dimanche 25 juin 2017

jacques Halbronn Dernières avancées de la critique nostradamique

Dernières avancées  de la critique nostradamique
par Jacques Halbronn

Dans le cas de Nostradamus, il ne faut certes remonter qu’au XVIe siècle mais c’est plutôt le trop-plein qui alors menace et il importe de savoir distinguer le bon grain de l’ivraie, les textes authentiques et les contrefaçons que l’imprimerie n’aura fait que multiplier. Croire que la proximité relative dans le temps serait le garant d’une fiabilité des « sources » serait l’expression d’une certaine naïveté En revanche, les procédés du XVIe siècle peuvent nous mettre sur la piste de ceux utilisés bien des siècles plus en amont.. Peut-on mettre en parallèle la transfiguration du personnage de Jésus et celle de Michel de Nostradame (de préférence à de Nostredame), notamment au lendemain de leur mort  puisque selon nous c'est au lendemain de la mort du «  Mage de Salon  » que le phénomène centurique se met en place- au regard de la postérité en vue de fabriquer le personnage du prophète français, tous les procédés étant admis pour la «  bonne cause  » - encore que l'on n'en connaisse guère de commentaire avant 1594, ce qui vient confirmer notre thèse d'une production démarrant réellement au milieu des années 1580. On dispose d'un seul exemple d'un quatrain dûment cité (cf Brind'amour, Introduction Les Premières Centuries ou prophéties, Droz, 1996, p. LII) avec sa signalisation officielle en centurie et en quatrain (II, 45) en dehors des éditions elles-mêmes, relatif à la naissance d'un androgyne et cela date de 1570 mais nous exprimons les plus vifs doutes sur l'authenticité de cette pièce manifestement antidatée, ce qui nous conduit à penser -si on associé cela au cas Crespin avec ses éditions datées de 1572 qu'il y eut une tentative pour créer un pôle d'éditions autour de 1568 avant d'en créer un autre, par la suite, carrément du vivant de Nostradamus, autour de 1555.-1558, dates des deux épîtres introductives aux centuries.
A partir de 1990, nous commençâmes à demander à Brind'amour et à Benazra de nous faire part d’éléments attestant de la circulation des centuries en dehors du corpus des dites éditions. C'est ainsi que jusqu'alors la mention du dit quatrain II, 45 ne figure pas dans les bibliographies alors même que celles-ci signalent l’œuvre  !(cf Benazra, RCN pp. 95-96). La mention de ce quatrain figure dans «  L'androgyne né à Paris le 21 juillet 1570 illustré des vers latins de Jean Dorat, contenant l'interprétation de ce monstre avec la traduction d'iceux en françois par Chevigny,  » Lyon, Michel Jove, 1570 et nous pensons qu’il s  »’agit là d’une contrefaçon, fabriquée par Jean,-Aimé de Chavigny, lors de la parution d’un recueil d’œuvres jusque là restées en partie manuscrites, en 1586  , le dit Chavigny se prétendant le même personnage que le Jean de Chevigny, qui fut secrétaire de Nostradamus et se substituant à lui dans certains cas comme pour l’épître de 1570 adressée au président Larcher.
D’aucuns croient faire œuvre de science en s’en tenant aux documents existants alors que la Science exige de formuler des hypothèses plus ou moins probables mais rien ne se fait sans une certaine qualité de la Cité scientifique propre à chaque domaine et laquelle Cité dans le domaine de l’histoire des textes et des langues nous semble être singulièrement médiocre et frileuse, préférant la synchronie à la diachronie. Celui qui tente de se contenter des pièces existantes sera condamné à construire un véritable roman alors que la prise de conscience de certains éléments manquants permet seule de rester dans le vraisemblable. Jusque dans les années 90, les nostradamologues ne se souciaient guère de relever ce qui pouvait attester de la circulation des centuries en dehors des éditions elles-mêmes. Ce n’est que depuis que nous avons interpellé ce milieu de chercheurs que l’on a commencé à recueillir les éléments de recoupement avec des résultats bien médiocres et même lorsque, comme dans le cas signalé plus haut, on obtenait des «  preuves  », il apparaissait qu’elles avaient été contrefaites  ! Certes, dans tel ou tel cas, l’on pouvait découvrir un «  emprunt  » mais dans quel sens s’était-il opéré, à partir des centuries ou bien plutôt au profit des centuries  , c’est à dire récupéré dans le but de nourrir cette «  Tour de Babel  » que constituent la «  miliade  » de quatrains, selon la formule utilisée dans la fausse épître à Henri II  en tête des centuries VIII. IX et X.
C’est probablement là l’effet d’une certaine mode structuraliste qui a suscité des générations de chercheurs qui étaient plus doués pour montrer que tout se tenait et faisait sens plutôt que pour saisir les perturbations et les interpolations que les textes et les langues ont pu subir au cours de leur « formation », terme qu’il convient au demeurant d’utiliser avec précaution quand il laisse entendre que l’important est ce que le texte est devenu et présenter celui-ci comme un phénomène en constant progrès ». Il y a là une forme d’anthropomorphisme qui s’apparenterait à la croyance selon laquelle une machine pourrait se réparer sans intervention à l’instar du corps humain. Selon nous, un texte, une langue sont au départ des systèmes, des systématisations d’un matériau antérieur brut et la cohérence n’est pas en ce qui le concerne à rechercher dans le futur mais bien dans le passé. Les incohérences de ce que nous observons actuellement sont là pour nous permettre de remonter le temps, de restituer une genèse. Encore faudrait-il que les chercheurs fussent formés à une telle discipline.
Pour notre part, nous avons constamment oscillé entre l’étude des textes au premier et au second degré, le premier degré étant de restituer le cours de la production littéraire de tel auteur (exemple Nostradamus) ou de tel courant (exemple Le prophétisme) alors que le second degré consistant à déterminer ce que les textes les plus anciens révèlent de notre Subconscience en action ici et maintenant. Ce qui nous interpelle à propos de Nostradamus concerne ce que l’on peut appeler son élection. Force, en effet, de constater que cette polarisation des commentaires autour d’un corpus qui lui est attribué nous semble relever d’une mise en scène. Entendons par là que nous nous trouvons confrontés au mystère du choix. Pourquoi une telle convergence, persistante, autour de ce personnage et d’une œuvre qui lui est attribuée au prix de contrefaçons antidatées ? Cela ne s’explique, selon nous, que par une nécessité sociale, que l’on peut associer à la Subconscience, en sa dimension cyclique, et qui ordonne une telle polarisation autour d’un personnage.


Le néo-prophétisme des Centuries
La France a été marquée par une certaine renaissance du prophétisme et Nostradamus (1503-1566) semble bien être une des figures de proue d’un tel mouvement . Mais on soulignera le fait que le phénomène centurique est collectif et transgénérationnel.
La fortune mondiale des Centuries nous semble en effet pouvoir remarquablement illustrer le rayonnement de la culture française en ce que leurs quatrains très largement traduits sont très nettement inspirés par l’Histoire de France. Ajoutons que Nostradamus aura fini par acquérir une stature prophétique et c’est d’ailleurs sous le nom de « prophéties » que les « Centuries » sont d’abord parues. Selon nous, il est arrivé que ses adversaires – comme un Antoine Couillard du Pavillon Lez Lorriz- s’en prennent à ses «  prophéties  » (et ce dès 1556) mais cela ne désignait pas -et pour cause- les centuries. Mais ce serait justement parce que certains textes de Nostradamus avait été qualifiés sérieusement ou ironiquement de «  prophéties  » que ce terme fut choisi comme titre des contrefaçons datées de 1555 et au-delà  . En fait, à l’époque le terme pouvait tout à fait désigner le travail astrologique d’où la formule «  prophéties de Nostradamus & autres astrologues  que l’on trouve chez le dit Couillard  :
Les Prophéties du Seigneur du Pavillon lez Lorriz, Paris, Jean Dallier, 1556


Contredicts, aux faulses & abbusifves propheties de Nostradamus, & autres astrologues. Adjousté quelques œuvres de Michel Marot, fils de feu Clément Marot, prince de poètes François. Paris, Charles L'Angelier, 1560.
Les Centuries se révèlent bel et bien telle une œuvre collective, si l’on y intègre d’une part la rédaction des textes et de l’autre leur interprétation. Notons que le texte bilingue de Jean Aimé de Chavigny autorise des traductions très discutables, comme Bloys ou encore Loi ou Loin, rendus le plus souvent par Lodoicus, ce qui est censée renvoyer au Roi de France.(Janus Gallicus pp. 68-69, 98-99, 118-119, 122-123 etc)
En ce sens, tout comme la langue française, on assiste à là à l’émergence d’une véritable « ressource » culturelle, d’un tout autre ordre que les richesses du sous-sol dont bénéficient diverses régions dans le monde et qui ne doivent rien aux États qui les exploitent pas plus d’ailleurs que les États qui bénéficient, pour leur tourisme, des restes de civilisations qui leur sont antérieures, à l’instar du cas égyptien.
Nostradamus est un fort bon exemple de la condition de l'astrologue au milieu du XVIe siècle et ce statut est souvent négligé au vu des Centuries qui ne furent aucunement le cœur de son travail mais un produit dérivé.
Nous disposons de centaines de pages (imprimées et manuscrites) que Nostradamus consacra à la rédaction de ses almanachs, de ses pronostications, travail assez fastidieux au demeurant quand on songe que pour ses almanachs annuels, Nostradamus devait interpréter, traduire, une cinquantaine de "cartes du ciel, semaine après semaine. Il s'agissait donc de partir des configurations astrales, dans leur ensemble, lesquelles constituent des signifiants auxquels associer un premier niveau de signifiés. Bien évidemment, le lecteur de ces textes sera conduit à associer à ce premier niveau un deuxième niveau lié à son ressenti, à son expériences propres du moment.
Mais parallèlement, les almanachs de Nostradamus, parus dans les années 1550 -1560 comportent aussi des quatrains, un par mois, qui reprennent un certain nombre de signifiés du premier niveau mais en les traitant comme signifiants, eux-mêmes voués à être interprétés par le lecteur. En fait, il apparaît que Nostradamus ne serait très probablement pas l'auteur de ces quatrains, en tant que tels même si le matériau des dits quatrains est issu de la prose de ses prédictions. Intervient ici quelque "versificateur" dont on ignore l'identité, tel assistant ou collaborateur de Michel de nostradame ou plutôt un employé du libraire (éditeur) car ces quatrains ne figurent pas dans le manuscrit conservé regroupant les brouillons de Nostradamus ayant servi pour ses almanachs, lesquels étaient parachevés en aval. par son "atelier". Sans ces premiers quatrains, il n’y aurait pas eu ceux des centuries. Au fond Nostradamus aura ainsi trouvé son Jean de La Fontaine, comme cela se produisit pour Esope. Et d'ailleurs, les Fables de La Fontaine – élaborées un siècle plus tard - constituent certainement un autre monument de la littérature française, on pourrait dire une sorte de bagage identitaire largement partagé..
A l'imitation de ces quatrains d''almanachs, vont naître d'autres quatrains, cette fois reprenant des documents épars –d’origines diverses allant du traité d’astrologie de Richard Roussat à la Guide des Chemins de France de Charles Estienne, conservés dans la bibliothèque de Nostradamus (mort en 1566), constituant un ramassis assez hétéroclite et aléatoire désigné sous le nom de centuries, terme qui ne veut rien dire d’autres que série de cent. En fait on est là face à un processus de remplissage, les quatrains constituant autant de vases à remplir, sur la base de séries de cent. Le format est ainsi fixé, il n’y a plus qu’à y verser du texte que l’on ira prendre un peu n’importe où, à commencer par les papiers en vrac laissés par Michel de nostradame dans sa bibliothèque.
Mais le format du quatrain confère son unité à l’ensemble. Les centuries constituent un moule qu’il s’agissait de remplir- on parlera de remplissage - et l’on aura fait flèche de tout bois. On connaît ce cas de figure quand il s’est agi par exemple de trouver des motifs religieux pour une série de vitraux dont le nombre est fixé par avance.
Par ailleurs, une partie des quatrains des centuries est reprise du travail d'imitateurs de Nostradamus, en tant qu'auteur présumé des quatrains de ses almanachs.
Durant la vingtaine d'années qui suivit la parution des derniers almanachs de Nostradamus, toute une série d'almanachs signés de noms divers paraîtront agrémentés de quatrains, de présages en vers dont certains se retrouveront dans certains quatrains de centuries, à partir du milieu des années 1580. On pense notamment à Antoine Crespin alias Archidamus dont l'antijudaïsme est patent et dont certains quatrains centuriques seront par voie de conséquence imprégnés.(cf notre étude "Roy de Bloys en Avignon regner" The Centuries and the Avignon context of the years 1560-1570 «  )


