Etudes de Critique biblique, astrologique nostradamiquej et linguistique.
samedi 16 septembre 2017
FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn, Serge Hutin L'Etrange Histoire d...
FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn, Serge Hutin L'Etrange Histoire d...: L'étrange histoire de l'astrologie...
jacques Halbronn Article Astrologie Encyclopaedia Universalis
ASTROLOGIE
L'astrologie a traversé les
siècles en assumant les rôles les plus divers, et il n'est pas toujours
aisé de la reconnaître sous ses multiples apparences et ses statuts les
plus contrastés. On lit un texte la concernant en fonction d'une
certaine représentation ; ainsi celle d'un savoir sur l'humain dont les
fondements se situeraient au-delà
ou au-dessus de l'humain. Impliquant un état préstructuré de la psyché,
l'astrologie dévaloriserait l'homme par rapport à la nature si elle
s'avérait fondée. Ses errances mêmes témoignent du fait que l'astrologie
n'a pas dû sa gloire tant à sa « vérité » qu'à son crédit ou à sa
position stratégique au sein de l'ensemble des savoirs. Ayant fait l'objet
de multiples et incessantes tentatives de démystification, mirage qui
disparaît quand on s'en approche de trop près ou qu'on veut l'isoler de
son environnement, l'astrologie est contradictoire : phénomène de société
que certains ne prennent guère au sérieux, elle renvoie l'historien aux
efforts des hommes pour harmoniser les savoirs et les religions avec
les modernités successives. Fallait-il demander davantage à l'astrologie
que d'enseigner aux hommes à regarder vers l'avenir et à s'y préparer ?
N'est-il pas heureux que ses pouvoirs réels soient si limités tout en
étant capables de mobiliser les esprits ?
Marginalisée, l'astrologie existe toujours, et son rejet hors de la science pèse sur toute tentative pour rappeler sa grandeur passée et la fascination qu'elle a pu exercer sur de grands esprits. Suscitant encore nombre de publications, les discours astrologiques, bien que désormais perçus comme archaïques, font partie des diverses composantes de la culture européenne, et il convient d'interroger de près les prises de position qu'ils ont suscitées.
Marginalisée, l'astrologie existe toujours, et son rejet hors de la science pèse sur toute tentative pour rappeler sa grandeur passée et la fascination qu'elle a pu exercer sur de grands esprits. Suscitant encore nombre de publications, les discours astrologiques, bien que désormais perçus comme archaïques, font partie des diverses composantes de la culture européenne, et il convient d'interroger de près les prises de position qu'ils ont suscitées.
Émergence et assise des discours astrologiques
L'astrologie existe dès lors que certains
croient en elle et veulent savoir ce qu'elle a à leur dire. De ce fait,
il est probablement plus important de déterminer ce qu'on attend d'elle
que ce qu'elle est objectivement capable de fournir. Mais comment c
[...]
pour nos abonnés, l’article se compose de 20 pages
Yves Lenoible sur le Centiloque de Ptolémée
Le site des astrophiles
Du nouveau à propos du Centiloque de Ptolémée
“Après de longues années de recherche sur le Centiloque pseudo-ptolémaïque (appelé Le Livre du fruit, Karpos), Giuseppe Bezza – qui nous a quitté prématurément le 18 juin 2014 – vient de faire publier aux Editions Mimesis (Milano, septembre 2013) un ouvrage extrêmement riche sous le titre Commento al Centiloquio tolemaïco. L’oeuvre
contient, entre autres documents, sa traduction en italien des cent
aphorismes publiés en langue arabe (1) puis grecque, assortis de leurs
commentaires (2).
Ces deux versions inédites du Centiloque
(traduction des textes arabe et grec) renouvellent notre compréhension
des cent aphorismes et de leurs commentaires, à savoir ceux dont nous
disposons en France, et parmi les plus connus, ceux traduits du latin
par Nicolas Bourdin (3) sous le titre Le Centilogue de Ptolémée ou la seconde partie de l’Uranie (1641, 1993), et ceux également traduits du latin par Julevno (4) sous le titre Les cent sentences astrologiques (1938, 1984).”
Note 1 : C’est Franco Martorello qui a établi le texte arabe de Ahmad Ibn Yusuf Ibn al-Daya.
Note 2 :
Aphorismes et commentaires sont accompagnés d’une grande quantité de
notes, d’un glossaire, d’une bibliographie détaillée, et d’une
Introduction sous la plume de Giuseppe Bezza, qui fait le point sur la
question de la paternité de l’ouvrage, très discutée pendant des siècles
(Introduction traduite en français par mes soins, et désormais
disponible sur le site du RAO).
Note 3 : Nicolas Bourdin a traduit du latin la Tétrabible (publication en 1640), ainsi que le Centilogue de Ptolémée ou la seconde partie de l’Uranie,
publié chez Cardin Besongne à Paris, en 1651, et réédité par les
Editions Tredaniel en 1993. Nicolas Bourdin “est le traducteur
incontournable de Ptolémée en français” (Jacques Halbronn), mais il
n’est pas le premier. Dans la postface de l’édition de 1993, J. Halbronn
écrit qu’il existe à la Bibliothèque Nationale des manuscrits de
l’ouvrage datant du règne de Charles V (1348, 1349).
Note 4 : La
traduction du latin (texte de Pontanus) par Julevno (Jules Evenot) a été
publiée en 1938 par Paul Chacornac sous le titre Le Centiloque ou les cent sentences. Elle a été reprise par les Editions Traditionnelles sous la dénomination Les cent sentences astrologiques, Paris, 1984.
Quelques aphorismes du Centiloque
Il serait sans doute pertinent d’évoquer désormais, à leur tour,
quelques sentences ayant trait, plus spécifiquement, à l’art de
l’astrologie lui-même. Pour cela, procédons à l’analyse des aphorismes
n° III, n° V, n° VIII, et n° XXIX, tels que nous pouvons les lire chez
Nicolas Bourdin (Le Centilogue de Ptolémée ou la seconde partie de
l’Uranie, traduit du latin, 1641, 1993) et chez Julevno ( Les Cent
sentences astrologiques, également traduites du latin, 1938, 1984), puis
dans les versions arabe et grecque récemment mises à l’honneur par
Giuseppe Bezza (Commento al Centiloquio tolemeo, septembre 2013).Sentence III : aptitude/astre puissant
– Version de Nicolas Bourdin :« Celui qui est habile à quelque chose telle qu’elle soit, aura certainement aussi l’astre qui signifie cette chose, grandement puissant en sa naissance ». Grandement puissant, c’est-à-dire « bien situé, soit au respect du monde [par rapport aux angles], soit dans le zodiaque [par ses dignités], soit par ses aspects, soit d’autre sorte » (Nicolas Bourdin voulait-il par là suggérer la nature de l’astre ?). Par exemple, dit-il, celui qui est ingénieux et éloquent aura Mercure bien placé, celui qui est vaillant, Mars, etc.Ainsi, « nous verrons de la prudence en ceux que Saturne gouverne, de l’équité aux joviaux, de la vaillance aux martiaux, de la douceur aux vénériens, de la finesse aux mercurialistes, le Soleil donnera de l’éclat, la Lune de l’activité ». Les effets engendrés par telle ou telle planète bien placée seront toujours identiques.
Le reste du commentaire est consacré à quelques exemples.
Ainsi, Cicéron doit sa grandeur à la disposition de son ciel natal : « son Soleil montant au Lion sur l’horizon, le Lion gouvernant l’Italie,…lui décerna cet éclat illustre…, avec Mercure, Vénus, Mars et le Roitelet, alors au premier degré du Lion où était son AS », ce qui lui donna « ce torrent d’éloquence que nous admirons encore tous les jours en ses écrits ».
Sixte V, de basse condition, fut élevé à la dignité pontificale, grâce à son Soleil et à son Jupiter sur son AS, conjoint à Mercure et à Mars, ce qui le fit changer de métier « de gardien de troupeaux pour celui de pasteur universel de l’église ».
Le roi Gustave de Suède, redoutable conquérant, avait Mars (au trigone de sa Lune) maître de X, alors que Jupiter, maître du Soleil et de l’AS, se trouvait en maison II avec la Part de fortune.
Le cardinal de Richelieu avait Vénus maître de I placée au MC, Mars et Mercure respectivement logés en l’AS et en XI, en leurs dignités, tandis que le Soleil était maître du MC.
– Version de Julevno :
« Celui qui possède des aptitudes pour un art quelconque aura, certainement, une étoile propice à cette indication, placée puissamment dans sa nativité ».
Julevno parle-t-il d’une étoile fixe, ou d’un astre errant ? Nous n’en saurons rien, vu que le commentaire brille par son absence. Et nous ne savons pas non plus, bien sûr, ce qu’il entend par une étoile « placée puissamment » dans une nativité.
– Version arabe :
« Ptolémée a dit : celui qui par nature est disposé à une chose est celui qui, dans sa nativité, a le significateur de cette chose puissant ».
Après nous avoir renvoyés à la sentence LXXXVI, où il est dit que les planètes, par leur qualité, par leur force, par leurs opérations, sont comme les éléments des corps (voir en fin d’article note 1), Al Daya affirme qu’une planète puissante dans la nativité d’une personne rend visibles ses opérations ; la personne aura alors une disposition naturelle excellente, prompte à réaliser ce qu’indique la planète.
Mais qu’appelle-t-on une planète puissante ? Ou plus exactement, dans quels cas peut-on attribuer à un astre ce qualificatif de « puissant » ? Le commentateur arabe répond à cette question de façon très précise, qui peut étonner, et même éblouir les yeux de nos contemporains, peu habitués à la richesse de l’enseignement des Anciens. Une planète est puissante lorsqu’elle se trouve :
1) dans sa « participation » (hazz)(note 2) ;
2) dans son champ d’action (hayyiz)(3) ;
3) dans l’angle qui lui est compatible (watad)(4) ;
4) dans une configuration favorable vis-à-vis du Soleil (Sams)(5), comme par exemple l’orientalité (tasriq)(6) pour les planètes supérieures et l’occidentalité (tagrib)(7) favorable aux planètes inférieures.
5) Et autres positions qui lui sont propres.
Si nous mettons de côté les dignités et l’angularité des planètes, communément reconnues aujourd’hui comme facteurs de puissance, nous ne pouvons malheureusement que déplorer le manque de connaissance de nos contemporains, qui négligent ces notions de « faction », d’orientalité vis-à-vis du Soleil, et plus spécialement de lever héliaque, pourtant si efficaces. Il faut remercier chaudement Giuseppe Bezza d’avoir mis à disposition tous ces aphorismes, et notamment le III, qui rappelle ces notions essentielles.
– Version grecque :
« Celui qui est apte à une chose quelconque a certainement l’astre qui la signifie puissant dans sa nativité ».
Le commentaire est remarquablement bref. On peut le citer entièrement : « En vérité, l’homme viril a Mars puissant, l’intellectuel Mercure, et ainsi de suite pour les autres astres ». C’est évidemment très clair, très concis, très concret. On peut néanmoins regretter qu’il ne soit pas précisé dans quelles conditions un astre est puissant, considération certainement inutile pour les astrologues de l’époque, familiers avec toutes ces notions.
Sentence V : détourner les maux
– Version de Nicolas Bourdin :
« Celuy qui est savant peut éviter plusieurs événements des astres, lorsqu’il aura connu leur nature, et se préparer soi-même avant leur événement ».
Deux mots-clé dans cette sentence : « éviter » et « se préparer ».
Pour être en mesure d’éviter plusieurs événements qui le menaceraient, le savant doit connaître « la nature et la science », la nature [c’est-à-dire le don du ciel], la science [c’est-à-dire la science des hommes]. Ainsi les événements ne répondront pas tous à une fatalité. Cet aphorisme reprend le célèbre passage de la Tétrabible, dans lequel Ptolémée expose sa philosophie de l’art : « Les événements, communs ou particuliers, lesquels n’ont d’autre origine que les causes célestes, …se produisent inévitablement selon une nécessité absolue. Mais il en est d’autres, qui ne naissent pas du seul mouvement des cieux et qui se peuvent aisément transformer par des remèdes contraires…Ceci est du ressort de la science des hommes, qui, en cette rencontre, ne sont point enchaînés à une fatale nécessité. » Et plus loin : « Ces mêmes événements sont, ou totalement détournés, ou de beaucoup adoucis, alors qu’ils ont été prévus et qu’on y donne soin à l’aide des remèdes naturels reconnus comme ayant une force contraire efficace » (I, 2, traduction du latin du même Nicolas Bourdin). Il est donc possible, dit Nicolas Bourdin, d’éviter les maux « à l’aide de la science ». – L’existence de ce passage de la Tétrabible pouvait laisser penser que l’auteur du Centiloque était bien Ptolémée en personne, ce qui n’est en aucune façon une preuve en soi, plusieurs auteurs différents pouvant développer les mêmes idées selon l’état de leurs convictions !
Ceci dit, le savant doit se préparer à recevoir les effets menaçants des astres. Là encore, nous pouvons renvoyer à un autre passage de la Tétrabible, toujours dans le chapitre 2 du Livre I, où le prince des astrologues affirme que «la prévision acclimate et affermit l’esprit en sorte que l’attente des choses futures se passe comme si celles-ci étaient déjà présentes, préparation qui nous permet de les recevoir avec sérénité ».
Toutefois, Nicolas Bourdin demeure circonspect quant à l’efficacité des savants, « vu que plusieurs ont tenté vainement d’éviter les maux qu’ils craignaient ». Ainsi se moque-t-il tant soit peu de l’excellent astrologue qui avait prévu la mort violente du duc de Milan, par une poutre qui tomberait sur lui, et qui, mené au supplice pour cette prédiction malheureuse, fut lui-même écrasé, avec beaucoup d’autres, par une tour de la cathédrale !
Le discours qui clôt ce commentaire se perd dans des méandres ténébreux…
– Version de Julevno :
« Celui qui connaît la nature des astres peut facilement en détourner les mauvais effets, en sachant se mettre en garde contre leur maléfique influence, avant qu’elle ne se manifeste ».
Mais comment détourner les mauvais effets des astres ? C’est ce que nous ne savons pas ; en effet, la science des hommes n’est mentionnée nulle part. Pour le reste, le contenu de la sentence est le même, avec toutefois un « facilement » qui laisse rêveur.
Dans son commentaire, Henri Selva affirme que, si l’homme averti ne peut absolument pas éviter les événements qui reposent sur une loi immuable, du moins peut-il « se préparer à soutenir leur choc », et « amortir leur effet », non pas par des remèdes contraires (il n’en dit mot), mais par une « volonté sage et forte » – là encore, on ne peut être qu’incrédule devant cette foi en la volonté.
– Version arabe :
« Ptolémée a dit : l’astrologue est parfois en mesure de conjurer beaucoup d’effets des étoiles, encore faut-il qu’il connaisse la nature de ce qui agit, et qu’il prépare celui qui reçoit les effets à les tolérer, avant qu’ils ne se vérifient ».
Nous voici revenus à plus de réalisme, attendu que l’astrologue est « parfois » en mesure d’éviter les effets des étoiles, et non pas « facilement », comme le relate Julevno. En effet, dans son commentaire, Al-Daya nous rappelle que les astres n’agissent pas de la même façon, du fait que les sujets qui sont atteints par leurs effets sont eux-mêmes différents. Mais il est en notre faculté de porter ces sujets vers l’augmentation ou vers la diminution de l’état où ils se trouvent, ceci par une juste régulation. Lorsqu’il craint un événement pour un sujet, celui qui connaît les astres doit nécessairement pousser ce sujet vers un état opposé à celui dont il craint les effets. Ainsi, celui qui était prédisposé à subir ces effets ne sera pas frappé par ce qui, auparavant, était à craindre.
Par exemple, dit-il, si nous connaissons la nativité de celui qui subit l’action des astres, et s’il s’y trouve des indications d’astres liés à une maladie de la nature de Mars, nous porterons sa constitution d’un état d’équilibre à un autre qui lui est éloigné. En fait, avant que se produise l’opération de Mars, nous porterons vers le froid cet état d’équilibre, de la même quantité existant entre l’état d’équilibre et l’excès de chaud. Par conséquent, quand adviendra l’action de Mars, la personne l’aura déjà précédée par l’intermédiaire d’une disposition contraire : confrontée à ce que Mars lui promettait, sa nature répondra en tendant vers l’équilibre. L’astrologue qui connaît la nature de Mars attribuera ainsi une constitution différente à celui qui subira l’action de l’astre, et il procèdera de façon analogue pour les autres planètes, pour autant que cela soit possible.
– Version grecque :
« L’expert peut détourner beaucoup d’opérations d’astres quand il connaît leur nature et qu’il se prépare avant que n’adviennent leurs opérations ».
Commentaire : L’âme bien adaptée qui se conduit de la meilleure façon pousse ce qui est en puissance à changer la disposition préexistante du sujet et à la tourner vers le plus ou vers le moins. Exactement comme si, après avoir examiné ce qui allait advenir, nous reconnaissions avec certitude qu’une fièvre élevée surgirait chez le natif, à cause de la configuration de Mars. Donc, connaissant cela par avance, nous porterons la constitution du sujet vers une tonalité plus froide, en mesurant avec attention de quelle quantité se changera sa constitution préexistante. De cette façon, avec un Mars qui réchauffe les corps, et qui serait atteint par des configurations adverses, la bonne harmonie sera rétablie.
L’on peut observer que les textes dont nous disposons en langue française restent dans les généralités, tandis que les versions arabe et grecque nous plongent dans des considérations plus concrètes, comme par exemple les effets d’un Mars (de nature chaude) blessé dans un thème, effets que l’on peut détourner en faisant intervenir chez le sujet une complexion plus froide, ceci avant que Mars puisse opérer.
Sentence VIII : soutenir le bien
– Version de Nicolas Bourdin :
« Le sage contribue à l’opération céleste, de la même sorte que l’excellent jardinier en labourant et en nettoyant ».
L’excellent laboureur sait parfaitement ce que son champ peut porter, le blé dans la plaine, le vin dans le coteau, les légumes en terre grasse, le sainfoin en terre aride, l’herbe dans les fraîcheurs, le bois sur les roches, les sillons étroits pour écouler les excès d’eau, les plantes nuisibles qu’il lui faut arracher, et ainsi de suite…
Tout comme le laboureur cultive sa terre, le sage doit cultiver les dons qu’il a reçus du ciel. Si dans son thème Saturne est puissant, qu’il s’adonne à l’agriculture et aux choses graves ; si Jupiter lui est favorable, qu’il embrasse des emplois qui conviennent à cette planète, etc.. Le sage doit collaborer avec ce que lui a conféré le ciel, sans chercher à revendiquer des choses qu’il ne peut obtenir. Ainsi, l’homme « ne peut pas espérer de biens solides, si Saturne et le maître de IV sont affligés ; des richesses, si Jupiter et le maître de II font mal ; des charges dans la guerre, si Mars est dans les maisons cadentes et dans sa ruine ; des honneurs et des dignités si le Soleil et le maître de X sont faibles ; des faveurs et des bienfaits des femmes si Vénus et le maître de XI sont mal logés ; des emplois dans les négociations et les ambassades si Mercure et le maître de IX sont affligés ; de l’action et de l’estime populaire si la Lune n’est pas bien placée ».
Ainsi se termine, de façon très utile pour le praticien, le commentaire de Nicolas Bourdin. Que va nous dire Julevno ?
– Version de Julevno :
« L’astrologue habile et sagace peut combattre les effets des influences du ciel, de même que le laboureur expérimenté peut combattre la mauvaise nature d’un champ, en l’améliorant par la culture ».
« Combattre les effets du ciel » ? Combattre les « avertissements » du ciel, combattre les « accidents » et les « dangers », comme l’affirme Fomalhaut dans son commentaire ? Faut-il accepter cette version de la sentence VIII, qui ne fait que réitérer celle de la sentence V – répétition parfaitement inutile ? « Combattre » les effets du ciel, comme le martèle Julevno, alors que la version de Nicolas Bourdin souligne, au contraire ici, dans la sentence VIII, la nécessité qu’a le sage de « contribuer à l’opération céleste » !
– Version arabe :
« Ptolémée a dit : l’âme savante collabore avec l’action de la sphère céleste comme le paysan collabore avec les forces de la nature en labourant et en taillant ».
Il s’agit ici également, de « collaborer » avec, et non de « combattre », les forces de la sphère. L’âme savante connaît ces forces et sait comment elles s’appliquent aux individus. Donc, lorsque le savant percevra l’action d’un bien dans le thème d’un natif, il encouragera ce dernier à être bien disposé pour accueillir ce bien, qui sera ainsi amplifié et clarifié. Puis Al Daya, estimant en avoir assez dit, renvoie à son commentaire de la sentence V.
– Version grecque :
« L’âme savante aide la vertu du ciel de la même façon que le paysan parfait aide la nature en labourant et en désherbant ».
Par « âme savante », on doit comprendre l’âme qui connaît les vertus de la nature et la constitution des astres, celle qui sait anticiper ce qui va advenir aux hommes, que ce soit un succès ou un revers. Elle invite ceux qui sont sur le point de prospérer à favoriser une amplification de leur bonne fortune. Mais aussi, elle exhorte à fuir la disgrâce imminente ceux qui sont sur le point de subir un revers sous le coup d’un mauvais démon, comme c’est le lot de la nature humaine. De façon analogue, l’excellent paysan, en labourant et en désherbant, jette les graines dans son champ, et ce qui naît de la terre devient un aliment utile, qui toutefois ne peut devenir comestible sans désherbage.
L’allusion à l’excellent paysan, reprise dans toutes les versions, illustre parfaitement les deux volets de l’action de l’astrologue savant, à savoir favoriser le bien (sentence VIII) et fuir le mal (sentence V), avant même que se produisent leurs effets. Tout comme le labour favorise la bonne qualité de la terre et des grains, tandis que le désherbage lutte contre l’action des plantes nuisibles.
Sentence XXIX : félicités des étoiles
– Version de Nicolas Bourdin :
« Les étoiles fixes apportent des félicités irraisonnables et admirables, que, pour la plus grande part, elles rendent remarquables par des infortunes ; si ce n’est que les planètes s’accordent à cette félicité ».
Dans son commentaire, Nicolas Bourdin souligne le côté inattendu des félicités accordées par les étoiles fixes ; néanmoins il leur reconnaît une action « frêle et caduque » si elles ne sont pas soutenues par celle des planètes.
Suit ensuite un très long développement sur ces étoiles, dont nous ne dirons que l’essentiel. Divers auteurs, dit notre commentateur, les ont méprisées sous le prétexte qu’elles ne produisent rien. Pourtant, « la grandeur de leur corps, l’immensité de leurs sphères, l’infinie multitude de leurs corps, la brillante clarté de quelques unes, leurs levers et couchers avec le Soleil », les donnent pour essentielles. « Sans elles, il n’y aurait ni vie, ni mouvement, ni action, ni passion mutuelle, ni génération, ni vicissitudes des temps ». Hommage est rendu à Galilée, dont les lunettes nous ont fait découvrir un immense univers bien ordonné, une immensité de « globes suspendus qui se soutiennent et s’assistent les uns les autres ». Parmi toutes ces étoiles, nous serons plus affectés par les plus proches et les plus grandes, celles qui ont le plus d’éclat. Parmi elles, N. Bourdin cite le Grand Chien (Sirius), Arcturus, le Roitelet (Régulus), Antarès, l’œil du Taureau (Aldébaran), la Lyre, l’Epi, le Bouc, la bouche du Monstre.
Comment expliquer leur influence ? Par la transmission de lumière qui se fait grâce à l’attraction solaire, par leur puissance magnétique, par le « lien étroit qui unit et joint toutes choses » dans l’univers. Les astres ont en effet les mêmes éléments (étain, plomb, argent, etc.) que les entrailles de la terre, l’homme étant « un petit monde abrégé qui nous enseigne à connaître le grand ». N. Bourdin rappelle que, pour les Platoniciens, il existe une âme universelle qui règne sur le monde. « Tout le monde animé, tous les globes, tous les astres, l’admirable Terre aussi, sont gouvernés dès le commencement par les âmes qui lui sont propres et destinées ».
Mais pourquoi les félicités accordées par ces étoiles demeureraient-elles « frêles et caduques » et seraient-elles suivies d’infortunes immenses ? Ce fait, reconnu par l’expérience, survient lorsque ces étoiles « ne sont pas fécondées par les errantes », c’est-à-dire lorsqu’elles ne sont pas « jointes aux principaux significateurs ». Quels significateurs ? Nous aimerions le savoir, mais nous ne le saurons pas. Ce que nous saurons, c’est que ces globes éloignés « donnent bien les choses avec plus d’éminence, mais avec moins de proportion à notre respect , de sorte que leurs faveurs ne se sauraient trouver ni fermes, ni assurées, si les astres plus voisins ne concourent à soutenir ce bonheur » – Le manque d’efficacité durable des étoiles serait donc dû à leur éloignement !!!
Nicolas Bourdin termine son discours par quelques exemples d’infortunes tirés de l’Antiquité.
– Version de Julevno :
« Les étoiles fixes produisent des fortunes surprenantes et prodigieuses qui, souvent, sombrent dans le malheur ou dans une catastrophe, à moins que les planètes ne promettent par elles-mêmes, dans la nativité, le succès ou la fortune ».
Julevno consacre à cette sentence un commentaire plus court que celui de Nicolas Bourdin, mais qui se veut explicatif. Satisfera-t-il notre curiosité ?
Le commentateur énonce tout d’abord quelles sont les étoiles fixes les plus efficaces : celles de 1ère grandeur, celles situées sur l’écliptique ou en déclinaison Nord, celles qui sont unies à une planète par conjonction ou par antisce, celles qui se lèvent ou culminent avec une planète, leur orbe de lumière étant estimé à 5°.
Lorsqu’elles sont situées dans les angles d’un thème (surtout à l’AS et au MC) et avec le Soleil ou la Lune, les étoiles dites royales élèvent le natif à une condition exceptionnelle, même si ce dernier sort d’un milieu très modeste. Il s’agit d’Aldébaran, de Régulus, d’Antarès, des Pléiades ( ?), de Fomalhaut, de l’Epi de la Vierge, de Rasalgethi. Toutefois, les bienfaits qu’elles accordent peuvent tourner à la ruine et au malheur, à moins que les significateurs ne soient protégés par Jupiter ou par Vénus (par aspect), capables par eux-mêmes de donner des biens durables, les significateurs étant le Soleil, la Lune et le MC.
Malgré quelques points discutables (l’orbe des étoiles, leur antisce avec une planète quelconque par exemple), ce commentaire de Julevno semble mieux répondre à nos attentes que celui de N. Bourdin, souvent entortillé et ténébreux – peut-être les connaissances de l’époque et la langue du XVIIème siècle en sont-elles responsables ?
– Version arabe
« Ptolémée a dit : les étoiles fixes accordent des dons qui vont au-delà de ce qui est attendu des thèmes d’origine, mais souvent ils s’accompagnent d’une disgrâce ».
Voici le commentaire d’Ibn Al Daya : Après la naissance et les quatre années de nutrition (tarbiyah)(8), l’une des choses qu’il est nécessaire de connaître dans une nativité est la dignité des astres et ce qui l’indique, comme le tasriq(9) des planètes, leur dasturiyah (10), et en outre les significateurs [de vie] puissants dans les angles. Tout ceci montre que le natif parviendra à une meilleure condition que celle de ses prédécesseurs.
Qu’ajoutent de plus les étoiles fixes (celles qui sont les cœurs [Cœur du Taureau, Cœur du Lion, etc.] et celles de première grandeur) ? Lorsqu’elles se trouvent sur l’angle de l’AS ou du MC, sur le luminaire conditionnel (11) et sur la Part de fortune, elles élèveront la situation du natif jusqu’à son aspiration maximale, au-delà de ce que l’on pouvait attendre, de telle sorte qu’il administrera les affaires d’un grand règne, même si ses ancêtres étaient inconnus et d’origine modeste. – Les étoiles ainsi définies et ainsi placées apporteront un maximum de bienfaits, beaucoup plus puissants que ceux accordés par les planètes.
Toutefois, lorsque ces étoiles ne sont pas soutenues par l’action des planètes, lorsqu’elles sont les seules à signifier la fortune, le natif mourra de mort violente. Voilà sans doute, sans autre explication, sans bavardage d’aucune sorte, un fait d’expérience, qui peut nous déconcerter. La version grecque nous fournira-t-elle quelque éclairage ?
– Version grecque :
« Les astres non errants provoquent des fortunes extraordinaires et inattendues, mais, plus d’une fois, elles se terminent par un malheur, à moins que les planètes ne soutiennent leur succès ».
Le succès provient du lever matinal des astres (12), du camp qui leur convient (13), et de leur angularité. Dans ces cas-là, celui qui naît deviendra plus illustre que ses propres géniteurs. Mais que font les étoiles fixes, les cœurs et celles qui sont de première grandeur, précise bien le commentateur ? Lorsque l’une d’elles se retrouve sur l’angle de l’AS ou du MC, sur le Soleil le jour et sur la Lune la nuit, ou sur la Part de fortune, le sort de celui qui naît s’élèvera grandement, au point qu’il deviendra l’intendant d’un grand roi, même si ses géniteurs sont d’humble condition. Et si le succès lui parvient par la seule signification des étoiles fixes, sa mort sera très malheureuse et non naturelle.
Cette version est très proche de la précédente, et toutes deux très peu éloignées des deux versions en langue française. Toutefois, entre les « infortunes » des étoiles fixes énoncées par Nicolas Bourdin et « le malheur ou une catastrophe » avancés par Julevno, il y a une marge avec « la mort violente » du sujet lui-même, prédite par le texte arabe, exprimée tout aussi violemment, et la « mort très malheureuse et non naturelle » du texte grec. Les Anciens n’hésitaient pas à dire les choses de façon directe, simplement et crûment ! ce qui peut satisfaire les esprits épris de vérité ! Les aphorismes du Centiloque, dans les versions arabe et grecque heureusement transmises par G. Bezza, méritent donc que l’on s’attache à leur enseignement, tant ils nous apparaissent justes, précis, concrets, faisant ainsi mentir Morin de Villefranche, qui, chez les Chaldéens, chez les Egyptiens, et pour ce qui nous concerne ici chez les Arabes, ne voyait que de « vaines fictions » (Préface du XXIème Livre de l’Astrologia Gallica).
Danièle Jay
jay-daniele@orange.fr
Bibliographie
– Bezza, Giuseppe, Arcana Mundi, Antologia del pensiero astrologico antico, biblioteca universale Rizzoli, Milano, 1995.
– Bezza, Giuseppe, Commento al primo libro della Tetrabiblos di Claudio Tolemeo, Nuovi Orizzonti, Milano, 1990, 1992.
– Bezza, Giuseppe, Commento al Centiloquio tolemaico, Mimesis, septembre 2013, disponible à la librairie Ibis Esoretica, via Castiglione, 31, 40124 Bologna.
– Bourdin, Nicolas, Tetrabiblos, Editions Vernal/Philippe Lebaud, Paris, 1986.
– Bourdin, Nicolas, Le Centilogue de Ptolémée ou la seconde partie de l’Uranie, réédité par Guy Tredaniel, Paris, 1993.
– Jay, Danièle, Le Ciel en mouvement, Editions Sep-Hermès, Paris, 2006, 2010.
– Julevno, Les Cent sentences astrologiques, Editions Traditionnelles, Paris, 1984.
– Ptolémée, Claude, Tetrabiblos, traduction de Pascal Charvet sous le titre Le Livre unique de l’astrologie, Nil Editions, Paris, 2000.
notes
1) Sentence LXXXVI :
« Ptolémée a dit : le Soleil est source de la force vitale, la Lune de
la force naturelle, Saturne de la force de rétention, Jupiter de la
force d’accroissement, Mars de la force d’irascibilité, Vénus de la
force de concupiscence, Mercure de la force de cogitation. Dans les
nativités, Mars, Vénus et Mercure sont les significateurs des
inclinations et des professions ». Dans le commentaire, nous lisons que
les dispositions naturelles, la générosité, l’avarice, la sincérité, le
mensonge, etc., proviennent du mélange de ces trois inclinations et
professions, et du comportement de ces trois planètes.
2) Une planète dans son
hazz occupe une portion du zodiaque conforme à sa nature – c’est le
lieu du zodiaque où elle possède une dignité (domicile, exaltation,
terme, triplicité, face). Elle « participe » au signe qu’elle occupe, ce
qui entraîne bonne fortune et félicité.
3) Une planète dans son
hayyiz se trouve placée dans le milieu qui lui est naturel, dans sa
sphère d’influence, dans sa « faction » ; elle est dans sa faction si,
diurne, elle se trouve dans un thème diurne (Soleil au-dessus de
l’horizon), et si, nocturne, elle se trouve dans un thème nocturne
(Soleil au-dessous de l’horizon). Ce terme arabe est l’équivalent du
terme grec « haïresis ».
4) Watad : il s’agit des quatre angles de la figure.
5) Sams : indique le Soleil.
6) Tasriq désigne
l’orientalité des planètes supérieures par rapport au Soleil (elles se
lèvent avant lui), mais surtout leur lever héliaque, qui est le moment
où la planète sort des rayons du Soleil et où elle reprend toute sa
vigueur. « La planète après la combustion, après son passage sous les
rayons, est comme celui qui avance de la maladie à la convalescence et à
la force ; l’orientalité perfectionne sa force… » (Al Biruni).
7) Tagrib : désigne l’occidentalité des planètes inférieures par rapport au Soleil (elles se couchent après lui).
8) Tarbiyah : lorsque
l’enfant est faible à la naissance, on ne sait s’il survivra. Il faut
attendre quatre ans, les quatre années de nutrition, pour se prononcer
sur l’avenir de l’enfant.
9) Tasriq : c’est
l’orientalité des planètes par rapport au Soleil, surtout leur lever
héliaque ; voir la note 6 de la sentence III.
10) Dasturiyah : c’est la position d’autorité d’une planète.
11) Le luminaire
conditionnel est le luminaire « de la condition », c’est à dire le
luminaire qui s’accorde avec la condition diurne ou nocturne, soit le
Soleil en thème diurne, la Lune en thème nocturne.
12) Lever matinal : c’est le lever héliaque qui se fait le matin.
13) Le « camp » n’est
autre que la « famille » de l’astre, la sphère d’action où il se trouve à
son aise. Un astre diurne est dans son « camp » lorsqu’il se trouve
dans un thème diurne, un astre nocturne dans un thème nocturne. Cette
condition est désignée en langue grecque sous le terme d’haïrésis.
ETTEILLA l ASTROLOGIE DU LIVRE DE TOTH
L'Astrologie du livre de Thot (1785), suivi de "Recherches sur l'histoire et l'astrologie du tarot" Broché – 1 janvier 1990
de
Etteilla
(Auteur),
Jacques Halbronn
(Auteur)
Jacques Halbronn sur Morin de Villefranche
« Etranges phénomènes - Les mystères de l'univers | Page d'accueil
| La Matière Noire et L’énergie Sombre. »
12/06/2016
Jean-Baptiste MORIN : Remarques astrologiques
Boutique :
Jean-Baptiste MORIN : "Remarques astrologiques" Sur : Le commentaire du centiloque de Ptolémée par Nicolas de Bourdin.
Jean-Baptiste MORIN : "Remarques astrologiques" Sur : Le commentaire du centiloque de Ptolémée par Nicolas de Bourdin.
Ou "Le Fanal de l’astrologie".
Introduction et notes de Jacques Halbronn.
Jean-Baptiste
Morin, né à Villefranche en 1583, mort à Paris en 1656, est considéré
par tous les spécialistes comme le plus savant des astrologues français.
Docteur en médecine, professeur de mathématiques au Collège de France,
astronome, la science positive lui doit des méthodes nouvelles de
détermination des longitudes célestes et terrestres appliquées à la
pratique de la navigation, grâce à un abrégé de sa "Science des
longitudes", publié en français, à l'usage des pilotes (1647).Son
oeuvre capitale reste cependant, une "somme astrologique" (Astrologia
gallica, 1661), dont les huit cents pages in-folio en latin demeurent,
malheureusement, impubliables. Aussi
doit-on attacher d'autant plus d'intérêt à un traité oublié dans lequel
Morin lui-même a présenté en français un abrégé de son enseignement
magistral : les "Remarques astrologiques" (1657). Cependant, cet ouvrage
n'a jamais été réédité depuis trois siècles, bien qu'il soit
indispensable non seulement à l'étude de l'astrologie française au
siècle de Louis XIV, mais aussi à l'interprétation exacte de l’œuvre de
Ptolémée. Ce Fanal que
Morin propose aux vrais amateurs de l'astrologie éclaire des problèmes
fondamentaux, théoriques et pratiques, dont l'importance est rarement
signalée par les auteurs modernes. Illustré
de gravures d'une insigne rareté provenant des collections de la
bibliothèque de l'Observatoire de Paris, cet ouvrage contient en outre
une bibliographie complète de l’œuvre de Morin, la reproduction
intégrale des précieuses tables des correspondances symboliques
planétaires et zodiacales extraites de l'édition originale de
"l'Astrologia gallica", ainsi que les horoscopes de Louis XIV, de
Richelieu et de Jérôme Cardan, établis par J.-B. Morin.
RETZ / Bibliotheca Hermetica (Alchimie - Astrologie - Magie), 1975.
303 pages – 12,5 x 20,5 cms – 505 grammes.
Nombreuses gravures et illustrations in et hors-texte.
Reliure cartonnée éditeur entoilée de rouge bordeaux. Titre et nom d’auteur en doré au dos et sur un premier plat assez richement orné + jaquettes de protections couleurs.
303 pages – 12,5 x 20,5 cms – 505 grammes.
Nombreuses gravures et illustrations in et hors-texte.
Reliure cartonnée éditeur entoilée de rouge bordeaux. Titre et nom d’auteur en doré au dos et sur un premier plat assez richement orné + jaquettes de protections couleurs.
Etat
= Quelques petites marques/traces de manipulations, ainsi que deux
petits accrocs sur une jaquette restée néanmoins bien brillante… sont
les seuls petits défauts à signaler ; la reliure est en excellent état
(y compris les coiffes) et l’intérieur est tout simplement parfait ! Bel
exemplaire !
>>> 22 €uros. / Vendu !
Publié dans Astrologie, Boutique, Esotérisme & occultisme, Livres | Tags : jean-baptiste morin, astrologie, remarques astrologiques, le fanal de l’astrologie, astrologues, astrologie de ptolémée, ptolémée, centiloque de ptolémée, nicolas de bourdin, jacques halbronn, livres, boutique | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.
jacques Halbronn De la compilation de Crespin Archidamus aux Sixains de Morgard
Editions RAMKAT
|
2
De la Compilation de Crespin Archidamus
aux Sixains de Morgard |
L
es Editions Ramkat ont récemment
publié une série de textes fondamentaux précédée d'un
indispensable appareil critique de Jacques HALBRONN. En réunissant une importante
iconographie nostradamique, souvent rarissime, nous constituons une sorte de critique de
l’édition classique des Prophéties de Nostradamus. L'auteur
présente successivement, et avec un art certain du suspense, toute une série de
pièces à conviction, comme dans une enquête policière, à la
manière du film de Jean-Jacques Annaud, tiré du roman Au nom de la Rose
d’Umberto Eco, faite de rebondissements et de témoignages, jusqu'à ce que le
lecteur découvre que, d’une certaine façon, le roi est nu...
Un triptyque de Nostradamus pour 1557, paru à la
fin de 1556, rassemble selon Jacques Halbronn, les éléments authentiques les plus
anciens que nous possédions pour l’heure, les Centuries, si tant est qu’elles
puissent lui être attribuées, n’étant pas parues du vivant de Nostradamus ;
ces pièces - dont on ne fournit ici que les épîtres - mais aussi les
Prophéties d’Antoine Couillard (1556), auront servi à produire,
après la mort de Michel de Nostredame en 1566, des contrefaçons, à
commencer par la fameuse Epître à Henri II, placée en tête
des centuries VIII, IX et X, mais aussi un texte qui la complète, les Significations
de l’Eclipse pour 1559, voire les Centuries elles-mêmes.
L'auteur pense que la fameuse Epître (centurique) à
Henri II, en tête des centuries VIII, IX et X, a été constituée
à partir des trois préfaces de Nostradamus pour 1557 : la Grand'
Pronostication pour 1557, l'Almanach pour 1557 et les Présages Merveilleux
pour 1557, toutes publiées chez le même éditeur parisien, Jacques
Kerver - et bénéficiant du même privilège - respectivement
adressées au roi de Navarre, Antoine de Vendôme, à la reine Catherine de
Médicis et au roi Henri II. L'étude de J. Halbronn reproduit
intégralement, dans la présente édition, les épîtres de ces
trois documents essentiels, ainsi que leur Privilège.
Les Prophéties à la Puissance
divine d’Antoine Crespin, dont nous reproduisons la première édition,
représentent pour l’auteur, qui nous en offre un décryptage systématique,
un témoignage contemporain fiable, concernant les Prophéties de
Nostradamus, puisque pour ce chercheur, les éditions connues de 1555, 1557 et 1568
seraient des contrefaçons d’éditions plus tardives !
Les Prophéties de Morgard, qui
complètent le manuscrit des Sixains signalé par Daniel RUZO et Robert
BENAZRA, pose le problème de clefs nécessaires à la lecture des
Centuries. A cela s'ajoute la découverte d'un imprimé daté de 1606,
les Signes merveilleux apparus au ciel, texte qui comporte un quatrain parmi ceux qui
auraient été présentés à Henri IV, à l’occasion du
baptême des enfants royaux, ce qui conduit l’auteur à considérer comme
contrefaçons les éditions de 1605, lesquelles comportent des sixains.
Jacques HALBRONN, directeur de la Bibliotheca Astrologica (Paris),
établissement spécialisé dans la recension de textes astrologiques et
prophétiques, notamment dans le champ français et judaïque, docteur ès
Lettres, a justement consacré sa thèse d'Etat aux textes prophétiques et
à leur implication dans le politique. Ce premier titre, Prophetica Judaica Aleph
(PJA), ne reprend pas in extenso le travail qui figure dans la thèse universitaire de
l’auteur.
Cliquez le frontispice pour plus de
détails
Retour
Sommaire
FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn Les conditions du discours scient...
FLAP - FACULTE LIBRE D'ASTROLOGIE DE PARIS: jacques Halbronn Les conditions du discours scient...: Les conditions du discours scientifique relatif à la constitution et à la reconstitution de l’objet. Théorie générale Prése...
jacques Halbronn Révolutions et Prophéties (suite)
Il
s'agit en fait d'un extrait d'un recueil richement illustré de
gravures, paru en 1642, à Amsterdam, chez Crispin Van de Passe (BNF,
Res p Z 26569 (3)),
De ondergang des Rommschen Arends"
- la Chute de l'Empire Romain - de Bartholomeus Hulsius,
Bartholomeus qui comporte aussi, entre autres, un texte de Paracelse
. Ce recueil était marqué par le personnage de Gustave- Adolphe.
L'école
nostradamiste française;
C'est
sous le Premier Empire que l'on peut vraiment parler d'une génération
d'exégètes , notamment avec des scrutateurs des
Centuries"
tels Bouys, Odoucet, Motret, Bellaud .
Si
les calculs, inspirés de ceux de Pierre d’Ailly, d’un Turrel,
n'avaient pas été déviés parRoussat,
et par un pseudo Nostradamus , c'est bien pour les premières années
du XIXe siècle que la “rénovation du monde” aurait été
attendue.
La
période impériale restera comme un lieu privilégié de l'exégèse
nostradamique. Il est intéressant de signaler divers exemples de
mise en rapport de quatrains ou de sixains avec les événements
révolutionnaires tels qu'on les trouvera, tant en France qu'à
l'étranger, dans cette littérature.
Le
cas de la prophétie nostradamienne se distingue notamment des
prophéties écrites après coup comme celle d'Orval en ce que les
textes étudiés appartiennent tous au XVIe et au XVIIe siècles et
sont parfaitement attestés comme étant antérieurs à la
Révolution.
C'est
ainsi qu'en introduction à la Prophétie d'Orval, il est indiqué
"La mort de Louis XVI si bien annoncée dans ces prévisions
leur donna une vogue extraordinaire" (L'Invariable
de Fribourg, 1839) mais on nous précise aussitôt que la partie du
texte concernant cet événement n'a pas été recopiée. La mort de
Louis XVI n'est pas ici sans faire penser à celle d'Henri II: le
prétendu succès prévisionnel aurait dans les deux cas "lancé"
la prophétie pour la prophétie d'Orval, on n'a encore moins de
preuves que celle-ci ait circulé avant la mort du roi.
L'exégèse
nostradamique de la bataille d'Austerlitz.
Le
“Soleil” d'Austerlitz est du 2 décembre 1805. Cela explique
probablement pourquoi 1806 fut une grande année pour Nostradamus .
Si
Odoucet écrivit, dès 1790, une
Révolution Française... pronostiquée par les Prophétiques
Centuries de M. Michel Nostradamus"
(BNF, La32 292), dans l'exaltation qui suivit la Prise de la Bastille
et la Nuit du 4 août 89,. Bellaud; donne, à l'apogée de la
carrière militaire de Bonaparte, un
Napoléon, premier Empereur des Français. Prédit par Nostradamus
(à) suivi de l'onomatomancie appliquée à Napoléon Ier Empereur
des Français et Roi d'Italie"
(BNF, Lb44 461).
Bouys
est un ardent partisan de l'Empereur et il est certain qu'il
n'utilisera pas certains quatrains désobligeants pour ce dernier:
Mis
à son lieu savant et débonnaire
Tout
le sénat sera dessous sa main
Fâché
sera par malin téméraire”
(Centurie
X, Quatrain 90)
On
commente ainsi: Bonaparte n'est-il pas visiblement ce savant
débonnaire (on est en 1806) qui succède à un tyran exécrable
(Robespierre).
Mais
Théodore Bouys veut aussi annoncer l'avenir, à la façon d'un
Janus:
Paragraphe XVI Prédiction de Nostradamus dont on attend
l'accomplissement, sur la conquête de l'Angleterre par Napoléon le
Grand".
Sur
l'océan sera la porte ouverte
Tremblera
Londres par voile découverte
Le
règne en l'isle sera réintégrant”
(Centurie
II, Quatrain 68)
Un
des quatrains qui aura le plus marqué les esprits est commenté -
pour la première fois ? - par Bouys, il s'agit de la Fuite de
Varennes de 1791:
“De
nuit viendra par la forest de Rennes
Deux
parts, voltorte, Herne la pierre blanche
Le
moine noir en gris dedans Varennes
Elu
cap, cause tempête, feu, sang, tranche”
(Centurie
IX, quatrain 20)
Traduction:
“De nuit, le mari et la femme viendront paar la forêt de Reines,
le chemin est divisé en deux parts: la belle reine vêtue fr blanc,
le roi qui a la dévotion d’un moine, vêtu en gris. Ce roi
déclaré chef, l’incendie, les agitations, le meurtre et le
pouvoir du glaive s'ensuivront”.
Bouys
répond à certaines objections:
“On
dira, sans doute, qu’en lisant Reine dans herne et Roi dans noir,
on verra dans Nostradamus tout ce qu’on voudra; on aurait raison de
le dire, si l’on supprimait, si l’on ajoutait, si l’on
changeait plus d’une lettre dans un mot. Mais que l’on fasse
bien attention que lorsqu'on ne trouverait pas reine dans herme et
roi dans noir, lorsqu'il n'y aurait même que deux étoiles à la
place de chaque mot, le sens indique assez que ce ne peut être que
le roi de France qui était en gris et la Reine qui était en blanc,
cette pierre précieuse blanche, qui sont passés par la forêt de
Reines, sont arrivés de nuit dedans Varennes et par voie détournée,
voltorte, et qui par leur voyage ont causé tempêtes, feu, sang,
tranche ou tête tranchée. Ce verset exprime tous les malheurs qui
suivirent son élection de roi constitutionnel élu cap, et sa fuite
à Varennes.”
Il
s'agit là en tout cas de l'un des versets les plus troublants et qui
interpellera un Dumézil .
Il
convient de signaler, toujours chez Bouys, un autre quatrain, le
trente-quatrième, toujours appartenant à la neuvième centurie:
Retour
conflict passera sur le Thuile
Par
cinq cens un trahir sera tiltré
Narbon
et Saulce par contaux avons d'huile”
Traduction:
Le mari seul sera chagrin de la coiffure qui lui sera imposée; après
un retour tumultueux, il passera aux Tuileries, il sera reconnu
victime d'une multitude de traîtres parmi lesquels Narbonne et
l'épicier Saulce.
Les
commentateurs sont gênés du fait que la fin du quatrain
concernerait la Fuite de Varennes (juin 1791), tandis que le début
de celui-ci vise l'épisode du qui se déroula le 20 juin 1792.
Bouys
publie au Ch. XXIV une
Lettre de M. à M. Bouys concernant les Nouvelles Considérations sur
les Oracles",
ce qui entraînera, la même année, une protestation vigoureuse de
l'intéressé, un certain Motret, de Nevers, farouche adversaire de
l'Astrologie, citant le quatrain latin réputé hostile à
l'astrologie de la sixième centurie et qui annonce un H.
Torné-Chavigny , Motret, qui, comme Bellaud, connaît bien les
exégètes de Nostradamus donne une traduction latine de deux
quatrains dont il s'efforce de fournir une interprétation exemplaire
(BNF, R 44608).
Mais comment Motret aurait-il eu connaissance des Nouvelles
Considèrations?
Est-ce que cette lettre ne montre pas qu'il y eut une précédente
édition à moins que le texte ait circulé en manuscrit? Dans sa
lettre, le correspondant parle de "vos Nouvelles Considèrations
sur les oracles et sur Jeanne d'Arc". En effet, en 1806, à la
suite de ses Considèrations
(sur Nostradamus), l'on trouve un Précis
sur Jeanne d'Arc et sur ses prédictions.
Bouys aurait- il, dans un premier temps, intégré ses réflexions
sur Jeanne d'Arc au sein de ses Considérations
pour les mettre à part ensuite ? L'ouvrage de Bouys est en outre
centré sur l'Angleterre ("la conquête que ce héros
(Bonaparte) doit faire de l'Angleterre") et il semble bien qu'en
1806, il s'agissait là d'un projet plus ou moins révolu après le
camp de Boulogne et Trafalgar (1805). En 1806, c'est vers l'Est que
désormais le vainqueur d'Austerlitz (1805) dirige ses ambitions.
Ce
qui conférera un certain impact à l'oeuvre de Bouys tient surtout à
la relation qu'il entreprend de montrer entre prophétie et
magnétisme. Un Rapport
fait à plusieurs académies
paraîtra la même année. Il semble bien qu'il s'agisse d'une
supercherie de l'auteur lui même, visant à apporter un crédit
supplémentaire à son livre. Ce "rapport" est d'ailleurs
curieusement publié par le même éditeur que l'ouvrage étudié:
Debray et Desenne, à Paris.
"Vous
serez, Messieurs, convaincus, qu'il faudrait être souverainement
injuste pour assimiler pareilles prédictions à celles de
MathieuLaensberg, Mathieu .. Si vous l'avez pensé comme tout le
monde savant et éclairé, il faut que le monde savant et éclairé
ait le courage de revenir de son erreur. J'aurais pu citer (..)
beaucoup de quatrains capables de faire la plus grande impression (à)
L'auteur des Nouvelles
Considérations
a judicieusement conclu que l'accomplissement de toutes les
Prophéties de Nostradamus dont nous avons été témoins devrait
être une assurance que celles qui concernent Napoléon Ier, Empereur
des Français et particulièrement la longueur de son règne, auront
également leur accomplissement. Je ne peux m'empêcher de mettre
sous vos yeux les deux quatrains qui contiennent la conquête de
l'Angleterre et la prise du roi se sauvant en chemise" (p.17)
En
1813, J. P. F. Deleuze, consacrera à l'ouvrage un chapitre (Section
IV ch. IX) de son
Histoire Critique du Magnétisme Animal"
(BNF) et le débat se poursuivra sous la Restauration, Deleuze
polémiquant avec l'Abbé Wurtz Jean Wendel, Vicaire de Saint- Nizier
(Lyon) auteur, entre autres, des Précurseurs
de l'Antéchrist
(1816).
Mais
ces recueils de quatrains choisis selon la fantaisie du commentateur
et appliqués à sa guise, ne se contentent pas de couvrir la période
révolutionnaire ou impériale. Il importe en effet pour renforcer le
crédit de la nostradamocratie que toute l'Histoire de France s'y
reflète, du moins depuis le XVIe siècle. Les nostradamistes
disposent au demeurant de peu d'outils chronologiques étant donné
qu'ils ne maîtrisent pas le mode d'emploi des Centuries.
Ils disposaient certes de l'atout mais passé ce cap, il sera
difficile de prédire au moyen des Quatrains sinon à très court
terme. L'on pourrait parler d'un journalisme nostradamique s'ajustant
à l'actualité la plus immédiate.
Nouvel
avatar du Mirabilis Liber
En
1800 dans
L'Avenir dévoilé ou Concordance des Prophéties de Nostradamus avec
les événements passés, présents et à venir de la Révolution"
(Hambourg), l'on revient sur l'idée que la fin du XVIIIe siècle a
été annoncée, mais l'on attribue à tort cette prophétie au
Mirabilis Liber"
plutôt qu'à Regiomontanus. Il s'agit certes d'une refonte du
vaticinium
mais la filiation reste flagrante.
"Quand
mille ans seront révolus depuis l'enfantement de la Vierge. Quand
sept autres siècles auront succédé à ce long espace de temps,
alors viendra le dix huitième siècle dont la fin sera à jamais
mémorable par les tristes événements dont elle fera époque. Si le
monde entièrement perverti ne s'écroule pas, si la terre et la mer
ne rentrent pas dans le néant, au moins tous les empires seront
ébranlés".
On
reconnait la similitude de construction avec la prophétie
pseudo-régiomontanienne, notamment avec la référence à
l'enfantement de la Vierge, c'est à dire le début de l'ère
chrétienne.
Après
le succès de divers avatars de la
Prophétie de Vatiguero",
à la fin du XVIIIe siècle, l'on aborde le XIXe siècle qui
s'efforce d'intégrer les événements considérables qui se sont
succédé.
