemment inspirés de Nostradamus dans leur dernièr' représentation - à moins qu'ils n'aient puisé dans une source commune - Centurie VIII 38 et 52 "Le Roy de Bloys dans Avignon régner".
Quant à la Prophétie d'Orval", Curicque la publie dans sa première édition des Voix Prophétiques", y renonce dans la deuxième et se ravise, dit-il, dans la troisième.
En 1870 parait à Lausanne, Fribourg et Genève une Prophétie d'Orval d'après les copies prises sur le texte original" (BNF). L'année suivante, une deuxième édition confirme l'intérêt que le sujet exerce chez les francophones helvétiques (Stadt und Universitätsbibliothek Berne cf aussi Bib. Lucerne ).

La deuxième Lettre de Monseigneur Dupanloup et la réaction à sa Lettre

Si en 1849, l'Evêque de Verdun Rossat avait combattu la. Prophétie d'Orval", en 1874, c'est l'Evêque d'Orléans, Félix Dupanloup qui rédige une Lettre sur les Prophéties publiées dans ces derniers temps", adressée au Clergé de son diocèse: il s'y plaint que l'on publie “des volumes de 300 pages précisant, c’est le titre, la solution de la Crise actuelle, le régne de l’Antéchrist et la fin du monde. D’autres volumes paraissent avec les titres que voici Recueil des Prophéties anciennes et modernes concernant le passé, le présent et l'avenir (à). Portraits prophétiques d'après Nostradamus; ou Napoléon III, Pie IX, Henri V d'après l'Histoire prédite et jugée par Nostradamus, l'Apocalypse interprétée par Nostradamus et les lettres du grand prophète".
Dupanloup déplore que parfois l'auteur d'une de ces publications - Parisot - n'hésite pas à donner de véritables rendez-vous: Au 17 Février 1874. Le Grand Avènement. Précédé du grand Prodige (23 mars 1874).
En effet, à la fin de 1873, sur la base de la prophétie d'Orval, laquelle vise cette fois non plus 1840, échéance devenu obsolète, mais 1874 Parisot annonçait, depuis Bar Le Duc, l'avénement d'Henri V pour février 1874 . Dans une ultime édition, il corrige: l'avénement aurait lieu le 13 plutôt que le 17, de façon à coincider avec l'anniversaire de l'assassinat du Duc de Berry un 13 février 1820. En 1896, soit trois ans et demi avant l'an 1900, viendra le temps de la "République rouge avec les persécutions de l'Antéchrist".
Raboisson, quelques semaines avant l'échéance, (le 8 janvier) arrive en renfort avec Les événements proches dans le Livre de Daniel et l'Apocalypse (Arsenal 8°S 14409) et vient lui aussi confirmer le pronostic de Parisot sur la base des Ecritures.
Il est vrai que nombreux sont les abbés à se passionner pour les Prophéties et pour les textes ésotériques: l'Abbé - du moins le diacre - Constant, alias Eliphas Lévi, l'Abbé Torné-Chavigny, l'Abbé La Tour de Noé Abbé de Noé et tant d'autres .
On pourrait voir dans la Lettre de l'évêque d'Orléans un certain revirement de la hiérarchie envers le courant prophétique qui agite le clergé. Torné répliquera longuement à Dupanloup dans ses Nouvelles Lettres du Grand Prophète. (…). Nostradamus devant Mgr Dupanloup, F., M. L. Veuillot et nos interprètes des prophéties modernes (BNF, 8° Lb57 4917)
.
Or, on peut quand même douter d'un tel revirement: l'abbé Curicque publie en tête du premier tome de la cinquième édition des Voix Prophétiques (Paris, Palmé, fin 1872, BNF, H 13811) plusieurs lettres de prélats favorables à la diffusion des prophéties, c'est ainsi que Mgr Marinelli, évêque de Solié, parle à cette occasion d'un "télégraphe céleste"(p. XVII). M. Ritti, secrétaire de Mgr Raess, évèque de Strasbourg admet, à ce propos, que "notre siècle a besoin de savoir que Dieu dirige tous les événements de ce monde par sa divine Providence". Si Dupanloup met en garde, c'est qu'il y a vraiment problème.

Les révélations de la Soeur de Nativité
En 1872 parait à Niort, De l'abomination de la désolation, prédits par Notre Seigneur J. C. et par le Prophète Daniel. Dissertation sur le Concordat de 1801 et sur le dogme d'infaillibilité, de l'Antéchrist, d'Enoch et d'Elie etc (BNF D 2 13566) de P. A. Metay, P. A..
