Flash de THOT – No 48
Équinoxe d’automne 2017
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« Je n’ai jamais voulu aller au Japon.Britney Spears
Simplement parce que je n’aime pas manger du poisson.
Et je sais que c’est très populaire chez vous en Afrique. »
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E. D. I. T. O
Êtes vous complotiste ou illuminati ?
« Des centaines de milliards de dollars sont dépensés chaque année
pour contrôler l’opinion publique. »
Noam Chomsky
professeur et auteur américain
Pour Wikipédia les « illuminati » sont : « selon les théories du complot : une organisation conspiratrice supposée agir dans l'ombre du pouvoir, contrôlant prétendument les affaires du monde au travers des gouvernements et des grandes multinationales et visant à l'établissement du Nouvel ordre mondial… », on appréciera au passage et avec délice le « selon les théories du complot », le « supposée » et le « prétendument » du rédacteur wikipédiesque, contributeur totalement gratuit et absolument pas sous influence ayant eu la gentillesse d’informer les masses laborieuses s’étant égaré sur cette page du Net à la recherche d’un éclairage pertinent sur le New World Order (NWO)…
Mais que nous dit pour autant l’inénarrable Encyclopédie en ligne sur le sujet épineux des… « complotistes » ?
La première chose à constater avec humour est bien sûr l’avertissement de Wikipédia disposé en bandeau, et projeté de façon préventive, en préambule de l’article lui-même, de peur que nous ne soyons pas capables de discerner le bon grain de l’ivraie… Nous citons : « Des informations de cet article ou section devraient être mieux reliées aux sources mentionnées dans la bibliographie… ». Sans prendre en compte la bien trop abondante littérature digressive de cet article qui noie (peut-être volontairement ?) l’essentiel du propos sous un verbiage inutile, pédant, et universitaire, dans une quantité d’informations disparates ayant sans doute comme première mission de brouiller tous les radars – nous vous laisserons vérifier cette information par vous même.
On retiendra cependant cette phrase assez savoureuse qui fleure bon l’objectivité : « construire une théorie du complot est une arme politique qui permet à des acteurs politiques extrêmes, marginaux ou faibles d'exister dans le champ médiatique ou politique à moindre coût »… On ne pourrait mieux dire si l’on voulait offrir un enterrement de première classe à ses fameux « complotistes » de tous poils…Qu’en pense George Orwell ?
Alors si vous voulez en savoir plus et surtout si vous voulez savoir si vous êtes vous même un « complotiste » ou un « illuminati » ? … Lisez donc le dernier livre d’Emmanuel Rivière, publié chez Arqa !>[Le Flash de Thot 48]
BONUS // Spécial Rentrée Littéraire
À la question que l’on posait à Nabilla pour cette rentrée littéraire :
« Quel est votre auteur préféré ? »
Celle-ci a répondu :
« Je n’sais pas ? 1m 80 ? »
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3 – « Êtes-vous complotiste ou Illuminati ? »
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K2Mars - Sommaire du numéro 25
Numéro spécial Martinès de Pasqually
ENTRETIEN avec Georges COURTS // Le Grand Manuscrit d’Alger # 1ENTRETIEN avec Georges COURTS // Le Grand Manuscrit d’Alger # 2
Rémi BOYER // Préface au Grand Manuscrit d’Alger Tome 3
ENTRETIEN avec Georges COURTS // Le Manuscrit Jean BAYLOT # 1ENTRETIEN avec Georges COURTS // Le Manuscrit Jean BAYLOT # 2
ARQA éditions // SOUSCRIPTION Tome 3 & Manuscrit Baylot
Georges COURTS // TABLE DES MATIÈRES du « Manuscrit d’ALGER » - Tomes 1,2,3Georges COURTS // Le Grand Manuscrit d’Alger Tome 3 – (extrait) # 1
Georges COURTS // Le Grand Manuscrit d’Alger Tome 3 - (extrait) # 2Georges COURTS // Le Manuscrit Jean BAYLOT - (extrait) # 1
Georges COURTS // Le Manuscrit Jean BAYLOT – (extrait) # 2
Georges COURTS // TABLE DES MATIÈRES du « Manuscrit BAYLOT »Patrick BERLIER // La Symbolique des deux saints Jean – Saint Jean BaptisteThierry E. GARNIER // 1717-2017 - « D’où viens-tu ? - D’une loge de saint Jean » # 2Emmanuel RIVIERE // Êtes-vous un Illuminati ou un complotiste ?
Jean IOZIA // MARTINISME – La symbolique du TempleÉdouard de RIBAUCOURT // La Symbolique de la lettre G
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Les Calligraphies de L’OUBLI
Le site de Thierry Emmanuel GarnierNEWS - NEWS - NEWS - NEWS - NEWS
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Etudes de Critique biblique, astrologique nostradamiquej et linguistique.
vendredi 29 septembre 2017
Jean Soler, Le monothéisme, la plus grande impostu...
HEBRAIQUETELE LA CHAINE DE L'IDENTITE JUIVE: Jean Soler, Le monothéisme, la plus grande impostu...: Forum des déistes, athées et inter-religieux Forum de partage sur la spiritualité et la philosophie. Nous accueillons toutes vos opinio...
Patrice Guinard Misère de la recherche académique et universitaire sur Nostradamus
Misère de la recherche académique et universitaire sur nostradamus
Il faut chercher péniblement dans les revues, comptes-rendus et actes de colloques spécialisés, ou douteusement prétendus tels pour les études nostradamiennes, de rarissimes articles susceptibles de contenir quelque information substantielle concernant Nostradamus. Quatre siècles après les ouvrages de Chavigny, secrétaire de Nostradamus jusqu'à son décès sous le nom de Jean de Chevigny, la situation n'a guère évolué. Mis à part les essais de Pierre Brind'Amour, décédé, et qui a obtenu une aide au Canada pour entreprendre son ouvrage de 1993, la recherche vivante se développe principalement chez des passionnés, à l'écart des institutions culturelles. Force est de constater qu'elle continue de proliférer en dehors des cercles académiques, dans l'édition dite populaire et maintenant sur internet. De pseudo-spécialistes et des fonctionnaires patentés et rétribués par les institutions culturelles étatiques, que ce soit en France ou à l'étranger, sont parfois commandités par des éditeurs et responsables de collection pour couvrir un sujet pour lequel ils n'ont pas la connaissance requise. C'est ainsi qu'on découvre avec une certaine stupéfaction des erreurs, des contre-vérités, des problématiques et des propos désuets dans les articles les plus récents. J'en étudierai quelques uns pour la période 2001-2006.
Gérard Morisse observe dans la Revue Française d'Histoire du Livre que Nostradamus "ne commence que bien timidement à être toléré dans certains magasins de bibliothèques universitaires, sans doute exaspérées [les bibliothèques ?] par les diverses interprétations des Prophéties." (n.122-125, Bordeaux, 2004, p.293). Il reste effectivement d'immenses rattrapages à effectuer, et il n'existe par exemple aucune édition des Prophéties à l'université toulousaine (la quatrième ville universitaire de l'hexagone après Paris-Versailles-Créteil, Lille et Lyon), pas plus que dans le Réseau des bibliothèques universitaires de Toulouse et de Midi-Pyrénées, ni ancienne, ni récente, alors que la médiathèque municipale d'Albi possède le seul exemplaire connu de la toute première édition des Prophéties ! La dite "exaspération" et les états d'âme des spécialistes ne datent pas d'hier, et la raison invoquée semble bien insuffisante pour expliquer ces lacunes et ces tares. En réalité la politique d'acquisition des bibliothèques universitaires françaises en ce qui concerne Nostradamus et dans des domaines proches comme l'astrologie ou l'histoire de l'astrologie (cf. ma thèse de 1993) relève d'hostilités viscérales, de présupposés idéologiques, et d'un obscurantisme maladif, issus des idéologies positivistes et pseudo-rationnelles des XVIIIe et XIXe siècles.
Morisse note l'intérêt universel pour Nostradamus via une comparaison établie (en 2004 ?) à l'aide du moteur de recherche Google : 569.000 de pages indexées pour Nostradamus, 184.000 pour Rabelais, et 97.700 pour Ronsard (p.42 de son intoduction à Nostradamus : cf. infra). En mars 2006, j'ai noté 6.000.000 de pages pour Montaigne, 4.500.000 pour Rabelais, 3.000.000 "seulement" pour Nostradamus et 1.000.000 pour Ronsard, mais à la mi-mai 2007 : 8.440.000 de pages pour Nostradamus, 7.250.000 pour Montaigne, 2.660.000 pour Rabelais et 1.030.000 pour Ronsard, à comparer aussi aux 45.700.000 entrées pour Shakespeare, aux 23.400.000 pour Cervantes, aux 20.500.000 pour Erasmus, et aux 10.400.000 pour Descartes. Ainsi Michel de Nostredame serait en passe de devenir d'ici peu l'auteur français le plus présent sur la toile.
"Nostradamus représente ce qu'il y a de meilleur dans la civilisation provençale de l'époque", note Emmanuel Le Roy Ladurie qui se déclare à raison sceptique sur les interprétations d'un Prévost forçant le sens des quatrains pour l'enserrer dans le carcan de chroniques moyenâgeuses reconstituées : "Nostradamus est un grand poète : l'obscurité même de ses textes fait de lui en quelque mesure le contemporain de nos poètes actuels, qui sont souvent fort obscurs, mais très éloignés d'avoir son talent." (in Le Figaro magazine, n.17055, 1999, p.64). "Nostradamus, en fait, est un grand poète, à l'hermétisme fascinant, qui se situe pour moi quelque part entre Mallarmé et Saint-John Perse." ajoute-t-il en 2001 ("Le roman de la Provence", in Nouvel Observateur, n.1918, 2001). Et c'est bien en effet vers l'analyse poétique que s'orientent la plupart des articles récents. Soulignons cependant que la survie et la renommée de Nostradamus ne proviennent aucunement des recherches académiques, mais des études d'autodidactes passionnés, parfois aux lectures jugées irrecevables pour la petite raison consensuelle, et de son immense influence sur l'inconscient collectif populaire. Et si les recherches académiques, universitaires et para-universitaires amorcent quelque récent intérêt pour l'astrophile salonnais, elles conserveront une dette vis-à-vis des études antérieures, ne leur en déplaise.
1. Gilles Polizzi : "Au sanguinaire le nombre raconté : le thème millénariste dans les Prophéties de Nostradamus"
in Formes du millénarisme en Europe à l'aube des temps modernes, Actes du Colloque international de l'Association "Renaissance, Humanisme, Réforme" (Marseille, 10-12 septembre 1998), éd. Jean-Raymond Fanlo & André Tournon, Paris, Honoré Champion, 2001
L'universitaire mulhousien expose à nouveau, dans la première partie de son article, son idée d'une écriture éclatée rendue par la technique du "cut-up" expérimentée par William Burroughs dans les années soixante, à partir d'un matériel provenant de sources diverses, et notamment de l'histoire romaine : "Ne pourrait-on voir dans les Centuries l'agencement ingénieux de matériaux choisis pour "prendre au piège" les aléas de l'histoire future ?" (Polizzi, " 'Lac trasmenien portera tesmoignage' ou de l'usage de l'Histoire Romaine dans les Centuries", in Nostradamus ou le savoir transmis, Lyon, 1997, p.72). La composition des quatrains relèverait de la parataxe (c'est-à-dire d'une syntaxe "disjonctive et contournée") et du collage aléatoire de syntagmes, repérés principalement par des noms et vocables empruntés à l'histoire romaine.
L'observation d'emprunts aux poètes et aux historiens romains est relativement aisée dès lors que les patronymes d'empereurs et de généraux figurent explicitement dans le texte, et ce dès les premiers almanachs et pronostications de Nostradamus, comme dans les extraits de la Pronostication pour l'an 1550 conservés par Chavigny : "le siecle de Sylla ou de Marius est de retour" (PP50-2), ou l'expression "metuens Poenos Gallumque ferocem" (PP50-3) qui semble provenir de l'Histoire romaine de Florus (cf. CN 2). Cependant si l'identification du contexte est aisée, la reconnaissance de la source effective l'est beaucoup moins, et il ne suffit pas d'avoir repéré quelques vocables pour ipso facto avoir identifié la source avec certitude, et nombre de passages repérés par Georges Dumézil et Pierre Brind'Amour n'échappent pas à cette ambiguïté. Comme je l'ai montré récemment, les deux premiers vers du quatrain 84 de la première Centurie ne s'inspirent pas des Géorgiques de Virgile comme l'affirme Brind'Amour (1996, p.165), mais des Poemata d'Ulrich von Hutten (cf. CN 47). Ce qui ne signifie pas que ces vers doivent s'appliquer stricto sensu au contexte défini par cette source (cf. mon texte : "Nostradamus connaissait-il les planètes trans-saturniennes ?", CURA, 2000 & Atlantis, 404, 2001).
La distinction entre le contexte historique et la source effective est d'autant plus minimisée dans l'hypothèse de Polizzi que la technique du collage laisse une marge infiniment extensible à l'interprétation. L'exégèse s'en trouve facilitée puisqu'il suffit dès lors d'isoler chaque vers et même chaque syntagme, sans préoccupation pour l'unité du quatrain, ou même du vers, remise en cause et niée. Dans cette hypothèse le quatrain ne signifie rien ou pas grand chose, et "Nostradamus ne sait pas toujours ce que son propre texte "veut dire"." (p.433). L'analyse déconstructiviste, très prisée depuis les travaux de Derrida, permet à bon compte de faire l'économie de la recherche sémantique en admettant l'interchangeabilité des syntagmes et en présupposant "la production d'un sens aléatoire" (p.433).
J'estime pour ma part que la confusion entre le contexte apparent, la source effective (si elle existe), et le sens qui doit être recherché pour chaque quatrain, est préjudiciable à l'exégèse. La cohérence de la préface à César ne fait nullement apparaître les dites techniques de collage, et les emprunts à Savonarole et au cyclologue Richard Roussat sont toujours arrangés et modifiés pour illustrer le discours et le mettre en perspective. Plus qu'une composition systématique par cut-up, le texte intègre certains éléments du passé afin d'éclairer des situations historiques comparables dans une configuration répétitive de l'histoire. Cette mise en perspective est le principal outil au service d'une vision cyclique de l'histoire et de la figure d'un Janus bi- ou tricéphale (cf. ma récente analyse de "La lettre de Nostradamus à César", CN 33).