Cas remarquable de l'imitateur imité que l'on retrouve dans le rapport de l'anglais au français quand le français adopte des formes anglaises issues du français, notamment dans le domaine de l'informatique. (cf. supra)
Nostradamus incarne toute l'ambiguïté du personnage de l'astrologue : Nostradamus est un astrologue dont on a fait un voyant en transposant son œuvre en prose en quatrains complètement déconnectés du cadre chronologique initial. En ce sens, le prophétisme aura été en concurrence avec l'astrologie et c'est pourquoi ayant commencé nos recherches dans le champ de l'astrologie nous avons obliqué, sur le plan universitaire, vers le prophétisme moderne.
Les Centuries sont une des œuvres de langue française – et qui plus est pleinement imprégnée de l’Histoire de France –à l’instar de l’Ancien Testament imprégné de l’ Histoire des Hébreux- qui aura connu la plus grande fortune depuis le milieu du XVIe siècle, du fait du nombre d’éditions et de traductions. Il s’agit d’une des œuvres rédigées en français qui auront connu la fortune la plus remarquable mais cela ne s’est produit que dans la mesure où le signifiant aura repris ses droits sur les signifiés.
Nous avons ainsi montré que la prose astrologique de Michel de Nostradame s’était transmutée en une série d’oracles qui avaient repris, recyclé, les mots de la prose mais qui s’ouvraient à des lectures nullement envisagées par le « Mage de Salon », titre qui se substitua à celui plus juste au départ d’astrologue ou d’astrophile. Les centuries montrent à quel point le récepteur prévaut sur l’émetteur en instrumentalisant à sa guise le matériau initial et plus ce matériau est confus, plus il sera malléable.
Mais le cas Nostradamus est d’abord celui d’une extraordinaire supercherie littéraire qui n’a toujours pas été reconnue comme telle par la plupart des spécialistes de cette période. On a là un déni d’imposture.
L’historien devrait être formé aux techniques de la contrefaçon, à la détection du plagiat, à l’emprunt non avoué, méthodes qui sont souvent marquées par un déni de dette. Notre étude sur les origines du Tarot (cf. la Revue Française d’Histoire du Livre, 2015-2016) a montré que la source d’un tel ensemble de «lames » était à rechercher dans l’appareil iconographique d’un recueil français célèbre, à savoir le Calendrier et Compost des Bergers (fin XVe siècle). On a longtemps cru que le Tarot avait réuni diverses images alors qu’en réalité, il a repris une série déjà constituée, quitte à réinterpréter les dites images voire à les dénaturer.
Les deux ensembles datent d’ailleurs de la même fin de siècle et la rencontre se sera opérée lors des guerres d’Italie qui mirent les deux sociétés, les deux langues en contact tout comme le lien entre le français et l’anglo-saxon germanique avait eu lieu quatre siècles plus tôt dans le cours du XIe siècle lors de la Conquête normande. Les vignettes du Kalendrier des Bergers furent ainsi réinterprétées dans le contexte italien et furent éventuellement redessinées en n’en retenant que certains motifs et en en transposant d’autres. Dans le cas de Nostradamus, les quatrains jouent le rôle d’images qui sont décryptées à la lumière du contexte de telle ou telle époque.
Avec les Centuries, on observe que les quatrains qui sont inspirés de certaines chroniques anciennes peuvent être lues comme visant notre époque. Là encore le passé resurgit et tend à relativiser l’apport du présent en devenant en quelque sorte intemporel.
Le phénomène des Centuries est remarquable en ce qu’il est l’Histoire d’un signifiant mais chaque quatrain peut être –le cas échéant- être considéré isolément voire chaque vers, en tant que tel. Cela pose plus largement le statut du poème lequel bascule vers le signifiant en ce que le choix des mots est avant tout fonction de leur forme et de leur rapport tout aussi formel avec d’autres mots, avec notamment la règle, le principe de la rime, quand cela est respecté.
L’interprète- le commentateur- choisit parmi des centaines de quatrains, un certain quatrain pour expliquer un certain signifié. Il sera attiré par tel quatrain ou partie de quatrain et va rechercher dans sa propre mémoire ce qui justifierait son adoption. C’est probablement ainsi qu’ont procédé les grands interprètes comme le Beaunois Jean Aimé de Chavigny(dans son Janus Gallicus, 1594) ou le dominicain Jean Giffré de Réchac (dans son Éclaircissement de 1656) mais l’on peut envisager un processus inverse qui consisterait à partir du besoin d’’expliquer un événement et de chercher un quatrain qui lui ferait en quelque sorte écho. Le Janus Gallicus mélange indifféremment les quatrains des dix centuries, comme s'il s'agissait en effet d'un corpus d'un seul tenant et ce dès l'année 1594 qui est celle d'une sorte de réconciliation nationale. On y trouve également, par dessus le marché, des quatrains des almanachs dont on se demande s'ils avaient fait l'objet d'une publication dès 1589 par le même Chavigny, comme semble en témoigner un manuscrit (utilisé par Chevignard, mentionnant Grenoble comme lieu d'édition.. sous le titre Recueil des Présages Prosaïques de M. Michel de nostradame, lorsqu'il vivoit, conseiller du Roy Tres Chrestien Charles IX. Du nom (..) extrait des Commentaires d'iceluy & réduict en XII livres par Jean Aimé de Chavigny Beaunois  ». Ce volume (qui classe dans des tables les versets de façon à ce que son lecteur trouve celui qui lui convient) comporte également les quatrains des almanachs que Chavigny commente également du moins pour certains.. Ce manuscrit a pu être publié en cette même années 1589 qui correspond à l'échéance annoncée dans le Janus Gallicus (mais on n'a pas l'édition du Janus de 1589), ouvrage qui commente indistinctement les 10 centuries mais aussi les quatrains-présages des almanachs.(figurant dans le dit Recueil). En vérité, l’événement lui-même est censé avoir été annoncé, signalé au moyen de mots spécifiques et il est tentant de rechercher ces mêmes mots dans la longue série d’un millier de quatrains- il existe d’ailleurs des index voire des dictionnaires du Corpus Nostradamus pour faciliter une telle démarche. Autrement dit, le signifié est porteur de mots et en cela il devient signifiant auquel il importera de donner du sens. On retrouve le même cas de figure dans l’interprétation astrologique – on associe telle personne, tel trait de caractère donc bel et bien un mot et on va chercher dans son thème astral un synonyme qui lui fasse écho de sorte que l’on reste ainsi dans le champ du signifiant d’un bout à l’autre.
Autrement dit, contrairement à ce que l’on pourrait laisser croire, il n’est nullement nécessaire de passer par les signifiés mais l’on peut rester dans une relation entre des signifiants que l’on n’a pas à prendre la peine de définir –sinon par le biais des mots qui sont ici encore des signifiants- d’où les discours souvent tautologiques où le féminin par exemple se définit par ce que le langage associe à ce terme, d’autant que le langage est souvent le seul bagage commun à tout un groupe et donc son ciment identitaire.




Chronologie et contrefaçon
L’historien devrait être formé aux techniques de la contrefaçon, à la détection du plagiat, à l’emprunt non avoué, méthodes qui sont souvent marquées par un déni de dette. Notre étude sur les origines du Tarot (cf. la Revue Française d’Histoire du Livre, 2015-2016) a montré que la source d’un tel ensemble de «lames » était à rechercher dans l’appareil iconographique d’un recueil français célèbre, à savoir le Calendrier et Compost des Bergers (fin XVe siècle). On a longtemps cru que le Tarot avait réuni diverses images alors qu’en réalité, il a repris une série déjà constituée, quitte à réinterpréter les dites images voire à les dénaturer.
Les deux ensembles datent d’ailleurs de la même fin de siècle et la rencontre se sera opérée lors des guerres d’Italie qui mirent les deux sociétés, les deux langues en contact tout comme le lien entre le français et l’anglo-saxon germanique avait eu lieu quatre siècles plus tôt dans le cours du XIe siècle lors de la Conquête normande. Les vignettes du Kalendrier des Bergers furent ainsi réinterprétées dans le contexte italien et furent éventuellement redessinées en n’en retenant que certains motifs et en en transposant d’autres. Dans le cas de Nostradamus, les quatrains jouent le rôle d’images qui sont décryptées à la lumière du contexte de telle ou telle époque.
Avec les Centuries, on observe que les quatrains qui sont inspirés de certaines chroniques anciennes peuvent être lus comme visant notre époque. Là encore le passé resurgit et tend à relativiser l’apport du présent en devenant en quelque sorte intemporel.
Le phénomène des Centuries est remarquable en ce qu’il est l’Histoire d’un signifiant mais chaque quatrain peut être –le cas échéant- être considéré isolément voire chaque vers, en tant que tel. Cela pose plus largement le statut du poème lequel bascule vers le signifiant en ce que le choix des mots est avant tout fonction de leur forme et de leur rapport tout aussi formel avec d’autres mots, avec notamment la règle, le principe de la rime, quand cela est respecté.
L’interprète- le commentateur- choisit parmi des centaines de quatrains, un certain quatrain pour expliquer un certain signifié. Il sera attiré par un certain quatrain ou partie de quatrain et va rechercher dans sa propre mémoire ce qui justifierait son adoption. C’est probablement ainsi qu’ont procédé les grands interprètes comme le Beaunois Jean Aimé de Chavigny (dans son Janus Gallicus, 1594) ou le dominicain Jean Giffré de Réchac (dans son Éclaircissement de 1656) mais l’on peut envisager un processus inverse qui consisterait à partir du besoin d’’expliquer un événement et de chercher un quatrain qui lui ferait en quelque sorte écho. (cf. infra, notre volet sur Nostradamus)
En vérité, l’événement lui-même est censé avoir été annoncé, signalé au moyen de mots spécifiques et il est tentant de rechercher ces mêmes mots dans la longue série d’un millier de quatrains- il existe d’ailleurs des index voire des dictionnaires du Corpus Nostradamus pour faciliter une telle démarche. Autrement dit, le signifié est porteur de mots et en cela il devient signifiant auquel il importera de donner du sens. On retrouve le même cas de figure dans l’interprétation astrologique – on associe telle personne, tel trait de caractère donc bel et bien un mot et on va chercher dans son thème astral un synonyme qui lui fasse écho de sorte que l’on reste ainsi dans le champ du signifiant d’un bout à l’autre.
Autrement dit, contrairement à ce que l’on pourrait laisser croire, il n’est nullement nécessaire de passer par les signifiés mais l’on peut rester dans une relation entre des signifiants que l’on n’a pas à prendre la peine de définir –sinon par le biais des mots qui sont ici encore des signifiants- d’où les discours souvent tautologiques où le féminin par exemple se définit par ce que le langage associe à ce terme, d’autant que le langage est souvent le seul bagage commun à tout un groupe et donc son ciment identitaire.




Nous avons pu remarquer la difficulté de certains chercheurs à éviter les pièges, leur tendance à suivre des leurres, ce qui pose le problème des contrefaçons auquel tout historien est tôt ou tard confronté. C'est ainsi que certains textes ont été antidatés de façon à donner l'illusion que leur forme tardive était identique à leur forme initiale. Cela va de la lente formation du Coran aux prétendues premières éditions des Centuries de Nostradamus. On reconnaît désormais le rôle des «  farceurs  » dans toutes sortes de prétendus phénomènes extraordinaires comme certains dessins tracés dans les champs.
Le problème quant à la fabrication de faux, c’est qu’ils prennent la place de vraies éditions disparues, manquantes. C’est exactement ce qui s’est passé pour la « critique nostradamique » (sur le modèle de la critique biblique), à savoir que l’on dispose actuellement de toute une série de fausses éditions antidatées pour les années 1550-1560 et qu’il nous manque en revanche les vraies premières éditions parues dans les années 1580. . Une telle observation vaut sur les plans les plus divers : une solution de rechange fait obstacle à la recherche et à la réforme




Le problème se pose pour d’autres corpus comme celui des Centuries de Nostradamus au sein duquel cohabitent des points de vue antagonistes. Dans le cas des Prophéties de Michel de Nostradame, il est clair que les textes de départ auront été largement remaniés et retouchés par des rédacteurs au service de camps opposés, lors notamment du conflit entre la Ligue et les tenants du réformé Henri de Navarre, le futur Henri IV, couronné à Chartres en janvier 1594, ce pourquoi un quatrain aura été retouché pour faire apparaître le nom de Chartres, alors que c’est Reims qui est le lieu traditionnel du couronnement des rois de France. Bien plus, des faussaires ont antidaté les éditions pour faire croire que l’état ainsi modifié des textes était déjà établi du vivant de Nostradamus ou juste au lendemain de sa mort (éditions datées de 1568), survenue en 1566. Tout se passe comme si l’édit de Nantes de 1598 établissant une cohabitation entre catholiques et protestants avait présidé à des éditions des Centuries englobant les différents courants et il est vrai que par la suite, un tel procédé lequel n’avait certainement pas échappé aux contemporains, ne sera pas signalé par les spécialistes, au cours des siècles suivants.
Le parallèle entre nos travaux sur les Prophéties de Nostradamus et sur le Pentateuque, montre qu’au sein d’un ensemble considéré comme étant d’un seul tenant, on aura rassemblé, après coup, des textes relevant de camps opposés. Dans les Prophéties (centuries), les sept premières centuries sont introduites par une Préface à son fils César laquelle   puise largement, comme l'a noté Pierre Brind'amour, dans le Compendium du Dominicain Savonarole. alors que les trois dernières le sont par une épître adressée au roi Henri II. (mais qui renvoie nommément à l’Épître à César) «  dedans l’épître que ses ans passez ay dédiée à mon fils César Nostradamus  »), ce qui confère un air d’authenticité à cette fausse épître au Roi, calquée sur une précédente authentique. Cette Préface à César semble également avoir recyclé un texte de Nostradamus  ; Patrice Guinard (in RFHL) signale qu'un de ses 'haineux  » cite un passage que l'on retrouve dans ce texte, dans sa Déclaration ds abus, ignorances et séditions de Michel Nostradamus de Salon de Craux en Provence, Avignon,Pierre Roux, 1558. D'ailleurs, certaines éditions (1588) des Centuries donnent pour date de la pseudo Préface à César le Ier mars 1557 et non 1555 (cf Benazra, RCN,pp  ; 32 et 118)
La thèse que nous soutenons est la suivante  : le premier groupe est marqué par la Ligue, le second par les partisans du futur Henri IV  ;, ce qui la situe dans le contexte des années 1588-1594 Les faussaires n’ont pas pris garde de supprimer dans leurs éditions antidatées les éléments par trop criants. D’ailleurs, par la suite, de tels enjeux ne viendront plus à l’esprit des commentateurs, instrumentalisant les textes plutôt que cherchant à en saisir le véritable contenu.. De même, selon nous, le livre de la Genèse est du moins à partir du chapitre XI au service du royaume de Juda alors que le Livre de l’Exode sert les intérêts du royaume d’Israël, et l’on assiste là à un processus de substitution qui précède celui qui caractérisera la démarche chrétienne face à la confession mosaïque, avec le thème du «  Nouvel Israël  ». On peut d’ailleurs considérer que les autres livres du Pentateuque sont également marqués par la référence aux «  Fils d’Israël  » comme dans le Lévitique qui adopte également cette terminologie. Cela dit, les trois occurrences figurant dans la Genèse concernant Israël (une à propos de la lutte avec l’ange et les autres ( seulement à partir du chapitre 48 ) tout à la fin en rapport avec les Fils de Joseph et ceux de Jacob , faisant ainsi la connexion avec le début du Livre de l’Exode) sont certainement une retouche de circonstance au sein d’un ensemble qui reste marqué par la référence à la domination de Juda, si ce n’est le rêve de Joseph, un de ses frères, qui se voit, ses songes à l’appui, le maître de la famille, selon des termes très proches de ceux accordés par Jacob à son fils Juda (Genèse, Ch. 49). Ce sont là des pratiques de contrefaçon et de substitution auxquelles un historien des textes est accoutumé.