Il y est question de Jeanne Le Royer, soeur de la Nativité, dont les révélations, après avoir circulé à la fin du XVIIIe siècle, avaient été imprimées, pour la première fois, en 1817, et de l'An 2000 qu'il ne sera peut être pas nécessaire d'attendre (p. 208). En 1870, une cinquième édition, révisée par M. E. M. P., petit enfant de Marie, était parue à Paris, s'achevant par une Nouvelle Apocalypse ou prédictions relatives aux derniers temps de l'Eglise, l'Antéchrist, le paradis et l'enfer". La place de saint Michel dans ces révélations qui avaient été rééditées depuis 1817 pourrait expliquer en partie la place de l'archange dans l'imagerie politique de la Troisième République. Soulignons le fait que pour une Jeanne Le Royer et ses commentateurs, on ne pouvait guère s'abstenir de fixer d'une façon ou d'une autre, un certain calendrier des événements attendus: depuis le Livre de Daniel en passant par l'Apocalypse, le règne de Satan tout comme son enfermement, devaient obéir à une chronologie, dont une des manifestations est le chiliasme ou millénarisme.
En 1870, alors que les Etats de l'Eglise sont en voie de disparition, la lecture d'un passage comme celui-ci ne pouvait laisser indifférent:
Ed. 1849 et 1870:
"Je vois en Dieu que lorsque les complices de l'antechrist commenceront à faire la guerre, ils se placeront auprès de Rome où ils triompheront, par leurs victoires, de tous les empires et de tous les royaumes qui seront autour de cette ville. Il y a en cela une chose dont je ne suis pas certaine. Ce que je sais, c'est que Rome périra entièrement, que le Saint-Père souffrira le martyre et que son siège sera préparé pour l'antechrist. Mais je ne sais pas encore si cela sera fait un peu avant l'Antechrist lui-même, au moment où il entrera dans le cours de ses victoires."

La polémique autour de Nostradamus
En 1872, un certain abbé Jacques Philippe Morin, curé d'Artonne, publie un recueil intitulé Echos prophétiques des derniers temps, BNF Lb57 3809. C'est un chaud partisan d'Henri V qu'il ne voit pas mourir avant 1893 avant de laisser la place à un Orléans: on est à l'époque du débat sur le drapeau. Il reprend les travaux de Torné-Chavigny: "Jusqu'ici ce singulier personnage (Nostradamus) mort en 1566 à Salon de Provence n'avait été considéré par le public savant que comme le prophète-astrologue des almanachs à un sou, c'est à dire comme un rêveur, un illuminé et un charlatan. Dans ces derniers temps, M. l'abbé Torné qui a commenté ses centuries et quelques autres commentateurs l'ont réhabilité comme un véritable prophète". C'est dire à quel point le prophétisme du XIXe siècle se démarque de l'astrologie qu'il prétend en quelque sorte remplacer.
La Lettre a été écrite de Suisse et que ce point a volontairement été gommé. En effet, c'est à l'occasion d'un procès qui se tint à Vevey, dans le canton de Vaud, que cette lettre fut adressée par le sieur de Brémont.
Cette lettre de Brémond, si elle est de lui, n'est pas, au demeurant, dépourvue d'une certaine dimension prophétique:
"Voulant remplir mon devoir de préserver l'orpheline du Temple des calamités qui vont punir tous les coupables par le jugement de Dieu qui va s'accomplir" (Voix d'un proscrit 1839)
On notera que dans la version anglaise de 1838, la formule était quelque peu différente:
"Wishing to fulfil my duty by preserving Your Royal Highness from the calamities about to fall upon all the guilty, by the judgment of God; the execution of which draws near"
Il semble bien que la formule "orpheline du Temple" ait été substituée à "Votre Altesse Royale", plusieurs fois employée comme il se doit dans cette lettre, d'autant que l'expression est employée quelques lignes plus haut mais cette fois au masculin:
"J'ai reconnu dans le prétendant Charles Guillaume Naündorff l'orphelin du Temple, votre auguste frère, le duc de Normandie et je suis devenu son serviteur"
et en anglais
"I have recognised in the claimant (à) the Orphan of the Temple, your august brother".
En 1908, une polémique sera provoquée par la parution d'un ouvrage de Joseph Turquam, Du nouveau sur Louis XVII, solution du problème, Paris, Emile Paul, BNF, 8° Lb39 11930. Louis XVII serait mort au Temple puis remplacé quelque temps par un autre enfant que l'on aurait enterré. A La Haye, un M.G. Wildeman, traite l'ouvrage de pamphlet ignoble (BNF 8°Lb39 11938); O. .Friedrichs publie l'année suivante une Réfutation du livre de M. Turquam, chez Daragon, qui vise à anéantir les prétentions naundorfiennes.
En 1888, paraît dans les Annales du Surnaturel (BNF, microfilm m 919) d'Adrien Péladan, un article signé H. Tisserant, (p.377) annonçant que le seul fils qui reste de Louis XVII (..) s'est consacré (..) au Sacré Coeur de Jésus (à Momtmartre). Il mène une vie religieuse et retirée (..). Avec le retour d'un roi béni, nous verrons le triomphe de la France et de l'Eglise. Le dauphin n'est pas atteint par la mort, il transmet ses droits à sa descendance. Il est question de la fin d'une malédiction due au refus de Louis XV de se rendre au Mont Saint-Michel, ses descendants seront maudits sur plusieurs générations (Annales du Surnaturel, 1890, p. 45). La France devient un pays de dauphins qui ne parviennent pas au sommet c'est le cas du duc de Reichstadt, fils de Napoléon Ier, du duc de Bordeaux (comte de Chambord) petit-fils de Charles X, du Comte de Paris, petit- fils de Louis-Philippe, et du Prince Bonaparte, fils de Napoléon III.