En
1806, E. J. B. Vignier de Soligny, publie une
Prophétie qui n'a jamais été imprimée, dédiée au Cardinal
Caprara
(BNF, Rp 2395). C'est un extrait du Mirabilis
Liber
qu'il attribue au grand prophète Jérémie alors qu'il s'agit de la
prophétie de Saint.i. Sévère suivie de la prophétie de Vatiguero
comportant entre parenthèses les dates, selon l'ère dite des
martyrs, pourvues d'un coefficient leur permettant de s'ajuster sur
la fin du dix-huitième siècle. Vignier polémique avec l'auteur
anonyme d'un article paru, à la rubrique "Variétés" (pp
3-4), dans le Journal
de l'Empire
en date du 31 mars 1806 à la suite d'une deuxième édition de son
texte.
Le compte-rendu signé M...x; que publie ce quotidien en 1806 est
important en ce qu'il constitue une des premières analyses critiques
du Mirabilis
liber
bien avant celle d'un Charles Nodier, Charles en 1829 (cf infra):
"Cet
ancien livre est un recueil de prophéties de toutes espèces et de
pronostics tirés des folles conjectures de l'astrologie judiciaire.
Il paraît que plusieurs de ces pièces avaient déjà été
imprimées séparément avant d'être réunies. Elles sont mises sous
le nom de Saint
Sévère
Sulpice, de Sainte Brigitte, de Joachim, de Jean de Vatiguero etc,
etc."
L'article
se poursuit ainsi: "L'éditeur n'épargne rien, pas même
l'imposture puisqu'il l'attribue (la prophétie) au grand prophète
Jérémie quoique le Mirabilis
Liber,
le mette sur le compte de Saint- Sévère qui n'y a sûrement jamais
pensé". Vignier réplique dans la nouvelle édition en arguant
de ce qu'il ne connaît pas de Saint de ce nom puis il convient qu'il
puisse exister plusieurs éditions du recueil et que le "critique
anonyme" n'a pas eu recours à la même que lui. Si le critique
du Journal
de l'Empire
avait été entendu par Vignier, qui pourtant le cite, le nom de
Saint-Sévère aurait remplacé celui de Saint- Césaire tout au long
du siècle.
La démarche de l'auteur est en effet ambiguë. Il se réfère à
l'édition du
Mirabilis Liber"
en reprenant la traduction de 1797 mais en en supprimant des passages
significatifs de la prophétie de Vatiguero, tel que l'épisode du
retour du jeune captif rejetant les fils de Brutus. La chose est
étonnante si l'on sait que c'est précisément ce passage qui sera
par la suite utilisé comme référence à Bonaparte! Il est probable
qu'en 1806, cela pouvait paraître comme évoquant la Restauration
tout autant que sous la Révolution... En revanche, Vignier se permet
certains ajouts: devient ou encore , devient .
Le
changement au titre, "imprimé" au lieu de "paru"
laisse entendre que Vignier veut bien reconnaître que le texte a
circulé en manuscrit mais, bien que signalant un exemplaire de la
Bibliothèque Impériale, celui -ci ne comprend apparemment pas,
peut-être en raison des caractères gothiques, qu'il s'agit d'un
imprimé.
En
1805, Dulaure note que l'on est passé du Bélier aux Poissons,
voilà deux siècles. Mais ce qui intéresse l'auteur des Cultes
(Ed 1805, pp. 79 et seq) est le moment où le point vernal se
trouvait dans la constellation des Gémeaux. Pour lui, la dualité de
ce signe est la preuve qu'il a correspondu, à un moment donné, à
l'équinoxe de printemps, que le zodiaque s'est mis en place avec les
Gémeaux dans l'axe vernal. A vrai dire, nombreux sont les signes qui
offrent une certaine dualité et notamment la Balance qui occupé
précisément l'équinoxe d'Automne.
En
1810 paraît un historique du millénarisme en France, les "nouveaux
millénaires ou Chiliastes" du à l'Abbé Grégoire , auteur par
ailleurs d'un Essai
sur la régénération des Juifs.
Il y est question notamment des Jansénistes et des Figuristes (
Il
semble que son étude n'ait pas été pleinement exploitée au niveau
bibliographique. En particulier, dans le cas d'Agier dont il résume
un texte chiliastique avec le titre complet sans en citer l'auteur,
paru dès 1809: les Psaumes
nouvellement traduits sur l'hébreu et mis dans leur ordre naturel
avec des explications et des notes critiques
.
II
- Le Prophétisme sous la Restauration
Avec
la Restauration, le regard porté sur la Révolution et sur l'Empire
change, et les commentaires des Centuries"
recourent à une autre sémantique, notamment en ce qui concerne
Napoléon. D'autres quatrains lui sont appliqués que ceux proposés
par Bouys, Théodore ou en tout cas, ceux qui y sont désignés
changent de signifiant : Bellaud parlait de Napoléon, et par la
suite Pissot lui préfère Buonaparte. Il faut en quelque sorte
défaire l'exégèse qui s'était développée sous l'Empire en
jetant un regard radicalement diffèrent sur le héros déchu.
Le
droit de Louis XVIII - Louis Stanislas Xavier de France - frère de
Louis XVI, Comte de Provence, au trône de France impliquait la mort
du Dauphin. De fait, il porta le nom de Louis XVIII dès l'annonce de
l'événement: choix insolite puisque c'est la seule fois dans
l'histoire de France que deux frères règnent sous le même prénom.
En prenant le nom de Louis XVIII, le comte de Provence enterrait son
neveu.
A partir de 1830, Louis-Philippe; connaîtra lui aussi, on l'a dit,
un problème de légitimité face àHenri V, bien vivant celui-ci
mais bien jeune. On peut se demander d'ailleurs pourquoi le nouveau
roi, fils de Philippe Egalité, duc d'Orléans n'adopta point un
prénom déjà existant tel que Philippe, devenant ainsi Philippe
VII. Il l'eut souhaité mais il fallait marquer la rupture avec le
passé. Il est le seul roi de France qui, en quelque sorte, ne porte
pas de numéro: on ne dit guère Louis-Philippe Ier. Un tel procédé
n'a probablement pas contribué à renforcer sa légitimité.
Une
tâche apologétique
Les
premières années de la Restauration vont donc correspondre à une
floraison de commentaires prophétiques visant à consolider le
retour des Bourbons et à mettre entre parenthèses la période de
vingt-cinq ans de la Révolution et de l'Empire. Par ailleurs, en
1830, François duc de Reichstadt, l'ancien "roi de Rome",
Napoléon II, né en 1811 - au profit de qui Napoléon Ier capitula à
la fin des Cent Jours - est encore en vie et a ses partisans qui
invoqueront son nom lors de la chute de Charles X . Jean Tulard,
parle pour cette période qui précède et suite la chute de Charles
X d'une "occasion manquée". Il n'est donc pas exclus que
certaines allusions à un jeune prince prisonnier aient visé
l'Aiglon, le "fils de l'homme", comme on l'appelle. Celui
qui n'était même pas prénommé Napoléon- mais reconnu empereur
par les Chambres en 1815 lors de la seconde abdication de son père -
mourra en 1832 à l'âge de 21 ans - c'est en cette année que
disparaît également le duc d'Orléans, le fils de Louis-Philippe -
laissant ainsi le champ libre à son cousin germain Louis Bonaparte,
de trois ans son aîné.
La
Restauration avait été, affirmait-on, annoncée dès la fin du
XVIIIe siècle. La prophétie y trouvait là d'ailleurs son thème
central d'inspiration. Mais lorsque la fortune de Bonaparte déclina,
notamment avec la Campagne de Russie, les propos devinrent plus
directs tels cette
Prophétie sur le rétablissement prochain de la maison de Bourbon et
la chute du tyran"
d'un sieur Delaporte
L'année
1814 était annoncée dès les années Trente du XVIe siècle par
Turrel, Pierre comme l'achèvement de ce qui avait commencé en 1789:
"Parlons
de la huitième maxime & merveilleuse conjonction que les
Astrologues disent être faite environ les ans de nostre Seigneur mil
sept cens octante & neuf, avec dix révolutions Saturnales
oultre environ vingt-cinq ans après sera la quatrième et dernière
station de latitudinaire firmament.à"
Mais
il semble 1que
Pierre Turrel, n'avait vraisemblablement pas bien suivi le
raisonnement de Pierre d'Ailly, il serait parvenu à fixer 1814 par
erreur.
Le
30 octobre 1814, Fra (nçois) Mar. de Mougé publie chez Mongie des
Prédictions
très remarquables faites les 20 et 23 Janvier 1628 qui annoncent
d'une manière fort claire la chute de Buonaparte, le rétablissement
du trône des Bourbons, la Paix générale et le salut de la France
ou Extrait d'un livre allemand imprimé en 1632 ayant pour titre Deux
petits Traités merveilleux dont l'un relate les révélations
célestes et visions qu'a eues en 1627 et 1628 une fille pieuse
nommée Ponitowska Poniatowska Krystyna sur l'état de l'Eglise
Chrétienne, sa délivrance et l'épouventable destruction de ses
ennemis
(BNF, Lb45 383). Il s'agit de deux révélations de cette prophétesse
chère aux protestants Français de la fin du XVIIe siècle issues
d'un recueil de problèmes du Centre de l'Europe..
Les
pamphlets abondent en cette année 1814, où pointe la
contre-révolution: La
révolution, l'usurpateur et le retour des Bourbons prédit 777 ans
avant Jésus Christ
(BNF) ou encore une Prophétie
sur le rétablissement prochain de la maison de Bourbon et la chute
du tyran
par Delaporte (BNF, Ye 19667).
Au
lendemain de la capitulation de Napoléon paraîtra un Buonaparte
prédit par des prophètes et peint par des historiens (..) ou
morceau en prose et en vers sur les circonstances actuelles,
recueillis par A. Boniface
.
On
y trouve une "buonopartiade, petit poème en douze quatrains"
qui comporte un ensemble d'extraits des Centuries.
Le tsar Alexandre Ier, qui influera sensiblement sur la mise en place
du nouveau pouvoir en France, y joue un certain rôle sous le nom de
"roi d'Europe" (Centurie X, quatrain 86).
Boniface,
professeur de français, propose une
Concordance extraordinaire et très remarquable entre les divers
almanachs dits de Mathieu Laensbergh":
Février
1814: "Exemple nécessaire de sévérité à l'égard d'un
fameux scélérat qui désolait un vaste état" (Le
Véritable Almanach de Mathieu .i.Laensberg,
Mathieu )
Mars
1814: "Un grand nombre d'événements extraordinaires, se
succèdent avec rapidité, nous donneront de belles espérances"
(Le
Double almanach journalier avec les prédictions de Mathieu
Laensbergh);
Avril
1814: "Incroyable entreprise. Fermeté nécessaire qui donnera
d'heureux résultats (idem)
Suivent
encore quelques quatrains issus du Véritable
et Double Almanach journalier.
A
- La prophétie de saint Césaire
Par
ailleurs, ce recueil comporte la
Prophétie de Saint Césaire
extraite
du Liber Mirabilis,
c'est à dire la Prophétie de Vatiguero selon le code pratiqué.
On
trouve aussi une traduction partielle de la vision tétramorphique
dans les
Prophéties Curieuses tirées de Manuscrits très anciens"
(avril 1814) BNF.
Dès
le retour de Louis XVIII, en 1814, va reparaître un texte qui ferait
allusion à la restauration des Bourbons, sous le nom de
Prophétie de St Césaire".
Il s'agit le plus souvent de rééditions des textes qui circulèrent
à partir de 1795 sous la Révolution. C'est ainsi que l'on notera en
1815, une
Prophétie recueillie et transmise par Jean de Vatiguero extrait du
Mirabilis Liber
ou encore la Prophétie
écrite en 540 par Césaire évêque d'Arles et imprimée en 1525,
parue chez Chaumerot jeune" où l'auteur entend compléter le
travail de Roucoux consacré à saint Sévère. En réalité, cet
auteur qui prend la peine de signaler les pages (folios) du Mirabilis
liber
à la Bibliothèque redevenue Royale, prend des libertés avec le
texte et notamment, comme on le fit au lendemain de la Révolution,
change "pax"
en "par",
se moquant ainsi des prétentions égalitaires de la Révolution.
Marina Caffiero, 1990, p. 416, signale une édition en italien, parue
à Florence en 1814 : :": " Estratto
delle profezie de san Cesario vescovo di Arles che trovasi a pagina
prima e seguenti nel libro intitolato Mirabilis, esistente nella
Biblioteca nazionale di Parigi, l'edizione del quale e del principio
dellla stampa, cioe del 1450.
Toute cette production est, selon nous, liée à la possibilité que
Louis XVII, le jeune captif du Temple, va tôt ou tard, réapparaître,
ce qui place celui-ci dans la lignée d'un François Ier, à propos
duquel la prophétie de Vatiguero-St Césaire (sic) avait été
exhumée.
L'on
a bien affaire à une seule et même “traduction” française:
“Le
roi sera humilié et privé de sa couronne. Le peuple la donnera à
un autre auquel elle n’appartient pas mais un jeune captif
recouvrera la couronne et détruira les enfants de Brutus. (1814,
Prophétie de St Césaire et fragment de l'Histoire de la Ville
d'Is",BNF,
Rp 2390 ) par (M. L(e) C (omte/chevalier). de R (oucoux).
On
reconnaît cette fois la Prophétie de Saint Sévère: :
“Malheur
à toi ville de Philosophes, tu seras soumise; un roi humilié,
quoique à ta confusion recouvrera la couronne de lis et détruira
les enfants de Brutus”
“Un
jeune captif qui recouvrera la couronne de lis” et “Le lis sera
privé et dépouillé de sa noble couronne et on la donnera à un
autre auquel elle n’appartient pas et le Français sera humilié
jusqu’à la confusion et plusieurs diront “la paix, la paix”.
Et il n'y aura point de paix."
En
1815, une autre édition (BNF, Rp 2393) rendra ce passage (p.7) ainsi
" Beaucoup diront égal,
égal,
égal mais il n'y aura point d'égal". Cette lecture de saint
Sévère qui substitue par
à pax
avait eu beaucoup de succès au lendemain de la Révolution.
On
a généralement l'impression que l'on ne traduit guère à partir du
texte latin, mais que l'on utilise les traductions déjà en
circulation ce qui rend le repérage de l'emprunt immédiat encore
plus sûr.
Ainsi,
cette Prophétie
de St Césaire
est-elle inspirée d'une traduction française de Vatiguero Johannes,
même si l'on change quelques mots par acquis de conscience:
devient
pour le pseudo-saint Césaire:
.
Toutefois,
si l'on suit le déroulement des deux textes, celui de St Césaire
est abrégé.
Chez
Vatiguero: :
“Mais
vers l’an 1515... ces provinces seront secourues par un jeune
captif qui recouvrera la couronne du lis et étendra sa domination
sur tout l’univers Une fois bien établi, il détruira les fils de
Brutus et leur île”
devient
chez saint Césaire, où l'on a supprimé toute référence de date:
“Le
jeune prisonnier qui recouvrera la couronne des lis et dominera
l’univers entier, étant rétabli sur son trône, détruira les
enfants de Brutus et les îles”
B
- Le retour du Lilium
Regnans
Rappelons
que le texte (voir supra) pris dans un appendice tardif de la
Pronosticatio
de Lichtenberger (Cologne, 1526 ) débute par une attaque de la part
du Lys sur ses voisins, notamment le Lion et le fils du Lion. Collin
de Plancy, en 1840, dans son recueil, La
fin des temps,
se gardera bien de traduire cette entrée en matière dans son
recueil "La fin des temps" (pp. 68-69), ne prenant le texte
qu'au moment des représailles:" Veniet Aquila a parte orientali
etc "Un empereur suivi d'une multitude d'hommes viendra du côté
de l'Orient, ses ailes étendues sur le soleil
(la France) pour aider le fils de l'homme'A la suite de quoi "Perdet
Lilium coronam " Le roi des Français (sic) perdra sa couronne.
Collin de Plancy fait explicitement référence à une clef du texte
de Naumerberger (Aquila,
Leo, Lilium, Caput Mundi).
En
avril 1814, donc au début de la première Restauration (jusqu'en
mars 1815) étaient parues, des
Prophéties curieuses tirées de manuscrits très anciens.
L'une
prédit les malheurs de la France, la tyrannie, les ravages et la fin
de Bonaparte. L'autre prédit que la maison de Bourbon perdra sa
couronne que les puissances du Nord figurées par un aigle venu du
côté de l'ouest la reprendrait et qu'elle sera remise sur la tête
du souverain légitime".
La
première pièce s'intitule
Buonaparte, fléau de l'univers. Prédit 800 ans avant sa naissance.
Prophétie tirée d'un livre qui a pour titre Mirabilis Liber".
La
seconde est un énième commentaire du fameux texte de Jean de
Murs-Naumerberger et qui fait cette fois du lion Napoléon, du lys,
les Bourbons, de l'Aigle septentrional, le tsar et du fils de
l'homme, l'héritier légitime de la couronne de France qui
traversera les eaux pour accéder à son trône. Il y est prôné
l'appel à l'étranger pour se débarrasser de Napoléon. L'aigle, ce
n'est déjà plus l'"Empereur" français mais c'est
désormais et à nouveau l'Autriche ou la Russie:
"Le
lis figure la maison de Bourbon, le Lion, Buonaparte, l'Aigle
d'Orient, l'empereur de Russie, le Fils de l'Homme, le souverain
légitime" (p. 14), c'est à dire Louis XVIII.
Ainsi
le texte "Le Lis perdra sa couronne, l'Aigle la recouvrera et
ensuite le Fils de l'Homme en sera couronné" confère au Tsar
un rôle providentiel dans le règlement des affaires de France qui
se perpétuera jusqu'au premier conflit mondial, jusqu'à la
déconvenue de la Révolution d'Octobre qui déboucha sur une paix
séparée, avec la Prophétie dite du Frère Johannes, publiée en
septembre 1914 en première page du Figaro.
La
première partie se présente comme extraite du
Mirabilis Liber".
Mais
il ne s'agit pas cette fois de la
Prophétie de St Césaire-Vatiguero"
mais des
Vaticinia"
joachimites qui font suite à la
Pronosticatio"
de Lichtenberger . La première devise utilisée est moriens
et un passage vise directement Louis XVIII, mente
canus.
Ce même passage sera rajeuni en 1830 pour les besoins de la cause.
Les
commentaires de Viguier
Nous
allons retrouver le texte de Jean de Murs et de Naumerberger dans la
Prophétie d'Innocent XI, éditée en 1816 et dont Collin de Plancy,
en 1840, ne dira mot alors qu'il cite Naumerberger, dans son
recueil, la Fin
des temps,
c'est la
Prophétie du Pape Innocent XI, précédée de celle d'un anonyme
avec l'explication par M. V (iguier)
père lazariste de son état,
qui
avait déjà fait paraître en 1814 la
Véritable Prophétie du vénérable Holzhauser,
B. , objet d'un compte-rendu dans le Journal
de Paris
du 17 août 1815
(Bib
Institut, fol S 204). L'article s'arrête en particulier sur la date
de 1787 (1000 + 600 + 97+ 90), qui ressortirait du texte
holzhauserien, à propos de la situation politique du temps de Joseph
II, ce qui est à rapprocher de la prophétie remaniée du pseudo
.i.Regiomontanus pour 1788.
La
Prophétie de Barthélémy .Holzhauser
L'abbé
Viguier s'en prend à la
Prophétie dite de St Césaire"
: certain perfectionnisme à propos d'une prophétie n'aurait-il
pas, demande-t-on, amené son auteur à élaborer un faux ? Car s'il
est exact que Barthélemy Holzhauser est connu pour ses prophéties,
qu'il inclut au sein de son
Commentaire sur l'Apocalypse".
Cette
prophétie d'un religieux allemand contemporain d'Innocent XI aurait,
dès 1658, mis en avant l'année 1787 (1697+90) (). Il y est
notamment question de la
Prophétie de St Malachie
et ce serait par le biais de l'Allemagne que cette
Prophétie des Papes"
aurait connu une nouvelle fortune en France.
Le
titre de la Prophétie est quant à lui correct, c'est le fond qui ne
l'est guère: Vaticinium
plurimum reverendi domini Bartholomaei Holzhauser,
parochi
et decani Bingae infra Moguntiam, defuncti in fama sanctitatis, 1658,
poème latin qui ne comporte que vingt deux vers et que Viguier se
chargera de commenter.à
Ce
qui serait le plus remarquable, si un tel texte était d'époque,
c'est d'avoir trouvé les devises des papes correspondant à la fin
du XVIIIe siècle et au début du XIXe, alors que ceux qui s'y
essaieront au XVIIe siècle échoueront totalement dans ce genre
d'entreprise chrono-pontificale.
Ainsi,
Holzhauser aurait à la fois donné la date de 1787- selon un
procédé qui n'est pas sans évoquer celui que présida pour 1588
et... 1788 ou les pseudo- quatrains chiffrés des
Centuries"-
et la devise d'Aquila
rapax
, c'est-à-dire (sans citer St Malachie, ce que Viguier se hâte
de faire puisqu'il extrapolera en direction de la devise précédente).
Texte
latin:
“Millia
tum sexcenti anni, nonagintaque septem
Adde
novem decies, tunc venit ista dies”
Traduction
dans le texte de Viguier.
“Que
l’on ait mille, puis six cent et quatre vingt dix sept, ajoutez y
neuf fois dix, c’est alors (à) que les Frères Mineurs seront
privés de leurs cloîtres et souffriront l’exil “ (p. 7)
En
ce qui concerne 1787, le commentaire de l'Abbé français est le
suivant à savoir que Holzhauser n'aurait eu le dessein de rendre,
dans ses huit premiers vers, que cette portion du tableau de
l'histoire de Joseph II qui concerne les . L'Empereur d'Autriche est
mort en effet en 1790. Le Coq Français serait responsable des
malheurs de l'Eglise: Viguier associe à Aquila
Rapax
(Pie VII 1800-1823) son prédécesseur, Peregrinus
Apostolicus,
c'est-à-dire Pie VI; (1775-1799).2
Comment
considérer que Pie VII mérite sa devise ? Viguier l'explique ainsi:
“Alors
se vérifia le nom d’Aigle ravisseur, qualité singulière (à). Il
en devenait pas moins un Aigle ravisseur en retirant ses chères
ouailles de la griffe des loups de l’Eglise gallicane”
Viguier
se sert de la Prophétie
d'Holzhauser, Bartholomeus pour spéculer sur le rétablissement de
la Papauté dans ses biens temporels.
En
ce qui concerne l'autre volet, à savoir la Prophétie du Pape
Innocent XI de 1816, on notera un récit du Chevalier William Temple,
William (1692) qui n'est pas sans annoncer ceux concernant les
prophéties dites d' Olivarius Philippe ou du Solitaire de l'Abbaye
d'Orval.
"Je
me souvins alors que l'avois vue en 1668 entre les mains de Mylord
Arlington, qui me dit qu'elle avoit été trouvée dans quelque
Abbaye d'Allemagne" (p. 227). L'ouvrage de Viguier est truffé
de "preuves", de témoignages visant à garantir
l'ancienneté de la prophétie (pp. 232 et seq).
Le commentaire de Viguier sur la prophétie innocentienne dont nous
avons montré qu'elle devait être rapprochée de celle de
Murs-Naumerberger retiendra notre attention. Viguier ne dispose pas
des "clefs" et est donc condamné à diverses suppositions
qui, le plus souvent, ne recoupent pas celles que nous connaissons.
Viguier
commence ainsi son récit: " Ce fut au mois de mai 1795 que me
parvint à Constantinople la première information de l'existence
d'un Oracle qui porte le nom d'Innocent XI."
Au
lendemain de la défaite napoléonienne, le texte du Lilium
regnans
exige, en effet, de nouvelles clefs ou du moins de nouvelles
significations pour les mots clefs. Viguier reconnaît que le texte
attribué au pape, rejoint un oracle plus ancien (pp. 5 et 6): 1° le
plus ancien des deux oracles 2°le moins ancien des deux oracles
Prophetia
Innocentii XI, Pontificis maximi.
En fait, nous avons affaire à un seul et même ensemble de texte,
dans la ligne de la prophétie de Jean de Murs.
Véritable
diptyque dont les titres sont symétriques: celui de 1815 comporte
comme suite "ou le rétablissement
des Papes à Rome" alors que celui de 1816 se prolonge ainsi "ou
le rétablissement
des Bourbons en France ".
Il
s'agit en fait, avec la Prophétie du Pape Innocent XI contemporain
de la Révocation de l'Edit de Nantes, avatar de celle de Jean de
Murs, rédigée du temps de la Grande Peste, trois siècles avant
l'avènement de ce pape, c'est un commentaire autour du Lys qui
perdra sa couronne , et dont nous avons montré la parenté possible
avec certaines descriptions du temps de l'Antéchrist chez Pierre
d'Ailly .
Viguier
fournit de longues explications (pp 12 et seq) quant à ceux qui
eurent connaissance de cette prétendue prophétie d'Innocent XI et
annonce par ce luxe de détails les développements qui entoureront
une Prophétie d'Orval en 1839.
L'auteur
de cette Prophétie papale distingue l'Aigle Français, Napoléon et
l'Aigle Allemand. La Prophétie débute ainsi:
“Prophétie
du Souverain Pontife Innocent XI. Quand St Marc donnera Pâques et
que l’on célébrera la Pentecôte à la Saint Antoine et que
l’on adorera le Corps de Dieu à la Saint Jean, le monde entier
poussera vers vous des cris. En effet, le lis régnant fera un
mouvement dans la partie supérieure contre la race du Lion, il
viendra sur ses terres et il environnera un Fils du Lion. La même
année, le Fils de l'Homme...”.
Le texte latin est ainsi traduit par Viguier en 1816 : "Le lis
entrera sur la Terre du Lion, portant des animaux féroces dans ses
bras. L'aigle fera un mouvement de ses ailes et le Fils de l'Homme
viendra au secours du côté du Midi; alors il y aura une grande
guerre par tout l'Univers mais après quatre ans la Paix poindra et
le salut du Fils de l'Homme proviendra d'où l'on croyoit que
résulteroit sa ruine totale".
Et
Viguier de commenter "Qu'avaient en outre de saillant le congrès
et la paix de Nimègue parmi tant d 'autres accords bien plus
importants au bonheur du genre humain, pour avoir mérité les
honneurs d'une Prophétie? (..) Le chevalier Temple s'est égayé
avec raison sur l'application de cet Oracle au temps où il
vivoit..."
On retrouve le Lilium
regnans,
à tort attribué à Lichtenberger et non à Naumerberger, au XIXe
siècle dans le recueil de 1840 d'un Collin de Plancy, lequel intègre
en effet dans son recueil "La Fin des Temps" un texte qu'il
affecte à Lichtenberger et qu'il date de 1526. En réalité, il
s'agit d'une pièce placée en appendice de certaines éditions de la
Pronosticatio:
le texte est attribué à Naumerberger, recueilli par Johan
Fridriger, Johan. Elle parait au XVIe siècle sous le titre suivant:
Arcana
quaedam in vetustissimis reperta scripturis de maximorum regnorum
mutatione & magnis cladibus,
que l'on pourrait abréger en "de
maximorum regnorum mutatione",
du changement des principaux empires, titre qui annonce certain
chapitre de la République
de Bodin (1576). Il s'agit d'un pronostic pour 1515 et les années
suivantes mais ces dates ne correspondent nullement à la version
d'origine puisque nous avons affaire à un texte attribué à
l'astronome Normand .i.Jean de Murs qui vécut à Paris dans la
première moitié du XIVe siècle . Cet appendice constitue une
prolongation du chapitre XVII de la Pronosticatio
(IIe Partie), devenu
XVIII dans le
Mirabilis Liber.
Au
début de la prophétie pseudo-innocentienne la référence à 1515
disparaît pour laisser la place à une année où les jours de fête
coincideraient avec certains saints du calendrier. Ainsi: Prophetia
Innocentii XI Pontificis Maximi: Quando Marcus Pascha dabit et
Antonius Pentecosten celebrabit et Joannes Deum adorabit, totus
mundus ad te clamabit,
c'est-à-dire: Quand à la Saint-Marc on adorera Pâque et que l'on
célèbrera la Pentecôte à la Saint-Antoine et que l'on adorera le
Corps de Dieu à la Saint-Jean ...Ce procédé a l'avantage de ne pas
limiter la prophétie au XVIe siècle comme on avait souhaité le
faire en ce qui concerne la Prophétie de Bassigny-Jean de Vatiguero
laquelle vise également, dans ses dernières retouches, le début du
XVIe siècle.
La
prophétie du pape Innocent XI
La
prophétie d'Innocent XI ne nous est en fait connue que par Viguier
qui lui consacre, en 1816, un commentaire de plus de 200 pages lié
aux événements de son temps. Les détails qu'il fournit quant à
son authenticité (pp 10 à 16) restent sujets à caution comme cela
le sera quelques années plus tard (1820 pour la Prophétie
d'Olivarius, 1839 pour celle de l'Abbaye d'Orval) mais ici nous avons
accès aux textes d'origine. Dans le cas des deux autres prophéties
qui connaîtront une fortune certaine au XIXe siècle et qui
éclipseront totalement cette "Prophétie d'Innocent XI",
l'on se réfère également à des textes du milieu du XVIe siècle.
L'on peut donc considérer que la publication par Viguier de ce
texte, dans les premiers temps de la Restauration, influera sur la
mise en place d'autres textes du même genre et notamment avec le
cortège de témoignages apportée pour preuve de l'ancienneté de la
prophétie (cf infra). Cette Prophétie qui annonce la défaite
française aurait, selon Viguier (pp. 22-24), circulé tout au long
du XVIIIe siècle chez ses ennemis. La Prophétie d'Innocent XI nous
apparait dans son traitement par Viguier avoir précédé et annoncé
les prophéties d' Olivarius et celle de l'Abbaye d'Orval (cf
infra). L'"autre prophétie" figurant dans le recueil
pseudo-innocentien est liée au Lilium
regnans,
elle (c'est à dire Louis XVIII à la suite de la victoire des
contre la France).
Cela dit, Innocent XI était contemporain de Louis XIV puisqu'il
régna de 1676 à 1689. Or, à cette époque le Roi de France s'en
prit à la Hollande comme en témoigne le chevalier de Jant dans son
exégèse nostradamiste de l'époque. En 1668, le Traité d'Aix La
Chapelle avait attribué à la France une partie de la Flandre mais
c'est en 1678 que le traité de Nimégue termine la Guerre de
Hollande. Il semble donc probable que l'affrontement entre la France
et les Pays Bas ait pu évoquer la prophétie parue au siècle
précédent à la suite de la Pronosticatio
de Lichtenberger même si la dite prophétie se réfère à des
événements plus anciens et notamment les revendications de
l'Angleterre sur la Couronne de France qui n'étaient plus guère de
mise à la fin du XVIIe siècle. En tout état de cause, Viguier cite
(p 224) un texte bel et bien paru en 1692, à La Haye, du au
Chevalier William Temple, ambassadeur de Grande Bretagne et dont il
y eut la même année une traduction française et dans lequel le
fils de l'Homme est le roi d'Espagne.
Or,
à cette époque là, la France de Louis XIV avait des vues sur la
Flandre et l'intervention anglaise était parfaitement envisageable.
Chez Temple, le Fils de l'Homme est l'Angleterre mais celle ci doit
s'attendre à de sérieuses difficultés avant de triompher de la
France grâce à l'Allemagne. On peut se demander si un tel texte,
publié à La Haye, ne recoupe pas les spéculations des milieux
réformés français de Hollande (cf. infra) annonçant les plus
grands malheurs pour le révocateur de l'Edit de Nantes.
En revanche, au XIXe siècle, le contexte post révolutionnaire se
prêtait à nouveau à une telle lecture, notamment avec les armées
alliées liguées contre la France conquérante à la veille de la
Restauration. D'ailleurs, la Prophétie d'Innocent XI ne comportant
pas de clef, l'Angleterre n'est plus directement identifiée au "Fils
de l'Homme", lequel devient une figure assez énigmatique.
Visiblement, Viguier ne dispose pas des clefs de la Prophétie de
Naumerberger et ne fait aucun rapprochement entre l'Angleterre et le
Fils de l'Homme. Il songe au Roi de Naples pour le Fils du Lion.à
(p.44). Quant au Fils de l'Homme, ce n'est plus le Roi d'Angleterre
mais le Roi de France qui en quelque sorte va récupérer sa couronne
de la main de l'Empereur d'Allemagne.
Outre
la question de l'interprétation des désignations allégoriques, il
importe de signaler des changements dans le texte proprement dit.
Il
en est ainsi des coupures apportées au niveau de l'introduction par
Collin de Plancy qui dénaturent sensiblement le mouvement dramatique
de la prophétie mais il est d'autres changements plus ponctuels.
C'est ainsi que Viguier propose (p.227) de corriger le texte rendu
par Temple, à propos du Fils de l'Homme. Est-ce-que l'Aigle vient au
secours du Fils de l'Homme ou est ce le Fils de l'Homme qui vient au
secours? Pour Viguier, le Fils de l'Homme ne saurait apporter son
aide alors qu'il est déjà mis en difficulté. En fait, dans un
premier temps, c'est le fils de l'homme qui vient au secours (Filius
Hominis (à) ingredietur terram Leonis carentem auxilio)
du Lion (le Comte de Flandre) mais il ne parvient pas à contenir le
lys français et il faudra que l'Aigle à son tour intervienne.
(Aquila
(..) in adiutorium filii hominis).
C
- La Prophétie de Martin de Gallardon
En
cette année 1816, riche sur le plan de la production prophétique -
la Restauration est enfin à peu près bien en place, il est question
d'un paysan de Bauce, Thomas-Ignace Martin Thomas, , originaire de
Gallardon, reçu par le roi le 3 avril 1816, non sans que le récit
n'évoque celui de la rencontre de Jeanne d'Arc, venant de sa
Lorraine, avec Charles VII, quatre siècles plus tôt. En 1816, Joly
de Béry publie un Examen
des apparitions et révélations de l'Ange Raphaël à Thomas Martin
serviteur de Dieu dans les mois de Janvier, Février, Mars et Avril
1816,
par un ancien magistrat de Dijon, Paris, Coquet, BNF, 8° Lb48 2897).
L'Abbé Wurtz fait paraître à la suite l'"Aventure de Martin
de Gallardon"
L'année
suivante, un autre magistrat, Janséniste. Louis Silvy publie un
texte plus ample sans citer dans le titre le nom de Martin: Relation
concernant les événemens qui sont arrivés à un laboureur de la
Beauce dans les premiers mois de 1816.
(Paris chez Egron). Or, en 1816, le titre de l'Examen
n'indiquait pas que Thomas était laboureur. ni qu'il venait de
Beauce
.
Ces
textes jetèrent un voile de mystère sur la monarchie française
juste au début de la Restauration et firent l'objet d'une traduction
en italien dans les années Vingt qui témoigne de leur
retentissement. Thomas Martin aurait eu en mai 1816 un entretien avec
Louis XVIII dont on spécula vite de la nature. Selon Lecanu , le
paysan de Beauce "lui intima presque l'ordre de descendre du
trône en faveur de son prétendu neveu, le prétendu duc de
Normandie, fils de Louis XVI (..); Martin était l'agent d'une
coterie (à) marchant à la suite d'aventuriers qui se posaient comme
héritiers du trône de France" (p. 193).
L'assassinat
du Duc de Berry, en 1820, semble avoir favorisé la fortune de la
prophétie du dit Martin. La Relation
de Silvy, parue à Londres dès 1817, en français, (BNF, 8° Lb48
527 B) resort cette année là à Besançon (BNF): "C'est en
1820, deux mois après le crime épouvantable qui a enlevé à la
France l'une de ses plus chères espérances qu'on réimprime une
Relation comme quatre ans auparavant. On a pensé qu'il pouvait être
utile de reproduire un écrit peut être déjà oublié" (Avis).
L'an
1840 en ligne de mire.
Dès
1816, l'on apprendra, grâce à Thomas Martin, que l'Archange Raphaël
a fixé la date de 1840 comme celle à partir de laquelle la France
serait enfin en paix, si par malheur elle devait fauter. Il s'agit
d'une révélation ayant eu lieu le 12 mars 1816 alors que Thomas
Martin séjourne déjà à Paris et se prépare à rencontrer le Roi.
On songe aussi à Nostradamus se présentant devant Henri II.
On
observe quelques variantes:
Examen
(1816)
"Si
on ne faisait pas ce qu'il (l'Archange) ordonnait (..) la France
n'aurait point de paix avant l'année 1840" (p.3)
Relation
(1817)
"L'Ange
lui annonça encore que la paix ne serait rendue à la France
qu'après l'an 1840"
Le
rapport des médecins du 6 mai 1816 précise que, selon Martin,
"l'Ange dit à Martin que si on ne faisait pas ce qu'il
ordonnait, la France n'aurait point de paix avant l'année 1840"
On
saisit la différence: dans le premier cas, la France doit se plier à
certaines exigences dont l'ange est le messager sinon les troubles
qui seront ainsi déclenchés se poursuivront jusqu'en 1840. Dans le
second, il semble que l'on annonce une date cruciale, 1840, sans
poser de conditions pour éviter les épreuves qui ne cesseront de
s'accumuler entre temps.
Nous
accorderons toute son importance à cette année 1840 en montrant que
tous les prétendants - ou du moins certains de leurs partisans -
tentèrent, à la veille de l'échéance ou en son lendemain, chacun
à leur façon, de profiter de cette date, des pseudo-Louis XVII à
Henri V, de Louis-Napoléon au duc d'Orléans, le fils de
Louis-Philippe.
L'Antéchrist
selon l'Abbé Wurtz
C'est
en 1816 que Jean Wendel Wurtz publie anonymement
Les Précurseurs de l'Antéchrist (à) ou la Révolution Française
prédite par S. Jean l'Evangéliste"
chez le libraire Lyonnais Rusand . L'ouvrage était précédemment
paru pour partie sous le nom de
L'Apollyon et le Gog de l'Apocalypse ou la Révolution Française
prédite...",
allusion transparente à Napoléon. Il servira de référence lors de
l'effervescence prophétique de la fin du siècle. Son propos est
ainsi résumé: "Depuis Mahomet jusqu'à l'Anté-Christ 1290
ans, l'Antéchrist paraîtra en 1912, il vivra ou règnera 45 ans, sa
grande persécution commencera en 1953; il sera exterminé en 1957".
Wurtz est donc un de ceux qui placent la fin du Monde, l'Antéchrist
dans le siècle suivant.
Par
ailleurs l'abbé Wurtz fait remarquer que 1816, l'année où il
publie, correspond à 1516, année où Luther commença ses
agissements, plus 300. Au départ, il hésite entre 1515 et 1516, ce
qui évidemment modifie l'échéance immédiate. Par la suite, il
affirmera qu'il y a un consensus
autour de 1516. Précisons que c'est généralement 1517 qui est
considéré comme le point de départ de la Réforme avec la
publication des 95 thèses. On a l'impression que Wurtz; avait besoin
d'une date très rapprochée et que 1817 était encore trop lointain.
Il fallait en effet que cela coïncida avec la chute de Napoléon, en
1815.
Mais
cet Abbé s'attaque également à la question du magnétisme, en
1817, toujours chez Rusand, dans
Superstitions et Prestiges des Philosophes ou les Démonolâtres du
Siècle des Lumières"
(BNF) et il y étudie notamment les
Nouvelles Considérations puisées dans la clairvoyance instinctive
de l'homme sur les oracles, les sibylles et les prophètes..."
de Bouys parues en 1806 et qui avaient fait l'objet d'un rapport
devant plusieurs Académies (pp. 73 et seq). La Prophétie est ainsi
abordée d'un point de vue "scientifique". Il s'agit de
montrer qu'elle fait partie des pouvoirs naturels de l'Homme.
La
fausse Prophétie de La Harpe-Cazotte
En
mars 1817, parait à Montpellier, chez Auguste Seguin une
Prédiction de Cazotte faite en 1788, et rapportée par La Harpe"3.
Dans le Journal
de Paris
du 13 février 1817, l'exécuteur testamentaire, Boulard, mettait
bien en garde contre la supercherie mais ce n'est qu'en 1820 qu'un
certain Beuchot publiera le post-scriptum
manquant dans le Journal
de la Librairie.
Gérard de Nerval (en 1845) puis Sainte- Beuve lui consacreront des
études. Cela n'empêchera nullement Collin de Plancy, en 1840, dans
sa
Fin des Temps",
de placer la
Prophétie de Cazotte
en tête de son recueil sans rétablir aucunement le post
scriptum.
D
- L'enfant du miracle
Parmi
les innombrables chants qui avaient célébré la naissance du roi de
Rome, signalons de M. Millevoye, Le
chant de Virgile sur la naissance du Roi de Rome,
Paris, (BNF, 4° Ye pièce 879). Il y est question (p. 5) d'une
"nouvelle étoile" parue peu de jours avant la naissance du
fils de Marie-Louise.
Dans
la même veine, parurent:
Camerlinck,
L'heureuse
naissance du Roi de Rome, imitation de la IVe Eglogue
(BNF, Ye 39698)
Loizerolles,
Le
Roi de Rome, poème allégorique imité de la quatrième Eglogue de
Virgile
( BNF, Ye 2662)
L'année
suivante paraît Virgile
expliqué par le siècle de Napoléon
par N. E. Lemaire ( BNF, Lb44 1158):
"Mais
quand déjà tu pourras lire les exploits des héros et les faits
magnanimes de ton père"
"Virgile
n'a jamais voulu célébrer la naissance de Marcellus, ni de Drusus,
ni du prétendu fils de Pollion.
Dans
les années qui suivent l'avénement de Louis XVIII, la question de
la continuité de la dynastie va à nouveau se poser. Dès 1819, à
propos du passage d'une comète, dans une feuille intitulée La
comète de l'Union,
était annoncée cette naissance du petit fils du Comte d'Artois (cf
BNF, Vp 4122). Il convient de préciser - pour comprendre
l'excitation des esprits - que le fils âiné du futur Charles X,
Louis de Bourbon, duc d'Angoulème, avait épousé Marie-Thérèse,
soeur de Louis XVII, et que leur mariage restait stérile: en 1819,
la duchesse d'Angoulème a passé les 40 ans.
La
France attend donc fébrilement la naissance de l'enfant du duc et de
la duchesse de Berry. Celle-ci est en effet enceinte et un certain E.
Johanneau, fait paraître, à son compte, Le
retour de l'âge d'or ou l'Horoscope de Marcellus. Eglogue de Virgile
(BNF, Yc 13963):
"L'ordre
des temps renaît, l'âge dernier finit
De
la Sibylle enfin, l'oracle s'accomplit
Le
règne heureux revient de Saturne et d'Astrée
Un
nouveau né descend de la voûte éthérée
De
cet enfant qui doit avec nos voeux d'accord
Bannir
l'âge de fer, ramener l'âge d'or
Lucine,
c'est à toi de hâter la naissance
De
ton frère, déjà, vois régner la clémence.
Enfant
divin, tu viens de naître
Une
nouvelle ère commence
Jadis
prédit par la Sibylle
C'est
ton mystère enfin
Que
dans ses vers chanta Virgile
Mais
ce n'est pas un fils qui cette fois viendra au monde mais une fille,
Louise d'Artois, future duchesse de Parme. Henri V est ainsi espéré
bien avant sa naissance, un peu comme ce fut le cas de Louis XIV,
près de deux siècles plus tôt.
Il
y annonce une naissance qui n'est pas celle d'Henri V mais de sa
soeur, née en cette année, le 21 septembre, que l'on voit sur
certains tableaux avec son frère. Texte paru avant que l'on ne
découvre qu'il s'agissait d'une fille, la future duchesse de Parme.
Dès
sa naissance, en octobre 1820, un certain Auguste Hus Auguste,
anachorète, lui adresse un "premier hommage" (BNF, 8°
Lb48 179). Mais un mois plus tard, Hus n'hésite pas à appeler déjà
le nouveau-né du nom d'Henri V: L'ombre
d'Henri IV au berceau de dieudonné Henri
V,
duc de Bordeaux
(BNF, Lb48 1830) alors que Louis XVIII et son frère mais aussi son
oncle, le Duc d'Angoulême, sont encore en vie.
Michel
Chomarat, Michel signale qu'en 1816 Motret avait fait paraître à
Nevers, une Prophétie
concernant le Mariage et les Descendans Mâles de LL AA RR Mgr le Duc
et Mme la Duchesse d'Angoulesme
( BM Lyon, Fonds Chomarat, 9026). Le couple n'eut pas d'enfants.
Signalons aussi en 1816 d'un certain P. A. Vieillard, P. A.
le Mariage de Robert de France ou l'astrologie en défaut (à) à
l'occasion du mariage de S. A. R. Mgr le Duc de Berry,
Paris, BNF Yth 23315. Il s'agit d'une comédie en un acte, jouée au
Théâtre Français au mois de juin, campant l'astrologue.i.
Zodiacobalus. En 1820, un certain Hélie C avait signé une
Explication des Prophéties passées et à venir",
évoquant l'assassinat par Louvel.
Le
Duc de Bordeaux - que l'on nommera bientôt "l'enfant de
l'Europe"- va voir peu à peu, surtout lors de l'abdication du
futur Charles X , tourner à son profit certaines prophéties
légitimistes qui pouvaient concerner le Dauphin. Mais le fils
posthume du Duc de Berry devra compter toute sa vie avec les faux ou
prétendus Dauphins (cf. infra).
Mentionnons
notamment les Prophéties
au sujet de la naissance de S.A.R. Mgr le Duc de Bordeaux
(BNF Lb48 3211) promis dès sa naissance, à l'instar du futur Louis
XIII, à un destin glorieux: "Assis sur le trône de ses pères,
doué des vertus de Henri le Grand, il aura ses lumières".
Parurent également des Prédictions
relatives à la naissance de Mgr le duc de Bordeaux et aux mémorables
événemens dont nous sommes les témoins depuis 30 ans,
Paris, 1820, BNF, Lb48 1787 où l'on peut déjà lire "Viendra
un roi cinquième du nom", allusion à ce nom qu'il portera par
la suite, celui d'Henri V. En 1821, une souscription lui offrira,
comme cadeau de naissance, le château de Chambord, ce qui l'amènera,
à 19 ans, à troquer le titre de Duc de Bordeaux contre celui de
Comte de Chambord.
Plusieurs
poètes célèbreront la naissance de l'"enfant du miracle",
sauvant la dynastie: Victor Hugo Victor ("Chez les vieux martyrs
de la gloire"), Lamartine dans ses Méditations
:
"Il
est né l'enfant du miracle/ Héritier du sang des martyrs /Il est né
d'un tardif oracle/ Il est né d'un dernier soupir"
Mais
à la même époque, à la suite de la mort de Napoléon, à Sainte-
Hélène, en 1821, il y a également un fort engouement en faveur
d'un autre enfant: Napoléon II, devenu plus modestement le duc de
Reichstadt .
E
- De Jeanne Le Royer à Mademoiselle Le Normand
La
Restauration voit les femmes occuper une place appréciable sur le
créneau de l'écriture prophétique, reprenant ainsi le flambeau
d'une Suzette Labrousse. Dans un cas, il s'agit d'une religieuse,
dans l'autre d'une voyante célèbre ayant pignon sur rue. Elles
marqueront le siècle, chacune à leur façon.
En
1817 étaient parues , rapportées par le "rédacteur de ses
révélations", un abbé Charles Genet, - qui n'est pas sans
évoquer un Dom Gerle s'occupant de Suzette Labrousse, des prophéties
liées à l'avénement de l'Antéchrist trouvant en face de lui
l'archange de la France, saint Michel. Elles émanent de Jeanne Le
Royer, dite Soeur de la Nativité (1731-1797). Le titre original du
manuscrit en aurait été, La
Nouvelle Apocalypse ou recueil sur des révélations faites à une
âme chrétienne touchant les derniers temps
mais l'on opta pour une formule plus sage, Vie
et révélations de Soeur Nativité
(sic) qui deviendra par la suite Vie
et révélations de Soeur de
la
Nativité.
Le
Christ lui serait apparu et lui aurait déclaré que le nombre
d'heures restant entre le moment de son apparition et le coucher du
soleil correspond au nombre de siècles à courir. Or le soir était
déjà proche. L'échéance du jugement n'est pas pour le XIXe siècle
mais plutôt pour la fin du siècle suivant et au plus tard pour le
XXIe siècle: "celui de 2000 ne s'écoulera pas sans qu'il
arrive". Ces paroles feront l'objet de rééditions tout au long
du XIXe siècle - 1849 et 1870. Dans un compte-rendu paru en
feuilleton, en avril-juin 1820, "Sur la vie et révélation de
la Soeur de Nativité", L
'Ami de la Religion et du Roi,
en ses numéros 595, 599 et 613, tomes XXIII et XIV, BNF, 8° Lc2
890, exprimera certaines réserves, ce qui provoquera en 1821 une
"Réfutation des critiques de cet ouvrage".
En
1818 la Nouvelle
Apocalypse
est commentée dans l'Extrait
d'un livre admirable qui sera le trésor des fidèles dans les
derniers âges
(Augsbourg BNF, 8° La32 104)
.
En cette même année paraissait à Paris, chez Adrien Le Clère,
Adrien , qui publiera Holtzhauser, une Exposition
méthodique de l'Apocalypse conforme à la tradition de l'Eglise
Catholique, c'est à dire uniquement relative à la conversion des
Juifs et à la fin du monde
du Comte Carlo Pasero de Corneliano (BNF, Recueil factice 8° La32
104 (3)
Dès 1820, année de l'assassinat du duc de Berry, Mademoiselle
Lenormand publiait dans les Mémoires
Historiques et Secrets,
la Prophétie
d'Olivarius
dont la fortune serait considérable durant le siècle. "De
toutes les absurdités lancées par Mlle Lenormand, explique Alfred
Marquiset , l'une est restée, bien mieux elle a été imprimée
cinquante fois, répétée dans de nombreux volumes et on la cite
encore aujourd'hui (1911) comme un des monumens de prévisions
extraordinaires"
L'activité
de la Sibylle
du XIXe siècle,
connue également Outre-Manche, ne débuta en fait pour ce qui est de
ses publications que du retour des Bourbons, à savoir le vieux sang
de la cap (e) (Prophétie d'Olivarius) qui fait suite au règne du
Corse (Gaule Itale ) et de la mort de Joséphine (1814). En fait, il
semble que la Sibylle se soit laissée surprendre par les Cent Jours
car les Souvenirs
Prophétiques
d'une
Sibylle sur les causes secrètes de son arrestation le 11 décembre
1809, parus
en 1814,
seront remis à Napoléon lors de son retour à Paris en mars 1815.
Une autre femme, Sophie de Senneterre de Renneville, accueille avec
joie le retour de l'Empereur: le Réveil
de Napoléon ou les destinées de la France accomplies
par M. P***, Paris, Avril 1815
En
1820, la voyante de la rue de Tournon , consacre une note à
commenter un passage de la dite prophétie: "La France doit
recouvrer son antique splendeur mais elle ne sera réelle et même
immuable que de 1823 à 1828 et pourtant depuis plus d'une Olympiade,
les lis auront refleuri de nouveau et même un jeune prince sera un
jour bien cher aux diverses nations". Dès 1817, Mademoiselle Le
Normand, Marie-Anne avait exprimé une telle attente dans les Oracles
des Sibylles
(p.28). Cette note sera supprimée dans l'édition de 1827 . Mais
c'est l'année 1855 que la voyante avait en ligne de mire, elle n'y
parviendra point.
Signalons par ailleurs le goût de Mlle Lenormand pour les gravures
anciennes. En 1817, dans les Oracles
Sibyllins (ou la Suite des Souvenirs Prophétiques),
figurent des gravures empruntées à un traité de Gregor Jordan
Gregor qu'elle date de 1622 mais dont nous connaissons des éditions
pour 1591 et 1592 (Prophetiae
seu vaticiniae (..) ex sanctorum quorundam hominum monumentis).
C'est ainsi que Mlle Lenormand introduisit les illustrations dans le
genre prophétique français qui jusqu'à présent y avait été des
plus réticents. Ces gravures, signalées dès 1820, par Despréaux,
en son recueil de l'Oncle
Incrédule,
comportent des légendes de son cru: "Malheur à toi, ville des
philosophes", qui figure dans la Prophétie de SaintSévère du
Mirabilis
Liber
ou encore "Malheur à toi, ville aux sept collines, lorsque de
tes murs retentiront les louanges de la lettre
K"
(pp. 516 et seq.)
Mademoiselle
Le Normand aurait donc disposé d'une assez jolie culture prophétique
et se réfère notamment volontiers au "Pasteur Angélique"
(La
Sibylle au Congrès d'Aix La Chapelle,
BNF, G 25848) ouvrage faisant suite aux Oracles Sibyllins"
(1819), comportant de gravures prophétiques telle cette scène
pourvue de la légende suivante: "Ici Dieu choisit un Prince qui
exécutera ses desseins et qui uni de volonté avec les autres
Princes se présente avec eux au Pasteur Angélique" ou encore,
autre tableau ". Ici les Princes réunis en présence du Pasteur
Angélique se liguent entre eux pour détruire la religion mahométane
et propager la religion chrétienne". La sibylle n'avait
pourtant pu accéder à ce congrès de 1818 qui précéda
l'évacuation des troupes "alliées".
Mais
ne peut-on envisager qu'à partir de 1819, date de ses premières
publications, elle ait trouvé quelque collaborateur plus érudit? Il
nous est difficile d'admettre en effet que tout l'appareil critique
qui marque son oeuvre puisse lui êtres imputable à part entière.
Les cas sont fréquents, au demeurant au XIXe siècle, de tels
subterfuges .
Le
Traité d'Astrologie de Mlle Le Normand (1817)
En
1817, Mademoiselle Le Normand, avait fait paraître des
Oracles Sibyllins ou la suite des Souvenirs Prophétiques".
On y trouve entre autres un exposé assez substantiel d'Astrologie
(en note et en petits caractères, il est vrai), au chapitre La
Méditation.
Il s'agit d'une astrologie cabalistique qui prétend néanmoins
s'appuyer sur des documents astronomiques. Ce n'est qu'en 1823, que
Lazare Républicain Lenain, publiera, à Amiens, sa
Science cabalistique".
Il y cite la Thréicie
de Gabriel Auclerc à propos des Grandes Conjonctions, parle d'un
cycle de 796 ans et de l'an 1788.