La métamorphose d’un médecin astrologue
Il y a le Nostradamus de la légende dorée et le Michel de Nostradame historique, comme on pourrait probablement le dire en ce qui concerne le personnage de Jésus si ce n’est qu’il s’agit là d’une période, le XVIe siècle, sensiblement plus proche de nous et d’un pays qui est censé nous être également plus familier, la France. Cela dit, force est de constater que la dimension mythique résiste singulièrement en ce qui concerne cet homme , d’ascendance juive, dont la famille s’était convertie au catholicisme, né à St Rémy de Provence en 1503 et mort à Salon de Provence en 1566. Cela tient notamment à la question du livre imprimé et à la relative facilité à fabriquer des contrefaçons et de les répandre. La constitution de bibliothèques aura permis aux faussaires de gagner en vraisemblance en se servant de documents d’époque, tant et si bien que les chercheurs actuels n’y voient souvent que du feu et se laissent berner par les procédés et les expédients des éditeurs d’il y a 400 ans..En tout cas, notre passage par ce domaine nous aura préparé pour contribuer à la critique biblique (cf supra)
Les ouvrages signés Nostradamus qui seraient les moins suspects de contrefaçons sont ceux constitués par sa production annuelle, faite de deux types de publications, d’une part les almanachs et de l’autre, les pronostications  . Les uns sont structurés sur une base mensuelle en partant de janvier, les autres sur une base saisonnière en partant du printemps. Les almanachs comportent des quatrains, un par mois, voire un pour l’année et les pronostications sont agrémentées d’une vignette en leur page de titre, ce qui n’est pas le cas des almanachs, du moins chez Nostradamus si ce n’est que de son vivant de faux almanachs circuleront sous son nom, portant une vignette calquée sur celle de ses pronostications mais tout de même assez différente quant à certains détails. Par ailleurs, Antoine du Rosne, que l'on présente comme un des premiers éditeurs des centuries (1558) se serait servi de la même vignette pour son édition de la Paraphrase de Gallien sur une exhortation de Ménodote, le nom de Nostradamus figure au titre en qualité de traducteur de latin en français.(cf Benazra, RCN, p. 25, P. Guinard  Nostradamus traducteur . Horapollon et Galien  février 2015  Books on Demands ). Nous pensons que ce texte fait partie des matériaux utilisés pour composer les quatrains et que les éditions que l'on en connaît datent de la période de production centurique donc pas avant la fin du XVIe siècle. D'ailleurs, Robert Benazra relève (RCN, op. Cit p. 26 , note 1) un tel emprunt à propos du quatrain 51 de la Ve Centurie  :


«  *la prophétie de l'escrit de la Sibylle qui n'a guières a esté trouvé en plus profonds abismes de l'Occident, proche des Colonnes d'Hercule  »»
V, 51 «  *Pour passer oultre d'Hercules la colonne  »
On rappellera qu'avec les Centuries, on a l'exemple remarquable de signifiants dotés de nouveaux signifiés et donc il importe peu que la Paraphrase n'ait pas un contenu intéressant au regard du signifié prophétique pourvu qu'elle serve à produire , in finé, du Nostradamus en recyclant son propre langage. La Paraphrase aurait, en quelque sorte, servi de manuel pour former des rédacteurs de quatrains  .
D'ailleurs, les quatrains des almanachs (appelés traditionnellement présages) sont issus de la prose des prédictions de Nostradamus résultat d' un travail consciencieux sinon besogneux, articulée sur le thème astral de chaque rencontre entre la Lune et le Soleil pour ce qui est des almanachs et selon les équinoxes et les solstices dans le cas des pronostications. On n’y trouve vraiment aucune verve prophétique ou poétique. On nous objectera que les almanachs comportent des quatrains mais il nous apparaît que Michel de Nostradame n’en était probablement pas l’auteur. Ce ne sont d’ailleurs que des versifications assez fantaisistes de ses prédictions en prose dont furent probablement chargés des assistants de l’auteur ou de l’éditeur, constituant ainsi une sorte d’atelier nostradamique. Or, l’on peut prendre connaissance du manuscrit que Nostradamus livrait à ses collaborateurs, grâce à un volume de ses différents travaux qui fut conservé dans sa bibliothèque et dont la publication avait été envisagée à l’époque sous le titre de Recueil de Présages prosaïques et on relèvera le terme «  prosaïque  » qui montre bien qu’il n’est pas question ici de versification. La comparaison entre le manuscrit et les publications imprimées qui nous sont parvenues montre que Nostradamus laissait une certaine marge à son «  atelier  ».. On pourrait parler d’une alchimie poétique  : tout se passe en effet comme si la transmutation de la prose en vers correspondait au passage du plomb en or.


L’émergence des Centuries
Quand apparaissent ce qu’on appelle habituellement les Centuries, terme qui est purement technique (groupe de cent, comme le mot Bible, d’ailleurs, qui ne signifie que livre)  et sous quel titre  ? Deux pistes  : Grandes et Merveilleuses Prédictions ou bien Prophéties, si l’on s’en tient à l’étude des éditions parues à la fin des années 1580 et qui ont été conservées ou dont on a une reproduction en fac simile (cf le Répertoire Chronologique Nostradamique de Robert Benazra, Paris, préface J. Céard, La Maisnie-Grande Conjonction, 1990). Un autre corpus existe, celui d’éditions imprimées datées des années 1555, 1557, 1568 et dont nous pensons qu’il s’agit ni plus ni moins que de contrefaçons calquées sur les éditions des années 1580 et suivantes. La grande astuce des faussaires aura été de produire une succession d’éditions, à quatre, puis à sept puis à dix centuries pour faire plus vrai  , sur le modèle de la succession d’éditions des dites années 1580 au lieu de se contenter de produire une seule et unique édition «  complète  » sur la base de l’édition la plus «  complète  » ou «  complétée  ». Il aura suffi pour y parvenir de se servir de la production de certains libraires lyonnais tels que Macé Bonhomme ou Antoine du Rosne dont on disposait de certains ouvrages, créant ainsi de toute pièces un ensemble lyonnais parfaitement fictif puisque les premières éditions des années 1588-90 siècle ne concerneront jamais Lyon mais Rouen et Paris ou encore Anvers et Cahors. Il faut attendre 1594 pour que la production centurique lyonnaise soit attestée et c’est probablement justement dans le milieu lyonnais et à cette époque que les contrefaçons s’élaboreront.
L’étude des éditions successives des Centuries entre 1588 et 1594 est passionnante en ce que l’on voit l’œuvre se constituer sous nos yeux, par étapes successives, les faussaires n’ayant conservé qu’une partie de ce processus éditorial, ce qui se conçoit, produisant ainsi une cote mal taillée mais suffisamment impressionnante pour des esprits point trop exigeants.
Nous procéderons par étapes et approches successives en commençant par cette première description «  classique  » s’offrant au vu des bibliographies sous la forme de 3 stades successifs  :
I stade à 4 centuries
Si l’on compare l’édition à 4 Centuries de 1588 et sa contrefaçon de 1555, l’on observe les points suivants  : le titre Grandes et Merveilleuses Prédictions en 4 centuries est devenu simplement Prophéties, sans indication de contenu, ce qui permettait d’utiliser la même présentation pour 7 centuries. Pat ailleurs, l’édito de 1588 ne numérotait pas les quatrains à la différence de l’édition Macé Bonhomme 1555
II stade à 7 centuries
Ce stade est le plus complexe car il comporte lui-même plusieurs strates.
Le passage de 4 à 7 centuries impliquait de «  compléter  » la centurie IV qui ne comportait que 53 quatrains. D’une édition à l’autre, le nombre de quatrains augmentait. Il semble que l’on ait eu une édition à 6 centuries «  pleines  » puis des éditions comportant une septième centurie, avec un nombre de quatrains variable. D’où deux fausses éditions datées de 1557 à partir d’éditions différentes.
III stade à 10 centuries (contrefaçon 1568)
Ce stade ne se limite pas aux éditions ligueuses à 7 centuries des années 1580 mais englobe en un second volet des centuries numérotées de VIII à X, ce qui relève de la décennie 1590, lesquelles centuries semblent bien avoir été produites par le camp protestant. A partir de 1594 et du couronnement d’Henri IV, les deux registres purent paraître conjointement du fait de la fin des conflits et des zones d’influence respective mais la trace des origines différentes sera maintenue avec une division en deux volumes, le premier introduit par une Préface à César,, telle que figurant dans les éditions de la Ligue et le second par une Épître à Henri Second (IIe du nom) , recourant en fait à une vraie épître de Nostradamus en date de 1556 et non comme la «  nouvelle  »- c’est à dire la fausse- de 1558. Ces introductions, on l’aura compris, étaient cette fois en prose.
Les faussaires commirent une bévue avec ces éditions de 1568 en omettant de préciser qu’à cette date Nostradamus était décédé. Ils s’étaient vraisemblablement inspirés d’une certaine production posthume authentique laquelle soulignait pourtant bel et bien la mort de l’auteur. C’est parfois l’absence d’un élément qui trahit la contrefaçon.
Le fait que l'édition posthume soit à 10 centuries nous conduit à penser qu'elle fut produite par le parti protestant ou en tout cas à un stade assez tardif. Rappelons que sous la Ligue, seules parurent les sept premières centuries, ce qui conduit certains nostradamologues à affirmer que les Centuries VIII-X avaient été évacuées sous la Ligue, puisque parues dès 1568. Or, il s'agit en tout état de cause d'une édition antidatée de plus de plus de 20 ans.
Dans un premier temps, il semble donc que les faussaires aient voulu présenter les premiers lots de centuries comme étant parus au lendemain de la mort de Nostradamus, ce qui correspond bien à la date de 1568 utilisée pour les éditions à 10 centuries, à deux épîtres. Cela n’aurait été que par la suite, que l’idée de produire des éditions censées parues du vivant du dit Nostradamus aurait émergé, ce qui signifie que la première fausse édition serait celle datée de 1568. Cette édition posthume faisait sens puisqu’à la mort de Nostradamus, on avait pu récupérer divers manuscrits inédits, conservés dans la bibliothèque qu’il avait constituée et dont d’ailleurs il traite dans son Testament. (cf D. Ruzo, le Testament de Nostradamus, Ed du Rocher, Monaco, 1982 El testamento auténtico de Nostradamus, 1975)
On se mit donc à produire des éditions datées du vivant de Nostradamus, 1555 et 1557 et cette fois, on prenait des risques puisque Nostradamus ne fait aucunement référence à ces éditions dans son œuvre de l’époque. Il est clair que le recours à des quatrains, pour les centuries, s’inspirait du fait que les almanachs de Nostradamus en comportaient.
Ces quatrains mensuels seront d’ailleurs repris en appendice de certaines éditions à 10 centuries sous le nom de «  présages  », lesquels seront d’ailleurs englobés pour certains d’entre eux, dans le premier grand commentaire des centuries -avec traduction latine- dû à Jean Aimé de Chavigny, sous le nom de Janus Galicus, Lyon, 1594., lequel annonce la fin des Valois dans son titre intérieur se référant à 1589 (date de l'assassinat d'Henri III, et en son titre extérieur, correspondant, selon nous, à une nouvelle mouture, -laquelle en notre possession à l'avènement à la Couronne de France d'un Roy qui ne peut être ici qu'un 'Henri IV fraichement couronné.
Toutes proportions gardées, l'on peut ainsi se demander si le corpus, le canon constituant les Centuries ne serait pas un équivalent pour les Français de ce qu'est l'Ancien Testament pour les Juifs. Ce qui est incontestable, c'est la fortune tout à fait extraordinaire de ce monument versifié sous forme de quatrains (et accessoirement de sixains) que sont les Centuries de par le monde, depuis plus de 4 siècles. Un tel ouvrage a été traduit et commenté dans un très grand nombre de langues, même s'il est recommandé d'avoir accès à l'original français. En raison de la proximité relative, dans le temps, des Centuries, nous devrions, en principe, mieux en appréhender la genèse que pour la “Bible” et notamment les sources. Il n'en reste pas moins que l'exercice est loin d'être aisé, ce qui fait que la critique “nostradamique” n'a rien à envier à la critique “biblique” quant à la difficulté de sa mise en œuvre.
Il convient d'abandonner la thèse selon laquelle Michel de Nostradame serait le seul et unique artisan des Centuries, tout en rappelant que le corpus nostradamique ne se limite nullement aux dites Centuries. En fait, ce qui serait vraiment de Nostradamus, stricto sensu, ne serait que très peu représenté dans les dites Centuries et ne relèverait pas d'un ensemble versifié mais bien de publications en prose. Tout comme la Bible, les Centuries sont assurément une œuvre collective, s'étalant dans le temps, bien après la mort de Michel de nostradame. La comparaison entre le corpus biblique et le corpus nostradamique nous semble heureuse épistémologiquement en ce que des problématiques assez proches peuvent ainsi apparaître, venant ce faisan valider une certaine méthodologie. On est ainsi dans le champ d'une exégétique comparée. A terme, le calcul des faussaires de la fin du XVIe siècle aura probablement tablé sur la disparition des documents permettant des recoupements mais cela n’aura pas été le cas du fait même de l’engouement pour les Centuries, lequel aura suscité des vocations de conservation pour tout ce qui touchait de près ou de loin à Nostradamus, fournissant ainsi, involontairement, le matériau permettant de dénoncer les contrefaçons  !
Donc, à un certain stade, il fut décidé de produire des éditions qui ne seraient pas des faux posthumes, comme pour la première vague de contrefaçons (1568-1572) mais carrément datées du vivant de Nostradamus, ce qui aboutirait inévitablement à la coexistence entre ces deux productions. Au final, l’effet sera positif, puisque l’on disposera ainsi à la fois d’éditions du vivant et d’éditions posthumes  ! Comment argueront les avocats de ces faussaires, aurait-on pu produire autant de faux  ? Tout se passe comme si les libraires avaient pris un malin plaisir à reconstituer le passé, avec le plus de vraisemblance dans les détails, à la façon dont on le fait au théâtre et au cinéma. Bien entendu, ces faux seraient calqués sur les éditions parues sous la Ligue et au-delà et dans certains cas, on ne dispose pas des «  originaux  » mais seulement des «  copies  » tant et si bien qu’il convient de regrouper l’ensemble des vraies et des fausses éditions pour reconstituer la production de la fin du XVIe siècle.
Vu que Nostradamus avait publié de son vivant divers ouvrages dont certains avec quatrains (pas ceux des Centuries!)  ;l’entreprise a pu paraître jouable si ce n’est que l’on prit pour modèle de faux almanachs comme l’Almanach pour 1563 composé par M. Michel Nostradamus,docteur en Médecine de Salon de Craux en Provence, Paris, Barbe Regnault, .(cf Benazra RCN pp. 58-59) en reprenant leurs vignettes pour illustrer les fausses éditions des Centuries datées de 1555 et 1557  . Cet almanach semble avoir été calqué dans sa présentation (pas dans son contenu) sur l’almanach nouveau pour l’an 1562 «  composé par Maistre Michel Nostradamus, Docteur en médecine de Salon de Craux en Provence  » (Paris, Guillaume Le Noir) Dans les deux cas, un quatrain est placé en exergue sur la page de titre.