En 1913, Gabriel Bouchacourt, publie le prochain Roi de France désigné par les prophéties, Paris, E. Figuière, BNF, 8° Lb57 14849. Il s'agit d'un recueil (Orval, Artus Thomas, Mirabilis Liber etc) de plus, s'achevant par un "enchaînement analytique des indications sur le prochain Roi de France, renfermé dans les prophéties". Il y a bien, inévitablement, un après Henri V. Il revenait au prophétisme de renégocier certaines échéances, de raviver certaines espérances. On sait que le général de Gaulle ne fut pas hostile, au début des années Soixante sous la Cinquiéme République, à ce qu’il se présente aux éllections présidentielles à la fin de son septennat (cf X. Walter, Un roi pour la France, Henri Comte de Paris (1908-1999), Paris, Fr. X. De Guibert, 2002, pp. 813 et seq), d’ailleurs ne parle-t-on pas de monarque républicain, à propos des pouvoirs accordés par la constitution au chef de l’Etat qui nomme son Premier Ministre à l’instar des rois de France.?. La Troisiéme République avait également été conçue dans une telle optique et le septennat y aurait été fixé, au départ, pour laisser le temps aux monarchistes de s’organiser, sous la houlette d’un président complaisant Le régime de Vichy n’était pas sans offrir, avec Pétain, une sorte de substitut au projet monarchique. Il est à noter que le récent abandon du septennat, sous le premier mandat de Jacques Chirac, rompt avec une longue tradition. Il reste que le parti monarchique ne parvint plus au Xxe siècle à exploiter les pourtant nombreux déboires politiques ou militaires de la République. Qu’en sera-t-il au XXIe siècle? La monarchie reste-t-elle un recours?


La déchéance de la Prophétie d'Orval
Il importe de s'intéresser au déclin de certains savoirs à commencer par celui de l'astrologie. Dans le cas du prophétisme, toutefois, ce n'est pas tant le prophétisme dans son ensemble qui aura fait long feu mais une certaine prophétie qui en quelque sorte aura été jetée par dessus bord par l'establishment prophétique..
Pourquoi donc cette prophétie a-t-elle séduit - et notamment encore au tout début du XXe siècle - puis a-t-elle cessé de plaire alors même qu'elle avait été acceptée aux côtés de Nostradamus et de Malachie?
En 1995, on aura beaucoup écrit sur Louis XVII dont on célébrait le bicentenaire de la mort supposée. Des tests génétiques furent engagés pour déterminer s’il eut ou non des descendants. Le “dauphin” de Louis XVII fut étrangement son oncle, Louis XVIII, comme quoi un dauphin peut être plus âgé que son prédécesseur en titre. C’est dire que régne avec le delphinat une logique bien particulière. Et si en renonçant à engager le destin de certains être à un âge souvent des plus tendres, l’on avait porté un coup fatal au prophétisme dont le delphinat était le fonds de commerce. Prévoir la naissance même du dauphin apparut au cours du XVIIe siècle comme un acte prophétique par excellence, comme dans ce sixain, le quatriéme, des Centuries, certainement rédigé après coup (1601) :
D’un rond, d’un lis, naistra un si grand Prince
Bien tost & tard venu dans sa Province
Saturne en libra (balance) en exaltation
Maison de Vénus en descroissance force
Dame en apres masculin sous l’escorce
Pour maintenir l’heureux sang de Bourbon.


L’étude du prophétisme au XIXe siècle éclaire selon nous d’une lumière très aigue la situation du prophétisme au cours des siècles précédents et notamment en ce qui concerne la mise en place du canon des Centuries nostradamiques 16Le prophétisme est décidément une entreprise collective qui se poursuit sur plusieurs générations et mobilise plusieurs contributeurs. Vouloir rattacher le canon centurique au seul Michel de Nostredame nous apparaît comme une position insoutenable et constituer un grave contresens historique et méthodologique. Une prophétie est vivante, elle s’adapte à des environnements successifs tout en les marquant parfois de son empreinte, en un véritable écosystéme. Certes, l’on peut parler de faussaires, de contrefaçons, de manipulations mais ce sont là des expédients sans lesquels le texte prophétique ne pourrait survivre et traverser les siècles. Ce sont les textes que l’on est parvenu à actualiser, à réinterpréter, avec le plus d’ingéniosité - le cas de la prophétie des papes est à ce propos assez remarquable (cf Papes et prophéties, op. Cit.) - qui auront éclipsé ceux qui n’auront pas su le faire. La sélection naturelle vaut aussi pour les textes et pour les langues. Mais en ce début de XXIe siècle, qui est vu par beaucoup comme le crépuscule du prophétisme, brûlant ainsi ses dernières cartouches, en un feu d’artifices - dans tous les sens du terme - qui pourrait être son chant du cygne, peut-on encore s’attendre à une renaissance du prophétisme, à la manière du phoenix?