En revanche, dans la logique du cut-up revendiquée par Polizzi -- ou plutôt dans son illogique ! -- il ne reste plus qu'à cerner les thèmes récurrents du texte, tâche faisant l'objet de la seconde partie de l'article. Polizzi a choisi les motifs se rattachant au thème millénariste : changement et rénovation, cycles planétaires et retour saturnien, déluge, famine et fléaux divers, multiplication des sectes, persécutions de l'Église, séductions de l'Antéchrist, retour de l'esprit divin. Outre l'hétérogénéité de ces prétendus motifs d'une topique qui apparaît peu de manière explicite dans le texte, on pourra regretter leur manque d'articulation et l'absence d'un schème qui les coordonne.
La temporalité cyclique et l'annonce du retour d'un état du monde quasi immaculé mis en évidence dans la première préface sont minimisées. Comme le suggère Nostradamus à la fin de son texte (au paragraphe 40 de mon édition), la seconde préface (1558), est déjà conçue en 1555 comme une illustration détaillée du cadre cyclique général mis en place dans la première, laquelle reste curieusement ignorée par Polizzi (cf. CN 33). Il est étonnant que son exposé ne s'appuie pas en premier lieu sur ce texte. Les connotations millénaristes chez Nostradamus, relativement accessoires, s'inscrivent dans un schéma cyclique d'ensemble. Autrement dit, ce n'est pas le thème des cycles planétaires qui serait une articulation du thème millénariste, mais bien l'inverse : c'est parce que le décompte millénariste coïncide avec des échéances cycliques que les connotations millénaristes apparaissent en trompe-l'oeil dans le discours, comme la date de 1999 dans le quatrain 72 de la centurie X.
Faute d'avoir cerné ou compris le canevas présenté dans la préface à César, Polizzi en est conduit à déambuler aléatoirement, un peu à l'image de la méthode qu'il préconise, dans les méandres du texte nostradamien dont il ponctionne quelques vers et syntagmes au hasard de l'analyse.
Pour le détail, signalons les trois points suivants :
- Nostradamus aurait "toujours pris ses distances" avec "le cadre de la 'technique' astrologique" (p.430). C'est faux, et il suffit de lire la préface à César pour se persuader qu'il a au contraire voulu inscrire son inspiration et son intention prophétiques dans le contexte précisément délimité des cycles planétaires, quelles que soient les techniques astrologiques qu'il ait utilisées.
- Polizzi prend curieusement ses citations de la seconde partie des Prophéties (contenant la préface à Henry et les centuries 8 à 10) dans une édition tardive, à savoir une édition Pierre Rigaud (c.1603, BM Lyon Res 808.163), ignorant le fac-similé d'une édition Benoist Rigaud de "1568" paru en 2000 ainsi que les exemplaires accessibles signalés par Ruzo et les bibliographes ultérieurs, alors même qu'il souligne la nécessité de s'appuyer sur le texte des premières éditions (p.434). A l'occasion il signale les travaux iconoclastes et facétieux de J. Halbronn (p.435), et loue le travail critique de Brind'Amour qui aurait rétabli les "bonnes" graphies "d'après la source" (p.434). Rappelons que pour la première partie des Prophéties, des fac-similés des éditions de 1555 et 1557 sont parus et ont été préfacés par Robert Benazra en 1984 et 1993, et que pour la seconde partie, Brind'Amour ne s'appuie que sur une édition rouennaise du XVIIe siècle !
- Enfin Polizzi a observé (pp.430 & 450) -- sans s'engager plus avant -- quelques coïncidences numérologiques entre le nombre 666, du nom de la bête de l'apocalypse de Jean, le thème de l'antéchrist et des sectes hérétiques, et le nombre attribué aux quatrains s'y rapportant, à savoir les quatrains VIII-77 (= 777) : "L'antechrist trois bien tost annichilez / Vingt & sept ans sang durera sa guerre" (vers A-B), X-66 (= 966) : "Roy Reb. auront un si faulx antechrist" (vers C), et VI-66 (= 566) : "Au fondement de la nouvelle secte" (vers A). Ajoutons que ces quatrains se relient aisément au nombre johannique rapporté à l'unité, à la centaine, et au nombre 3 souligné à deux reprises dans le quatrain VIII-77 (3 étant la racine cubique du nombre 27) : 777 = 666 + 111 ; 566 = 666 - 100 ; 966 = 666 + 300. Ce dispositif corrobore l'organisation tripartite de sous-systèmes cryptonumériques au sein du texte nostradamien, que j'ai déjà observée dans de précédents textes (Pour des observations similaires dans la traduction du livre d'Horapollon, cf. CN 28).
2. Claude-Gilbert Dubois : "L'invention prédictive dans les Prophéties de Nostradamus"
in Ésotérismes, gnoses & imaginaire symbolique, Mélanges offerts à Antoine Faivre, éd. Richard Caron, Joscelyn Godwin, Wouter Hanegraaff & Jean-Louis Vieillard-Baron, Leuven, Peeters, 2001
Le texte s'inscrit dans une approche littéraire similaire à celle de l'article précédent, mais sans pour autant renoncer à la dimension oraculaire des Prophéties : "le temps futur y est perçu en miettes, sous forme de mosaïque déglinguée. (...) C'est du tachisme, c'est du pointillisme, qui utilise sciemment une technique déconstructionniste." (p.552). Malheureusement, l'article est mal informé, très en retard par rapport aux recherches actuelles, et se contente de reprendre quelques interprétations communes, incluant le quatrain apocryphe du "fourchu" déjà signalé par Étienne Tabourot en 1583 et qui apparaît dans une édition troyenne datée de 1605. Dubois note que les ouvrages "interprétatifs" actuellement les plus usités seraient ceux de Serge Hutin (1972) et du fils Fontbrune (1980). Peut-être en France, et encore, mais qu'importe. Il mentionne une "réédition" (!) de la Bibliographie Nostradamus de Chomarat, publiée à "Lyon" (!) en "1984" (!), un ouvrage que visiblement il n'a pas consulté, et s'attarde sur le fameux quatrain de Varennes (IX 20) tout en ignorant les deux principales contributions à son exégèse, à savoir l'interprétation de Georges Dumézil (1984) et l'article de Chantal Liaroutzos (1986), lequel n'invalide pas le canevas proposé par le célèbre mythologue contrairement à ce qui est affirmé dans les cercles sceptiques. Au final on estimera qu'Antoine Faivre méritait mieux que ce fourre-tout superficiel et mal documenté.
Dans un article paru en 2004, "La mise en forme du style "oraculaire" dans le français du XVIe siècle" (in Les normes du dire au XVIe siècle, Actes du colloque de Rouen (15-17 novembre 2001), éd. Jean-Claude Arnould et Gérard Milhe Poutingon, Paris, Honoré Champion, 2004), l'auteur revient sur son interprétation tachiste, apparentée aux tags muraux contemporains, laquelle marquerait une "série de visions instantanées, de flashes, sans lien entre elles" (p.31), qui serait caractéristique du style oral et oraculaire du salonnais, comme dans le vers III-12A (Par la tumeur de Heb. Po, Tag. Timbre & Rosne) ou dans le fameux quatrain onomatopéique XII-4 (Feu, flamme, faim, furt, farouche, fumée / Fera faillir, froissant fort, foy faucher, etc), transcrit par Chavigny dans son Janus en 1594. Hélas l'auteur qui s'appuie sur l'édition périmée de Serge Hutin (1966), transcrit "surt" pour "furt" et "Rome" pour "Rosne" ! Plusieurs oeuvres sont mises à contribution, comme Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné, dans ce sujet trop vaste pour un propos si mince, sans qu'il en ressorte quelque conclusion satisfaisante, ni comparativement, ni même relativement à chacun des textes survolés.
3. Yvonne Bellenger : "Nostradamus prophète de malheur"
in Travaux de Littérature, 16, 2003
Cet article est un supplice pour les yeux et pour l'esprit. Il ne développe aucune analyse substantielle, mais agglutine certains témoignages et textes hostiles à Nostradamus ou cités en ce sens, avec une prédilection pour l'invective de Laurent Videl (1558), l'ouvrage dépassé de Jacques Boulenger (1943), et celui de Liberté LeVert, alias Everett Bleiler (1979), sans oser cependant s'appuyer sur celui de James Randi (1993), le best-seller ignorant des cercles sceptiques et zététiques anti-nostradamistes. Parsemé d'erreurs et de confusions, voire d'expressions volontairement désobligeantes et censées épouser un sujet "mal-traité" ("les catastrophes naturelles dont les almanachs font leur beurre" (p.243), "c'est évidemment de cette inquiétude que les faiseurs d'almanachs tirent leur fonds de commerce." (p.245), etc), il s'achève sur un affligeant constat concernant Nostradamus, à contre-courant des meilleures études récentes, à commencer par celle de Brind'Amour, quand bien même nous en avons ici même souligné certaines limites : "Imposteur, donc [sic], charlatan, exploiteur cynique de la crédulité ordinaire ..." (p.256). L'article s'inspire davantage de certaines affirmations et positions de principe de LeVert ("a canny businessman (...) remarkably inept as a purveyor of the future") -- par ailleurs beaucoup plus nuancées que les extraits choisis ne le laissent entendre --, que des recherches de Brind'Amour dont le but fut précisément d'essayer de sortir Nostradamus de l'ornière des silences, des hostilités excessives et des a-priori ignorants et outrecuidants qui font florès dans la littérature pseudo-savante depuis plusieurs siècles, de Gabriel Naudé (1625) à un Camille Pitollet trois siècles après.
L'idée "basique" de l'article, à savoir la lecture d'un prophète "de malheur", est à la fois abusive et simpliste. Elle relève d'une lecture superficielle du texte nostradamien, lequel ne fait que révéler l'effroi et la terreur suscités, non tant par les conflits extérieurs annoncés, devraient-ils s'inscrire même dans le contexte de l'histoire et de la décadence romaine, ou dans celui des guerres religieuses du XVIe siècle, mais par des peurs, appréhensions et émois intérieurs du lecteur. La forte teneur autoréférentielle du texte nostradamien véhicule moins une certaine quantité d'effroi inhérente à tout texte prophétique, qu'elle révèle, au sens propre, un rapport de défiance et d'incompréhension véhiculé par certaine lecture effrayée du texte. Autrement dit le texte oraculaire renvoie à son lecteur l'image de ses propres dispositions intérieures. Aussi Raymond Abellio peut noter qu'il ne croit pas "qu'une peinture pessimiste, si catastrophique soit-elle, de l'avenir humain, soit aujourd'hui susceptible d'aggraver le désordre général des esprits" (Vers un nouveau prophétisme, Paris, Gallimard, 1950, p.12), précisément parce que c'est la lecture affolée et désordonnée d'un texte mal compris qui porte en elle-même les stigmates de sa propre confusion.
Notons encore quelques points qui donnerons au lecteur une idée de l'étendue des déficiences de cet article :
- L'astrologie naturelle, par opposition à l'astrologie judiciaire, est définie comme "simple constatation de l'influence des astres sur le sort du monde et des hommes" (p.241). Autrement dit l'astrologie naturelle relèverait du constat, et l'astrologie judiciaire de la pratique et de la mise en application de ce constat ! J'ignore où Y. B. a recopié cette ineptie : rappelons que la distinction entre astrologie naturelle et généthliaque (ou judiciaire) remonte au moins à l'encyclopédiste Isidore de Séville qui, dans ses Etymologia, oppose l'astrologie naturelle (météorologique, agricole et médicale), à ce qu'il appelle l'astrologia superstitiona (horoscopique et prédictive). En outre, la plupart des autorités ecclésiastiques ne rejettent pas les influences astrales générales, mais contestent la possibilité de prévoir le particulier, en raison du dogme du libre-arbitre (pour ces questions, cf. mon "Manifeste pour l'astrologie", CURA, 1999).
- "Il ne reste aucun almanach de Nostradamus répertorié dans une bibliothèque publique." (p.241). Tiens donc : celui pour l'an 1561 est à Sainte-Geneviève, celui pour 1562 est à Bruxelles, celui pour 1563 à Aix, celui pour 1565 à Pérouse, celui pour 1566 à Naples et Montréal ! Y. B. a du mal à comprendre la succession des éditions des Prophéties, et passe de l'édition de 1555 à des éditions à dix centuries "complétées dans les dix années suivantes" (p.242), c'est-à-dire entre 1555 et 1565 ! Elle remercie un collègue à qui elle doit une citation figurant dans une édition tardive de la Prosopographie d'Antoine Du Verdier (p.249), laquelle est mentionnée en page 155 du Répertoire de Benazra ! Finalement elle ignore ou a vaguement parcouru les bibliographies de Ruzo, de Chomarat et de Benazra (pourtant cité) comme l'ouvrage de Chevignard, publiés respectivement en 1982, 1989, 1990 et 1999.
- Y. B. qui confond almanachs et pronostications, pronostication et pronostications, voire présages et publications annuelles, croit que le quatrain inaugural pour l'an 1555 est paru dans l'almanach, et ne parvient pas même à lire ce qu'écrit Benazra qui n'a jamais prétendu "contrairement à ce qu'a écrit Du Verdier" que les publications mensuelles parues en 1554 ont été les premières publiées par Nostradamus (pp. 242 & 253) ! Quand on a la prétention d'écrire sur un sujet aussi complexe, la moindre des exigences serait d'essayer de comprendre et si possible de vérifier les affirmations des auteurs consultés.