Les «  Praedictions  » de Nostradamus


Certains textes imprimés de Nostradamus ne nous sont parvenus qu'en manuscrit, c'est le cas de celui intitulé Les Praedictions de l'almanach de l'an 1562, 1563 et 1564 par M. Michel de nostre dame, qui astreint été publiés par Nostradamus lui-même, à Salon le 20 avril 1561  :! Il en aurait donc l'auteur mais aussi l'éditeur, et ces «  Prédictions  » viendraient ainsi compléter sa production d'almanachs et de pronostications  ; laquelle passait par des éditeurs ayant pignon sur rue  :. «  Faciebat M. Nimbostratus, Salonae Petrae Provinciae, XX Aprilis 1561  ».. Et dans cet ouvrage, Nostradamus montre un autre visage, sensiblement plus prophétique et somme toute plus en phase avec la production centurique qui lui sera attribuée. On retrouve la mention «  faciebat M. (ou Michael) Nostradamus Salonae etc à la fin de l’épître à Antoine de Bourbon (le père d'Henri IV) ouvrant la Grande Pronostication pour l'an 1557 bien que le nom d'un libraire y soit mentionné au titre, à savoir Jacques Kerver, à Paris. En revanche , une telle mention ne figure pas à la fin de la vraie Épître à Henri II de 1556 alors qu'on la trouve à la fin de la fausse Épître à Henri II, datée de 1558 mais sous une forme tronquée «  Faciebat Michael Nostradamus Salonae Petrae Provinciae, sans mention de date, ce qui montre bien que le modèle est une publication dont Nostradamus était l'agent, l'opérateur et pas seulement l'auteur.. En revanche, on trouve une pitre datée de 1558 comme la seconde épître à Henri II, elle est adressée à Jacob Marrasala et se termine ainsi : "De Salon ce 14. d'Aoust 1558. Faciebat Michaël Nostradamus Salonae petreae provinciae, 1558 pro anno 1559. & 1560." introduisant les Significations de l'Eclipse qui sera le 16 septembre 1559 etc (Paris chez Guillaume Le Noir). On voit que le faciebat tronqué de la fausse épître à Henri II datée du 27 juin 1558 est inspiré de la dite épître du mois d’août de cette même année 1558. Encore un exemple, probablement, d'un ouvrage d'abord produit par les soins de Nostradamus et reprise par un libraire parisien comme c’est aussi le cas de l’almanach pour 1563, Avignon, Pierre Roux (cf Benazra, Répertoire chronologique nostradamique, op. Cit, p. 58), il comporte également une telle mention «  Faciebat M  . Nostradamus, Salonae Petrae Provinciae, die 7 Maii 1562, pro anno 1563  . Impressum Avenioni cum licentia magnificorum dominorum superiorum  » Nous pensons donc que là encore, on aurait affaire à une formule de coédition, Nostradamus fournissant à un libraire un ouvrage déjà imprimé, à l’instar d’un producteur livrant à une chaîne de télévision un «objet  » prêt à la diffusion. La formule «  faciebat  » ne vise pas Nostradamus en tant qu’auteur mais en tant qu’éditeur en liaison avec un imprimeur à l’instar de ces cinéastes qui produisent également leurs films.
Rappelons que les premières éditions des centuries semblent avoir eu pour titre «  Les Grandes et merveilleuses Prédictions de M. Michel Nostradamus  » (cf Benazra, RCN pp. 122 et seq) avant de prendre le titre de Prophéties, nom qui sera utilisée pour les éditions antidatées aux années 1560-1570. D'ailleurs, dans la fausse Préface à César, s'il est fait référence plus ou moins directement à des «  sentences obscures  » que sont les quatrains, on fait dire à Nostradamus qu'il n'est pas prophète  : -” Encores mon filz, que i’aye inséré le nom de prophète, ie ne me veulx attribuer tiltre de si haute sublimité pour le temps présent : car qui Propheta dicitur hodie, olim vocabatur videns; car prophète proprement, mon filz, est celuy qui voit choses loingtaines de la cognoissance naturelle de toute créature. Et cas advenant que le prophète moyennant la parfaite lumière de la prophétie lui apaitre manifestement des choses divines, comme humaines que ne ce peult fayre, vu les effects de la future prédiction s’estendant au loing. “ Il nous semble donc assez improbable qu'un tel texte ait pu ouvrir un ouvrage intitulé “Prophéties” comme le laisseraient croire les éditions antidatées 1555 et 1557. On s''en tiendra plutôt à Grandes et Merveilleuses Prédictions comme intitulé de la première mouture de la présentation de ce faux et ce pas avant le milieu des années 1580., soit une quinzaine d'années après la mort de l'auteur. Il reste que l'absence de mention de la mort de Nostradamus dans ces diverses éditions des dites années 1580 plaide en faveur d'éditions censées parues de son vivant dont elles ne sauraient que la reproduction – ce qui ne signifie pas que l'on ait immédiatement pris la peine d'en fabriquer d'époque. Rappelons que l'édition d'Anvers 1590 mentionne en son colophon une édition de 1555, soit l'année même de la prétendue Préface à César.
Or, il est admis qu'une partie de la Préface comporte un plagiat assez grossier du Compendium de Savonarole. Guinaerd écrit à ce sujet (Nostradamus occultiste, op. Cit., p  248) ;"l'hostilité  de Savonarole   envers l’astrologie (.;) dans son Compendium n’empêche pas Nostradamus de  continuer à suivre son discours, moyennant quelques aménagements;  Il suffit de rectifier les affirmations erronées du florentin tout en reprenant ses termes". Il nous semble que de tels procédés sont le propre de faussaires, à l'instar de la fabrication des Protocoles des Sages de Sion (cf le sionisme et ses avatars, op. Cit.)
Nostradamus et l'Antéchrist
Nostradamus s'était fait connaître,, on a vu, de son vivant pour ses Prédictions, parues séparément et qu'il commercialisait lui-même, ce point semble avoir échappé jusque là aux chercheurs, d'où le hiatus entre un Nostradamus besogneux commentateur de thèmes soli-lunaires et les «  centuries. Le chaînon manquant, ce sont les Praedictions, lesquelles d'ailleurs seront reprises, dans certains quatrains comme on peut l’observer ci après  :
. Et ne veux rien en mettre de l’an 1567 que dans le mois d’Avril naistra un (sic) de quelque grand Roy et monarque, qui fera sa fin cruelle et sanguinolente mais la ruine de son règne oncques ne fut pire ne plus sanguinaire. On le nommera MARCELLINUS mais on lui ostera de son nom l’R.’ »
Si on enlève, le R de Marcellinus, on arrive à macellinus, ce qui nous renvoie à « macelin », boucher, Ce qui est à rapprocher du quatrain VIII 76 : En latin, le macellum est le « marché aux viandes » Le quatrain ne restitue pas le jeu de mots et ne fait sens que par référence au texte en prose.

« Plus macelin que roi en Angleterre
Lieu obscur nay par force aura l’empire
Lasche sans foy, sans loy saignera terre
Son temps s’approche si pres que je
Selon nous, Nostradamus s'intéressait à l'Antéchrist et le voyait naître en 1567. Or, dans la seconde Épître à Henri II, il est fortement question de l'Antéchrist tant et si bien que même si c'est un faux,(daté de 1558) cela peut parfaitement, néanmoins, avoir repris des éléments dont Nostradamus serait l'auteur, notamment au sein de ce genre méconnu de la production nostradamique que sont les Prédictions.
«  Puis le grand empire de l'Antéchrist etc  »
Ce thème était cher aux Protestants qui voyaient l'Antéchrist dans le pape de Rome et on ne sera donc pas surpris de le voir figurer dans l’épite ouvrant le second volet des Centuries dont nous avons dit qu'il avait été instrumentalisé par les dits Protestants.
On notera que le «  charme  » des quatrains, c’est qu’ils évacuent dans bien des cas les données chronologiques rapidement devenues obsolètes, ce qui permet de relier ceux-ci à d’autres échéances, au choix de l’interprète.


Critique et apologétique nostradamiques


Le milieu des historiens de la Renaissance est divisé, clivé, par le dossier Nostradamus. Dans les deux cas, force est de constater que l’affaire est complexe/ Les critiques se voient traiter de complotistes qui imaginent tout une «  mafia  » de libraires produisant toute une «  collection  » de faux pour brouiller les pistes / Quant aux avocats de la «  doxa  » nostradamique, ils sont obligés de supposer que les premières éditions se seraient terriblement dégradées et décomposées entre les années 1550-1560 et les années 1580-1590.  ; ils nous parlent de «  quatrains manquants  » en se référant à un état initial dont on peut sérieusement douter de l’existence.
On a donc le choix, encore actuellement, entre deux thèses, celle d’un chantier qui s’ouvre au milieu des années 1580 , fortement marqué par la question de la succession dynastique qui se résout peu ou prou avec le couronnement d’Henri IV en la cathédrale de Chartres (et non comme la coutume l’aurait voulu celle de Reims, rituel auquel pourtant s’était plié un Charles VII, en pleine Guerre de Cent ans ou bien celle d’un âge d’or du centurisme dans les années 1550-1560 avec la parution de 10 centuries et qui aurait connu une crise sévère sous la Ligue. Ce qui est patent, c’est que l’on assiste à une surenchère de centuries et de quatrains, d’où une profusion d’éditions qui égare les bibliographes, écartelés entre fausses éditions et centuries faussement attribués à Nostradamus quand les deux phénomènes ne se présentent pas conjointement.
Il vaut la peine de mentionner un tel discours car il résonne quelque part avec le débat autour de la critique biblique.
Patrice Guinard écrit ainsi à propos d’une édition «  défectueuse  » daté de 1588 : «  il n'y a aucune raison de penser que cette édition ait pu censurer des quatrains ou des vers en apparence favorables aux ligueurs et hostiles à Henry IV dans le contexte politique des années 88-93 : "Par conflit roy, regne abandonera"  (IV-45a) ou "Garde toy Tours de ta proche ruine" (IV-46b). Les quatre quatrains manquants ont été écartés pour des raisons de mise en page (32 ff.), car il sont reproduits dans l'édition de 1589. Ce fait prouve qu'on n'attachait pas une si grande importance à ces vers, ni en particulier au quatrain IV 46, ou en tout cas qu'on était loin de les interpréter à la lumière du contexte politique de la fin des années 80, contrairement aux affirmations de certains spéculateurs, puisqu'un éditeur rouennais, en principe favorable à la Ligue, n'hésite pas à les supprimer de son édition, à moins d'admettre que l'édition rouennaise se soit appliquée à reproduire exactement le texte Roux de la fin des années 50. La suppression de quatre quatrains afin de respecter la mise en page, est une nouvelle preuve en faveur de l'authenticité de l'édition Bonhomme de 1555, comprenant 353 quatrains”
Pour nous, au contraire, le passage de 349 à 353 quatrains (attesté par les éditions plus «  complètes  » comme celle à laquelle correspond l'édition antidatée Macé Bonhomme 1555 à 53 quatrains à la centurie IV, ferait donc suite à la parution de l'édition à 349 quatrains et correspondrait aux événements de la fin 1588. On voit donc que Macé Bonhomme 1555 ne saurait être considérée comme le premier état d'élaboration centurique pas plus d'ailleurs que les éditions Antoine du Rosne 1557 ne sauraient correspondre au premier état des éditions à 7 centuries puisque la centurie VII de l’édition Anvers 1590 n'est qu'à 35 quatrains et non à 40 et 42 comme dans les dites éditions de 1557. Nous ne suivrons donc pas Benazra (RCN, p.p 126 et seq) quand il écrit que l'édition de Cahors 1590 à 10 centuries «  reproduit les éditions de Benoist Rigaud  » (1568). Elle en serait bien plutôt le prototype  dont émaneraient les diverses éditions antidatées 1555, 1557, 1568, occultant l'élaboration des années précédentes lesquelles ne cachaient nullement la marque des additions successives, ce dont rendent d’ailleurs compte leurs intitulés..
On note d'ailleurs que le titre de l'édition 1590 est tronqué.
1590 «  dont il y en a trois cens qui n'ont encores jamais esté imprimées. Adioustées de nouveau par le dict Auteur...1589 (Paris, Charles Roger  : «  dont il y en a trois cens qui n'ont encores été imprimées lesquelles sont en cette présente édition  ; Revues & additionnées par l'Autheur pour l'an mil cinq cens soixante & un de trente neuf articles à la dernière centurie  »
Quid des éditions 1557 et 1568  ?  »
Antoine du Rosne 1557  : à 7 centuries  : «  Dont il en y a (sic) trois cens qui n'ont encores jamais esté imprimées  »
On notera que nous disposons de deux éditions datées de la même année et pourtant offrant de sensibles différences au titre. L'exemplaire de la bibliothèque de Budapest est plus récent que celui de la bibliothèque d'Utrecht, en ce qu'il comporte un millésime en chiffres arabes et non en chiffres romains. Or l'édition Macé Bonhomme 1555 est aussi avec un millésime en chiffres romains. Par ailleurs, la vignette de l'exemplaire de Budapest diffère en ce que le personnage assis est placé à droite dans l'exemplaire de Budapest (en fait en position inverse mais l'image est tronquée) et à gauche dans celui d'Utrecht, dont là encore la vignette est semblable à celle de Macé Bonhomme. Voilà qui montre, si c’était encore nécessaire le caractère fort aléatoire des mention des date édition  ! L'édition Utrecht comporte la même page de titre que le premier volet de Benoist Rigaud 1568 (cf infra) à 7 centuries alors que celle de Budapest a une page de titre d'une édition à seulement 6 centuries mais avec un contenu de 7 centuries.
Benoist Rigaud 1568  premier volet à 7 centuries  :  » Dont il y en a trois cens qui n'ont encores jamais esté imprimées. Adioustées de nouveau par le dict Autheur  ». Cette fois, le titre indique bien une nouvelle addition si ce n'est que la formule est tronquée car le titre original précise qu'on a ajouté 39 articles à la Vie centurie qui aurait du rester la dernière. On peut dire que Antoine du Rosne 1557 Utrecht a servi pour le premier volet Rigaud 1568 à moins que cela n'ait été l'inverse. On notera que l'édition la plus tardive (Budapest) comporte 40 quatrains à la septième centurie, soit deux de moins que la précédente (Utrecht).  ; ce qui montre que le processus n'est pas nécessairement additionnel mais que des quatrains peuvent être éliminés en cours de route. Or, les éditions 1568 sont à 42 quatrains à la VII.(cf Benazra, RCN, p. 85)
Force est de constater qu'il nous manque un certain nombre d'éditions  : on n'a pas conservé une seule édition à 6 centuries, ni au regard des contrefaçons ni à celui des éditions parues sous la Ligue. On ne dispose que de la page de titre de cette édition qui a été conservée par l  'édition antidatée conservée à la Bibliothèque de Budapest.(mais cela ne correspond pas à son contenu, lequel comporte une centurie VII!). Ces éditions 1557 correspondent par leur contenu mais non par leur titre lequel est tronqué aux intitulés des édifiions parisiennes qui elles ont le «  bon  » titre mais pas le «  bon  » contenu  ! Quant à la toute première édition des centuries, son titre devait être celui de l'édition rouennaise Petit Val et son contenu toutefois passé de 349 à 353 quatrains dans l'édition Macé Bonnhomme 1555 mais non en son titre lequel ne signale aucun contenu précis: Les Prophéties de M. Michel Nostradamus. Un point c'est tout  !.