Mais
dans les années Vingt parait à Boulogne/Mer le
Vox Stellarum"
de Francis Moore, almanach astrologique anglais, pourvu de cartes du
ciel astronomiques interprétées de façon orthodoxe. Mais si
l'ouvrage est déposé à la BNF dans le cadre du dépôt légal, il
semble bien que les Anglais aient simplement demandé à un imprimeur
français, pour des raisons de prix, de produire cet ouvrage dans sa
seule version anglaise.
En
1845 paraîtra un traité d'Astrologie, muni de tables
astronomiques, placé sous les auspices de Mlle Le Normand .
Collin
de Plancy et les pseudonymes féminins
Migne
publiera, en 1846, deux volumes d'un
Dictionnaire des Sciences Occultes"
dans l'Encyclopédie
Migne signé ..Collin de Plancy . Ce texte a une longue histoire
analysée par J. Céard, : elle débute vers 1818. Cette année là
parait chez Mongie la première édition du
Dictionnaire Infernal"
du même auteur, laquelle subira divers remaniements notamment en
raison de l'évolution religieuse de Collin. En 1819, paraîtra, chez
le même éditeur, un texte de P. B. Simonnet., la Réalité
de la magie et des apparitions ou contrepoison au Dictionnaire
infernal.
Mais
nous nous intéresserons ici aux sources de la partie du Dictionnaire
consacrée à l'Astrologie ou plus exactement à ce qu'on nomme alors
les "Horoscopes", c'est à dire la description des douze
types zodiacaux.
Or,
en 1818 paraissait, chez Lerouge, à Paris, un
Art de tirer les cartes"
signé "Gabrielle Perenna, Gabrielle de Salon, Sibylle
Provençale de la lignée de Nostradamus". L'année suivante, la
seconde édition est signée "Gabrielle Radegonde Perenna,
Sibylle Provençale etc". En 1838, une autre édition portera le
nom d'Aldegonde Perenna, Sibylle Provençale (chez Locard-David).
Mais
en 1826, Collin de Plancy avait introduit, chez Mongie, l'éditeur du
Dictionnaire,
un "article" signé Aldegonde Perenna , Sibylle Polonaise
(sic). La mode est aux auteurs féminins et plus tard, dans les
années quarante, Mlle A. Lelièvre, ne sera autre que ..Marc
Guillois et Julia Orsini le prête nom de Simon Blocquel . Dès
lors, on est en droit de s'interroger sur le cas de Mademoiselle Le
Normand, est elle vraiment l'auteur de tout ce qui se publie sous
son nom, même de son vivant et notamment des travaux les plus
amples, comportant un lourd appareil de notes à l'instar des deux
volumes des Mémoires
de l'Impératrice Joséphine ?
En
fait, si l'on étudie les descriptions des douze types zodiacaux du
"Dictionnaire" - et bien d'autres recoupements pourraient
s'effectuer pour d'autres rubriques - force est de constater qu'il
s'agit d'un seul et même texte, avec des variantes superficielles
mais non moins signifiantes.
D'une
part, la série commence curieusement, dans tous les cas, avec la
Balance, c'est à dire avec l'Automne comme si l'on voulait respecter
la conception juive d'un calendrier débutant à cette période de
l'année. Chaque signe se voit relié à un travail d'Hercule, dans
la ligne des recherches de Dupuis dans son
Origine de tous les cultes".
Enfin, chaque signe comporte une description masculine suivie d'une
description féminine. Or, dans les éditions Lerouge, qui ne font
pas référence à Collin de Plancy qui parait simultanément chez
Mongie, les deux descriptions sont séparées dans la mesure où l'on
aborde d'une part les douze naissances masculines, de l'autre les
douze naissances féminines, ce qui n'est pas sans rappeler Sinibald
de Spadacine et son
Miroir
d'astrologie naturelle", apparu au début du XVIIe siècle.
Or,
chez Collin, les notices masculines et féminines sont regroupées
pour chaque signe, ce qui constitue une étape plus tardive dans
l'histoire de ce texte. Collin oppose de façon pertinente les
"horoscopes" aux "thèmes", anticipant sur
l'acception propre au XXe siècle: à propos de Mlle Le Normand, il
écrit: "Elle donnait des horoscopes, c'est à dire des thèmes
tout faits suivant les enseignements des vieux astrologues qui ont
trouvé tant de lumières dans les douze signes du zodiaque".
L'Horoscope serait donc une tentative pour fixer un certain nombre de
"lois" valables pour des populations assez nombreuses alors
que le "thème" qui ne serait pas "tout fait"
serait comme un habit fait sur mesure qui n'aurait pas de portée
générale.
En
fait, le
Dictionnaire Infernal"
ne prétend pas vraiment être autre chose qu'une vaste compilation,
l'auteur se contentant de temps à autre de faire quelque réflexion
ironique sur le sujet traité. On y trouve notamment un exposé des
78 cartes du Tarot revues par Mlle Lenormand. Parmi ses sources,
Collin cite l'Oracle
Parfait ou nouvelle manière de tirer les cartes au moyen de laquelle
on peut tirer son horoscope"
d 'Albert. d'Alby, paru en 1802 (BNF, R 45438) et qui aurait, selon
lui, connu une première version dès 1788.
En
tout état de cause, le Dictionnaire
Infernal
annonce une autre compilation qui paraîtra d'abord anonymement en
1840, sorte d'anthologie des Prophéties sous le titre
La Fin des Temps"
avec une préface de Bareste
Les
ateliers de prophéties
En
tout état de cause, même si la prophétie antéchristique
alliacienne se voyait confirmée à la lettre puisque la Révolution
Française est datée de 1789, de la prise de la Bastille, il fallait
battre le fer tant qu'il était chaud et profiter de ce crédit pour
peser sur les évènements à venir: c'est ce que pensèrent les
exégètes du XIXe siècle, directement en prise, au demeurant, avec
le politique.
A
priori,
toute prophétie concernant la Révolution la précède. Certes,
cette prophétie sera parfois découverte -
inventée
- à l'occasion de celle-ci, mais elle ne peut, telle est la règle,
que lui être antérieure. Il importe donc de la présenter comme
telle.
La
Prophétie d'Olivarius"
probablement apparue dès 1815, au début de la Restauration,
comporte, outre son contenu propre, tout un discours sur les
conditions de sa découverte:
ncement
de 1793 les maisons royales, les châteaux, les monastères, les
abbayes et les églises furent pillés par ordre des Montagnards.
(..). On avait un jour du mois de Juin 1793, pillé bon nombre de
bibliothèques. La grande salle dans laquelle on déposait ces
papiers était pleine. François de Metz et plusieurs employés
procédaient au dépouillement de ces manuscrits (à). Ils avaient
presque catalogué tous ces ouvrages de peu de valeur et qui ne
devaient point recevoir les honneurs du bûcher, quand un petit in-12
frappa leur attention: c'était le Livre
des Prophéties
composé par Philippe Dieudonné-Noël Olivarius (à). La copie
textuelle de la prophétie d'Olivarius, , écrite de la main même de
François de Metz est datée de l'an 1793.” On étudiera plus loin
les avatars de la Prophétie d'Olivarius sous la Monarchie de
Juillet, et notamment le cas de la Prophétie d'Orval.
La
somme de Déodat de Boispréaux
Les
historiens du prophétisme nostradamique ont oublié un auteur qui
joue, selon nous, un rôle essentiel dans le développement des
études prophétiques en général et nostradamiennes en particulier,
Déodat de Boispréaux . .
Il
ne s'agit pourtant pas d'une mince oeuvre mais de trois volumes in
octavo
fort copieux. sur lesquels figure une formule pourtant assez
éloquente: Nostradamus
redivivus.
L'ouvrage
aurait pu s'intituler simplement Recueil
des prédictions les plus remarquables qui ont paru dans le monde
depuis le quatorzième siècle jusqu'à nos jours
contenant
le Nostradamus redivivus, la prophétie d'Holzhauser, surnommé le
grand prophète de Souabe, l'extrait analytique du Mirabilis Liber
avec le chapitre où la révolution européenne se trouve annoncée"
en trois tomes
(Paris chez Locard et Lévi) mais le compilateur a préféré faire
précéder ce titre d'un autre, plus pittoresque, Mon
oncle le crédule
et de fait, à la lecture on songe parfois par son ton aux
Imaginations
Extravagantes de Monsieur Oufle,
oeuvre de l'Abbé Bordelon parue au début du XVIIIe siècle dont
un abrégé ressortira en 1789 à Amsterdam . Sa forme romancée
annonce l'Homme
Rouge des Tuileries
de Paul Christian Paul alias Christian Pitois (1863)4.
Nous
retiendrons surtout de quelle façon Boispréaux, Déodat (de)
présente son corpus lequel recoupe quasiment le nôtre: Nostradamus,
le Mirabilis
Liber,
Moult, Holzhauser, Malagrida, Saint Césaire, Cazotte, Mlle Lenormand
etc. Une telle collection sera par la suite, à la fin de la
décennie, monnaie courante. Mais la qualité de l'étude annonce en
réalité un Bareste, Eugène qui publiera vingt ans plus tard, son
Nostradamus à l'âge de 26 ans Boispréaux pour sa part, ne se
focalise pas uniquement sur cet auteur auquel néanmoins il accorde
une partie importante de ses tomes I et III. Il annonce aussi un
Bricon, Edouard, par l'importance qu'il accorde au Mirabilis
Liber
que celui- ci éditera en 1830 ou un Madrolle qui en donnera de
larges extraits en 1851, dans le Grand
Prophète et le Grand Roi
(cf infra): il s'agit en fait presque d'une réédition de la
traduction.
L'auteur
de l'Oncle
crédule
cite le Supplément
à la Bibliothèque Instructive
ou Catalogue de Gaignat paru à Paris en 1769. Le numéro 380 du dit
catalogue (pp 102-104), à la rubrique Théologie, décrit une
édition du Mirabilis
Liber
tandis que le numéro 381 traite du Livre
Merveilleux,
ce qui amène le commentaire suivant de Boispréaux: "Ce second
livre pourrait être et est en effet jusqu'à un certain point, la
traduction du premier", point dont nous avons montré qu'il ne
pouvait guère être retenu.
Rien
de significatif n'est paru sur l'oeuvre nostradamique depuis le début
du XVIIIe siècle, avec Tronc du Condoulet, Pierre de Haitze, Leroux
et Guynaud à l'exception de la Vie
et Testament de Nostradamus
de 1789 qui n'est au demeurant qu'une réédition. Voilà donc un
siècle que les recherches historiques à ce sujet stagnent. Quant au
Mirabilis
Liber,
aucune étude d'ensemble n'avait été réalisée, la dernière
édition complète datant de près de trois siècles, l'ouvrage
n'ayant paru jusqu'au début du XVIIe siècle qu'avec son premier
volet. Boispréaux analyse systématiquement les différentes pièces
du recueil de 1522. tant pour la partie latine que pour la partie
française qu'il reproduit donc avant Edouard Bricon .
Approche
en effet, avec les trois volumes de Déodat de Boispréaux, qui ne
situe pas uniquement dans une perspective divinatoire ou apologétique
mais également sinon davantage historique et descriptive, sans
oublier une mise en scène romanesque qui ne manque d'ailleurs pas
d'allant. Il a commis par ailleurs quelques textes littéraires, à
l'instar de Laurent Bordelon,Laurent c'est ainsi que l'on a droit à
une excursion, en diligence, avec changement à Arles, jusqu'à Salon
de Provence pour y visiter le sépulcre de Michel de Nostredame.
Nostradamus
dans les écoles
En
1824, les lecteurs de la Bibliographie
choisie des poètes français jusqu'à Malherbe
avec une notice historique et littéraire de Pierre René Auguis,
Pierre- René sur chaque poète, pouvaient y lire, dans le tome
III, une brève présentation de Nostradamus, suivie, en
illustration, de quelques sixains (XIII à XIX): "Les ouvrages
de ce poète, nous dit-on, eurent une vogue prodigieuse". A
cette époque, l'oeuvre de Nostradamus est perçue comme d'un seul
tenant.
Le
retour des Tableaux Prophétiques
En
1821 paraissent à Lyon les
Tableaux Prophétiques prédisant la ruine de la Monarchie Turque et
le rétablissement de l'Empire Grec".
Le XIXe siècle sera bel et bien le siècle où les Turcs devront
évacuer une partie importante de leurs conquêtes européennes, mais
les prophéties sur la chute du pouvoir ottoman s'accorderont mal
avec l'alliance des Français et des Anglais au côté des Turcs
contre les Russes, notamment lors de la Guerre de Crimée (1855);
tout comme au début du XVIe siècle la diplomatie française en
liaison avec les Turcs convenait assez mal à la vocation française,
destinée par le discours prophétique, devoir en venir à bout.
Toutefois, en 1827, la France, au sein d'une alliance chrétienne,
avait remporté la bataille de Navarin sur les Turcs. En 1830, la
Grèce - du moins sa partie méridionale, devient indépendante de
fait .
Le recyclage étant la régle dans l’histoire du texte prophétique,
l’on retrouve ainsi une série d'images issues du recueil d'Artus
Thomas paru au début du XVIIe siècle, redessinées, mais en
restant très proche de l'original et l'éditeur précise que le
texte dont il a légèrement changé le titre fut imprimé en 1620.
Entre le début du XVIIe et le début du XIXe la série des
Vaticinia"
n'est toujours pas parue en France et les
Tableaux Prophétiques"
apparaissent comme une oeuvre privilégiée.
Joseph
de Maistre et l'an 1792
Un
des plus farouches adversaires de la Révolution Française, le
savoyard Joseph de Maistre (1753-1821) était fasciné par le
passage de l'Epître
nostradamique à Henri II dans laquelle figurait l'année Mil Sept
Cents Nonante Deux. Dans les
Soirées de St Petersbourg",
parues l'année de sa mort, il écrit dans le cours du "XIe
Entretien":
re
Beauregard, depuis le vers d'un anonyme destiné au frontispice de
Ste Geneviève jusqu'à la chanson de Mr de Lisle, je ne crois pas
qu'il y ait eu de grands événements annoncés aussi clairement...”
Mais
le Comte de Maistre, apôtre de la Contre-Révolution , lui- même
allait être voué à assumer un certain statut prophétique. Et cela
autour d'une oeuvre datant de 1796, ses Considérations
sur la France,
parues en exil, en Suisse et en Angleterre. En 1829, peu de temps
après sa mort, plus de trente ans après la première publication du
dit ouvrage, certains s'essaieront à présenter le Comte comme un
prophète à l'occasion d'une réédition intervenant à la fin du
règne de Charle X. En 1814, au lendemain du départ de Napoléon
pour l'Ile d'Elbe, de Maistre aurait reçu une lettre d'un Russe
s'exprimant ainsi: "La partie prophétique de l'ouvrage m'a
également frappé". Quant à l'avant propos de l'éditeur, il
s'achève sur une telle tonalité: "Bien que cette lettre ait
été écrite en 1814, elle n'en présente pas moins d'intérêt: il
semble même qu'elle en acquiert davantage par suite des événements
qui alors avoient réalisé les vues de l'auteur et donné à son
livre le caractère, pour ainsi dire, d'une prophétie accomplie".
Nous n'insisterons pas sur ce qui pouvait être perçu comme
prophétique dans ce texte, l'essentiel étant ici qu'il soit
considéré tel et qu'un texte puisse être prophétique sans se
situer désormais nécessairement dans la mouvance ésotérique: tout
discours politique lucide est susceptible de recevoir un tel
qualificatif peut être un peu galvaudé .
Joseph
de Maistre rappelle Thomas Kselman , dans ses
Soirées de St Petersbourg"
Entretiens
sur le gouvernement temporel de la Providence
(XIe dialogue), composées de 1803 à 1817, parues en 1821, année de
sa mort , regrettait la carence des prophéties au XVIIIe siècle. On
peut en effet penser que certaines prophéties auraient mis en garde
la monarchie mais aussi que celle-ci aurait maintenu un empire mieux
assuré sur le peuple.
Le
rappel de la prophétie alliacienne
En
1824, Arthur Dinaux dans une Notice
historique et littéraire sur le Cardinal Pierre d'Ailly
évêque de Cambrai au XVe siècle
parue à Cambrai constate (pp. 70 et 94):
"Il
faut donc avouer ici que le savant d'Ailly a fait beaucoup trop de
cas de l'Astrologie Judiciaire. il rapportait à l'influence des
astres non seulement les événemens civils mais aussi les changemens
de religion et l'origine des hérésies (à). Par un hasard
singulier, Pierre d'Ailly conclut de ses observations astrologiques
que l'Antéchrist devait venir en 1789. Si l'Anté-Christ signifie
l'Ennemi de Jésus Christ, ainsi qu'on l'explique, on pourrait
considérer comme tel la Révolution Française commencée en 1789;
pour cette fois du moins d'Ailly n'aurait pas été tout à fait un
faux prophète".
La
publication des Mémoires de Casanova
C'est
d'abord en allemand - Aus
den Memoiren des Venetianers Jacob Casanova de Seigalt, oder sein
Leben wie er zu Dux in Boehmen niederschrieb,
Leipzig, Brockhaus - que parurent, en 1822, les Mémoires
du Vénitien Casanova dans une traduction et des notes de Wilhelm von
Schutz, à partir d'un manuscrit cédé en 1820 par le petit neveu de
Casanova, Carlo Angiolini, rédigé en français portant, selon le
témoignage de Schutz, le double intitulé :
Histoire
de ma vie jusqu'en 1797 & Mémoire de Jean Jacques (sic) Casanova
de Steingalt contenant ses voyages et ses aventures galantes et
politiques en Angleterre, en Russie, en Pologne et en Allemagne".
Schutz donne le titre en français, ne cachant nullement qu'il s'agit
d'une traduction mais la première édition française qui fera
suite, dès 1825, ne précisait pas qu'elle avait été réalisée à
partir de l'allemand et non de l'original français. En 1827, une
autre édition, à l'initiative de l'éditeur allemand Brockhaus,
réalisée par un Français installé à Dresde, Jean Laforgue,
commencera à paraître sous le titre "Mémoires
du Vénitien J. Casanova de Seingalt, extraits de ses manuscrits
originaux, publiés en Allemagne par G. de Schutz".
(BNF,
Res. K 1215). Titre ambigu car l'on se demande s'il ne s'agit pas
d'une nouvelle traduction à partir de l'allemand de Schütz, la
traduction précédente ayant été très libre. Or, il semblerait
que le manuscrit n'ait circulé avant 1860. En tout état de cause,
l'introduction de Schütz est largement exploitée.
Le
texte nous intéresse en ce qu'il comporte un épisode astrologique,
assez proche des préoccupations d'un Lenain, . Casanova aurait
notamment possédé une
Instruction sur les heures planétaires".
L'aventurier fait bel et bien partie de cette mouvance qui comporte
un Cagliostro ou un St Germain . Ses relations avec la Marquise
d'Urfé retiendront notre attention:
"Après
souper, nous sortîmes à pied et nous entrâmes à l'hôtel sans
être vus de personne. Je cachai Marcoline dans une grande armoire
puis m'étant mis en robe de chambre, j'entrai chez la marquise pour
lui annoncer que Sélénis avait fixé la régénération au jour
suivant avant trois heures et qu'il fallait qu'elle fût terminée à
cinq et demie pour ne pas nous exposer à empiéter sur l'heure de la
Lune qui venait à la suite de celle de Mercure et qui ne devait pas
être mêlée à la régénération parce que son effet serait de
l'annuler ou au moins de la rendre incomplète (à). La marquise
commençait à se montrer inquiète et j'affectais de l'être aussi
un peu. Je regardais à mes montres, je calculais les minutes des
heures planétaires et je disais de temps en temps. "Nous sommes
encore dans l'heure de Mars; celle du Soleil n'est pas encore
commencée (à) un fiacre nous transporta chez Marcoline avec la
caisse des offrandes aux sept planètes que j'avais si bien gagnée".
On
notera que ce traitement des heures planétaires n'est pas sans
évoquer la succession des âges selon Trithème, à une échelle
évidemment beaucoup plus modeste puisque cette dernière a pour
unité 354 ans.
En
1829, est jouée une pièce de théâtre Nostradamus,
drame en trois actes d'Antony Béraud et Valory (Mourier) que par
une licence qu'il avoue il situe au temps de la saint- Barthélemy
(1572) alors que Michel de Nostredame est mort depuis 1566; le mage
tombera victime des événements. (BNF Yth 12778).
III
- Olivarius : l'empire en perspective
Sous
la Restauration, le prophétisme servira à perpétuer une certaine
légende napoléonienne, notamment avec Mlle Le Normand qui va, s'il
faut l'en croire, exhumer, on l'a dit, une prophétie du XVIe siècle,
due à un certain Olivarius, qui aurait annoncé l'épopée
napoléonienne et ses lendemains.
L'Empereur
et la comète de 1811
La
comète de 1811 fut peut-être le témoin de la naissance du roi de
Rome, elle apparaîtra, surtout avec le recul, comme le signe avant
coureur de la déchéance de Napoléon.
Témoin
ce premier texte vraisemblablement paru aux premières heures de la
Restauration,
L'Horoscope de Buonaparte sur la Comète de 1811"
(BNF) signé S. M. ";
déterminer
la force et le genre d'influence que pouvait présenter ce nouveau
phénomène. Notre doyen, vieillard vénérable par son savoir et son
grand âge (à) prit la parole:
„ Son
cours est réglé comme celui des astres et leur influence est
d'autant plus redoutable qu'elles ne paraissent que très rarement et
à des époques remarquables (à). La queue de celle que nous voyons
pourrait noyer le genre humain, si nous allons la heurter de trop
près mais rassurez vous, la Providence ne veut point la mort du
pêcheur: cette Comète nous annonce tout à la fois le châtiment de
nos erreurs et la miséricorde infinie de l'Eternel.”
„Une
telle dévastation doit s'étendre encore sur toute la terre pendant
neuf cent jours. Mais à ce terme, la constellation autour de
laquelle gravite maintenant cette fatale Comète, la Grande Ourse,
délivrée de son horrible influence rassemblera ses Grands Aigles du
nord et l'Aigle usurpateur ne pouvant soutenir leur aspect
formidable, abattu et privé de ses ailes, sera réduit à ramper
tristement sur la terre. C'est alors, mes amis, que nous verrons
renaître dans nos jardins ces Lis dont la blancheur doit effacer à
jamais la pourpre sanguinaire qui depuis si longtemps a fait rougir
nos champs”à Grâce à l'Eternel, la dernière heure du crime a
sonné; la prédiction est accomplie... Vive Louis XVIII!”. En
1812, l'évêque constitutionnel (Dept. de la Hte Marne) A. H.
Waindelaincourt fait paraître une Preuve
de la durée du monde encore pendant vingt mille ans. De
l'impossibilité qu'une comète nous cause aucun mal et qu'elle se
précipite vers la terre,
Paris, C. Villet, BNF, Vp 6501. L'auteur s'y appuie notamment sur la
précession des équinoxes - dont il a mal compris, d'ailleurs, le
processus - pour montrer que la terre s'inscrit dans un cycle qui
n'est pas près de s'achever.
Dans
un autre texte,
Les Cinq Lettres et les cinq réponses ou la Comète de 1811"
(1817), on pouvait lire:
“Il
n’est que trop certain que depuis l’année de la Cométe des
événements déplorables ont agité toute l’Europe l’espace de
quatre ans (à) Sera-t-il dit que cette suite d’années
calamiteuses n’est qu”un effet du hasard et que l’astre errant
que l’on vit les devancer immédiatement était loin de les
signaler ?”
Sorte
d'entretien avec un interlocuteur plus ou moins imaginaire qui, après
avoir tracé un historique de l'influence des comètes, conclut:
??????
de circonstances extraordinaires et de nature à intéresser les
nations.”
On
ne sera pas surpris de cette survie d'une astrologie cométique en
une période où l'astrologie de type planétaire est quasiment
introuvable, sur le sol français, sauf chez les marchands de livres
anciens. Mais les comètes ont toujours fait bande à part et
impressionné les esprits même dans les périodes les plus , comme
cela avait été encore le cas en 1773.
L'auteur
s'arrête longuement sur le conflit entre Napoléon et Pie VII, ce
dernier ayant été contraint de suivre l'Empereur à Fontainebleau.
Notons à ce propos cette référence à la
Prophétie de Saint Malachie,
bien que celle-ci ne soit pas nommément citée:
(p.
31)
Les
commentateurs ultérieurs des devises des papes du XIXe siècle
préféreront voir dans Aquila
Rapax
Napoléon Ier lui-même, mais, à l'époque de la rédaction de ce
texte, la cote de l'Empereur déchu est au plus bas.
En
1820, une comète serait passée sur l'île de Sainte-Hélène
annonçant la mort prochaine, comme pour César, de Napoléon
Bonaparte, l'année suivante.
Une
refonte du Mirabilis Liber?
C'est
en 1820 - donc après la chute de l'empereur et peu avant sa mort -
dans les
Mémoires de l'Impératrice Joséphine"
que Mlle Le Normand, au prix d'exégèses successives, s'entretenant
de Napoléon, va faire connaître au public, à son compte, une
"Prophétie extraite d'un vieux livre de prophéties de
Philippe-Dieudonné-Noël OIivarius, imprimé en 1542, soustrait
pendant la révolution chez les ci devant Bénédictins de.à ,
qui figurera désormais en bonne place dans les recueils de
Prophéties Modernes"
et sera traduite en anglais. La dite Prophétie
d'Olivarius,
supposée trouvée dans une Abbaye Bénédictine sera suivie, à
l'occasion de la parution d'autres ouvrages, de supplémentaires
sous la Monarchie de Juillet
Le
texte serait, nous dit-on, issu d'un
Livre des Prophéties"
et daterait de 1542. Il s'agirait donc d'un recueil de prophéties
comme le
Mirabilis Liber".
Il existe certes un astrologue du nom d'Olivarius, mais les textes
que l'on connaît n'ont pas trait à la Prophétie et ne
correspondent pas à cette date.
La
"Sibylle du XIXe siècle" fait ainsi s'exprimer Napoléon
(Tome II p.488): "Je n'ai jamais voulu rien croire, disait à
cette dernière époque Napoléon, mais je conçois ici de bonne foi
qu'il y a des choses qui sont au dessus de la portée des hommes, et
que nonobstant leur rare perspicacité, ils ne parviendront jamais à
les approfondir, témoin cette singulière prophétie trouvée chez
les Bénédictins (..) et que je connais. Que dit- elle ? Est-ce moi
qui en suis l'objet? agitait-il. Il paraît qu'un jour l'ancienne
dynastie remonterait sur le trône (Joséphine en eut toujours la
pensée, note Mlle Le Normand). En vérité, nous devrions nous en
rapporter pour tout à celui qui régit l'univers et faire notre
profit des étincelles de lumière réparties parfois sur quelques
êtres privilégiés, pour nous éclairer sur la route véritable
qu'il faut suivre et nous prévenir des écueils que nous pourrions y
rencontrer"
On
notera que cette Prophétie d'Olivarius est en quelque sorte
introduite par Napoléon alors qu'au XVIe siècle, l'Epître lui
aurait été adressée comme dans le cas du Mirabilis
Liber.
Dès
1820, Déodat de Boispréaux mentionne la prophétie suivante dans
Mon
oncle le crédule
(vol 3, p.159):
"Au
reste, elle (la Sibylle) n'épargne pas la capitale de la France.
Elle se souvient d'une antique prophétie qui lui avait été répétée
par un saint personnage, dans sa première enfance.
"Malheur
à toi, ville des philosophes
Hélas
! Hélas! malheureuse cité
Car
un jour le soc de la charrue passera sur tes ruines et un père, en
les examinant attentivement, dira à son fils "Paris était là"
Ce
texte n'appartient pas à la Prophétie d'Olivarius . Il pourrait
s'agir d'une version antérieure à 1820.
Dans
l'édition de 1827 des Oeuvres
de la voyante (p. 468, Tome II) une note en bas de page a disparu:
"La France doit recouvrir son antique splendeur mais elle ne
sera réelle et même immuable que de 1823 à 1828 et pourtant depuis
plus d'une Olympiade, les lis auront refleuri de nouveau et même un
jeune prince sera, un jour, bien cher aux diverses nations. Les
peuples se réjouiront à sa naissance. Il sera le gage d'une paix et
d'une réconciliation générale " (Oracle
des Sibylles,
Paris, 1817, p.28).
Au
premier abord, l'on est tenté de soupçonner la voyante, la fameuse
Le Normand, d'avoir rédigé ou en tout cas véhiculé un texte
prophétique calqué sur le destin de Napoléon; (la Campagne de
Russie, l'incendie de Moscou, la Restauration, les Cent Jours (trois
Lunes et un tiers = 100). Mais, à étudier le document de plus près,
il semble constitué - ce qui n'est pas contradictoire -
d'expressions empruntées à la littérature prophétique et
notamment au Mirabilis
Liber
- la formule
vatiguérienne
fils de Brutus
- que l'on retrouvera dans la Prophétie d'Orval - en est un bon
exemple - et singulièrement aux parties qui furent traduites en
français. Ce qui fait l'intérêt de cette Prophétie est sa
chronologie dont l'unité est 30 jours soit une Lune à partir de
Waterloo (1815). Hübscher 5
note que certains propos de Mademoiselle Le Normand s'apparentent à
ceux de sainte Brigitte .
Quelques
passages nous serviront pour une comparaison ultérieure avec la
Prophétie d'Orval"
qui n'est publiée qu'en 1839 mais qui, compilée par l'Abbé Danel,
a probablement circulé vers à partir de 1828, dans les années qui
précédèrent la chute de Charles X - ce qui ne signifie pas qu'elle
n'ait pas fait ensuite l'objet de retouches de circonstance. En tout
état de cause, une autre prophétie, très proche, est attestée dès
le début des années 1820, il s'agit de celle d'Olivarius. Danel
n'aurait eu, au fond, en 1828, qu'à retoucher celle-ci, en ayant
pris connaissance dans l'édition de 1827 de l'ouvrage de
Mademoiselle Le Normand qui comportait le dit texte. Avec le
prophétisme orvalien, nous avons affaire, sur le plan stylistique,
avec un genre qui se distingue à la fois des Ecritures et des
Centuries:
une sorte de chronologie à peine cryptée de l'histoire de France
post révolutionnaire, à l'usage des dauphins en lice.
La première phrase n'est pas sans rappeler un verset des centuries-
"Un Empereur naîtra près d'Italie" (I, 60). De même
l'usage de la forme "cap" pour capétien existe dans les
quatrains et notamment celui consacré à Varennes. "Esleu cap.
cause tempeste etc " (IX 20).
„Aura
deux femmes et fils un seul... Ses ennemis brûleront par feu la
grande ville (il s'agit de Moscou)à Lors le grand homme, trahi par
les siens amis... A la sienne place seront mis les rois du vieil sang
de la Cape (retour
des Capets)à
Lui contraint à l'exil dans la mer dont est venu si jeune et proche
de son natal lieu, y demeurant par onze Lunes (à). Et lui cheminera
vers la grande ville où s'être assis le roi du vieil sang de la Cap
(e) qui se lève, fuit... Mais déchassé de nouveau par trinité
population européenne (les armées coalisées)à après trois lunes
et tiers de Lune, est remis à la sienne place le roi du vieil sang
de la Cape”.
“Lors
un jeune guerrier cheminera vers la grande ville, il portera lion et
coq sur son armure....Guerroyant encore avec tant de gloire sept
fois sept lunes (soit quatre ans) que trinité population européenne
(la Triple Alliance?) par grande crainte et cris et pleurs...
ploient sous les lois saines”. Mais paix durant 25 Lunes (soit 2
ans)à”
Il
reste que la
Prophétie d'Olivarius"
ne peut s'appliquer au retour de la République à la différence de
celle d'Orval (cf. infra). La Révolution de 1830 fut-elle annoncée
? Il sera longuement discuté par la suite de l'existence de cette
Prophétie avant 1830 et l'on accumulera les témoignages. L'on admet
assez généralement qu'elle a pu circuler vers 1828 (cf. infra). La
question est de savoir, au vu des multiples changements qu'elle
subira au cours de son histoire, sous quelle forme, à quel stade.
Un
manuscrit au nom d'Elivarius (sic)
Nous
comparerons le texte figurant dans les recueils de prophéties du
XIXe siècle sous le nom d'Olivarius avec le passage d'un manuscrit
de la succession de l'Abbé Rigaud, sous le nom d'Elivarius, le
final des deux textes se référant à l'année 1542.
Texte
du recueil de Collin de Plancy:
"
Dans Lutetia, la Seine rougie par sang (suite de combats à
outrance), étendra son lit par ruine et mortalité. Séditions
nouvelles de malencontreux maillotins. Ains seront pourchassés du
palais des rois par l'homme valeureux; et par après les immenses
Gaules déclarées par toutes les nations grande et mère nation. Et
lui sauvant les anciens restes échappés du vieux sang de la Cape,
règle les destinées du monde, se fait conseil souverain de toute
nation et de tout peuple; pose base de fruit sans fin, et meurt".
Se
pourrait-il que ce texte ait connu une version antérieure à son
apparition chez Mademoiselle Le Normand, sous ce nom d'Elivarius:
Extrait
d'un vieux Livre de prophéties....donné Noel Elivarius imprimé en
1542 soustrait pendant la Révolution chez les cy devant bénédictins
de la Gaule:
"Dans
Lutetia la Seine rouge par sang suite de combat à outrance étendra
son lit par ruine et mortalité, sédition nouvelle de male montreux
maillotins ainsi seront pour chasser du palais des rois par l'homme
valeureux et par après les immenses Gaules. Déclaré par toutes les
nations grande et Mer Nation. Et lui sauvant reste Echappés du vieil
sang de la Cap regle. Les Destinée (sic) du monde dictant conseil
souverain de toute nation et de tous peuples peu base de fruit sans
fin et meurt".
On
ne peut qu'observer qu'il s'agit très vraisemblablement d'une copie
défectueuse du texte imprimé à commencer par le nom de l'auteur.
Il n'y a pas là d'archaïsme mais bien plutôt corruption: sans au
lieu de sang, male montreux au lieu de malencontreux, pour chasser au
lieu de pourchassés, Mer Nation au lieu de mère nation etc.
En
revanche, il peut être intéressant de noter que ce texte a pu
circuler séparément - sous la forme de 2 pages in
folio
- et non pas uniquement dans le cadre d'un tome des Souvenirs de
l'Impératrice Joséphine.
L'Oracle
de Napoléon (1822)
On
connaît le rôle que joua ou prétendit avoir joué, dans ses
Mémoires
parues à la chute de l'Empire, une Mademoiselle Le Normand . Mais
Napoléon lui-même se vit auréolé après sa mort en 1821 de
certains talents prophétiques.
Il
convient de s'arrêter sur un document "égyptien" qui
connût une certaine fortune, L'Oracle
de Napoléon,
dont nous ne connaissons pas d'édition française. Il s'agit d'un
texte qui aurait été retrouvé en 1801 par .i.Sonnini;, , le chef
de la Commission des Arts, dans l'un des tombeaux de la Vieille
Egypte, près de Thèbes, sur le mont Lybique
.
On notera que ce document semble suivre la carrière du Zodiaque de
Denderah (), puisque découvert en 1801, il n'est diffusé qu'en
1822, date à laquelle un certain H. Kirchenhoffer rédige un
Prologue, depuis Londres, et dont il serait le traducteur à partir
de l'allemand. Le manuscrit aurait été trouvé lors de la retraite
française de 1813. Il se nommait
Oracle ou Livre des Destins".
Il s'agit en réalité d'un système de questions et de réponses
comme il en circulait tant au XVIIIe siècle sous le nom d'Oracle
des Dames"
.
Citons aussi, toujours en 1822 un Philosophical
Merlin, being the translation of a valuable manuscript formerly in
the possession of Napoleon Bonaparte (..) enabling the reader to cast
the nativity of himself without the aid ot tables (..) or
calculations,
Londres, par R. C. S. Philo. astro et G. W. G. 6
III
- Une Révolution programmée: 1830
Outre
qu'en 1827 reparaissent, cette fois chez un éditeur ayant pignon
sure rue, les Mémoires
publiés par Mlle Le Normand avec la Prophétie d'Olivarius Philippe
déjà inclue dans ce même cadre dès 1820, ainsi que, de Silvy, la
Révélation
en faveur de la France par l'entremise de Thomas Martin en 1816,
on publiera en 1828 un recueil prophétique, un des premiers d'un
genre qui fera fureur après le départ des Bourbons. La politique
menée par les ministres de Charles X, monté sur le trône en 1824,
inquiète par les concessions qu'il convient de faire aux libéraux.
En 1828, le libraire J. J. Blaise, J. J. publie, peut être avec
l'aide de Madrolle, A., un texte fort hostile à la libéralisation
du régime, tenu pour responsable de l'assassinat du duc de Berry, en
1820, et à l'essor des sociétés secrètes, thèmes que l'on
retrouvera dans les Protocoles
des Sages de Sion,
à la fin du siècle. (
Dès 1828, paraissait la
Sagesse Profonde",
un des premiers ensembles hétéroclites qui se succéderont au cours
du XIXe siècle mais ne comportant pour l'essentiel que des textes
alors récents. Nous nous intéresserons davantage aux recueils
faisant largement appel aux prophéties de la Renaissance; mais un
Henri Dujardin, alias James, dans son Oracle
pour 1840,
puisera largement dans la Sagesse
Profonde
qui, pour sa part, annonçait 1828 comme une année cruciale et
propice aux révolutions. L'auteur - ou co-auteur - de la Sagesse
la compare notamment à la première Restauration de 1814, qui fut
bousculée par le retour de Napoléon. En effet, le prophétisme ne
peut pas constamment innover, il doit gérer ce qu'il a produit dans
le passé; en effet, le fait de s'appuyer sur un texte dont
l'ancienneté est attesté, constitue un atout essentiel, même si
son recyclage exige de recourir certaines acrobaties. Si tel auteur a
avancé telle date, autant s'y tenir, tant qu'elle n'est pas
dépassée. Les fondements du prophétisme sont en effet constitués
par ses propres scories alors que ceux de l'astrologie sont liés à
une astronomie toujours en mouvement.
La
Sagesse
Profonde,
comporte notamment la fameuse
Prophétie de Regiomontanus
dont il n'avait plus guère été question depuis 1788. Edouard
Bricon, Edouard poursuivra dès 1830 dans cette direction comme
auteur et comme libraire.
En
cette même année 1828, paraissent des
Conjectures sur la fin du monde pour servir d'antidote contre les
séductions du temps par un membre de l'Association Catholique".
La
promesse d'un XXe siècle apocalyptique
Un
autre aspect important du discours de l'auteur des Conjectures
tient à son attitude à l'égard du XXe siècle. Certes, sous le
nom de Nostradamus avait-on (désigné dans un quatrain la fin du
siècle suivant:
Du
ciel viendra un grand Roy d'effrayeur
Ressusciter
le grand Roi d'Angoumois
Avant
après Mars régner par bon heur”
(Centurie
X, Quatrain 72)
L'on
nous annonce, dans le même recueil, de graves événements, à la
suite d'une lecture du
Livre de Daniel"
pour 1912 et 1947, quarante-cinq ans plus tard. En effet, si l'on
ajoute à 622, date de l'Hégire islamique les 1290 jours convertis
en années, l'on obtient le début du XXe siècle. Or, comme cette
prophétie se déroula durant 45 jours, il convient que les
événements s'étendent durant autant d'années qu'il y eut de
jours. Mais c'est à l'An 2000 que parvient, au bout du compte,
l'auteur des Conjectures
(p.97) c'est la fin du XXe siècle qui conclut les 6000 ans de la
Création, ce qui est à rapprocher de 1999 figurant dans la
Prophétie napolitaine de Théodat (cf supra). C'est l'amorce d'un
nouveau millénarisme que relaiera un AdrienPéladan, cinquante ans
plus tard.
L'Avertissement
de Gabriel Galland
Il
convient de s'arrêter sur un auteur qui se manifestera également
sous la Monarchie de Juillet mais qui dès octobre 1827 avait annoncé
des événements graves pour 1830 dans un Avertissement
véritable et assuré, au nom de Dieu
(BNF, D 24531). En fait,Galland avait choisi Marseille pour y
célèbrer l'avènement du "fils de l'homme" au mois de
mars 1830. Galland qui s'était en fait approprié ce titre demandait
à Charles X d'assurer sa protection mais n'annonçait nullement sa
chute. En fait, Galland avait choisi 1830 parce qu'il aurait alors,
lui-même, 33 ans.
Le
fils de l'Homme
Dès
1829, Joseph Méry et le poète bonapartiste Auguste Barthélemy
avaient publié un poème intitulé Le
fils de l'homme",7.
Napoléon
II, portrait à l'appui, y était ainsi désigné
. Par
cette expression, l'Aiglon devient un martyr christique, retenu
prisonnier par l'Autriche. Barthélemy sera condamné par la justice
de Charles X. L'agitation prophétique au cours de la fin de ce
règne, pourrait être due en partie aux espérances concernant
Napoléon II.
L'Almanach
et la Révolution
En
1829 parait dans l'Almanach
liégeois
de Mathieu . Laensbergh pour 1830; un texte qui rétrospectivement,
pour les contemporains, se révélera prophétique pour la Révolution
orléanienne:
“Il
y aura un grande remue-ménage. Une partie de l”Europe sera mise à
feu et à sang. Murmure des peuples subjugués et insurrection. Les
amis de la paix et des lois feront cesser ces horreurs. Le feu se
changera en fumée et bien des gens en sortiront noir comme l'enfer”
(Juillet).
Ce
texte sera repris dans plusieurs recueils. Rappelons toutefois, à
toutes fins utiles, que 1830 fut aussi l'année de la révolution
belge et que l'almanach est liégeois.
Les
Mélanges tirés d'une petite Bibliothèque de Charles Nodier (1829)
Nodier,
Charles consacre le chapitre XXXI au
Mirabilis Liber"
qu'il distingue nettement du
Livre Merveilleux".
L'année suivante, Bricon, E. publiera une traduction du Mirabilis
Liber
-
il mentionne le Chant
du Coq François
de 1621 dont une pseudo-édition était parue au lendemain de la
Révolution. Typiquement, Nodier s'arrête sur la
Pronosticatio
de .i.Lichtenberger
dont
il signale les 44 vignettes mais sans établir le moindre
rapprochement avec le Mirabilis
Liber.
Il est vrai qu'il se sert d'une édition de la Pronosticatio
de Lichtenberger de 1528 (Cologne, Quentel ) et non de l'édition
française dépouillée de ses illustrations de 1530. Nodier, Charles
s'intéresse surtout aux Arcanae
de Naumerberger qui se trouvent en annexe et qu'il attribue à
Lichtenberger comme le fera après lui Collin de Plancy . Il y voit
apparemment une allusion à l'Empereur, l'aigle (Napoléon) qui
succède au roi, le lys (Louis XVI). Le Chapitre XLIV est quant à
lui consacré à Nostradamus . Bareste dix ans plus tard se référera
à Nodier (BNF, Z 56300).
La
Charte bafouée
En
1839, Francis Girault, résumera le règne de Charles X
(1824-1830) par le verset suivant des centuries;
"Sept
ans sera Philip, fortune prospère"
Et
de rappeler que Charles X se prénommait Philippe
Charles.
Le plus souvent, "Philip" sera utilisé pour désigner
Louis- Philippe.
Charles
X serait tombé pour avoir, en promulguant en juillet 1830, quatre
ordonnances, porté atteinte à la Charte octroyée par son frère,
en juin 1814, qui avait accompagné le retour des Bourbons.
Le
faussaire Lamothe-Langon, publiera en 1835, des Soirées
de Sa Majesté Louis XVIII,
Paris, BNF, Y2 47202. Dans un chapitre intitulé "Dernière
prophétie du roi" (77e soirée), il fait dire au roi
s'adressant à son frère, le futur Charles X:
"La
charte est notre Arche d'alliance; qui la mutilera, qui l'éludera,
périra comme le firent les Hébreux sacrilèges" (Vol. 2, p.
416)
Chapitre
III
L'activisme
prophétique sous la monarchie de juillet
Si
la révolution de 1830 fut préparée et annoncée, en quelque façon,
par une certaine effervescence prophétique, qui s'avèra favorable à
l'avénement d'un Orléans, on pourrait parler alors d 'un arroseur
arrosé. Le règne de..Louis- Philippe sera en effet marqué par les
spéculations prophétiques qui séviront surtout durant les années
Trente puis tendront à se calmer après le paroxysme quelque peu
décevant de 1840 et le bruit fait autour de la prophétie d'Orval.
Louis-Philippe se verra destiner l'expression , figurant dans la
Prophétie de
Vatiguero, et il sera symbolisé davantage par le coq que par le
lys. Le prophétisme apparaît comme une sorte de contre-pouvoir.
I
- La cabale contre les Orléans
Il
semble bien qu'un nouvel essor du prophétisme français date des
dernières années du règne de Charles X. . Certes, il serait
tentant d'y voir une tentative de déstabilisation de Louis-Philippe
mais force est de constater que le phénomène aura d'abord bénéficié
à ce dernier puisqu'il aura abouti à l'abdication du dernier frère
de Louis XVI.
Cette
discorde au sein du camp légitimiste - Louis XVII (Charles
Louis
(sic) Naundorf, Richemont (Claude Perrin), Louis XIX (le duc
d'Angoulême), Henri V et sa mère, la Duchesse de Berry, comme
nouvelle régente italienne - favorisera finalement l'avènement des
Orléans, camp, on le verra, lui-même bientôt divisé entre
partisans de Louis-Philippe et de son fils.
1840,
les 20 ans d'Henri V.
Henri
V portait un prénom - l'anagramme (Chiren)
apparait chez Nostradamus -, c'était peut-être là son principal
atout mais nul doute qu'avec un autre prénom (Charles, notamment)
l'on eut trouvé d'autres résonances tout aussi prophétiques. Il
était ainsi loisible de rapprocher son destin, on l'a vu, de celui
d'Henri IV voire de lui adresser l'Epître
de Nostradamus à Henri Second.
Une
prophétie pouvait lui convenir que l'on ne se fit pas faute
d'exhumer dans un certain nombre de recueils, celle du Moine de
Padoue (Gazette
de France,
19 juillet 1840). Il s'agit d'un texte rédigé en français et qui
aurait été recopié par un moine de Padoue, une sorte de geste des
rois prénommés Henri:
Dix
fois dix ans: le duc de Bordeaux est né en 1820. Nous sommes en
1840...
L'émergence
de la prophétie d'Orval
La
prophétie d'Olivarius Philippe laisse la place à la prophétie
d'Orval qui n'en est qu'un avatar: quasi identité de date d'origine
(milieu du XVIe siècle), des conditions de sa découverte voire même
de nom. En 1830 les recueils d'Edouard Bricon incluent la dite
Prophétie d'Olivarius. Nous reviendrons plus longuement sur la
genèse du canon orvalien.
Au
lendemain de la Révolution, Edouard Bricon, publie coup sur coup
trois recueils de prophéties: l'un est la traduction expurgée d'un
classique, le
Mirabilis Liber",
généralement désigné à l'époque comme
Liber Mirabilis"
sous le nom de
Livre admirable
" alors que jusqu'à présent l'on en connaissait surtout des
extraits plus ou moins arrangés. Bricon y renvoie à la
Sagesse Profonde parue
en 1828.
Edouard
Bricon, eut en effet l'idée de proposer une édition française in
extenso,
mais "orthodoxe", du Mirabilis
Liber
qui tranchait avec les quelques pages qui étaient parues depuis la
Révolution sous ce nom (Saint Sévère, Vatiguero, Joachim).
Travail au demeurant assez limité, puisque le début de la partie
latine - celui qui correspondait à la Pronosticatio
lyonnaise de 1515 - avait été traduit et que la partie française
était restituée telle quelle, en . Il reste que le
Mirabilis Liber
n'avait pas connu d'édition globale depuis trois siècles (soit
approximativement depuis 1530, au moins) puisque les éditions du
XVIe siècle, traduites en français, ne comportaient pas,
paradoxalement, l'essentiel de la partie française du dit recueil.
Si
Bricon ne mentionne pas la traduction partielle du XVIe siècle, il
est assez clair qu'il s'inspira de l'édition de 1561 ou de celle de
1611, autrement dit de l'édition dite de Gruget,.. En effet, ce
dernier _ s'il s'agit bien de lui _ prit l'initiative de supprimer le
nom de. Lichtenberger qui figurait dans les éditions de 1535 et de
1545 (Prophétie
de Madame Ste.i.Brigitte Sainte
). Or,Bricon, lui aussi, la référence à. Lichtenberger. S'il
avait travaillé sur des textes latins, il eût préservé ce passage
de l'Oratio
Auctoris
et probablement fait figurer le nom de l'astrologue allemand dans le
titre.
Il
convient de préciser qu'une partie des textes latins du Mirabilis
Liber,
hors Pronosticatio
de Lichtenberger, avaient été traduits par Guillaume Postel dans
le Thresor
des Prophéties de l'Univers.
Dans
sa Préface, Bricon rappelle que l'ouvrage se trouve à l'index et
qu'il a demandé à une personne de confiance d'effectuer des
coupures.
Il
s'agit du chapitre II (De
l'état des Alsaciens, Siennois, Gaulois & Cymbrois)
où il est question , du Chapitre IX (Cette
constellation induira plusieurs à luxure abominable)
et du chapitre X (Cette
constellation inclinera les femmes, les vierges & nonnains à
concupiscence charnelle),
de la Troisième Partie de la Pronosticatio
de Lichtenberger dont les titres mêmes vont disparaître de la table
des matières. Le Chapitre XIV est quant à lui considérablement
élagué (Qu'aucuns
climats seront vexés de diverses infortunes):
.
Bricon
déclare apprécier tout particulièrement le texte de Savonarole
qui n'avait pas été traduit jusqu'alors en français et insiste sur
sa défiance à l'égard de l'Astrologie .
L'historien
des prophéties se doit d'être extrêmement vigilant. Il est rare
qu'un auteur, à l'occasion notamment d'une traduction-on pense au
Janus
Gallicus
latin- ne soit tenté de modifier un texte ou sa présentation pour
faire passer un certain message. C'est ainsi que Bricon, dans le
développement du
Mirabilis Liber"
extrait des
Vaticinia
de Joachim et d'Anselme" et dont nous avons vu qu'une traduction
inédite avait déjà existé en 1814. Il n'hésite pas à présenter
un personnage âgé mente
canus
sous les traits d'un jeune homme: "Le Ciel t'appelle, prince
frêle et souffrant". Il songe ainsi à s'adresser à Henri V,
âgé alors de dix ans, et à ses partisans mais peut-être
évoque-t-il le malheureux dauphin du Temple.
Abordons
à présent le
Nouveau Recueil de Prédictions";
(novembre 1830),
et le Recueil de Prédictions:
deux recueils, à vrai dire, sensiblement différents.
En
introduction au
Recueil de prédictions depuis le seizième siècle jusqu'à la
consommation des temps
qui connaîtra plusieurs éditions jusqu'en 1831, l'on pouvait lire:
"Le
recueil que j'offre au public sera, je n'en doute pas, un sujet de
réflexions pour les siècles futurs, la matière d'une page dans
l'histoire de nos jours. "A telle époque dira-t-on, parut un
ouvrage qui renfermoit telle ou telle prophétie; voici ce qui s'est
accompli". Alors on saura mieux la confiance que mériteront les
prophètes de ces temps reculés, car je présume qu'ils auront les
leurs. On saura si jamais la vérité de l'avenir a été manifestée
aux hommes, si jamais il a existé d'autres prédictions que celles
écrites après l'accomplissement des faits". A la manière des
démonomanes de la Renaissance, Bricon se présente comme un simple
transmetteur d'informations qui ne s'engage pas.
Relevons
parmi les textes figurant dans cette anthologie un ouvrage paru en
1817, les
Précurseurs de l'Antéchrist
(Lyon, 1817) annonçant la naissance de l'Antéchrist pour 1912. Il
vivra ou règnera - chiffre caractéristique du Livre de Daniel
(XII, 13) - 45 ans. La grande persécution commencera en 1953. Il
sera exterminé en 1957" (p.20).
On
y trouve aussi la Prophétie d'Olivarius, texte "soustrait
pendant la révolution chez les ci-devant Bénédictins" (pp.44
et seq), la Prédiction de Jean de Vatiguerro (p. 49) à cette
occasion, Bricon reprend une partie de sa traduction du Mirabilis
Liber.
On
s'intéressera particulièrement à ce queBricon écrit en 1830, dans
le
Nouveau Recueil de Prédictions,
au sujet de la Prophétie des Papes. (pp. 43 et seq). Bricon ne
commence sa liste qu'en 1700 avec Clément XI. Curieusement, Bricon
ne donne pas de noms de papes pour Rosa
umbria, Visus velox vel ursus velox,
puis il passe à Pie VI, Pie VII; Léon XII et Pie VIII. Il renvoie
au Dictionnaire
de Moréri;.
Le
lecteur de Bricon n'a ainsi aucune idée de la date de parution de la
dite Prophétie et pourrait être amené à croire qu'elle débuta au
XVIIIe siècle ou au contraire bien avant, du temps de Saint
Malachie.
1831
et les Nouvelles Conjectures
Ce recueil, qui fait suite aux Conjectures
sur la fin du monde pour servir d'antidote contre les séductions du
temps,
paru en 1828. (cf supra) s'intitule Nouvelles
Conjectures pour confirmer la fin prochaine du monde et indiquer les
époques des principaux événements qui doivent la précéder,
paru au lendemain de chute de Charles X, est déterminant et précède
de plusieurs années l'effervescence qui se manifestera dans les
années 1839-1840 coïncidant peut être avec le fait qu'Henri V, né
en 1820, atteignait un âge où il pouvait prétendre à régner - de
fait il sera majeur à 13/14 ans dès 1833 - et où il convenait de
mettre fin à l'interim
orléanais. L'ouvrage parait à Toulouse, une ville qui comptera
par la suite dans l'édition de recueils prophétiques, chez Augustin
Manavit, Augustin (BNF, D 46247).
Il
semble bien qu'en ce début des années Trente l'année 1840 apparaît
comme une échéance cruciale. L'auteur _des Conjectures
et Nouvelles
Conjectures
est resté à ce jour anonyme - on sait seulement qu'il se dit
membre d'un groupe intitulé l'Association Catholique et que nous
n'avons pas situé - fait référence à l'année 1840. Il renvoie à
cette occasion à la
Prophétie dite de Naples",
qui aurait été trouvée dans les papiers de Monseigneur de Novion,
évêque de Lodève, comportant une devise pour l'an 1840.. On peut
penser que cette mention ait pesé sur le choix de cette année comme
devant être fatidique.
