mardi 10 août 2021

Jacques Halbronn Sur le traitement du Judenstaat de Theodor Herzl

Sur le traitement du Judenstaat de Herzl. Par Jacques Halbronn Il y a près de 20 ans, nous avions publié dans Prophetica Judaica, des documents concernant Theodor Herzl ( ed Ramkat 2002) –Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle. Nous nous proposons ici, avec le recul, de revisiter ce dossier notamment quant à la question de la chronologie des éditions et du titre français. Claude Klein écrit (L’Etat des Juifs, La Découverte, 2003, p. 7) : » La Première édition française suivit de quelques mois seulement l’édition originale. Elle parut dans la Nouvelle Revue Internationale en deux parties, la première le 31 décembre 1896, la seconde le 15 janvier 1897. Quelques semaines plus tard, cette même traduction paraissait en brochure séparée comme Extrait de la Nouvelle Revue internationale. Cette première traduction à l’impression très serrée ne couvre que quarante- trois pages. Curieusemenement, aucune indications n’est fournie quant au nom du traducteur » ‘ L’édition allemande date du 15 février 1896 : Der Judenstaat, Versuch einer Modernen Lösung der Judenfrage soit près d’un an avant la publication du texte en français sous le titre de l’Etat Juif. On peut se demander pourquoi Claude Klein propose une traduction française de l’allemand alors qu’il existe une tra-duction française d’époque, du temps de Herzl lui-même, qu’il aura probablement supervisée , la dite traduction ayant été reproduite dans notre édition de 2002 avec pour titre l’Etat Juif. Le probléme, c’est que la question de la traduction se pose à deux reprises dans le titre, ce qui conduit Klein à une cer-taine gesticulation : « L’Etat des Juifs. Contribution à une solution moderne de la question juif ». Donc dans un cas, on rend Judenstaat par « Etat des Juifs » et dans l’autre « Judenfrage » par « Question Juive ! Klein se garde bien sur la page de titre de mentionner le sous- titre quelque peu embarrassant. Il substitue en quelque sorte, de facto, le sous -titre d’origine en annonçant un ‘essai sur le sio-nisme ». Il est vrai que l’usage même du mot « solution » est génant,(Versuch einer Modernen Lösung der Judenfrage ) puisque cela fait songer à la « solution finale » des nazis. Endlösung. D’ailleurs, Claude Klein note (p. 6) que ce titre (Versuch einer Modernen Lösung der Judenfrage ) avait été choisi au départ par Herzl et restera comme sous- titre par la suite. Klein se garde bien de noter (p. 7) sous quel titre parut la traduction française d’ailleurs validée –par erreur ? - par Herzl lui-même lequel demeura à Paris un certain temps. Dans son journal, Herzl rcconnait qu’il lui aura fallu près d’un an (tout au long de 1896) pour « caser » la traduction française (L’Etat juif, suivi de Extraits du Journal, Préface de Moché Scharf, Ed Stock, 1981, p. 176) On peut penser que la forme « Etat Juif » posait moins probléme que « l’Etat des Juifs » si tant est que ce point ait été même évo-qué. Curieusement, la « Question des juifs » nous apparait comme « passant » mieux que la « Question juive » alors que l’Etat Juif « passerait » mieux que l’Etat des Juifs car ici « des » a la portée d’une possession, d’une appartenance. Se pose d’ailleurs la question du sens même du mot « Etat ». On pense à Vichy avec son « Etat Français » comme on dit « République Française » et non République des Français. Quant à Louis Philippe, il sera qualifié de « Roi des Français » et non roi de France. On connait la formule « la France aux Français » ou encore «Algérie Française. » Selon nous la qualification de l’Etat est déterminante et n’est nullement exclusive d’une certaine diversité des populations, ce qui devient restrictif sous la forme « Etat des Juifs », c’’est à dire « pour les Juifs » On sait d’ailleurs de quelle façons la question est devenue cruciale ces dernières années et peu compatible avec une ouverture. En ce sens, l’adjectif ‘Juif » se situe plus sur un plan philosophique alors que la forme « des Juifs » serait plus d’ordre ethnique.