Le second volet se présente ainsi «Les Prophéties de M. Michel Nostradamus Centuries VIII. IX. X (lire huitième, neuvième, dixième).  qui n'ont encores iamais esté imprimée  »,. Cette fois, on ne dispose d'aucun état intermédiaire permettant de suivre la genèse de cet ensemble, ce qui est assez surprenant au vu de ce que nous savons pour le premier volet  à moins de supposer que l'on ait préféré ouvrir un troisième volet que d' ajouter une centuries. D'ailleurs, les sixains seront souvent qualifiés de Centurie XI.e., à partir de 1605., ce qui ne devait donc pas avoir plus de 10 ans de décalage avec la première édition des Centuries VIII-X. Notons que la Centurie XI ne relève pas d'un volet à part du deuxième en ce qu'elle ne dispose d'une page de titre distincte avec mention de libraire et de date  ; Elle n'est qu'un appendice de la centurie X.même pas mentionné au titre du second volet et ce même si elle dispose d'une épître introductive propre dédiée à Henri IV, le roi régnant.
.. . On notera qu'il n'existe pas chez Benoist Rigaud 1568 de titre englobant les deux volets, ce qui n'est pas non plus le cas de Cahors 1590 dont elle est issue. Il faudra attendre 1605 pour que se constitue une page de titre se limitant à dire «  Les Prophéties de M. Michel Nostradamus Revues & corrigées sur la copie imprimée à Lyon par Benoist Rigaud 1568. Mais on connaît des éditions datées de 1611 , troyennes, qui reprennent la présentation en 2 volumes sur le modèle Cahors 1590. Les éditions troyennes se distingueront ainsi pat leu r titre distinct de Cahors 1590 (cf Benazra, RCN, pp. 191 et seq) En fait, ce n'est qu' à partir de la période de la Fronde que le schéma de Cahors 1590 sera en partie remplacé par un nouveau titre  : Les Vrayes Centuries de M° Michel Nostradamus (..) Revues & corrigées suyvant les premières éditions imprimées en Avignon en l'an 1556 (Sic) & à Lyon en l'an 1558 avec la vie de l'autheur  »  ; deux dates ne correspondant d'ailleurs à aucune édition conservée. En fait, on retrouvera l'intitulé Cahors au XVIIIe siècle avec les fausses éditions datées de 1566.(cf Benazra, RCN pp  ; 297 et seq., attribuées à Pierre Rigaud, fils de Benoist Rigaud  «'les prophéties de M. Michel Nostradamus dont il y en a trois cens qui n'ont jamais été imprimées. Ajoutées de nouveau par l'Auteur.   imprimées par les soins du Fr. Jean Vallier du Couvent de Salon des mineurs conventuels de Saint François  ». La dite édition est généralement consifée comme une édition antidatée, statur refusé pour les autres éditions des décennies 1550-1560. Cela tient notamment au fait que Pierre Rigaud n'exerçait pas encore en 1566. Mais en 1863, l'abbé Henti Torné-Chavigny s'appuiera sur la dite édition Pietrte Rigaud 1566. (cf RCN pp 410 et seq), en réalité produite à Avignon durant le Sècle des Lumières. Malheureusement, le rejet de cette édition antidatée ne débouche toujours pas en ce début de XXIe siècle sur la disqualification des éditions 1555, 1557 1568 et plus largement sur l'idée que ces centuries ne sont pas dues à Nostradamus, du moins en tant qu'ensemble de quatrains. Pareillement, si les sixains sont rejetés du fait que ce sont des sixains et non des quatrains, en revanche, l  idée de quatrains centuriques qui ne seraient pas de Nostradamus reste insupportable aux yeux de la communauté des nostradamistes pour laquelle tous les expédients sont bons pour «  sauver  » la renommée du prophète. Or, pour nous, il s'agit bien là d'une bulle.
Il est clair que l'édition 1568 est moins tronquée en son titre que l'édition 1557, ce qui nous conduit à dire qu'elle est postérieure, en dépit des dates indiquées sur la page de titre puisqu'elle ne comporte même pas la mention «  Adioustées de nouveau par le dict Autheur  » alors même que cette addition s'y trouve bel et bien, à 40 et 42 quatrains à la VIIe centurie, ce qui fait écho aux 39 quatrains signalés comme une addition au titre des éditions parisiennes de 1588 et 1589., encore que le contenu des dites éditions ne corresponde pas à leur titre (cf infra), la «  dernière centurie  » (en l’occurrence la VIIe, avant que ne vienne s’adjoindre un nouveau volet) de trois centuries) ne disposant pas de 39 quatrains...
Le corpus des éditions ligueuses est en vérité doublement gênant pour les tenants d’éditions parues du vivant de Nostradamus  : d'une part en raison des recoupements entre quatrains et contexte ligueur et notamment du fait que le second volet semble bien fortement lié au camp d'Henri de Navarre face au camp de la Ligue parisienne et guisarde mais aussi parce que les éditions qui paraissent dans les années 1588-89 donnent le sentiment d'un travail en cours (work in progress)
Pour pallier l'argument selon lequel c'est bien sous la Ligue que les Centuries auraient peu à peu pris forme et généré dans la foulée, des éditions antidatées – c'est la thèse «  halbronienne  »-, un Patrice Guinard en arrivera à soutenir que Nostradamus avait dès le départ programmé une telle parution échelonnée des éditions de ses Prophéties avec notamment trois stades 1555, (à 4 centuries) 1557 (à 7 centuries) et 1558 (à 10 centuries), que rien de tout cela n'était donc du au hasard. des événements (cf Nostradamus occultiste, op. Cit). Il reste que pendant la période 1588-&589, on n'a pas trace d'une édition à 10 centuries alors même qu’existerait depuis 1568, une telle édition (Benoist Rigaud, Lyon.) ce que nous expliquons en disant que ces 3 dernières centuries ne furent composées que sous la Ligue,et plus précisément à la fin et au lendemain du règne d'Henri III, soit la période qui regroupe précisément un grand nombre d'éditions centuriques..
En ce qui concerne cette édition qui est la seule à mentionne le nombre de 4 centuries en son titre (ce qui ne sera pas le cas de Macé Bonhomme 1555) notre argument obéit à une autre logique: nous avons affaire avec la seule édition ligueuse connue à 4 centuries – toutes les autres étant à sept centuries- (avec un stade intermédiaire probable à six centuries) à un premier “jet” ne comportant que 349 quatrains à la Ive et dernière (à ce stade) centurie. Ensuite, d’autres quatrains sont ajoutés à la dite centurie dans les éditions à sept centuries qui produisent cette fois une centurie iV “complète”.à 100 quatrains. .
Daniel Ruzo qui est le seul à notre connaissance à avoir eu cette édition à 4 centuries sous les yeux et l’on se perd en conjectures quant à la disparition depuis sa mort de la dite édition (y compris en reproduction, hormis la page de titre déjà reproduite en 1975) présente les choses de façon quelque peui biaisée: (Testament de Nostradamus, p. 358) :”Il manque (sic) les quatrains 44,45, 46 et 47 de la Centurie iV qui se termine par le quatrain 53. Cette édition comporte seulement (sic) 349 quatrains”/ Le lecteur pourrait croire que le dernier quatrain est numéroté “53” alors que les 349 quatrains se succèdent d’un seul tenant, sans qu’il y ait trace d’un quatrain expressément qualifié de 353e.
Voyons comment Robert Benazra décrit, à sa façon, les éditons des années 1580 :( RCN pp 118 et seq): mais cette fois, on s’arrêtera sur le sort de la Centurie VII laquelle n’est pas sans offrir des similitudes avec celui de la Centurie iV, puisque la VIIe Centurie ne comportera pas plus d’une quarantaine de quatrains, mais selon un processus là encore progressif, d’aucuns diront régressif: Ainsi, les bibliographies nostradamiques de Chomarat, Ruzo ou Benazra sont-elles encombrées d’éditions supposées ou contrefaite pour les années 1550!
Ci –dessous un commentaire de Ruzo  repris par Benazra  :
Grandes et Merveilleuses Prédictions, Anvers1590  :
VII 1-35 : il manque (sic) les quatrains 3, 4, 8, 20 et 22 de la centurie VII de sorte que le quatrain numéroté 35 correspond ainsi qu’ n°40 (qui est le nombre de l’édition de 1557
Quant à la sixième centurie, elle est peut être encore plus problématique puisque les éditions des années 1588-1589 ne fournissent que 74 quatrains alors que l’édition Anvers 1590 la donne “complète” (à un quatrain près), ce qui signifie pour les tenants des éditions centuriques des années 1550, qu’à la fin des années 80, on n’aura pas souhaité reproduite la totalité des quatrains de la dite Vie Centurie. Dans l’édition de Rouen 1589, on a 96 quatrains à la Vie Centurie et donc 99 dans l’édition d’Anvers. C’est le retour des quatrains disparus!
Pour le second volet des Centuries, nous ne disposons malheureusement pas d’un tel corpus et on ne les connaît en vérité que sous une seule et unique mouture si ce n’est que l’on dispose du modèle dont on s’est servi pour composer l’Épître à Henri II datée de 1558 et non plus de 1556. Signalons d’ailleurs que la date de rédaction de la Préface à César a changé en cours de route et là encore, l’on peut se demander dans quel sens cela s’est opéré:
1555: Ier mars 1555
1588 Paris, Ier mars 1557
1588 Rouen 4 Centuries, 22 juin 1555
1590 Anvers 7 centuries 22 juin 1555
C’est la forme «  1555  » qui l’aura emporté sur la forme «  1557’. Or, selon nous, les éditions parisiennes correspondent, du moins sur certains points, à un état antérieur.On serait donc passé de 1557 à 1555,date qui aurait été adoptée pour les contrefaçons antidatées.








Toute recherche débouche à un certain stade sur des chaînons manquants car il est dans l’ordre des choses qu’il y ait de la perte mais aussi de l’ajout, lequel tend à compenser la perte. Les vraies prvi pour leremières éditions des Centuries ne nous sont pas parvenues sous leur forme originale, première. On ne les connaît que par des biais, par des traces. On peut avant tout affirmer leur absence puisqu’il faut bien une source aux éléments dont nous disposons. Ces éditions «  X  » qu’il faut dater autour de 1588-1589-1590 auront généré d’abord ce qui ressort des éditions parisiennes portant ces mêmes dates puis, dans un deuxiéme temps les éditions de Rouen et d’Anvers, également porteuses des mêmes dates et dans un troisiéme temps le premier volet de l’édition de Cahors 1590. Quant aux éditions Benoit Rigaud 1568, en dehors de la division en 2 volets et en 2 épitres, si le titre du second volet comporte bien l'annonce de deux additions l'une qui ne peut que concerner le passage de 4 à 6 centuties «  'dont il y en aé 300 qui n'ont encores jamais esté imprimées  » ainsi qu'une adddition correspondant à la centurie VI, ce qui donne la VIIe centurie «  Adioustées de nouveau par ledict Autheur  », titre au demeurant tronqué et que l'on peut restituer grâce aux éditions parisiennes  : «  Revues & additionnées par l'Autheur pour l'an 1561 de 39 articles à la dernière centurie  ». A ce propos, les éditions de Rouen, quant à elles si elles comportent au tirtre l'annonce de 300 quatrains supplémentaires (ce qui est d'ailleurs faux, puisque sur ces 300 quatrains, on doit compter les 53 quatrains de la Ive Centurie) ne font pas mention de l'annonce d'une septiéme centurie
Evidemment, la question qui se pose et que nous n’entendons pas résoudre ici est celle de la «  vraie  » chronologie de toutes ces éditions dérivées d’une édition inconnue  ! Est-ce que les dates affichées par les éditions de 1588-1590,tant de Paris que de Rouen sont fiables  ou bien ne font-elles que reprendre les pages de titre des «  vraies  » éditions  ? Mais il0 qui aura ses éditions antidatées -1557-1568. Evidemment, la question qui se pose et que nous n’entendons pas résoudre ici est celle de la «  vraie  » chronologie de toutes ces éditions dérivées d’une édition inconnue  ! Est-ce que les dates affichées par les éditions de 1588-1590,tant de Paris que de Rouen sont fiables  ou bien ne font-elles que reprendre les pages de titre des «  vraies  » éditions  ? Mais il nous semble légitime de penser que les premières vraies éditions pourraient être quelque peu antérieures aux dites années 1588aux quatrains des almanachs de Nostradamus. . C'est ainsi qu'en 1585, paraissaient des Pronostications astronomiques pour six années par /M. Anthoine Crespin Archidamus, astrologue ordinaiire du Roy comportant deux quatrains présentés sous le nom de “troisiéme centurie de l'an 1584 et Quatriéme centurie de l'an 1585, empruntés C'est dire que la seconde moitié de la décennie 1580 est marquée par le mot “cennturie” entrant dans le champ du lexique prophétique. On soulignera le changement d'année de l'épitre à César passant de 1557 à 1555, il semble donc que les toutes premières éditions centuriques devaient comporter l'année 1557 et non 1555, année 1557 qui est aussi celle de la fausse édition Antoine du Rosne 1557.








Nostredame ou Nostradame  ?
Un détail qui peut avoir son importance pour détecter les contrefaçons est l’usage de la forme «  Michel de Nostredame  » au lieu de «  Michel de Nostradame  ». De son vivant, l’on trouve, à notre connaissance, soit Michel Nostradamus, soit Michel de Nostradame et non Michel de Nostredame comme cela figure sur les éditions antidatées des Centuries.
Le cas des almanachs pour l’an 1563 est particulièrement emblématique. On dispose de deux éditions, l’une parisienne, chez Thibaut Bessault et l’autre, lyonnaise, chez Benoît Odo. La première comporte la vignette que l’on retrouve dans les fausses éditions de 1555 et 1557 ainsi que la forme «  Michel Nostradamus  » alors que la seconde comporte un autre type de vignette et la forme «  Michel Nostradame  ».
L’almanach pour 1566 comporte la mention Michel de Nostradame  » et paraît à Lyon chez Antoine Volant et Pierre Brotot,