La pigiste des revues académiques réitère sa méconnaissance des recherches nostradamiennes dans un article paru en 2007, "Nostradamus au fil du temps" : "Il ne reste aucun almanach de Nostradamus répertorié dans une bibliothèque publique", reprenant sa formule de 2003 (in Fiona McIntosh-Varjabédian (ed.), La postérité de la Renaissance, Université de Lille III, 2007, p.115). En quatre ans Y. B. n'a rien appris ou pas grand chose, se bornant à recopier les entrées du Répertoire de Benazra (se référant aussi à cet ouvrage pour les quatrains des almanachs, en continuant d'ignorer l'ouvrage de Chevignard paru en 1999 !), et mentionnant le site internet grand public "Nostradamia", ignorant l'Espace Nostradamus de Benazra comme les Études nostradamiennes du Cura. Elle trouve "un peu inquiétant" que deux thèses aient pu être soutenues sur Nostradamus (en 1941 et 1951), toujours recopiant les relevés du Répertoire de Benazra : On pourra trouver beaucoup plus inquiétant que des presses universitaires en restent à ce degré d'obscurantisme et d'indigence.
4. Anna Carlstedt : "Nostradamus mélancolique: Un poète déguisé en prophète?"
in Nouvelle Revue du Seizième Siècle, 22.2, 2004
L'article débute mal en expliquant dans sa première note que les 353 quatrains de l'édition de 1555 "sont disposés en trois centuries" (p.41) et finit plus mal encore en affirmant que "Nostradamus en tant qu'auteur offre peu de mystère" (p.55) ! A. C. participe à ce courant d'universitaires et de prétendants, qui ayant au moins et tardivement reconnu la valeur littéraire du texte des Prophéties, cherchent à "enlever l'oeuvre nostradamienne à la prophétie pour la rendre à la poésie." (p.41) L'ennui est que cette lecture, si elle favorise la diffusion de l'oeuvre de Nostradamus et autorise enfin au sein des départements de recherche la parution d'articles, encore de piètre qualité, a tendance à faire l'impasse sur l'essentiel, car en se polarisant sur le rythme du vers et sur le décompte des mots et des syllabes, elle a tendance à évacuer la recherche du sens. L'étude des seuls états et agencements du signifiant occulte la possibilité même de la significabilité du texte. Et pour avoir suivi des études de phonétique et linguistique par d'innombrables méthodes concurrentes fort prisées dans les années 70, je suis devenu depuis longtemps sceptique sur leur efficience réelle et sur leur prétendue supériorité par rapport aux analyses philologiques et rhétoriques classiques. Autrement dit la méthode ne remplace pas le savoir et la perspicacité de l'interprète.
La première partie de l'article s'alimente essentiellement des observations et des références du pénétrant article d'Olivier Pot, "Prophétie et mélancolie : La querelle entre Ronsard et les Protestants (1562-1565)" (in Cahiers V. L. Saulnier, 15, Paris, 1998), pour n'y ajouter que de plates conclusions : "Nostradamus écrit ses Centuries dans un style issu de cette fureur prophétique et notamment lié au tempérament mélancolique." (p.44). Concernant les premiers quatrains des Prophéties, A. C. attribue à Brind'Amour la découverte d'un emprunt de Nostradamus à Jamblique (p.46), bien connu depuis les études de Buget (1860 !) et l'interprétation de Le Pelletier (1867), alors que l'universitaire canadien avait voulu précisément montrer que Nostradamus se serait plutôt inspiré d'une source intermédiaire, le De honesta disciplina de l'érudit italien Pietro Riccio (1543).
A. C. qui comptabilise et énumère les occurences dans le texte des "planètes associées à la mélancolie" (p.50) -- Saturne 27 fois, Mars 45 fois, Mercure 11 fois --, ignore que Mars, la planète la plus fréquente, est associée au tempérament colérique, qui est précisément l'inverse du mélancolique (cf. l'ouvrage classique de Raymond Klibansky et al. (1964) et ma thèse doctorale de 1993). Non seulement A. C. se fourvoie sur une donnée simplissime de l'histoire de la psychologie et de l'astrologie -- une erreur que de commettrait pas la plupart des débutants et apprentis astrologues --, mais ne se rend pas compte que son décompte invalide finalement ses propos et sa "méthode", laquelle se borne à continuer de comptabiliser les vocables (mort 148 fois, feu 79 fois, sang 114 fois ...) pour en arriver à ce constat banal -- issu d'une lecture superficielle -- que "les Centuries ne constituent qu'une fresque privée de tout espoir" (p.48) -- pas plus que le journal télévisé qui ne traite que d'attentats, de conflits armés, de catastrophes écologiques, d'accidentés de la route, d'actes criminels, de décès, de procès financiers, etc ! En outre, le genre prophétique n'est pas de nature bucolique, et il ne suffit pas d'observer que le vocable "mort" et ses dérivés figurent environ 150 fois dans les Prophéties, car à ce compte on pourrait aussi bien remarquer, par exemple, que les vocables "neuf", "nouveau", "changement" et leurs dérivés y figurent tout autant.
Ces tendances se retrouvent dans la thèse d'Anna Carlstedt, La poésie oraculaire de Nostradamus : Langue, style et genre des Centuries (Université de Stockholm, 2005), dirigée par Mireille Huchon et disponible sur internet. A. C. qui ignore les recherches et études publiées au CURA, s'appuie sur une documentation triviale et sur les quelques articles qu'elle a pu trouver dans les bibliographies autorisées dans son milieu. De nombreuses confusions quant à la connaissance de son sujet, des textes et des articles mentionnés, et une analyse passable et partielle de la métrique, de la prosodie et surtout de la sémantique du texte de la première édition des Prophéties, font de cette thèse un travail médiocre qui s'inscrit dans un canevas à prétention "scientifique", restant très en-deça de la recherche actuelle et de ce qu'on est en droit d'attendre d'un travail universitaire, surtout médiatisé et sponsorisé comme il l'a été, et d'autant plus facilité qu'il y a moins de risques à opiner sur les lectures de Brind'Amour qu'à entreprendre l'étude d'autres parties du corpus prophétique qui n'ont toujours pas fait l'objet d'une édition critique.
Dans un luxe d'analyses comptables parfois inutiles (décomptes de la particule "et", de la nature des rimes, etc...), rien ou presque sur l'interprétation proprement dit, sur les figures de style et éléments de rhétorique, sur l'interprétation et le cadre sémantique des quatrains, dont ne sont relevés que trois thèmes. A. C. se contente de quelques paraphrases des quatrains, en majorité empruntées à Brind'Amour -- ce qui en passant s'avérait déjà être le point faible de son ouvrage de 1996 --, et n'apporte aucun éclairage nouveau sur les sources historiques, contrairement aux préoccupations de l'universitaire canadien et de ses successeurs. Quant à la discussion des interprètes du passé, à commencer par Chavigny (qui a parfois vu juste), c'est le vide absolu. Au final, dans une panoplie de références à de petits maîtres de la linguistique et de la stylistique modernes, et dans une exubérance de gammes scolaires et d'exercices d'application, l'auteur aura accouché d'une souris.
5. Gérard Morisse : "Nostradamus, cet humaniste"
in Nostradamus, Les prophéties [Lyon, Antoine du Rosne, 1557, fac-similé de l'exemplaire de Budapest], [Budapest], Kossuth, 2004
On regrettera le choix éditorial discutable de cette réédition d'une impression du Rosne de 1557 ayant déjà fait l'objet d'un fac-similé en 1993. L'apport essentiel du texte annexé à cette réédition réside dans l'étude matérielle des premières impressions et notamment des éditions Antoine du Rosne de 1557 au moment même où indépendamment j'entreprenais une étude similaire concernant les éditions Macé Bonhomme de 1555 (étude 135 du Ramkat, parue sur le site de Robert Benazra le 1er janvier 2005 : cf. CN 26). J'ai depuis pris connaissance de ce texte accompagné du fac-similé de l'exemplaire de Budapest, que G. M. m'a aimablement envoyés en mars 2006 ; et je l'en remercie (cf. ma propre synthèse concernant l'appareil typographique des éditions du Rosne : CN 27). D'autre part, j'ai expliqué à diverses reprises pourquoi je ne croyais pas que l'édition du Rosne, à l'achevé d'imprimer daté du 3 novembre, aurait été imprimée en 1556 pour la foire de l'Épiphanie de Lyon du mois de janvier "1557" (cf. CN 25, 27 & 31). Ma récente étude du quatrain IV-88 et des variantes incorrectes de cette édition, ne plaide pas non plus en faveur de son hypothèse (cf. CN 48), -- d'autant plus qu'avant la réforme calendaire de Charles IX (1567), au mois de janvier qui suit décembre, on est toujours en 1556.
Un autre intérêt du texte, à savoir le signalement d'un important article oublié de Claude Dalbanne consacré à l'imprimeur lyonnais Robert Granjon (mais le texte relatif à la livraison des ouvrages de Nostradamus avait déjà été reproduit par Édouard Gosselin dans ses Glanes historiques normandes dès 1870 : cf. CN 58), rend cette étude utile et appréciable, nonobstant les quelques erreurs qui suivent :
- Gérard Morisse hésite sur l'une ou l'autre des éditions du Rosne concernant l'exemplaire de Moscou : "on ne sait pas s'il s'agit bien de cette même édition [celle reproduite en fac-similé]" (p.5). Il s'agit bien de cette dernière édition s'il faut en croire Klinckowstroem et Leoni (cf. CN 27).
- Une certaine confusion entre les éditions lyonnaises Bonhomme de 1555 (p.20). La première est l'édition de l'exemplaire d'Albi, et c'est la seconde, celle de l'exemplaire de Vienne (en Autriche), qui est le retirage corrigé et porteur d'annotations manuscrites latines (cf. CN 25).
- G. M. admet sans discussion que seules les éditions lyonnaises de 1555 et de 1557 seraient parues du vivant de Nostradamus (p.24) : c'est oublier l'édition de 1558 dont l'existence apparaît désormais de plus en plus probable (cf. CN 11, 25, etc).
- Il confond Jean Brotot et Maître Bertot dit la Bourgogne dans la procuration du 11 novembre 1553 (p.30). On voit mal Nostradamus intenter une démarche en justice contre celui qui restera son plus fidèle imprimeur jusqu'à son décès en 1560 (cf. CN 8).
- Morisse mentionne une lettre du même Jean Brotot du 20 septembre 1554, incorrectement datée de l'année 1557 dans le manuscrit de Chavigny, et en tire certaines conclusions irrecevables concernant les Prophéties (p.31 ; cf. CN 13).
6. Bernard Chevignard : "L'énigme Chevigny / Chavigny : les pièces du dossier"
in Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, 67, 2005
Le spécialiste incontestable de Jean Chevignard, alias Chevigny ou Chavigny, reprend et amplifie ses brillantes études consacrées au secrétaire puis exégète de Nostradamus (cf. notamment "Jean-Aimé de Chavigny : esquisse bio-bibliographique" (1995-1996) et "Jean-Aimé de Chavigny : son identité, ses origines familiales", 1996), répondant aux attaques de Jean Dupèbe épaulé par Jean-Paul Barbier (BHR, 63, 2001), selon lesquels "les explications que nous offre M. Bernard Chevignard sont d'une insigne faiblesse" (p.182 et p.303). Il m'apparaît au contraire que c'est bien la spéculation hasardeuse de M. Dupèbe qui requiert ce qualificatif. Qu'elle ait pu piéger le jugement de Brind'Amour en 1996, habituellement perspicace, ne prouve rien. En outre le malheureux Chevignard, pour son ouvrage de 1999, avait déjà eu la malchance de faire l'objet du compte-rendu tardif d'un Roger Prévost, qui ne rend pas compte de son intérêt, et y mêle imprécisions et bévues de son cru ("des quatrains de ses Almanachs annuels rassemblés en 1605" (sic), (in la Revue d'histoire littéraire de la France 103, 2003, p.708-9).
Rappelons le scénario imaginé par Dupèbe en 1983 et corsé ou plutôt corseté par Brind'Amour : Jean-Aimé de Chavigny aurait usurpé l'identité et la devise du secrétaire de Nostradamus, Jean de Chevigny, lequel serait décédé vers 1580 pour laisser la place à son successeur qui aurait récupéré auprès du premier les oeuvres et notamment les opuscules annuels laissés par Nostradamus à sa mort : "Je suppose aussi qu'à la mort, précoce, de Chevigny, il hérita de la collection d'ouvrages nostradamiens de ce dernier." (Brind'Amour, 1996, p.LXIII). L'origine de cette hypothèse provient d'une lecture "au premier degré" de quelques vers de Chavigny se morfondant sur la mort de son jeune ami Antoine Fiancé (1552-1581) dans Les larmes et souspirs sur le trespas tres-regretté de M. Antoine Fiancé Bizontin (Paris, Estienne Prevosteau, 1982, p.41) :
"Car il est bien raison que ceux qui en la vie
Ont fidelles amis mesme course suivie,
Cerché mesme laurier, eu mesmes volontez,
Soyent apres la mort blesme en mesme lieu portez."
Il est pour moi évident depuis au moins dix ans que ce texte allégorique n'est pas à lire littéralement comme le font Dupèbe et Brind'Amour pour appuyer l'hypothèse selon laquelle Chavigny et Fiancé auraient été du même âge, mais au sens métaphorique, comme un ami ou pourquoi pas un amoureux, peut s'adresser à son aimé, et que la différence d'âge n'interdit pas des parcours existentiels similaires chez les deux médecins bourguignons. On peut estimer que cette différence d'âge entre Chavigny et Fiancé fut la même qu'entre Socrate et Alcibiade, et le dernier vers semble précisément illustrer la mort symbolique dont se pare Chevigny et qui annonce sa métamorphose existentielle et identitaire. Comment d'ailleurs un imposteur aurait pu commettre cet impair de révéler implicitement son âge, alors qu'il viendrait de s'emparer des précieux opuscules nostradamiens avec l'intention de les publier ? Nous sommes là en plein coeur d'une romance partitionnée par divers interprètes aux instruments discordants.