Le
compilateur des Nouvelles
Conjectures
s'intéresse également à la
Prophétie de St Malachie:
(Chapitre II) qu'il nomme . L'auteur note que l'on obtient une
moyenne de 9 ans par pontificat en se fondant sur les treize
derniers. Comme il en reste encore 14, à raison de 9 ans pour
chacun, l'on obtient 126 ans.
L'auteur
des
Conjectures"
passe ainsi en revue les Papes et leurs devises malachiques depuis la
Révolution, en commençant par Pie VI, Peregrinus
apostolicus,
persécuté par le Directoire, puis Pie VII, Aquila
rapax,
"en raison de sa lutte religieuse et de son triomphe spirituel
sur cet aigle ravissant dont la puissance fortuite et heureusement
passagère étonna l'Univers". Puis il en arrive à.i.Pie VIII,
vir
religiosus,
le prédécesseur de Pie IX.
L'auteur
considère que la Révolution Française a des exégètes face à
des textes restés inintelligibles.
Il
est aussi un des premiers commentateurs français de la
Lettre (à) sur la fin du monde"
du Chanoine Rémusat (qui avait en 1786 repris à son compte
l'année 1860, avancée par Rondet, texte qui figurera par la suite
dans certains recueils, outre ses parutions séparées. Il est
remarquable que l'on n'ait pas signalé que l'année 1790 qui figure
chez Rémusat pouvait désigner la Révolution Française.
Mais
notre auteur est surtout le premier, à notre connaissance, au
lendemain de l'accession deLouis- Philippe d'Orléans au pouvoir à
avoir indiqué l'an 1840 comme celui d'un changement au sommet.
Rappelons toutefois que Thomas Martin, au début de la Restauration
(cf supra), avait déjà avancé cette date.
Signalons
toujours en 1831 un commentaire des centuries de .i.Nostradamus;
favorable à Louis-Philippe, qui salue une nouvelle dynastie que lui
(la France) a destiné la Providence. A. M. .Caze publie à Paris
(chez Stahl) des
Prophéties de Maître Michel Nostradamus où il a annoncé en 1555
les événements calamiteux et les grandes mutations survenus sur la
Terre depuis 1789 jusqu'en 1831 et où il est annoncé pour l'avenir
des grands changements et des prophètes avec leur explication et des
observations politiques
(BNF, Ye 48356)
.
En
fait, ces publications reflètent et accompagnent le climat politique
de l'époque: en novembre 1832, la duchesse de Berry, mère du petit
Henri, duc de Bordeaux, est arrêtée à Nantes à la suite de son
action en Vendée. En mars de cette même année, un complot
légitimiste avait échoué à Paris. Le 15 juillet 1832 une
proclamation sera affichée ". C'est aujourd'hui la fête
d'Henri, de votre roi légitime, qu'un perfide parent a chassé du
trône de ses pères (à) Henri cinquième du nom (à) va atteindre
sa douzième année et tous ceux qui ont eu le bonheur de le voir et
de l'approcher depuis deux ans, vous ont dit qu'aucun enfant de son
âge n'était aussi instruit, aussi avancé, ne promettant autant".
Béranger
et la comète de 1832
Il
semble que l'on ait annoncé la fin du monde pour 1832, Pierre-Jean
de . Béranger s'est fait l'écho de cette frayeur:
“Dieu
contre nous envoie une cométe
A
ce grand choc nous n'échapperons pas
Je
sens déjà crouler notre planète
………………………………………..
Vite,
à confesse, allez âmes craintives
Finissons
en, le monde est assez vieux!
Le
monde est assez vieux...”
En
1833, Béranger publie une chanson intitulée "Nostradamus".
"Nostradamus
qui vit naître Henri IV / Grand Astrologue a prédit dans ses vers/
Que l'An 2000 date/ Qu'on peut débattre/ De la médaille on verra le
revers/ Alors, dit-il, Paris, dans l'allégresse/ Au pied du Louvre
ouïra cette voix/ Heureuse France soulagez ma détresse/ Faites
l'aumône au dernier de vos rois"
Le
recueil de Demonville;
En
1832, un certain Demonville publie un Exposé
des différentes prédictions sur l'avènement du Pontife Saint,
couronné par les Anges et du Monarque fort, auxilium Dei, Lilifer,
secours de Dieu, dieudonné, porteur de Lys.
On
y retrouve en grande partie le choix des deux recueils de Bricon,
parus depuis peu: Jérome Botin, Vatiguero, Olivarius et Holzhauser.
L'étude de ces textes fait d'ailleurs apparaître des éléments
quasi identiques. Demonville liera fortement prophétie et politique
lors d'une candidature assez dérisoire à l'élection à la
Présidence de la République de décembre 1848, mêlant Holzhauser
et la prophétie des papes avec des préoccupations
constitutionnelles.
La
suite d'Olivarius.
En
1831, quatre ans après la dernière édition de la Prophétie
d'Olivarius, l'on trouve,
sous
le nom de Mademoiselle Lenormand,
Cinq feuillets des Tablettes Prophétiques de Jorael"
in
L'Ombre de Henri IV au Palais d'Orléans",
qui constituent une suite à la
Prophétie d'Olivarius"
le sixième feuillet figure dans Le
petit homme rouge au Château des Tuileries,
titre qui fera fortune (cf infra).
En 1832, parut le septième feuillet in le
Manifeste des Dieux"
puis, enfin, en 1833, les feuillets huitième, neuvième et dixième,
in
Arrêt Suprême des Dieux de l'Olympe".
Ces feuillets, tous parus chez Dondey-Dupré Père et fils rédigés
au début du règne de Louis- Philippe, pourraient constituer le
chaînon reliant la Prophétie d'Olivarius à celle d'Orval.
Il
importe d'étudier de quelle façon Marie-Anne Adélaïde Lenormand
procéda pour écrire une suite à la Prophétie parue en 1820, sinon
plus tôt. Problème qui se pose pour tout auteur ou continuateur qui
veut élaborer une suite, à commencer par le canon nostradamique. En
outre, de telles suites achèvent de nous convaincre de la modernité
de la dite Prophétie.
Le
texte de 1820 débutait ainsi:
"La
Gaule Itale verra naître non loin de son sein un être surnaturel
(..). Ce chemin sinueux lui baillera force peines."
Le
premier feuillet d'Olivarius de 1831, comporte le passage suivant:
"L'être
surnaturel que la Gaule Itale avait vu naître non loin de son sein
(à). Onc (sic) l'un des siens encore jeune s'ouvrira à travers
mille obstacles un chemin sinueux".
Et
bien entendu l'on retrouve à plusieurs reprises l'allusion aux
Capets: "le sang du vieil roi de la cape"
ou "le vieux roi de la cape" alors que dans l'édition de
1820-1827, cape s'écrivait "cap": les rois du vieil sang
de la Cap.
Or l'orthographe qui s'imposera dans les recueils prophétiques n'est
pas Cap mais Cape.
Entre
janvier 1831 et février 1833, parurent donc au nom de Mlle M (arie)
A (nne) Le Normand, dix feuillets d'Olivarius tandis que devaient
continuer à s'écouler les Mémoires
Historiques et Secrets.
de 1827.
La
dernière livraison, celle du 28 février 1833-l'on songe à Massard,
Jacques dans les années 1686-87- au sein de l'Arrêt
Suprême des Dieux de l'Olympe
comporte trois "feuillets de révélations", de 8 à 10
(pp. 133 et seq.). Louis-Philippe est désigné sous le nom d'"allié
du vieux sang de la Cappe (sic) auquel il est conseillé de "rappeler
le roi du lys" (Neuvième feuillet). Dans le dernier feuillet,
Mlle Le Normand - le titre de l'ouvrage n'en fait guère mystère -
semble prôner une régence, avec la Duchesse de Berry, laissant à
Henri V le temps de mûrir puisqu'il n'a en 1833 que treize ans, âge
de la majorité royale cependant. Elle ferait donc partie du complot
prophétique visant à obtenir le départ de Louis-Philippe, qui ne
sut s'en tenir à un rôle de régent.
"Que
le sage et le plus discret deviendrait le tuteur du jeune Lys avec
icelle dame
vray royne, adoptant les couleurs de son écu. Ainsi le prince captif
aurait loisir pour s'enquérir à l'aise des hauts faits des paladins
français et se fortifierait en science et sagesse" 8
Le
dernier feuillet d'Olivarius désigne d'ailleurs 1840 (p.141), ce qui
recoupe l'interprétation de la Prophétie d'Orval. En 1833, la
duchesse, la "Dame du Lys", est en délicatesse avec le
pouvoir:
"Nous
sommes les maistres, ains ne voulons plus de maistres, retournez à
Palerme", lieu de naissance de la Duchesse.
Un
tel texte, par sa transparence, par sa précision, relève davantage
du pamphlet politique que du prophétisme classique. Il s'agit de
refléter et d'influer sur les événements du jour. Mais n'en
était-il pas déjà ainsi, peu ou prou, du moins pour les lecteurs
de l'époque, lorsque Michel de Nostredame traitait, par le jeu de
ses quatrains et de ses anagrammes transparents, des intrigues de
cour à la fin du règne éphémère de François II.? Si l'on
respecte, avec plus ou moins de bonheur, un certain archaïsme de la
langue, en revanche, l'on ne se donne pas la peine de recourir à un
codage des années: le huitième feuillet d'Olivarius débute
carrément ainsi: "Vers l'an du Seigneur 1833 voire après".
La Sibylle, dont les oeuvres sont récapitulées sur plusieurs
lignes, sur la page de titre de chaque publication, avec ses
"Révélations", vient au secours de la Duchesse et de son
jeune fils...
Déclin,
on le voit, du discours prophétique: le texte devient par trop
explicite comme si l'on ne faisait plus trop confiance en la
perspicacité du lecteur moyen. On lui met les points sur les i. A
moins que l'on ne jette le masque et que sous couvert de prophétisme,
il s'agisse d'une action politique en bonne et due forme...
Parmi
les similitudes entre prophéties d'Olivarius et d'Orval, notons
l'usage de "cap" ou "cape" pour Capet: chez
Dujardin, dans l'Oracle
pour 1840
, on lit: "le vieux sang de l'homme de cap (sic)" qui se
change chez Collin en "vieux sang de la cape" .
Le
23 juin 1843, la "Sibylle du XIXe siècle" meurt avant le
terme qu'elle s'était fixé. A l'occasion du décès de Marie-Anne
Adélaïde Le Normand, née en 1768 à Alençon, qui avait rayonné
tant en France qu'en Angleterre, plusieurs biographies parurent, les
unes favorables, les autres hostiles ou satiriques. Encore en 1843,le
Ministère de la Justice fut mis au courant des visées du milieu
prophétique:" Je joins à l'envoi l'un des exemplaires saisis.
Il vous sera facile en le parcourant de reconnaître que cette
publication intitulée Le Livre
de toutes les Prophéties
est hostile au gouvernement du roi et que plusieurs passages,
notamment ceux où se manifeste l'espérance du retour de la dynastie
déchue, pourraient donner lieu à des poursuites" . On comprend
qu'il ait fallu user de stratagèmes.
Un
certain Hortensius Flamel - que nous étudierons plus avant sous ses
autres identités, éditera et commentera les
Dernières prophéties de Mlle Le Normand Marie (BNF,
R 41565). Le même auteur, sous le nom de Francis Girault, produira
une
Mlle Le Normand, sa Biographie complète, seule autorisée par sa
famille
(BNF Ln27 12279) en la même année 1843. Le texte est assez proche
mais ne comporte pas les prophéties. De son vrai nom, Gabriel
Bourbon-Leblanc, cet auteur prolifique fit partie de l'entourage de
Naundorff.
Il
convenait de trouver, comme pour Etteilla, une disciple de Mlle
Lenormand : dans ces Dernières
Prophéties
(1843), il est proposé une MademoiselleClément
. qui publiera en 1852 un Flambeau
de l'Avenir.
Que
disent ces "Dernières prophéties" de 1843 que la Sibylle
aurait laissées dans une cassette à sa mort? Une fois de plus, les
enjeux politiques sont présents. On attribue ainsi à Mlle Le
Normand d'avoir annoncé le fatal accident du fils de Louis- Philippe
de 1842. On y retrouve des éléments récurrents dans la Prophétie
d'Olivarius: " jeune captif", "fils de Brutus",
"six vingt jours".
On
sait que Mlle Le Normand est favorable au retour d'Henri V: "Je
vois maintenant l'époque d'un roi qui s'accomplit. Ni régence, ni
règne d'un enfant ne succèderont. Un exilé reviendra et la
couronne sera posée sur sa jeune tête" Et le pape viendra
l'oindre.
Pronostic
assez frappant: "le royaume deviendra une seconde fois un
empire". Annonce du second Empire? Probablement, dans l'esprit
du rédacteur bien éloigné des ambitions de la famille Bonaparte,
s'agit-il de la résurgence des espérances d'un François Ier.
En
cette année 1843, Louis Dubois, ironisera à propos du recueil
posthume des Dernières
Prophéties:
“ Dans
les Souvenirs,
cette prophétie qu'elle prétend avoir formulée en 1814, mais
qu'elle n'a imprimée qu'en 1815, est évidement faite après coup.
L'auteur du Mirabilis
Liber
qui la livra à l'impression vers 1500 fut moins prudent que la
Sibylle Alençonnaise: il la donna pour 1525 au plus tard. Or elle ne
se réalisa pas”.
En
cette même année 1843, paraît à Bruges, l'Essai
sur l'influence des comètes sur les phénomènes de la terre
de l'anglais Thomas Ignace Forster, qui constitue un historique sur
les croyances dans l'influence des comètes, notamment chez Kepler.
Or précisément, l'année 1843 fut marquée par une certaine
effervescence prophétique autour d'une comète.
Les
mises en garde de Galland
Gabriel
Galland avait (cf supra) effectivement privilégié l'année 1830
dans sa prophétie de 1827 et il n'oubliera pas de le rappeler dans
ses écrits suivants: La
Paix et la vérité aux hommes, annoncée dès 1826
(BNF, D 35534) en 1832. Il publiera dans la foulée
Le Trône de la Parole de Dieu, la vérité dévoilée ou le Second
Avènement de Jésus Christ"
(BNF, D 35536) en 1837. Il y avertit Louis-Philippe qu'il connaitra
le même sort que Charles X s'il ne l'écoute pas.
Spéculations
autour de Louis XVII
Au
début du règne de Louis-Philippe, l'exaltation autour des "faux
dauphins", c'est à dire de l'éventuelle survie du fils de
Louis XVI , connaît un nouveau souffle, avec une multiplicité de
candidats .
Thomas
Martin, dont on considère qu'il aurait annoncé à Louis XVIII la
survie du Dauphin, lui déconseillant de se faire sacrer à Reims,
est récupéré par un légitimisme qui s'efforce de prévaloir sur
celui qui concerne Henri V. Il aurait même été question d'un
mariage de Naundorf avec la duchesse de Berry, désormais veuve, tout
comme le fils de Charles X avait épousé sa cousine germaine, Madame
Royale, Marie-Thérèse, soeur de Louis XVII.
Silvy,
en janvier 1831, fait paraître une nouvelle édition de sa
Relation,
"augmentée de plusieurs lettres du sieur Martin écrites en
1821" (BNF, 8° Lb48 528C). Il cite in
fine
un texte, extrait des Mémoires
d'une femme de qualité"
(Tome II, Ch 27 et 28), relatif à l'entrevue de Thomas Martin avec
Louis XVIII. On a signalé le texte de l'abbé Perrot paru chez
Bricon: Le
passé et l'avenir expliqués par les événements extraordinaires
arrivés à Thomas Martin (avec) quelques mots sur les relations
publiées à ce sujet par M. S (ilvy.
L'ouvrage paraît chez Edouard Bricon. On reprochera notamment à
Silvy d'avoir mentionné des passages douteux des Mémoires
d'une femme de qualité, dont
les auteurs sont Damas-Hinard, Lamothe Langon,
Malitourne et Villemarest (BNF, 8° La37 1).
Peu
après on peut lire une réplique intitulée: "M. S (ilvy)...à
l'auteur de l'écrit intitulé Le
Passé et l'avenir expliqués
etc" (BNF, Lb48 2899) dans laquelle l'auteur de la Relation
se plaint de ce que son texte ait été repris, sans son accord, dans
le Passé
et l'Avenir.
L'ouvrage
publié chez/par Bricon comportait au titre un développement
supplémentaire: "Dissertation (..) sur les "Mémoires"
dits
du duc de Normandie". La formulation trahit assez ses doutes.
En
1831 étaient en effet parus de tels Mémoires
(..)
du fils de Louis XVI écrits et publiés par lui même"
(BNF, 8° Ln27 15061) dont l'auteur, au service de Richemont, serait
un certain Saint-Edme (pseudonyme d'Edme-Théodore Bourg). L'auteur
s'inspire du Journal de Cléry, valet de chambre du Roi .
Bricon
aurait-il été hostile à l'existence de Louis XVII? Bien au
contraire, mais il met en cause le bien fondé de la prétention du
Baron de Richemont à être le Dauphin. Bien plus, la rencontre de
Martin de Gallardon avec Naundorf s'effectuera chez lui en septembre
1833. Bataille de prétendants où il semble que l'"ex Baron de
Richemont" ait été le premier à prendre position
officiellement, en tout cas au niveau de l'édition, à une époque
où l'on disputait également les chances de Napoléon II. Il est à
remarquer à propos de Naündorf
- avec l'umlaut
qui souvent disparaît - que le cas du petit fils de l'Empereur
d'Autriche a pu l'encourager: est-ce que le Roi de Rome n'a pas
oublié également le français au profit de l'allemand, est- ce
qu'il n'a pas des souvenirs assez vagues de ses premières années à
la Cour de France? Est-ce que sans son exemple, celui qui se prétend
duc de Normandie, aurait pu songer à surmonter son handicap
germanique? Henri V, lui-même, en résidant à Frohsdorf suivra peu
ou prou ce modèle d'un prétendant venu de l'Est.
Thomas
Martin avait-il lors de son entrevue avec Louis XVIII fait allusion à
Louis XVII. Il semble bien que cette thèse, reprise d'ailleurs par
le cultivateur lui même, soit tardive, comme l'indique Silvy, liée
précisément à l'apparition de nouveaux candidats au titre de
Dauphin, au début de la Monarchie de Juillet.
Parmi
les naundorfistes les plus acharnés, signalons le comte Modeste
Gruau de La Barre qui publie en 1834, à Londres, un Abrégé
de l'Histoire des infortunes du Dauphin,
ouvrage qui sera très vite publié en anglais, An
abridged account of the Misfortunes of the Dauphin,
toujours à Londres, en 1838, (BNF) , alors que le pseudo-Baron de
Richemont avait dès 1831 fait paraître des Mémoires
du Duc de Normandie.
(BNF, 8° Ln27 15065). On notera que Gruau préfère l'expression
"Dauphin" à celle de "Louis XVII".
Bourbon-Busset -Leblanc publiera en 1835, à Paris, une mise au point
Le
véritable Duc de Normandie ou réfutation de bien des impostures
(BNF, Ln27 15073).
Le
retour de Cagliostro
Lamothe-Langon
exploite le filon de l'Affaire du Collier et de la période qui
précéda la Révolution. En 1834, il publie un "roman
historique", Cagliostro
ou l'Intrigante et le cardinal
(BNF, Y2 20477) qui devient en 1840 "Marquise et charlatan ou
l'Intrigante et le Cardinal" (BNF, Y2 47150). Il y reproduit
notamment le "Mémoire à consulter de Mlle Leguai d'Oliva dans
le procès du Collier". Cagliostro y est appelé "chef des
mages modernes," " chef sublime des sciences occultes".
Il devient un acteur central dans le procès du cardinal de Rohan. En
1846, Lamothe- Langon publiera de pseudo Mémoires
de la Comtesse de Valois de La Mothe.
(BNF, Ln27 11297)
Les
pseudo-déclarations de Louis XVIII.
Lamothe-Langon
a, en effet, produit un grand nombre de fausses ou de faux Mémoires
de personnages célèbres dont certains visaient, selon N. Cohn, à
favoriser Naundorff.
C'est
ainsi que dans les Soirées
de Louis XVIII,
(Paris, 1835, op.
cit. p. 329, le roi se serait ainsi exprimé sur l'affaire des faux
dauphins:
"Si
le Masque de fer a trouvé tant d'admirations crédules, il fallait
s'attendre que le roi, mon neveu, descendu au tombeau dans l'enceinte
étroite et cachée d'une prison ne manquerait pas d'intrigues (..).
A Hervagault a succédé Mathurin Bruneau qui osa se dire Louis XVII
sous la main de fer de Buonaparte, et qui aujourd'hui me redemande
son sceptre" (59e soirée), "Le masque de fer"). Louis
XVIII ne pouvait de toute façon ignorer que certains prétendaient
être son neveu et retrouver un jour ou l'autre leur trône perdu.
C'est dans la perspective d'un retour possible annoncé que le
prophétisme assume sa fonction récurrente.
Les
attaques contre le prophétisme.
Quel
rapport existe-t-il entre le prophétisme et les faux dauphins,
demandera-t-on. En 1837, A (uguste) F. V. Thomas, répond à cette
interrogation, notamment, dans son Naundorff,
mémoire à consulter sur l'intrigue du dernier des faux Louis XVII
(BNF, 8° Ln27 15083), ouvrage probablement réalisé à
l'instigation de la police, contre La
Voix d'un proscrit, mémoire historique et judiciaire
(BNF, 8° Lb51 3068) périodique naundorfien (cf infra), et qui
provoquera, l'année suivante une Réponse
au pamphlet intitulé Mémoire à consulter,
de Ch. de Tenper , Paris (BNF, Ln27 15084).
Le
texte de Thomas nous semble assez éclairant et inspirera Quèrard il
aborde le cas de Martin de Galardon: "Les prophéties de Martin,
sur lesquelles on avait gardé un silence prudent, on les tout à
coup révélées et on a eu d'autant plus de facilité à leur donner
un grand caractère d'exactitude qu'on les a taillées sur les
événements accomplis. A mesure que l'avenir devenait du passé, le
livre prophétique s'agrandissait pour recevoir de nouvelles pages.
C'est ainsi que Martin s'est trouvé avoir annoncé la mort de Mgr le
Duc de Berry, la révolution de Juillet, l'apparition de M.
Naundorff, sa reconnaissance par le paysan de Galardon" Et de
poursuivre à propos de 1840: "Nous ne parlerons pas de son
avènement au trône qui aura lieu en 1840, parce que, sans doute,
d'ici là (à) son règne (sera) encore différé de quelques années
pour punir la France du peu d'enthousiasme qu'elle a fait éclater en
apprenant sa venue".
Puis
Thomas analyse la complicité qui lie prophètes et prétendants:
Naundorff
"se fit adepte de Martin et les Martiniens ne voulant pas être
de retour de courtoisie (et) se firent Naundorfistes. Il admit que le
paysan de Gallardon était un prophète et les partisans de celui-ci
admirent que l'horloger prussien était le fils de Louis XVII".
On pourrait vraisemblablement retrouver le procédé dans certains
liens entre Henri de Navarre et un Chavigny, autour de 1589.
En
1850, Quèrard consacrera à la question de nombreuses pages de ses
Supercheries
Littéraires,
dépassant l'ampleur habituelle de ses notices . Dans un article
intitulé "Quérard pamphlétaire", il se fera sévèrement
rabrouer dans les colonnes de l'Inflexible,
journal proche de Richemont , pour avoir mélangé les textes
favorables à celui-ci et ceux qui soutenaient Naundorf ou ses
héritiers. C'est à cette époque, en 1850, que Richemont aurait
rencontré la "prophétesse de Niederbronn".
L'attente
autour du fils de Louis-Philippe
Alors
que le petit fils de Charles X a le double handicap de l'âge -
l'idée d'un enfant roi et d'une régence est plus difficile à
accepter au XIXe siècle - et de son oncle, le Duc d'Angoulême, sans
parler de Louis XVII, certaines prophéties se portent vers
Ferdinand- Philippe, né en 1810, aîné des fils de Louis Philippe .
C'est
dans un commentaire autour de la prophétie d'une religieuse que nous
découvrons une telle attente: Prophéties
d'une religieuse de Belley, publiées par M. de la Marne,
Paris, 1831 . Il s'agit de l'oeuvre de Louis Philibert Machet de la
Marne .
Prophétie:
"En l'an 1840, l'enfant de l'exil lui succèdera et la paix
alors sera donnée à la France. (p. 9)
Commentaire:
" En l'an 1840, le duc de Chartres né à Palerme durant l'exil
de ses parents, succèdera à son père qui, pour finir sa vie dans
le repos, lui aura cédé le trône. En ce temps, une paix profonde
se fera dans toute la France."
Lorsque
Collin de Plancy publie en 1840 sa Fin
des Temps,
préfacée par Bareste, il reprend ce passage ayant 1840 pour
échéance, sans le commentaire certes mais en renvoyant
explicitement au texte de Machet de la Marne. En 1848, l'édition
belge comporte toujours la référence à 1840. En revanche, celle de
1871, parue chez Plon, ne mentionne plus cette date (p.134): on lit
seulement "L'enfant de l'exil lui succèdera; la paix alors sera
donnée à la France. Mais la fin des temps ne sera pas éloignée".
En revanche, la mention de juillet 1830 est restée puisqu'elle
annonce la Monarchie de Juillet, information dont disposait le
rédacteur de la dite prédiction qui ne semble pas avoir été
publiée auparavant.
Il
convient donc de se reporter à Machet, auquel se réfère Demonville
, dont le texte prend acte de la multitude des prétendants, qui
n'est pas sans évoquer l'élection d'un roi de Pologne, un trône
est à prendre; dans le texte de Collin, on lit "Des cris
retentissent de toutes parts: Vive la république, vive Napoléon,
vive Henri, Vive louis". Là encore, le compilateur a supprimé
les chiffres figurant en 1831: Napoléon III, Henri V, Louis XVII. En
fait, c'est bien un autre candidat qui est ici prévu, on l'a vu,
Ferdinand-Philippe , le fils du roi des Français.
Ainsi
par le jeu des renvois bibliographiques - dont on saisit le rôle
déterminant pour une sorte de jeu de piste - le lecteur finit-il par
découvrir ce qui est en filigrane dans le recueil: non pas
l'avènement d'un Bonaparte ou d'un Bourbon de la branche aînée
mais du rejeton de Louis-Philippe, ce qui aurait pour effet d'engager
de façon décisive le processus dynastique au delà de sa seule
personne, c'eût été clore alors définitivement le chapitre
Charles X comme Machet le note dans sa troisième édition. Mais en
1842, Ferdinand-Philippe meurt, victime d'une chute de calèche, à
Neuilly, chemin de la Révolte . En tout cas, la mort du Duc
d'Orléans fut ressentie comme une catastrophe pour les Orléanistes.
Madrolle y voit un parallèle avec la fin du duc de Berry. Dans les
deux cas, le flambeau passe au petit-fils, encore enfant mais cela le
conforte surtout dans ses espérances en faveur de Naundorf.
Désormais
les chances de Louis-Philippe s'amenuisent sensiblement de
constituer une souche royale car le prince défunt laisse un tout
jeune fils, le comte de Paris, ce qui empêche un autre fils du roi
de remplacer le Duc d'Orléans. Il importe de mettre en place une
éventuelle régence, le roi se sentant vieillir. Deux ans après,
meurt le Duc d'Angoulême, Karl Naundorf, l'horloger qui se
prétendait Louis XVII, décède en 1845: le champ est libre pour
Henri V, qui en 1845 a 25 ans.
Ainsi,
les conspirateurs de cette campagne prophétique auraient-ils visé
une révolution de palais, le fils, Ferdinand, remplaçant le père
abdiquant, non sans avoir atteint une certaine apogée, notamment en
s'alliant à un pape Hohenlohe (cf infra).
Or,
cette espérance n'est nullement le seul fait de quelque illuminé:
Casimir Périer avait en 1831, alors qu'il est Président du Conseil,
envisagé une telle issue pour créer un fait dynastique. Le Prince
Royal, le nouveau Duc d'Orléans qui depuis l'avénement de son père,
fait carrière dans l'armée, soutenu par le Maréchal Soult qui
opine dans ce sens, sera mis en avant, à l'occasion des émeutes des
canuts de Lyon de novembre. Mais Périer meurt du choléra en 1832, à
la suite d'une visite à l'Hôtel Dieu en compagnie du Duc d'Orléans
.
Machet
de la Marne confirme au demeurant sa thèse en citant un autre
texte, celui d'un "cultivateur de Villeneuve de Berg". Il
s'agit d'un certain Deleuze, lecteur de Nostradamus, qui annonce un
règne "court" pour le futur Louis-Philippe". Machet
commente: "Ce règne durera 10 ans (..). En le comparant à ceux
de 30 et 40 années, on peut le trouver court" (Troisième
édition p. 19)
Machet
confirme sa prophétie à propos du fils de Louis- Philippe (p. 22,
note 3). "Au moment de l'abdication de Philippe
(Louis-Philippe), l'empereur de Russie se trouvera près de Turin, à
la tête d'une armée, et le duc de Chartres, dans la ville même.
L'empereur conduira ce prince jusqu'à la frontière de France, où
des régiments français iront le recevoir" (Troisième édition,
p. 23).
Quant
à Henri V, Machet, qui publie en 1831, le verrait bien régner "dans
une province des états napolitains qui lui sera donnée en apanage
par S. M. le roi de Naples, son oncle" (p. 20, note 2). On se
débarasse ainsi assez cavalièrement du petit-fils de Charles X.
La
satire des Prophéties
Il
eût été bien surprenant qu'une telle agitation prophétique restât
sans réaction. L'historien de ce domaine se doit d'explorer les
résistances et les rejets, nous l'avons vu à propos des "Faux
Dauphins".
A
la fin de 1830 qui avait notamment vu paraître les productions
d'Edouard Bricon , on publiait à Lyon (Impr. Gabriel Rossary) des
Etrennes aux amateurs de Prophéties politiques ou l'année 1831"
(BNF, Ye 21636).
Il
s'agit d'un long texte en vers faisant référence au Liber
Mirabilis
(sic) et àHolzhauser, accessoirement, à deux reprises, à
Nostradamus, mais aussi à Deleuze et à Martin de Gallardon.
L'auteur
est un des premiers à dénoncer l'attribution de la
Prophétie de Vatiguero"
à Saint Césaire:
"Nous
croyons à Césaire, antique et saint- prélat
Mais
le Césaire obscur moine de son état
Qui
dans un faux latin de l'avenir nous parle
N'est
pas le saint- pasteur qu'on révère dans Arles"
A
propos du Mirabilis Liber:
"LIBER
MIRABILIS, je l'ai lu ce bouquin
Ces
noires visions d'un portefroc taquin
Et
son commentateur le père MALACHIE
Ces
deux moines cruels nous donnent l'anarchie"
Et
d'imiter le style animalier et floral:
"Et
triomphant enfin der la rébellion
Par
le serre de l'aigle ou la dent du lion
Ou
par un fils de roi présentent à la France
Une
branche de lys, symbole d'espérance"
Toujours
en vers, on nous rappelle que le "savant.Barbier, qui l'attribue
à "Bermevhobi (sic)" - déformation de
Bemechobus/Methodius - affirme que le livre fut imprimé au XVIe
siècle "vers l'an 45", mais dans ce cas que dire des
Prophéties qu'il comporte et qui s'arrêtent en l'an 1516? Rappelons
que pour relier ce texte aux événement révolutionnaires et
post-révolutionnaires, il convenait d'utiliser un chiffre
complémentaire.
Thomas
Martin et l'attente de 1840
L'avènement
de Louis-Philippe puis l'approche de la date fatidique de 1840
conduisent à des rééditions de la Relation
de Silvy qui adopte en 1830 un titre plus explicite: Relation
concernant les événemens qui sont arrivés au sieur Martin (à)
dans les premiers mois de 1816.
Nouvelle édition augmentée de plusieurs lettres du sieur Martin sur
de nouvelles apparitions
etc, chez Hivert (BNF, 8° Lb48 528). A la suite de cette réédition,
paraît en cette même année 1831, à Paris et à Marseille une
Concordance
singulière de deux prétendues apparitions qui ont fait beaucoup de
bruit en France pendant les XVIIe et XIXe siècles
(BNF, Lb37 4089). Ce recueil comporte une première étude sur
François Michel, Maréchal Ferrant de Salon reçu par Louis XIV,
l'autre l'"entrevue de Thomas Martin " avec Louis XVIII. On
y trouve également d'autres prophéties: Malachie, Liber
Mirabilis,
Nostradamus.
En
1832, Bricon, publiera un quatrième volume prophétique, d'un
certain Perreau: Le
Passé et l'avenir expliqués par des événements extraordinaires
arrivés à Thomas Martin Thomas
laboureur de la Beauce (..). On y a joint une dissertation sur le
procès- verbal de la mort de Louis XVII, sur les Mémoires dits du
Duc de Normandie
(BNF, 8° Lb48 2898). Silvy, dont le texte figure dans ce recueil,
réagit, en cette même année 1832, par une réponse figurant
séparément puis dans une réédition de sa Relation.
Silvy opte désormais pour l'autre variante à propos de 1840:
"L'Ange lui annonça encore que la paix ne serait pas rendue à
la France avant
l'année 1840" (p. 31).
La
chute de Charles X s'accompagna par ailleurs dans les années 31-32
de l'émergence des prétentions d'un Louis XVII, ayant atteint la
quarantaine parallèlement à celle d'une régence en faveur d'Henri
V, âgé de dix ans. Il semble bien que dès la Restauration, des
prétendants se soient présentés. Un recueil des
Destinées futures de la France
paru en 1832 comportant une Lettre
àLouis- Philippe Ier lui demandant d'abdiquer en faveur du petit
fils de Charles X., alors âgé de 12 ans. C'est aussi un exemple
d'utilisation orientée des
Prophéties
(de Moult) deMoult . Son auteur A. Antoine (de St Gervais ) nous
indique qu'il se sert d'une édition comportant également la
Prophétie de Naples"
dans laquelle figure pour l'année 1840 la formule ": "
Pastor
non erit.
Il pourrait s'agir des
Nouvelles Conjectures"
Les "prophéties de Thomas Martin laboureur à Gallardon en
Beauce" y figurent en bonne place (p. 4).
La
publication du recueil de Perreau, chez Bricon trouve également à
partir de juillet 1832 un écho dans le Journal
des Presbytères et Archives de la Religion Catholique
(BNF, F 37486): "Notice historique sur Martin de Gallardon et
sur ses apparitions". A propos de la date de 1840, on peut lire:
"L'Ange lui annonça que la paix ne serait rendue à la France
qu'après l'an 1840 ". En note, il est précisé: "Voici
les propres expressions de l'Ange à ce sujet: " Si la France ne
se hâte de mettre fin à ses désordres, elle sera dans l'agitation
jusqu'à l'an 1840". La première décennie du règne de Louis-
Philippe n'est pas présentée sous les meilleurs auspices à moins
de prendre des mesures radicales.
En
cette même année, un certain Fortin publie à Paris (BNF, 8° Ln27
15065). contre Antoine (de Saint-Gervais), une Existence
de Louis XVII prouvée par les faits et les prophéties et réponse
aux brochures de MM de St Gervais et Eckard
. On y trouve une "Suite des Prophéties de Saint Césaire
archevêque d'Arles et qui se trouvent pages première et suivantes
Libri Mirabilis, déposé à la Bibliothèque Nationale de Paris et
dont l'édition remonte aux premiers temps de l'imprimerie".
Fortin
essaie d'y montrer que les textes prophétiques ne conviennent que
pour le fils de Louis XVI. "Mais un prince qui aura été captif
dans sa jeunesse "juvenis captivatus" recouvrera la
couronne de lis etc" ne peut concerner que le fils de Louis XVI.
Il n'y a de prince captif dans sa jeunesse que le Duc de Normandie.
"Recouvrera la couronne des lis": pour recouvrer un bien,
il faut l'avoir possédé puis perdu." Voilà probablement qui
veut disqualifier le Comte de Chambord. En renfort de Mademoiselle Le
Normand.
Curieusement,
son adversaire, Antoine de Saint-Gervais, qui défend la thèse de la
mort du Dauphin à l'instar d'un Jean Eckard est également, on l'a
vu, un chaud partisan des prophéties et singulièrement de celle
dite de Saint Césaire avec ses Destinées
futures de la France d'après les révélations prophétiques de
personnes inspirées du ciel suivie d'une lettre à Louis-Philippe
Ier.
"Notre jeune Henri, écrit Antoine, a bien été captif depuis
son départ de St Cloud jusqu'à son embarquement à Cherbourg"
En
1839, un certain Elie Caisson met en cause les travaux de Bellaud
dans
Napoléon Ier, empereur des Français, prédit par Nostradamus".
Il montre que d'autres quatrains complètent fort bien le portrait de
l'Empereur, lesquels ont été négligés par ses thuriféraires de
1806.
Il
circule également dans les années trente des mémoires de Napoléon
à Ste Hélène (BNF, Lb51 2217) à caractère prophétique: ainsi ce
Manuscrit du Matelot anglais, l'intime de Napoléon William Killian
publié par M. Hibermann, libraire à Philadelphie"
paru dans un
Extrait des Prévisions, Prédictions et Prophéties de Napoléon à
l'Ile Ste Héléne.
En
date du 6 juillet 1820, on y lit (p.16):
"Aujourd'hui,
le général a beaucoup parlé de cette demoiselle Lenormant (sic)
qu'il a déjà citée. C'était une fille fort extraordinaire, qui
eût pu jouer un plus grand rôle dans le monde, si elle eût eu plus
de hardiesse. Napoléon a dit: "J'appris qu'elle voulait publier
les malheurs que l'avenir me préparait. J'allai la trouver et la
menaçai des oubliettes de Vincennes. Cette pauvre fille toute
tremblante me jura que personne au monde n'entendrait parler ni de
l'île d'Elbe, ni de Ste Hélène; qu'elle aimerait mieux renoncer à
son art que de troubler en rien le repos de ma majesté. J'ai souvent
regretté d'en avoir ainsi agi avec elle, non pas que j'éprouvasse
des remords d'avoir parlé d'oubliettes (c'était plaisanterie de ma
part) mais j'aurais voulu que le monde connût ces prédictions: en
les voyant accomplies, on n'eût pu douter de la mission que j'avais
reçue".
Les
Prophéties pour 1912
En
1837 le Comte N. d'Hédouville fait paraître, chez Perisse Frères,
Les sept âges de l'Eglise ou Introduction à la lecture de la
Révélation de St Jean"
(BNF, A 9095) qui reprend le calcul de l'AbbéWurtz qu'il cite
seulement comme l'"auteur des Précurseurs de l'Antéchrist",
à partir de l'An 622, début de l'ère musulmane, auquel on ajoute
autant d'années qu'il y a de jours (1290) figurant dans le
Livre de Daniel".
Mais il existe une autre série de 1335 jours, soit un écart de 45
jours. On lit en effet dans Daniel (XII) 11-12): "Il se passera
1290 jours. Heureux celui qui attendra avec confiance et verra la fin
des 1335 jours", qui seront la durée de vie de l'Antéchrist
(p.341), ce qui nous amène à 1957 si l'on change les jours en
années. Et de noter que parmi ceux qui sont en vie en 1836, beaucoup
connaîtront cette fatidique année 1912.
II
- La prophétie d'Orval et 1840.
Pour
qu'il y ait processus prophétique, il faut qu'il y ait généralement
un intérêt politique assez immédiat, même lorsque le travail
impliqué peut sembler disproportionné. C'est ainsi que la
Prophétie de St Malachie
a fort bien pu être élaborée, initialement, dans le seul but de
faire élire un Pape, le futur Grégoire XIV, ou mieux encore un
cardinal qui ne fut même pas choisi (devise 75 De
antiquitate urbis).
Les
années 1839-1840 et la Cabale contre Louis Philippe
La
Prophétie d'Orval"
- qui constitue l'apport principal du XIXe siècle à la littérature
du genre en France - fut, on le conçoit, l'oeuvre d'opposants au
pouvoir Orléanais. Rappelons que Mademoiselle Lenormand continue à
publier ses "feuillets d'Olivarius" dans les Années Trente
et il nous semble très probable que la Prophétie d'Orval soit un
avatar de ceux- ci, elle puise simplement dans les mêmes sources,
outre qu'on l'attribue à un certain Philippe Olivarius. Des formules
comme "Celte Gaulois" semblent fort lenormandiennes. On
retrouve le nom de Brutus, emprunté à Vatiguero, dans les
feuillets, on y recourt à la Lune pour marquer le temps, même si la
prophétie d'Hermann de Lehnin, liste des rois de Prusse, sur le
modéle de la prophétie de Saint Malachie 9a
pu inspirer le récit de l'invention
du texte (abbaye cistercienne). Si Mlle Lenormand, Marie-Anne ou
ceux qui travaillent pour elle, n'ont pas crié à l'imposture lors
de la parution de la Prophétie d'Orval en 1839, ne serait- ce pas
parce que celle-ci était partie prenante?
On
cite également vers 1840 le quatrain de Nostradamus:
“Philippe,
sept ans fortune prospère
Arrêtera
des Arabes l'effort
Mais,
après adverse affaire
Un
jeune oignon abîmera son fort”
Si
l'on comprend comment 1789, 1830 et 1870 provoquèrent des réactions
de type prophétique, si le fait que tel phénomène ait lieu peut
rendre compte de certaines effervescences à certains moments, en
revanche, l'on comprend moins bien, si l'on se situe au niveau de
l'Histoire vulgarisée, ce qui a pu entraîner dans le cours de
l'année 1839 une telle production, provoquer une telle fièvre. Il
importera, pour l'historien de la prophétie, d'en rechercher les
causes dans la vie politique de l'époque, ce qui permettra d'exhumer
certains événements jugés importants à l'époque mais considérés
rétrospectivement, à tort ou à raison, comme assez négligeables.
Récits
d'invention
Les
prophéties olivariennes accordent beaucoup d'importance à la mise
en place d'une généalogie,
d'une transmission étalée sur plusieurs décennies voire sur
plusieurs siècles encore que les troubles de la Révolution aient,
selon de tels discours, en quelque sorte contribué à faire
ressortir des abbayes divers textes oubliés, lors de la
confiscation; il est d'ailleurs exact que les fonds conservés par
l'Eglise passèrent en partie dans les bibliothèques municipales et
que le Mirabilis
Liber
fut exposé à la Bibliothèque du Panthéon, au lendemain de la
Révolution.
En
ce qui concerne la
Prophétie d'Orval"
nous avons le récit de l'Abbé Aimé F. James alias Henri Dujardin
(Le
Propagateur de la Foi
(Tome V) :
“Lorsque
les Français révolutionnaires vinrent faire le blocus de Luxembourg
(à) L’abbé d’Orval et ses moines arrivèrent dans la place avec
(à) une partie de leurs archives (à) Au bout de quelques jours,
l’abbé, en mettant en ordre les papiers qu’il avait sauvés
trouva les Prévisions d'un Solitaire (à). Il les apporta au
maréchal (de Bender) qui, dit-on, en rit beaucoup. Mais les Français
de distinction qui se trouvaient dans son salon en prirent des
copies, qui se répandirent dans toute la ville et au delà”.
On
n'hésite pas à allécher le lecteur: "Après de longues et
nombreuses recherches, nous avons découvert un vénérable
ecclésiastique qui possède le commencement des Prévisions du
Solitaire. Sitôt que cette pièce importante sera entre nos mains,
nous nous empresserons de la publier". Il ne semble pas que
cette première partie de la
Prophétie d'Orval"
ait jamais été publiée encore que la tâche n'eût guère été
ardue puisqu'il ne s'agissait que de rédiger un historique des
événements prérévolutionnaires, en un style adéquat. On voit à
quel point le prophète se mue parfois en historien et le
chronologiste en prophète.
Les
passages manquants des Prophéties ;
Un
trait commun aux Prophéties
d'Olivarius
et d'Orval
est de ne pas être parvenues, du moins aux dires de leurs
commentateurs/éditeurs, en entier. L'on n'a généralement conservé
que la partie concernant l'époque de leur . C'est ainsi que la
Prophétie d'Orval dans sa réédition par Dujardin de l'Oracle
pour 1840
débute en 1848 par le sous titre "suite".
Or,
déjà au début du XVIIe siècle, nous trouvons cet argument:
Orval:
(cf.Collin de Plancy, 1840, La
Fin des Temps)
Même
discours, on le verra, pour la prophétie jumelle d'Olivarius.
Il
est certain qu'il était préférable d'insister sur le fait qu'il ne
s'agissait pas d'une prophétie ad-hoc,
d'où l'insistance à rappeler qu'il ne s'agit que d'un extrait qui
couvre de longues périodes dont celle qui intéresse l'époque. Il y
eut d'ailleurs des tentatives pour augmenter ces prophéties en les
faisant commencer plus tôt.
Orval
et Henri V
Si
Napoléon est clairement représenté ainsi que la Restauration et la
Monarchie de Juillet, celui auquel on pense dès 1840 et auquel on
pensera encore en 1870, est Henri V, né en 1820 et désigné par
Charles X comme successeur, alors qu'il n'a que dix ans. Il s'agit
donc avec la
Prophétie d'Orval"
d'un document légitimiste qui rejette Louis-Philippe comme
usurpateur.
Publiée
pour la première fois en 1839-40 dans le but de favoriser la venue
d'Henri V parvenu à l'âge de vingt ans, Louis-Philippe; ne
devant, selon la volonté de Charles X;, qu'assurer une sorte de
lieutenance générale, de , elle se veut antérieure à l'abdication
de Charles X, si l'on en croit ses partisans. Pourquoi cette
insistance dans la chronologie ? Si l'on considère que la Révolution
de 1830 et ses retombées étaient assez imprévisibles _ et ce fut
en effet un certain jeu de dupes _ avoir annoncé le retour d'un
héritier légitime impliquait que le trône ait été perdu ou
confisqué. En revanche, si la Prophétie
était parue après 1830, les données du problème étaient déjà
posées et le calcul politique plus évident. N'a-t-on pas parlé de
à propos de cette Prophétie
? Et il est vrai que les discussions sur son authenticité sont assez
comparables à celles concernant un miracle ou une béatification, ce
dont le XIXe siècle fut friand, d'ailleurs.
III - Le milieu
prophétique sous Louis Philippe.
1840
voit en effet - dix ans après Bricon - la publication de plusieurs
sommes de prophéties qui se recopient largement et ouvertement dans
une sorte de conspiration. Le mieux informé, celui qui est
probablement allé le plus à la source fut l'Abbé James alias Henri
Dujardin, auteur de l'Oracle
pour 1840
paru à la fin de 1839. Lui emboîtera le pas le jeune. Bareste;
(1814-1861) qui profite de la publication de son
Nostradamus
pour y joindre de nombreuses digressions empruntées à.. Dujardin et
notamment une
Explication des quatrains de Nostradamus".
D'ailleurs il publie chez le même éditeur, Maillet, , Bareste
remaniera pour la circonstance un feuilleton qu'il avait fait
paraître dans le Capitole
du 21 octobre 1839, journal au demeurant connu pour ses positions
bonapartistes. Signalons que les Prophéties d'Olivarius et d'Orval
débutent par une allusion à Napoléon Bonaparte.
Bareste,
dans son Nostradamus
de 1840, 1852, (Art. "Nostradamus") signale un texte
consacré à Nostradamus paru en 1839 dans La Gazette
de Paris
(5 et 25 mars 1839). met bout à bout les deux prophéties
olivariennes (pp. 220 et seq) la Prophétie d'Olivarius telle que l'a
rapportée Mademoiselle Le Normand. Dans le Capitole,
Bareste fait ainsi pendant aux publications chargées de la promotion
de la Prophétie d'Orval en cette même année 1839. Bareste en
propose une version plus romancée que celle figurant chez M. A.. Le
Normand laquelle avait placée le texte en note:
"Un
soir (à) Napoléon se rendit à la Malmaison. Il aimait beaucoup y
causer merveilleux, surtout avec Joséphine qu'il savait être très
superstitieuse. Un soir donc il arrive, parle de ses immenses projets
et termine en remettant entre les mains de l'impératrice un vieux
livre manuscrit composé en 1542. Tiens, lui dit l'Empereur en
ouvrant cet in 12 relié en parchemin et jauni par le temps, regarde
et lis. Joséphine lut à haute voix: Prédictions du Maistre Noel
Olivarius" etc. On notera que Bareste n'emploie pas ici la
formule "Prophétie" utulisée par Mademoiselle Le Normand
dans les Mémoires
Historiques et secrets.
Curieusement,
Bareste survivra non pas à travers son Nostradamus,
qui ne sera pas réédité, mais grâce à un court extrait intitulé
Nostradamus et Napoléon,
figurant dans une anthologie intitulée
L'Echo des feuilletons;
et qui paraîtra jusque dans les années soixante. Ce sera aussi
grâce à une brève notice "Les prophéties" au sein du
recueil
La Fin des Temps"
dont l'auteur n'est pas indiqué et dont on saura plus tard qu'il
s'agit de Collin de Plancy; qui en tout état de cause reprendra
diverses études de Dujardin, H. et deBareste, E. .
Enfin,
Bareste fonde en 1841 l'Almanach
Prophétique
sous
le nom de , faisant référence à l'ouvrage de ce nom rédigé par
lui-même. L'abbé Torné-Chavigny en reprendra l'idée dans les
années 1870 avec son Almanach
du Grand Prophète.
Mais, dès 1848, l'identité de l'auteur de l'Almanach
évolue ": ": ce n'est plus l' mais le . Dans cette veine,
il y aura bientôt des descendants de Moult et de. Maginus; (cf.
infra)à
Le
contenu astrologique de cet Almanach
est d'un certain niveau comme en témoigne l'édition de 1844 une
étude sur les "conjonctions planétaires" qui propose des
correspondances historiques entre conjonctions planétaires et
événements: la conjonction de Mercure, Vénus, Mars et Jupiter en
1725 correspondrait ainsi au Traité de Hanovre. Pour 1792, on donne
l'explication suivante selon laquelle le 22 septembre de cette année,
Saturne dominait tandis que le Soleil en opposition en Balance se
trouvait à proximité de toutes les autres planètes (sans tenir
compte des planètes transsaturniennes). Pour 1801 et le retour de la
paix, il s'agit d'une conjonction de la Lune, Vénus, Jupiter et
Saturne en Lion, le 3 octobre.
Enfin,
pour 1830, le 28 juillet le Soleil en Lion apparut avec Saturne,
Mercure et Vénus, à peu de distance de la Lune et en opposition à
Mars, Vénus et Jupiter, etc.
Il
est clair que l'auteur de ces cogitations, dans les années quarante
du XIXe siècle, a su maintenir une certaine continuité avec les
astrologues des siècles précédents. On trouve d'ailleurs dans le
même
Almanach Prophétique"
pour 1844 une étude du même ordre consacrée aux comètes.
Cette
publication ne fait pas l'unanimité et l'on publie très vite chez
Bureau, à Paris, un
Anti-Nostradamus, almanach historique, utile, moral et amusant pour
1843, contenant une réfutation curieuse des calculs de l'Almanach
Prophétique"
(BNF) qui plus tard prendra le titre d'"anti prophétique".
Sur
la couverture de l'almanach "anti-prophétique" - puisqu'il
se présente également comme tel - un portrait de "Barestadamus"
(BNF, Recueil 8° V 3204). L'exemplaire dont nous disposons pour 1847
comporte des développements sur Nostradamus, ainsi cette Apostrophe
à Nostradamus sur son lit de mort.
L'auteur
de l'article "Nostradamus" ironise sur le fameux quatrain
de la fuite à Varennes et s'en prend notamment à Bellaud .
"De
nuit viendra par la forêt de Reines
Deux
parts, Voltorte, herne pierre blanche
Le
moine noir en gris dedans Varennes
Elu
cap, cause tempête, feu,sang, tranche "
"Vous
riez, c'est que vous trouvez ces vers absurdes et cherchez en vain le
rapport qu'ils peuvent avoir avec la fuite de qui que ce soit.
Ecoutez pourtant le Docteur Bellaud (..). Il vous dira que le "moine
noir" est l'équivalent de "le nommé roi"; il
ajoutera que "herne" signifie reine, deux parts, deux
époux, voltorte, chemin détourné, cap, chef, pierre blanche, la
robe de mousseline de la reine". Le signataire de cette
diatribe, un certain Moeder, Pierre (maître Pierre) refuse de
s'extasier sur la présence du nom de Varennes et poursuit: "Par
une critique analogue, le docteur Bellaud (..) est parvenu à trouver
dans les quatrains de Nostradamus la prédiction de la
Saint-Barthélemy, de la mort de Charles Ier, roi d'Angleterre, de la
persécution de l'Eglise Chrétienne, en 1792, de l'élévation de
Napoléon etc mais après l'événement" (pp 33-34).
L'autre
Almanach Prophétique
Bareste
a en face de lui Antoine Madrolle, qui publie également un
Almanach. Il s'agit de l'Almanach
prophétique perpétuel (BNF, 8° V 12672), pour 1849 "et sutout
1850" auquel
fera suite un
Almanach de Dieu seul prophétique et perpétuel. Edition
nouvelle pour 1852-1856
(BNF, 8° R 27914) qui
reprend largement le même texte avec quelques changements
significatifs dans l'introduction.
Madrolle
prend en effet à partie l'"almanach soi disant prophétique"
qui
"a prédit en 1842 pour 1843 (à peu près comme Jurieu, avait
juré en 1688 pour 1689 la fin de la Rome éternelle".
Un
personnage clef des années Quarante, Gabriel de Bourbon-Busset
Bien
souvent, un homme réussit à lui seul à animer divers personnages,
un véritable monde qui n'existerait pas sans lui, on pense à un
Lamothe-Langon. Derrière les pseudonymes de Francis Girault, du Dr
Lecabel, d' Hortensius Flamel, des derniers textes de Mlle Lenormand,
de la Comtesse de ***, un seul et même homme, Gabriel de
Bourbon-Busset . Précédant Bareste, dès 1836, le Dr Lecabel
propose une étude assez rigoureuse de la bibliographie de
Nostradamus, dans
son Voyage imprévu dans le pays des intelligences ou quelques
prédictions très remarquables de Nostradamus"
(BNF, Lb51 2596).