( cf Claude Raphael Samama, Réflexions nouvelles sur des questions juives . Du singulier à l’universel, Paris, ed. Maisonneuve & Larose, 2007) Ainsi, nous aurions tendance à traduire le titre de Herzl : l’Etat Juif, essai de solution de la question des Juifs ! 1. En fait, il convient de constater le mode de passage du français vers l'allemand et vice versal/ Pour dire « langue maternell e » en allemand, cela devient « Muttersprache », la langue de la mère et pour dire taches solaires, cela devient en allemand Sonnenflecke/ Dans les deux cas l'adjectif français est rendu en allemand par un nom et donc l'Etat Juit devient en allemand « Judenstaat », l'Etat des Juifs si l'on devait traduire littéralement tout comme l'on dirait – à tort- la langue de la mère ou les tâches du Soleil/ Tiergarten le jardin des animaux devient en français jardin zoologique, avec la formation d' un adjectif ais signe zodiacal. JHB 06 08 21

Jacques Halbronn Contribution à l'histoire de la critique biblique. De Gaffarel à Spinoza

Contribution à l’histoire de la critique biblique De Gaffarel à Spinoza par Jacques Halbronn Cette étude entend compléter notre post-doctorat (2007) consacré à la naissance de la critique nostradamique au XVIIe siècle autour du dominicain Jean de Réchac et de son Eclaircissement des véritables quatrains (1656) Est ce une coincidence si la traduction latine des Curiositez Inouyes de Gaffarel (qui décédera en 1681) paraît en 1678 à Hambourg et à Amsterdam Curiositates Inauditae de Figuris Persarum talismanicis. Horoscopo Patriarchum et Charac-teribus Coelestibus Hambourg et Amsterdam (BNF) au len-demain de la parution de l'édition posthume des œuvres de Spinoza (mort en cette même année 1677) dont le Tractatus Theologico Politicus, considéré comme une œuvre pionnière de la critique biblique ? 1. On comparera des extraits des tables des matières des deux ouvrages en prenant pour base la traduction fran-çaise du Tractatus (Bib. Arsenal) parue sous le titre « La Clef du Sanctuaire » en 1678 à Leyde (Hollande- habituée à publier en français on pense à Nostradamus dont les quatrains paraissent chez le même éditeur que pour Gaffarel en latin :.Les Vrayes Centuries et Prophéties de maistre Mi-chel Nostradamus, Amsterdam, Jean Jansson [...], 1668, soit dix ans plus tôt. Cette édition en langue française-anonyme- sous ce titre « Clef du Sanctuaire » -aura certainement rendu plus accessible la pensée de Spinoza quasi simultanément avec la parution en la-tin. : Spinoza Clef du Sanctuaire table des chapitres I de la prophétie II Des prophétes IIIde la vocation des Hébreux & si le don de prophétie ne se trouvait que parmi eux IV De la loy divine Les raisons pourquoy les ceremo-nies ont été instituées & de la foy des histoires à scavoir en quel sens & à qui elles sont nécessaires VI des miracles VII de l'interprétation des Escritures VIII Que les cinq premiers livres de la Genése n'ont pas esté escrits par Moyses ni ceux de Josué, des Juges, de Rois de Samuel par ceux dont ils portent le nom X examen du Vieux Testament XII Du véritable original de la loy divine XX Que dans une République libre il doit estre permis d'avoir telle opinion que l'on veut et mesme de la dire Gaffarel Curiositez Inouyes 1631 1. Partie ch I Qu'on a faussement imposé plusieurs choses auc Hébreux & au reste des Orientaux qui ne furent jamais Sommaire : 1. 