En ces temps de crise de l’Union Européenne qui rappellent à quel point il s’agit là d’une utopie au regard de l’histoire de chaque peuple qui la constitue, la question des monarchies s’apparente à une forme de sursaut nationaliste, souverainiste. Il convienrdrait de distinguer royauté et empire. L’empire, lui, a vocation à rassembler diverses populations - à l’instar de l’Autriche-Hongrie ou de l’Empire Ottoman. Il n’est pas d’empire cependant sans la domination d’un peuple sur les autres. Le prophétisme français a souvent ambitionné pour ses princes et ses dauphins qu’ils accédent à la dignité impériale. En ce sens, Napoléon Bonaparte, lui qui fut si peu dauphin, a accompli ce qui échappa à tant de destins pourtant prédestinés. La plupart des rêves impériaux impliquaient un rapprochement entre la France et l’Empire. François Ier entra ainsi en compétition, en 1519, face au roi d’Espagne, le futur Charles Quint, pour obtenir la couronne impériale. Election impériale qui n’était pas sans évoquer l’élection pontificale. Le Valois Henri III, faute de mieux, fut élu roi de Pologne. L’institution monarchique, soulignons-le, encourage l’exogamie, le brassage des dynasties européennes, davantage que les Républiques. Si la France était restée monarchique, elle aurait connu quantité de reines étrangères, c’est dire que la monarchie n’est pas forcément un osbtace à l’europénisation des mentalités. On sait, en outre qu’au début du siècle les souverains régnants de l’Europe étaient souvent cousins.
Le XIXe siècle aura été un siècle tout à fait étonnant pour le delphinat et on en était en quelque sorte arrivé à une sorte d’alternance entre les différentes dynasties et branches: Bonaparte, Orléans, légitimistes type Louis XVII-Naundorf et type Henri V; sans parler des périodes républicaines de pause monarchique, faisant interméde, où l’élection prend le relais de la filiation. C’est probablement la mésentente entre ces différents dauphins qui aura tué la monarchie et probablement aussi un certain prophétisme capable de projeter le dauphin vers un avenir rayonnant.
Il semble bien que l’on puisse difficilement dissocier prophétime et royauté, selon une très ancienne recette biblique. L’affaiblissement de l’un détermine celui de l’autre. Quand bien même, parfois, le prophétisme serait-il perçu comme une menace, un chantage, pour les Rois, quand il adopte un ton apocalyptique, coupant ainsi d’ailleurs la branche sur laquelle il est perché, il n’en reste pas moins qu’il a besoin des Rois pour que sa voix ne se perde pas dans le désert. Paradoxalement, le plus grand péril pour le prophétisme ne serait-il pas de voir ce qu’il annonce accompli, quand il n’y a plus rien à attendre ni à craindre? Mais une nouvelle forme de prophétisme peut fort bien émerger, dans les premiers temps de ce Troisième Millénaire - si tant est que l’on doive calculer à partir de la naissance de Jésus. Nous ne concevons pas, en effet, les prochains siècles sans une certaine maîtrise du Temps, sans une certaine aptitude, chez les dirigeants, à prévoir la structure des événements à venir sinon leur détail exact. Le prophétisme ou en tout cas les sciences de l’anticipation devraient à terme - et cela peut être urgent en un monde où la moindre erreur d’analyse peut déclencher des cataclysmes- intégrer le champ de la science politique. Nouveau paradoxe, illustré par le personnage de Jonas, le prophète de la baleine, que de voir dans le prophétisme le meilleur moyen d’éviter la fin du monde. Il reste qu’il y a quelque chose de foncièrement
Il reste qu’il y a quelque chose de foncièrement élitique dans le prophétisme. Les deux acteurs de l’Histoire sont d’une part les chefs, de l’autre les peuples et que sont les peuples sans leaders.? Anciennes et nouvelles aristocraties alternent et se renouvellent. De nos jours, le prophétisme n’est-il pas galvaudé au point de tenter, dans la même foulée,par le même modéle, d’expliquer, notamment par le biais de l’astrologie, les événements les plus graves et les plus insignifiants? Si l’on admet que le destin, sous ses diverses manifestations, passe par des élus - et l’on emploie ce terme pour désigner les députés comme pour la monarchie de droit divin ou le “peuple élu”- que faut-il penser d’une gouvernance politique qui recourt au référendum populaire pour décider de l’avenir de nos sociétés au lieu d’assumer ses responsabilités jusqu’au bout? Mais justement le prophétisme nous apparaît comme une courroie de transmission entre le pouvoir et le peuple, un moyen de mettre la pression, de souligner l’importance de certains enjeux. En ce sens, l’Europe présenterait une carence de sa conscience prophétique
La comparaison entre mai 2005 et juillet 1789 nous semble intéressante. Louis XVI avait convoqué les Etats Généraux, qui n’avaient pas été réunis depuis 1614, sans y être contraint, tout comme Jacques Chirac n’était pas obligé d’interroger le peuple de France. Le “non” au référendum, qui célébra sa victoire sur la place de la Bastille, est un camouflet à l’Europe mais aussi au “roi” Chirac, tout comme la Révolution fut perçue en son temps comme un défi aux royaumes européens lesquels se liguèrent contre elle. La suite fut assez glorieuse pour la France et à sa façon, ce fut toute l’Europe qui fut marquée par la France.. A une phase de repli, toujours provisoire, succéda une nouvelle phase impériale, supranationale :on passa ainsi dans les années Cinquante des entreprises de l’Outre Mer au Marché Commun. En sera-t-il ainsi cette fois encore?. La France aura, maintes fois dans son Histoire, été tentée par des entreprises de conquête, de l’Amérique du Nord à l’Inde, de l’Afrique à l’Indochine, des Croisades à l’Europe. Quel prophète connaît l’avenir de la France pour le XXIe siècle? . .