Cette théorie spécieuse est encore ressassée par Jean-Paul Barbier, dans Ma Bibliothèque poétique (vol. IV.4 (De Marquets à Pasquier), Genève, Droz, 2005, p.40 et p.474 sq.) avec un acharnement navrant, d'autant plus que les biographes généralement, faute de courage, évitent d'émettre de telles spéculations. La source principale de cette théorie sur laquelle s'excite certaine glose moderne, vient d'une idée émise par Simon Gautheret-Comboulot en 1886 (cf. CN 125 in fine). Ce collectionneur, né en 1930, juge avec un goût littéraire à rafraîchir que "l'auteur des Prophéties n'a rien d'un poète inoubliable" (p.450), avoue son manque d'intérêt pour Nostradamus (p.495), reprend la bourde de Chomarat sur l'imposteur "Nostradamus le Jeune", fils supposé de Nostradamus (p.461), et ignore d'autres travaux bio- et bibliographiques plus fiables, ceux de Benazra, comme ceux de Ruzo (1900-1991) qu'il n'a pas consulté mais qu'il imagine être son "contemporain ou même plus jeune" (p.445) ! Il serait temps que les éditions académiques et en particulier Droz, prennent conscience du retard considérable accumulé quant à la connaissance des écrits de Nostradamus, de son environnement, des auteurs qui ont souligné son importance culturelle depuis des siècles (en dépit de la lâcheté et de l'obscurantisme de leur temps, y compris le présent même), et permettent que soient publiés les travaux de recherche pionniers et originaux, et pas seulement filtrés par les compilations du personnel local autorisé et par les héritiers et clans protégés par la coupe des directeurs de collection (cf. mon épilogue, infra).
Chevignard, outre des compléments d'information à ses articles précédents, diverses précisions généalogiques, et des recoupements textuels entre les écrits publiés sous les noms de Chevigny et de Chavigny, aborde l'essentielle question graphologique que les tireurs d'oreille des compte-rendus de 2001 ont pris soin d'éluder. Car la comparaison des écritures, pour qui connaît notamment le manuscrit du Recueil des épîtres latines transcrit par Chevigny vers 1566, et ceux de Chavigny, notamment son Recueil des Presages prosaïques (1589), ne laisse aucun doute quant à la similitude des écritures. Chevignard en tire les conclusions qui s'imposent à partir de l'horoscope de Rouen (1581), signalé par Françoise Joukovsky en 1971 (cf. CN 10), et de la correspondance partiellement latine de Nostradamus, transcrite par Chevigny mais récupérée par César de Nostredame (p.360). J'étais parvenu aux mêmes conclusions lors de mon examen des manuscrits de 1589 (cf. CN 1 & sq.). et de 1566, dont Brind'Amour avait donné quelques images en 1993 (p.128 & p.140), mais malheureusement le Corpus Nostradamus, après 58 articles, n'en est qu'à l'année 1558, et donc bien loin d'aborder dans le détail les textes relatifs à Chevigny alias Chavigny.
Signalons deux pièces à rajouter éventuellement au dossier bibliographique de Chevignard paru en 1996 :
- un sonnet de Io. du Cha. dans la Briefve description de l'esjouissance de la reduction du Havre (Lyon, Benoist Rigaud, imprimé par Ambroise du Rosne selon Baudrier, 1563, f.C2v)
- un Chavigny signataire d'une missive favorable à Henry IV dans la Lettre escrite par les deputez des princes, officiers de la Couronne, et autres Seigneurs Catholiques qui recongnoissent le Roy aux deputez de l'Assemblée qui est à present à Paris, du XXIII jour de juin, 1593 (Lyon, Benoist Rigaud, 1594)
Dans un article paru en 2003 ("Le climat dans les Almanachs de Nostradamus", in L'homme et l'environnement : Histoire des grandes peurs et géographie des catastrophes, Actes du colloque de Dijon (novembre 2000), dir. Jocelyne Pérard & Maryvonne Perrot, Dijon, Université de Bourgogne), Bernard Chevignard épingle les "élucubrations" rétrospectives ou prospectives de certains glossateurs de Nostradamus, "doux illuminés ou fins commerciaux" (p.75), parmi lesquels s'alignent Elisée du Vignois (1910), François Payotte (1996) et Peter Lemesurier (1997), lequel aura échangé depuis ses imaginations prospectives par des prétentions rétrospectives, plus rassurantes car alimentées par sa lecture des ouvrages de Brind'Amour et d'un Roger Prévost.
Mais que propose Chevignard, qui reprend les conclusions discutables de Brind'Amour quant aux déficiences techniques du discours astrologique de Nostradamus (cf. CN 52 : "Les données astrométriques dans les opuscules pour l'an 1557") ? Il est amusant de constater que les affirmations et boutades de Pierre Brind'Amour, qui avait sérieusement étudié la problématique astrologique et notamment celle de la domification, aient réussi à gagner la plupart des suffrages, et en particulier de ceux auxquels ces techniques et questions échappent totalement, si bien qu'ils se contentent d'en répéter les conclusions sans en aborder vraiment l'étude. Chevignard s'en tient prudemment aux descriptions astro-météorologiques figurant dans l'Almanach pour 1557 (que j'ai réédité pour la première fois en décembre 2006 : cf. CN 41), et conclut étrangement de leur énonciation ambiguë et souvent contradictoire à "une incitation au discernement et à la responsabilité, un appel à l'initiative" (p.83), voire au libre arbitre, à l'action et à la prière.
Ces conclusions, en contrepoint des élucubrations fatalistes précédemment mentionnées, semblent bien y ajouter de leur cru, car le caractère apodictique de l'énoncé oraculaire peut difficilement être dénié malgré ses ambiguïtés recherchées. En revanche l'humour de Nostradamus sur lequel se clôt l'article, et son espièglerie (cf. l'inscription de la fontaine de Salon en 1553), sont à prendre en considération, même si le caractère facétieux des Prophéties et des Almanachs n'est pas à interpréter comme le signe d'un engagement de type moderniste comme le voudrait Chevignard -- et décidément, oui, "l'oeuvre de ce méridional ressemble à ces auberges espagnoles ..." (p.84) -- mais d'une distanciation de l'intelligence, non par nature ironique mais nécessairement et incessamment confrontée aux postures et impostures des lâches et des ignorants, et non pour engager des troupes et les conduire à quelque loupiotte des discours dominants au tréfonds d'une Caverne consensuelle et moite, mais pour accompagner son lecteur vers une véritable lumière qui n'est peut-être pas celle imaginée par l'auteur de l'article.
Pour le détail, précisons que Michel Chomarat n'a pas reproduit "la première édition complète connue des Centuries" (p.77), mais la seconde (cf. CN 40 : "Chronologie des éditions Benoist Rigaud de 1568"), et que Nostradamus n'a pas changé d'imprimeur en 1556 pour ses publications annuelles, contrairement à ce qui est affirmé p.78 (cf. CN 42 : "Les publications de l'année 1556 pour l'an 1557").
7. Hervé Drévillon : "Michel de Nostradamus"
in Dictionnaire historique de la magie & des sciences occultes, éd. Jean-Michel Sallmann, Paris, Librairie Générale Française, 2006
Ce petit article de vulgarisation n'est pas fiable. Drévillon, qui écrit que Nostradamus publie son "Excellent & moult utile Opuscule" en 1556, aura été berné par l'ajout manuscrit à la date de l'exemplaire disponible sur le site Gallica et ignore mon article paru en mars 2006 (cf. CN 9). La littérature des almanachs est présentée comme un genre populaire à "vocation essentiellement utilitaire" (p.519), ce qui précisément n'est pas le cas des publications annuelles de Nostradamus. Drévillon reprend l'erreur d'appréciation de son collègue Denis Crouzet concernant la supposée "inspiration calviniste" de Couillard (cf. CN 50), et l'iconographie de l'article nous ressert une image du frontispice de l'édition parisienne facétieuse de Pierre Ménier (1589), plutôt que l'une ou l'autre des éditions lyonnaises originales. Je signalerai, anticipant sur une prochaine étude, que cette édition n'apparaît dans aucun catalogue de vente de collections privées ou de libraires. J'en ai dépouillé plus d'un millier en 2005, pour la plupart parisiens, et n'ai trouvé qu'une seule mention d'une édition Pierre Ménier des Prophéties, mais datée de 1610.
H. D. qui mentionne des "erreurs de calcul" figurant dans l'Almanach pour 1557 (cf. CN 52), affirme que le Traité des Fardements et des Confitures est publié en 1556 (sans mentionner les éditions de 1552 et 1555), que les Prophéties "prédisent l'avenir jusqu'en 3797" (une date nécessairement cryptée comme l'ont observé la plupart des exégètes), que la première édition (achevé d'imprimer du 4 mai 1555) serait parue après le voyage de Nostradamus à Paris durant l'été 1555, et que le fameux quatrain qui aurait annoncé le décès du roi Henri II serait le quatrain I-36 (pour I-35) ! On comprendra dans ces conditions, -- à la lecture de ces confusions entre un nombre et son suivant, entre l'antérieur et le postérieur --, que Drévillon et son acolyte Pierre Lagrange aient eu des difficultés à comprendre les "pirouettes arithmétiques" de mon étude sur les quatrains VIII-69, IV-33 et I-84, dont un extrait a été reproduit avec mon autorisation dans leur ouvrage de vulgarisation intitulé Nostradamus : L'éternel retour (Gallimard, 2003, pp.111-113). Les auteurs ignorent que la crypto-numérologie était un procédé devenu commun au début du XVIe siècle (Trithemius, Dürer, Agrippa, etc), que les jeux anagrammatiques sur les patronymes s'étaient généralisés dans toutes les sphères littéraires, et que Nostradamus a crypté nombre de ses idées à l'aide de schèmes précis, comme je l'ai montré dans de nombreux articles (cf. aussi l'article de Polizzi, supra). Ce qualificatif ironique émanant de gens qui n'ont apparemment effectué aucune recherche personnelle sur Nostradamus, mais se contentent de répéter ce qu'ils ont lu chez Leroy, Brind'Amour, Crouzet, ou d'autres, est particulièrement déplaisant.
Auteur et référence [évaluation de l'intérêt des documents signalés : de 0 à ***] | année | valeur |
Jean-Paul Barbier : "Nostradamus" in Ma Bibliothèque poétique | 2005 | 0 |
Yvonne Bellenger : "Nostradamus prophète de malheur"
Yvonne Bellenger : "Nostradamus au fil du temps" |
2003
2007 |
0
0 |
Anna Carlstedt : "Nostradamus mélancolique: Un poète déguisé en prophète?" | 2004 | 0 |
Bernard Chevignard : "Le climat dans les Almanachs de Nostradamus"
Bernard Chevignard : "L'énigme Chevigny / Chavigny : les pièces du dossier" |
2003
2005 |
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Hervé Drévillon : "Michel de Nostradamus" | 2006 | 0 |
Claude-Gilbert Dubois : "L'invention prédictive dans les Prophéties de Nostradamus" | 2001 | 0 |
Gérard Morisse : "Nostradamus, cet humaniste" | 2004 | * |
Gilles Polizzi : "Au sanguinaire le nombre raconté : le thème millénariste dans les Prophéties de Nostradamus" | 2001 | * |
Philippe Gournay : "Les Facéties de Me Michel Nostradamus : Une explication au quatrain prophétique dit 'de Varennes' " | 2012 | 0 |
Addenda 29 Sept. 2013
8. Philippe Gournay : "Les Facéties de Me Michel Nostradamus : Une explication au quatrain prophétique dit 'de Varennes' "
in Le Bordager, 104, 2012, (copie PDF)
On n'en finira plus avec la dite misère, éprouvante, ici décrite : alors ajoutons par divertissement, l'interprétation astucieuse, mais caduque, d'un électronicien d'origine française, enseignant à l'université de Sherbrooke au Québec. Il est intéressant de constater à quel point les quatrains donnent envie à quiconque, du couturier au cuisinier, et du météorologue à l'ingénieur (cf. CN 130), de se lancer sans complexe mais rarement avec les bagages philologiques suffisants dans le déchiffrement du texte énigmatique des Prophéties.
Ph. G. interprète le Q IX 20 comme une devinette facétieuse cachant un loup, destinée à l'instruction future de son fils César, comme le précédent (IX 19) désignerait le bâtard Jean de Dunois (1402-1468) : l'essentiel de l'explication repose sur trois mots du vers 2 à lire comme suit : "la pierre blanche" symbolise et marque la distance, c.-à-d. la lieue, sa mesure ancienne (en grec leukos ), phonétiquement proche du loup (en grec leukos ), véritable protagoniste du quatrain. Le reste du vers serait à oublier puisque "pars" (ou partiment) découle de l'ancien sens du verbe "partir" (diviser, partager, séparer, choisir entre deux choses) ... et incite donc ici à abandonner une moitié de vers !
Il répète après les cliqueurs wikipédifiants que Nostradamus fut apothicaire (tenait-il une boutique ?) et peut-être médecin (on en doute encore au consensus wikipédant contrôlé par les négationnistes pseudo-scientistes) ! [On saisit mieux par l'exemple encyclopédique le devenir et le décor de la connaissance du siècle courant : ce sera le passage de l'obscurantisme à l'arbitraire semi-inculte et au règne de la futilité.] Ph. G. répète encore d'après les mêmes "sources", ou plutôt égouts, qu'il aurait été l'auteur d'un "Traité de la Peste", prend son texte des quatrains dans une édition B. Rigaud dont il ignore qu'elles furent nombreuses, mais cite le Corpus Nostradamus (CN 131 bis) pour la date de naissance de César (mais cf. CN 33).
Ce qui reste toujours stupéfiant, d'autant plus quand les propos viennent d'un intellectuel de formation scientifique (à moins qu'on ne se fasse une trop haute idée de la rigueur exigée par un tel apprentissage), est que l'interprétation proposée, qui a pour but affiché de nous faire croire qu'il n'est ni vision, ni prédiction d'aucune sorte dans les quatrains, se satisfasse d'un résultat partiel, tiré par les cheveux, souvent davantage que nombre de ceux présentés par les illuminés qui s'acharnent à éclairer le futur du vers oraculaire nostradamien. Mais cela on le savait déjà avec les interprétations passéistes et autres lemesuriades.
Proposition en guise d'épilogue
Il existe deux réseaux classiques de diffusion des idées : le réseau populaire-pécuniaire et le réseau académique-élitiste, l'un étant financé par la publicité et par les recettes des ventes, l'autre par les institutions étatiques, et donc par le contribuable. Et il n'est pas certain que l'avènement d'un troisième réseau, celui d'internet, parvienne à gauchir cette polarisation. Il semble plus vraisemblable qu'il finisse par l'imiter, le reproduire, et même l'accentuer.