  Quant au dernier almanach de Nostradamus, imprimé peu de temps après sa mort Almanach pour l'an M.D.LXVII., il parut chez le même libraire lyonnais, Benoît Odo qui avait produit un des almanachs -l’authentique- pour 1565 et se présente en son titre comme “ Composé par feu Maistre Michel de Nostredame”
On ajoutera que le volume posthume comportant les diverses publications annuelles de Nostradamus s’intitule  :
  1. Recueil des presages prosaiques de M. Michel de Nostradame lors qu'il vivoit etc “ (cf l’édition de B. Chevignard, Paris, Seuil 1999)
En bref, la forme “Michel de Nostredame” ne serait pas attestée dans les années 1550-1560/ On la trouve tardivement en 1867 pour Anatole Le Pelletier, Les Oracles de Michel de Nostredame, Paris. Elle semble bien s’être imposée dans les biographies en tant que “ Michel de Nostredame, dit Nostradamus”.
Toutefois, les Pronostications de Nostradamus, parues dans les années 1550 comportent une vignette qui n’est certes pas celle des éditions contrefaites mais où figure la forme “M. de Nostredame”, et dès lors la forme “Nostradame” se serait substituée à “ Nostredame” au cours des années 1560.
Déjà du temps de Nostradamus, pullulaient de fausses éditions de ses almanachs et il semble que les faussaires ne l'aient pas su et qu'ils aient cru que tout ce qui se présentait comme l'œuvre de Nostradamus l'était bel et bien et c'est ce qui aura permis de les démasquer. C'est ainsi que des vignettes figurant sur de faux almanachs de Nostradamus furent utilisés pour les pages de titre des éditions de 1555 et 1557. D’ailleurs, ces faux almanachs se distinguent précisément en ce qu’ils comportent en leur titre une vignette alors que chez le vrai Nostradamus ce n’est le cas que d’un autre genre, celui des Pronostications.
Ces faussaires auront été ainsi victimes de la richesse de la documentation à laquelle ils avaient accès pour réaliser leurs contrefaçons.
La Bible et les Centuries
Il y a un parallèle qui vient à l'esprit quand on compare les deux corpus que sont d'une part l'Ancien et le Nouveau Testament et de l'autre le premier et le second volet des Centuries. A l'évidence, le second volet vient s'ajouter chronologiquement, au premier avec une tonalité catholique pour le premier et une tonalité réformée pour le second.
Autrement dit, les Centuries consacrent la dualité au cœur de l'Europe entre la catholicisme romain et le luthéranisme, qui se manifeste et émerge notamment à partir de 1517. Le christianisme, en son temps, ne fut-il pas lui aussi un processus de réforme du judaïsme  et ce d'abord au sein même du monde juif  ? Les Centuries nous évoquent donc la dualité des deux Testaments, rassemblés sous le nom générique de Bible.
Cela ne s'explique , au vrai,que du fait de la réconciliation nationale qui s'opère avec le couronnement d'Henri IV en 1594, faisant suite à sa conversion, survenue l'année précédente, ce qui conduirait en 1598 à l'édit de Nantes. Pendant un peu moins d'un siècle, celui des premiers Bourbons, d'Henri IV à Louis XIV, le Royaume de France fit cohabiter les deux confessions.. Mais même après la Révocation de 1685, les Centuries continuèrent à paraître , toujours avec leurs deux volets, introduits respectivement par deux textes en prose, tant et si bien qu'en 1656, le dominicain Jean, Giffré de Réchac, suivant en cela l'exemple de Chavigny dans son Janus Gallicus (dont le titre même implique d'ailleurs une dualité), paru l'année du couronnement d'Henri de Navarre, englobera indifféremment dans son commentaire les deux volets.(cf -Halbronn, J. (1998.1), “Les prophéties et la Ligue”, Colloque Prophètes et prophéties ... siècle, Cahiers V. L. Saulnier, 15, Paris, Presses de l'Ecole Normale Supérieure. Actes du Colloques Prophètes et prophéties au XVIe siècle, Cahiers Verdun Saulnier, 15, 1998.)
L'épitre à Henri II – laquelle ouvre le second volet- est cependant nettement marquée par son origine réformée et quand il y est question de l’Église Chrétienne, c'est bel et bien à la Religion de Calvin et de Luther qu'il est fait référence, ce que les exégètes se sont bien gardés de signaler. Cela vaut aussi en fait pour la formule «  vrai catholicisme  ». On notera que tout au long du XVIIe siècle, une partie importante des éditions des Centuries paraîtra en Hollande, «  refuge  » de bien des Huguenots français, exilés du fait de la Révocation de l’Édit de Nantes.(cf le Répertoire Chronologique de Robert Benazra, Paris, Trédaniel, 1990)
L’annonce d'un changement majeur pour 1792, (repris notamment du Livre de l'Estat et Mutation des Temps de Richard Roussat, Lyon, Guillaume Rouillé, 1550, citant la prophétie de Pierre d'Ailly pour la fin du XVIIIe siècle ) qui figure dans cette même Épître, concerne là encore un prophétisme d'inspiration protestante, visant la ruine de l’Église Romaine, le triomphe- par opposition- de l’Église «  chrestienne  » ce qui correspond assez bien à la période révolutionnaire, on l'avouera. Et d'ailleurs, c'est également sous la Révolution que les travaux en histoire des religions d'un Volney et d'un Dupuis, concluent à un prochain changement d'ère.(ce qui aboutira au mythe d'un Age du Verseau (Aquarius Age), attente qui marquera le «  New Age  », au Xxe siècle, à l'approche de l'An 2000, nouveau millénarisme. Dupuis résume ainsi cette théorie «La précession des équinoxes fait correspondre successivement le Soleil aux divers signes du Zodiaque, à l"époque de l'équinoxe du Printemps. Il y a environ 4000 ans  que le Soleil ouvrit l'année astronomique placé, dans le Taureau (…) Le soleil n'ouvrait plus l'année monté sur le Taureau mais placé sur le Bélier ou l'Agneau Céleste. De nouvelles religions se fondèrent et  s'emparèrent de ce nouveau symbole" D'ailleurs, Dupuis se situe, explicitement, au prisme de l’Histoire des Religions dans son rapport avec le cosmos, dans le prolongement de la théorie des grandes conjonctions d'Albumasar et qui mettait notamment en avant la durée des religions, tel Élément (Feu, terre, air, eau) étant par exemple plus favorable à l'Islam. Mais l'on ne saurait oublier la Grande Année de Platon ou l'idée d'Age d'or, suivi de métaux de plus en plus vils. Toute chronologie risque de déboucher sur une forme de prophétisme C'est ainsi que selon enseignement moonien, «  l'histoire mondiale peut être divisée essentiellement en trois périodes: d'Adam à Abraham, une période de ténèbres ; d'Abraham à Jésus, une période de formation; de Jésus à Moon, une période de croissance. Moon, avec la pensée de l’Unification (des Christanismes) introduit l'ère de la perfection. il est l'accomplissement de toutes les promesses de Dieu.”
.En tout cas, l'annonce «  protestante  » figurant dans l’Épître à Henri I n'aura guère empêché la circulation des Centuries dans le Royaume, bien après la révocation de l’Édit de Nantes, en 1685, même si bien des éditons ne furent pas produites en France et d'ailleurs ne se privèrent pas dès les années 1660 (1667-1668, puis la traduction anglaise de 1672),- lors des affrontements avec Louis XIV, d'annoncer la chute de l’Église Rome, identifiée à l'Antéchrist, au prisme de la fausse Épître à Henri II, laquelle faisait dire à Nostradamus ce qu'il n'avait jamais proféré. On donnera pour exemple l’œuvre de Jacques Massard, Harmonie et Accomplissement des prophéties sur la durée de l'Antéchrist & des souffrances de l''Église, Cologne, chez Pierre Marteau , 1686, 1687-1688.(cf après 1685, R. Benazra, RCN, pp. 256 et seq). Cela dit, il semble bien que très vite la conscience de la polémique religieuse traversant les centuries et les épîtres ne fera que décliner pour ne reprendre forme, un siècle plus tard, que sous la Révolution.. D'ailleurs, l'on pourrait en dire autant de la circulation de la prophétie des papes (cf notre ouvrage Papes et prophéties, op. Cit) en milieu catholique alors même que celle-ci était porteuse de l'annonce, à terme, de la fin de la papauté. Il est vrai que la conscience des enjeux religieux dans cette littérature «  prophétique  » semble bien s'être assoupie sous le poids de l’exégèse qui finit par se substituer au texte de base instrumentalisé, tant et si bien que la grille religieuse pour rendre compte des deux volets et des deux épîtres des éditions des Centuries semble bien ne plus orienter les nostradamologues.
Le corpus centurique, pris dans son ensemble, nous apparaît comme un monument majeur de la civilisation européenne, lequel monument est bel et bien rédigé en français et largement nourri de sources relatives à la France, ce qui débouchera sur une pléthore de traductions et de commentaires en toutes sortes de langues à l'instar de celle que publiera en 1672 un Théophile de Garencières, en anglais. Quand on examine la première édition anglaise des Centuries, l'on relevé d'abord le titre «  The true Prophecies or Prognostications of Michael Nostradamus (…) translated and Commented etc  ». On a bien affaire à une traduction du français vers l'anglais mais précisons aussitôt que les quatrains y sont donnés d'abord en français et sont suivis de leur traduction en italique. Il serait intéressant d'étudier de quelle façon les mots français se retrouvent en anglais. Il reste que, toutes proportions gardées, il est conseillé généralement aux nostradamologuques anglais de comparer les traductions comme on le ferait pour celles du texte biblique. Il est de bon ton de connaître le français pour lire Nostradamus tout comme il l'est de connaître l'hébreu pour aborder l'Ancien Testament  .
De fait, à cette époque, une grande partie des lettrés européens avaient directement accès à l'original français, le français étant alors, par excellence, la langue du monde civilisé ou du moins reconnaissaient, lors de la lecture des quatrains, nombre de mots français repris dans leurs langues respectives (d'Ouest en Est de l'Europe septentrionale) ou qui avaient un air familier, par rapport aux autres langues latines. En tout état de cause, le français fut reconnu dès le Moyen Age comme le fer de lance de la latinité au-delà des limites (Limes) de l'empire romain tant et si bien qu'il importe de relativiser la portée des traductions du latin vers diverses langues européennes (on pense à la version King James de la Bible, au début du XVIIe siècle)étant donné que celles-ci étaient marquées par la langue française, donc par une langue latine. En ce sens la France méritera ce titre qui lui sera dévolu au XIX siècle de Fille Aînée de l’Église. Le français se présente ainsi comme un compromis heureux entre l'Antiquité représentée par le latin et la Modernité incarnée par la France du Roi Soleil et du Siècle des Lumières cf. (La Grande Encyclopédie, autre monument majeur en langue française)
Au vrai il semble bien que les centuries aient connu un usage plutôt lié à l'apprentissage de la langue  : Stéphane Gerson  , Nostradamus, op. Cit,   p; 147) signale que "Des documents attestent que, dans certains territoires des écoliers apprenaient à lire en  récitant ses quatrains '(ce fut le cas  jusqu'en 1881 au moins) ce que vient corroborer Théophile de Garencières le premier (il est lui-même français) traducteur de français en anglais des Centuries (1672) The Préface to the reader
"The Reputation that this Book hath amongst all the Europeans since its first coming  out which was in the year 1555 (...) is a  sufficient warrant for my undertaking. (...) This Book was the first after my Primmer wherein  I did learn to read it being the custom in France about the year 1618 to initiate  Children by that Book (...) so  this Book in those days was printed every year like an Almanack or a Primer for  Children”;
Notre traduction: la réputation de ce livre (..) est une caution suffisante pour mon entreprise; (..) Ce livre fut le premier; après mon abécédaire, dans lequel j’appris à lire, comme c’était la coutume en France vers l’an 1618 que d’instruire les enfants en passant par ce livre (..) A l’époque, on l’imprimait tous les ans à l’instar d’un almanach ou d’un livre pour les enfants”.
Garencières déconseille même de trop s'intéresser au sens du texte: “In vain or at least without great profit thou shalt bestow thy time, care and study upon it. fior which I will give you the chief reasons that have dissuaded me from it"


De la prose aux vers
Dans notre post doctorat (EPHE Ve section 2007), nous avons montré que la source de nombre de quatrains était à rechercher dans les textes en prose du dit Nostradamus, ce qui implique le retraitement de ces derniers et en quelque sorte leur transmutation de plomb en or, tant il apparaît avec le recul des siècles, que la dimension prophétique (les Centuries portèrent initialement le titre de Prophéties) ne s'est constituée qu'à partir des quatrains, classés en centuries (100 quatrains), publiés par Nostradamus de son vivant se retrouvaient dispersés, souvent en un seul exemplaire restant, dans une myriade de bibliothèques de par le monde, hormis le cas de deux épitres en prose, chacune placée en tête d'un “volet”, le premier volet regroupant 7 centuries (Préface à César, datée de 1555, le fils de Michel) et le second trois.(Épître à Henri II), datée de 1558)
Pour bien suivre notre “démonstration”, (cf. -Halbran, J. (1998.1), “Les prophéties et la Ligue”, Colloque Prophètes et prophéties ... siècle, Cahiers V. L. Saulnier, 15, Paris, Presses de l’École Normale Supérieure. Actes du Colloques Prophètes et prophéties au XVIe siècle, Cahiers Verdun Saulnier, 15, 1998), il convient de distinguer deux types de quatrains, ceux des almanachs (dernière édition pour l'année 1567, Nostradamus étant mort l'année précédente) et ceux des centuries, même si les quatrains des almanachs ont pu être placés en annexe (sous le nom de présages) des quatrains des centuries. On dispose d'une série d'almanachs comportant un quatrain mensuel plus un quatrain annuel (cf. la collection publiée par B. Chevignard, Paris, Seuil 1999 à partir d'un recueil manuscrit intitulé Recueil de Présages Prosaïques). Selon nous, ces quatrains reprennent purement et simplement un certain nombre de termes du texte en prose, en une sorte de transposition poétique. Dans certains cas, les quatrains attestent de textes en prose disparus ou qui n'ont été conservés qu'en manuscrits ou encore traduits en italien à l'époque.
Qui donc composa ces quatrains des almanachs ? Il semble que cette tâche ait été dévolue à des assistants plus ou moins doués. Et c'est précisément parce que ces premiers quatrains avaient connu un certain succès que l'idée vint par la suite de produire les “Centuries”, les quatrains d'almanachs étant relégués. Comment composa-t-on cette seconde génération de quatrains?. Selon nous, on se sera servi de documents laissés par Michel de Nostradamus (plus correct, de son temps, que la forme Nostredame, utilisée généralement) à sa mort, en sa bibliothèque, qu'il s'agisse notes manuscrites ou de publications de divers auteurs dont notamment -de façon assez étonnante, la Guide des Chemins de France de Charles Estienne, qui comme son nom l'indique a une dimension géographique. En gros, toutes sortes de textes n'offrant au départ aucun caractère proprement prophétique, quand il ne s'agissait pas de chroniques des siècles passés...




Les sources des quatrains «  centuriques  »
Les chercheurs ont effectué toutes sortes de recoupements. On aurait recopié (cf. Brind’amour) des chroniques antérieures au temps de Nostradamus et l’on se demande en quoi de tels procédés faisaient sens pour des «  prophéties  ».
On aurait également confectionné certains quatrains en recopiant carrément des guides «  touristiques  », des itinéraires de pèlerinages extrêmement détaillés, généralement conçus pour un départ depuis Paris, tant et si bien que les communes de la banlieue francilienne y sont fort bien représentées, comme Antony ou Montléry, pour «  sortir  » de la capitale.
Mais il existe d’autres sources encore, comme des carnets de voyages que l’on aura probablement retrouvés dans la bibliothèque du défunt médecin.
Nostradamus semble avoir voulu conserver les brouillons des «  manuscrits  » envoyés à ses éditeurs. L’on observe, quand on compare avec les imprimés, que certains éléments avaient dû être ajoutés par des assistants (cf. l’édition Chevignard d’un recueil, Paris, Seuil, 1999). Pour notre part, nous attachons une grande importance à un document dont l’impression française semble avoir été censurée. Rappelons qu’en 1560, un édit pris lors des Etats Généraux réunis à Orléans, entendait contrôler le contenu de cette littérature prédictive. En revanche, ce texte fut traduit en italien et il nous a été conservé à la BNF.
En effet, il s’agit d’un texte particulièrement alarmant et fort peu étudié bien qu’il ait été édité au début du XXe siècle. Il nous montre un Nostradamus, pris par une certaine fièvre vaticinatrice et fixant une échéance cruciale pour 1567, alors que lui-même mourra en 1566.
Nostradamus pointe la date de la Saint Marcelin comme l’avènement de l’Antéchrist  ! Et il fait un jeu de mots sur ce prénom en le rapprochant de macelin, qui signifie boucher (en italien). Or, nous trouvons un quatrain centurique qui reprend cette expression, ce qui nous conduit à penser qu’on se trouve ici d’une recette que nous avons déjà signalée, consistant à convertir un texte en prose en quatrain.
VIII, 76 «  Plus Macelin que Roy  »
macellaio  : boucher, macel  ; boucherie, carnage
(cf p  ; 217 Dictionnaire Nostradamus. Michel Dufresne Ed JCL, Ottawa 1989,p. 217)
8:76
Plus Macelin que roy en Angleterre,
Lieu obscure nay par force aura l'empire:
Lasche sans foy sans loy saignera terre,
Son temps s'approche si presque je soupire.