Epilogue
De la prophétie d'Orval aux Protocoles des Sages de Sion

En fait, le prophétisme français du XIXe siècle est traversé par un théme dont on ne saurait minimiser l'importance, à savoir la question juive. Certes, il est de tradition de présenter le roi de France comme destiné à jouer un rôle important en Orient - réminiscence des Croisades - mais plus largement, les milieux chrétiens et cela est patent déjà dans les décennies qui précédent la Révolution français (cf infra) s'interrogent sur le sort des Juifs, ce qui conduira à terme à l'essor d'un sionisme chrétien qui pose souvent comme condition à leur départ....leur intégration au sein de la communauté des Chrétiens. Une fois le théme monarchique déclinant à partir de la mort d'Henri V en 1883, le théme du retour des Juifs deviendra dominant. Il est vrai que dans la Prophétie d'Orval, un passage leur est consacré - absent dans la Prophétie d'Olivarius - qui fera l'objet de commentaires significatifs.:
"Alors enfin Israël viendra au Christ-Dieu tout de bon"(n°48)
(cf aussi passage dans la Prophétie d'Hermann de Lehnin)
Un tel prophétisme explique probablement en partie l'émergence du sionisme. Dès le début du xVIIe siècle, le théme du "rappel des Juifs" est lancé, il sera repris par La Peyrère dans un ouvrage dont ce sera le titre. Le couplage conversion/retour en Palestine caractérise le sionisme chrétien avec bien entendu des variantes. Il semble qu'à la fin du XIXe siècle, la conversion ne soit plus nécessairement liée au retour des Juifs en Palestine comme, en 1871, au lendemain de la défaite devant la Prusse, chez un Albert de Bec, dans son Henri V (le grand Monarque) Restaurateur du trône et des gloires de la France et 80 ans de révolution annoncés et jugés par les prophéties ( Lyon, BNF 8° Lb57 2209), lequel conclue que "les Juifs se convertiront à l'époque de la grande rénovation. En ce moment, ajoute-t-il, ils se convertissent en foule et reconnaissent JC pour leur dieu". Inversement, certains préconisent - et c'est cette thèse qui l'emportera - le départ des Juifs mais sans conversion préalable. C'est d'ailleurs la position qui sera défendue par Herzl et qui conviendra tout à fait - ils n'en demandaient pas tant! - aux antisémites de la Libre Parole, journal qui accueillera avec faveur l'Etat Juif paru en 1896 (17). Gaston Méry, collaborateur d'Edouard Drumont, préfacera ainsi en 1896 un ouvrage du Baron de Novaye qui annonce, entre autres, le renvoi des Juifs. sur la base de prophéties : Guerre et Révolution d'après 45 prophéties anciennes et modernes, Paris, Chamuel, 1896 : 'Les Juifs seront repoussés hors des frontières. Ils iront reformer le royaume de Juda" ( p 147). En fait,. à la fin du XIXe siècle, dans certains milieux, notamment catholiques, l'on attendra désormais des Juifs soit qu'ils se convertissent, soit qu'ils partent : ce qui rappelle l'alternative qui leur fut présentée lors de leur Expulsion d'Espagne en 1492. ( cf notre étude "Antisémitisme et occultisme en France aux XIXe et XXe siècles", Revue des Etudes Juives, 1991)
A la fin du XIXe siècle se met en place un nouveau corpus prophétique qui aboutira en 1905 à la parution lors de la première révolution russe, dans cette langue, des Protocoles des Sages de Sion (cf notre ouvrage Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002 et notre thèse d'Etat, Le texte prophétique en France, Université Paris X, 1999, Diffusion Presses Universitaires du Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2002). Dans la période qui précédera la Première Guerre mondiale, les Protocoles seront traduits en tchéque et en allemand.(note: point non signalé par in P. A. Taguiefff. Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages d'un faux, Paris, Berg International-Fayard, 2004) Bien sur, avec la Révolution d'Octobre 1917, ils acquerront une autorité accrue et cette fois en l'espace de quelques années, ils seront traduits en français et en anglais notamment, d'abord dans la presse puis sous forme d'édition séparée.