Une recherche qui serait indépendante des idéologies associatives et étatiques, c'est-à-dire extérieure aux associations "reconnues d'intérêt public" (subventionnées en raison de leur utilité idéologique et de leur soutien aux entreprises scientistes et étatiques), et indépendante des réseaux de connivence académiques et pseudo-académiques, n'a pas droit et pouvoir d'expression. Elle est exclue par les réseaux de distribution institutionnels pour des raisons de statut ou d'appartenance aux communautés élitistes -- un tel est-il professeur de telle université, responsable de telle institution? -- et aussi pour sa non-conformation aux critères de présentation, de méthodologie, ou de mode qui définissent ces communautés et par lesquels on y accède.
Et elle est pareillement refoulée par les chaînes de distribution grand public pour des raisons de non-rentabilité, d'après des estimations le plus souvent absurdes, car elle reste étrangère, par définition, aux normes définies par le marché et aux évaluations fondées sur la répétition, qui évacuent l'innovation et l'émotion qui en résulte. L'édition grand public est d'ailleurs incapable d'après ses propres critères d'estimer correctement si une publication va "marcher" ou non, d'abord parce que l'éditeur grand public et ses responsables de collection sont souvent plus ignares et insensibles que le public auquel ils attribuent leur propre incompétence.
Cette séparation des deux sphères de diffusion des idées redouble celle de la formation et de l'éducation analysée par Christian Baudelot et Roger Establet dans L'école capitaliste en France (Paris, Maspero, 1971), un texte qui conserve toute son actualité en montrant que deux circuits distincts de scolarisation découlent d'un dualisme idéologique organisé et de conditions sociales héréditaires et normatives, qui se reproduisent en France plus qu'ailleurs et dont on pourrait trouver des antécédents historiques dans les conflits religieux et idéologiques de la Renaissance opposant les réformés aux conservateurs ultra-catholiques. Ce dualisme trouve son équivalent dans les circuits de distribution des idées, et les possibilités de s'exprimer s'en trouvent singulièrement appauvries au point que nombre de chercheurs s'expatrient pour trouver ailleurs un espace d'expression qui tend dans leur pays natal à se réduire comme une peau de chagrin.
Je suggère que soit organisé un véritable partage de la parole dans les medias et dans les sphères d'expression institutionnelles, afin qu'elle ne soit pas exclusivement réservée soit aux marchands et à ceux qui se plient à leurs seuls intérêts mercantiles, soit aux fonctionnaires, propriétaires et usufruitiers de la culture et de la recherche. Je propose notamment qu'au sein des revues académiques, un pourcentage minimal soit réservé à une recherche indépendante des critères de conformation communautaire, des processus de reconnaissance identitaire, et des méthodologies s'appuyant sur des autorités fantoches, et qu'une place soit enfin laissée à des études affranchies des politiques de production de littératures de complaisance.
Toulouse, 17 mai 2007
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Misère de la recherche académique et universitaire sur Nostradamus |
Gérard Morisse et l'édition des Centuries datée de 1557
"Les Propheties de M. Michel Nostradamus"
Fac-similé de l'édition d'Antoine du Rosne, Lyon, 1557, relié sous emboîtage en cuir, avec un fascicule d'accompagnement par Gérard Morisse "Nostradamus cet humaniste"
Texte de Gérard MORISSE
Paul Airiau La légitimité incertaine (1814-1853); retour sur les faux Louis XVII
La légitimité incertaine (1814-1853) : retour sur les faux Louis XVII 1
Uncertain legitimacy (1814-1853: re-reading the false Louis XVII
Paul Airiau
p. 115-127
Abstracts
False Louis XVII were
numerous from the Restoration to the beginning of the Second Empire,
from Mathurin Bruneau to Baron de Richemont through Naundorff. They
caught the attention of the public and were the subjects of newspaper
articles, but they did not give birth to organized political movements
that changed the political game. This marginality makes them useful
optics through which one can analyze French political change. Their
ability to attract even ultraroyalists shows how uncertain political
legitimacy became after 1789. They also reveal that the political
universe had changed. Their claims to the throne were based on the
assertion that their biological body belonged to a dynasty rather than
to a political contract and the sovereignty of the nation. They also
ignored the theory of the two bodies of the king.
Outline
Top of pageFull text
- 1
- 2 . Sauf Yves-Marie Bercé, Le roi caché. Sauveurs et imposteurs. Mythes politiques dans l’Europe mode (...)
1Qu’un prétendu Louis XVII soit réellement le fils de Louis XVI importe peu à l’historien2.
En revanche, il lui appartient pleinement de se pencher sur la
signification des aventures des faux dauphins après 1815. Certes, le
« survivantisme » (la croyance en la survie de Louis XVII, évadé du
Temple) fut et demeure une réalité marginale, malgré des succès
passagers. Mais que des ultras, après 1815, en arrivent à accuser Louis
XVIII puis Charles X d’avoir usurpé le trône de leur neveu en dit long
sur l’incertitude de ceux qui apparaissent alors comme les soutiens les
plus évidents de la monarchie restaurée. Ils semblent de ce fait moins
éloignés qu’on ne pourrait le penser de tous ceux qui, royalistes,
bonapartistes ou républicains, contestent les fondements de l’exercice
du pouvoir par les Bourbons.
- 3 . Philippe Boutry, « Carisma di crisi e crisi del carisma : Luigi XVIII e il profeta Martin », dans (...)
2Ainsi
voudrait-on montrer le rôle révélateur, autant que catalyseur, du
survivantisme. Son apparition précoce et sa permanence renouvelée entre
1815 et la Seconde République – le baron de Richemont, le dernier grand
prétendant, meurt en 1853 – soulignent en particulier la réitération
incessante d’interrogations sur la légitimité des détenteurs du pouvoir
politique3.
Sont-ils fondés à l’exercer non seulement légalement (car la légalité
peut toujours être manipulée) mais aussi au nom d’une vérité qui
fonderait un droit ? Sont-ils les instruments de Dieu, les justes
bénéficiaires d’une règle ancestrale, l’expression de la raison, de la
volonté nationale, de la délégation populaire, les précurseurs de
l’avenir ? Tous ces points ne pouvant être abordés ici, on se
concentrera sur un seul : la multiplication des faux Louis XVII traduit
une insatisfaction politique et le remodelage des notions cardinales
pour la légitimité royale que sont la succession dynastique par
primogéniture masculine, l’articulation du corps politique et du corps
physique du roi.
Multiplication des Louis XVII et insatisfaction politique
- 4 . Emmanuel de Waresquiel, « Portraits du roi et de ses élites sous la Restauration et la Monarchie (...)
3La
dissociation entre la souveraineté et la légitimité et entre le roi et
la nation, opérée à partir de 1789, n’a jamais été vraiment surmontée
malgré les multiples tentatives monarchiques, républicaines et
impériales. L’ouverture partielle puis croissante du champ des possibles
à partir de 1812-1813 profite finalement à Louis XVIII, qui put et sut
s’imposer face à Napoléon, aux combinaisons de Talleyrand et du Sénat,
aux Alliés mal accordés, aux Français, à ses propres partisans.
Charles X hérita de son frère, mais sans la légitimité proprement
personnelle construite par celui-ci. Louis-Philippe s’imposa et fut
imposé par les élites politiques contre son cousin, son neveu, les
républicains et le peuple parisien. Tous trois alimentèrent leur
légitimité, chacun à sa manière, par l’exercice du pouvoir, la mise en
scène royale, le remodelage de la sacralité, l’exploitation de
l’enracinement historique, les projets idéologiques, l’utilisation de la
Charte4.
- 5 . « Affaire du prétendu Louis XVII », L’ami de la religion et du roi, 04/11/1834, p. 32 ; Paul Fauc (...)
- 6 . Sans compter un faux Bonaparte, Jean Charnay, annonçant l’invasion de la France par des « Turcs e (...)
4Mais
Louis XVII n’avait pas disparu de la scène politique. Les proclamations
de Louis XVIII atteignirent sans doute davantage les élites que le
peuple. Des Français en étaient restés au fils de Louis XVI, malgré
l’annonce de sa mort en 1795. Fin 1813-début 1814, les révoltes de
conscrits d’une partie de la Flandre française, rapidement devenues
soulèvement rural antinapoléonien, se firent au nom de Louis XVII
(sobriquet qui resta à leur chef)5. L’arrivée sur le trône de Louis XVIII n’empêcha même pas la multiplication des figures de son neveu6.
- 7 . Pour les publications défendant la mort de Louis XVII, voir en particulier Joseph-Marie Quérard, (...)
- 8 . Arch. Nat. (Archives nationales), BB30198 (procureur général du roi près la cour royale d’Angers (...)
- 9 . En sus des ouvrages de la note 1, Edmond Dupland, Naundorff l’imposteur, Paris, Olivier Orban, 19 (...)
5Mathurin
Bruneau est le premier cas significatif. Son aventure commence fin 1815
et s’achève en février 1818 par un procès le condamnant à sept ans de
prison (dont deux pour outrage au tribunal), où il meurt en 1822.
L’affaire est suffisamment prise au sérieux pour que des contre-feux
soient ouverts et que Béranger en fasse une chanson (« Le prince de
Navarre ou Mathurin Bruneau », qui lui vaut un procès)7.
Louis XVII devient alors un personnage que l’on investit. Sept hommes
s’identifient publiquement à lui entre 1817 et 1824, sans compter les
rumeurs (en septembre 1823, près d’Angers, un homme raconte que la
duchesse d’Angoulême a un frère vivant dans « l’isle de Maroc »)8.
Sous la monarchie de Juillet, deux prétendants dominent. Le baron de
Richemont apparaît en 1831. Condamné en 1834, évadé, il poursuit sa
carrière jusqu’à son décès en 1853. Karl-Wilhelm Naundorff surgit en
1833. Expulsé en Angleterre en 1836, il maintient ses prétentions
jusqu’à sa mort à Delft en 18459.
- 10 . T. Haustgen, M.-L. Bourgeois, « L’évolution du concept de mythomanie dans l’histoire de la psychi (...)
- 11 . Emmanuel Fureix, La France des larmes…, ouv. cité, p. 151-167, 197-209 ; Philippe Delorme, Louis (...)
- 12 . Décompte à partir de ‘The Image of France 1793-1880 at ARTFL’ (http://www.lib.uchicago.edu/efts/A (...)
6Cette
multiplication des faux Louis XVII a immédiatement fait l’objet d’une
lecture psychiatrique, contribuant à enrichir la figure du mythomane10.
On peut également délaisser l’histoire singulière des prétendants pour
s’attacher à la signification sociale de leur revendication. Le destin
du jeune roi sous la Restauration peut en rendre compte. En effet, le
régime a involontairement alimenté l’incertitude sur sa mort. La loi du
19 janvier 1816 instituant l’expiation de la mort de Louis XVI prévoit
l’érection de monuments à Marie-Antoinette, Madame Élisabeth et Louis
XVII, intégré grâce à l’intervention de Chateaubriand à la Chambre des
pairs le 9 janvier. Une ordonnance du 14 février 1816 prévoit d’achever
la Madeleine pour les y placer – ce qui ne se réalisa jamais, l’église
n’étant pas terminée. Si les corps de Louis XVI et de sa femme sont
identifiés et inhumés à Saint-Denis, celui de Louis XVII n’est pas
retrouvé lors des fouilles dans le cimetière de Sainte-Marguerite de
mars à juin 1816 (il en va de même pour sa tante). Les négociations avec
le médecin Pelletan pour récupérer son cœur (dérobé lors de l’autopsie
en 1795) n’aboutissent pas11.
Le transfert prévu à Saint-Denis ne se fait donc pas. Le jeune roi,
intégré par la bande au culte de la famille royale et de la dynastie,
est en plus peu représenté pour lui-même. Sur les 26 estampes qui le
figurent, 23 sont éditées entre 1814 et 1816 (dont 19 en 1814, la
dernière en 1826). Il n’y est seul que dix fois, étant souvent associé à
ses parents ou son père (sept fois), à sa famille proche ou élargie
(jusqu’à des victimes de la Révolution), à sa dynastie ou à des
souverains vivants. Son statut est enfin incertain. En témoignent les
appellations telles « Louis XVII » (huit occurences), « dauphin » (dix
occurences), « Louis-Charles » (sept occurences), « fils de Louis XVI »
(deux occurences), qui sont parfois associées dans un même texte12.
- 13 . J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 25, 35, 77-78, 86-88, 209 et 232-234. Voir aus (...)
7Cet
effacement peut expliquer qu’une foule essaye d’apercevoir Bruneau lors
de son arrestation à Saint-Malo et de son transfert à Rennes en
décembre 1815, et les voyages ensuite entrepris par certains depuis
Paris jusqu’à Rouen pour le visiter. Mais surtout, l’attitude
gouvernementale paraît ambiguë. En prévision du procès, le procureur de
Rouen demande à pouvoir prouver l’usurpation d’identité. Mais Decazes
refuse toute publication des actes établissant la mort de Louis XVII.
Une brochure saisie par la police, Les pourquoi de 1817, rédigée sans
doute par le publiciste Gabriel Bourbon-Leblanc, s’interrogea sur le
refus de confronter Bruneau à des personnes ayant connu le roi. Durant
l’audience, l’avocat du prétendant, qui s’était engagé à ne pas aborder
l’éventuelle évasion du Temple, l’évoque malgré tout. Il est
immédiatement censuré par le président du tribunal. Enfin, la visite à
Rouen de deux gardes du corps de Monsieur, sans doute mandés par la
duchesse d’Angoulême, participe à l’interrogation : douterait-elle de la
mort de son frère ?13
Ainsi, le choix politique de la judiciarisation, s’il affirme la mort
contre la survie, publicise la question et rend politiquement disponible
Louis XVII.
- 14 . Mémoires de Billard de Veaux (Alexandre), ancien chef vendéen ou Biographie des personnes marquan (...)
- 15 . François Ploux, De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du XIXe (...)
