vendredi 29 octobre 2021

Jacques Halbronn Sur la Nouvelle Question Juive de Shmuel Trifano et les travaux de Maurice Ruben Hayoun

Jacques Halbronn sur la Nouvelle Question Juive de Shmuel Trigano (1979) et les travaux de Maurice Ruben Hayoun. Nous avons souhaité revenir sur un ouvrage paru chez Gallimard il y a plus de 40 ans dans la collection Idées (réédité en 2002). Nous commencerons par une anecdote, à savoir que lorsque Trigano présenta son ouvrage, nous avions nous même un en lecture chez le même éditeur. Nous rencontrames un des responsables mais finalement notre texte ne fut pas retenu (cf la lettre de Robert Gallimard du 9 juillet 1976. Nous avons retrouvé le courrier de présentation que nous avions adressé, le 26 juin de cette même année (pour la collection « Essais ») alors même que nous ne retrouvons pas dans l’immédiat le manuscrit. « L’ouvrage (…) vise à montrer (…) dans quelle mesure le judaisme fuit son dialogue avec la Science, s’échappant dans des régions qui renient l’analyse. Mon texte (..) souligne la dégradation de la tradition juive et la tentative d’instituer des portes de sortie qui relévent de la psychanalyse » Nous rappelions qu’en cette année 1976 nous avions publié chez Seghers, dans la colletion » Clefs ». En 1978, nous fondions le Cercle d’Etude et de Recherche sur l’Identité Juive (CERIJ). Nous entendons à présent examiner plus largement l’itinéraire de Trigano – né en 1948, donc du même âge que nous,né fin 1947. L’un comme l’autre, nous avions vécu une expérience israélienne. Lors de la réédition de La Nouvelle Question, Trigano déclare dans sa Postface son constat d’un « décalage qu’il y avait entre l’attente messianique devant l’Israêl éternel et la quéte normalité qui animait le sionisme politique » . Dans un autre ouvrage » Le monothéisme est un humanisme » (Ed Odile Jacob 2000) il est indiqué en 4e de couverture: « Toutes les religions issues de la Bible partagent (..) une vision du monde qui doit devenir notre viatique pour affronter la crise généralisée que nous traversons ». Dans Politique du peuple juif, Les juifs, Israel et le monde (ed François Bourrin, 2013, pp. 333 et seq) Trigano en appelle à une « science politique du peuple juif » en devenir. En ce qui nous concerne, nous avions, dès 1968, sur le campus de l’Université Hébraique de Jérusalem, déclaré l’importance que devrait revetir l’astrologie pour appréhender le « fait juif », le « fait biblique.Un demi-siècle plus tard, nous avons fini par comprendre ce qu’il fallait entendre par là et notamment la nécessité d’une révision de la théologie juive. Contrairement à Trigano, nous pensons que la théologie juive ne saurait être assimilée à la théologie chrétienne ou à la théologie musulmane. Par ailleurs, notre regard sur le phénoméne de la Shoah s’inscrit dans un paradigme cyclique qui en relativise l’importance tout comme d’ailleurs le pole opposé de la création de l’Etat d’Israel,tous deux marqués par un processus de « concentration » antidiasporique. Pour nous, la question juive reléve du domaine de la « Surnature » tout comme l’astrologie laquelle est la clef de la place du Juif dans le monde. Une « science du peuple juif » ne saurait en effet se concevoir sans une approche dialectique au sens de la formule de l’Ecclésiaste : un temps pour chaque chose ou encore selon la leçon que Joseph tire du Songe de Pharaon sur les 7 vaches maigres dévorant les 7 vaches grasses. Ce qui nous distingue également de Trigano est notre approche critique des textes bibliques, ce qui tient à notre cursus, où nous décelons les marques d’un fort syncrétisme. Entendons par là que nous n’accordons qu’une importance très relative à ce que le judaisme est devenu et préférons rechercher la clef dans le passé que dans le présent.. Abordons à présent l’oeuvre de Maurice Ruben Hayoun qui eut comme nous comme directeur de thèse George Vajda dans les années 70. Pour notre part, notre thèse -soutenue en 1979- portait sur « la problématique astrologique chez les principaux penseurs juifs du Moyen Age Espagnol ». (parue en 1985 sous le titre « Le monde juif et l’astrologie, » Vajda rédigea en 1977 une préface à notre édition des traités astrologiques d’Abraham Ibn Ezra (ed Retz). Maurice Hayoun est notamment l’auteur d’une dizaine de volumes de la collection « Que sais je? aux PUF) Dans « Le judaisme » (E DIE 2001) il s’interroge sur ce qui peut relier une série de Juifs ayant des rapports très divers avec le judaisme. Pour notre part, dans une approche cyclique, nous pensons qu’il y a un temps où l’homme juif doit être laissé à lui même, en évitant tout surdéterminisme et un autre où il doit se raccorder à une dimension collective. Nous mettons l’accent sur la dimension »surnaturelle » de la présence juive au monde, laquelle ne saurait se réduire à un universalisme ou à un humanisme. Les Juifs doivent témoigner de l’existence d’un Dieu qui s’est consacré à notre humanité et qui a mis en place une lignée chargée de veiller sur elle, que sont les Juifs. Epistémologiquement, ni les juifs, ni l’astrologie ne peuvent être appréhendés au moyen de catégories de l’ordre de la Nature ou de l’ordre de l’humain. Il ne faudrait pas confondre la cause et la conséquences: les Juifs ne sont pas le produit mais bien l’agent de l’Histoire. (cf Hayoun La pratique religieuse juive 2020, Geuthner, Paris) Pour nous, Jésus est le Juif par excellence, celui qui est porteur de changement. Mais précisément, les Juifs ne sauraient avoir le culte d’un Juif, ce qui doit être réservé aux non Juifs, ils doivent avoir le culte de la Surnature, c’est à dire de ce qui a été ajouté à la Nature et qui n’est pas davantage l’oeuvre de notre Humanité. C’est cet état intermédiaire entre Nature et Culture qui est au coeur de la présence juive au monde mais. Force est de constater que parmi les plus grands génies des derniers siècles, il y a une proportion remarquable, dans tous les sens du terme, d’homme d’origine juive, ce qui ne signifie aucunement qu’ils aient été tous marqués par quelque forme de judaisme quel qu’il soit/ En ce sens, il importe de ne pas formater l’enfant juif et de le laisser manifester sa « judéité » en toute liberté jusqu’au moment où il prendra conscience de son appartenance, de son identité et cessera de ne se percevoir que comme « individu ». JHB 29 10 21