Ce texte qui fut jugé prophétique - attesté en 1905 et donc paru bien avant 1917 - était à l'origine dirigé vers les franc-maçons mais il finit par se focaliser sur les Juifs, à une époque où justement ceux-ci essayaient de s'organiser au niveau international, avec notamment en 1897 le Congrés de Bâle, sous la présidence de Theodor Herzl.. Le ressort de ce texte - dont on prétendra qu'il est constitué par des compte-rendus de réunions secrétes - c'est le sens, ici, du mot protocoles - est assurément l'antisémitisme, les Juifs étant présentés comme une puissance occulte et dominatrice qui tirait partout les ficelles.
A la différence de la Prophétie d'Orval, aucune chronologie précise n'y était avancée et l'on observe que le texte des Protocoles n'en souffrit point. Il suffisait de souligner le rôle des Juifs dans l'écroulement de l'empire des tsars, parmi les révolutionnaires russes les plus en vue - on pense notamment à Léon Trotsky- pour valider un texte quand bien même aurait-on démontré qu'il reprenait le plus souvent un ouvrage du journaliste français Maurice Joly. (cf Cesare G. de Michelis. La giudeofobia in Russia/ Dal Libro del "kahal" ai Protocolli dei savi di Sion, Turin, Bolatti Borignhieri, 2001, H. Rollin, L'Apocalypse de notre temps, Paris, Ed. Allia, 1939, Reed. 2005 ; Sergio Romano, I falsi Protocolli./ il complotto hebraico dalla Russia di Nicola II a oggi, Milan, Corbaccio, 1992)
Par ailleurs, les Protocoles, à part le fait qu'ils parurent d'abord en russe, ne relataient pas d'événement propre à ce seul pays; bien au contraire, il y était question de l'actualité en France et aux Etats Unis, autour de 1900 et d'ailleurs, le texte fut bel et bien rédigé et diffusé avant 1905, notamment dans la revue russe Znamia alors que la prophétie d'Orval traitait avant tout de la France. Toujours est-il que ces deux textes qui cohabitèrent au début du XXe siècle, affectèrent les deux extrémités de l'Europe. C'est ainsi qu'en 1897, Stanislas de Guaita, dans un volet du Serpent de la Génése reproduit et commente la Prophétie d'Orval. L'occultiste français s'intéresse tout particulièrement au destin d'Henri V et constate qu'à un certain moment (1873), "la prophétie d'Orval ne concorde plus avec les événements mais pourquoi? Serait-ce point qu'Henri V a modifié l'ordre des choses, en ne répondant pas à l'appel combiné du Destin et de la Providence?" . On notera que la prophétie s'achéve en mentionnant Israël :
"Alors enfin Israël viendra au Christ-Dieu tout de bon". Herzl, le grand leader sioniste avait songé, un temps, avant de se lancer dans son projet d'Etat Juif, mener les Juifs à la conversion au catholicisme. En fait, dans l'optique des Chrétiens, à partir du XVIIe siècle, conversion et retour à Sion sont intimement liés. Il n'est pas question pour un La Peyrère en 1643, pour l'abbé Jacques Deschamps en 1760 ni pour les abbés François Malot - dans une Dissertation sur l'époque du rappel des Juifs sur l'heureuse révolution qu'il doit opérer dans l'Eglise (BNF D 42681) et Laurent-Etienne Rondet, en 1778, avec sa Dissertation sur le rappel des Juifs et sur le chapitre XI de l'Apocalypse. ( BNF A 73391), d'envisager un retour des Juifs sans conversion. NOTE: ni Malot, ni Rondet, ni La Peyrère 18
C'est ainsi que le curé de Saint Jean de Dangu, Deschamps, écrit en 1760 - dans un "Discours préliminaire" intitulé "Sur le rappel des Juifs" ( in Traduction nouvelle du Prophéte Isaïe, Paris, Debure, BNF A 6277) décrivant à l'avance une telle société juive en Judée qui n'est pas sans évoquer le roman utopique de Theodor Herzl, Altneuland, qui paraitra en 1902, 140 ans plus tard:
Que" les Juifs, après leur retour, ne s'imaginent pas plongés dans une molle oisiveté, qu'ils doivent tout attendre de la Providence; ils se livreront aux occupations qui leur seront indiquées par la situation et par la nature du pays qu'ils habitent"
Deschamps est le digne successeur d'un La Peyrère et considére qu'il faut s'intéresser aux Juifs en chair et en os et non simplement à quelque Israël spirituel comme le soutient l'abbé Laurent Estienne Rondet, qui répliquera par un Isaïe vengé l'année suivante - BNF D 12641) et auteur de la Bible dite d'Avignon publiée peu après et à laquelle s'en prendra l'Abbé Malot (1778). . Un tel retour aura, avait affirmé le curé de Dangu des implications considérables et il n'est pas nécessaire d'attendre la fin des Temps pour procéder à un tel "rappel":