8Il
sert alors à la contestation. Les proclamations affichées à Rouen en
son nom en 1817 faisaient jouer la crise frumentaire (le pain bon
marché), le « bon roi » (référence à Henri IV, le roi nourricier,
réactivée par Louis XVIII et utilisée ici pour le contester), le
patriotisme (référence à la mise en congé des demi-soldes). Bruneau
attire pourtant plus de royalistes que d’anti-Bourbons : Françoise
Desprez, qui se présente comme combattante vendéenne, le soutient puis
se rétracte partiellement pour se contenter d’affirmer que Louis XVII
avait été enlevé par les Vendéens ; un comte de Lantivy, ancien chouan
(sans doute Jacques de Lantivy de Kervéno), diffuse ses positions en
Angleterre ; Nicolas-Philibert Le Chandelier de Pierreville, chouan
mayennais, envisage de s’installer près de Rouen pour aider à son
évasion ; le lieutenant-colonel Jacques-Charles de Foulques, ancien
émigré, est son messager auprès de la duchesse d’Angoulême14.
Parfaitement inscrite dans le cadre de la bouffée de rumeurs de
1814-1817, l’affaire Bruneau fut sans doute exploitée contre le
gouvernement, même par des royalistes, au risque de saper la légitimité
de Louis XVIII. On peut alors y voir une désillusion envers le roi
dépassant la récrimination ultra15.
- 16 . J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 15.
- 17 . Frédéric Degeorge, « Les proscrits de la Restauration », dans Paris révolutionnaire, Paris, Pagne (...)
9Le
faux dauphin permet donc d’exprimer indirectement son hostilité au
régime. Le sous-préfet de Fougères, visant clairement républicains et
bonapartistes, écrit ainsi en 1815 à propos de Bruneau : « […] les gens
les moins tendres pour l’auguste famille qui nous gouverne, se sont fort
attendris sur le sort de cet infortuné jeune homme, s’il est réellement
celui qu’on croit mort »16.
En 1824, certains républicains exilés à Londres accueillent même avec
une certaine faveur la revendication de Victor Persat qui vient de se
déclarer Louis XVII aux États-Unis. S’il est vrai que son frère Maurice
est des leurs, ils s’amusent pourtant à imaginer un retour dans une
France libérale où règnerait un Victor qui leur octroierait des postes.
Cette bouffonnerie leur permet de rêver au succès républicain et de
rejeter une monarchie restaurée convoitant le « pouvoir absolu » et ne
respectant pas le « gouvernement représentatif »17.
En somme, dans ce cas précis, l’image du roi populaire, simple et bon
vivant (selon Maurice, Victor couronné se contenterait d’alcool et de
femmes…), remodelage d’Henri IV que Louis XVIII est incapable de
remplacer, n’a pas totalement disparu des esprits même républicains. Le
monarque peut ici demeurer une référence positive, sous des traits qui
permettent de l’opposer au roi régnant.
Primogéniture et dynastie
- 18 . Voir notamment Michel Denis, Les royalistes de la Mayenne et le monde moderne (XIXe-XXe siècles), (...)
10Pendant
la monarchie de Juillet d’autres éléments se font jour. Naundorff fut
reconnu comme Louis XVII par deux générations distinctes de royalistes.
D’abord des personnes ayant connu la famille royale : Agathe de Rambaud
(berceuse du dauphin), Étienne de Joly (éphémère ministre de la Justice
notamment lors du 10 août 1792), Denis Marco, ancien huissier de madame
Victoire ; et des émigrés, des combattants royalistes et des ultras
d’une certaine importance : Sosthène de La Rochefoucauld (reconnaissance
cependant incertaine et finalement abandonnée), le comte Alexis de
Lancran de Bréon (combattant de Coblence, maréchal de camp, réprimant le
soulèvement républicain du général Berton en 1822), le marquis Louis Le
Gendre de La Ferrière (combattant dans l’armée royaliste de l’Ouest),
Alexandre de Cosson (émigré de Coblence). Puis des fonctionnaires ou de
simples particuliers trop jeunes pour avoir connu la Révolution :
François Albouys (juge à Cahors, démissionnaire en 1830), Modeste Gruau
(procureur de Mayenne, épuré en 1830), Fernand Geoffroy (secrétaire du
vice-gouverneur des pages de Charles X, émigré de l’intérieur en 1830),
Édouard Bricon (libraire et éditeur), les frères Laprade (Jean-Baptiste,
prêtre, et Xavier, avocat). Chez les richemontistes, on peut relever
Amédée Nicolas (militaire démissionnaire en 1830, devenu avocat) et la
comtesse de Vabres d’Apchier (dont le père et un frère furent exécutés
comme « fédéralistes » à Lyon en 1793, et le mari pressenti comme député
en 1824)18.
11Ces
royalistes devenus légitimistes s’éloignent pourtant de « l’enfant du
miracle ». D’importantes déceptions peuvent l’expliquer. Ainsi, Agathe
de Rambaud, issue d’une famille libérale de l’administration de la
Marine avant 1789, est peu récompensée en 1815 de sa fidélité au
dauphin, maintenue jusqu’au 10 août 1792. Elle n’obtient qu’une pension
de 1 000 francs et a du mal à assurer une situation à son fils, ancien
fonctionnaire impérial qui a suivi le roi à Gand. Cosson, installé à
partir de 1797 en Angleterre où il se marie en 1810, fait une tentative
infructueuse de retour en France après 1815. Les prétendants surent
aussi être convaincants, et profitèrent de l’influence d’un prophétisme
politique plus ou moins manipulé (on le verra plus loin). Mais, pour
être efficaces, ces facteurs supposent un terrain favorable. Il faut
donc s’interroger sur le rapport à la légitimité de ces survivantistes.
Dans le cas de la Rochefoucauld, ses Mémoires justifient longuement, à
partir de ce point, que de grands ultras aient cru en la survie de
Louis XVII :
- 19 . Mémoires de Monsieur le Vicomte de la Rochefoucauld, aide de camp du feu roi Charles X, Paris, Al (...)
12« […]
en ce qui touche les amis des Bourbons, plus ils étaient sérieusement
attachés au principe de la légitimité, plus aussi ils devaient apporter
de soins à rechercher et à constater la vérité sur un point si important
de politique et de fidélité. […] Il n’était donc ni rare ni surprenant
de voir quelques personnes des plus graves et des plus honorables,
ajouter une croyance empressée, bien que circonspecte, douteuse et
momentanée, aux prétentions de ceux qui se disaient Louis XVII et aux
témoignages qu’ils en donnaient. […] tout voir, tout écouter, tout
apprécier en pareille matière, n’était-ce pas le meilleur moyen de
déconcerter la malveillance, de confondre la calomnie, de déjouer
l’intrigue, de reconnaître l’erreur ou, qui sait, la vérité
peut-être ? »19
- 20 . Michel Denis, Les royalistes…, ouv. cité, p. 123-124, 171.
- 21 . Jean Barbey, Être roi. Le roi et son gouvernement en France de Clovis à Louis XVI, Paris, Fayard, (...)
- 22 . René-François Rohrbacher, Histoire universelle de l’Église catholique, Paris, Gaume Frères, 1848, (...)
13Ainsi,
l’incertitude sur la mort de Louis XVII et le souci de la légitimité
conduisent à remettre en cause implicitement, avec gêne mais réellement,
la légitimité des rois trônant. Cela pourrait n’exprimer qu’une
insatisfaction politique profonde, comme celle de ces ultras ou de ces
chouans qui envisagèrent le remplacement de Louis XVIII par Monsieur20.
Mais c’est en fait bien une profonde incertitude sur la légitimité du
pouvoir qui se manifeste. Car ce n’est plus seulement, comme chez les
royalistes déçus par Louis XVI entre 1789 et 1792, une interrogation sur
l’exercice réel du pouvoir et l’appel à la fidélité à ce qu’il
implique ; ou une contestation de la nationalisation de la royauté et de
la « royalisation » de la nation. Ici, la fidélité au principe même de
la succession par ordre de primogéniture mâle l’emporte sur la fidélité à
la personne du roi régnant. L’exercice légitime du pouvoir est, dans le
cadre dynastique, rendu strictement dépendant d’une des règles non
écrites de la monarchie d’avant 178921.
Cette loi fondamentale est jugée plus importante que la présence sur le
trône d’un frère de Louis XVI, même s’il défend une royauté
contre-révolutionnaire (dès avant 1830, de hauts responsables
ecclésiastiques sont convaincus de l’illégitimité de Charles X, malgré
le projet ultra de ce dernier22).
Quand bien même elle serait un moindre mal, elle est foncièrement
illégitime car voilant les « attributs de la couronne ». Le sang
s’impose donc contre le sang, la primogéniture contre la dynastie, au
point, chez certains ultras, de miner la légitimité du roi effectivement
régnant, et quel que puissent être les conséquences. Car affirmer la
survie de Louis XVII est en fait affirmer une usurpation, volontaire ou
non, destructrice de toute légitimité, créatrice d’une radicale
incertitude politique et susceptible de remettre en cause la
Restauration et la dynastie bourbonnienne. De telles conséquences
expliquent peut-être que le survivantisme ne puisse se manifester
réellement qu’après 1830 : il fallait qu’il fût inappliquable pour
pouvoir se développer.
- 23 . Sur l’affaire Favras, voir Évelyne Lever, Louis XVIII, ouv. cité, p. 133-148.
- 24 . Hugues de Changy, Le mouvement légitimiste sous la monarchie de Juillet (1833-1848), Rennes, Pres (...)
14Bien
sûr, cela suppose de tenir pour vraie la survie de Louis XVII. La
position survivantiste ne serait qu’une variante de l’application
logique des règles successorales. Cependant, il faut ici prendre en
compte la modification de la conception dynastique issue de la
Révolution. Si la succession par primogéniture masculine n’est jamais
oubliée, la succession simplement dynastique, sur des critères
entrecroisant idéologie et considérations de personne, s’est
vulgarisée : projet de substitution du comte de Provence à Louis XVI en
1789-1790, projets d’accès au trône de la branche d’Orléans,
organisation de la dynastie napoléonienne, projets ultras de
renversement de Louis XVIII23.
La définition comme « provocation au crime », par la loi Serre du
17 mai 1819, de « l’attaque formelle contre […] l’ordre de succession au
trône », laisse aussi deviner que cette question inquiète le pouvoir.
N’évolue-t-il d’ailleurs pas lui-même, afin de préserver la dynastie ?
Si Charles X refuse le décret de Ferdinand VII abolissant la loi salique
en Espagne (29 mars 1830), il abdique pourtant en faveur du duc de
Bordeaux, en imposant un acte identique à son fils. Le monde légitimiste
se déchirera sur cet acte jusqu’à la mort du duc d’Angoulême24.
- 25 . Lynn Hunt, The Family Romance of the French Revolution, Berkeley, University of California Press, (...)
15Les
survivantistes montrent ainsi que le principe dynastique est en
lui-même atteint, puisque ses conséquences pratiques iraient contre son
objectif (garantir la continuité de l’exercice du pouvoir), et que sa
fragilisation empêche de le faire fonctionner comme avant 1789. À ce
titre, ils sont aussi révélateurs que l’indéniable échec pratique de la
succession dynastique en France au XIXe siècle. Même si tous
les monarques s’inscrivent dans une dynastie (qu’ils la prolongent ou la
fondent) et tentent de renouer ce qui s’était brisé entre 1789 et 1793,
l’union d’une famille et de la France, la nation fraternelle,
lentement, progressivement, remplace désormais la paternité royale25.
Idéologisation de la légitimité et corps du roi
- 26 . Emmanuel de Waresquiel, « Talleyrand et la légitimité… », art. cité. Pour comparer avec d’autres (...)
- 27 . Exemples d’utilisation des prophéties : dans La Voix d’un proscrit [mensuel naundorffiste], « Ext (...)
- 28 . Charles-Louis, Duc de Normandie [Naundorff], Doctrine céleste, ou l’Évangile de Notre Seigneur Jé (...)
16Ces
survivantistes représentent alors une autre conception royaliste de la
légitimité, distincte des partisans du droit historique ou des tenants
du droit divin26.
Ils réduisent la légitimité au strict respect d’une procédure, à un
formalisme juridique. Ce formalisme est cependant articulé à une
idéologisation de la légitimité qui peut les rapprocher du droit divin.
En effet, les survivantistes font aussi dépendre la légitimité du
respect de la volonté divine, par le biais du prophétisme. La
contestation de Louis XVIII, puis partiellement de Charles X, s’alimente
ainsi dans une partie du monde ultra aux prophéties politiques
circulant de manière manuscrite ou en compilations (désormais
classificatoires) imprimées, et au dernier prophète royal qu’est Thomas
Martin. Ce prophétisme se prolonge après 1830 dans un messianisme, voire
un millénarisme, qui exploite les nouvelles révélations (dont les
apparitions mariales de La Salette en 1846 dans le cas de Richemont) et
identifie les prétendants au Grand Monarque, personnage eschatologique
associé au Grand Pape, hérité d’une longue histoire remontant à la fin
de l’Antiquité, revivifié durant les années 1820-1840 par la diffusion
de recueils de prophéties27.
Naundorff lui-même prend la place de Martin une fois celui-ci mort,
réécrit les Évangiles et fonde une Église ; Richemont est identifié au
Christ par un de ses partisans ; et tous deux doivent faire advenir les
temps nouveaux de la régénération sociale voulue par Dieu28.
La légitimité dépend ici strictement de la conformation à l’ordre
divin. Louis-Philippe l’ayant abandonné, elle peut être exploitée.
- 29 . Charles-Louis, Duc de Normandie, Doctrine…, ouv. cité, p. 11. Cette position déjà présente dans u (...)
- 30 . Charles-Louis de Normandie, Adresse aux représentants de la Convention, 25 mai 1848, Paris, Lacou (...)
- 31 . L’abbé calabrais Joachim de Flore (1130-1202), dans ses interprétations de l’Écriture, et plus sp (...)
17Mais
le prophétisme peut simplement servir à garantir la survie de
Louis XVII, à dévoiler l’usurpation (chez Naundorff essentiellement). La
primauté de la règle successorale devient alors presque une règle
divine. La rupture est nette par rapport à l’Ancien régime ou aux
tenants du droit divin, où Dieu justifie d’abord le pouvoir, avant ses
règles de transmission. La légitimité demeure purement ainsi formelle.