En
mars 1839 paraissait dans la Gazette
de France
un article intitulé
Vérifications et explications de quelques Prophéties remarquables
de Nostradamus",
signé Francis Girault. Il y est question du
Voyage imprévu
paru en août 1836. L'ouvrage, qui constitue une étude critique de
celui de Bouys, paraît en pleine querelle des dauphins et
Bourbon-Busset qui est un des avocats de Naundorf aux côtés de
Gruau, n'hésitera pas (p. 29) à apporter un quatrain à l'appui:
"Vous (y) voyez un autre roi, jugé, condamné et exécuté à
la voix d'une assemblée régnante, son épouse condamnée à mort
pardes jurés, l'existence déniée à leur fils
qu'on n'ose pas assassiner et qu'on ne peut en juger car il a beau
dire J'existe, on répond "Non, vous êtes mort."
Un
peu plus tard, F. Girault publie une lettre du dit Docteur Lecabel.
L'auteur de l'article va rendre visite à l'auteur de l'ouvrage dans
une maison sordide. Il semble bien que Paul Christian, l'auteur de
l'Homme
Rouge des Tuileries
ait pu s'inspirer, vingt ans plus tard, de ce récit pour camper
Bonaventure.i. Guyon, Bonaventure, l'astrologue de la Révolution
.
C'est
à la suite de ces publications dans la presse qu'en cette même
année 1839 un certain P. C(haillot) décida, de peur de se faire,
dit-il, traiter de plagiaire, de rendre public son propre commentaire
de Nostradamus reprenant le titre de
Vraies Centuries et Prophéties de Maître Michel Nostradamus
interprétées pour le
passé, le présent et l'avenir
et corrigées d'après les plus anciennes éditions",
à Avignon chez Pierre Chaillot , le Jeune. On y trouve des versions
abrégées de la Préface à César et de l'Epître à Henri II.
comme le note R. Benazra, ( RCN 1990, p. 382).
Chaillot
curieusement se sert du titre de l'ouvrage de Girault qui reprend les
articles: Le
passé, le présent, passé et l'avenir
ou prédictions vérifiées, expliquées de quelques prophéties
remarquables de Michel Nostradamus.(BNF,
8° Lb51 2976) Il se contente d'entrecouper son édition des
centuries de quelques commentaires de temps à autre, qui rejoignent
parfois en effet ceux de Girault-Lecabel.
L'année
suivante, peu après la parution de l'Oracle
pour 1840
d'Henri Dujardin, Eugène. Bareste; publiait son
Nostradamus qui
comporte in
fine
une Explication des quatrains de Nostradamus laquelle est une
compilation de divers interprètes nommément cités tels Bouys, ou
le chevalier de. Jant; ou encore F. Girault
.
Bareste conclut de façon assez énigmatique: "Nous allons
rapporter d'autres quatrains qui peuvent s'appliquer à l'époque
actuelle. Nous devons ajouter que tout commentaire nous est interdit
en pareille circonstance" (p.525) Collin de Plancy , dans son
recueil préfacé par le même Bareste (La
Fin des temps,
Paris, 1840) conclut son étude sur Nostradamus par des "Quatrains
prophétiques qui regardent le présent et l'avenir". dont le
premier quatrain (X, 89) porte le nom de "Philip" allusion
évidente au souverain régnant. Un second quatrain est cité
comportant également ce prénom (VI,82). On y sent l'attente d'un
retour du roi légitime et au départ des Orléans. "L'arbre
qu'estoit par longtemps désséché/Dans une nuict viendra à
reverdir" (II,50). A l'instar du Janus
Gallicus,
on met en majuscules les mots clefs; PHILIP, ORLEANS (VIII,42), TIERS
(IX,5) - allusion à Adolphe Thiers (1797-1877) un des principaux
ministres de la Monarchie de Juillet - on écrit en italique
"Capitole"
(VI,13). Le premier verset du premier quatrain "Sept ans sera
PHILIP fortune prospère" désigne l'année 1837. Toujours en
1840, Collin de Plancy consacre un fort chapitre de sa
Fin des Temps"
consacré aux commentateurs de Nostradamus, dont un certain.
Telmunder auteur de Prophéties
qui seraient parues en 1840 mais non localisées .
Par
ailleurs. Bourbon-Busset-Giraul est biographe de Mlle Lenormand, .
En 1843 parait
Mlle Le Normand, sa biographie, ses prédictions extraordinaires par
Francis Girault avec une Introduction philosophique sur les sciences
occultes mises au regard des sciences naturelles"
qui parait chez Breteau et Pichery. La même année paraissent
les.m1.Dernières
Prophéties de Mlle Lenormand avec un commentaire par Hortensius
Flamel, Hortensius".
Il s'agit là d'un autre pseudonyme de Bourbon-Busset... Signalons
aussi en 1843 les Mémoires
et prophéties du petit homme rouge depuis la St Barthélémy jusqu'à
la fin des temps par une Sibylle,
attribués à Bareste (BNF, 8° Lb51 3778)
En
1845, parait enfin chez Breteau qui avait déjà publié la
biographie de Mlle Le Normand par F. Girault, un
Grand Jeu de Société. Pratiques secrètes de Mlle Lenormand par
Mlle la Comtesse de ***
qui connaîtra une édition en trois volumes et une autre en cinq.
Dans la
Vie de Mlle Le Normand,
un des volumes, le
Traité complet de chiromancie
avait été annoncé initialement aussi sous le nom de F. Girault.
En
1846, Alexandre Dumas, père, commence la publication des Mémoires
d'un médecin
dont la première série s'intitule "Joseph Balsamo" alias
Cagliostro, et la deuxième, "Le Collier de la Reine". Dans
ce dernier texte, l'auteur a suivi assez fidélement le cours du
procès de 1786, conservant le nom des divers protagonistes.
Portrait
du Prophète du XIXe siècle.
.
L'astrologue
devient ainsi un personnage pittoresque dont le protoptype semble
avoir été établi par Girault et repris par Paul Christian dans
son Homme
Rouge.
Francis
Girault:
“Nous
allâmes lui faire une visite dans sa retraite du Faubourg Saint
Jacques, au fond d’une cour ceinte de murailles crevassées par les
ans et qui menacent ruine (à) Nous nous trouvâmes après être
montés au quatriéme étage face à face avec un petit vieillard
maigre et osseux, vêtu d'une large houppelande et coiffé jusqu'aux
sourcils d'un bonnet fourré à la manière des anciens Alchimistes
(..). C'était le docteur Lecabel (..). J'aperçus dans la cellule
une grande table (…) couverte ou plutôt encombrée d'un pèle mêle
de livres antiques (..). La chambre entière était comme bordée
d'une tapisserie quadrangulaire de volumes, la plupart traitant des
sciences occultes” (1839)
Paul
Christian, - L'Homme
Rouge des Tuileries
“On
voyait encore, au commencement du siècle, dans la rue de
l’Estrapade, sur ce plateau du Mont Sainte-Geneviève que le vieux
Paris nomma pays Latin, une maison d’aspect sinistre (à) Haute
et maigre bâtisse, à fondements boîteux et dont les pores
exhalaient une froidure monacale (..) cinq étages crevassés (…)
porte basse, espèce de trappe verticale ouvrant un couloir étroit,
sombre et fétide (..) Une table en bois crasseux (…) supporte une
énorme bible in folio ouverte au milieu de la prophétie d'Ezéchiel
(..). Sous cette Bible et tout à l'entour chevauchent d'autres
volumes (…). Le locataire (..) vous apparait sous les traits d'un
septuagénaire dont le profil saturnien s'emmanche d'un cou décharné
(..), un surtout vert-olive étonné de couvrir encore quelqu'un...
un gilet jadis noir (à) voilà l'écorce authentique de cette ruine
humaine que le voisinage ne connaît que sous le nom ou le sobriquet
de bonhomme Bonaventure” (1860). On notera que la scéne est censée
se dérouler dans le même quartier latin où vécut Catherine
Théot, sous la Révolution (cf supra)
La
dette de Collin de Plancy
Les
auteurs de recueils prophétiques sont amenés à se piller les uns
les autres; c'est ainsi que si l'on trouve référence à Antoine
Couillard du Pavillon chez Collin de Plancy (1840), cela semble
être dû aux articles de Francis Girault parus au début de 1839
dans la Gazette
de France. Alors
que chez Girault, le récit se présente comme un roman initiatique -
la rencontre avec le Dr Lecabel - chez Collin, il s'agit d'un
chapitre intitulé le sieur du Pavillon (1560) lequel témoignait, en
s'en gaussant, que de son temps, les prophéties visaient la fin du
XVIIIe siècle. En réalité, dès 1822, ce texte avait été
mentionné par un certain François Bon.
En
attendant l'An 40
Le
8 janvier 1840 parait dans le Journal
des Débats
(BNF), de tendance ultra, un texte d'une colonne, sans titre:
“Plusieurs
des prophéties qui circulent partout depuis quelque temps
annonçaient la fin du monde pour hier le 6 janvier 1840 (à) On a
dit que 1840 est en ceci l’héritier direct de 1740, que des
bruits semblables ayant fini par attrister Louis XV aux abords de
cette année, les courtisans pour dissiper ces inquiétudes
s'amusaient des prophéties et de là serait venu le dicton: Je m'en
soucie comme de l'an Quarante”.
Souvent
ces Prophéties
et plus encore ces
Recueils de Prophéties"
sont de véritables jeux de piste, qui exigent un guide. Toutefois,
l'un des auteurs de recueils _ paru à Lyon en 1841 _ semble plus
explicite. Il apparait que la
Prophétie d'Orval"
comporte une certaine chronologie _ comme c'était le cas pour celle
de Jean de Vatiguero et il est clair que la présence d'une date ou
d'un moyen d'en calculer, excite les esprits.
On
trouve 10 ans en soustrayant "six fois trois lunes et quatre
fois cinq lunes" soit trois ans et quarante jours ("Et
voilà déjà six fois trois lunes et quatre fois cinq lunes que tout
se prépare") de quatorze fois six lunes et six fois treize
lunes, ce qui donne treize ans cinquante jours (Dieu est encore béni
pendant (à.). La différence est de dix ans, ce qui aboutit à 1840.
Mais
la
Prophétie d'Orval",
qui est désormais découpée en versets comme la Bible
_ ce qui permet une plus grande précision dans les renvois, est
truffée de ces éléments chronologiques tel que celui-ci: .soit
quatorze ans et 200 jours.
1840
Outre Rhin
Le
Nostradamus"
de Bareste sera traduit en allemand ver 1845 sans aucun texte
français des quatrains en référence. Mais en 1840 paraissent
également à Stuttgart, chez Sonnenwald, des
Prophezeiungen des Nostradamus nach der Lyoner Ausgabe von 1568".
En fait, les commentaires concernent essentiellement la vie politique
française depuis la Révolution et notamment Bonaparte, les Alliés
à Paris, la chute de Charles X; et notamment qui n'est autre
qu'Henri V . . Voilà qui montre à quel point il est contestable de
concevoir une bibliographie de Nostradamus sans y inclure les
éditions étrangères, et notamment dans les langues des pays
environnants.
1840,
année de complots
Il
est souvent difficile de cerner les enjeux politiques derrière cette
agitation prophétique. Force en tout cas est de constater que
Bareste publie alors - on l'a vu - dans le Capitole,
un journal bien connu pour représenter le parti napoléonien. Il
semble en fait que plusieurs candidats aient tenté de se positionner
par rapport à l'échéance de 1840, tant la culture prophétique
s'était alors répandue. Hoëné de Wronski en témoigne , lui
qui incarne une certaine sensibilité de ce courant, dans une
polémique avec les rédacteurs londoniens de l'idée napoléonnienne,
pris à parti par la Gazette
de France
.
Précisément,le
6 août 1840, le prince Louis Napoléon, profitant de l'engouement
provoqué cette année là par le retour des cendres aux Invalides,
de son oncle, fera une tentative à Boulogne/mer, entouré par une
petite troupe, pour se faire proclamer empereur en cette année 1840,
ce qui le conduira en prison, au fort de Ham, en Picardie, condamné
à la détention perpétuelle. Il s'en échappera en 1846 sous un
déguisement. Wronski, qui a également la fibre prophétique et
prône un "messianisme", s'adressera à Louis-Philippe pour
qu'il fasse preuve de mansuétude tout comme dans le cas de la
Duchesse de Berry . On peut se demander si cette tentative qui a
priori
semblait peu susceptible de réussite, n'a pas été encouragée par
un certain discours prophétique. Une pareille mésaventure avait été
le lot de Charles Emmanuel Ier, Duc de Savoie en 1601 (cf supra). En
ce qui concerne Henri V, il semble, d'après ses écrits, qu'il ait
attendu 1844 et la mort de son oncle, le Duc d'Angoulème ("Louis
XIX"), pour véritablement se considérer prétendant au trône.
L'abdication de Charles X en faveur de son petit-fils et non du
dauphin en titre depuis 1824 n'aurait donc pas été admise par le
Comte de Chambord devenu adulte, même si sa mère, notamment lors de
son équipée malheureuse de 1832, au début de la Monarchie de
Juillet, avait revendiqué ses droits au trône, alors qu'il était
âgé d'une douzaine d'années.
La
résurgence de la prophétie martinienne
La
Prophétie martinienne (tirant son nom du paysan de la Bauce) sera
également accessible en allemand puisqu'en 1839 paraissait à
Strasbourg, au sein du Royaume de France, un Bericht
über die sich mit einem Ackersmann aus der Beauce zugretragenen
Begebenheiten in den ersten Monaten des Jahres
1816 (BNF, Lb48 531), avec l'indication de l'échéance de 1840. Il
semble qu'il s'agisse d'une traduction des premières éditions dans
le titre desquelles ne figurait pas le nom de cet émule de Jeanne
d'Arc.
Il
ne semble pas toutefois que les apparitions de Thomas Martin aient
attiré l'attention de Dujardin qui dans son Oracle
pour 1840
n'en dit mot. Il faudra attendre la fin de 1840 alors que déjà
l'attente prophétique est quelque peu retombée, pour que Collin de
Plancy lui accorde pas moins de 45 pages de son recueil La
Fin des Temps
en s'appuyant sur le Journal
des Presbytères
de 1832. Pourtant, l'on peut raisonnablement penser que l'échéance
de 1840 était apparue pour la première fois en 1816 dans
l'Explication
relative aux révélations angéliques au laboureur de Beauce.
Gestion
de l'échec politico-prévisionnel de 1840.
L'auteur
de
1840. Pressentimens"
commente en 1839:
“Plus
de sept années se sont écoulées depuis 1830, allez-vous dire et
qu’est-il advenu? N’est-ce pas depuis deux ans surtout que le
trône du 7 août a reçu les plus terribles secousses?”
L'on
a, pour la circonstance, modifié la chronologie d'une série de
devises pour que 1840 corresponde à Non
erit Pastor,
Plus de Pasteur.
Avec
1840, il semble bien que la prophétie ait conquis les esprits, qu'il
s'agit quasiment d'un contre-pouvoir.
“Jusqu’à
cette année 1840, tous les calculateurs des époques des grands
événements étaient convaincus qu’ils arriveraient en 1840. La
chose leur paraissait claire presque jusqu’à l’évidence. 1840
s’était passé sans les grands événements, tous s’écrièrent
: nous avons mal compris les dates”
En
fait, avec cette attente de l'An Quarante, la prophétique se solda
à court terme par un échec. Le chanoine Timothée Lacombe le
reconnait dans les quatre Lettres qu'il envoie en 1849 à l'évêque
de Verdun et qui paraîtront, à Bordeaux sous le titre de
Prophétie
d'Orval rendue à l'authenticité depuis l'an 1793,
1848 (BNF, R 47641)
Au
lendemain de cette année qui aurait dû être fatidique, la tendance
sera à l'apologétique, certains prenant en ligne de mire 1842 comme
dans les éditions suivantes du Grand
Livre des Prophéties et Prédictions.
Dans
L'Invariable
de Fribourg de 1840 (86e livraison ), après avoir quelques mois plus
tôt reproduit la Prophétie d'Orval annonçant bel et bien un
changement au bout de dix ans (ou presque), on tient à préciser:
"Aucune prédiction n'indique l'an 1840 comme le terme du
désordre social actuel et l'époque du rétablissement de l'ordre
universel. Bien loin de là, l'an 1840 est à peine indiqué et
seulement dans un passage de la prédiction d'Orval, bien vague
d'expression". Le procédé est assez remarquable: on fait un
pronostic dont le lien avec le texte utilisé n'est pas très clair
pour ensuite affirmer que le texte en question n'était pas
explicite.
Denormandie,
qui rédige son propos en 1841 _ mais ne publiera qu'en 1848, délai
Examen de diverses prédictions:
“La
première chose que nous devons faire, en commençant cer ouvrage,
c’est de réfuter une objection qui ne manquera pas de se
présenter à l’esprit de beaucoup de lecteurs : “Les
prédictions, diront-ils, s’adressaient à l’année 1840; or,
elles ne sont point accomplies. On ne doit donc plus s'en occuper”.
Cette objection serait fondée si, comme on l'a cru, et comme on le
croit encore, les prédictions concernaient effectivement 1840”
La
Prophétie d'Orval et Louis XVII.
Nous
avons noté avec quelle générosité un Collin de Plancy nous
fournissait la liste des divers périodiques s'étant fait l'écho de
la Prophétie d'Orval. Mais il en est un qui est oublié et qui nous
intéresse au premier chef: la Voix
d'un proscrit,
mensuel qui défendra les positions de Naundorf précisément de mars
1839 à avril 1840 et qui s'intéressera fortement à la prophétie
d'Orval. Il est vrai, comme le note O. Friedrichs , que la collection
de ce mensuel est fort rare et qu'il n'est pas recensé dans le
catalogue collectif des périodiques. Mais le rédacteur en chef, A.
Gozzoli prit la peine de faire paraître, en 1840/41 semble-t-il, au
bureau de la Voix
d'un Proscrit,
la collection complète sous un seul volume et celle-ci se trouvait à
la BNF au fichier des anonymes à Voix
d'un proscrit
(BNF, 8° Lb51 3068) Le dernier numéro reconnaît l'échec
prophétique concernant l'année 1840. Il n'est pas exclus que
certaines retouches aient été effectuées.
La
lecture de ces centaines de pages ainsi reliées révéle un vif
intérêt pour le prophétisme chez les Naundorfistes, qui sera
quelque peu occulté par la suite et l'on peut se demander s'ils
n'ont pas été les premiers concernés par l'attente de l'An 40,
même si parmi les éxégètes du corpus prophétique, les différents
prétendants aient trouvé des sectateurs.
Parmi
les contributeurs à la Voix
d'un Proscrit,
A. Gozzoli, le responsable et Xavier Laprade sont les auteurs des
textes les plus remarquables au regard du prophétisme, accordant la
plus grande importance au "prophète villageois"
ou"laboureur" qu'est Thomas Martin de Gallardon ainsi qu'à
la prophétie d'Orval et d'une façon générale à l'année
fatidique 1840 .
Le
journal La
Quotidienne,
dans son numéro du 11 novembre 1839, se fit l'écho, avec quelque
ironie, de cette attente. Il lui est ainsi répliqué:
"Pourquoi
ne pas dire ouvertement que l'année 1840 est indiquée, clairement
désignée, dans une foule de prophéties dont quelques unes datent
de près d'un siècle, comme devant amener avec elle d'immenses
événements politiques et religieux et changer la face d'une partie
du monde? Pourquoi ne pas ajouter que la plupart de ces prophéties
sont d'autant plus dignes de foi qu'elles annonçaient aussi de la
manière la moins équivoque les révolutions diverses et les
changements de dynastie que nous avons vu se succéder chez nous et
qu'elles ont pour garantie de l'avenir la sanction du passé? (à).
Nous marchons à grands pas vers l'époque de cette reconnaissance
que le paysan de Gallardon a prédite: nous touchons à l'année que
les probabilités humaines, d'accord avec les avertissements divins,
signalent comme grosse d'événements mémorables (..). Il y a trois
ou quatre ans, l'année 1840 paraissait si loin, qu'il semblait que
nous n'y arriverions pas; aujourd'hui nous courons vers elle avec une
vitesse étourdissante" (Voix
d'un proscrit,
pp. 285-289)
Gruau
de la Barre, resté fidèle à Naundorff, n'en était pas moins
sensible aux prophéties, comme il s'en expliquait en 1836: "Je
crois au Duc de Normandie parce que je crois à Martin; Martin
évidemment pour moi a été chargé d'une mission divine; cette
mission, longtemps annoncée d'avance, l'a conduit à la cour de
Louis XVIII (..). Dieu ne se communique pas aux hommes pour leur
prophétiser l'imposture donc le fils de Louis XVI existe. Martin
était un homme probe et croyant en Dieu et Martin a salué du titre
de prince le prétendant actuel: donc ce prétendant est
véritablement le fils de Louis XVI" (p. 17).
L'auto-critique
de Gozzoli.
Les
événements attendus ne s'étant pas produits en 1840, et Naundorff
restant exilé, son camp se divise. Il y a les déçus et ceux qui
poursuivront au delà de la mort prochaine du "Prince", tel
notre Gruau de la Barre, reportant sur Charles XI, son fils, leur
attente peu ou prou messianique . Gozzoli fait paraître en février
1841, à Londres, la ville où s'est retiré Naundorf puis en mai, à
Boulogne/mer l'Aveu
d'une erreur.
(BNF, Ln27 15093): "On sait, écrit- il à propos du proscrit,
que des prophéties plus ou moins authentiques furent exploitées par
ce jongleur sacré et l'aidèrent puissamment à jouer son rôle"
(p. 7). A propos de ce qu'il appelle lui-même des illusions,
l'ancien gèrant de la Voix
d'un proscrit
conclut que leur engagement a été victime du ridicule. Morin de
Guérivière, favorable à l'"ex baron" de Richemont, lui
réplique par une Lettre
à M. A. Gozzoli, avocat,
Paris, 1841, BNF, Ln27 15094. Il reproche à Gozzoli de rejeter
certes l'homme Naundorff et ses procédés, son immoralité, mais de
maintenir qu'il est bien Louis XVII. Mais Pierre Michel Vintras. et
Madrolle soutiendront Naundorff, jusqu'à sa mort en 1845 (cf infra).
Le
polygraphe nostradamiste Bourbon Leblanc
(Busset)
fait écho à ce reniement
dans
un texte signé Dr Lecabel,
probable
anagramme de Leblanc:
"Ils
lui reprochent de leur avoir dit qu'il était chargé d'une mission
providentielle (..) d'avoir capté leur confiance (..) par des faits
merveilleux et des révélations surnaturelles (..). Le prince leur a
conté sans rire que le paysan de Gallardon, Thomas Ignace Martin,
ressusciterait et lui donnerait la main pour le conduire auprès de
la duchesse d'Angoulème, heureuse après tant d'hésitations de
retrouver en lui son frère et d'assister en personne à un miracle
(..) Mme Le Normand et l'incomparable cartomancien Moreau en ont
débité bien d'autres à l'empereur Napoléon".
En
fait Bourbon-Busset alias Lecabel considère que ces personnes ont
certes été victime de mystification mais que cela ne remet
nullement en cause l'identité de Naundorf qui a payé ses partisans
avec des promesses en l'air, notamment avec l'annonce de son
avénement pour la saint Sylvestre 1840 et ce dès 1837. Le
prophétique apparaît comme un fusible du politique.
IV
- Un nouvel âge d'or du recueil de prophéties
C'est
sous la Monarchie de Juillet que le prophétisme devient une
véritable force politique et retrouve l'ascendant qu'il avait au
XVIe siècle mais plus encore, selon nous, au début du XVIIe siècle,
sous le jeune Louis XIII, dans les annnées 1620-1630, donc deux
siècles plus tôt. Le recueil conserve les mêmes traits qu'à cette
époque, à la fois un certain manque de scrupule dans la
manipulation des textes et un caractère hétéroclite qui s'abstient
de tout rapprochement entre les pièces ainsi réunies. Toutefois,
certaines critiques se font jour notamment à propos de Regiomontanus
et de la
Prophétie pour 1788.
Le
retour du Jésuite Ménestrier en 1840 .
Le
libraire Seguin publie en 1840 un recueil de pièces lequel ne
comporte pas à proprement parler de titre mais une table des
matières en tient lieu. On y trouve certes en tête l'article de
R***; sur la Prophétie
d'Orval"
pré-dujardinienne, mais aussi des documents plus anciens puisque le
Jésuite Ménestrier et l'Abbé Wurtz, y contribuent largement. Le
texte de Ménestrier est celui paru dans la Philosophie
des Images Enigmatiques
de 1694 mais avec uniquement le texte latin du Lignum
Vitae
sans même l'ajout des papes ayant régné depuis Urbain VII (cf
supra). En note, on peut lire: " Nous y joignons les noms des
papes qui se sont succédé depuis Innocent XII jusqu'à ce jour sans
les accompagner de remarques, laissant au lecteur le soin de
découvrir des rapports entre ces noms et ces devises ". Voilà
donc un auteur hostile au prophétisme malachique figurant dans un
recueil favorable à ce genre de littérature, du fait même qu'il
exposa, en son temps, par le menu, les documents qu'il souhaitait
dénoncer...
Si
la
Prophétie de Saint Malachie,
si les
Centuries"
et le
Mirabilis Liber"
sont évoqués depuis cinquante ans, les critiques contre les
Prophéties restent assez rares jusqu'en 1840. Ainsi parait ce
recueil en 1840 à Avignon dans lequel le compilateur eut l'idée de
faire appel à un auteur de la fin du XVIIe siècle, Claude François
Menestrier en extrayant plusieurs pages de sa
Philosophie.
Si le recueil annonce , l'extrait couvre un champ plus large
correspondant aux paragraphes d'origine.
Des oracles & fausses prophéties, des Prophéties attribuées à
St Malachie et Des Centuries de Nostradamus".
En
outre, Bareste, dans son
Nostradamus
(Prophéties
modernes)"
consacre quelques pages à Ménestrier en cette même année 1840, en
rapport avec la
Prophétie de St Malachie".
Nous reviendrons plus amplement au chapitre suivant sur la genèse et
la fortune de la Prophétie d'Orval.
Le
recueil avignonais
La structure du recueil avignonais de 1840 est assez atypique,
puisqu'elle comporte notamment une Instruction
sur la manière d'exorciser.
De Wurtz, ce ne sont pas
Les Précurseurs de l'Antéchrist"
dont traitait en 1837 Hédouville qui ont été retenus, mais un
extrait des
Superstitions",
intitulé
Examen critique du magnétisme animal".
Toutefois, l'on peut lire les avis de l'Abbé surMartin de Gallardon,
le conseiller des rois et sur la
Prophétie Turgotine".
Mais pourquoi prendrait on la peine de ressortir un texte paru une
seule fois en 1817 sinon parce qu'il annonce l'année 1840?
Un
des commentateurs les plus complaisants à l'égard de la
Prophétie de Naples"
est l'auteur de l'Abrégé
d'un Commentaire inédit sur l'Apocalypse",
paru en 1844, Antoine Blazy, (BNF, A 8173) qui n'hésite pas (tome
III) à changer 1790 en 1789 pour les besoins de sa démonstration.
En effet, interroge-t-il pourquoi la dite Prophétie
de Naples
aurait elle mentionné à juste titre 1789 et les malheurs de
l'Eglise et se serait trompée pour 1840? Et de fournir de
laborieuses explications, fondée sur une comparaison avec
l'Apocalypse, pour conférer à cette année une importance cruciale.
Le même Blazy Antoine se fera également l'apologète des
prophéties, au lendemain de l'échec de 1840, comparable à celui de
1524. Il est clair qu'il n'y a échec d'importance qu'en des temps où
l'on croit aux prophéties, celui-ci étant proportionnel à l'impact
précèdent l'événement supposé devoir survenir.
Mais
déjà dans le
Propagateur de la Foi"
de l'Abbé James, alias Dujardin, (Tome V p. 77) on peut lire une
variante de la devise pour 1840, l'auteur de l'article se demande
s'il faut lire Non
erit Pastor
comme il est généralement indiqué ou bien "Unus erit Pastor"
qui veut dire à peu près l'inverse. Or, dans la
Prophétie d'Orval",
version Dujardin, on trouve: "Un seul Pasteur sera dans la
Céleste Gaule".
En
1840 parurent, outre l'Oracle
pour 1840,
deux recueils de textes prophétiques. L'un à Avignon qui comporte,
on l'a vu, un texte de Menestrier sur la
Prophétie de St Malachie
et surtout une étude d'un certain R*** consacrée à la
Prophétie d'Orval"
et qui s'intitule
Des Prophéties Modernes".
L'autre est du à Collin de Plancy et s'intitule
La Fin des Temps
confirmée
par des Prophéties authentiques nouvellement recueillies",
il connaîtra de nombreuses rééditions et, comme pour
Lichtenberger, le nom de son auteur finira par disparaître de
l'ouvrage... souvent attribué au Préfacier, Eugène Bareste,
Le
propre des recueils est d'être pillés, dans la mesure où l'on
considère qu'ils ne constituent pas vraiment une oeuvre personnelle
du compilateur. L'on ne s'en est point privé à l'endroit de Collin
de Plancy.
En
1841, encore à Avignon, Pierre Chaillot le Jeune, qui venait de
publier une édition des Centuries commentées par son père, réalise
un recueil ainsi intitulé Prophéties, prédictions et probabilités
touchant les événements de nos jours et ceux qui doivent précéder
la fin du monde (BNF, R 47643). A l'intérieur, fin du monde est
remplacé par fin des temps, ce qui le rapproche du titre de Collin
de Plancy. Ce recueil parait après l'échec de 1840.
On
s'y réfère à un certain L. P. et à sa Fin
des temps ou accomplissement de l'Apocalypse et des anciennes
prophéties
(1840, BNF, A 10915). Il s'agit en fait de Pierre Lachèze lequel
annonce comme date fatale 1900, selon un calcul fondé sur la prise
de Jérusalem par Omar en 636. Le processus en fait débutera 3 ans
et demi plutôt en 1896, par le retour des Juifs dans leur "patrie".
En 1846, Lachèze fait paraître le Retour
des Juifs ou l'accomplissement de toutes les prophéties,
BNF, A 9503, dont la quatrième vision traite du "retour des
juifs, (de) la ruine de l'Antéchrist et (de) la Jérusalem Céleste"
Parmi
les autres pièces, celle de Rémusat .
-
figurant dans l'autre recueil avignonnais - réapparaîtra en 1848 in
Le
livre de toutes les prédictions considérablement augmenté et suivi
d'une Lettre sur la proximité de la fin du monde par M. le Chanoine
Rémusat et de la Prière de Pie IX,
Paris, L. Maison, et Lyon, Chambet Aîné, (BL, 8610 a 45), en
compagnie de la Prophétie d'Orval - avec de longs passages en latin
avec leur traduction, dans le style de Collin de Plancy - de
Regiomontanus, Lichtenberger, Vatiguero; on y trouve encore
l'explication de quelques quatrains des Centuries
de Nostradamus extraits de l'édition de 1839 comme il est indiqué
in
fine.
En fait, ce qui est remarquable, c'est un découpage en trois
parties: l'Apocalypse de Jean, les prophéties prérévolutionnaires,
les prophéties post-révolutionnaires avec la religieuse de Belley
et les visions de Martin de Gallardon . La conclusion comporte une
déclaration de Joseph de Maistre.
Or,
si l'on compare la compilation de Chaillot avec le recueil antérieur
de Collin de Plancy , l'on note un agencement assez semblable avec in
fine
la religieuse de Belley, Martin de Gallardon mais aussi la Croix de
Migné et un extrait du "Tableau des trois époques" de
1829. En revanche, le début du recueil ne fait guère de place au
Nouveau Testament chez Collin de Plancy lequel classe les textes par
ordre chronologique.
Revenons
sur quelques computations présentes dans ce dernier recueil. On y
met notamment l'accent sur l'année 1896. Si, en effet, l'on ajoute à
l'an 636 durant lequel Omar conquit Jérusalem les 1260 de
l'Apocalypse, on obtient 1896.
L'Abbé
Rondet, au siècle précédent avait également fondé son argument
sur l'an 17 du calendrier musulman mais, lui, obtenait 1860 et non
1896, ce dernier nombre étant apparemment plus correct.
Le
commentaire est assez confondant dans son instrumentalisation des
Juifs: "A cette époque, Hénoch et Elie ramèneront les Juifs
dans leur patrie après en avoir chassé les Musulmans puis ils (les
Juifs) seront mis à mort par la bête qui sortira du puits de
l'Abyme (sic), Satan qui possèdera le monde pendant cinq ans, puis
l'Antéchrist dont le règne est de 3 jours 1/2 ou 3 ans 1/2 finira
avec le monde en 1900"
L'avénement
de Pie IX, en italien Pio
Nono,
en 1846 est salué par Madrole dans la Feuille
éternelle
(BNF, D 42563) qui rappelle au pape sa devise malachienne, Crux
de Cruce
et développe (p.5) le thème du Pasteur Angélique à partir du
Mirabilis
Liber.
Les
aménagements de .Collin de Plancy
Dans
la
Fin des Temps",
Collin, dont nous avons déjà pu apprécier les procédés, n'a pas
hésité à modifier quelque peu les textes qu'il avait publiés dès
1840 avec une Préface de Bareste. Dans les premières éditions, la
liste complète de la
Prophétie de St Malachie
est donnée avec les correspondances jusqu'au pape de l'époque,
Grégoire XVI qui meurt en 1846, suivie des devises restant à
attribuer. Mais dans l'édition de 1870, la liste s'arrête à Pie
IX; avec, pour prochaine échéance, la formule finale consacrée au
dernier Pape Pierre II. Collin a placé un nouveau texte devant celui
de Bareste, "la fin du monde" où il désigne, portraits à
l'appui, l'Empereur d'Allemagne, promu à Versailles comme
l'Antéchrist alors que le Pape Pie IX est spolié de ses Etats,
victime de la Guerre franco-prussienne, qui conduit la France à
retirer sa garnison de Rome. Ainsi, France et Papauté voient-elles
leur destin lié.
C'est
bien dans ce recueil - paru en 1840, mais sensiblement modifié en
1870, et cette fois illustré, que l'on peut assister à une démarche
particulièrement dénuée de scrupule de la part du compilateur.
Les
trois pages consacrées à la
Prophétie sur la succession des Papes"
sont un modèle du genre; l'auteur du chapitre affirme: . Or, il
indique qu'elle fut publiée en 1595: pourquoi commencerait-elle au
début du XVIIIe siècle alors que son point de départ déclaré est
le XIIIe siècle?
Suit
un texte sur les derniers jours:
ble
jugera le monde”
C'est
ainsi que l'on saute une dizaine de devises, tant il semblait évident
que la perte des Etats de l'Eglise constituait un signe de la fin,
Crux
de cruce.
Le Christianisme est sur la croix. Les temps prédits sont arrivés.
D'autres
contemporains de Collin de Plancy ne se résolurent pas à écourter
le texte de la Prophétie en préférant abréger la vie des Papes
restant à élire.
L'auteur
du Dictionnaire
du Diable
n'a pa eu scrupule à tronquer les dernières devises de la
Prophétie de Saint Malachie.
Collin
de Plancy reprend à son compte le travail d'un Vignier pour qui il
convenait d'appliquer à la Prophétie de Vatiguero un coéfficient
correcteur. "L'auteur qui a recueilli ces prédictions paraît
avoir suivi l'ère de Dioclétien ou des martyrs souvent usitée à
cette époque; il faut dès lors ajouter 284 ans, à chacune de ces
dates" ce qui permet de passer du XVIe à la fin du XVIIIe
siècle. C'est ainsi que la période allant, chez Vatiguero, de 1490
à 1525 devient 1774 à 1809 mais il s'agit ici essentiellement des
années 1502 à 1518, l'année 1505 correspondant alors à 1789. Une
telle lecture de certaines dates avait été pratiquée par les
protestants au XVIIe siècle: la prophétie est souvent liée à la
chronologie et au calendrier..à commencer par le millénarisme: l'An
2000 n'existe que pour ceux qui se référent à l'ère chrétienne.
Ainsi,
lorsqu'il cite les
Contredits"
de Couilard Du Pavillon (1560), il change les années, pensant
probablement que ses lecteurs n'iront pas vérifier:
.
Cette date de 1555 ne doit pas nous induire en erreur: il n'est pas
ici question de Nostradamus (la nouvelle Epître à Henri II donne
1792) mais de la date de rédaction des Contreditz
. Bien plus, Couillard cite à de nombreuses reprises le Livre
de l'Estat et Mutation du Monde
de Richard Roussat et c'est cet auteur qui est explicitement visé
(p. 103), quelques lignes plus loin, à propos de cette prophétie
pour la fin du XVIIIe siècle (Livre IV, Ch XVII : "De ce que
les astrologues eux-mêmes se contrarient en prédisant la fin du
dernier période"). Certes, les Contreditz
s'adressent-ils dans leur titre à Nostradamus mais celui-ci n'y est
même pas cité.
D'autres
approximations sont dues à un malentendu. Quand Lecanu, dans le
Dictionnaire des Miracles et des Prophéties"
(1854) affirme que Roussat,. a annoncé l'année 1793, il additionne
1550 et 243, en oubliant que la est 1548. Mais, comme nous l'avons
indiqué, plus haut, ces résultats sont dus à une erreur de
transposition de .i.Roussat, reprise par Nostradamus et Du Pavillon
.
En
fait, Collin de Plancy; nous fournit involontairement, dès 1840, les
moyens de certains rapprochements: comparons un passage du Liber
Mirabilis
(p.46 de l'édition 1871) et un passage de la
Prophétie d'Orval
(p.83 de l'édition 1871)
Liber
Mirabilis
(Vatiguero):
e
en sorte qu'il n'en sera plus question et qu'ils seront à jamais
anéantis”
Prophétie
d'Orval:
premier paragraphe
stupides
seront à son approche car il les dominera et prendra nom empereur”
L'on
imagine que la lecture de la
Prophétie de Vatiguero"
très en vogue sous la Révolution a pu aisément évoquer le
personnage de Bonaparte à condition de privilégier certaines
expressions: l'île évoque dans le contexte de la fin du XVIIIe
siècle est la Corse, dont le futur empereur, encore fort jeune lors
de ses premiers exploits, est originaire. On reprend la formule de
Vatiguero sur les fils de Brutus. On supprime évidemment la
référence à la couronne de lis qui fit au départ interpréter le
texte en faveur du Dauphin. En quelque sorte, Napoléon se substitue
à Louis XVII comme destituant les révolutionnaires, ces fils de
Brutus.
est
à rapprocher de la
Prophétie de Naumerberger"
que Collin classe à Lichtenberger . Son commentaire est le suivant:
l'Aigle, c'est l'Empereur, mais il s'agit ici de Napoléon, le Lis
est le roi de France, le Lion est la Flandre. Collin note:
"Lichtenberger (sic) quoique donnant plusieurs significations du
filius
hominis
ne nous dit pas quel est ce dernier fils de l'homme". On sait
qu'initialement, il s'agit de l'Angleterre.
La
Prophétie de Jérome Botin
Bricon
avait publié en 1830 un
Nouveau Recueil de Prédictions"
dans lequel il se réfèrait à un manuscrit comportant trois pièces
dont la dernière concerne un certain Jérome Botin Jérome (p.37):
"A.M.D.C.
Traduction d'une partie d'un vieux manuscrit de la bibliothèque des
R.P. Bénédictins de l'abbaye Saint-Germain des Prés. Ce manuscrit
commence par un traité de l'Influence des Lettres, suit un petit
poème en l'honneur de sainte- Marthe, tous deux sans nom d'auteur,
le troisième (à) est du révérend père Jérôme."
Or,
la
Prophétie d'Olivarius"
est également censé être extraite d'un recueil: Livre
des Prophéties; (de
1542), recopiée par François de Metz en 1793:
Ce
texte annoté par Bricon comporte des notes en bas de pages que l'on
retrouve fidèlement, dix ans plus tard, dans le recueil
La Fin des Temps"
de Collin de Plancy, lequel cite Bricon: il s'agit toujours
d'établir que cette Prophétie avait circulé avant les derniers
événements auxquels on la rapporte. A la différence de la
Prophétie d'Orval"
qui apparaîtra dix ans plus tard ou de celle d'Olivarius reproduite
par Mademoiselle Le Normand, Mlle dans les
Mémoires de l'Impératrice Joséphine",
dans les années Vingt, l'on ne se contente pas dans la prophétie
botinienne de faire démarrer le texte avec la Révolution en
déclarant que le début a disparu. Ici, l'on passe successivement en
revue, au fil des notes en bas de page, la réforme de Luther, la
réforme d'Angleterre, Louis XIV, la révolution de France, Louis
XVI, Bonaparte. La Prophétie
de Botin pourrait être, de par sa construction, l'archétype des
Prophéties d'Olivarius"
et d'Orval.
Elle pourrait avoir été élaborée à la naissance du futur Henri
V, en 1820: "La rosée du ciel descendra sur la terre désolée
et sur l'Eglise éplorée et il y aura un enfant du sang du roi que
donneront les gens d'Artois; il gouvernera avec prudence et honneur
la France et l'esprit du Seigneur sera avec lui." On sait
qu'Henri V était petit-fils de Charles X, précédemment comte
d'Artois.
Il
est question, pour Botin, non pas de l'Abbaye d'Orval qui est
cistercienne, mais de celle de St Germain des Prés et de la
bibliothèque des Bénédictins qui y est installée.
Le
document daterait du règne de Charles VI, sous le pape Jean XXIII;
et non Jean XXII; comme on trouve dans la version de Collin de Plancy
de la
Prophétie de Botin".
1410 est la date de la Révélation à Botin, date du début du court
pontificat de Jean XXIII (1410-1415).
Le
ton de la "Prophétie
de la Révélation reçue par Jérome Botin mort en 1420" est
celui d'une imprécation, d'une malédiction: "Malheur...
malheur". On retrouve ce ton dans certains passages de la
Prophétie
d'Orval.
On ne recourt pas en revanche chez Botin à un quelconque système
chronologique comme c'est le cas pour Olivarius et Orval:
Orval:
Malheur
au Celte (Céleste) Gaulois! Le Coq effacera la fleur blanche "
Botin
“Oui,
malheur, mille fois malheur au peuple qui s’est révolté contre
l’autorité et qui a renversé les lois : il a arraché de la
prospérité jusqu’à la racine, il a brisé les lys, l’aigle
planera sur lui”
Certes,
Collin de Plancy envisage la possibilité de textes rédigés après
la chute de Charles X :
“Réflexions
sur cette Prophétie (d’Orval) : La première pensée qui vient à
l’esprit, après l’avoir lue, c’est qu’elle est écrite après
les événements, que c’est une oeuvre moderne postérieure à
1830. Il est certain qu’elle n’a commencé à faire du bruit et
à à se répandre que depuis cette époque. Mais l'incrédulité
que fait naître sa première lecture, relativement à son
authenticité, diminue bientôt quand on connaît les nombreux
renseignements (à) publiés...”
Collin
ne relève pas l'expression qui apparait dans la
Prophétie
de Vatiguero, traduite par Bricon et dans la
Prophétie d'Orval".
L'Abbé
Torné Chavigny soutiendra que les
Prophéties d'Olivarius"
et d'Orval
dont il souligne les similitudes sont l'oeuvre d'un seul et même
auteur, Nostradamus lui-même, dans les Années Quarante du seizième
siècle, avant qu'il ne publie ses
Centuries".
Face à un certain nombre de détails par trop précis, certains
admirent que l'on ait pu en effet actualiser les dites Prophéties
tout en n'ayant pas accès aux originaux pour en faire la preuve.
Nous avons vu à propos de Vatiguero que certains passages
apparemment récents étaient d'origine.
La
première partie de cette prophétie aurait été omise dans les
copies qui en ont été faites au commencement de la révolution
française. On n'en possède aujourd'hui que la seconde partie,
commençant à Napoléon: autrement dit, la coupure s'est faite
exactement à l'endroit où commence celle d'Olivarius.
En
tout état de cause, la dette de ces textes envers le Mirabilis
Liber
est-elle déterminante ? Sur le plan formel, probablement, en ce que
les auteurs ont souhaité apporter une certaine patine, une certaine
ancienneté à leurs oeuvres. Sur le fond, on a puisé dans des
notions historiques élémentaires correspondant aux étapes
généralement admises. Le problème se retrouvera avec les
Protocoles
et leurs sources.
La
différence entre Olivarius et Orval
Les
deux
Prophéties d'Olivarius
et d'Orval"
ne furent pas aussitôt perçues comme identiques mais seulement
comme convergentes , sinon l'on eut mentionné le texte attribué à
Olivarius dont la date de parution (1820-1827) était indiscutable.
Pourquoi n'a-t-on pas eu recours _ après 1848 lorsque le problème
se posa _ à cette prophétie que Collin de Plancy d'ailleurs place
juste avant dans son recueil? Il est d'autant plus étonnant qu'il y
avait un consensus,
à l'époque, pour faire émerger la prophétie d'Orval en 1828, soit
un an après la publication de la dernière édition du volume de
Mademoiselle Le Normand...
Quand
on sait que les propos concernant le sont empruntés à Sainte
Brigitte, le débat semble tout à fait dérisoire. Il est étonnant
que l'on n'ait pas étudié dans le corpus des
Prophéties Modernes"
si on ne retrouvait pas la dite Prophétie sous d'autres appellations
que celles indiquées lors de la . Par ailleurs, même si l'on avait
effectué de tels recoupements, la prophétie ne pouvait être trop
ancienne, sous peine de correspondre à d'autres périodes de
l'Histoire de France. Le fait d'avoir exilé Henri V avait d'ailleurs
pour effet de donner tout son sens à la Prophétie!
En
fait, la supériorité d'Orval sur Olivarius est dans sa chronologie.
Sur les quatre Prophéties reliées entre elles, deux fournissent des
dates, Vatiguero et Orval et deux sont sans date, St Césaire et
Olivarius.
Sur
Regiomontanus et 1788
Collin
de Plancy, s'inspirant de la
Sagesse Profonde"
de 1828, propose la traduction suivante:
“Après
mille ans accomplis depuis l’enfantement de la Vierge et que de
plus sept cents ans se seront écoulés, la quatre vingt huitiéme
année sera une année bien étonnante et entrainera avec elle de
tristes destinées. Dans cette année, si toute la race perverse
n'est pas frappée de mort, si la terre et la mer ne se précipitent
pas dans le néant, du moins tous les empires du monde seront
bouleversés et il y aura de toutes parts un grand deuil” (cf.
supra)
C'est
alors que va se déclencher la polémique à laquelle nous avons déjà
fait allusion. Hemey d'Hauterive, dans une note en bas de page de la
Biographie Michaud (article Brusch .), dévoile la supercherie, sans
citer ses sources avec précision. Dans l'..Oracle
pour 1840
(et son Supplément),
Henri ..Dujardin réplique:
“Nous
répudions comme faits sans conscience et sans critique les
recherches du savant anonyme dont il parle (à) Nous nous promettons
d’examiner à fond la question et nous ne désespérons pas de
prouver que la leçon authentique porte “et septuagentos” et nous
verrons si ce n'est pas dans la leçon de Brusch qu'à ces mots on a
substitué ceux qu'on y lit”
En
outre, Dujardin se sert des autres prophéties du XVIe siècle
réussies _ qui sont toutes au demeurant le fait d'astrologues _ pour
créditer celle de Regiomontanus et c'est en effet l'esprit des
recueils que de faire masse. Pourquoi, après tout, Johannes Müller
alias Regiomontanus n'aurait-il pu annoncer, lui aussi, 1788,
puisque le (pseudo) Nostradamus, indiscutablement, annonça 1792
dans l'Epître à Henri II et Pierre d'Ailly 1789?
En
tout état de cause, il n'en restait pas moins que l'on avait
polarisé l'attention de l'opinion sur l'an 88. Lorsque la troisième
Révolution, celle de 1848, se produira, il s'agira de recueillir les
dividendes .
Signalons
en 1848, un texte satirique, "la République en 1998" in Le
Bonheur public, prophétie de Nostradamus,
fragment inédit de la XIe centurie trouvée en 1847 dans (son)
tombeau,
de F. Girault, BNF, Lb54 2172. On y trouve un pastiche de la lettre
à Henri II matinée de calculs olivaro-orvaliens Après que dix-
sept fois sept fois sept fois soixante-cinq jours, plus dix fois sept
jours, plus quatre jours se seront écoulés depuis le 24 février
1848, époque de la grande rénovation sociale
Il
reste qu'effectivement l'intérêt pour 1788 n'est bel et bien qu'un
recyclage de ce qui se produisit autour de 1588, deux siècles plus
tôt. Double avantage: d'une part faire oublier l'échec relatif de
1588 et de l'autre le transformer en un succès à longue échéance
beaucoup plus convaincant, pour certains, qu'une sensibilisation se
produisant dans les années qui précèdent l'événement.
Cela
n'a pas empêché la croyance selon laquelle Regiomontanus aurait
annoncé la Révolution de se perpétuer jusque dans des ouvrages
récents, du fait d'information de seconde main que l'on ne prend pas
la peine de vérifier (journal artistique
au lieu d'historique)
et dont on ignore qu'elles ont été réfutées.
Signalons
ainsi le récit d'André Barbault , dans Astrologie
Mondiale,
Paris, Fayard, 1989, p. 29:
=
_Jean Muller dit Regiomontanus prend également intérêt à la
pratique de la Mondiale et formule, lui aussi, une prévision de la
Révolution française, rapportée par le Journal artistique (sic) et
littéraire n°s des 15 octobre 1687 (sic), rier 1792, page 234: sont
pas frappés de mort; si la terre et les mers ne sont pas anéantis,
du moins tous les Etats seront bouleversés et le deuil sera général”
(Paris, Fayard, 1979)
Aucune
explication, au demeurant, sur les méthodes utilisées par
Regiomontanus dans un ouvrage consacré aux techniques de
l'Astrologie Mondiale: l'important est désormais le résultat, on
n'est plus vraiment en mesure, dans le milieu astrologique, d'exposer
par le menu la technicité des grandes conjonctions.
A
la recherche du recueil mystérieux
Dans
le Supplément à l'Oracle
pour 1840,
Dujardin fait référence, en mars 1840, à une dont il ne dit pas
clairement d'où il l'a extraite. Pour quelle raison est-on passé
d'Ubertin (d'Otrante) à ..Werdin Ubertin ? L'on peut penser qu'il
pourrait s'agir d'une mauvaise leçon de manuscrit car par la voie de
l'imprimé une telle déformation semble inconcevable. Il a en effet
circulé des manuscrits prophétiques dans lesquels la forme
manuscrite peut éventuellement se lire “W”, ce qui donne
Wertin
au lieu de Ubertin .
Dujardin
évoque vaguement, comme source de cette Prophétie
de Werdin,
un extrait de deux in-folio
dont il donne jusqu'à la date de publication, 1600: tome II p. 1007.
Mais l'auteur ne nous est pas fourni car l'ouvrage pourrait, nous
dit-on, alors se voir confisquer. Cette référence à la fois
précise et vague sera reprise jusqu'à nos jours, au fil des
recueils et des études et certains laisseront entendre que c'est le
recueil tout entier qui porte le nom de
Vaticinium memorabile".
Nous avons, pour notre part, identifié le recueil en question, il
s'agit du
Lectionum memorabilium et reconditarum"
de Johann Wolf paru à Lauingen, lieu d'impression des oeuvres de
Leovitius et dont une seconde édition augmentée sera réalisée en
1672, soit un an avant la publication de la dite Prophétie
par J. B. de Rocoles sans sa quatrième édition (cf supra). La
Bibliothèque Sainte- Geneviève (du Panthéon) possède les deux
éditions du Lectionum,
ce qui explique que Dujardin, en ait pu avoir connaissance et ait
craint qu'on supprimât la page concernée. On y apprend d'ailleurs
que le texte du Vaticinium
Memorabile
avait déjà été signalé dans le
Mercurius Gallicus"
de Jansonius de Dokkum (Doccomensis Frisius) relatant les événements
de 1593, soit très peu de temps avant le passage figurant dans
l'anthologie de Wolf (cf B. Mazarine).
Pourquoi
cet intérêt pour “ Werdin”.? En fait, Dujardin ne fait que
rapporter un écho qui, en ce début de 1840, défraie la chronique,
notamment dans la Gazette
de France.
Il s'agit visiblement, même si cela n'est pas formulé, d'une
référence légitimiste à Henri V qui a alors vingt ans. .
En
juillet 1848, au lendemain de la Révolution , Dujardin republiera en
un seul volume une seconde édition de son Oracle
avec son supplément, tout en gardant la couverture de départ (BNF).
En cette année 1848, dans ses Etudes
sur le XVIe siècle,
Philaréte .Chasles exprime son agacement pour ce prophétisme à
outrance. Il publie un chapitre assez bien documenté sur les
commentateurs de Nostradamus et sur les divers textes prophétiques
en circulation. L'auteur considère que Nostradamus fait partie
intégrante du paysage intellectuel du dit siècle.
En
juin 1848, dans le Recueil
de prophéties politiques curieuses et extraordinaires sur les
affaires du moment.
Bordeaux (BNF, R 55134), on essaie d'attribuer à Pierre Turrel dont
on rappelle au lecteur qu'il a annoncé 1814, un calcul à la mode
sur les lunes: "Calculez toutes les lunes écoulées depuis la
rentrée des Bourbons (8 juillet 1815) jusqu'au 24 février 1848 et
vous trouverez 380 lunes écoulées.à" . Ce texte semble être
d'abord apparu, dès 1846, dans l'Almanach
Prophétique pour 1847,
de Bareste (BNF, 8° Lc22 124) donc avant la chute de Louis-Philippe.
Bareste lui même reconnaît la similitude avec la Prophétie
d'Olivarius, mais il y trouve des précisions nouvelles. Il
s'agirait, dans cet article, d'un texte envoyé par un certain Comte
A. de C., d'une traduction d'une partie du Période,
texte initialement paru en latin - ce qui est en effet possible -
mais qui, à l'époque, n'aurait été que partiellement rendu en
français. Force est de constater que, par delà la supercherie, y
figurent bien les dates de "848" et de "850" et
que celles-ci n'ont pas été ajoutées après coup.