De Chastres à Varennes
Une des découvertes les plus remarquables quant aux souces des quatrains centuriques même si cela n’en concerne qu’une poignée -(cf Liaroutsos) concerne les emprunts à la Guide des Chemins de France de Charles Estienne. Cela nous permet en effet d’observer que ces sources n’ont pas nécessairement été reprises telles quelles mais bel et bien retouchées pour les besoins de la cause.
Ainsi en est-il du quatrain relatif au couronnement d’Henri iV  où Chastres devient Chartres. Et c’est bien Chartres et non Chastres qui figure dans les éditions antidatées des années 1550-1560  !
De fait, on peut hésiter entre deux itinéraires, tous deux passant par Bourg La Reine et le «  Pont Anthony  » (lgne de Sceaux). Mais nous avons en fait affaire à un binôme de deux quatrains  : on se situe au sein du second volet des Centuries


IX 86 et 87  :
Du Bourg La Reyne parviendront droit à Chartres (sic)
Et seront pres du pont Anthoni pause
Sept pour la paix cauteleux comme Martres
Feront entrée d’armée à Paris clause
Par la forêt du Touphon essartée
Par hermitage sera posé le temple
Le Duc d’Estempes par sa ruse inventées
Du mont Lehori prélat donra exemples




Source (Guide d’Estienne)  :
A (vers) Orléans
Le Bourg la Royne
Le pont Antony
Longiumeaux
Montlehery (mont Lehory)
Chastres
Torfou (=Touphon)
L’hermitage
Estampes
L’autre itinéraire est le suivant  :
A Nogent le Rotrou
Le bourg la Royne
Le pont Antony
Massy
Palaiseau et arrive en effet à Chartres mais sans passer par les diverses communes mentionnées dans les deux quatrains. D’où nous en déduisons que Chastres a été commué en Chartres. Décidément, ce n’est pas la même  «direction  ». Ces exemples illustrent bien la méthode qui a servi à confectionner toute une série de quatrains. On notera que le quatrain IX, 86 non seulement comporte le nom de Chartres mais aussi celui de Paris, épisode majeur qui aura précédé le couronnement, ces deux événements se voyant ainsi annoncés par les centuries de longue date si l’on antidate les éditions aux années 1550-1560.
La première édition à 10 centuries dont on dispose se situe à Cahors et porte la date de 1590 (cf Benazra, RCN, op. Cit; pp. 126 et seq), chez Jaques Rousseau. Or, cette ville où vécut le futur Henri IV – on visite encore la maison de son séjour- se situait dans une zone contrôlée par son camp, ce qui n'était évidemment pas le cas de Paris. Cela vient confirmer noter thèse selon laquelle les centuries VIII-X auraient été un apport d'origine protestante qui se serait greffé, en tant que nouveau volet, aux sept centuries déjà parues. En tout état de cause, le fait d'opter pour la continuité de numérotation va dans ce sens comme ce sera le cas dans l'addition d'un troisième volet en 1605 avec une épître à Henri IV. Par ailleurs, le Janus Gallicanes a du avoir une première édition sans référence à Henri IV et n'aura intégré en son sein une Pronostication de l'advenement (du) Prince Henry de Bourbon, Roy de Navarre, 1595, parue à Paris, au lendemain de la conversion du roi (“Pari vaut bien une messe” ) Or, on ne connaît de nos jours que des éditions augmentées, bien que datées de 1594 avec la mention au tiitré “ A la fin est adiousté un discours de l'advénement à la couronne de France du Roy Tres Chestien à présent regnant. Il est clair que l'intitulé de la Pronostication aura été modifié au vu de l’avènement. Rappelons que l'intitulé initial du Janus Gallicus s’arrêtait à 1589 mais que ne nous est parvenu que l'édition datée de 1594 comportant la dite addition. D'ailleurs, force est de constater que le Janus Gallicus, en dehors de ce supplément, était plutôt favorable à la Ligue au vu des commentaires que l'on y trouve. On y trouve cependant des quatrains issus des Centuries VIII-X, ce qui pourrait laisser penser que les éditions à 10 centuries qui nous sont parvenues pourraient comporter des retouches favorables aux Réformés, ce qui expliquerait leur contenu assez composite sur le plan politique. On voit bien à quelles gesticulations, cette période de la fin des annéed 1580 et de la décennie suivante a pu conduire, ce qui n'est pas sans rappeler ce qi s'est passé dans les années 40 du Xxe siècle en France et notamment dans le cadre de la littérature “prophétique” (cf notre Vie Astrologique, années 30-50 op. cit).

Une des sources non pas de Nostradamus mais plus vraisemblablement des «  éditeurs  » des Centuries du second volet (VIII-X) semble bien avoir été la Guide des Chemins de France (cf. Chantal Liaroutzos “Les prophéties de Nostradamus : suivez la guide “ (Bulletin de l'AssoHYPERLINK "http://www.persee.fr/collection/rhren" ciation d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance, 1986 Volume 23 Numéro 1 pp. 35-40 ) On y trouve notamment le nom de Varennes, lieu rendu célèbre en raison du passage qu’y fit dans des conditions dramatiques la famille royale en 1793.

Sous la Révolution, les esprits furent frappés par la présence du nom honni de Varennes dans le quatrain IX, 20/
Ce n’est pas ici une retouche mais est repris directement de la Guide, ce qui donne :
De nuit viendra par la foreſt de Reines, Deux pars vaultorte Herne la pierre blanche, Le moine noir en gris dedans Varennes Eſleu cap. cause tempeſte feu,  ſang tranche


IX, 20
De nuict viendra par la forêt de Reines
Deux parx vaulvorte Herne la pierre blanche
Le moine noir en gris dedans Varennes
Esleu, cap, cause tempeste, feu sang, tranche






A Rennes par Angers  :
On retrouve dans ce parcours  : «  la pierre blanche  », Varennes, Vaultorte, Hervée, et la mention d’une forêt.

Georges Dumézil a écrit à ce sujet une «  Sotie  «  portant le titre d’un verset du dit quatrain. En réalité, comme il apparaît, le Varennes de la Guide n’est pas le Varennes en Argonne de Louis XVI  : C’est ce genre de quatrains qui aura façonné pour le XIXe siècle, la dimension prophétique de Nostradamus. Bien entendu, , il est ici hors de question de parler d’une quelconque retouche des quatrains, vu qu’à la fin du XVIIIe siècle, le canon centurique était définitivement clos. Mais l’on peut se faire une idée de la méthode suivie pour la confection de quatrains à partir d’un matériau en prose.
Une fois que certaines “sources” en prose ont été identifiées, l'on est ainsi en mesure de déterminer si des modifications ultérieures sont intervenues, ce qui permet in fine de dater les éditions qui comportent de telles retouches. Un des cas les plus remarquables concerne probablement un quatrain censé annoncer le couronnement d'Henri de Navarre – Henri Iv- à la Cathédrale de Chartres, en janvier 1594.
Un cas moins connu de nos jours mais qui dut certainement marquer les esprits en son temps, c’est-à-dire lors du Couronnement d’Henri de Navarre, concerne un quatrain comportant le nom de Chartres. Or, c’est bien dans cette ville –et non à Reims comme l’aurait voulu la tradition, qu’eut lieu le couronnement d’Henri IV.
Or, l’ensemble du quatrain se retrouve dans une rubrique de la Guide des Chemins de France mais avec une variante/ Bien évidemment, c’est le quatrain qui comporte la dite variante et non l’inverse. Le nom de Chastres (l’actuel Arpajon) aura été retouché en Chartres, soit après l’événement soit en vue du dit événement. On est au lendemain de la célèbre formule «  Paris vaut bien une messe  !  »






Le recyclage de l’Épître à Henri II
L’Épître qui figure en tête du second volet des Prophéties de Nostradamus- le volet que le camp réformé s’appropria- est dédiée au roi de France, Henri II, fils de François Ier. Si les faussaires disposaient d’une riche documentation, c’est également le cas des historiens actuels qui disposent d’un grand nombre d’ouvrages en rapport avec le nostradamisme. rassemblés par des collectionneurs comme Daniel Ruzo, qu’il s’agisse d’originaux ou de films. C’est ainsi que l’on a connaissance d’une «  première  » Épîtres dédiée à ce roi, époux de Catherine de Médicis. Il s’agit d’un texte daté de 1556 alors que l’Épître figurant au sein des Centuries est datée de 1558 et ne mentionne pas la précédente Épître, tout en laissant entendre qu’elle est la première. Cette Épître de 1556 figure en tête des Présages Merveilleux pour 1557, qui sont en prose et non en vers, au demeurant.
Cette fausse épître de 1558 est célèbre en ce qu’elle met en avant la date de 1792, ce qui la fait prophétiser, diront les commentateurs, la Révolution Française, reprenant ainsi une tradition bien établie depuis le cardinal Pierre d’Ailly (1414)




Date des premières éditions des Centuries
Deux écoles s'affrontent, l'une qui s'en tient à la date indiquée sur certaines éditions censées parues en 1555, 1557 et 1568 et l'autre, que nous représentons, qui soutient que les dites éditions sont reprises d'éditions sensiblement plus tardives. La première école, constatant que sous la Ligue, on ne voit paraître que des éditions à 7 centuries alors que des éditions à 10 centuries seraient parues dès 1568 affirment que la période de la Ligue aura été marquée par une dégradation des éditions antérieures.
Paradoxalement, il semble bien que les fausses éditions antidatées aient été mieux conservées que les toutes premières éditions des Centuries probablement parues au milieu des années 80
On évitera toute fois de confondre le fait de se référer (comme on le trouve dans la série Grandes et Merveilleuses Prédictions) à une édition avignonnaise de 1555 et le fait de la produire véritablement, ce qui constitue une surenchère.




La «  première  » édition des Prophéties
On nous présente généralement la toute première édition des «  centuries  » comme parue chez le libraire lyonnais Macé Bonhomme en 1555. Elle est introduite par une Préface à César, le fils de l’auteur présumé. Outre le fait qu’elle comporte une vignette qui n’est utilisée que dans les faux almanachs nostradamiques de l’époque, son titre fait problème quand on le compare à la série des éditions parues sous la Ligue, lesquelles sont pour nous les vraies premières éditions dont les fausses éditions seraient en réalité issues.
Si l’on fait l’historique des éditions ligueuses, et donc favorables au camp catholique, hostile à Henri de Navarre, qui a le tort d’appartenir à la «  religion prétendue réformée «  (RPR), l’on tombe sur un état apparemment le plus primitif, daté de 1588. Édition dont on ne connaît que la description et la reproduction de la page de titre (entre temps, on ne sait pas ce qu’elle est devenue, cf. le Testament de Nostradamus, de Daniel Ruzo, Paris, Ed du Rocher, 1982, trad. De l’espagnol,
On note qu’elle se réfère en son titre même à ‘quatre centuries  » alors que l’édition 1555 Macé Bonhomme ne comporte pas, en revanche, une telle description de son contenu, ce qui est tout de même assez fâcheux pour valider son authenticité  ! Par ailleurs, la description de cette édition de 1588, nous indique que les quatrains n’y étaient pas numérotés alors que l’édition de Lyon 1555 les numérote de 1 à 353. Ruzo fournit en effet les données suivantes (Testament de Nostradamus, op. Cit. p. 282)
«  Dans l’édition de Raphaël du Petit Val (Rouen 1588), les quatrains ne sont pas séparés en Centuries. Les 349 quatrains sont précédés non seulement de l’en-tête «  Prophéties de Maistre Michel Nostradamus  » mais encore par un autre titre antérieur «  La Prophétie de Nostradamus  » Et
Ruzo d’ajouter «  l’édition comporte 349 quatrains. L’éditeur voulant finir son livre dans cette même page, supprima les quatrains 44, 45, 46 et 47 de la IVe Centurie  » Une telle explication ne nous semble guère recevable.






Le phénomène Crespin
Il faut nous arrêter sur le cas des Prophéties d'Antoine Crespin alias Archidamus. On y trouve un très grand nombre d'extraits des Centuries mais qui ne se présentent comme tels. On peut se demander si les faussaires n'auraient pas plutôt recyclé la production pseudo-nostradamique de Crespin d'autant que dans d'autres ouvrages de cet auteur, l'on trouve des quatrains qui s'en prennent à Avignon. .
Cet Antoine Cresson s’en était pris au pape en raison de sa politique dans les territoires de l’Église en Avignon. Roy de Bloys en Avignon régner. On trouve cette injonction dans le second volet, (VIII, 52)