1 Arguments contre les Orientaux , sur quoy fondez 2 Juifs faussement accusez par Apion, Plutarque, Strabon, etc d'avoir adoré des asnes, des ceps de vigne & des nuées 3 Naissance de ces resveries. D'où tirée 4 Faux, que les Syriens adoraient les poissons. Xénophon, Cicéron etc réfutez 5 Dagon mais en forme de Triton Fable descouverte 6 Samaritains nullement idolastres non plus que Aaron & Jéroboam pour avoir dressé des veaux d'or 7 Chérubins non en forme de jeunes hommes contre tous les Autheurs grecs & Latin et la plupart des Hébreux 8 Arguments pour l'innocence des Samaritains 9 Raisons des Hébreux & de Caietan touchant la figure des chérubins nulles 10 Faux, que les Hébreux brulassent leurs enfants à l'idole de Moloch & d'où est venue la coutume de sauter par dessus les feux de la Saint Jean seconde partie Ch III qu'à tort, on a blasmé les Persans & les curiositez de leur magie, sculpture & astrologie 1 Mauvaise coutume de blasmer les Anciens Raisons qu'on apporte contre les Persans& leur magie exa-minées & trouvées nulles. Erreurs ensuite du Pseudo Bérose etc touchant Zoroastre 5 Erreurs (…) touchant Séraphins . Contes grotesques de Philon sur ce sujet 7 Choses merveilleuses & admirables qui ont prédit les mal-heurs qu'on a vu naistre Ch IV Qu'à faute d'entendre Aristote on a condamné la puissance des figures & conclu beaucoup de choses & contre ce Philosophe & contre toute bonne philosophie. 1 Erreur que l'ignorance des langues a causé dans les lettres 2 non pas 3 !faux qu'il faille dire 4 faux, mal entendue 5 Sotte interprétation 6 Erreur que l'on commet es mots 7 Faux qu'on tire d'Aristote que le feu soit humide, contre Du Villon 9 Fausse interprétation Ch VI 1 Vanité intolérable de quelques demy savants 7 Faux que le veau d'or & le serpent d'airain fussent des ta-lismans Ch VII Que les objections qu'on fait contre les figures talis-maniques n'ostent rien de leur puissance sur les objections 6 quatriesme objection réfutée 7 cinquiesme objection nulle 8 Faux que l'opération des talismans vienne des secrétes vertus de la pierre 9 Faux que la vertu des astres ne descende aussi bien sur le scorpion vivant que sur son image 15 Objections contre les Figures par cy devant incognues & leur response. Troisiesme Partie Ch VIII Qu il est faux que l'Astrologie des Anciens ait donné commencement à l'Idolatrie. Sommaire 3 mescompte de Pline à ce sujet 4 astrologie comment bonne ou mauvaise 8 Raisons qui prouvent l'innocence de cette curieuse anti-quité Quatriesme Partie Des estoilles et de tout ce qui est en l'air 8 contre les rabbins L'on perçoit aisément des convergences de ton entre les deux auteurs. Revenons sur l’organisation des Curiositez Inouyes. On note que la première partie est celle qui vise à démonter, à dé-construire les attaques et objections, d’où son titre « De la défence des Orientaux ». Or ce titre ne figure point au titre de l’ouvrage qui met en avant l’intitulé de la deuxiéme par-tie sans mentionner celui de la première partie. Et c’est pré-cisément cette première partie qui aura retenu ici notre at-tention et justifié le rapprochement avec le début du Traité théologico-politique de Spinoza. La deuxiéme partie, en de-hors de son premier chapitre (III Qu’on a tort de blasmer etc’ »), n’offre pas ce même caractère apologético-critique. Par ailleurs, la deuxième partie se termine par la formule « Concluons etc », ce qui nous améne à penser que les troi-siéme et quatriéme partie auront été rajoutées, ce qui ressort d’ailleurs de la disposition de la page de titre qui fournit les intitulés des troisiéme et quatriéme parties au lieu de les repértorier dans le corps de l’ouvrage. Dans l’édition latine de Hambourg 1678 (BNF), la disposition reste la même avec des différences typographiques marquantes au titre de l’ensemble entre la présentation de la deuxième partie et celle des troisiéme et quatrième parties. On signalera que Gaffarel recourt fréquemment à l'hébreu dans son texte et que Spinoza est l’auteur d’une Grammaire hébraïque – il met notamment en question la validité de la vocalisation du texte biblique, qu’il trouve sujette à caution- Spinoza, dans sa Préface au TTP, s’en prend aux supersti-tions et à la crainte qui les alimente. Il met l’accent sur la problématique du prophétisme. On se contentera de citer les têtes des premiers cha-pitres