" Lorsque le plus ancien peuple du monde rassemblé dans son pays et devenu Chrétien , démontrera par son rappel l'authenticité d'une suite de Prophéties pendant près de 400 ans (...) Il fera à Jésus Christ une réparation solennelle et constante des outrages dont l'ont chargé les anciens Juifs (..) cette Nation célébrera dans sa gloire avec un éclat qui parviendra jusqu'aux extrémités du monde (..) Ramassez, les tribus de Jacob; rendez leur l'héritage de leurs pères (...) que les promesses magnifiques faites en sa faveur (de Jérusalem) s'accomplissent avec une précision & un éclat qui justifient aux yeux des Incrédules les Oracles de nos Prophétes. Qu'Ismaël ( l'Islam) comprenne enfin qu'il ne peut espérer de salut qu'en s'unissant à ses frères, les descendants de Jacob"
Tous les moyens sont bons pour obtenir la conversion massive des Juifs: la terre contre la reconnaissance de Jésus. La lecture du Rappel des Juifs de 1646 est édifiante en ce qui concerne la stratagie à déployer pour obtenir des conversions.. L'ouvrage est en fait un "Traicté pour la conversion des Juifs et des Gentils" et propose des "expédiens raisonnables pour attirer les Juifs à nous" et notamment il recommande "Que (les) temples consacrez à la conversion des Juifs et des Gentils ne fussent ornez que de simples embellissements de l'Architecture" et qu'ils soient "vides d'images et de toute apparence de superstition" élaborant ainsi un Synopsis doctrinae Christianae ad usum Iudaeorum et Gentium. Il y a là une forme de cynisme qui n'est pas sans annoncer celui qui est attribué aux Juifs dans les Protocoles. En fait; du fait de cette attente de la conversion des Juifs, il s'agit de leur présenter un catholicisme édulcoré.
La formule " Rappel des Juifs" est, précisons-le, déjà attesté dans le même sens, près de 30 ans plus tôt dans un texte paru anonymement en 1615 il s'agit de la Lettre sur un recueil du manifeste des Prophéties " Quant au rappel des Juifs dispersez par tout le monde, il est prédit expressément au 32. chapitre de Jérémie & ailleurs en plusieurs endroits des Prophéties etc" (p. 32, BNF 8° Z 22176 (39)
La France, en 1791, émancipera "ses" Juifs, entreprendra leur régénération et l'on peut se demander si, ce faisant, elle n'a pas essayé de devenir une nouvelle Sion, se substituant en quelque sorte à l'ancienne.
En revanche, sous la Restauration, en 1818, la thèse du départ des Juifs est réaffirmée dans un Discours sur les promesses renfermées dans les Ecritures et qui concernent le peuple d'Israël, où l'on considére la conversion et le rappel des Juifs comme la resource et l'espérance de l'Eglise. (BNF A 8553).

Comme pour la prophétie de Malachie19, le texte se termine avec l'apparition de l'Antéchrist: "l'homme du mal arrive". Rappelons que les Protocoles des Sages de Sion, vus par Serge Nilus, annonçaient aussi l'avénement de l'Antéchrist.
Le prophétisme du XXe siècle nous apparait somme toute comme orchestrant des conflits religieux, puisque les Protocoles campent bel et bien le "péril juif" et s'inscrivent dans la lignée d'un très ancien clivage. Etrangement, avant l'écroulement de l'empire ottoman, des suites de la "Grande Guerre" l'ennemi héréditaire était le Turc dont on avait si souvent annoncé la chute et le déclin. Une fois cette menace disparue, le spectre du judéo-maçonisme sera brandi avec une force accrue à partir des années Vingt du XXe siècle. L'écroulement et le démembrement du bloc communiste - le marxisme nous apparaissant comme une forme de prophétisme - à la fin des années Quatre Vingt - semblent, à leur tour, risquer de réveiller une conflictualité religieuse dont une expression emblématique est le 11 septembre 2001.(Le Nine Eleven). Mais à la différence du XIXe siècle, qui ne connut, notamment en France, qu'une astrologie ayant divorcé avec l'astronomie, le siècle suivant fut largement "couvert" par la dite astrologie, laquelle notamment accordera la plus grande importance à la théorie des ères précessionnelles, développée justement en France, sous "la" Révolution, notamment par un Dupuis, dans l'Origine de tous les Cultes, ce qui aboutira, avec Paul Le Cour (l’Ere du Verseau. L'avènement de Ganiméde, 1937, J. Halbronn, La vie astrologique années trente-cinquante, Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1995) et d'autres, à l'attente de l'Ere du Verseau 20