Madrolle,
dans le Grand
Prophète et le grand Roi
(Paris et Rome, 1851 Paris, (BNF, 8° Lb55 2002) se sert également
du pseudo- Turrel, pour patronner une sorte de prophétie
d'Orval-Olivarius en y apportant une touche astrologique. Il suit
d'abord (p.139) fidèlement Turrel (Période,
fol XXV verso)
"Or,
laissons à tant à plus parler des chouses faictes et que ont faict,
que quasi tous les hommes scavent, s'ilz ne sont ignorans, et parlons
de la huictième maxime et merveilleuse conjonction que les
astrologues disent être faicte environ les ans de Nostre Seigneur
mil
sept cens octante et neuf
(1789) avec dix révolutions saturnelles; et oultre VINGT CINQ ANS
après (1814) sera la quatrième et dernière station de
l'altitudinaire firmament. Toutes ces choses considérées et
calculées, concluent les astrologues, que si le monde jusque là
dure, de très grandes
et admirables mutations et altercations
seront au monde, mesmement de sectes
et de lois"
Et
Madrolle de poursuivre: "Voici comment s'exprime Turrel en
parlant de l'année 1814 où il était resté dans sa précédente
prophétie:
"à.Trois
lunes
et un tiers de lune après la quatrième station de l'altitudinaire
firmament, le Puissant
Exilé marche vers la Grande ville pour reconquèrir ses droits
et faire revivre sa race (..). Environ cent soixante lunes sont
accomplies et les peuples guerroient dans le signe
du lion
(..). Il paraîtra dans
le signe Virgo
et son signe à lui sera Pisces
(..). L'artisan délaissé (Pierre-Michel) viendra s'asseoir (..) au
banquet etc"
Et
Madrolle toujours supposé recopier Turrel de conclure Je ne dis
pas dans quel temps se passeront toutes ces choses, ajoute Pierre
Turrel, et quand viendra
celui qui doit sauver le monde. Dieu
seul le sait. Mais qu'on se souvienne des nombres milliaires de
N.S.J.C. suivis de 796 (suit le symbole graphique du signe des
Poissons) 8 - 815 (suit le symbole du Taureau) 30- 829 (symbole des
Gémeaux)19 - 831 symbole du Capricorne) 4- 832 (symbole du Cancer) 6
(symbole de la Vierge 28) - 848 (symbole du lion) 0-850 (symbole du
scorpion, suivi de deux demi lunes se faisant face) et surtout des
signes Pisces
et Virgo
(p. 142).
Madrolle
- qui confère une place à Pierre Michel Vintras, alias
Sthratanael,
dans son scenario,
fournit une série d'années à partir de 1796 - cette année suit
celle de la mort présumée du Dauphin- 1814 (Première Restauration
où Louis XVIII règne), 1829, 1830, 1831, 1832- 1848, 1850.
La Prophétie d'Orval fut appliquée à Louis XVII, note le journal
L'Univers
du 8 juillet 1850 (n°1279). En 1850, à Lyon, Claravali sera
l'auteur d'une Vie
de Mgr le Duc de Normandie, connu sous le nom de M. l'ex Baron de
Richemont,
(BNF, Ln27 17445) dont un "appendice" (après la p. 552)
est consacré à la "célèbre prophétie d'Orval": ainsi
le camp de Richemont ne souhaitait-il pas ignorer un tel texte.
Le
procès de Vintras (1842)
Plus
de cinquante ans après le procès impliquant Cagliostro, qui donna
lieu à divers Mémoires
d'avocats (1785-1786), un autre procès intenté contre Pierre Michel
alias Eugène Vintras , suscitera, en 1842, une importante
littérature de la part des défenseurs et notamment la vindicte de
l'évêque de Bayeux11
Vintras
est accusé avec Geoffroy, agent de Naundorf qui l'avait recruté,
d'avoir extorqué de l'argent des soeurs Garnier, notamment pour
publier un ouvrage de la "société" de l'Oeuvre de
Miséricorde. Il s'agit de l'Opuscule
sur des communications annonçant l'Oeuvre de la Miséricorde
de l'abbé Charvoz, Alexandre, curé de Montlouis. (BNF,
Rec. 8°Z 7401). Il convient donc à la défense de démontrer que
la cause est juste, qu'il ne s'agit pas de chimères. En fait, il
semble qu'il ait fabriqué ou fait fabriquer en série des hosties
sanglantes pour son rituel mais aussi on lui fit grief de participer
à un complot pour la prise du pouvoir par Naundorff.
Ainsi,
Maître Bérard, de Pontlieue dont le nom mystique était Athzeraël,
répandra-t-il sa "Défense de Pierre Michel Vintras",
parue à Caen, dans le département du Calvados où demeure, dans un
moulin, le prophète de Tilly sur Seulle . Mémoire ambitieux et
consistant - qui le fera condamner - et qui passe en revue, sous
prétexte de répondre aux différents chefs d'accusation, contre son
client, la question de Louis XVII, les textes prophétiques (Liber
Mirabilis,
la prophétie d'Olivarius etc). Il s'arrête longuement sur Martin de
Gallardon et ses contacts avec Louis XVIII et Charles X. Il signale
notamment des rumeurs qui circulèrent en 1840 quant à une action
armée venant de Normandie pour que le "Dauphin" Naundorff
se substitue à Louis-Philippe (p.5).
Essor
des recherches nostradamiques
Bareste
est probablement l'un des premiers auteurs après Déodat Despréaux
et son Oncle
Incrédule
(1820) à avoir voulu dépasser la Vie
rédigée par Jean Aimé de Chavigny de, encore que l'on puisse
encore s'interroger sur l'apport de Pierre de Haitze en 1711-1712 et
1789 (Vie
et Testament de Nostradamus).
Toutefois, en 1839, Francis .Girault publie
Le passé, le présent et l'avenir ou Prédictions, vérifications et
explications de quelques prophéties remarquables de Michel
Nostradamus.
On y trouve un récit de la vie de Nostradamus et une suite
d'éditions des
Centuries
(pp 11-16). En Allemagne, il convient de citer le travail d'Edouard
.Roesch sur la
Géographie de Nostradamus".
La
prophétie de Michel .iPirus
Dans
l'Oracle
pour 1840
qui porte en sous-titre
Recueil de Prophéties Anciennes et Modernes
,
Henri Dujardin insère les
Prophéties et Révélations des Saints Pères... par
Michel .Pirus. Il précise: . Dujardin n'envisage à aucun moment que
ce texte ait pu être compilé antérieurement. Il prend cependant la
peine d'indiquer dans quelle Bibliothèque il a pu étudier ce petit
livret de 24 pages. Dujardin précise . Il s'agit en fait d'un
ouvrage revu par Dujardin. Nous en examinerons les variantes par
rapport à l'original ainsi que certaines observations de A.
Chauffard ..
Un
des traits les plus remarquables de l'ouvrage consacré à la
Noble Fleur de Lys"
tient à ce qu'il est le premier à avoir formulé en français - du
moins sous forme imprimée - au début du XVIIe siècle, la phrase de
Vatiguero sur les fils de Brutus:
Les
Turcs ont remplacé les Anglais.
Initialement,
donc, il s'agissait d'un texte, outre son sens premier, qui concerne
le début du XVIe siècle (1515) mais n'en devait pas moins
s'appliquer, par la suite, à Louis XIII, dans sa lutte annoncée -
en vain - contre les Turcs...
Dujardin
ne retient de la Noble
Fleur de lys
que les premières lignes et s'arrête avant le passage consacré -
voir notre premier livre - à la
Chronique de Magdebourg",
qui parle du sang de Louis (sic) César & des Rois de France.
Dujardin:
“ Pirus
voulant absolument que Louis XIV fût le roi de France qu'annoncent
ces prédictions, assigne ici des époques à ces grands événements.
Tous ceux qui sans être prophètes ont prétendu expliquer des
prédictions non encore accomplies se sont trompés”comme Pirus.”
Chauffard
interrompt le texte de Dujardin, qui en comporte 57, au numéro 50.
Retour
de la Prophétie de St .Malachie
Un
des premiers auteurs du XIXe siècle, après Viguier en 1815, à
consacrer un développement important à cette
Prophétie des Papes"
qui a fini par éclipser les autres, telle celle de Joachim de Flore
avec ses vignettes et ses roues, est un certain Vial Arcade d'Orient
qui signe A (rcade). d'Orient qu'il traite d'"interprète
astrologue"
Certes, en 1840, a-t-on, dans le cadre d'un recueil réédité la
Réfutation
du Jésuite Menestrier, parue à la fin du XVIIe siècle, mais avec
le Tome IV de l'Accomplissement
des Prophéties... contenant l'Etat de l'Eglise pendant et après
l'Antéchrist avec ce qui doit advenir du Socialisme et l'Explication
de la Prophétie des papes de S. Malachie",
nous nous trouvons devant une apologie de la dite Prophétie,
exercice qui sera fort couru après 1870.
Déjà
le personnage central est Pie IX, élu en 1846 à 54 ans et cette
réédition et cette
Apologie
ne semblent se justifier que par rapport à ce Pape - vingt ans plus
tard, il sera toujours en exercice - et qui semblait, pour une
certaine opinion, après quelques années de règne, correspondre
fort bien à sa devise malachienne: Crux
de Cruce
.
Dans un bref recueil de 4 pages qui paraîtra en 1847-1848 on trouve
un commentaire malachien sur l'élection de Pie IX. Saint Malachie
n'a-t-il pas, selon Claude Comiers (Nature
et Présage des Comètes,
1665) " laissé 130 (sic) prophéties pour autant de souverains
pontifes romains desquels ayant déjà passé et vérifié la
prophétie, nous devons atteindre les vingt-huit papes qui restent
encore du nombre de ceux qu'il (St Malachie) a prophétisés (à)
avant l'avénement de Jésus Christ". Et l'auteur de décréter,
que désormais,sans que l'on cerne bien son argumentation, que le
nouveau pape Pierre IX (sic), élu en 1846, est le dernier pape.
V
- Le canon orvalien
La
manifestation principale du prophétisme français - dans la ligne du
Mirabilis
Liber
(XVIe) et de la Prophétie
des Saints Pères
(XVIIe) - est certainement la Prophétie de l'Abbaye d'Orval. Nous
avons déjà abordé son émergence aux abords de 1840, il convient à
présent d'étudier comment elle trouve un nouveau souffle avec la
révolution de 1848 puis de revenir plus amplement sur sa genèse.
Les
rééditions de la Prophétie d'Orval
Dujardin
réédite en 1848 son Oracle
pour 1840,
encore que sur la couverture figure toujours "Mars 1840".
(BNF, R 34349). Il ne s'agit pas pour autant, à proprement parler,
d'un faux puisqu'en note, il est précisé: "Ce supplément fut
publié pour la première fois séparément avec une pagination
particulière au mois de mars 1840 en même temps que nous faisions
paraître la seconde édition de l'Oracle. Nous le faisons réimprimer
au mois de Juillet 1848 en retranchant quelques pièces et ajoutant
des notes " (p. 153).
La
comparaison entre les deux versions du premier
supplément
met en évidence certains hypothèses devenues caducques: ainsi en
mars 1840, Dujardin annonçait-il, dans une "conjecture sur le
Pontife saint" ("Recherches sur la Prophétie d'Orval"
p. 89) le prochain avénement d'un Jésuite, le Prince Cardinal
Charles Odescalchi (ref. Propagateur
de la foi,
tome V), probablement pour succéder à Grégoire XVI mais entre
temps, le cardinal Mastai Ferretti fut élu en 1846, prenant le nom
de Pie IX.
“Dans
les éditions antérieures à la découverte de la fraude, l’auteur
(l’abbé
Danel) avait
fait précéder son oeuvre d’une préface dans laquelle il
essayait de démontrer par des témoignages anonymes et des
mensonges constatés et avoués depuis que la
prédiction
avait été copiée en 1823 sur un volume imprimé à Luxembourg en
1544, époque où aucun imprimeur ne s'était encore établi en cette
ville. Dans les éditions qui ont suivi la sentence de l'évêque de
Verdun on a fait disparaître toute cette fantasmagorie
compromettante”
Avec
la du second "lancement" de la Prophétie
d'Orval
en 1848, celle-ci allait acquérir une importance qu'elle n'aurait
évidemment pas eu en cas d'échec complet. Dès lors, pour Dujardin,
Henri, l'important n'est plus le récit de la découverte de la
Prophétie:
"Pour
moi, écrit- il en septembre 1849, la Prophétie d'Orval n'était ni
vraie ni fausse et (à) je la soumis à l'épreuve décisive de la
publicité, lui donnant une date incontestable et laissant au temps
le soin de lui imprimer le caractère qu'il conviendrait de lui
reconnaitre". Au lendemain de l'avénement de la Deuxième
République, il avait interpellé, dans un Second
Supplément
à l'Oracle de 1840 l'Evêque de Verdun, Louis Rossat, pour lui
demander de mener une enquête afin de confèrer un statut à la
prophétie. L'évêque avait publié ses résultats sous forme de
circulaire "confidentielle" en date du 6 février 1849 dans
divers supports comme l'Ere
Nouvelle
(BNF, Microfilm D 311) du 16 mars suivant . "Il était du devoir
de la presse, écrit-on dans ce journal catholique en introduction de
la circulaire épiscopale, de prévenir l'opinion contre de
semblables publications et de montrer avec quelle sagesse et prudence
l'Eglise agit en pareille circonstance. Elle n'a, jamais quoi qu'on
ait pu dire, cherché à troubler l'imagination des peuples et à
entretenir la crédulité des simples: au contraire, elle désavoue
formellement ces sortes de moyens et elle s'est constamment attachée
à prémunir les esprits et à éloigner d'eux tout ce qui n'a pas un
caractère suffisant d'autorité et de vérité" (p. 2)
On retiendra avant tout que cette lettre révèle à quel point les
événements de 1848 avaient été perçus par une partie de
l'opinion, catholique, comme susceptible de valider la Prophétie
d'Orval. Autrement, l'évêque n'aurait pas ressenti le besoin de
faire cette mise au point, et ce justement à ce moment là.
Dans
cette "circulaire" comme la nomme Lacombe, il est question
du Mémoire figurant dans le Second
supplément à l'Oracle pour 1840,
qui selon Dujardin, serait l'oeuvre du faussaire, l'abbé Danel. Or,
dans les Précis
Historiques
bruxellois (BNF, 8° Z 10415) de l'année 1871, l'auteur anonyme de
l'article "Prophéties en vogue" n'hésitera pas à
affirmer (p. 67):
"M.
Henri Dujardin avouant la faute qu'il avait commise en composant
cette pièce a dit qu'il l'a en partie compilée et en partie
fabriquée (à) On pourrait voir quelles parties datent de la fin du
siècle passé ou du commencement de ce siècle et quelles parties
sont dues à M. Henri Dujardin". Il s'agit là d'un contre-sens
par rapport au texte de Mgr Rossat qui certes mentionne "un
mémoire (..) dont les données principales ont été fournies par un
prêtre de mon diocèse" et de signaler en note le Deuxième
supplément à l'Oracle contenant un mémoire sur l'authenticité de
la prophétie d'Orval etc,
par Henri Dujardin, Paris, 1848". Apparemment l'auteur de
l'article a mal lu la référence et à cru qu'il était indiqué que
le mémoire était du à Dujardin lui-même, par ailleurs abbé.
Vingt ans après, voilà donc Dujardin impliqué dans un texte qui
sera repris par la Semaine
Liturgique de Marseille.à
Il
semble, cependant, qu'il ait eu en main le faux "mémoire"
manuscrit qui aurait servi pour certaines éditions. Dujardin lui
avait répliqué en cette même année 1849 dans une Lettre
de l'auteur de l'oracle pour 1840 et les années suivantes à M.
l'abbé.à.sur la circulaire de Mgr l'Evêque de Verdun relative à
la Prophétie d'Orval
(BNF, Rp 1912) en se félicitant entre autres que l'évêque puisse
attester que la dite prophétie était connue dès 1828, ce qui
suffisait en effet à accorder au texte le mérite d'avoir annoncé
la date de la Révolution de Juillet.
L'Abbé
D., c'est à dire Danel" de Belleville (Meuse) aurait donc été
l'artisan d'une mystification. L'Evêque raconte:
“Il
me déclara que le petit livre imprimé à Luxembourg en 1544
n’avait jamais existé que dans son imagination; que la prophétie
d’Orval dans la partie relative à l’Empire était exclusivement
son oeuvre; que le reste avait été composé au hasard avec des
lambeaux d'anciennes prophéties empruntées à des recueils inconnus
(de l'Eglise)à que dans le principe il n'avait vu dans cette
supercherie qu'un amusement sans portée; mais que le temps s'étant
chargé de vérifier quelques unes de ses prévisions, la vanité
d'un côté, de l'autre la fausse honte l'avaient fait persévérer
dans une voie dont il était enfin heureux de sortir”
A
cela Dujardin -James répondra qu'il est parfaitement disposé à
considèrer que le texte initial est une création tardive, datant de
1828, mais que cela importe peu puisque les événements qui se sont
succédé depuis ont confirmé son caractère prophétique. On
retrouvera le débat autour des Protocoles
des Sages de Sion
au lendemain de la Grande Guerre - qu'on appelait alors "Guerre
de Quatre ans", - encore faut-il que le texte n'ait pas
subrepticement été retouché .
Le
chanoine Timothée Lacombe, proche de l'archevêque de Bordeaux, se
fera l'avocat de la
Prophétie d'Orval"
alors qu'il considérera celle d'Olivarius comme un faux - ce qui
montre que la hièrarchie catholique n'est pas unanimement derrière
l'évêque de Verdun - d'où le nom ambigu d'un de ses ouvrages
Méfiance et Confiance pour les Prophéties Modernes"
.
Lacombe
considère que certains passages (le paragraphe 39 sur 10 fois 12
lunes annonçant une échéance au bout de 10 ans) sont des
interpolations et n'ont pas été rédigés par Danel. Mais ne
s'agit-il pas là, sous couvert de critique, d'un moyen d'évacuer un
élément qui a été infirmé par les événements ?
En
fait, il semble bien que les deux soient des faux mais que l'un ait
été confectionné avec plus d'adresse que l'autre sinon à partir
de l'autre. Il n'en reste pas moins que ces textes comportent des
éléments empruntés au corpus
de la littérature prophétique, à commencer par la prophétie de
Jean de Vatiguerro, mais à partir de quel état?
Olivarius:
"Cet
homme sortira tout jeune de la mer (..) et sera ainsi nommé non roi
mais peu après appelé Imperator"
Le
texte a été récupéré au profit de Napoléon Ier. On profite du
fait qu'il est né en Corse. Il n'est pas question ici d'en faire un
prisonnier, ce qui rapproche ce passage des premières versions du
XIVe siècle.
Orval:
"En
ce temps là, un jeune homme venu d'Outre-mer, dans le pays des
Celtes-Gaulois se manifestera (..) les fils de Brutus moult stupides
seront à son approche car ils les dominera et prendra nom empereur"
Dans
le même recueil du XIXe siècle qui comporte ces deux textes, celui
de Collin de Plancy (1840), nous trouvons d'ailleurs la prophétie de
Vatiguero:
"ces
provinces seront secourues par un jeune captif
qui recouvrera la couronne du lis et étendra la domination sur tout
l'univers; une fois bien établi, il détruira les fils de Brutus et
leur île"
Le
recours au Mirabilis Liber
On
observera qu'apparemment les sources d'Olivarius-Orval ne seraient
pas le Mirabilis
Liber,
du fait de l'absence du chronème captivatus
(cf supra). Les deux versions, avec et sans, vont cohabiter au XIXe
siècle. Il se pourrait que la réalisation du texte
d'Olivarius-Orval ait recouru à quelque recueil manuscrit, trouvé
dans une bibliothèque.
Dans
ce domaine, au demeurant, la plupart des documents sont suspects
d'une façon ou d'une autre.à Lacombe soutiendra par ailleurs, à
propos de la condamnation exprimée par l'Evêque de Verdun: "cette
réfutation porte uniquement sur les détails apocryphes insérés
dans le Deuxième
supplément
publié en septembre 1848 , relativement à la découverte du petit
livre et non sur le fond et l'existence même de la prophétie"
(p. 231)
Dujardin
avait fourni en 1848, dans le Deuxième
Supplément
à l'Oracle pour 1840 (BNF, R 34350), des documents qui rendaient
très probable le fait que le compilateur de la Prophétie d'Orval
ait eu entre les mains un exemplaire du Mirabilis
Liber.
L'abbé Danel (p.18) décrit l'original à partir duquel la Prophétie
fut composée:
"Je
n'aurai même pu savoir en quel lieu et en quelle année le livre
avait été composé si près du titre de chaque prophétie ne se
fussent trouvés et le nom du lieu et la date de l'impression".
Or l'on sait que plusieurs pièces du Mirabilis
Liber
portent une telle référence assez inhabituelle. Ainsi la
Pronosticatio
de Lichtenberger, qui s'y trouve comporte-t-elle in
fine
l'indication du libraire lyonnais et de l'année de publication
(1515).
Autre
détail significatif: Danel note qu'une partie était en latin, une
autre en français.
Enfin,
le titre de "Solitaire d'Orval" évoque le "peregrinus
Ruth", qui apparait dans certaines éditions comme l'auteur du
recueil sans parler d'une iconographie représentant quelque ermite.
Le
retour de la dynastie Bonaparte accédant au pouvoir au lendemain de
la "Seconde" République donne l'impression d'un scénario
qui se répète. Dès lors, certaines prophéties qui précisément
en proposent semblent de nouveau être d'actualité.
On
a vu que celui qui mettrait fin aux excès des fils de Brutus pouvait
aussi bien être un Bourbon qu'un Bonaparte. La
Prophétie de Vatiguero"
et ses avatars est donc une fois de plus de mise en 1848, prophétie
contre-révolutionnaire s'il en fut. En fait, cette prophétie est à
double tranchant: elle annonce à la fois que les fils de Brutus
seront vaincus, mais aussi qu'ils amènent le désordre. Elle sert
donc aussi bien pour rendre compte des révolutions () que des
contre-révolutions!
Les
retouches de l'Oracle pour 1840
En
1848, reparaissent des éditions apparemment à l'identique de
l'Oracle
pour 1840 (BNF, R 34349). La page de titre est marquée "Mars
1840". On songe aux rééditions des Centuries
où figure 1568. Certes, figure la formule "seconde édition,
perfectionnée et augmentée d'un Supplément" mais l'on peut
penser que celle-ci suivit de peu la première. Il faut entrer dans
l'ouvrage pour constater que nous sommes bel et bien en face d'une
édition postérieure à la Révolution de 1848.
La
comparaison avec l'édition de 1839 est édifiante. D'une façon
générale, la pagination et la mise en page sont restées
identiques. On note cependant que la Prophétie
d'Orval
était présentée en 1839 dans le cadre d'un chapitre intitulé
"Notice sur les Olivarius" et qu'elle fut annoncée comme
"Prophétie de Philippe Olivarius dite d'Orval" avant de
devenir en 1848 "Prophétie du Solitaire d'Orval" (p.81) .
L'argumentation
de Dujardin, Henri est d'une grande "évidence": il y a
dans la Prophétie d'Orval un passage ainsi rédigé: "Dieu veut
éprouver le retour à lui par dix
huit fois douze lunes.
Dieu seul est grand; il purge son peuple par maintes tribulations".
Dès lors que 12 lunes correspondent en gros à un an-notons que les
Tablettes
du Chrétien
de juin 1839 avaient une lecture plus restrictive, ce qui aboutissait
à 17 ans 16 jours seulement- on obtient en gros les 18 ans que dura
le règne de Louis-Philippe si l'on admet que par lune, il faut
comprendre mois.
Une
première approche du texte de 1839/40 confirme bien la présence du
nombre dix- huit dans le texte de l'Oracle
pour 1840.
Mais, las!, le multiple n'est pas douze mais dix! "Ce pourtant
Dieu veut éprouver le retour par dix huit fois dix lunes". Ce
qui change tout. Henri Dujardin serait- il un faussaire du
prophétisme dans la grande tradition?. Toutefois, en approfondissant
la recherche, on est vite contraint de constater que l'histoire de ce
texte est encore plus complexe qu'il n'y paraît. En effet, quand on
consulte les éditions de 1839 et 1840, en dehors de celle qui est
insérée dans l'Oracle,
celles-ci comportent la mention: dix huit fois douze lunes. Dans un
hebomadaire intitulé les Tablettes
du Chrétien
d'octobre 1839, (BNF, D 10109) p. 489, on peut lire dans un article
déjà cité "Curieux
document pour servir à l'Histoire de notre temps etc ":
" Dieu veut éprouver le retour à lui par dix huit fois douze
lunes (17
ans 16 jours).
alors qu'en décembre 1839, Dujardin, dans son Oracle
pour 1840,
note "dix huit fois dix lunes" et sans rien préciser entre
parenthèses sur la durée de ce terme. De même dans le Propagateur
de la Foi,
nous avons vu que Dujardin avait noté "dix huit fois dix
lunes".
Bien
plus, Bareste dans son édition de 1840 de Nostradamus indique "dix
huit fois douze lunes" tout comme Collin de Plancy dans la Fin
des Temps,
recueil paru également en 1840. Dujardin semble donc s'être aligné
sur cette autre version en 1848, au lendemain des événements qui
venaient confirmer cette version. Est ce à dire que Dujardin aurait
mal recopié en 1839/40 les articles déjà parus? Collin, dès 1840,
cite diverses sources que ne mentionne pas Dujardin dans la première
édition de son Oracle
pour 1840.
Dans
l'édition de décembre 1839 de l'Oracle
pour 1840,
Henri ..Dujardin avait certes publié le texte susmentionné avec
les dix-huit fois dix lunes. Mais dès le 16 janvier 1840, il fait
paraître une nouvelle version sous la forme d'un fascicule séparé
en s'expliquant ainsi: "Quelques jours après que la première
édition de mon Recueil eut paru, je fus informé qu'il existait une
copie plus exacte que celle que j'avais adoptée. Je fus assez
heureux de pouvoir me la procurer". On verra que la nouvelle
version est en réalité plus tardive et s'éloigne du modèle
initial. Ce nouveau texte parait avec la mention "Suite",
indiquant qu'un développement antérieur existait qui n'était pas
reproduit et qui recouvrait les événements antérieurs à la
Révolution.
En
mars 1840 parait une nouvelle édition de l'Oracle
pour 1840
avec une version encore modifiée, toujours avec les explications sur
la nature de ces changements.
Il
semble bien que l'Abbé ait apporté des modifications au texte paru
dans la presse (Journal
des Villes et Campagnes
du 22 juin). La version Bareste avec ses dix-huit fois douze lunes
sera reprise dans l'édition fribourgeoise de 1870, enfin dans le
recueil de Tisserand .
Un
trait de cette version - déjà présent en janvier 1840 - consiste à
changer "Celte Gaulois", propre à l'Olivarius
lenormandien, sauf pour la première occurrence, en "Céleste
Gaulois".
Dujardin corrige "terre de captivité" en "île de
captivité". Dans la version classique, il y a une occurrence
avec "terre (s) de captivité" et une autre avec "île
de captivité". Chez Dujardin, l'on trouve deux fois "île
de captivité: "les Grands ombragés l'envoieront guerroyer dans
l'isle
(terre) de la captivité".
Pour certains commentateurs, ce serait de Napoléon, envoyé en
Egypte, terre de captivité pour les Hébreux, qu'il s'agirait.
Plus
loin: "venez, jeune prince, quittez l'isle
de la captivité,
joignez le lion à la fleur blanche". Il s'agirait ici d'Henri V
.
Dix
ans en toutes lettres.
Mais
l'ajout principal de mars 1840 se situe entre les versets 47 et 48 -
la prophétie a souvent été découpée de la sorte. On trouve chez
Dujardin le paragraphe suivant qui ne figure pas dans les premières
éditions - il n'apparaît pas dans les Tablettes
du Chrétien
de 1839:
"Dieu
est saoul (las) d'avoir baillé des miséricordes et ce pourtant il
veut pour ses bons prolonger la paix encore pendant dix
fois douze lunes".
On verra qu'il s'agit de constater que le retour d'Henri V n'aura
finalement pas lieu, à la lumière des événements, en 1840 mais en
1850.
Au
demeurant, Dujardin ne donne-t-il pas le texte intégral: "Ici
dans l'imprimé qui était en assez mauvais état se trouvait un mot
illisible qu'on a suppléé par celui que nous imprimons en
caractères italiques. Il en est de même de quelques autres mots
qu'on rencontrera ci-après."
On
trouve en effet quelques points de suspension dans le premier texte
de Dujardin: "Le Roi du peuple en abord vu moult faible et
pourtant contre ira bien des mauvais mais il n'était pas bien assis
et voilà que Dieu... (le jette à bas)." On trouve également
ce morceau de phrase supprimé ainsi que plusieurs autres dans un
Curieux document pour servir à l'Histoire de notre temps"imprimé
à Rennes ( chez Mme de Caila, née Frout). Extrait
du Journal des Villes et des Campagnes
(22 juin 1839) (B. M. Rennes) titre sous lequel la prophétie, on l'a
vu, paraît dans les Tablettes
du Chrétien.
L'Histoire
racontée par la Prophétie d'Orval
Il
est parfois tentant de rester à la surface des textes et de ne pas
tenter d'en cerner la logique interne: ces chiffres qui figurent dans
le cours de la prophétie n'ont pas été lancés par hasard. La
supercherie ne consiste pas nécessairement à changer les dates mais
à leur confèrer une signification qu'ils ne revêtaient pas
initialement, en s'appuyant précisément sur le fait que les
lecteurs ne rentreront pas vraiment dans le texte et se contenteront
de repèrer tel ou tel chiffre concordant avec des événements
connus. Il existe bel et bien plusieurs niveaux de lecture, celui qui
préside au moment de la publication de la prophétie et celui qui
s'impose lorsque l'on confronte celle-ci à des événements survenus
depuis.
Ainsi,
sommes-nous avec la Prophétie
d'Orval
confrontés avec deux hypothèses: soit la version initiale
comportait elle dix-huit fois douze lunes et en chemin Dujardin par
inadvertance ou pour toute autre raison a changé douze en dix, soit,
celle ci faisait elle bel et bien apparaître dix lunes au lieu de
douze, pour le dit passage, et par la suite, pour telle ou telle
raison, on aura préféré changé le dix en douze. En outre, on ne
peut exclure que des versions plus anciennes aient existé. On ne
pourra donc faire l'économie d'une compréhension de l'articulation
du texte.
Or,
le dit texte suit une ligne chronologique assez simple puisqu'il
décrit les différents pouvoirs qui se sont succédé depuis la
Révolution et ses fils de Brutus. Le nombre de lunes chaque fois
indiqué correspond à la durée de chacune des périodes et donc
nous renvoie à une chronologie objective fidèlement respectée.
Il
est d'abord question de l'ascension et de la chute de Napoléon, qui
s'achève par la campagne de Russie ("la tierce part a péri par
le froid"). C'est ensuite la première Restauration: "le
vieux sang des siècles qui reprend place et lieu dans la grande
ville cependant que l'homme dit moult abaissé va au pays d'outre mer
d'où était advenu": Napoléon repart vers une île de la
Méditerrannée, Elbe, pour 11 lunes (la lune onzième) (avril
1814-mars 1815) et Louis XVIII doit repartir, "le vieux sang
quitte la grande ville". Mais bientôt c'en est "fait de
l'homme de mer", les Cent Jours qui curieusement sont marqués
par le passage d'une huitième Lune alors que 4 lunes suffiraient
amplement. Et c'est le retour définitif de Louis XVIII: "Voici
encore venir le vieux sang de la Cape". Mais la Révolution -
les fils de Brutus - n'ont pas renoncé et voici qu'après 15 ans de
règne des Bourbons - 1815-1830 - vient la chute de Charles X . Et
c'est le règne de Louis Philippe, "le roi du peuple" mais
là encore les fils de Brutus vont bientôt se déchaîner et on nous
annonce le terme "dix fois six lunes et pas
encore
six fois dix lunes" presque 120 lunes. Si l'on accorde en gros
12 lunes par an car à notre avis tel est le code pratiqué, la clef
chronologique en usage, on arrive à presque 10 ans. D'où l'attente
pour 1840 qui occasionne la publication de la Prophétie d'Orval. Le
texte paru avant 1840 se devait alors de préciser "pas encore"
10 ans (Journal
des Villes et des Campagnes, Tablettes du Chrétien).
En revanche, dans les éditions plus tardives de 1840 "pas
encore" deviendra "puis
encore"
voire "plus encore" (Prophétie
authentique)
puisque dès lors on aura bien atteint le nombre de dix années
depuis la Révolution de Juillet. De tels ajustements, s'ils sont
viables dans un chapeau explicatif, sont bien mal venus dans le corps
même du texte prophétique censé avoir été transmis tel quel
depuis des décennies voire des siècles. Dujardin, avec une certaine
ingénuité expliquera en 1840, dans l'édition datée du mois Mars,
qu'il a commis une "erreur" - ce qui justifiera une
retouche - en publiant "pas encore" à la place de "puis
encore" comme si le fait de passer le cap du Nouvel An
impliquait un tel procédé. En tout état de cause, comme le signale
le Journal
des Débats,
on attendait un événement majeur pour le 6 janvier 1840, celui ci
ne s'étant pas produit, dans les jours qui suivirent, il convenait
de corriger le tir d'où une nouvelle version de l'Oracle
en Mars mais dès la fin janvier-ce qui montre bien que ce texte au
sein du recueil constituait bel et bien une pièce maîtresse- va
paraître en fascicule cette Prophétie dite d'Orval publiée par
Henri Dujardin, à Paris, chez Maillet, chez qui sortira au cours de
l'année, le Nostradamus
de Bareste (BNF, Rp 2391) en date du 16 janvier, soit dix jours après
la date mentionnée par le Journal
des Débats.
Dujardin mentionne divers changements, publiant ainsi une troisième
version: "cette édition était d'autant plus nécessaire que
toutes les réimpressions qui ont paru depuis quelque temps ont été
faites sur des copies incomplètes et renferment des fautes plus ou
moins graves qui altèrent ou changent le sens. Entre autres fautes
qu'on pourrait signaler, nous indiquons celle- ci "dix fois six
lunes et pas encore", il faut "et puis encore" et
entre autres omissions, cette phrase toute entière. "Dieu est
saoul d'avoir baillé des misèricordes et ce pourtant il veut pour
ses bons (sic) prolonger la paix encore pendant dix fois douze
lunes". "Et Dujardin d'introduire un sursis supplémentaire
de 10 ans en raison des "bons".
On pense à l'argument de Saint Vincent Ferrier Ferrer Vicente pour
expliquer un délai d'un siècle.
Nous
avons laissé sans explication le passage où il est question d'un
laps de temps de 15 ans. Comment cette durée est elle rendue dans le
texte de la Prophétie d'Orval? Il est clair que onze lunes
correspondent ainsi à onze mois pour marquer le premier retour de
Louis XVIII. Dès lors, si l'on considère précisément le passage
faisant l'objet de variantes. à savoir dix-huit fois dix lunes ou
dix-huit fois douze lunes, il est clair que 18 fois 10 lunes
correspondent à un temps inférieur à 18 fois 12 lunes. Dans un cas
il s'agit de 180 lunes, soit 15 ans, de la même façon que 120 lunes
correspondent à 10 ans, dans l'autre, on obtient 18 ans, soit trois
ans de plus.
Or,
il est clair que la période s'étendant entre la chute de Napoléon
et la chute de Charles X ne saurait être considérée comme couvrant
18 ans mais 15 ans depuis Waterloo jusqu'à la Révolution de Juillet
1830. La bonne leçon serait donc 18 fois dix lunes et c'est bien
celle choisie par Dujardin dans le Propagateur
de la Foi
à partir de l'Invariable
de Fribourg (Suisse) et dans la première édition de décembre 1839
de l'Oracle
pour 1840.
Nous n'avons pas eu accès à ce journal suisse mais seulement à un
texte déjà mentionné: "Extrait
du Journal des Villes et Campagnes
(22 juin 1839) que nous pouvons comparer avec les Tablettes
du Chrétien
dont l'article concerné paraît à la même époque. Le titre en est
identique: "Curieux document pour servir à l'Histoire de notre
temps" suivi d'une formule entre parenthèses dans les Tablettes
et séparé d'un chapeau dans le Journal: "PROPHETIE. Imprimée
en 1544 et trouvée (conservée dans les Tablettes)
pendant la Révolution dans l'ancienne Abbaye d'Orval (les Tablettes
indiquent, pour leur part, "conservée dans l'Abbaye d'Orval en
Lorraine).
Comparons
le chapeau du texte de l'Extrait
et celui des Tablettes,
situé après le titre complet: guère de disparités, encore que les
deux textes soient rédigés différemment: on y mentionne notamment
Machiavel qui aurait "remarqué que nul changement grave n'était
arrivé dans le monde sans avoir été annoncé longtemps à l'avance
d'une façon ou d'une autre". Le texte de la prophétie aurait
été vu, indique le chapeau, dès 1826 et aurait étonné les
"Tuileries". Nous pensons pour notre part que le texte est
certainement postérieur à la Révolution de Juillet 1830. Mais quel
mérite y aurait-il eu, dès lors, à annoncer les 15 ans séparant
Napoléon de Louis-Philippe après la chute de Charles X?
Les
Tablettes
ne prennent pas la peine d'indiquer que le début du texte est censé
manquer: "On n'a pas copié les événemens relatifs à la
révolution de 91 qui tous étaient accomplis lorsqu'on a tiré cette
copie". Entrons dans le texte proprement dit. On note le même
usage des italiques pour les mêmes passages.
Mais
l'Extrait
comporte des coupures déjà signalées qui ne figuraient
vraisemblablement pas dans l'original du Journal
des Villes et des Campagnes
et pas davantage dans les Tablettes
que nous avons, elles, consultées et qui ne diffèrent guère,
pensons-nous, du dit Journal.
Cet Extrait
notamment ne comporte pas les dernières lignes du texte avec
l'annonce de la fin du règne des Capets et l'avénement de
l'Antéchrist.
Il
reste que les mêmes chiffres figurent entre parenthèses - et
notamment les 17 ans seize jours - ce qui montre bien que le
commentateur n'avait rien compris au texte, sinon il aurait corrigé
de lui-même et il en est ainsi de ceux qui adoptèrent cette
version. Il convertit entre parenthèses les lunes en années sans
prendre conscience du code employé d'où ces 17 ans et 16 jours au
lieu de 18 ans. Car ce n'est qu'en 1848 qu'il pouvait y avoir eu
quelque intérêt à ce qu'il soit question de 18 ans, quelque part
dans le texte.
Examinons
la suite de la chronologie orvalienne avant l'interpolation de dix
années supplémentaires déjà signalées, laquelle d'ailleurs
aboutissait à 1850.
Après la chute annoncée de Louis- Philippe pour 1840, c'est
l'avénement d'Henri V: "venez jeune prince (à) sage sera le
rejeton de la Cape". Son règne durera "pendant quatorze
fois six lunes et six fois treize lunes". Puis ce sera la fin
des Capets: "la fleur blanche s'obscurcit pendant dix fois six
lunes et six fois vingt lunes puis disparaît pour ne plus paraître"
et il est possible que l'on parvienne ensuite à la fin des temps.
Traduisons:
le règne d'Henri V durera 162 lunes soit à raison de 12 lunes par
an un peu plus de treize ans, ce qui nous amène à 1853. A cela il
convient d'ajouter encore une quinzaine d'années (180 lunes)
difficiles et nous parvenons à 1868.
Puis
le texte se conclut ainsi:
"Et
voilà déjà six fois trois lunes et quatre fois cinq lunes que tout
se sépare et le siècle de fin a commencé. Et c'est le temps de
l'Antéchrist. Après un nombre
non plein de lunes,
Dieu combat par ses deux justes et l'homme du mal a le dessous."
Encore un laps de temps de 38 lunes, soit un peu plus de trois ans et
nous atteignons 1871/72. et c'est enfin le temps de la fin, les deux
justes sont Hénoch et d'Elie et la durée du règne de l'Antéchrist
est de trois lunes et demie, nombre non plein de lunes. L'on connaît
en effet le thème eschatologique selon lequel la fin de la royauté
française s'achèverait par la fin du monde.
Cette
conclusion apocalyptique est à rapprocher de celle de la prophétie
de Vatiguero hormis le fait que le pape ne joue pas de rôle dans la
Prophétie d'Orval et que Vatiguero ne fait pas allusion directement
à l'Antéchrist:
"Ce
pape aura avec lui un empereur, homme très vertueux qui sera des
restes du sang très saint- des rois des Français (..). Ainsi il n'y
a aura plus qu'une loi, une foi, un baptême (..). Mais après que le
siècle aura été réformé, il paroitra de nouveaux signes dans le
ciel (.. . C'est pourquoi Dieu aménera et avancera la fin du monde"
(in
La Fin des temps,
Collin de Plancy, 1840).
Le
témoignage de Dujardin (Oracle
de mars 1840, BNF, R 34347) va dans le sens d'un article du Journal
des Villes et des Campagnes
comportant des coupures reprises dans le Propagateur
de la Foi
tandis que le texte des Tablettes
du Chrétien
serait complet. Signalons ainsi ci- dessous les passages qui ont fait
l'objet de suppressions dans l'Extrait.
On a mis entre parenthèses les passages non parus dans le pamphlet
de 3 pages.
“Malheur
au Celtes Gaulois, Le coq effacera la fleur blanche (et un grand
s’appelle le roi du Peuple. Grande commotion sera posée par mains
d’ouvriers qui ont guerroyé dans la grande Ville. Dieu seul est
grand : le régne des mauvais sera vu croître mais qu’ils se
hâtent, voilà que les pensées du Celte Gaulois se choquent et que
grande division est dans l'entendement).
Le Roi du peuple sera ainsi en abord vu moult faible et pourtant
contre ira de bien des mauvais; mais il n'était pas bien assis, et
voilà que Dieu (le
jette à bas. Hurlez fils de Brutus, appelez sur vous les bêtes qui
vont vous dévorer. Dieu grand ! quel bruit d'armes).
Il n'y a pas encore un nombre plein de lunes et voici venir maints
guerroyeurs, c'est fait la montagne de Dieu a crié à Dieu; les fils
de Juda ont crié à Dieu de la terre étrangère et voilà que Dieu
n'est plus sourd. Dix fois six lunes et pas encore six fois dix lunes
(neuf à dix ans) ont nourri sa colère (Malheur à toi, grande
ville! voici des rois armés par le Seigneur mais déjà le feu t'a
égalée à la terre; pourtant tes justes ne périront pas, Dieu les
a écoutés. La place du crime est purgée par le feu, le grand
ruisseau a conduit toutes rouges ses eaux à la mer et ) la Gaule
comme délabrée va se rejoindre; Dieu aime la paix... (points
de suspension ne correspondant pas à une rupture du texte).
Jeune prince, quittez l'île de la captivité; joignez le lion à la
fleur blanche. Ce qui est prié (prévu) Dieu le veut."
Le
texte de l'Extrait
du numéro du 22 juin 1839 s'achève, on l'a vu, sur la formule
suivie de points de suspension: "Dieu est encore béni pendant
quatorze fois six lunes et six fois treize lunes (treize ans trente
quatre jours ”.
En
revanche, on ne saurait considèrer ces deux publications comme
comportant l'état premier du texte. C'est vers le Propagateur
de la Foi
de A.F. James-Dujardin qu'il faut se diriger. Les explications qui
accompagnent le texte et qui fournissent des dates plus ou moins
reculées doivent être reçues avec précaution: on ne peut exclure
telle ou telle attestation antérieure à telle date à condition de
préciser que si telle ou telle version existe, elle ne comportait
pas tel passage. La question des interpolations complique
singulièrement le travail de la datation. Un texte ancien peut être
perçu à tort comme tardif pour la seule raison qu'il comporte des
retouches. Il ne faut pas, comme conseillait Kepler, au début du
XVIIe siècle, à propos de l'astrologie, jeter le bébé avec l'eau
du bain. Inversement, un texte récent ne saurait être considéré
comme ancien uniquement parce qu'il comporte un cadre qui l'est.
Genèse
de la Prophétie d'Orval
La
mise en place de la
Prophétie d'Orval"
nous semble particulièrement instructive, pour éclairer
rétrospectivement l'histoire des éditions des
Centuries"
dans les années 1588-1590 (L'on peut suivre le fil des éditions
successives, d'un mois à l'autre avec les modifications apportées
au fil des événements. On dégagera trois étapes.
Au
début des années Trente, un texte apparait,dans le style des
feuillets d'Olivarius chers à Mademoiselle Le Normand. Dujardin,
dans la toute première édition de l'Oracle
pour 1840
en date de décembre 1839, attribue la Prophétie d'Orval à Philippe
Olivarius,
alors que l'autre Prophétie est attribuée à
Philippe-Dieudonné-Noël
Olivarius. Dujardin introduit les deux prophéties par une "Note
sur les Olivarius" dans laquelle il constate les analogies entre
Prophétie d'Olivarius et Prophétie d'Orval (p.69-70). Il rédige
une Préface de la Prophétie de Philippe Olivarius dite d'Orval et
preuves de son authenticité (p.81). On ignore ce qui a amené
Dujardin à attribuer ce texte à ce Philippe Olivarius sinon la
conviction d'un rapprochement à faire avec la littérature
olivarienne attachée au nom de Mlle Le Normand.
D'ailleurs,
cette formule sera dès janvier 1840 abandonnée. pour devenir
Prophétie du Solitaire d'Orval. Dujardin emploie même la formule de
prophétie d'Olivarius d'Orval comme on dit Hermann de Lehnin.
A
partir de 1839 - après dix ans de pouvoir orléaniste - le texte va
être diffusé dans une certaine presse catholique (Tablettes
du Chrétien, Journal des Villes et des Campagnes,
l'Invariable
de Fribourg
du Comte Arthur O'Mahony Arthur ). mais avec des variantes plus ou
moins fidèles à l'original.
La
première occurrence imprimée et localisable, en juin 1839, semble
avoir été le Journal
des Villes et des Campagnes.
Elle est reprise immédiatement dans le Propagateur
de la Foi.
Mais au Tome XIV (pp. 173-187) de l'Invariable,
Nouveau Mémorial Catholique,
établi à Fribourg (Suisse) (Bib. Université Lille, 062446), un
certain R*** regrette notamment que la première phrase du document,
par ailleurs tronqué, ait été éliminée. Il affirme (p.13) que le
texte qui circulait en fait depuis quelques années déjà débutait
ainsi: et non par . L'article de R*** est repris dans le Propagateur
de la Foi
à l'Automne 1839 avec quelques notes supplémentaires de l'Abbé
James (Tome V, 1839, p. 149 et seq, BNF, D 61054 sous le titre
Critique des Prédictions modernes et en particulier de la Prophétie
d'Orval"
mais ce n'est pas la première fois, on le sait, que le Propagateur
publiait la dite Prophétie, il avait dans un premier temps reproduit
l'article tronqué du Journal
des Villes et des Campagnes,
en citant chaque fois ses sources de façon à ne pas s'engager
directement. Mais l'Abbé James prend l'initiative de diviser la
prophétie en un certain nombre de paragraphes numérotés qui ne
figurent pas dans les articles d'origine. Encore faut-il préciser
que ce découpage, s'il se maintient dans son principe, variera à
plusieurs reprises.
Dès
1839 vont donc cohabiter deux versions concernant dix-huit fois douze
lunes ou dix lunes; mais rappelons qu'à l'époque cette variante n'a
pas d'incidence puisqu'elle est censée concerner le passé, à
savoir la durée cumulée des règnes de Louis XVIII et de Charles X.
Celles publiées par le Journal
des Villes et des Campagnes
et par les Tablettes
du Chrétien
sont les premières occurences de la forme 18 fois douze lunes tandis
que l'Invariable,
le Propagateur
de la Foi
(Tome V) et l'Oracle
pour 1840
de décembre 1839 suivent la forme 18 fois dix lunes. Encore faut-il
préciser que le Propagateur
a d'abord reproduit dans son tome IV (p.330 et seq) en juin 1839,
sous la rubrique "Annales et Variétés", le texte
défectueux, comportant entre autres des coupures, du Journal
des Villes et des Campagnes
avec dix fois douze lunes avant de reprendre le texte de l'Invariable
de Fribourg.
Passé le cap de la nouvelle année 1840, et du début janvier dont
on attendait tant, Dujardin renonce à la version de l'Invariable
pour adopter la version complète lancée par les Tablettes
du Chrétien
mais la version, introduite par R***, parue dans l'Invariable
si elle n'est plus de mise dans les éditions suivantes de l'Oracle
pour 1840,
sera reproduite dans un recueil avignonais en cette même année 1840
(BNF, D 48841) qui place en tête le titre de l'article de
l'Invariable:
"Des Prédictions modernes et en particulier de la Prophétie
dite d'Orval par M. R***", chez Seguin Aîné, ainsi que dans la
Prophétie
authentique arrivée d'Amérique suivie de celle qui a été trouvée
dans l'Abbaye d'Orval,
Paris, Dentu, BNF, Rp 2389, paru également en cette année là.
Le
texte de la Prophétie d'Orval dans la version de mars 1840 de
l'Oracle
de Dujardin figure chez Bareste ou dans les éditions suivantes de
l'Oracle
pour 1840;
il est sensiblement remanié, on y ajoute en italique un certain
nombre de termes, on change Celte Gaulois en Céleste Gaulois. L'on
conserve, tant chez Bareste que chez Collin de Plancy, la formule des
Tablettes
"dix-huit fois douze lunes". On ajoute le sursis de dix
fois douze lunes, soit 10 ans, ce qui est quelque peu contradictoire
avec le terme de 18 ans- encore que l'on ne sache pas a priori à
partir de quelle date calculer ces années.
Survient
1848 et l'on s'aperçoit que la forme 18 fois douze lunes coïncide
avec la durée du règne de Louis Philippe, la convergence est
soulignée et c'est donc cette version qui l'emporte à l'aune d'un
certain prophétisme alors qu'il s'agit très probablement d'une
erreur de copie survenue en 1839 dans les Tablettes
du Chrétien
et dans le Journal
des Villes et des Campagnes.
Toutefois,
le fait qu'aucune réédition de la Prophétie d'Orval n'ait eu lieu
entre 1840 et 1848 nous amène à penser que la Prophétie d'Orval
était tombée en disgrâce et qu'il fallut la nouvelle Révolution
aboutissant à la Seconde République pour confèrer toute son
importance au passage des dix-huit fois douze lunes, ce qui fut aussi
largement le cas pour la prophétie alliacienne, soixante ans plus
tôt.
Il
conviendrait dès lors de classer l'échéance de 1848 comme une
réussite du prophétisme français au même titre, toutes
proportions gardées que celle concernant 1789. On ne saurait être
trop regardant: la prophétie d'Ailly devait elle aboutir à 1789
selon les calculs considérés et quant aux Centuries,
les interprètes ne s'autorisent- ils pas d'y accèder en toute
liberté, se contentant de retenir un chiffre ou un mot sans trop se
préoccuper du contexte qui sera appréhendé dans la foulée.
Une
littérature néo-vatiguerienne
En
définitive, cette littérature olivarienne pourrait fort bien être
qualifiée de vatiguerienne. On sait que ce texte avait servi au prix
de l'ajout d'un coéfficient. L'étape suivante allait consister à
la refondre. Il n'est pas indifférent que la dite Prophétie de
Vatiguero/Césaire figure dans le recueil de Collin de Plancy de 1840
aux côtés des deux prophéties olivariennes. Collin précise qu'il
faut ajouter 284 ans à chaque date. Le lecteur saisit ainsi des
bribes: un roi mis en fuite, l'invasion de la France - une crainte
ressentie surtout dans les premières années qui suivirent la
Révolution puis dans les derniers temps du premier Empire - un jeune
captif qui recouvrera la couronne de lis. La domination étrangère
sera épargnée à la France de l'époque mais en 1830 - trois cents
ans après la mise en place de cette version liée à la captivité
de François Ier - la spoliation des droits du jeune Henri V
exaspèrera les esprits et Louis Philippe sert de repoussoir, un peu
comme un antipape.
La
Prophétie d'Olivarius et les Lunes
Il
convient de souligner que le recours aux lunes pour marquer le temps
dans un style prophétique est déjà attesté dans la prophétie
d'Olivarius telle qu'elle apparaît en 1820 dans l'oeuvre de Marie
Anne Adélaïde Le Normand . dont le récit est extrêmement proche,
dans son propos, de celui de la Prophétie du Solitaire d'Orval. Au
fond, tout se passe comme si la Prophétie d'Orval était celle
d'Olivarius, ayant intégré la Monarchie de Juillet. Elle fait
apparaître le jeune prince (qui
pourrait être Louis XVII né en 1785)
comme un recours et spécule sur la chute de Louis XVIII de la même
façon que l'on spéculera sur celle de Louis-Philippe.et son
remplacement par Henri V.
C'est
ainsi que les Cent jours sont désignés par "trois lunes et un
tiers de lune". Mais le règne de Louis XVIII ne sera pas de
tout repos: "Le sang du vieil roi de la Cape sera le jouet de
noires trahisons (..). Lors un jeune guerrier cheminera vers la
grande ville" Il semble que cette accession soit, dans l'esprit
de la prophétie, favorisée par les Belges (la Gaule Belgique). On
comprend que Bareste ait publié en 1839 la dite prophétie dans le
Capitole
parallélement à ceux qui promouvaient celle d'Orval, plus à jour.
Le fait que l'on indique les difficultés du règne de Louis XVIII
permet d'y lire celle de Louis-Philippe tant le XIXe siècle est
riche en recommencements.
On
lit dans Olivarius: "Ains paix durant vingt cinq lunes",
soit deux ans environ ou encore "sept fois sept lunes" soit
près de quatre ans.