Le prophétisme a aussi des effets inattendus. Chez Naundorff, les
Évangiles réécrits justifient le libéralisme : « Ne vous amassez point
des trésors sur la terre, et ne vous occupez point des choses
politiques ; car là où est votre trésor, là est aussi votre cœur. » Le
prophétisme alimentant l’anticléricalisme débouche sur l’abandon du
catholicisme, y compris par deux prêtres le soutenant29. Et Richemont achève sa carrière en faisant appel à l’Assemblée nationale de 1848 pour voir reconnaître ses droits30.
S’opère donc une double dynamique pour la légitimité dans l’ultracisme
prophétique : sécularisation (par la réduction de la légitimité à une
formalité) et recharge sacrale (par le fondement de la légitimité sur
l’intervention divine ou la conformation à la volonté céleste), la
seconde pouvant paradoxalement alimenter la première. À ce titre, le
survivantisme peut être rapproché des « prophètes romantiques »,
présentant les mêmes caractéristiques, enracinées dans un joachimisme
plus ou moins sécularisé : l’utilisation du christianisme comme solution
temporelle aux problèmes socio-politiques aboutit à une sécularisation à
partir d’une réactivation de la dimension religieuse31.
- 32 . Alain Boureau, Le simple corps du roi. L’impossible sacralité des souverains français, XVe-XVIIIe(...)
18De
telles évolutions ne sont pas sans effets sur la théorie des deux corps
du roi. Depuis ses origines, cette fiction juridique peut renforcer le
pouvoir royal, par investissement ; et le restreindre ou le relativiser,
par la distinction entre le corps politique et le roi régnant, ouvrant
la voie à une possible autre localisation de la souveraineté qu’en un
corps physique. Or, la Révolution, en identifiant le corps politique à
la nation, dissocie absolument le corps physique du roi du corps
politique, canonisant une distinction gommée par Louis XIV et
progressivement réaffirmée au XVIIIe siècle avec la querelle
janséniste et les revendications parlementaires. En même temps, elle
finit par identifier radicalement le corps physique de Louis XVI à la
monarchie comme forme politique, et peut ainsi supprimer celle-ci en
discréditant, dévalorisant et décapitant celui-là, dans une œuvre de
donatisme politique déjà pratiqué par la Ligue au XVIe siècle32.
- 33 . Emmanuel Fureix, La France des larmes…, ouv. cité, p. 223-272.
- 34 . Idem, p. 236.
19Les
faux dauphins, en tendant à réduire leur projet politique à une règle
successorale, minent radicalement la théorie politique de la monarchie.
Point de transmission immédiate de la continuité de l’État, aucun
exercice de la puissance temporelle, nulle autorité ou majesté. Ne
demeure qu’une vacuité : celle du père, que le fils doit combler. Cette
extrême simplicité peut être comprise comme l’impossibilité de faire
face à la recharge symbolique des deux corps du roi, partiellement
efficace au prix d’évolutions, que produit la Restauration33.
Elle dirait ainsi la réussite du projet restaurateur, et ses limites,
puisque la revendication survivantiste ne disparaît pas. Elle souligne
aussi que le pouvoir se légitime également par son simple exercice,
lequel permet le déploiement de codes symboliques renforçant à leur tour
ce pouvoir. Elle dit enfin que, d’une certaine manière, chez les faux
Louis XVII, la règle d’une monarchie successive, établie comme
transcendante, se substitue au corps politique, joue contre le corps
physique trônant et en faveur du corps physique revendiquant. Les
survivantistes ignorent le corps politique, ne se soucient que du corps
mortel. En même temps, ce simplisme est associé de manière complexe à
une forte idéologisation. Mais les règles destinées à garantir la
continuité de l’État, la perpétuation de la souveraineté par la
succession des corps physiques des monarques, la sécurité politique par
la stabilité, peuvent-elles être investies d’une participation à une
mission du pouvoir ? Ou peut-on leur ajouter un projet idéologique qui
deviendrait une nouvelle loi fondamentale ? La primauté de l’idéologie
rend la théorie dépendante de l’application du projet, et lui fait
courir le risque de disparaître si d’autres idéologies s’imposent. Mais
les survivantistes ne sont pas seuls dans cette évolution. Lors de la
mort de Louis XVIII, la Restauration idéologise partiellement les corps
royaux : Charles X s’engage à poursuivre son frère (corps physique) en
régnant selon la Charte (corps politique)34.
- 35 . Pierre Karila-Cohen, « Charles de Rémusat… », art. cité, p. 414.
20Ainsi,
la multiplication des corps physiques avec la réitération des
prétendants, la concurrence des incarnations et l’inlassable
interrogation sur le possible survivant traduisent, notamment dans
l’ultracisme, non seulement qu’on ne peut plus rabattre définitivement
le corps politique sur le corps physique, mais que même la théorie des
deux corps du roi est mourante, ou morte. Car le corps politique est
désormais celui de la nation, ou du peuple, avec laquelle le corps du
roi ne peut plus faire un – ou tout au moins, ils doivent composer pour
former un corps politique bancal. Les ultras eux-mêmes, en partiels
héritiers du libéralisme aristocratique et du jansénisme judiciaire
d’Ancien Régime, le savent bien. Abandonnant de fait tout espoir de
revenir à une politique fondée sur le roi seul, ils cautionnent, voire
revendiquent et organisent contre le roi et ses ministres ce qui
s’expérimente comme une forme de parlementarisme. Ils assument leur
idéologisation du corps politique sans en tirer toutes les conséquences.
L’échec systématique des Louis XVII souligne également que la
naturalité du corps ne peut efficacement s’opposer à l’artificialité du
contrat social. Le corps royal n’est plus une politique, quoi qu’ils en
veuillent. Ils expérimentent le même échec que Charles X se faisant
sacrer, tentant d’investir divinement de la légitimité son corps comme
corps royal et par là la monarchie restaurée. Mais ce souci diffère trop
de celui de la majorité des responsables politiques, qui veulent
achever l’histoire de la France comme sujet corporellement distinct du
roi, à la manière de Rémusat en 1840, qui montre la continuité physique
de la nation en installant à la Chambre des pairs les statues
d’illustres Français des siècles précédents dont des descendants sont
pairs35.
- 36 . Le Siècle, 9 décembre 1843, [p. 3].
21Ignorant
en fait la théorie des deux corps du roi mais alimentant une
incertitude sur le détenteur du pouvoir, les survivantistes,
paradoxalement, participent à la désincarnation politique du
libéralisme. Ainsi, à rebours, montrent-ils que la Révolution l’a
emporté. La souveraineté de la nation est devenue indépassable. Comme
l’écrit Le Siècle à propos du défi naundorffiste aux légitimistes venus
visiter le duc de Bordeaux à Londres en décembre 1843 : « Pauvre
légitimité ! S’il faut en effet la chercher dans la personne des princes
et non dans la volonté des nations, Dieu aurait bien dû la marquer sur
leur front d’un signe ineffaçable. »36.
22*
- 37 . Paul Airiau, notice Gruau dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité, p. 116-117 ; G (...)
23Les
multiples Louis XVII et l’impossibilité de les faire disparaître
montrent combien les Français sont agités par une profonde indécision
politique, combien la légitimité change de sens et combien se
renouvellent ou se décomposent les justifications de son fondement, y
compris chez les ultras. Se déroulent alors des itinéraires politiques
complexes. Modeste Gruau, d’origine légitimiste, débute ainsi une
carrière judiciaire interrompue en 1830. En lien avec un milieu
prophétique, il reconnaît en Naundorff Louis XVII, puis accepte ses
revendications messianiques. Il s’oriente alors vers un libéralisme
religieux débouchant dans un libéralisme politique et une hostilité
radicale au monde légitimiste et au catholicisme. Sur ces bases
contestataires, se construisent et se perpétuent également de petits
milieux. La petite fille de Rambaud épouse Léon Verger, un neveu du
secrétaire d’Étienne de Joly, éphémère ministre de la Justice en
juillet-août 1792 et qui reconnut en Naundorff Louis XVII ; une des
nièces de la même Rambaud épouse Xavier Laprade ; une autre épouse
Augustin Solard, dont le frère, Auguste, bonapartiste marié à Églantine
Pégot (fille du général d’empire Jean Pégot et belle-fille du
littérateur Emile Marco de Saint-Hilaire, fils de Denis Marco), finit
secrétaire général de la préfecture d’Orange sous le Second Empire37.
Les faux Louis XVII peuvent ainsi servir diachroniquement et
synchroniquement à apprécier quasiment de manière micro-historique les
voies de la politisation, l’articulation des héritages et des projets
politiques et les évolutions des opinions politiques des Français.
Notes
. Outre Lionel Parois, Essai de bibliographie sur Louis XVII, Paris, 1992 (nombreuses publications depuis), sont indispensables : Joseph-Marie Quérard, Les
supercheries littéraires dévoilées. Galerie des auteurs apocryphes,
supposés, déguisés, plagiaires, et des éditeurs infidèles de la
littérature française pendant les quatre derniers siècles : Ensemble les
industriels littéraires et les lettrés qui se sont anoblis à notre
époque, Paris, chez l’éditeur, 5 tomes, tome 3, 1850, p. 17-121 ;
Léon de la Sicotière, « Les faux Louis XVII (première partie) », « Les
faux Louis XVII (seconde partie) », Revue des questions historiques, volume 32, 1er juillet 1882, p. 147-209, 1er octobre 1882, p. 494-591 (Les faux Louis XVII, Paris, V. Palmé, 1882) ; René Le Conte, Les faux Dauphins, Paris, PUF, 1924 ; Jacques Hamann, Maurice Étienne, Louis XVII et les 101 prétendants, Paris, Le Sémaphore, 1999.
2 . Sauf Yves-Marie Bercé, Le roi caché. Sauveurs et imposteurs. Mythes politiques dans l’Europe moderne,
Nouvelles Études historiques, Paris, Fayard, 1990, p. 328-339, qui
inscrit les faux dauphins dans la longue durée et apporte des grilles
d’analyse (p. 378-415).
3 . Philippe Boutry, « Carisma di crisi e crisi del carisma : Luigi XVIII e il profeta Martin », dans Jean-Michel Sallmann, Philippe Levillain[dir.], Forme di potere e pratica del carismo,
Napoli, Liguori editore, 1984, p. 93-108 ; Mona Ozouf, « L’idée et
l’image du régicide dans la pensée contre-révolutionnaire :
l’originalité de Ballanche », dans François Lebrun, Roger Dupuy[dir.], Les résistances à la Révolution. Actes du colloque de Rennes (17-21 septembre 1985), Paris, Imago, 1987, p. 331-341 ; Emmanuel de Waresquiel, L’histoire à rebrousse-poil. Les élites, la Restauration, la Révolution,
Paris, Fayard, 2005, p. 22-24 et 43-68, reprenant et approfondissant
Emmanuel de Waresquiel, « Talleyrand et la légitimité : la “révolution”
du 31 mars 1814 », dans Jean-Yves Mollier, Martine Reid, Jean-Claude
Yon [dir.], Repenser la Restauration. Actes du colloque, Paris,
Musée de la vie romantique, Châtenay-Malabry, Maison de Chateaubriand,
septembre 2003, organisé par le Centre d’histoire culturelle des
sociétés contemporaines, Paris, Nouveau monde, 2005, p. 57-68 ; Sheryl Kroen, Politics and Theater. The Crisis of Legitimacy in Restoration France, 1815-1830, Berkeley, Los Angeles, London, University of California Press, 2000, spécialement p. 35-36 ; Emmanuel Fureix, La France des larmes. Deuils politiques à l’âge romantique (1814-1840), Seyssel, Champ Vallon, 2009 ; François Guizot et la culture politique de son temps, textes rassemblés et présentés par Marina Valensise, Paris, Gallimard/Le Seuil, 1991 ; Pierre Rosanvallon, Le moment Guizot, Paris, Gallimard, 1985.
4
. Emmanuel de Waresquiel, « Portraits du roi et de ses élites sous la
Restauration et la Monarchie de Juillet, une contribution à l’étude des
représentations du pouvoir », Versalia. Revue de la Société des amis de Versailles, n° 9, 2006, p. 178-194. Sur la Restauration : Volker Sellin, « Restauration et légitimité en 1814 », Francia, 26/2, 1999, p. 115-129 ; Martin Wrede, « Le portrait du roi restauré, ou la fabrication de Louis XVIII », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 53, n° 2, avril-juin 2006, p. 112-138 ; Pascal Simonetti, « Mourir comme un Bourbon : Louis XVIII, 1824 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 42, n° 1, janvier-mars 1995, p. 91-106 ; Emmanuel Fureix, La France des larmes…,
ouv. cité, p. 26-34, 97-109, 170-183 et 219-317. Sur Louis-Philippe: Jo
Burr Mardagant, ‘Gender, vice and the political imaginary in
postrrevolutionary France: reinterpreting the failure of the July
Monarchy’, The American Historical Review, volume 104, n° 5, décembre 1999, p. 1460-1496, et ‘Representing Queen Marie-Amélie in a “bourgeois” monarchy’, Historical Reflections,
volume 32, n° 2, 2006, p. 421-451; BradfordBrown, ‘The rhetoric of
premature mourning. Assassination attempts and the civil religion of the
July Monarchy’, Proceedings of the Western Society for French History,
volume 29, 2001, p. 80-88; Pierre Karila-Cohen, « Charles de Rémusat et
l’impossible reconstruction de la Monarchie de Juillet », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, tome 44, n° 3, juillet-septembre 1997, p. 404-423; Michaël Marrinan, Painting Politics for Louis-Philippe. Art and Ideology in Orleanist France, New Haven, Yale University Press, 1988.
5 . « Affaire du prétendu Louis XVII », L’ami de la religion et du roi, 04/11/1834, p. 32 ; Paul Fauchille, Une chouannerie flamande au temps de l’Empire (1813-1814). Louis Fruchart, dit Louis XVII, d’après des documents inédits, Paris, A. Pedone, 1905.