Le prophétisme dont il s'agit ici - faut-il le souligner - use - et ce n'est pas un hasard- d'un terme biblique 21et a repris actuellement une connotation religieuse qu'il n'avait pas à la Renaissance. (cf Gérard . Allouche, Prophètes et prophéties A la recherche des clefs pour le 3e millénaire, 1999) ou il s'était sensiblement laicisé sinon galvaudé. Mais à l'époque, les hommes voulaient croire à une résurgence du prophétisme, manifestaient une certaine volonté d'imitation - et de continuité - des Anciens liée peu ou prou à l'attente d'un Second Avénement christique. Il s'agissait de réenchanter le monde, de sentir à nouveau vivant le lien, l'alliance avec Dieu. Ajoutons qu'au XIXe siècle, le néoprophétisme associera tout particulièrement le (futur) roi de France - on pense à Henri V - au Pape de Rome, notamment Pie IX 22
L'on aura remarqué que le prophétisme est itinérant: aux XVIIe et XVIIIe siècles, c'est l'Angleterre dont le destin est supposé annoncé et notamment les révolutions qui l'agitent et cela incluera les affaires américaines. Puis la Révolution deviendra un "mal" français tout au long du XIXe siècle. Et enfin, le prophétisme du XXe siècle visera fortement les Juifs acteurs des révolutions et de ce fait non plus victimes mais porteurs du virus révolutionnaire. Le prophétisme nous apparait dès lors comme une lutte entre le Bien et le Mal, et en tout état de cause, il s'inscrit dans une dualité tout comme la notion de "rappel", de "retour" des Juifs implique un mouvement de flux et de reflux. S'ils n'étaient pas partis, ils n'auraient pas à revenir. Il semble cependant que nous ayons ici affaire à un syncrétisme prophétique: dans un cas, le prophétisme nous parle du Rappel des Juifs et dans l'autre de la Révolution. Or, à un certain moment, ces deux thémes vont se croiser dès lors que les Juifs seront portés par la Révolution de 1789 dont ils seront les bénéficiaires et porteurs de la Révolution de 1917 dont ils seront des acteurs majeurs. Il conviendrait de réfléchir au fait que l'Emancipation des Juifs de France s'est faite après et non pas avant 1789, une fois la monarchie parlementaire enfin instaurée en France. Ce fut d'ailleurs également le cas en Angleterre, où les Juifs furent "rappelés" sous Cromwell..



1 (cf notre thèse Le texte prophétique en France, op. cit.)
2 cf J. Halbronn, Papes et prophéties, op. cit.
3 (également à Montpellier, chez Jean Martel Le Jeune)
4 Reed fac simile, Paris, Trédaniel
5 Hübscher ????
6 (British Library, T 1160 (4).
7 BNF, 8° Ye Pièce 4584
8 (Arrêt suprême des dieux de l'Olympe en faveur de Mme la Duchesse de Berry et de son fils. etc, 28 février 1833, p.140).
9 (cf J. Halbronn, Papes et prophéties, op. cit.)
10 (cf. Ancienne prophétie d'Abel Quené, Abel, Paris, 1616, B. Mazarine)
11 .(voir recueil factice, BNF, 8° Z 7401 Délire d'un paranoïaque mystique. Vintras et l'Oeuvre de Miséricorde, Paris, PUF, s.d. BNF, 8° L27 62624. Voir L. de. La Sicotière, , Les faux Louis XVII, Paris, V. Palmé, BNF, 8° La26 31, pp. 115-116. En 1913, dans La Colline inspirée, Maurice .Barrès, . consacrera un chapitre à "Vintras au milieu des enfants du Carmel". (Voir l'édition critique de J. Barbier, Sarreguemines, Pierron, 1985.)
12 (présenté chez Collin de Plancy comme étant un texte de Lichtenberger).

13 (VII. Empire et Restauration, p. 464)
14 BNF, D 59000. Première éd. 1861, BNF, Res Lb56 1196)
15 Série 4, tome 2, BNF, microfilm m 19000),
16 (cf notre ouvrage Documents Inexploités sur le phénoméne Nostradamus, Ed. Ramkat, 2002).
17 cf Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, Ramkat, 2002
18 signalés par Yves Chevalier in "QUELQUES PRÉCURSEURS CHRÉTIENS DU SIONISME", Colloque “Aspect du Sionisme”, INLCO, 1983, pp. 21-31 (cf site chretiens-et-juifs.org)
19 (cf notre ouvrage Papes et Prophéties, Boulogne, Ed Axiome, 2005)
20 (cf Aquarius ou la Nouvelle Ere du Verseau, dir. J. Halbronn, Paris, Albatros-Autre Monde, 1979; "Heurs et malheurs de l'astrologie française au XXe siècle (De Paul Le Cour à André Barbault)", site CURA. free.fr)
21 (cf André Neher, Prophétes et prophéties. L'essence du prophétisme, Paris, Payot, 1983, )

22 (cf Papes et prophéties, Décodage et influence, Axiome, 2005)