Un
canon éclaté
Bien
que la prophétie relayée par Mlle Lenormand. qui pourrait n'en
avoir rédigé que les suites - les dix feuillets - au début des
années Trente, en imitant le style de la première parution, semble
être antérieure à la prophétie chère au Propagateur
de la Foi,
les éléments fournis pour la Prophétie d'Orval nous paraissent
plus cohérents. Si celle ci n'avait été qu'une copie de celle
d'Olivarius, on ne nous fournirait pas des explications aussi
détaillées et vraisemblables sur son origine qui nous semble bien
être le Mirabilis
Liber
à la structure si reconnaissable. A l'inverse, ce qui nous est narré
de l'invention de la prophétie d'Olivarius nous semble plus hâtif
et on ne nous signale un recueil du XVIe siècle que de façon très
ponctuelle. Nous sommes bel et bien face à un même ensemble
néo-mirabilien
qui aurait pu faire l'objet vers 1870 - comme pour Nostradamus au
début du XVIIe siècle et déjà en 1594 avec la compilation
chavignienne en faveur d'Henri IV - d'un canon regroupant trois
volets la Prophétie d'Olivarius telle qu'elle figure dans les
Mémoires
de 1820 et 1827, la prophétie d'Orval telle qu'elle figure dans
l'Oracle
pour 1840
- avec éventuellement l'interpolation des dix- huit fois douze lunes
de 1848 - les feuillets d'Olivarius de Mlle Le Normand parus en
1831-1833. Un tel canon, plus qu'un recueil de pièces par trop
dépareillés, eut servi la cause d'Henri V lequel de toute façon, à
la différence de son aïeul, ne pensa pas qu'il pouvait se permettre
de compromis avec ses convictions chromatiques, à propos du drapeau.
Chapitre
IV
La
faillite des dynasties
1848,
rétrospectivement, apparaît comme le coup fatal porté à la
dynastie Bourbon et à son supplétif Orléans. 1870 voit,
pareillement, le dernier Bonaparte porté au pouvoir. Cela
n'empêchera, bien au contraire, toutes sortes de prétendants de se
manifester et au prophétisme d'alimenter leurs attentes.
I
- Le prophétisme autour de Louis-Napoléon Bonaparte
Napoléon
III apparaîtra comme un personnage quasi-messianique, notamment au
regard de la question juive., c’est ainsi qu’il est à l’origine
du décret de naturalisation des Juifs d’Algérie qui sera mené à
bonne fin en 1870 par Adolphe Crémieaux. La Guerre de Crimée qui
conduit la France en Orient correspond en quelque sorte à un acte
manqué, à l'instar de la Campagne d'Egypte de son oncle. Quant à
la politique italienne, elle se termine en catastrophe, lorsque la
France retire ses troupes au moment de la Guerre franco-prussienne.
Louis-Napoléon Bonaparte nous apparaît donc comme le dernier
monarque français, celui qui aurait pu en effet accomplir un destin
en résonance avec certaines attentes prophétiques. Napoléon III
finira par être considéré comme Antéchrist.
A
- L'ajustement
des prophéties à partir de 1848
La
chute de Louis-Philippe- lequel d'ailleurs abdique en faveur de son
petit fils le Comte de Paris et non en celle d'Henri V - relance les
espérances du camp bonapartiste comme du camp légitimiste qui
songe à Henri V mais aussi, chez certains dissidents, à Louis XVII
dont plusieurs revendiquent l'identité .
Paul Lecoint, dans sa Justice
de Dieu. Prophétie sur les destinées de la France et du Président
de la République
propose un raisonnement assez alambiqué à base de dates et de
nombres en faveur du Duc de Normandie, qui ne serait de toute façon
plus tout jeune, puisque né en 1785, il aurait la soixantaine. Mais
1848, c'est aussi, pour le milieu prophétique, la consécration tant
attendue de la Prophétie d'Orval. 1848 et la Deuxième République
apparaîssent au demeurant comme le début d'une Ere
Nouvelle
qui justifierait comme en 1792 de ne plus compter à partir de l'Ere
Chrétienne .
Avec la Révolution de Février qui apporte comme une confirmation de
la
Prophétie d'Orval",
il semble que la hiérarchie religieuse ne puisse plus "laisser
faire". Il en sera de même en 1870 avec la
Prophétie des Papes"
qui, chez certains, revêt effectivement un caractère assez trouble.
pour ne pas parler des spéculations sur la prochaine conversion des
juifs, considérée comme une des conditions de la Fin du Monde. Nous
avons vu (qu'à la fin du siècle précédent, ce "rappel"
des Juifs constituait une pomme de discorde au sein des milieux
catholiques.
Au
lendemain de la Révolution de Février, la
Prophétie d'Orval"
est de nouveau à l'honneur: Dujardin rappelle ce qui s'est passé
en 1840. La
Gazette de Flandre- Artois"
dans un numéro paru au lendemain des événements, cite le texte du
Journal des Villes et des Campagnes"
de 1839 (BNF, Rp 2392) mais reproduit celui de l'Oracle
pour 1840
dans son édition datée de décembre 1839. La nouvelle Révolution
est là avec la Seconde République.
Il
parait une
Prophétie Merveilleuse concernant la Révolution de Février 1848,
la chute de Louis-Philippe, la Restauration de la Royauté et les
événements qui doivent venir".
Il s'agit simplement de la
Prophétie d'Orval"
découpée en un certain nombre d'épisodes.
Un
titre très proche circule également à cette époque mais cette
fois annonçant la "proclamation de la République":
Prophétie
merveilleuse concernant la Révolution du 24 février 1848: La Chute
de Louis-Philippe, la proclamation de la République et les
événements qui doivent suivre (extraite d'un ouvrage imprimé à
Luxembourg en 1544 sous le titre de Prévisions d'un Solitaire
(BNF, Lb53 45)
Echéances
de la prophétie d'Agier
Si
le camp orvalien a connu un certain échec en 1840, il est d'autres
prophètes également déçus, les lecteurs de la Revue
Ecclésiastique,
Tome X. (BNF, D 50435) qui ont attendu l'arrivée de 1849 dans
l'esprit de ce qu'Agier écrivait en 1822. Il y était entre autres
question des juifs qui convertiraient le monde entier au
christianisme. Or, en 1849, paraîssent, sous la plume de l'Abbé J.
Charbonnel, J., Soixante
ans encore! et le monde n'est plus. Féconde et plausible explication
de l'Apocalypse
(Paris et Mende BNF, A 83370) où l'auteur annonce la délivrance de
Jérusalem pour 1896-98, la conversion des juifs, le règne de
l'Antéchrist, le tout s'achevant vers 1909-11.
Comme
à l'accoutumée, certains s'essaieraient de revoir la date annoncée.
Dans un Avis
à nos frères pour les derniers temps
paru en 1850 dans la dite revue . Le propos est présenté dans
l'esprit d'un pari pascalien:
"Supposé
que nous nous soyons trompé en compagnie de ces hommes si judicieux
et si savants, il n'y pas grand inconvénient. L'événement
viendrait nous démentir et nous fermer la bouche. Le lecteur de son
côté aurait perdu quelques heures de son temps, ce qui n'est pas
une grande perte pour la plupart et ce qui vaudra mieux que de le
consumer à des lectures dangereuses ou à des plaisirs défendus par
la loi de Dieu. Mais si nous ne nous trompons pas (comme nous en
avons la ferme confiance), quels avantages ne retirera-t-on pas de
l'étude de ces avertissements!" (p. 365).
Et
de nous expliquer qu'Agier a commis une erreur en plaçant l'édit
d'Hadrien en 134 et qu'il convient, au vu de certains documents
historiques, de repousser cette date de quelques années et de
conclure " Nous connaissons maintenant d'une manière
approximative l'étendue de cette période (le grand
"renouvellement"), elle semble devoir se terminer vers le
courant de 1850-1851 ou 1852"
Le
comique prophètique
Le
prophétisme se trouve pris entre deux feux: la hiérachie catholique
s'inquiète et le public exprime une certaine dérision. Des
Prophéties
comico-blago-charivariques
pour 1848 de F. Le Villard, F., paraissent chez Mme Delavigne (BNF,
Zp 2479). L'on met les comètes en vers.
Chanson
de la Comète de 1848 (BNF)
Elle
nous prédit la défaite
Des
rois qui faisaient tant de bruit
Par
ce signe, l'Etre suprême
Nous
annonce ce Parfait bonheur
De
l'abondance, elle est l'emblème
Du
despotisme la terreur (bis)
Vive
la Comète (bis)
...........................
Signé:
Mazoyer ”
La
crise constitutionnelle de 1851
Nous
avons pensé qu'il serait heureux de nous arrêter sur un événement
qui, a
priori,
est extérieur à notre sujet, à savoir le coup d'état de
Louis-Napoléon Bonaparte, qui survint le 2 décembre 1851. Mais ce
faisant, nous pensons contribuer à une réflexion plus en profondeur
quant à l'essence du phénomène prophétique.
Au
demeurant, les textes jouent en cette affaire un rôle déterminant,
en l'occurrence celui de la constitution du 4 novembre 1848, qui fut
suivie le 10 décembre de la tenue de l'élection présidentielle au
suffrage universel, la première du genre en France, sur le modèle
américain.
Ceux
qui rédigèrent la constitution fixèrent en effet à 4 ans le
mandat du Président, à l'instar de la constitution des Etats Unis.
Mais ils pensèrent judicieux d'interdire la possibilité d'un
deuxième mandat pour le même Président en 1852. A la rigueur,
selon l'article 45 de la constitution, le Président sortant - on ne
savait pas encore que ce serait Louis Bonaparte - pourrait se
représenter en 1856, après quatre ans d'absence. L'on observe donc
une tentative de la part du monde politique de baliser le futur .
Il
subsiste des manuscrits qui ne firent apparemment pas l'objet de
publications et qui témoignent d'une certaine pression du milieu
astrologique français sur le futur Napoléon III. La Bibliothèque
Municipale de Lyon-La Part Dieu conserve des lettres d'Eugène Ledos
Eugène (n° 5806), l'une de novembre 1848, à la veille de
l'élection du 10 décembre et l'autre du 7 avril 1851, adressée au
Prince Président de la République, alors que le pouvoir personnel
ne s'était pas radicalisé. Ledos y encourage Louis Napoléon
Bonaparte sur la voie de l'Empire.
Toujours
est-il que Louis-Napoléon tenta vainement d'obtenir la révision de
l'article 45 mais il ne put atteindre la majorité nécessaire des
3/4 pour ce faire car les monarchistes avaient déjà leur propre
candidat en réserve. Un compte à rebours était déclenché car il
fallait impérativement que le coup d'état eut lieu avant la fin du
mandat de 4 ans, donc avant le 10 Mai 1852. Ce qui fut fait. Une
nouvelle constitution, du 14 janvier 1852, confèra à Louis-Napoléon
un mandat de dix ans, donc a
priori
jusqu'en 1862.
Les
monarchistes, qui venaient de "fusionner", avaient en effet
intérêt à empêcher que Louis Bonaparte puisse demander un second
mandat, ils considéraient que l'heure était venu de rétablir,
après ce bref entr'acte de 4 ans, la monarchie en trouvant un accord
entre Orléanistes et légitimistes, quitte à passer par une
élection présidentielle, dans un premier temps.
En
quoi ces événements sont-ils d'un enseignement pour une recherche
sur le prophétisme? Nous ferons d'abord remarquer que nous sommes en
présence d'une fixation arbitraire
du temps et l'on peut se demander si le prophétisme n'a pas
correspondu à une sorte de préhistoire de la démarche
constitutionnelle, par une fixation de dates qui devait avoir un
certain fondement et relevait parfois du mouvement des astres dans
le ciel, à la façon d'une horloge.
Mais
l'échec même du procédé est également signifiant: un tel
mécanisme ne pouvait en quelque sorte que contraindre Louis-Napoléon
au coup d'état, ce dont il se serait passé, si on lui en avait
donné l'occasion. Dans ce cas, le changement d'une partie infime
d'un article du texte constitutionnel ne pouvait se faire que de
façon très lourde par un accord de la plupart des députés. Et
c'est en raison de cette impuissance même à amender
le texte, pour l'adapter aux circonstances, que la constitution de
1848 fit long feu et qu'un homme et ses parusans furent contraint de
recourir à la force. Par comparaison, ni la monarchie, ni la
papauté, ne se situent dans une durée limitée, aucune structure
de la vie politique de l'Ancien Régime ne se pliait à une
quelconque périodicité: seule la majorité du roi en France était
clairement précisée,
en
liaison avec les rites de passage (à 13 ans,
bar mistva,
chez les juifs, circoncision chez les musulmans). D'une façon plus
générale, le droit constitutionnel est l'expression du temps de la
Cité. Même la mort du roi, sous l'Ancien Régime, ne devait, en
principe, laisser de vide institutionnel, de par la mise en place de
processus automatiques. En fait, la naissance et la mort du souverain
pourraient avoir été considérées en analogie avec le lever et le
coucher d'un astre, en dehors de toute interférence.
Nous
avions signalé les mésaventures de Lalande en 1773 provoquant une
panique en discourant sur une comète, alors qu'il ne souhaitait en
aucune façon jouer au prophète. Dans le cas de la constitution de
1848, nous avons affaire à des hommes qui n'ont pas davantage une
telle ambition mais qui, parce que voulant exorciser l'avenir, en
posant des principes draconiens, ont induit une situation explosive.
Madrolle
et Louis XVII
Au
cours de cette période qui précéde le coup d'Etat de Louis
Bonaparte du 2 décembre 1851, et où le sujet la mode est
l'élection d'un président de la République, issu d'une des
familles ayant régné sur la France, Antoine Madrolle fait paraître,
en cette année, une véritable somme prophétique , mêlant
centuries et Mirabilis
Liber:
Le Grand Prophète et le Grand Roi...de la République Française
(BNF,
8° Lb55 2002).
Ce dernier ouvrage, peu connu des spécialistes de Nostradamus - qui
n'ont pas balisé systématiquement le corpus prophétique - fait au
demeurant largement appel aux Centuries.
et à Jean Aimé de Chavigny, . Madrolle y propose un commentaire des
pièces du Mirabilis
Liber
sans le citer, à la différence de Boispréaux, Déodat (de) en
1820. C'est en fait des pans entiers de ce recueil qu'il date de
1520, qui se retrouvent dans le Grand
Prophète et le Grand Roi,
extraits tant de la partie latine que de la partie française.
Pour
Madrolle, en 1851, le grand
Prophète,
c'est Pierre Michel Vintras alias Sthratanaël, le "prophète de
Normandie" au service du "duc de Normandie", Louis
XVII ou de ses fils, notamment l'aîné, le "dauphin",
Charles Edouard de Bourbon, comme il le désigne dans son
introduction. Madrolle qui s'était réjoui de la mort providentielle
du duc d'Orléans en 1842 dut déchanter lors de celle de
Charles-Louis Naundorf en 1845.
Le
titre de l'ouvrage de Madrolle, est assez explicite son Grand
roi de la République Française,
c'est bien entendu celui qui fera suite à Louis-Napoléon à la fin
de son mandat de 1852. L'idée d'un roi élu du peuple, est dans le
prolongement du statut de roi des Français de Louis-Philippe. C'est
de fait le mariage entre la république et la monarchie
Madrolle
commente (Grand
Prophète,
pp. 140-141) le Janus
Gallicus,
au profit de Louis XVII. Ne trouve-t-on pas en traduction latine du
quatrain de Juin 1561
"Excurret
modo, nec campo pugnabit aperto
LODOICUS,
versans tristes in pectrore curas
Undique
primates horrenda pericula cingent
At
SEPTEM atque DECEM plures numero adgredientur"
Le
Janus
Gallicus
de 1594 rend très librement le quatrain de l'Almanach (
"Course
de LOIN, ne s'apprester conflicts
Triste
entreprise, l'air pestilent, hideux
De
toutes parts les Grands seront afflicts
Et
dix
sept
assaillir vint & deux"
On
notera que le chiffre 22 au dernier verset n'est pas repris dans la
version latine. Madrolle trouve dans le passage en latin Lodoicus
et 17, sans se demander comment l'on est passé de "Loin" à
ce nom (cf supra).
Cela
dit, Madrolle interroge: "Le Janus Gallicus va jusqu'à nommer
le grand roi futur, Louis. Et cela, l'an (15)94, lorsque nul Dauphin
ne portait ou n'était appelé à porter ce nom."
De
fait, aucun dauphin n'avait reçu le prénom de Louis, depuis le fils
de Charles VII, en 1423, le futur Louis XI, soit depuis près de deux
siècles, Louis XII n'étant pas promis au trône à sa naissance, ni
même frère du dauphin. Qu'est-ce qui amena Henri IV à baptiser son
fils ainsi, hormis le souvenir de Saint Louis dont la descendance
faisait des Bourbons des princes du sang et justifiait leur accès au
trône de France, en tant que cousins éloignés? Nous montrerons, au
livre suivant, que le Janus
François
avait transformé chaque fois LOIN en LODOICUS en hommage à Louis
Ier de Condé (1530-1569), également un Bourbon, le Grand Condé
portera ce prénom au siècle suivant. Toujours est-il que le nom de
Lodoicus,
proche de Ludovicus, figurera à de nombreuses reprises, dans le
Janus
Gallicus
sinon dans les quatrains de Nostradamus et qu'au cours des deux
siècles suivants, c'est ce même prénom qui marquera tous les rois
de France, de Louis XIII à Louis XVIII. Peut-on supposer que le
prénom Louis
conféré en 1601 au Dauphin serait inspiré du Janus
François?
Ou bien le prestige de cet ouvrage tint-il en partie à ce subterfuge
du Lodoicus,
concernant le passé et qui ne visait qu'à montrer l'aptitude des
centuries à prévoir les événements écoulés jusqu'à la
rédaction du Janus
François,
sans prétention pour l'avenir?
L'Astrologie
dans l'Encyclopédie de Migne ;
Dans
la monumentale
Encyclopédie
(de Migne); de Migne, les sciences occultes ont droit à deux
volumes, sous la direction de Collin de Plancy, qui reprend (cf
supra) les éléments de son
Dictionnaire Infernal",
qu'il expurge en raison de son évolution spirituelle. On y trouve,
certes, une foule de données concernant la pratique de l'astrologie
sans, nous semble-t-il, que cela puisse vraiment permettre au lecteur
de dresser un thème. Ce qui autorisera encore en 1864 Paul
Christian, Paul, dans l'Homme
Rouge des Tuileries,
à laisser sciemment croire à son lecteur qu'il n'y a jamais eu
d'autre astrologie qu'un certain mélange d'astrologie et de tarot,
n'hésitant pas cependant à dresser des thèmes à la manière du
XVIe siècle, mais qui ne reposent pas pour autant sur des bases
astronomiques réelles (cf infra). Dans son
Histoire de la Magie,
Paul Christian
Paul
Christian fournit en outre plusieurs centaines de maximes
astrologiques issues d'auteurs classiques. En revanche, Eliphas Lévi,
avait revendiqué l'héritage de Gaffarel, . ce qui semble beaucoup
plus vraisemblable pour fonder une sorte d'astrologie cabalistique à
base de cartes.
Le
Dictionnaire des Prophéties de Lecanu
Mais
l'on trouve dans la même collection "Migne" paraissant à
Montrouge, dans la banlieue parisienne, les deux tomes du
Dictionnaire des Prophéties et des Miracles"
du Chanoine Auguste François Lecanu parus respectivement en 1852 et
1857 et qui comportent nombre d'articles qui recoupent directement
notre corpus, notamment . Il s'agit surtout d'un travail qui se
démarque sensiblement par son ton des classiques recueils de
prophéties des années 1840 bien qu'il comporte au demeurant les
mêmes textes. Il est notamment le premier à reproduire - ou plutôt
à redessiner avec de légères variantes - "une roue de
vaticination", celle d'Aegidius Polacus,
De XXVI Pontif. Rom.
qui s'arrête à Clément VIII et comporte encore quatre cases vides
(pp. 505-506) à partir d'un recueil italien de 1600. L'auteur ne
semble poursuivre aucune quelconque entreprise de propagande et
s'efforce de faire oeuvre critique.
De
fait, les 2000 colonnes du Dictionnaire
constituent une somme impressionnante de documents: on y aborde la
plupart des textes qui ont retenu notre attention avec des éléments
bibliographiques utiles; l'article "Papes" fait le point
sur les Vaticinia
et Malachie, l'article "Prophéties Politiques" où il
reproduit entre autres les prophéties olivariennes, l'article
Mademoiselle Le Normand, l'article "Liber Mirabilis",
l'article "Regiomontan" (sic), l'article "Nostradamus"
etc.
Lecanu
fournit nombre de textes, son Dictionnaire
étant à certains titres une anthologie, il reproduit une grande
partie de ce que Gianini écrivait, vers 1600, sur les Vaticinia
pseudo-joachimites, ainsi qu'une étude de Boyeldieu d'Auvigny sur
Marie Anne Le Normand.. On y fait écho à certains doutes sur la
paternité de celle-ci par rapport à un ouvrage du genre des
Mémoires
de l'Impératrice Joséphine. Le chanoine décrit par le menu les
pièces constitutives du Mirabilis
Liber
sans pour autant mentionner le recueil de .i.Lichtenberger qu'il
reprendra au demeurant par ailleurs.
Liber
Mirabilis:
"un
traité de la certitude de la divination astrologiques et de ses
révélations particulières"
La
Pronosticatio:
Lichtenberger
"reprend les prophéties de ses prédecesseurs: celle de
Joachim,de Sainte Brigitte, de Régnier (sic, pour Reinhardt)
Lolhart"
Lecanu
ne réalise pas que les deux documents sont identiques. On a déjà
mentionné son explication ingénieuse pour l'apparition du nom de
Saint- Césaire à propos d' une des pièces du Mirabilis
Liber.
Lecanu s'efforce de cerner les dates du dit recueil: "la plus
ancienne édition est postérieure à l'an 1514 puisqu'on y trouve,
sous la forme d'un entretien entre le Sauveur et sa Mère, une
vaticination datée de cette même anée. Il y a une seconde édition
faite à Paris en 1523"
Mais
si Lecanu traite assez longuement des prophéties
pseudo-merliniennes, il ne signale pas leur présence pour autant
dans la partie en français du Mirabilis
liber
où il est vrai le nom de l'enchanteur ne figure pas
(cf
supra).
Par
ailleurs, Lecanu s'efforce de cerner la genèse de certaines
prophéties: la fixation de l'échéance régiomontanienne de 1588
serait due à une nouvelle interprétation de la prophétie d'Arnaud
de Villeneuve. (c. 1240 ou 1250 av. 1312).qui avait d'abord abouti
aux années 1355 et 1464. Le Dictionnaire
des Prophéties,
qui garde le plus souvent un ton assez distancié, signale que l'on a
changé par la suite 1588 en 1788. Lecanu n'hésite pas à traiter de
compilations tardives les Prophéties d'Olivarius et d'Orval,
attribuant la première à Mlle Lenormand. Mais dans l'ensemble, il
juxtapose des textes sans les relier dans la diachronie, ni en en
précisant les variantes comme dans sa brève étude de "Lilium
dominans in meliore parte".
Lecanu pourrait néanmoins être considéré comme l'un des pionniers
des études sur le prophétisme.
B
L'agitation prophétique avant 1870
Citons
un texte anglais, signé Baxter, paru en 1865 à ondres sous le titre
Louis
Napoleon, the destined monarch of the world and future personal
Antechrist
foreshawn in prophecies to confirm a seven years's covenant with the
Jews about seven years before the millenium (..) until
he finally perishes at the end of the war of Aremageddon about or
soon after 1873,
BNF, Lb56 490 A. Il s'agissait pourtant d'une sorte de réédition-
un bégaiement- de ce qui s'était produit à la fin du précèdent
siècle. La défaite de 70 - Sedan - va relancer vigoureusement le
débat prophétique, on pense notamment au roman historique de ce nom
d'Herman Goedsche, L'Empereur français est déchu, neveu de celui
qui avait mis fin en 1806 au Saint Empire Romain Germanique. Le
deuxième Reich
Allemand est fondé à Versailles en janvier 1871. En 1873, année de
sa mort, paraît encore, dotée d'une iconographie représentant
Napoléon III, l'Internationale,
précurseur de l'Antéchrist
d'un certain chevalier Alphonse de Maynard, A. de .
L'Histoire
de l'Avenir du chevalier Péladan
Dans
les années soixante, Adrien Péladan, chevalier pontifical, fut
responsable d'un hebdomadaire qui devait avoir le statut d'une
publication diocésaine: il s'agit de la Semaine
religieuse de Lyon, d'Autun et de Saint Claude et de la province
(BNF Lc11 598 (20). A la fin de 1867, apparait une rubrique intitulée
"Prophéties" qui transforme son nom au début de l'année
suivante, en "Histoire de l'Avenir", elle est signée
Péladan.
Ci-dessous
les intitulés d'un certain nombre de chapitres; la série se conclut
en quelque sorte par une lettre de l'abbé Torné-Chavigny sur
Nostradamus:
1867
"Prophéties"
I
La Révolution française et les troubles consécutifs en 1558 p. 734
II
Calcul sur l'époque de la fin du monde
III
L'avenir de la Prusse, annoncé au XIIIe siècle
IV
Le grand Monarque
V
Le monarque fort et le Pontife saint
VI
Ce que fera le grand Monarque, suite de la polémique avec le
ProgrèsVII Le dernier concile général
VIII
Le grand Monarque Empereur d'Orient et d'Occident
IX
Perpétuité du don de prophétie dans l'Eglise. Lettre prophétique
inédite (de l'abbé Théaz (sic) à savoir Théard.
X
Prophéties du Père Nectou de la Compagnie de Jésus. Fin des
extraits de la prophétie du Père Nectou. Avenir de l'Angleterre,
son châtiment et sa conversion.
XI
Tableau des sept époques de l'Histoire de l'Eglise
XII
Prophétie de Prémol publiée pour la première fois
XIII
Prophétie de Prémol (suite)
XIV
Prédiction sur l'Orient et la Turquie. A M. C. R. Girard, directeur
du journal la Terre Sainte
XV
Prophétie de Sainte Hildegarde et de l'ermite Théolofre sur
l'Allemagne et l'Italie. La panique des bêtes, la prophétie de
Prémol.
XVI
Preuves de l'authenticité de la prophétie de Prémol. Prophétie
inédite écrite au siècle dernier contre la secte des
porte-lumière.
XVII
Prophétie du Révérend Père Jérôme Bottin
(à)
XXI
Prophétie de Plaisance, texte, traduction et clef
XXII
Les 4 Révolutions. Prophéties de Hugues de Saint Chère.
XXIII
Prophéties de Sainte Hildegarde
XXIV
Le prodige aérien de Vienne
XXV
Les Prophéties du Père Nectou
XXVIII
Prédiction faite avant 1740. L'abbaye du Mont Saint Michel et la
Monarchie française.
XXIX
Prophétie sur le Messie conservées en Chine. Vision d'une
religieuse sur l'avenir de la Pologne. Les prophéties (..) rien de
commun avec le spiritisme. A M. le Comte de Paravey.
XXX
La légende chrétienne du dernier roi des Francs, Prédiction
touchant les derniers âges. Prophéties tirées des oeuvres de St
Augustin. Consommation de l'Empire romano-chrétien.
XXXI
Nostradamus est-il prophète? L'aigle celtique à Lyon. Lettre de
Torné-Chavigny du 14. 11. 1868. Numéro du 12. 12. 68, sixième
année.
XXXII
Prophétie de Saint Augustin et de St Catalde sur le grand Monarque.
XXXV
L'Aigle celtique à Saint Héléne.
Témoignage
important que ce "feuilleton" diocésain en ce qu'il est
probablement plus significatif que la myriade de parutions
prophétiques dont on peut douter de l'impact réel et de la
représentativité du point de vue des milieux religieux. La
présence, dans les colonnes d'une Semaine
Religieuse,
tout au long de l'année 1868, de ces références au prophétisme
moderne, en fait, pour le moins, un phénomène de société.
Pie IX, né en 1792, est pape depuis 1846, c'est à dire avant l'âge
de cinquante-cinq ans et le sera jusqu'en 1878, contrariant ainsi les
calculs malachiques d'un La Tour de Noé et de quelques autres. En
1849, était paru
Le Prophète de Rome;
de C. Denis O'Kelly, . Il ne reste plus alors que onze papes à
venir selon la série des devises accompagnées des armoiries et il
faut compter selon cet auteur environ six papes en cinquante ans.
Mais l'auteur ne se doutait apparemment pas de la longévité du
nouveau pape.
Nouvel
appel à Henri V
Dès
les débuts de la Monarchie de Juillet, des appels à une régence en
faveur du petit fils de Charles X émanèrent des milieux
prophétiques développant une littérature olivarienne.
En
1850, A. J. Silvestre, publie un recueil chez .Dentu intitulé
Le Monarque Fort. Son avènement en août 1850 - événements qui
doivent encore le précéder (..) avec tous les accomplissements qui
se sont succédé jusqu'aujourd'hui et l'indication de ceux qui
doivent arriver encore très prochainement"
(BNF, Lb55 2866). Mais le comte de Chambord a trente ans il est en
passe de ne plus être vraiment le jeune homme des prophéties, ce
qui rendra l'application de certaines prophéties à son profit de
plus en plus délicate. En attendant, Napoléon III met tous les
prétendants d'accord.
Dans
les années Cinquante, parait une revue occultiste dirigée par un
certain Alcide Morin Alcide: Qui
vivra verra. La Magie du XIXe Siècle.
On y trouve des quatrains qui, selon leur auteur, ne seraient pas
indignes de Nostradamus et qui sont censés avoir annoncé,
lorsqu'ils furent rédigés, le passage de la Deuxième République
vers le Second Empire.
Les
publications de Passard
La
politique des éditeurs d'almanachs annuels est de s'appuyer sur des
textes ayant fait leur preuve et dont le charme archaïque est
apprécié. C'est ainsi que les Prophéties
de Moult ou de Maginus- alias Tabourot sont rééditées et
complétées par leurs , Charles Joseph Moult, et Charles Maginu,
Charles (sic) Passard fait aussi appel à Nostradamus, mais celui-ci
n'a pas associé son nom aux
Pronostications Perpétuelles"
sinon à travers Moult dont il aurait vérifié les Prophéties...
Ainsi,
dans un recueil, paru chez Passard, présenté par un certain , il
est question d'une
Pronostication perpétuelle composée par les anciens Philosophes,
comme Pytagoras, Joseph le Juste et plusieurs autres",
mais qui débute en réalité par un texte très proche des éditions
attestées de la
Pronostication des Bons Pères"
sans les anomalies de la.m1.Pronostication
des Laboureurs.
Puis viennent en annexes certains textes qui figurent également à
la fin du recueil prophétique de Rabelais .
Un
autre recueil paru à la même époque, toujours chez Passard,
comporte des
Prophéties ou Prédictions perpétuelles composées par Pythagoras
et plusieurs autres anciens Philosophes pour l'utilité des
marchands, laboureurs et vignerons".
L'on
y trouve le poème introductif de la
Pronostication des Laboureurs"
mais avec un texte cohérent, offrant quelques variantes sans
importance et encore très proche de la
Pronostication des Bons Pères".
Ce qui laisse entendre que cette adresse commençant par devait
faire partie de la dite Pronostication et n'est pas un apport de la
Pronostication
des Laboureurs.
Il
n'est pas pour autant certain que l'éditeur, malgré la parenté des
titres, ait eu clairement conscience de la similitude existant entre
les deux textes. L'un des deux textes a été visiblement réécrit.
En
1867, parait un recueil anonyme intitulé Les
mille et une curiosités des Prophéties anciennes et modernes.
Benjamin Constant est l'auteur de la préface de cette "
dissertation sur les impressions superstitieuses" (BNF, R
32316). On y trouve des références à des articles de journaux (Le
Magasin Pittoresque
de 1855) et d'encyclopédies sur le sujet (L'Encyclopédie
Nouvelle
de Pierre Leroux et J. Reynaud, tome 1, p.353) .
Les
Comètes des Années Cinquante et la fin du monde
En
1854, parait la
Comète et le Croissant, présages et prophéties relatifs à la
Question d'Orient
par un "astrologue contemporain" (BNF, Lb56 173) .
Le
Second Empire trouvera dans le passage d'une Comète l'occasion de
glorifier la France:
Confiant
dans nos astronomes
Qui
prétend que c'est bien à tort
Qu'une
Comète émeut les hommes
Moi,
cependant trop bon Chrétien
Pour
y voir un nouveau prophète
Je
crois que ce n'est pas pour rien
Qu'il
nous arrive une comète
…………………………..
Sixième
couplet:
En
ce moment, notre pays
Jouit
d'une paix glorieuse
La
France n'a plus d'ennemis
Tant
elle est grande et généreuse
Les
Russes, comme les Chinois
Ont
vu que rien ne nous arrête
Et
c'est l'empire de nos lois
Que
vient consacrer la comète”
Signé
R.V.
On
comparera la comète du Second empire avec celle de 1811 (cf supra),
qui incarnait en quelque sorte le Premier. Mais on ne se prive pas
non plus d'ironiser à la façon de cette Fin
du monde ou la comète de 1857, prophétie choucroutienne
(sic) recueillie par Arthur Lamy et dévoilée par Narcisse "
(BNF, Ye 55471 (1195) Signalons encore une Fin
du monde ou le 13 mai 1857. Chanson en 14 couplets
(BNF, Ye 55472 (2307) à propos du retour de la comète de Charles
Quint (1555) L'abbé François Maréchal publie, cette année, une
Dissertation
sur la fin du monde;
BNF, Vp 10769. Il s'agit du retour de la comète de 1556 dont un
astronome allemand avait annoncé le retour catastrophique.
L'Almanach
Astrologique
1858.
(Paris, Pagnerre)publie un article à ce sujet: "Les
Comètes et la fin du monde"
.
L'échéance de 1860
En
1786, trois avant la Révolution était parue une
Prophétie sur la Fin du Monde".
L'auteur qui garde l'anonymat, le chanoine Rémusat, Hyacinthe ne
songe pas aux événements très proches mais à la fin du siècle
suivant.
Le
fait que Rémusat ne fasse aucune allusion aux attentes pour 1788,
1789 ou 1792 (et pas davantage d'ailleurs ses contradicteurs Italiens
de 1790) montre bien à quel point les textes qui s'y référaient
passaient alors plus ou moins inaperçus, même chez ceux qui
s'intéressaient a
priori
au sujet. Le texte de Rémusat connaîtra d'ailleurs, on l'a vu, une
carrière assez remarquable au sein des recueils de prophéties du
XIXe siècle d'autant que l'an 1860 se rapproche. Puisque nous nous
intéressons tout particulièrement à la fortune des recueils , il
convient de préciser dans quel cadre parut la
Lettre de
Rémusat. Après avoir été publiée séparément, elle figurera au
sein du
Livre de toutes les Prophéties et Prédictions"
au point que parfois c'est tout le recueil qui sera attribué au
chanoine.
Arrêtons-nous
sur certaines pièces du dit recueil, on trouve notamment dans une
édition de 1861 une
Prophétie attribuée au Grand Prophète Jérémie, tirée du livre
intitulé: Liber Mirabilis, publié en 1524".
Ce texte bilingue est en fait une version de la
Prophétie de St Sévère"
qui figure au début du
Mirabilis Liber".
Le
compilateur du Livre
de toutes les Prophéties et Prédictions
(LTPP) semble avoir remanié Bricon, Edouard dont il cite le nom à
plusieurs reprises. Il s'efforce notamment en notes de relier
certains passages avec des événements révolutionnaires ou
post-révolutionnaires:
(1790)
(1793)
(1804)
Qui
plus est, l'éditeur fournit un texte latin à l'appui de sa
traduction, qu'il a en fait modifiée par rapport à celui du
Mirabilis Liber".
Le
LTPP"
a quasiment supprimé toutes les références à la géographie
italienne, lesquelles ne convenaient pas vraiment pour une
application du texte à la France de la Révolution. Une seule
exception: , il ne s'agit là que d'une incidente et aussi .
Mais
il y a mieux: une édition plus tardive du LTPP
comporte des variantes supplémentaires de la
Prophétie de Werdin":
on y trouve un ajout emprunté à Fridriger-Naumerberger 12
La
Prophétie de St. Malachie chez les Jésuites
Dans
son répertoire des Jésuites, Sommervogel consacre à Menestrier une
notice dans laquelle il fait référence à la
Prophétie des Papes".
Il rappelle que l'Espagnol Feyjoo, à la suite de Menestrier, l'a
démystifiée. Il précise toutefois que ces textes Apostolicus
se traduit par Pape Etranger et Aquila
Rapax
par Aigle ravissante”.
Eliphas
Lévi et Trithème
Dans
Dogme et Rituel de Haute Magie"
et dans
Histoire de la Magie",
Eliphas Lévi (alias Constant); décrit la théorie trithémienne
des cycles planétaires de 354 ans, ce qui lui permet de s'apercevoir
qu'en 1879, le monde va changer de cycle puisque celui de la Lune,
commencé en 1525, va s'achever. Lévi annonce ainsi que la France
verra sa mission universelle reconnue. En 1871, Adrien Péladan dans
son Nouveau
Liber Mirabilis
s'en fera l'écho.
On
notera également l'intérêt de celui qui se présentait comme
l'abbé Constant, Abbé pour Paracelse . Il donne une traduction de
la
Préface de la Prognostication du Docteur Théophraste Paracelse".
Le texte s'achève sur la description de quelques vignettes et
l'occultiste français de conclure:
Nostradamus
n'est pas oublié: Eliphas Lévi cite dans son Histoire
de la Magie
13deux
quatrains relatifs aux Bonapartes ("Un Empereur naîtra près
d'Italie" et "De soldat simple parviendra à l'Empire".)
mais nous sommes sous le Second Empire et on nous cite un extrait
d'un
Recueil de Prophéties"
de 1820 : .
Mais
notre auteur connaît également les
Vaticinia"
de Joachim : il signale ; il décrit aussi les vignettes d'un
exemplaire en lettres gothiques imprimé en 1527 (sic):
nné
qui d'une main relève l'étendard de la France et étend de l'autre
son épée sur l'Italie; on y voit deux aigles et un coq qui porte
une couronne sur la tête et une double fleur de lys sur la poitrine;
on y voit le second aigle qui fait alliance avec les griffons et les
licornes pour chasser le vautour de son aire et bien d'autres choses
étonnantes”
Il
apparait que le fait qu' Alphonse Constant ait choisi, pour reprendre
une formule de Gougenot des Mousseaux (Le
Juif
etc), un "nom de guerre judaïque" a pu contribuer à
renforcer un certain antijudaïsme et à encourager l' amalgame entre
judaïsme et maçonnisme dans la mesure où la Franc-Maçonnerie
recourt à une symbolique souvent proche de la kabbale. L'antisémite
russe Serge Nilus (1852-1930), à la fin du siècle, le citera
abondamment.et reproduira ses dessins. (cf notre ouvrage, Le
sionisme et ses avatars au tournant du Xxe siècle,
Ed. Ramkat, 2002)
Le
procès de La Salette
En
1857 une demoiselle Constance de St Férréol de La Merlière, C.
(de) poursuit en justice les abbés J. Déléon et J. Cartelier
auteurs d'un texte qui laisse entendre qu'elle ne serait ni plus ni
moins que celle qui serait apparue en tant que Vierge à deux
enfants en 1846, à La Salette. C'est Jules Favre, dont on connaît
le destin politique au début de la IIIe République, qui en fut
l'avocat. La "Vierge" aurait engagé les enfants à ne
révéler un secret qu'en 1858. Lecanu, dans son Dictionnaire
des Prophéties
de 1855, consacre un article au "Miracle de la Salette" et
se réfère à ce propos à Pierre Michel Vintras. , le "prophète
cauchois".
Une
nouvelle version de la prophétie de Naples
En
1868, les Lettres
d'un Ermite
de J. E. de Camille, extraites du journal Le
Monde
consacrées en grande partie à l'Antéchrist comportent in
fine
des passages consacrés à la Succession des Papes selon St Malachie,
à la Roue Prophétique des Pontifes, au Livre
Merveilleux,
à Holzhauser, à Bricon. On y trouve notamment une prophétie
attribuée à Sainte Brigitte qui n'est autre qu'une reprise de la
Prophétie dite de Naples (cf supra) mais avec des dates
supplémentaires pour le XIXe siècle:
"1791
L'indignation de Dieu sur toute la Terre
1800
Dieu sera reconnaissant au petit nombre
1829
Une partie de l'Espagne tombera
1830
Il y aura salut
1846
Il n'y aura pas de Pasteur
1848
Gens contra Gentes
1860
Le plus scélèrat des hommes paraîtra
1886
Surgira l'Homme seul
(Dans
la prophétie de Naples, c'est la date de 1888 qui figure)
1890
Il y aura un seul Pasteur et un seul Berceau
1900
Il y aura un grand signe dans le ciel
1980
Les impies prévaudront
1999
Les lumières s'éteindront.
En
1866-68, l'abbé Guillaume Rougeyron, . introduit les prophéties
malachiennes dans deux de ses ouvrages: Les
derniers temps,
Paris, pp. 397 et seq en 1866 (BNF, D 56297) et De
L'Antéchrist. Recherches et considérations sur sa personne, son
règne, l'époque de son arrivée et les annonces qu'en font les
événements actuels,
en 1868, Paris, pp. 321-323 (14
Les
faveurs de la hièrachie
En 1866, paraissait une "Lettre d'un Libre penseur à
Monseigneur Félix Dupanloup, évêque d'Orléans au sujet de sa
Lettre
Pastorale sur les malheurs et les signes des temps,
signée par un Franc Maçon du nom de Pierre. (BNF, Lb56 1660). Il
s'agit d'une Lettre en réponse à la lettre pastorale du 9 octobre
1866 (BNF, 8° H 7501 (10). L'évêque Félix, très affecté par une
catastrophe naturelle survenue dans son diocèse d'écrire alors: "Je
ne puis pas ne pas remarquer combien les expressions dont se sert
Notre Seigneur pour annoncer les mauvais jours s'appliquent
étrangement aux temps où nous sommes et aux fléaux qui nous
éprouvent" (p.5) A l'appui de son propos, Dupanloup fournissait
quelques documents maçonniques. Il lui est ainsi vertement répondu:
"Vous venez de publier sur les malheurs et les signes du temps,
une lettre dans laquelle votre imagination se plait à nous montrer
le présent et l'avenir si menaçants que nous sommes tentés de
croire à une fin prochaine du monde et que nous n'avons plus qu'à
renouveler ce qui se fit en l'an Mille donner tout ce que nous
possèdons au clergé pour racheter nos fautes". Le fait que ce
texte ait pris une tournure officielle en ce qu'il se trouve au sein
d'une Lettre Pastorale de 1866 s'adressant aux prêtres du diocèse
d'Orléans, montre bien quelle était l'attitude du clergé à la fin
du Second Empire.
En
cette même année 1866, Dupanloup est l'auteur d'une Préface à la
cinquième édition d'un ouvrage controversé de Beauchesne: Louis
XVII, sa vie, son agonie, sa mort,
Paris dont la première daterait de 1852, ouvrage visant à rejeter
les thèses évasionistes de l'époque. L'évêque y compare la mort
de Louis XVI et de sa famille à la Passion du Christ. Cinq ans plus
tard, en 1871, Dupanloup réagira contre les Prophéties modernes,
dans une autre Lettre
Pastorale
(cf infra), s'alarmant devant la prophétisation croissante du clergé
et de ses ouailles, visant à actualiser les Ecritures, au risque de
n'en faire que des moyens de l'action politique, notamment autour
d'Henri V.
Gruau
de la Barre, qui publie hors de France, s'en prendra en effet à cet
ouvrage avec son Non,
Louis XVII n'est pas mort au Temple. Réfutation de l'ouvrage de M.
A. de Beauchesne, Louis XVII etc,
Bruxelles et Leipzig, 1858, BNF Ln27 15100, puis par un Louis
XVII,
Réponse
à un article critique de la Revue Contemporaine,
Bréda, (Pays Bas), 1858, BNF, Ln27 34912 ainsi que
Le royal martyr du XIXe siècle. Réplique historique à Mgr
Dupanloup, évéque d'Orléans, apologiste de l'oeuvre mensongère de
M. de Beauchesne...,
Breda, 1869, 1870, 3 vol., BNF, 8° Ln27 42431.
Les
années soixante voient l'Eglise sous Pie IX accueillir favorablement
les spéculations prophètiques. On verra que la chute du Second
Empire aboutira à un certain raidissement.
En
1863, la Civilta
cattolica,
proche des milieux pontificaux
prend
la position suivante:
"Quant
à l'apparition de l'Antéchrist, il y a lieu de la croire d'autant
plus prochaine que ses précurseurs se montrent avec des caractères
plus ressemblants et que l'état des choses dispose mieux les esprits
à accueilir sa venue". On y parle de l'"organisation des
sociétés secrètes" comme de l'un de ces signes. De façon
assez pertinente, l'auteur de l'article pressent que l'essor de la
technologie ne pourra que concentrer les pouvoirs d'un seul, ce qui
rend la description de l'Antéchrist de mieux en mieux perceptible.
L'article se poursuit en fustigeant ces "malheureux
écclésiastiques qui,dans la guerre actuellement livrée à l'Eglise
et au Christ favorisent par leurs actes et leurs discours la cause de
la révolution et les précurseurs de l'Antechrist".
Pour
apprécier l'impact de la défaite de 1870 sur le prophétisme,
encore importe-t-il d'apprécier ce qu'il est dans les années qui
précédèrent de façon à ne pas être tenté d'expliquer par une
guerre perdue des phénomènes qui lui étaient antérieurs.
C'est
ainsi qu'en 1868, la revue jésuite des Etudes
religieuses, historiques et littéraires (15accueille
un gros article, en trois livraisons, du jésuite Pierre Toulemont,
intitulé "La question de la fin du monde et du règne de Dieu
sur la terre".
Toulemont
y fournit de nombreux exemples d'un climat prophétique dans les
dernières années du Second Empire. Et cette effervescence constitue
un terrain pour les années à venir, à moins qu'elle ne les
anticipe. En 1868, la revue, le Mémorial
Catholique,
débute pare un "Nouveau mot sur le millénarisme et sur notre
espèrance", par L. F. Guèrin et D. Laverdant. (BNF, Z 54913).
En 1869, Guérin répliquera à l'article du jésuite par un
éditorial, "Le messager de la fin du monde" (BNF, Z 54914)
Tout
comme les protestants se sentant menacés au XVIIe siècle se sont
ouverts au prophétisme antéchristique, de même la Papauté, au
milieu du XIXe siècle, vivant très mal la révolution italienne,
est- elle perméable à de semblables spéculations qui désignent
comme Antéchrist ou comme son "agent" l'adversaire. On
peut se demander si un tel état d'esprit ne prépare pas le terrain
à un nouvel essor de l'antisémitisme, l'antéchrist étant celui
qui est à la fois proche et hostile (
II
- Le grand émoi de 1870
Au
XIXe siècle, la France fait songer aux Hébreux. Elle passe par des
phases si contradictoires d'apogée et de catastrophe et en outre
elle a des prophètes qui s'en font l'écho.
Quand
on étudie les dates de publication d'un Torné-Chavigny, d'un
Chabauty, l'on observe que la période la plus foisonnante est le
début des années Soixante-Dix. Il convient de nous resituer dans le
climat particulier qui règne alors au niveau politique. La
République a certes été proclamée mais les espoirs du camp
monarchique restent considèrables et l'on espère qu'une fois de
plus, comme en 1848, la république ne constituera qu'une brève
parenthèse, un interrègne, une sorte de régence, peut-on présumer,
se mettra en place, comme ce fut le cas sous Cromwell. Et de fait, si
le futur Henri V n'avait pas désespéré les Orléanistes avec
l'exigence du drapeau blanc en remplacement du drapeau tricolore, les
années Soixante-Dix ne se seraient pas achevées sans une nouvelle
Restauration au profit des royalistes, au nom d'un certain principe
d'alternance avec les bonapartistes, eux aussi un mal nécessaire,
qui venaient de passer la main.
En
fait, pour les monarchistes, il était possible de "prophétiser"
leur retour après la phase bonapartiste comme cela avait eu lieu
après la chute de Napoléon Ier.
La
défaite de 1870 lors de la guerre franco-prussienne, où la France
fut si seule, l'écroulement de l'Empire de Napoléon III, les
menaces qui pesèrent sur Paris, la Grande Cité (incendie,
destruction), la fin simultanée des Etats de l'Eglise, tout cela
appelle le commentaire prophétique. On s'apitoie sur la France. Et
c'est l'Allemagne victorieuse qui décidément serait l'Antéchrist.
Adrien Péladan, , le père du Sar Péladan l'exprime clairement
dans son
Nouveau Mirabilis Liber"
dont une partie était parue, nous l'avons signalé, dans la Semaine
Religieuse de Lyon.
A présent, son propos prendrait un sens plus fort. Péladan est
assurément un passionné de littérature prophétique et ses
recueils qui paraîtront jusque dans les années quatre vingt sont
l'aboutissement de l'Ecole prophétique française, pour le meilleur
et pour le pire. C'est ainsi que dans un chapitre consacré à
Trithème, ("Prophétie monumentale de Trithème sur les grands
événements") reprenant la démarche d'Eliphas Lévi, , tenue
vingt ans plus tôt, il souligne l'importance de l'année 1879, qui
conclura le cycle de la Lune . "A cette date de 1879, précise
Péladan, en 1871, de laquelle si peu d'années nous séparent,
régnera donc Michaël, l'ange du Soleil qui est aussi l'ange de
notre patrie, l'empire universel sera formé et la France en sera
l'âme et le siège"
Il
faut compter 354 ans à partir du début de la création du monde -
et non depuis le début de l'ère chrétienne,. avec pour changements
de règne planétaire, 354, 708, 1062, 1416, 1770, 2124 etc pour
aboutir à 1879 après Jésus Christ, soit l'année suivant la
publication du Dernier
Mot des Prophéties
mais dès 1871 le texte figurait dans le Nouveau
Mirabilis Liber.
Il est clair que le dispositif trithémien est lié à une certaine
chronologie du monde.
Péladan,
dans la lignée d'Eliphas Lévi conclut: "C'est Trithème qui
parle: "Peut-être la France aura-t-elle à subir une croix et
un martyre analogues à ceux de l'Homme Dieu mais, morte ou vivante
parmi les nations, son esprit triomphera et tous les peuples du monde
reconnaitront et suivront en 1879 l'étendard de la France
victorieuse ou miraculeusement ressuscitée" (Dernier
Mot,
deuxième, Nîmes, Ed., 1878, p. 112). Toujours le spectre prussien.
Au
lendemain de la défaite, les recueils de prophéties connaissent un
nouvel essor: l'on réédite la
Fin des Temps"
de Collin de Plancy mais cette fois avec de nombreuses illustrations.
D'ailleurs, rétrospectivement, cette Troisième République,
déclarée le 4 septembre 1870, ne laissera pas en plus d'un siècle,
avec ses avatars constitutionnels (IVe et Ve République) la place à
la moindre couronne héréditaire. 1870 et sa Commune de Paris,
étudiés par Marx, marquent l'achèvement du processus
révolutionnaire, quatre-vingts ans après 1789.
Les
temps décidément sont prophétiques, l'on raisonne avec des
symboles qui évoquent le Tarot et Gengenbach: l'Empereur (Napoléon)
a trahi le Pape (Pie IX) et seul le Roi (Henri V) pourra sauver la
France. Celle-ci se paie le luxe d'avoir un Empereur et un Roi. Elle
s'est emparé de l'aigle impériale, grâce à la dynastie des
Bonapates, elle vit une sorte de guerre civile du fait qu'elle
rassemble trop de symboles antagonistes. L'on retrouve les paroles de
la
Prophétie de Cambrai":
l'Empereur trahira le Pape et le Roi de France viendra sauver ce
dernier.
Donc,
depuis 1870, la France est abattue. L'on verra que seront nombreux
les hommes d'Eglise qui participeront à une réflexion sur son
destin. On attend un homme providentiel qui saura faire oublier à la
France ses malheurs de par la charge symbolique qu'il dégage.
Après
1870, la situation du Comte de Chambord reste incertaine car la
"fusion" tarde à se faire avec les Orléanistes qui sont
puissants à l'Assemblée Nationale et obtiennent l'abolition des
lois d'exil. Mais en août 1873, un retournement se produit, le Comte
de Paris se rend à Frohsdorf, résidence du petit fils de Charles X
et reconnait sa prééminence. Désormais, les monarchistes sont liés
aux décisions d'Henri V, notamment à propos du drapeau blanc , lors
de la déclaration fatale de Salzbourg, au mois d'octobre, alors
qu'ils auraient pu l'ignorer et obtenir un rétablissement de la
monarchie à leur profit, par la voie parlementaire. On parle alors
de "suicide politique " .
Nostradamus
pendant la Guerre de 70;
Alors
que la défaite française n'est pas encore vraiment consommée,
paraîtra une pièce signée Jean Paul (pour Nostradamus) intitulée
Grandes Prophéties de Nostradamus sur la délivrance de Paris
(BNF, Lb57 1079), il voit les Français, sur la foi d'un quatrain,
"loin de perdre Strasbourg (prendre) Cologne".
Le
dit Jean Paul, Jean poursuit ses spéculations dans les
Premières grandes Prophéties de Nostradamus sur l'avènement de
Napoléon au trône et la Chute de l'Empire. La Guerre actuelle et le
siège de Paris. (à) la fuite du roi Guillaume (à) Gambetta. Notre
délivrance finale et le triomphe de la France en Allemagne
(BNF, Lb57 1078). Mais au traité de Versailles qui fonde l'Empire
allemand, la France perd l'Alsace et la partie septentrionale de la
Lorraine . Or, l'Alsace est un haut lieu de la prophétie Européenne.
Il est probable que Johannes Lichtenberger alias Grümbach, Johannes
naquit à Lichtenberg en Alsace même s'il vécut en hermite en
Allemagne, dans le Palatinat. Il s'agit de toute façon de régions
situées à la charnière de l'Empire et du Royaume.
En
1872, une virulente critique de l'exégèse nostradamique paraît,
sous la plume d'un certain Just Théodar: Nostradamus
démasqué. Prédictions de l'avenir de Gambetta,
Mirande, BNF, Lb 57 3587
Après
la chute de Napoléon III, parait un texte de Mouësan de la
Villirouet ,
Les chiffres prophétiques du règne de Napoléon ou l'Histoire
d'hier & d'aujourd'hui, écrite au mois d'avril 1866"
(Rennes, 1870, B.M. Rennes) lequel affirme avoir annoncé la fin de
son règne longtemps avant l'échéance (p. 42) par un système à
base numérologique qui n'est pas, sans parenté - ce que ne précise
pas, semble-t-il, Jean-Pïerre Brach, . - avec l'onomancie en vigueur
dans la France du Second Empire. En fait, c'est dès 1852 que cet
auteur breton avait développé ses méthodes historiques:
Recherches sur les fonctions providentielles des dates et des noms
dans les annales de tous les peuples"
(Rennes, 1852, B.M. Rennes), donc avant les publications d'Eliphas
Lévi et de P. Christian .