qui donnent une assez bonne idée de la méthode de Gaffarel, laquelle combine apologétique et critique : « « Du premier chapitre des Curiositez Inouyes qui sert à monstre qu’on a faussement imposé plusieurs choses aux Hébreux & au reste des Orientaux qui ne furent jamais » Du second chapitre ; pour monstrer qu’on a estimé plusieurs choses ridicules & dangereuses dans les livres des Hébreux qui sont soustenues sans blasme parles Docteurs Chrestiens Du troisiesme chapitre pour montrer qu’à tort on blasme les Persans & les curiositez de leur Magie, Sculpture & Astrolo-gie » L’ouvrage de Gaffarel comporte en sa troisiéme partie une défense de l’astrologie reprise dans l’édition latine de Ham-bourg 1678. : « Qua Orientales defenduntur ». « Falsum as-trologia veterum « L’astrologie des Anciens, y affirme-t-on, ne saurait se voir imputer l’idolatrie. Sous le terme Orien-tales, on s’est demandé si cela ne désignait pas en particulier les Hébreux. En 1637, Gaffarel avait publié à Paris en italien de Léon de Modène (1571-1648) Historia de gli riti hebraici, dove si ha' breve e total relatione di tutta la vita, costumi, riti et osservanze de gl'Hebrei di questi tempi, di Leon Modena,... accompagné d'une lettre de sa plume en latin. L'ouvrage pa-raitra en français en 1674 et aura suscité l'intérêt de Ri-chard Simon, le père de la critique biblique. Cérémonies et coutumes qui s'observent aujourd'huy parmy les juifs, Tra-duites de l'Italien de Léon de Modene, Rabin de Venise. Avec un supplément touchant les sectes de Caraïtes & des Samaritains de nostre temps par Don Recared Sçimeon (Ri-chard Simon), Paris, Chez Louis Billaine, 1674, Un collectif remarquable parut en 2014 comprenant di-verses contributions : Jacques Gaffarel Between Magic and Science/ Edited Hiro Hirai. ¨Pise Rome Fabrizio Serra 2014 / Mais si la dimension apologétique est soulignée, il ne semble que la dimension critque l’ait été suffisamment, ce qui nuit à la perception d’un Gaffarel impulsant une démarche cri-tique. Or, celle-ci est intimement liée à l’apologétique dans la mesure où il convenait de discréditer toutes sortes d’arguments traités par Gaffarel de « faux », de « nuls » etc Il convient par ailleurs de préciser que les Curiositez Inouyes ont fait l’objet d’additions à savoir Horoscope des Patriarches et Lecture des Etoiles qui ne sont que des appendices que l’on aura fini par considérer-à tort- comme faisant partie du projet initial des Curiositez Inouyes. Abordons briévément la critique de Charles Sorel (Sieur D. L.) dans Des Talismans, ou Figures faites sous certaines constellations, pour chasser les bestes nuisibles, détourner les orages, guerir les maladies, & accomplir d'autres effets merveilleux [Texte imprimé] ; Avec des observations contre le livre des curiositez inouyes de M.I. Gaffarel ; Et un traicté de l'unguent des armes ou unguent sympathetique & cons-tellé,... : le tout tiré de la seconde partie de la Science des choses corporelles / par le sieur de l'Isle en 1636 donc avant la publication de 1637 en italien de Léon de Modéne (cf supra); puis en 1640 in Secrets astrologiques (…) a quoy l’on a rajouté des Observations contre le livre des Cu-riositez Inouyes de M. J. Gaffarel, chez Antoine de Somma-ville lequel libraire publiera en 1659 l’Astrologie Naturelle de Blaise de Pagan.(cf nos études à la suite du reprint du Commentaire du Centilogue de Nicolas Bourdin, Paris, Tré-daniel, 1993) Bibliographie : textes extraits de “Jacques Gaffarel; Bet-ween Magic and Science” (cité plus haut): Peter Foshaw Concealed Mysteries and Unheard of Curi-osities :Jacques : Gaffarel’s Defence of Celestial Writing and divine Kabbalah. S. Taussig La réception des Curiositez Inouies par Gassen-di et Mersenne L’auteur cite à propos de Gaffarel notre Monde Juif et l’astrologie. Milan, Arché 1985 Images, Talismans and Medicine in Jacques Gaffarels » Unheard of Curiosities Hiro Hirai JHB 10 08 21.