6
. Sans compter un faux Bonaparte, Jean Charnay, annonçant l’invasion de
la France par des « Turcs et des barbaresques », jugé à Trévoux en
septembre 1817, condamné à cinq ans de prison : Bénaben, « Politique », Mercure de France, 20 septembre 1817, p. 573.
7 . Pour les publications défendant la mort de Louis XVII, voir en particulier Joseph-Marie Quérard, Les supercheries…, ouv. cité ; J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce Louis XVII évadé du Temple ?, Documents inédits tirés des Archives de Police et des Greffes judiciaires, Paris, Librairie Perrin et Cie, 1911.
8
. Arch. Nat. (Archives nationales), BB30198 (procureur général du roi
près la cour royale d’Angers au secrétaire général du ministère de la
Justice, 24/09/1823). Sur les prétendants, voir les références de la
note 1.
9 . En sus des ouvrages de la note 1, Edmond Dupland, Naundorff l’imposteur, Paris, Olivier Orban, 1990.
10 . T. Haustgen, M.-L. Bourgeois, « L’évolution du concept de mythomanie dans l’histoire de la psychiatrie », Annales Médico-psychologiques. Revue Psychiatrique, volume 165, n° 5, juin 2007, p. 334-344.
11 . Emmanuel Fureix, La France des larmes…, ouv. cité, p. 151-167, 197-209 ; Philippe Delorme, Louis XVII, la vérité. Sa mort au Temple confirmée par la science, Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 2000, contesté par Philippe Alexandre Boiry, Louis XVII avait-il deux cœurs ?, Versailles, Éditions de Paris, 2004.
12
. Décompte à partir de ‘The Image of France 1793-1880 at ARTFL’
(http://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/mckee/), utilisant les
estampes parues dans la Bibliographie de la France.
13 . J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 25, 35, 77-78, 86-88, 209 et 232-234. Voir aussi Évelyne Lever, Louis XVIII, Paris, Fayard, 2006 (1re édition 1988), p. 469-473.
14 .
Mémoires de Billard de Veaux (Alexandre), ancien chef vendéen ou
Biographie des personnes marquantes de la Chouannerie et de la Vendée
pour servir à l’histoire de France et détourner les habitants de l’Ouest
de toute tentative d’insurrection, Paris, Lecointe et Pougin, Versailles, Borreswil, 3 tomes, tome 2, 1832, p. 262-263. J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 86-87, 148 ; René Le Conte, Les faux dauphins, ouv. cité, p. 62-65.
15 . François Ploux, De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du XIXe siècle,
Collection historique, Paris, Aubier, 2003, p. 130-170. Sur le cas
Bruneau, Yann Guérin, « Le Dauphin de 1815 : étude d’une rumeur », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, volume 110, n° 2, 2003, p. 111-128.
16 . J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 15.
17 . Frédéric Degeorge, « Les proscrits de la Restauration », dans Paris révolutionnaire,
Paris, Pagnerre, 1848, p. 186-190. Voir aussi la mise en cause du
gouvernement et de la Cour dans la notice « Bourbon-Busset dit Leblanc
(Gabriel) » de la Galerie historique des contemporains, ou nouvelle
biographie, nouvelle édition, dans laquelle se trouvent réunis les
hommes morts ou vivants, de toutes les nations, qui se sont fait
remarquer à la fin du 18e siècle et au commencement de celui-ci, par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes, seconde édition, Bruxelles, Aug. Wahlen et Comp., 10 volumes, volume 2, 1822, p. 363-364.
18 . Voir notamment Michel Denis, Les royalistes de la Mayenne et le monde moderne (XIXe-XXe siècles), Paris, Kincksieck, 1977, p. 215-216 ; Guy de Rambaud, Pour l’amour du dauphin. Madame Agathe de Rambaud, Versailles, 10 décembre 1764, Aramon, 18 octobre 1853,
Parçay-sur-Seine, Anovi, 2005 ; notices sur naundorffistes et
vintrasiens dans Jean-Marie Mayeur et Yves-Marie Hilaire [dir.], Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, 10 tomes, tome 10, Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges du christianisme. « Sectes », dissidences, ésotérisme, Paris, Beauchesne, 2001.
19 . Mémoires de Monsieur le Vicomte de la Rochefoucauld, aide de camp du feu roi Charles X, Paris, Allardin, 5 tomes, tome 5, 1837, p. 46-47.
20 . Michel Denis, Les royalistes…, ouv. cité, p. 123-124, 171.
21 . Jean Barbey, Être roi. Le roi et son gouvernement en France de Clovis à Louis XVI, Paris, Fayard, 1992, p. 17-70 (surtout 37-42).
22 . René-François Rohrbacher, Histoire universelle de l’Église catholique, Paris, Gaume Frères, 1848, 29 tomes, tome 28, p. 291-292.
23 . Sur l’affaire Favras, voir Évelyne Lever, Louis XVIII, ouv. cité, p. 133-148.
24 . Hugues de Changy, Le mouvement légitimiste sous la monarchie de Juillet (1833-1848), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004, p. 61-63, 74-75, 144-145 et 177-179 ; Stéphane Rials, Le légitimisme, Que sais-je ?, Paris, PUF, 1983, p. 15-17.
25 . Lynn Hunt, The Family Romance of the French Revolution, Berkeley, University of California Press, 1992, traduction française Le roman familial de la Révolution française, Paris, Albin Michel, 1995.
26
. Emmanuel de Waresquiel, « Talleyrand et la légitimité… », art. cité.
Pour comparer avec d’autres contre-révolutionnaires Gérard Gengembre, La Contre-révolution ou l’histoire désespérante, Paris, Imago, 1989.
27 . Exemples d’utilisation des prophéties : dans La Voix d’un proscrit [mensuel naundorffiste], « Extrait de la prophétie dite
d’Orval », « Fragment de la prédiction d’une religieuse de Bellay »,
« Notice sur Martin. – Troisième partie », 20 octobre 1839, p. 250-253,
253-254 et 254-260 ; « L’an 1840. (Extrait de la Quotidienne du
11 novembre) », 20 novembre 1839, p. 285-287 ; A. G., « Réponse »,
« Note sur la prophétie d’Orval », « Extrait d’un recueil de
prédictions, publié par le libraire Bricon, en novembre 1830 »,
20 décembre 1839, p. 298-309, 321-323 et 323-324 ; A. Gozzoli, « Lettre
du Prince au rédacteur », « Notre tâche est remplie : nous allons
laisser parler l’avenir », 20 avril 1840, p. 436-441 et 441-444 ; La vérité sur le fils de Louis XVI connu sous le nom de l’ex-baron de Richemont, Grenoble, Baratier, 1849.
Sur les liens entre
survivantisme et prophéties : Philippe Boutry, « Carisma di crisi… »,
art. cité ; Philippe Boutry et Jacques Nassif, Martin l’archange, Paris, Gallimard, 1985 ; Claude Guillet, La rumeur de Dieu. Apparitions, prophéties et miracles sous la Restauration, Paris, Imago, 1994 ; Michel Denis, Les royalistes…, ouv. cité, p. 216-218 ; pour le cas de la Salette, Jean Stern, La Salette. Documents authentiques, 3 tomes, tome 3, 1er mai 1849 – 4 novembre 1854, Paris, Les Éditions du Cerf, 1991, p. 228, 330, et Michel Corteville, La
« Grande Nouvelle » des Bergers de La Salette. Le plus grand amour, les
plus fortes expressions, I. L’apparition et ses secrets, Supplément au périodique L’Impartial, n° 178, 2e trimestre 2001, p. 188, 202 et 401.
Sur les prophéties dans la France du XIXe siècle, Thomas A. Kselman, Miracles and Propheties in Nineteenth-Century France, New Brunswick, Rutgers University Press, 1984 ; Éloïse Mozzani, Magie et superstitions de la fin de l’Ancien Régime à la Restauration, Paris, Robert Laffont, 1988, p. 250-273, 315-330 et 379-382 ; Jacques Halbronn, Le texte prophétique en France. Formation et forme,
thèse d’État sous la direction de Jean Céard, Université
Paris 10 -Nanterre, 1999, f° 765-864 ; Paul Airiau, « Le Grand Monarque
dans le catholicisme français (XIXe-XXe siècles) », Le souverain caché—Politica hermetica, n° 14, 2000, p. 66-95 et « Prophétisme politique (dans la France contemporaine) » dans Patrick Sbalchiero [dir.], Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002, p. 645-646 ; pour une période postérieure, Hilaire Multon, « Les temps sont proches ». Prophétisme politique et culture apocalyptique dans le catholicisme français et italien (1859-1878), thèse d’histoire sous la direction de Philippe Boutry, Université Paris 12 – Créteil Val de Marne, 2002.
28 . Charles-Louis, Duc de Normandie [Naundorff], Doctrine
céleste, ou l’Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ dans toute sa
pureté primitive, tel qu’il l’a prêché lui-même pendant sa carrière
terrestre ; Révélé de nouveau par trois Anges du Seigneur, et confirmé
par Jésus-Christ lui-même, par la réprobation de la Papauté romaine ;
avec toutes les preuves de son imposture contre la doctrine de notre
Sauveur, s.l., 1839, p. 33. ; La Voix d’un proscrit : « De
la Doctrine céleste », 20 septembre 1839, p. 216, « Suite de la
correspondance », 20 décembre 1839, p. 319, « Plaidoyer de M. Gruau de
la Barre pour la Doctrine céleste. – Physionomie des débats »,
20 janvier 1839, p. 346 ; L. Esp. J. V. Claravali del Curso [abbé Louis
Veyron], Vie de Mgr le duc de Normandie, fils de Louis XVI et de
Marie-Antoinette, roi et reine de France, Que la révolution fit orphelin
en 1793, et qu’elle raya du nombre des vivants en 1795, connu dans le
monde sous le nom d’ex-baron de Richemont, Paris, Lyon, Imprimerie de Dumoulin et Ronet, 1850 ; C.[laude] F.[rançois] Nicod, L’avenir
prochain de la France entrevu dans les vrais principes de la société,
de la liberté, de la souveraineté soit populaire, soit nationale, et
dans la révolution de 1789. Ouvrage philosophique, politique et
religieux, Paris, Gaume frères, Lyon, Dumoulin et Ronet, 1850 et,
sur ce cas, notice par Fernand Rude dans Jean-Marie Mayeur et Yves-Marie
Hilaire [dir.], Dictionnaire du monde religieux…, ouv. cité, tome 6, Xavier de Montclos [dir.], Lyon. Le Lyonnais, le Beaujolais,
Paris, Beauchesne, 1994,p. 316-318. Sur la pensée religieuse de
Naundorff, Paul Airiau, « De Swedenborg à Naundorff : le cas de
Melchisédech », Melchisedech—Politica hermetica, n° 19, 2005, p. 72-82, et notice dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité,p. 184-187.
29 . Charles-Louis, Duc de Normandie, Doctrine…, ouv. cité, p. 11. Cette position déjà présente dans une lettre à Mgr
Blanquart de Bailleul, 20/09/1836 (Archives du diocèse de Versailles,
dossier Appert). Sur les abbés Laprade et Appert, notices de Paul
Airiau, dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité, p. 6-7 et 155-156. Sur l’évolution anticléricale à partir du prophétisme, Hilaire Multon, « Les temps sont proches »…, ouv. cité.
30 . Charles-Louis de Normandie, Adresse aux représentants de la Convention, 25 mai 1848, Paris, Lacour, s.d.
31 . L’abbé calabrais Joachim de Flore (1130-1202), dans ses interprétations de l’Écriture, et plus spécialement de l’Apocalypse,
annonçait un âge de l’Esprit à venir rapidement, animé par des hommes
spirituels. Son héritage, appelé joachimisme, irrigue largement
l’Occident chrétien sous des formes diverses. Henri de Lubac, La postérité spirituelle de Joachim de Flore, 2 tomes, tome 2, De Saint-Simon à nos jours, Paris/Namur, Lethielleux, 1981 ; Paul Bénichou, Le temps des prophètes. Doctrines de l’âge romantique,
Paris, Gallimard, 1977 ; Bernard Plongeron, « Le christianisme comme
messianisme social », dans Jean-Marie Mayeur, Charles et Luce Pietri,
André Vauchez et Marc Vénard [dir.], Histoire du christianisme, 14 tomes, tome 10, Bernard Plongeron [dir.], Les défis de la modernité (1750-1840), Paris, Desclée, 1997, p. 837-905 ; Nicole Edelman, Voyantes, guérisseuses et visionnaires en France, 1785-1914, Paris, Albin Michel, 1995 ; Paul Airiau, « Les millénarismes » dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité, p. XXVIII-XXXV ; Hilaire Multon, « Eschatologie, visions du futur et prophétisme (XIXe-XXe siècles). Essai d’historiographie » dans André Vauchez [dir.], L’Attente des temps nouveaux. Eschatologie, millénarismes et visions du futur, Turnhout, Brepols, 2002, p. 75-95.
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33 . Emmanuel Fureix, La France des larmes…, ouv. cité, p. 223-272.
34 . Idem, p. 236.
35 . Pierre Karila-Cohen, « Charles de Rémusat… », art. cité, p. 414.
36 . Le Siècle, 9 décembre 1843, [p. 3].
37 . Paul Airiau, notice Gruau dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité, p. 116-117 ; Guy de Rambaud, Pour l’amour…, ouv. cité ; Arch. nat. F1 B1 173/18, « Solard Auguste ».
Top of pageReferences
Bibliographical reference
Paul Airiau, « La légitimité incertaine (1814-1853) : retour sur les faux Louis XVII », Revue d'histoire du XIXe siècle, 39 | 2009, 115-127.Electronic reference
Paul Airiau, « La légitimité incertaine (1814-1853) : retour sur les faux Louis XVII », Revue d'histoire du XIXe siècle [Online], 39 | 2009, Online since 15 December 2012, connection on 29 September 2017. URL : http://rh19.revues.org/4142 ; DOI : 10.4000/rh19.4142Top of page
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Paul Airiau
Docteur en histoire (IEP de Paris) et professeur agrégé d’histoire dans l’académie de Paris
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