Pour 1871, parait à Lyon un Almanach
des Prophéties,
véritable recueil de pièces qui ressortira à l'identique d'une
année sur l'autre. On y trouve notamment une "Prédiction
werdinienne Werdin dans laquelle se trouvent annoncés la déchéance
de Napoléon III, son exil, l'époque de sa mort etc. On y retrouve
les thèmes qui figurent dans la prophétie de
Fridriger-Naumerberger sur la menace que représente l'Aigle
(l'Allemagne) pour la France (p.71). Curieusement, le texte est
entrecoupé de chiffres qui ne figurent pas dans la version d'origine
et qui sont censés laisser entendre que certains passages n'ont pas
été décryptés.
Mort
et succession de Napoléon III
Il
existe un troisième prétendant, bonapartiste celui là mais bien
jeune, ce sera très vite l'"orphelin de Chislehurst". En
1856 était né Eugène Louis Napoléon, il décédera en Afrique dès
1875. Dès sa naissance, il avait été salué comme "Napoléon
IV" un peu à la façon d'un Louis XIII, encore dauphin .
En
octobre 1873, après la mort de Napoléon III parait un pamphlet
intitulé
Napoléon IV, Henri V et la République"
(BNF, Lb57 4499) dans lequel on annonce le règne prochain du petit-
fils de Charles X après une tentative infructueuse des Bonapartes.
Il est prédit qu'Henri V renoncera à Paris pour faire d'Avignon sa
capitale et qu'il sera assassiné en 1910, à l'âge de
quatre-vingt-dix ans.
L'astroprophétisme
de Le Pelletier
La
mort de Napoléon III en janvier 1873 fut un choc pour les
nostradamistes et en particulier pour Anatole Le Pelletier, A.
lequel avait escompté qu'il débarquerait en France
-
sorte de retour de l'Ile d'Elbe, qui fait partie de la mythologie
napoléonienne - notamment dans l'Eclaircissement
des Oracles de Nostradamus,
(1871). "La mort soudaine de Napoléon III me crée donc une
fausse position qui me commande une grande réserve" reconnait
ce concurrent de Torné Chavigny. Mais Le Pelletier de conclure "Il
se peut aussi qu'une partie des faits inconsidérément attribués à
Napoléon III (Mars)
s'accomplissent pour son jeune fils (le nouveau Mars)" .
Le
Pelletier aurait pu, dès les années Soixante- Soixante dix,
publier un traité d'Astrologie axé sur les Ephémérides, il
annonçait dans la
Clef des temps",
en 1871, une
Dissertation sur l'Astrologie Judiciaire"
(fascicule 8).
un
mois alternativement dans chaque signe. La même conjonction se
réitérera en 1875 et peut être encore au commencement de 1876 mais
elle n'aura plus lieu qu'après un intervalle de 27 ans.”
(Fascicule I).
Avec
l'auxerrois Anatole Le Pelletier, l'on peut dire, malgré ses
lacunes, que l'astrologie renoue avec la prophétie, non plus sous la
forme d'une exégèse de textes anciens mais à partir d'éphémérides
de la fin du XIXe siècle. En 1869, Gougenot des Mousseaux-, dans Le
Juif, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens
(Paris, Plon, BNF, A 14096) relatera (p.548) un entretien qu'il eut
avec Lepeltier qui lui avait offert son livre. à propos des
quatrains de ce prophète d'"origine judaïque" .
A
partir de décembre 1873 se déroula une polémique dans les pages du
Figaro,
qui révèle un certain rapport au prophétisme au sein de la
hièrarchie de l'Eglise. Un certain Léonce Dupont Léonce, dans un
ouvrage intitulé Le
quatrième Napoléon,
paru en 1873, place en exergue les propos suivants qu'il attribue à
Mgr Pie, évêque de Poitiers, lequel semble avoir annoncé la
débâcle de 1870 et qu'il n'a fait que reprendre d'un article paru
dans l'Union
Bretonne
du Ier octobre 1873, dirigée par Ernest Merson, lequel participera à
la polémique. L'Evêque répliquera dans le Courrier
de Vienne.
Finalement, tous ces textes seront rassemblés sous un seul volume .
"Ce
n'est pas pour un petit dessein que Dieu a fait naître l'Enfant
Impérial et lui a donné le Saint-Père pour parrain. Ce
gouvernement tombera parce qu'il a commis des fautes et que toutes
les fautes s'expient mais après d'effroyables malheurs, la France
cherchera un refuge et elle le trouvera dans le filleul de Pie IX".
Mais
une des causes des souffrances d'alors serait la trahison de la
France à l'égard du Pape. qui régna de 1846 à 1878 et fut témoin
de tant de bouleversements,de la chute de Louis-Philippe à celle de
Napoléon III Parallèlement à Henri V, l'attention se tournait
également en effet vers un Pape, Pie IX et les deux personnages
seront liés dans l'esprit des monarchistes Français.
C'est
dire que les années 80 du XIXe siècle sont marquées par une
certaine exaltation prophétique. Ce n'est peut-être pas par hasard
qu'elles coïncident avec un essor particulier de l'occultisme.
Il
est probable que l'absence de Roi a affaibli l'astrologie Française
contemporaine, sous la Troisième République, si on compare la
situation Outre Manche. Comme nous l'avons vu à propos de
Lichtenberger et du Tarot, les Grands sont des interlocuteurs
privilégiés de la Prophétie. Il suffit de prendre conscience de
l'enthousiasme provoqué en France au cours des siècles par la
naissance du Dauphin pour apprécier toutes les attentes qui
pouvaient se greffer sur un nouveau-né, constituant ainsi
périodiquement un nouvel appel au Prophète et à l'Astrologue,
dressant le thème, tel Jean Baptiste Morin - voire Campanella - en
1638 pour Louis XIV. Une naissance royale est un peu comme une
comète, elle renvoie l'Homme au mystère. L'astrologie et la
Prophétie se nourrissent des naissances princières alors que, dans
une République, l'enfant qui naît passe inaperçu car son destin
n'est plus tout tracé vers le pouvoir.
L'exaltation
nationaliste des milieux religieux est intense: la France peut en
effet se permettre de concilier son avenir politique et l'avenir
spirituel du monde.
L'Abbé
F. Cucherat, écrit:
l
a, avec les mêmes raisons, pris la France pour en faire à jamais la
fille aînée de son Eglise...” Pour Cucherat, adepte du
Sacré-Coeur de Jésus et rédigeant depuis Paray le Monial, la
situation est la suivante: après la chute d'Adam et Eve, survint
celle d'Israël et à présent la France est à son tour menacée
d'effondrement - on est au lendemain de la défaite - si elle ne se
convertit pas au culte proné par Marguerite-Marie Alacoque,
Marguerite-Marie.
Cucherat,
chanoine honoraire d'Autun et aumônier de l'hôpital de Paray le
Monial avait réussi en 1871 à publier un long article
(avril-décembre 1871, dans la Revue
du Monde Catholique,
Vol. 31 et 32, sous le même titre, BNF, Z 3121), en plusieurs
livraisons, intitulé "La prophétie de la succession des papes
depuis le XIIe siècle jusqu'à la fin du monde" qui s'achève
avec un hommage à Pie IX victime de la maison de Savoie - qui occupe
le trône d'Italie - symbolisée par la devise malachienne Crux
de Cruce
(pp 307-309). Le texte parut ensuite en livre d'où est extraite
notre citation . Le groupe de Paray Le Monial ne suivait pas vraiment
les mises en garde de Mgr Dupanloup...
L'antisémitisme
français est à étudier à la lumière de tels discours: le peuple
Français, plus que tout autre, dans cette optique, est le nouvel
Israël. La Révolution a réveillé l'esprit de la France, en la
contraignant à se reprendre, mais trop tard. La table rase
l'emportera.
Regards
sur l'imbroglio orvalien
Parmi
ceux qui se proposent une étude critique du texte orvalien, un des
textes les plus remarquables est probablement dû à un abbé
Théodore Vincent : Le
Grand Problème Social du jour devant l'admirable prophétie d'Orval
exposée dans son origine, son authenticité et son interprétation,
paru à Paris, en 1871 (BNF, 8° Lb57 2991). L'auteur, prolongeant
les recherches de Lacombe, Timothée remarque l'existence de deux
versions qu'il reproduit l'une à la suite de l'autre, signalant les
différences comme nous l'avons fait plus haut. Selon lui, Danel
qu'il appelle l'"étourdi Verdunnois" (p. 60) serait
responsable des modifications intervenues dans le texte de la
Prophétie d'Orval C'est lui qui aurait cru à tort à l'importance
de 1840. "Il se décida, écrit l'Abbé (p.61), en conséquence
à composer un livre ayant pour titre L'Oracle
pour 1840 et les années suivantes.
On a cru, ajoute-t-il, que M. Henri Dujardin, est l'auteur de ce
livre; nous, d'après ce que nous savons, nous croyons que Henri
Desjardin n'est très probablement qu'un pseudonyme sous lequel M. D
(anel) s'est masqué à dessein". Apparemment, l'abbé ignore
que l'Oracle
pour 1840
comporte des versions différentes de la Prophétie d'Orval selon les
éditions.
On
passe ensuite aux modifications intervenues (p. 63): "Il n'y
avait qu'une seule addition "A la suite du 47e verset des
vieilles copies, (Danel) avait ajouté cette prédiction de son crû!:
Dieu est saoûl d'avoir baillé des miséricordes et "pourtant
il veut pour ses bons prolonger la paix pendant dix fois douze lunes"
(à). On y remarque quelques marottes (..). Ainsi "la Celte
Gaule" est changée en "Céleste Gaule". Ainsi le mot
"Ost" prend la place du mot Armée. Le mot "Oyez"
(qui) n'est pas dans l'original se répète avec une affectation
visible". L'auteur signale aussi que la nouvelle version recourt
à la première personne du singulier. "Dans le texte ingénu,
on lit "Avec deux lustres seront passés depuis le siècle de la
désolation"; dans le texte altéré on vous fait lire "Mais
deux lustres sont passés d'après le siècle de désolation comme
je l'ai dit
en son lieu"
L'auteur
relève une erreur du texte initial qui, pour marquer les 100 jours,
parle d'une "huitième lune", ce qui donne près de 8 mois
au lieu d'un peu plus de trois mois. Le nouveau texte a remplacé par
cinquième lune.
En
réalité c'est probablement l'inverse qui s'est produit: Danel aura
rédigé la première version et celle ci aura été transformée.
Les
Prophéties de St Césaire et de l'Abbaye d'Orval
En
1872 parait une édition de la
Prophétie de St Césaire,
par les soins de l'Abbé Curicque, . Mais il ne s'agit pas du texte
de la
Prophétie
de Jean de Vatiguero.
Cette
nouvelle et "authentique"
Prophétie de Saint Césaire" d'Arles
aurait été trouvée à sa mort, dans les papiers du dernier
archevêque d'Arles, Mgr Jean- Marie Du Lau, lors des événements
de 89. Un certain abbé Trichaud se présente comme l'éditeur du
texte ainsi retrouvé. D'ailleurs, cet abbé s'en expliquera et
dénoncera dans un premier temps la confusion. En fait, nous avons
déjà cité un texte en vers distinguant clairement les deux textes,
et ce bien avant Trichaud.
L'Abbé
Trichaud, raconte ainsi sa prétendue découverte, dans les papiers
de Mgr du Lau, de la
Magna Sancti Coesarii Arelatensis predictio",
la
Grande Prédiction de Saint Césaire, archevêque d'Arles".
“Je
parcourus ce document bien résolu de l’insérer dans l’histoire
de saint Césaire. C’était au mois de mars 1847. Je dus
abandonner ce travail considérable... Lorsque je le livrai plus tard
à l’impression en 1853, l’Empire sauvait la France d’une
épouventable anarchie... Je n'eus pas le courage de troubler ces
douces espérances (à). Voilà pourquoi la prophétie de Saint
Césaire ne parut pas dans mon Histoire (à). Mais aujourd'hui on est
avide de prophéties. L'esprit français quoique rongé par
l'incrédulité se plait à recourir aux oracles sibyllins comme pour
y trouver un apaisement nécessaire”.
En
réalité, il semble bien qu'il s'agisse là d'une nouvelle version
de la Prophétie de Saint Césaire, marquée par les événements de
1870. En tout état de cause, l'importance accordée à cette "vraie"
prophétie de saint Césaire ne tient qu'à l'existence du faux.
La
Comtesse Pia de Saint- Henri, Pia, pseudonyme de Mlle Eisenhut, fit
paraître à Marseille, en 1871, un Pie
IX et Henri V d'après la prophétie de Saint Césaire (BNF,
Lb57 2341). Elle n'hésite pas à y introduire des dates pour être
plus convaincante: "1852. On y trouve des lettres du petit fils
de Charles X. L'aigle vole pour la seconde fois et promène la guerre
au delà de la Gaule" Huguet écrit un "Pie IX et les
secrets de la Salette, concordance entre la Prophétie d'Orval et les
lettres de Mélanie sur les événements actuels", Lyon, BNF,
Lb57 22112. La Prusse, dit-on, dans ces textes, après avoir chatié
la France, selon la volonté divine, pour avoir chassé ses rois,
sera brisée "comme un instrument de colère devenu inutile".
Le
texte de cette nouvelle Prophétie de Saint Césaire, prétendument
traduite de latin en français par Mgr Trichaud, est particulièrement
intéressant, en ce qu'il raconte l'Histoire de la France depuis ses
origines, autrement dit, il prend la peine de remonter beaucoup plus
en amont et ne débute plus à la fin du XVIIIe siècle. En fait, il
s'agit plutôt de l'Histoire d'Arles, et le faux est très
probablement repris d'une histoire de cette ville.
Le
passage concernant Napoléon rappelle ceux que nous connaissons:
On
y trouve aussi une description de Napoléon III:
.
Trichaud
est censé commenter le dit texte ici et là, renvoyant d'ailleurs à
son Histoire
de la Sainte-Eglise d'Arles
(Curicque, op.
cit.,
p. 558):
"Napoléon
Ier, ses exploits, sa persécution contre l'Eglise, son retour et
enfin sa mort sur le rocher de Ste Hélène (..). Le Second Empire
avec ses guerres (..) puis tous nos fléaux actuels".
Puis
le texte se projette véritablement sur l'avenir après s'être en
fait contenté de mettre en forme des événements connus:
32.
Alors brille l'éclair de la miséricorde divine car la justice
suprême a frappé tous les méchants. Il arrive le noble exilé, le
donné de Dieu. Il monte sur le trône de ses ancêtres d'où la
malice des hommes dépravés l'avait chassé. Il recouvre la couronne
de lys refleuris. Par son courage invincible, il détruit tous les
fils de Brutus dont la mémoire sera à jamais anéantie. Après
avoir posé son siège dans la ville
pontificale le Roi de Blois
relèvera la tiare royale sur la tête d'un Saint-Pontife abreuvé
par l'amertume des tribulations qui obligera le clergé à vivre
selon la discipline des âges apostoliques. Tous deux unis de coeur
et d'âme feront triompher la réformation du monde". Le "donné
de Dieu", c'est un des prénoms d' Henri V.
Et
le "commentaire" de conclure: "Un prochain avenir nous
dévoilera tout à fait qui sont ce grand Pontife et ce grand
Monarque qui doivent nous apporter la paix admirable après laquelle
soupire le monde entier" (Curicque, op.
cit.,
pp 562-563).
Les
rédacteurs se sont apparemment inspirés de Nostradamus dans leur
dernièr' représentation - à moins qu'ils n'aient puisé dans une
source commune - Centurie
VIII 38 et 52 "Le Roy de Bloys dans Avignon régner".
Quant
à la
Prophétie d'Orval",
Curicque la publie dans sa première édition des
Voix Prophétiques",
y renonce dans la deuxième et se ravise, dit-il, dans la troisième.
En
1870 parait à Lausanne, Fribourg et Genève une
Prophétie d'Orval d'après les copies prises sur le texte original"
(BNF). L'année suivante, une deuxième édition confirme l'intérêt
que le sujet exerce chez les francophones helvétiques (Stadt
und Universitätsbibliothek
Berne cf aussi Bib. Lucerne ).
La
deuxième Lettre de Monseigneur Dupanloup et la réaction à sa
Lettre
Si
en 1849, l'Evêque de Verdun Rossat avait combattu la.
Prophétie d'Orval",
en 1874, c'est l'Evêque d'Orléans, Félix Dupanloup qui rédige
une
Lettre sur les Prophéties publiées dans ces derniers temps",
adressée au Clergé de son diocèse: il s'y plaint que l'on publie
“des volumes de 300 pages précisant, c’est le titre, la
solution de la Crise actuelle, le régne de l’Antéchrist et la
fin du monde. D’autres volumes paraissent avec les titres que
voici Recueil
des Prophéties anciennes et modernes concernant le passé, le
présent et l'avenir (à). Portraits prophétiques d'après
Nostradamus; ou Napoléon III, Pie IX, Henri V d'après l'Histoire
prédite et jugée par Nostradamus, l'Apocalypse interprétée par
Nostradamus et les lettres du grand prophète".
Dupanloup
déplore que parfois l'auteur d'une de ces publications - Parisot -
n'hésite pas à donner de véritables rendez-vous:
Au 17 Février 1874. Le Grand Avènement. Précédé du grand Prodige
(23
mars 1874).
En
effet, à la fin de 1873, sur la base de la prophétie d'Orval,
laquelle vise cette fois non plus 1840, échéance devenu obsolète,
mais 1874 Parisot annonçait, depuis Bar Le Duc, l'avénement
d'Henri V pour février 1874 . Dans une ultime édition, il corrige:
l'avénement aurait lieu le 13 plutôt que le 17, de façon à
coincider avec l'anniversaire de l'assassinat du Duc de Berry un 13
février 1820. En 1896, soit trois ans et demi avant l'an 1900,
viendra le temps de la "République rouge avec les persécutions
de l'Antéchrist".
Raboisson,
quelques semaines avant l'échéance, (le 8 janvier) arrive en
renfort avec Les
événements proches dans le Livre de Daniel et l'Apocalypse
(Arsenal 8°S 14409) et vient lui aussi confirmer le pronostic de
Parisot sur la base des Ecritures.
Il
est vrai que nombreux sont les abbés à se passionner pour les
Prophéties et pour les textes ésotériques: l'Abbé - du moins le
diacre - Constant, alias Eliphas Lévi, l'Abbé Torné-Chavigny,
l'Abbé La Tour de Noé Abbé de Noé et tant d'autres .
On
pourrait voir dans la Lettre
de l'évêque d'Orléans un certain revirement de la hiérarchie
envers le courant prophétique qui agite le clergé. Torné
répliquera longuement à Dupanloup dans ses Nouvelles
Lettres du Grand Prophète.
(…). Nostradamus
devant Mgr Dupanloup,
F., M. L. Veuillot et nos interprètes des prophéties modernes (BNF,
8° Lb57 4917)
.
Or,
on peut quand même douter d'un tel revirement: l'abbé Curicque
publie en tête du premier tome de la cinquième édition des
Voix Prophétiques (Paris,
Palmé, fin 1872, BNF, H 13811) plusieurs lettres de prélats
favorables à la diffusion des prophéties, c'est ainsi que Mgr
Marinelli, évêque de Solié, parle à cette occasion d'un
"télégraphe céleste"(p. XVII). M. Ritti, secrétaire de
Mgr Raess, évèque de Strasbourg admet, à ce propos, que "notre
siècle a besoin de savoir que Dieu dirige tous les événements de
ce monde par sa divine Providence". Si Dupanloup met en garde,
c'est qu'il y a vraiment problème.
Les
révélations de la Soeur de Nativité
En
1872 parait à Niort, De
l'abomination de la désolation, prédits par Notre Seigneur J. C. et
par le Prophète Daniel. Dissertation sur le Concordat de 1801 et sur
le dogme d'infaillibilité, de l'Antéchrist, d'Enoch et d'Elie
etc (BNF D 2 13566) de P. A. Metay, P. A..
Il
y est question de Jeanne Le Royer, soeur de la Nativité, dont les
révélations, après avoir circulé à la fin du XVIIIe siècle,
avaient été imprimées, pour la première fois, en 1817, et de l'An
2000 qu'il ne sera peut être pas nécessaire d'attendre (p. 208). En
1870, une cinquième édition, révisée par M. E. M. P., petit
enfant de Marie, était parue à Paris, s'achevant par une Nouvelle
Apocalypse ou prédictions relatives aux derniers temps de l'Eglise,
l'Antéchrist, le paradis et l'enfer".
La place de saint Michel dans ces révélations qui avaient été
rééditées depuis 1817 pourrait expliquer en partie la place de
l'archange dans l'imagerie politique de la Troisième République.
Soulignons le fait que pour une Jeanne Le Royer et ses commentateurs,
on ne pouvait guère s'abstenir de fixer d'une façon ou d'une autre,
un certain calendrier des événements attendus: depuis le Livre de
Daniel en passant par l'Apocalypse, le règne de Satan tout comme son
enfermement, devaient obéir à une chronologie, dont une des
manifestations est le chiliasme ou millénarisme.
En
1870, alors que les Etats de l'Eglise sont en voie de disparition, la
lecture d'un passage comme celui-ci ne pouvait laisser indifférent:
Ed.
1849 et 1870:
"Je
vois en Dieu que lorsque les complices de l'antechrist commenceront à
faire la guerre, ils se placeront auprès de Rome où ils
triompheront, par leurs victoires, de tous les empires et de tous les
royaumes qui seront autour de cette ville. Il y a en cela une chose
dont je ne suis pas certaine. Ce que je sais, c'est que Rome périra
entièrement, que le Saint-Père souffrira le martyre et que son
siège sera préparé pour l'antechrist. Mais je ne sais pas encore
si cela sera fait un peu avant l'Antechrist lui-même, au moment où
il entrera dans le cours de ses victoires."
La
polémique autour de Nostradamus
En
1872, un certain abbé Jacques Philippe Morin, curé d'Artonne,
publie un recueil intitulé Echos
prophétiques des derniers temps,
BNF Lb57 3809. C'est un chaud partisan d'Henri V qu'il ne voit pas
mourir avant 1893 avant de laisser la place à un Orléans: on est à
l'époque du débat sur le drapeau. Il reprend les travaux de
Torné-Chavigny: "Jusqu'ici ce singulier personnage
(Nostradamus) mort en 1566 à Salon de Provence n'avait été
considéré par le public savant que comme le prophète-astrologue
des almanachs à un sou, c'est à dire comme un rêveur, un illuminé
et un charlatan. Dans ces derniers temps, M. l'abbé Torné qui a
commenté ses centuries et quelques autres commentateurs l'ont
réhabilité comme un véritable prophète". C'est dire à quel
point le prophétisme du XIXe siècle se démarque de l'astrologie
qu'il prétend en quelque sorte remplacer.
La
Lettre a été écrite de Suisse et que ce point a volontairement été
gommé. En effet, c'est à l'occasion d'un procès qui se tint à
Vevey, dans le canton de Vaud, que cette lettre fut adressée par le
sieur de Brémont.
Cette
lettre de Brémond, si elle est de lui, n'est pas, au demeurant,
dépourvue d'une certaine dimension prophétique:
"Voulant
remplir mon devoir de préserver l'orpheline du Temple des calamités
qui vont punir tous les coupables par le jugement de Dieu qui va
s'accomplir" (Voix
d'un proscrit 1839)
On
notera que dans la version anglaise de 1838, la formule était
quelque peu différente:
"Wishing
to fulfil my duty by preserving Your
Royal Highness from the calamities about to fall upon all the guilty,
by the judgment of God; the execution of which draws near"
Il
semble bien que la formule "orpheline du Temple" ait été
substituée à "Votre Altesse Royale", plusieurs fois
employée comme il se doit dans cette lettre, d'autant que
l'expression est employée quelques lignes plus haut mais cette fois
au masculin:
"J'ai
reconnu dans le prétendant Charles Guillaume Naündorff l'orphelin
du Temple, votre auguste frère, le duc de Normandie et je suis
devenu son serviteur"
et
en anglais
"I
have recognised in the claimant (à) the Orphan of the Temple, your
august brother".
En
1908, une polémique sera provoquée par la parution d'un ouvrage de
Joseph Turquam,
Du nouveau sur Louis XVII, solution du problème, Paris, Emile Paul,
BNF, 8° Lb39 11930. Louis
XVII serait mort au Temple puis remplacé quelque temps par un autre
enfant que l'on aurait enterré. A La Haye, un M.G. Wildeman, traite
l'ouvrage de pamphlet ignoble (BNF 8°Lb39 11938); O. .Friedrichs
publie l'année suivante une Réfutation du livre de M. Turquam, chez
Daragon, qui vise à anéantir les prétentions naundorfiennes.
En
1888, paraît dans les Annales
du Surnaturel (BNF, microfilm m 919) d'Adrien
Péladan, un article signé H. Tisserant, (p.377) annonçant que le
seul fils qui reste de Louis XVII (..) s'est consacré (..) au Sacré
Coeur de Jésus (à Momtmartre). Il mène une vie religieuse et
retirée (..). Avec le retour d'un roi béni, nous verrons le
triomphe de la France et de l'Eglise. Le dauphin n'est pas atteint
par la mort, il transmet ses droits à sa descendance. Il est
question de la fin d'une malédiction due au refus de Louis XV de se
rendre au Mont Saint-Michel, ses descendants seront maudits sur
plusieurs générations
(Annales du Surnaturel, 1890, p. 45).
La France devient un pays de dauphins qui ne parviennent pas au
sommet c'est le cas du duc de Reichstadt, fils de Napoléon Ier, du
duc de Bordeaux (comte de Chambord) petit-fils de Charles X, du Comte
de Paris, petit- fils de Louis-Philippe, et du Prince Bonaparte, fils
de Napoléon III.
En
1913, Gabriel Bouchacourt, publie le prochain
Roi de France désigné par les prophéties,
Paris, E. Figuière, BNF, 8° Lb57 14849. Il s'agit d'un recueil
(Orval, Artus Thomas, Mirabilis Liber etc) de plus, s'achevant par un
"enchaînement analytique des indications sur le prochain Roi de
France, renfermé dans les prophéties". Il y a bien,
inévitablement, un après Henri V.
Il
revenait au prophétisme de renégocier certaines échéances, de
raviver certaines espérances. On sait que le général de Gaulle ne
fut pas hostile, au début des années Soixante sous la Cinquiéme
République, à ce qu’il se présente aux éllections
présidentielles à la fin de son septennat (cf X. Walter, Un
roi pour la France, Henri Comte de Paris (1908-1999),
Paris, Fr. X. De Guibert, 2002, pp. 813 et seq), d’ailleurs ne
parle-t-on pas de monarque républicain, à propos des pouvoirs
accordés par la constitution au chef de l’Etat qui nomme son
Premier Ministre à l’instar des rois de France.?.
La Troisiéme République avait également été conçue dans une
telle optique et le septennat y aurait été fixé, au départ,
pour laisser le temps aux monarchistes de s’organiser, sous la
houlette d’un président complaisant Le régime de Vichy n’était
pas sans offrir, avec Pétain, une sorte de substitut au projet
monarchique. Il est à noter que le récent abandon du septennat,
sous le premier mandat de Jacques Chirac, rompt avec une longue
tradition. Il reste que le parti monarchique ne parvint plus au Xxe
siècle à exploiter les pourtant nombreux déboires politiques ou
militaires de la République. Qu’en sera-t-il au XXIe siècle? La
monarchie reste-t-elle un recours?
La
déchéance de la Prophétie d'Orval
Il
importe de s'intéresser au déclin de certains savoirs à commencer
par celui de l'astrologie. Dans le cas du prophétisme, toutefois, ce
n'est pas tant le prophétisme dans son ensemble qui aura fait long
feu mais une certaine prophétie qui en quelque sorte aura été
jetée par dessus bord par l'establishment
prophétique..
Pourquoi
donc cette prophétie a-t-elle séduit - et notamment encore au tout
début du XXe siècle - puis a-t-elle cessé de plaire alors même
qu'elle avait été acceptée aux côtés de Nostradamus et de
Malachie?
En
1995, on aura beaucoup écrit sur Louis XVII dont on célébrait le
bicentenaire de la mort supposée. Des tests génétiques furent
engagés pour déterminer s’il eut ou non des descendants. Le
“dauphin” de Louis XVII fut étrangement son oncle, Louis XVIII,
comme quoi un dauphin peut être plus âgé que son prédécesseur en
titre. C’est dire que régne avec le delphinat une logique bien
particulière. Et si en renonçant à engager le destin de certains
être à un âge souvent des plus tendres, l’on avait porté un
coup fatal au prophétisme dont le delphinat était le fonds de
commerce. Prévoir la naissance même du dauphin apparut au cours du
XVIIe siècle comme un acte prophétique par excellence, comme dans
ce sixain, le quatriéme, des Centuries, certainement rédigé après
coup (1601) :
D’un
rond, d’un lis, naistra un si grand Prince
Bien
tost & tard venu dans sa Province
Saturne
en libra (balance) en exaltation
Maison
de Vénus en descroissance force
Dame
en apres masculin sous l’escorce
Pour
maintenir l’heureux sang de Bourbon.
L’étude
du prophétisme au XIXe siècle éclaire selon nous d’une lumière
très aigue la situation du prophétisme au cours des siècles
précédents et notamment en ce qui concerne la mise en place du
canon des Centuries nostradamiques 16Le
prophétisme est décidément une entreprise collective qui se
poursuit sur plusieurs générations et mobilise plusieurs
contributeurs. Vouloir rattacher le canon centurique au seul Michel
de Nostredame nous apparaît comme une position insoutenable et
constituer un grave contresens historique et méthodologique. Une
prophétie est vivante, elle s’adapte à des environnements
successifs tout en les marquant parfois de son empreinte, en un
véritable écosystéme. Certes, l’on peut parler de faussaires,
de contrefaçons, de manipulations mais ce sont là des expédients
sans lesquels le texte prophétique ne pourrait survivre et traverser
les siècles. Ce sont les textes que l’on est parvenu à
actualiser, à réinterpréter, avec le plus d’ingéniosité - le
cas de la prophétie des papes est à ce propos assez remarquable (cf
Papes
et prophéties,
op. Cit.) - qui auront éclipsé ceux qui n’auront pas su le faire.
La sélection naturelle vaut aussi pour les textes et pour les
langues. Mais en ce début de XXIe siècle, qui est vu par beaucoup
comme le crépuscule du prophétisme, brûlant ainsi ses dernières
cartouches, en un feu d’artifices - dans tous les sens du terme -
qui pourrait être son chant du cygne, peut-on encore s’attendre à
une renaissance du prophétisme, à la manière du phoenix?
En
ces temps de crise de l’Union Européenne qui rappellent à quel
point il s’agit là d’une utopie au regard de l’histoire de
chaque peuple qui la constitue, la question des monarchies
s’apparente à une forme de sursaut nationaliste, souverainiste. Il
convienrdrait de distinguer royauté et empire. L’empire, lui, a
vocation à rassembler diverses populations - à l’instar de
l’Autriche-Hongrie ou de l’Empire Ottoman. Il n’est pas
d’empire cependant sans la domination d’un peuple sur les autres.
Le prophétisme français a souvent ambitionné pour ses princes et
ses dauphins qu’ils accédent à la dignité impériale. En ce
sens, Napoléon Bonaparte, lui qui fut si peu dauphin, a accompli ce
qui échappa à tant de destins pourtant prédestinés. La plupart
des rêves impériaux impliquaient un rapprochement entre la France
et l’Empire. François Ier entra ainsi en compétition, en 1519,
face au roi d’Espagne, le futur Charles Quint, pour obtenir la
couronne impériale.
Election impériale qui n’était pas sans évoquer l’élection
pontificale. Le Valois Henri III, faute de mieux, fut élu roi de
Pologne. L’institution monarchique, soulignons-le, encourage
l’exogamie, le brassage des dynasties européennes, davantage que
les Républiques. Si la France était restée monarchique, elle
aurait connu quantité de reines étrangères, c’est dire que la
monarchie n’est pas forcément un osbtace à l’europénisation
des mentalités. On sait, en outre qu’au début du siècle les
souverains régnants de l’Europe étaient souvent cousins.
Le
XIXe siècle aura été un siècle tout à fait étonnant pour le
delphinat et on en était en quelque sorte arrivé à une sorte
d’alternance entre les différentes dynasties et branches:
Bonaparte, Orléans, légitimistes type Louis XVII-Naundorf et type
Henri V; sans parler des périodes républicaines de pause
monarchique, faisant interméde, où l’élection prend le relais de
la filiation. C’est probablement la mésentente entre ces
différents dauphins qui aura tué la monarchie et probablement aussi
un certain prophétisme capable de projeter le dauphin vers un avenir
rayonnant.
Il
semble bien que l’on puisse difficilement dissocier prophétime et
royauté, selon une très ancienne recette biblique.
L’affaiblissement de l’un détermine celui de l’autre. Quand
bien même, parfois, le prophétisme serait-il perçu comme une
menace, un chantage, pour les Rois, quand il adopte un ton
apocalyptique, coupant ainsi d’ailleurs la branche sur laquelle il
est perché, il n’en reste pas moins qu’il a besoin des Rois pour
que sa voix ne se perde pas dans le désert. Paradoxalement, le
plus grand péril pour le prophétisme ne serait-il pas de voir ce
qu’il annonce accompli, quand il n’y a plus rien à attendre ni à
craindre? Mais une nouvelle forme de prophétisme peut fort bien
émerger, dans les premiers temps de ce Troisième Millénaire - si
tant est que l’on doive calculer à partir de la naissance de
Jésus. Nous ne concevons pas, en effet, les prochains siècles sans
une certaine maîtrise du Temps, sans une certaine aptitude, chez les
dirigeants, à prévoir la structure des événements à venir sinon
leur détail exact. Le prophétisme ou en tout cas les sciences de
l’anticipation devraient à terme - et cela peut être urgent en un
monde où la moindre erreur d’analyse peut déclencher des
cataclysmes- intégrer le champ de la science politique. Nouveau
paradoxe, illustré par le personnage de Jonas, le prophète de la
baleine, que de voir dans le prophétisme le meilleur moyen d’éviter
la fin du monde. Il reste qu’il y a quelque chose de foncièrement
Il
reste qu’il y a quelque chose de foncièrement élitique dans le
prophétisme. Les deux acteurs de l’Histoire sont d’une part les
chefs, de l’autre les peuples et que sont les peuples sans
leaders.?
Anciennes et nouvelles aristocraties alternent et se renouvellent.
De nos jours, le prophétisme n’est-il pas galvaudé au point de
tenter, dans la même foulée,par le même modéle, d’expliquer,
notamment par le biais de l’astrologie, les événements les plus
graves et les plus insignifiants? Si l’on admet que le destin,
sous ses diverses manifestations, passe par des élus - et l’on
emploie ce terme pour désigner les députés comme pour la monarchie
de droit divin ou le “peuple élu”- que faut-il penser d’une
gouvernance politique qui recourt au référendum populaire pour
décider de l’avenir de nos sociétés au lieu d’assumer ses
responsabilités jusqu’au bout? Mais justement le prophétisme
nous apparaît comme une courroie de transmission entre le pouvoir et
le peuple, un moyen de mettre la pression, de souligner l’importance
de certains enjeux. En ce sens, l’Europe présenterait une carence
de sa conscience prophétique
La
comparaison entre mai 2005 et juillet 1789 nous semble intéressante.
Louis XVI avait convoqué les Etats Généraux, qui n’avaient pas
été réunis depuis 1614, sans y être contraint, tout comme
Jacques Chirac n’était pas obligé d’interroger le peuple de
France. Le “non” au référendum, qui célébra sa victoire sur
la place de la Bastille, est un camouflet à l’Europe mais aussi au
“roi” Chirac, tout comme la Révolution fut perçue en son temps
comme un défi aux royaumes européens lesquels se liguèrent contre
elle. La suite fut assez glorieuse pour la France et à sa façon, ce
fut toute l’Europe qui fut marquée par la France.. A une phase de
repli, toujours provisoire, succéda une nouvelle phase impériale,
supranationale :on passa ainsi dans les années Cinquante des
entreprises de l’Outre Mer au Marché Commun. En sera-t-il ainsi
cette fois encore?. La France aura, maintes fois dans son Histoire,
été tentée par des entreprises de conquête, de l’Amérique du
Nord à l’Inde, de l’Afrique à l’Indochine, des Croisades à
l’Europe. Quel prophète connaît l’avenir de la France pour le
XXIe siècle? . .
Epilogue
De
la prophétie d'Orval aux Protocoles des Sages de Sion
En
fait, le prophétisme français du XIXe siècle est traversé par un
théme dont on ne saurait minimiser l'importance, à savoir la
question juive. Certes, il est de tradition de présenter le roi de
France comme destiné à jouer un rôle important en Orient -
réminiscence des Croisades - mais plus largement, les milieux
chrétiens et cela est patent déjà dans les décennies qui
précédent la Révolution français (cf infra) s'interrogent sur le
sort des Juifs, ce qui conduira à terme à l'essor d'un sionisme
chrétien qui pose souvent comme condition à leur départ....leur
intégration au sein de la communauté des Chrétiens. Une fois le
théme monarchique déclinant à partir de la mort d'Henri V en 1883,
le théme du retour des Juifs deviendra dominant. Il est vrai que
dans la Prophétie d'Orval, un passage leur est consacré - absent
dans la Prophétie d'Olivarius - qui fera l'objet de commentaires
significatifs.:
"Alors
enfin Israël viendra au Christ-Dieu tout de bon"(n°48)
(cf
aussi passage dans la Prophétie d'Hermann de Lehnin)
Un tel prophétisme explique probablement en partie l'émergence du
sionisme. Dès le début du xVIIe siècle, le théme du "rappel
des Juifs" est lancé, il sera repris par La Peyrère dans un
ouvrage dont ce sera le titre. Le couplage conversion/retour en
Palestine caractérise le sionisme chrétien avec bien entendu des
variantes. Il semble qu'à la fin du XIXe siècle, la conversion ne
soit plus nécessairement liée au retour des Juifs en Palestine
comme, en 1871, au lendemain de la défaite devant la Prusse, chez
un Albert de Bec, dans son
Henri
V (le grand Monarque) Restaurateur du trône et des gloires de la
France et 80 ans de révolution annoncés et jugés par les
prophéties
(
Lyon, BNF 8° Lb57 2209), lequel conclue que "les Juifs se
convertiront à l'époque de la grande rénovation. En ce moment,
ajoute-t-il, ils se convertissent en foule et reconnaissent JC pour
leur dieu". Inversement, certains préconisent - et c'est cette
thèse qui l'emportera - le départ des Juifs mais sans conversion
préalable. C'est d'ailleurs la position qui sera défendue par Herzl
et qui conviendra
tout à fait - ils n'en demandaient pas tant! - aux antisémites de
la
Libre Parole,
journal qui accueillera avec faveur l'Etat
Juif paru
en 1896
(17).
Gaston Méry, collaborateur d'Edouard Drumont, préfacera ainsi en
1896 un ouvrage du Baron de Novaye qui annonce, entre autres, le
renvoi des Juifs. sur la base de prophéties :
Guerre
et Révolution d'après 45 prophéties anciennes et modernes, Paris,
Chamuel, 1896 : 'Les Juifs seront repoussés hors des frontières.
Ils iront reformer le royaume de Juda" ( p 147). En fait,.
à la fin du XIXe siècle, dans certains milieux, notamment
catholiques, l'on attendra désormais des Juifs soit qu'ils se
convertissent, soit qu'ils partent : ce qui rappelle l'alternative
qui leur fut présentée lors de leur Expulsion d'Espagne en 1492. (
cf notre étude "Antisémitisme et occultisme en France aux XIXe
et XXe siècles", Revue
des Etudes Juives,
1991)
A la fin du XIXe siècle se met en place un nouveau corpus
prophétique qui aboutira en 1905 à la parution lors de la première
révolution russe, dans cette langue, des Protocoles
des Sages de Sion
(cf notre ouvrage Le
sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle,
Feyzin, Ed. Ramkat, 2002 et notre thèse d'Etat, Le
texte prophétique en France,
Université Paris X, 1999, Diffusion Presses Universitaires du
Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2002). Dans la période qui
précédera la Première Guerre mondiale, les Protocoles
seront
traduits en tchéque et en allemand.(note:
point non signalé par in P.
A. Taguiefff. Les
Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages d'un faux,
Paris, Berg International-Fayard, 2004) Bien sur, avec la
Révolution d'Octobre 1917, ils acquerront une autorité accrue et
cette fois en l'espace de quelques années, ils seront traduits en
français et en anglais notamment, d'abord dans la presse puis sous
forme d'édition séparée.
Ce
texte qui fut jugé prophétique - attesté en 1905 et donc paru
bien avant 1917 - était à l'origine dirigé vers les franc-maçons
mais il finit par se focaliser sur les Juifs, à une époque où
justement ceux-ci essayaient de s'organiser au niveau international,
avec notamment en 1897 le Congrés de Bâle, sous la présidence de
Theodor Herzl.. Le ressort de ce texte - dont on prétendra qu'il est
constitué par des compte-rendus de réunions secrétes - c'est le
sens, ici, du mot protocoles - est assurément l'antisémitisme, les
Juifs étant présentés comme une puissance occulte et dominatrice
qui tirait partout les ficelles.
A
la différence de la Prophétie d'Orval, aucune chronologie précise
n'y était avancée et l'on observe que le texte des Protocoles
n'en
souffrit point. Il suffisait de souligner le rôle des Juifs dans
l'écroulement de l'empire des tsars, parmi les révolutionnaires
russes les plus en vue - on pense notamment à Léon Trotsky- pour
valider un texte quand bien même aurait-on démontré qu'il
reprenait le plus souvent un ouvrage du journaliste français
Maurice Joly. (cf Cesare G. de Michelis. La
giudeofobia in Russia/ Dal Libro del "kahal" ai Protocolli
dei savi di Sion,
Turin, Bolatti Borignhieri, 2001, H. Rollin, L'Apocalypse
de notre temps,
Paris, Ed. Allia, 1939, Reed. 2005 ; Sergio Romano,
I falsi Protocolli./ il complotto hebraico dalla Russia di Nicola II
a oggi,
Milan, Corbaccio, 1992)
Par ailleurs, les Protocoles,
à part le fait qu'ils parurent d'abord en russe, ne relataient pas
d'événement propre à ce seul pays; bien au contraire, il y était
question de l'actualité en France et aux Etats Unis, autour de 1900
et d'ailleurs, le texte fut bel et bien rédigé et diffusé avant
1905, notamment dans la revue russe Znamia
alors
que la prophétie d'Orval traitait avant tout de la France. Toujours
est-il que ces deux textes qui cohabitèrent au début du XXe
siècle, affectèrent les deux extrémités de l'Europe. C'est ainsi
qu'en 1897, Stanislas de Guaita, dans un volet du Serpent
de la Génése
reproduit et commente la Prophétie d'Orval. L'occultiste français
s'intéresse tout particulièrement au destin d'Henri V et constate
qu'à un certain moment (1873), "la prophétie d'Orval ne
concorde plus avec les événements mais pourquoi? Serait-ce point
qu'Henri V a modifié l'ordre des choses, en ne répondant pas à
l'appel combiné du Destin et de la Providence?" . On notera que
la prophétie s'achéve en mentionnant Israël :
"Alors
enfin Israël viendra au Christ-Dieu tout de bon". Herzl, le
grand leader sioniste avait songé, un temps, avant de se lancer dans
son projet d'Etat
Juif,
mener les Juifs à la conversion au catholicisme. En fait, dans
l'optique des Chrétiens, à partir du XVIIe siècle, conversion et
retour à Sion sont intimement liés. Il n'est pas question pour un
La Peyrère en 1643, pour l'abbé Jacques Deschamps en 1760 ni pour
les abbés François Malot - dans une Dissertation
sur l'époque du rappel des Juifs sur l'heureuse révolution qu'il
doit opérer dans l'Eglise (BNF
D 42681) et Laurent-Etienne Rondet, en 1778, avec sa Dissertation
sur le rappel des Juifs et sur le chapitre XI de l'Apocalypse.
( BNF A 73391), d'envisager un retour des Juifs sans conversion.
NOTE: ni Malot, ni Rondet, ni La Peyrère 18
C'est ainsi que le curé
de Saint Jean de Dangu, Deschamps, écrit en 1760 - dans un
"Discours préliminaire" intitulé "Sur le rappel des
Juifs" ( in Traduction
nouvelle du Prophéte Isaïe,
Paris, Debure, BNF A 6277) décrivant à l'avance une telle société
juive en Judée qui n'est pas sans évoquer le roman utopique de
Theodor Herzl, Altneuland,
qui
paraitra en 1902, 140 ans plus tard:
Que"
les Juifs, après leur retour, ne s'imaginent pas plongés dans une
molle oisiveté, qu'ils doivent tout attendre de la Providence; ils
se livreront aux occupations qui leur seront indiquées par la
situation et par la nature du pays qu'ils habitent"
Deschamps
est le digne successeur d'un La Peyrère et considére qu'il faut
s'intéresser aux Juifs en chair et en os et non simplement à
quelque Israël spirituel comme le soutient l'abbé Laurent Estienne
Rondet, qui répliquera par un Isaïe
vengé
l'année suivante - BNF D 12641) et auteur de la Bible dite
d'Avignon publiée peu après et à laquelle s'en prendra l'Abbé
Malot (1778). . Un tel retour aura, avait affirmé le curé de
Dangu des implications considérables et il n'est pas nécessaire
d'attendre la fin des Temps pour procéder à un tel "rappel":
"
Lorsque le plus ancien peuple du monde rassemblé dans son pays et
devenu Chrétien , démontrera par son rappel l'authenticité d'une
suite de Prophéties pendant près de 400 ans (...) Il fera à Jésus
Christ une réparation solennelle et constante des outrages dont
l'ont chargé les anciens Juifs (..) cette Nation célébrera dans sa
gloire avec un éclat qui parviendra jusqu'aux extrémités du monde
(..) Ramassez, les tribus de Jacob; rendez leur l'héritage de leurs
pères (...) que les promesses magnifiques faites en sa faveur (de
Jérusalem) s'accomplissent avec une précision & un éclat qui
justifient aux yeux des Incrédules les Oracles de nos Prophétes.
Qu'Ismaël ( l'Islam) comprenne enfin qu'il ne peut espérer de salut
qu'en s'unissant à ses frères, les descendants de Jacob"
Tous
les moyens sont bons pour obtenir la conversion massive des Juifs: la
terre contre la reconnaissance de Jésus. La lecture du Rappel
des Juifs de
1646 est édifiante en ce qui concerne la stratagie à déployer pour
obtenir des conversions.. L'ouvrage est en fait un "Traicté
pour la conversion des Juifs et des Gentils" et propose des
"expédiens raisonnables pour attirer les Juifs à nous" et
notamment il recommande "Que (les) temples consacrez à la
conversion des Juifs et des Gentils ne fussent ornez que de simples
embellissements de l'Architecture" et qu'ils soient "vides
d'images et de toute apparence de superstition" élaborant ainsi
un Synopsis
doctrinae Christianae ad usum Iudaeorum et Gentium. Il
y a là une forme de cynisme qui n'est pas sans annoncer celui qui
est attribué aux Juifs dans les Protocoles.
En
fait; du fait de cette attente de la conversion des Juifs, il s'agit
de leur présenter un catholicisme édulcoré.
La
formule " Rappel des Juifs" est, précisons-le, déjà
attesté dans le même sens, près de 30 ans plus tôt dans un texte
paru anonymement en 1615 il s'agit de la Lettre
sur un recueil du manifeste des Prophéties
" Quant au rappel des Juifs dispersez par tout le monde,
il est prédit expressément au 32. chapitre de Jérémie &
ailleurs en plusieurs endroits des Prophéties etc" (p. 32, BNF
8°
Z 22176 (39)
La
France, en 1791, émancipera "ses" Juifs, entreprendra leur
régénération et l'on peut se demander si, ce faisant, elle n'a pas
essayé de devenir une nouvelle Sion, se substituant en quelque sorte
à l'ancienne.
En
revanche, sous la Restauration, en 1818, la thèse du départ des
Juifs est réaffirmée dans un Discours
sur les promesses renfermées dans les Ecritures et qui concernent le
peuple d'Israël, où l'on considére la conversion et le rappel des
Juifs comme la resource et l'espérance de l'Eglise.
(BNF A 8553).
Comme
pour la prophétie de Malachie19,
le texte se termine avec l'apparition de l'Antéchrist: "l'homme
du mal arrive". Rappelons que les Protocoles
des Sages de Sion,
vus par Serge Nilus, annonçaient aussi l'avénement de l'Antéchrist.
Le
prophétisme du XXe siècle nous apparait somme toute comme
orchestrant des conflits religieux, puisque les Protocoles
campent
bel et bien le "péril juif" et s'inscrivent dans la lignée
d'un très ancien clivage. Etrangement, avant l'écroulement de
l'empire ottoman, des suites de la "Grande Guerre"
l'ennemi héréditaire était le Turc dont on avait si souvent
annoncé la chute et le déclin. Une fois cette menace disparue, le
spectre du judéo-maçonisme sera brandi avec une force accrue à
partir des années Vingt du XXe siècle. L'écroulement et le
démembrement du bloc communiste - le marxisme nous apparaissant
comme une forme de prophétisme - à la fin des années Quatre Vingt
- semblent, à leur tour, risquer de réveiller une conflictualité
religieuse dont une expression emblématique est le 11 septembre
2001.(Le Nine
Eleven).
Mais à la différence du XIXe siècle, qui ne connut, notamment en
France, qu'une astrologie ayant divorcé avec l'astronomie, le siècle
suivant fut largement "couvert" par la dite astrologie,
laquelle notamment accordera la plus grande importance à la théorie
des ères précessionnelles, développée justement en France, sous
"la" Révolution, notamment par un Dupuis, dans l'Origine
de tous les Cultes, ce
qui aboutira, avec Paul Le Cour (l’Ere
du Verseau. L'avènement de Ganiméde, 1937,
J. Halbronn, La
vie astrologique années trente-cinquante, Paris,
La Grande Conjonction-Trédaniel, 1995) et d'autres, à l'attente de
l'Ere du Verseau 20
Le prophétisme dont il s'agit ici - faut-il le souligner - use - et
ce n'est pas un hasard- d'un terme biblique 21et
a repris actuellement une connotation religieuse qu'il n'avait pas à
la Renaissance. (cf Gérard
. Allouche, Prophètes
et prophéties A la recherche des clefs pour le 3e millénaire, 1999)
ou il s'était sensiblement laicisé sinon galvaudé. Mais à
l'époque, les hommes voulaient croire à une résurgence du
prophétisme, manifestaient une certaine volonté d'imitation - et
de continuité - des Anciens liée peu ou prou à l'attente d'un
Second Avénement christique. Il s'agissait de réenchanter le
monde, de sentir à nouveau vivant le lien, l'alliance avec Dieu.
Ajoutons qu'au XIXe siècle, le néoprophétisme associera tout
particulièrement le (futur) roi de France - on pense à Henri V -
au Pape de Rome, notamment Pie IX 22
L'on
aura remarqué que le prophétisme est itinérant: aux XVIIe et
XVIIIe siècles, c'est l'Angleterre dont le destin est supposé
annoncé et notamment les révolutions qui l'agitent et cela incluera
les affaires américaines. Puis la Révolution deviendra un "mal"
français tout au long du XIXe siècle. Et enfin, le prophétisme du
XXe siècle visera fortement les Juifs acteurs des révolutions et de
ce fait non plus victimes mais porteurs du virus révolutionnaire. Le
prophétisme nous apparait dès lors comme une lutte entre le Bien et
le Mal, et en tout état de cause, il s'inscrit dans une dualité
tout comme la notion de "rappel", de "retour" des
Juifs implique un mouvement de flux et de reflux. S'ils n'étaient
pas partis, ils n'auraient pas à revenir. Il semble cependant que
nous ayons ici affaire à un syncrétisme prophétique: dans un cas,
le prophétisme nous parle du Rappel des Juifs et dans l'autre de la
Révolution. Or, à un certain moment, ces deux thémes vont se
croiser dès lors que les Juifs seront portés par la Révolution de
1789 dont ils seront les bénéficiaires et porteurs de la Révolution
de 1917 dont ils seront des acteurs majeurs. Il conviendrait de
réfléchir au fait que l'Emancipation des Juifs de France s'est
faite après et non pas avant 1789, une fois la monarchie
parlementaire enfin instaurée en France. Ce fut d'ailleurs également
le cas en Angleterre, où les Juifs furent "rappelés" sous
Cromwell..
2
cf J. Halbronn, Papes et prophéties, op. cit.
3
(également
à Montpellier, chez Jean Martel Le Jeune)
4
Reed fac simile, Paris, Trédaniel
5
Hübscher
????
6
(British
Library, T 1160 (4).
7
BNF,
8° Ye Pièce 4584
8
(Arrêt
suprême des dieux de l'Olympe en faveur de Mme la Duchesse de Berry
et de son fils.
etc, 28 février 1833, p.140).
11
.(voir
recueil factice, BNF, 8° Z 7401 Délire
d'un paranoïaque mystique. Vintras et l'Oeuvre de Miséricorde,
Paris, PUF, s.d. BNF, 8° L27 62624. Voir L. de. La Sicotière, ,
Les
faux Louis XVII,
Paris, V. Palmé, BNF, 8° La26 31, pp. 115-116. En 1913, dans La
Colline inspirée,
Maurice .Barrès, . consacrera un chapitre à "Vintras au
milieu des enfants du Carmel". (Voir l'édition critique de J.
Barbier, Sarreguemines, Pierron, 1985.)
12
(présenté
chez Collin de Plancy comme étant un texte de Lichtenberger).
13
(VII.
Empire et Restauration, p. 464)
14
BNF,
D 59000. Première éd. 1861, BNF, Res Lb56 1196)
18
signalés
par Yves Chevalier in "QUELQUES
PRÉCURSEURS CHRÉTIENS DU SIONISME",
Colloque “Aspect du
Sionisme”, INLCO, 1983, pp. 21-31 (cf
site chretiens-et-juifs.org)
20
(cf
Aquarius
ou la Nouvelle Ere du Verseau, dir.
J. Halbronn,
Paris,
Albatros-Autre Monde, 1979; "Heurs et malheurs de l'astrologie
française au XXe
siècle (De Paul Le Cour à André Barbault)", site CURA.
free.fr)
Inscription à :
Articles (Atom)