De deux choses l’une, soit il aura repris à son compte un quatrain des Centuries, soit les éditeurs des Centuries auront récupéré certaines textes de sa plume.
Or, nous avions découvert, au début des années 90, dans le cadre d’une thèse d’Etat sur le prophétisme, que dans les Prophéties dédiées à la puissance divine, le dit Crespin avait introduit sans mentionner le nom de Nostradamus toute une série de quatrains, sous la forme d’adresses à de hauts personnages. (cf. Brind’amour, Ed Droz 1996 et notre édition de 2002, Documents inexploités sur le phénomène Nostradamus) Qu’en conclure  ? Que Crespin avait recopié les Centuries ou que c’est lui qui avait été «  plagié  »  du fait même qu’il s’exprimait à la façon des quatrains des almanachs de Nostradamus, au point d’avoir adopté le surnom d’Archidamus  ! Sous prétexte que Crespin aurait usurpé, au lendemain de la mort de Nostradamus, une identité qui ne lui revenait pas – il y eut d’ailleurs toute une série de «  successeurs  » dont certains portaient le nom de Nostradamus le Jeune, entre autres (-, d’aucuns ont cru bon de décréter que le dit Crespin ne pouvait qu’avoir récupéré les quatrains à partir d’éditions déjà parue ou qui auraient circulé sous forme manuscrite, ce qui était assez fréquent à l’époque.)/ En tout état de cause, si ces éditions avaient déjà été imprimées en 1572, on ne voit pas quel aurait pu être l’intérêt de les reproduite de la façon dont s’y serait pris Crespin. En publiant ces textes, Crespin se serait évidemment exposé à ce qu’on s’aperçut et dénonçât l’emprunt  !
Ce serait là peut être aller un peu vite en besogne d’autant que nous avons montré par ailleurs que certaines attaques visaient les Juifs d’Avignon, communauté dont Nostradamus devait être assez proche, puisqu’il avait une ascendance israélite (d’origine pyrénéenne) et était né dans la région. En outre, l’on trouve certaines variantes entre le texte de Crespin et celui des Centuries, en précisant que le dit texte ne se présente pas formelles comme des quatrains.
On reprendra la présentation de Pierre Brind’amour sur Crespin (Droz 1996) p. XXVI
«  On peut se faire une idée de l’état des textes qui étaient à la disposition du public quelques années après la mort de Nostradamus en lisant la production des imitateurs et des plagiaires. Dans ses Prophéties parues en 1572 et dédiées à la duchesse de Savoie, l’imposteur Antoine Crespin aligne bout à bout des vers nostradamiens -vers piqués au petit bonheur à droite et à gauche, un ou deux à la fois- et forme ainsi des vers d’une prose maladroite qui constituent de petits paragraphes. Chaque paragraphe est dédié de manière ronflante à quelque grand seigneur du royaume et principalement de Provence (...)Or, ce texte , en ce qui concerne les 354 premiers quatrains n’est pas celui de l’édition Macé Bonhomme de 1555, c’est un texte qui s’en éloigne autant que les éditions des années 1580. De plus l’auteur pille abondamment les quatrains des centuries postérieures. Tout se passe comme si les éditions complètes des Prophéties reliées ensemble, circulaient dans les années qui suivirent la mort de Nostradamus et qu’elles étaient dans un état d’incurie typographique aussi grave, par rapport au texte original, issu de la plume du prophéte, que celui des éditions publiées à la fin du siècle  . Les centuries postérieures comme les premières étaient déjà connues et publiées en 1570  »
Pour notre part, nous ne pensons pas qu’il faille conclure du «  témoignage  » de Crespin à la préexistence des Centuries avant 1572 et en tout cas pas à l’existence d’éditions qui seraient parues du vivant de Nostradamus. (cf Documents inexploités sur le phénomène Nostradamus, Feyzin, Ed Ramkat 2002) Bien plus, Crespin aurait également servi à authentifier l’Épître à Henri II datée de 1558, puisqu’elle figure à la même époque dans un autre texte portant le nom du dit Crespin (cg nos Documents Inexploités sur le phénomène Nostradamus, op. Cit), ce qui n’exclue pas pour autant que certains quatrains centuriques aient été empruntés à la production pseudo-nostradamique du dit Crespin et ce serait d’ailleurs pour cette raison que l’on aura instrumentalisé ce dernier.
Il existe certes des présomptions en faveur d’une édition posthume, dans les années qui suivirent la mort de Nostradamus en 1566. Mais on peut aussi considérer que ce fut une première option des faussaires de faire paraître des éléments à cette époque. Le fait que les éditions «  complètes  » datées de 1568 ne mentionnent pas la mort de Nostradamus confirme selon nous que même ces éditions posthumes seraient des faux et cela vaudrait tant pour le texte sur l’Androgyne (1570) que dans le cas de Crespin. Autrement dit, les Prophétie dédiées à la puissance de Dieu et à la nation française (on en connaît au moins deux éditions) seraient faux, incluant des quatrains issus des 10 centuries, ce qui recouvre en effet le contenu à deux volets des éditions datées de 1568, à Lyon.


Les centuries au service des partis
Les éditons parues sous la Ligue, à Paris, ne comportent que 7 centuries alors qu’au XVIIe siècle, on leur en connaîtra dix. L’ensemble se maintiendra jusqu’à nos jours sous une forme duelle, d’une part un volet de 7 centuries et de l’autre un volet de 3 centuries, avec chaque fois une épître en prose.
Selon nous, le volet de 3 centuries était au service du camp protestant et le volet de 7 à celui du camp catholique. Certains quatrains sont, à nos yeux, assez explicités tel le 46e de l’Ive Centurie, figurant donc dans le premier volet.
Garde-toi Tours de ta prochaine ruine !
Or, Tours était le lieu où était venu s’installer Henri III, sur la Loire, lequel fera assassiner le «  Duc de Guise  » à Blois, non loin.
On a vu que le second volet annonçait nettement la victoire des Vendôme sur les Lorrains. Il est donc assez remarquable que l’on continue à soutenir l’unité des 10 centuries, comme étant le fait d’un seul homme, mort en 1566, Michel de Nostredame.
Au lendemain de l’édit de Nantes, on aurait réuni en un seul volume ces deux volets ainsi qu’un troisième introduit par une épître à Henri IV et comportant cette fois une cinquantaine de sixains mais aussi la collection des quatrains des almanachs, pour faire bonne mesure, rassemblés sous le titre de « Présages ».






La question des éditions «  ligueuses  »


Il y a toute une polémique autour de cette série d’éditions à 7 centuries (sauf une à 4 centuries) et donc ne comportant pas les centuries VIII, IX et X.
Deux thèses en présence  , soit celle d’un chantier où le corpus aurait été en train de se constituer progressivement, soit des éditions en pleine décomposition par rapport aux premières éditions des années 1550-1560 dont on a retrouvé un certain nombre d’exemplaires. Il est donc intéressant de comparer ces deux corpus. Pour les uns, les deux corpus seraient authentiques tandis que pour les autres, dont nous faisons partie, seul le plus tardif le serait datant des débuts de la Ligue, lorsque la succession d’Henri III se posa, du fait du décès du duc François d’Alençon en 1584, dernier frère vivant du Roi. On assiste à la fin des Valois avec ces trois fils qui se succèdent sans héritier.
Ces Centuries, par la suite réunies en un seul volume  , seraient donc fortement marquées par les Guerres de Religion qui précédèrent l’édit de Nantes de 1598 lequel tentait d’organiser une coexistence pacifique, moins d’un siècle avant sa «  révocation  » en 1685 par Louis XIV. Mais ce serait une erreur que de croire que l’animosité par rapport à la branche de Lorraine, les Guises ne date que des années 80 car elle remonte en fait à l’avènement de François II, à la mort de son père en 1559, le dit prince étant sous la coupe des Guises.
On ne saurait lire les Centuries sans une certaine connaissance de la culture française (tant la langue que l’histoire) pas plus que cela ne se concevrait pour l’Ancien Testament. Mais cela vaut aussi pour un considérable corpus de commentaires des Centuries reflétant ce qui s’est passé en France depuis le temps de Nostradamus.


La question des sixains
Un troisième volet (qui n’est en fait qu’un appendice au deuxième volet tout comme la VIIe centurie l’était pour le premier volet, apparaîtra au XVIIe siècle, comportant quant à lui une Épître à Henri IV, en date de 1695 introduisant cette fois 58 sixains, venant ainsi compléter une centurie VII resté à 42 quatrains, ce qui permettait d’atteindre
les 1000 quatrains. On les présente toutefois comme formant une Centurie XI. On y trouve notamment des anagrammes assez transparents comme Robin pour Biron.(sixain VI) mais aussi en clair (sixain 52)  : «  Encor un coup la sainct Berthelemy  », référence évidente au drame de 1572  ! Dans l’Épître, la thèse posthume est clairement exposée  :. On retrouve avec la pratique des anagrammes, l’esprit du second volet dont il relève.
«  Sire, ayant (il y a quelques années) recouvert certaines Prophéties ou Pronostications faites par feu Michel Nostradamus  (…) par moy tenues en secret iusques à présent etc  ».
Il est évident que l’auteur ne se réfère pas à des éditions existantes sinon son apport ne ferait aucun sens.
En 1656, le dominicain Giffré de Réchac dans son Éclaircissement- paru anonymement- rejettera ces sixains amorçant ainsi ce que nous avons appelé un critique nostradamique (cf notre post-doctorat 2007) mais également les quatrains des almanachs pourtant bel et bien parus du vivant de Nostradamus.


Les éditions perdues
Une recherche bien conduite peut rarement éviter de détecter quelques chaînons manquants. Dans le cas du corpus nostradamique, nous en donnerons deux exemples : celui des toute permières « vraies » éditions des « fausses » Centuries. Il apparaît qu’il faut aller en amont des éditions qui nous sont parvenues, non point par référence à de prétendues premières éditions des années 1550 mais quelques années avant 1588, tant il ressort que les éditions datées de 1588-1589 sont soit trop parfaites pour avoir été premières (Rouen et Anvers), soit trop décalées par rapport au titres censé décrire leur contenu. Il convient donc, à notre sens, de supposer l’existence d’un lot antérieur, à situer par exemple en 1587, soit trente ans après l’édition antidatée 1557 
Un autre exemple sera pris du Janus Gallicus, le premier grand commentaire des Centuries. On n’en connaît que les éditions de 1594 et sous un titre diffèrent de 1596, (Commentaires du Sr de Chavigny sur les centuries et prognostications etc,( cf Benazra RCN, pp ; 142 è-143) ), mais il est très improbable que nous soyons là ne face des premières moutures du fait d’une addition (datée du 19 février 1594, soit au lendemain du couronnement de Chartres) qui s’y trouve consacrée à l’Advénement d’Henri IV, ce qui puise dans les quatrains favorables au roi de Navarre, dont d’ailleurs une édition séparée datée de 1595 nous est parvenue sous le titre de Prognostication de l'advénement à la Couronne de France etc , Paris, Pierre Sevestre (cf Benazra, RC N, p. 140) dont on nous dit que c'est une réédition d'un texte d'abord paru dans le Janus alors que cette pièce est certainement parue d'abord séparément (pas forcément l'édition conservée) d'ailleurs).
En fait, tout indique que la première version de ce grand commentaire signé Jean Aimé de Chavignyne se situe dans les années 1590 et suivantes. Le sous titre se référe à des événemennts allant jusqu’en 1589, date de l’assassinat d’Henri III. On peut se demander d’ailleurs si cette première édition comportait un commentaire de certains quatrains du second volet comme c’est le cas de l’édition qui nous est parvenue. Il s’agit très vraisemblablement d’un ajout prenant en compte la parution en 1590, à Cahors, de la première édition conjointe des deux volets, qui a d’ailleurs du servir à produire l’édition antidatée 1568, alors que la plupart des nostradamologues soutiennent encore que c’est l’inverse qui s’est produit..
pensik










Le dilemme des prophétologues
Les nostradamologues sont souvent confrontés à un dilemme, ce qui les empêche de prendre conscience de certains anachronismes, ce qui aura constitué un obstacle épistémologique pour la recherche en ce domaine. En effet, dès lors que l’on part du principe que Nostradamus pouvait explorer, en quelque sorte, le futur, il devient difficile d’affirmer que tel passage de son œuvre ou de l’œuvre qui lui est attribuée relèverait d’une interpolation tardive. On est dans le «  et pourquoi pas  ?  »  », le «  sait-on jamais  ?  » La perception des invraisemblances devient plus difficile, ce qui nuit à terme à une démarche critique.
C’est ainsi qu’en ce qui concerne la période de la Ligue, lorsque nous soutenons que telle retouche a été effectuée du fait des enjeux politiques de l’époque (quatrains comportant le mot Tours ou le mot Chartres, par exemple), on nous répond le plus sérieusement du monde que Nostradamus l’avait prévu et donc que nos observations ne prouvent pas vraiment qu’il y aurait eu des additions de circonstance..-
Ajoutons la résistance de certains chercheurs qui nous reprocheront de vouloir «  déposséder  » Nostradamus de son principal «  trésor  ». L’idée de disperser la patenté des quatrains entre plusieurs auteurs et plusieurs périodes irait ainsi à l’encontre de l’image d’un grand prophète français, d’où l’attachement de nombre d’entre eux à la thèse d’une parution des Centuries du vivant même de Nostradamus, du moins pour ce qui est des sept premières d’entre elles, étant entendu que le dit Nostradamus aurait composé l’ensemble des dites Centuries dès les années 1550, ce qui permettrait ainsi de lui attribuer la prédiction de la mort en tournoi d’Henri II, survenue en 1559. Cela apparaît dès la première centurie (parue selon nous au plus tôt vers 1585-, ce qui montre d’entrée de jeu l’intention apologétique des éditeurs  :
I, 35
Le lyon jeune le vieux surmontera
En champ bellique par singulier duelle
Dans cage d’or les yeux luy crevera
Deux classes une puis mourir mort cruellement
Rappelons que le souverain fut blessé mortellement à l’oeil par la lance de son adversaire,Gabriel de Lorges, comte de Montgommery ( 1530 - 1574,) , d’où des jeux de mots sur le «  grain  » (d’orge) à propos d’autres quatrains.. On peut voir éventuellement dans «  cage d’or  » un anagramme d’Orge.
La présence de noms propres, même sous forme d’anagrammes, aura fortement contribué à la réputation des Centuries bien plus, selon nous, que de simples allusions événementielles. Les sixains, lesquels, quant à eux, s’en tiennent bel et bien à la thèse posthume useront plusieurs fois d’un tel artifice, ce qui nous éloigne décidément de l’approche astrologique pour basculer vers la voyance.






Les deux intitulés
Comme le suggère Ruzo (Testament de Nostradamus, op. cit), le fait que ces éditions portent deux type de titre constitue une piste à suivre, même si nous n’en tirons pas les mêmes conséquences.
D’une part, donc, les Grandes et Merveilleuses Prédictions, censées parues à Rouen et à Anvers et de l’autre  , les «  Prophéties  », censées parues à Paris et à Lyon. Les premières se référent (à la fin de l’ouvrage) à une édition de 1555, les secondes mentionnent l’année 1561 en leur titre, comme une année où 39 «  articles  » auraient été ajoutés à la «  dernière centurie  », ce que l’on peut comprendre comme concernant la centurie VII, la dernière centurie étant la Vie, se terminant par un quatrain latin, annonçant la fin de tout l’ouvrage. Hâtons-nous de préciser que l’on ne dispose d’aucune édition à six centuries, sans addition mais son existence est très probable pour la période des années 1588 et seq.
Pour rendre compte d’un tel ensemble assez hétéroclite, nous proposerons le scénario suivant  : il est probable que les premières éditions des Centuries, telles qu’elles parurent sous la Ligue, portaient le nom de Grandes et Merveilleuses Prédictions (même si le terme prophéties a pu figurer à l’intérieur, comme dans le cas de l’édition annonçant «  4 centuries  » en son titre. Ces éditions comportent une épître à César datée de 1555, soit la même année indiquée in fine (cf édition Anvers 1590) mais cela ne signifie nullement qu’à ce stade les libraires concernés aient produit des éditions antidatées comportant mention de cette année, en leur page de titre. On retiendra que toutes ces éditions ne vont pas au-delà de 7 centuries, à l’instar de l’édition d’Anvers qui ne comporte que 35 quatrains à la VIIe centurie.
Un autre groupe de Centuries porte le nom de Prophéties et pour les années 1588-1589 c’est la mention de Paris qui figure en page de titre. Le point important, c’est qu’il existe une édition lyonnaise datée, quant à elle, de 1568, portant également le titre de Prophéties mais qui est la seule du corpus considéré à comporter non pas 7 mais 10 centuries. Ce faisant, ce corpus s’inscrit, à l’évidence, dans une stratégie d’éditions antidatées et pas seulement de références à l’année 1555 comme on a pu l’observer pour l’autre groupe dit des Grandes et Merveilleuses Prédictions (GMP) Or, c’est le camp protestant qui ajoute les centuries VIII, IX et X  avec la fausse épître à Henri II. L’édition à 10 centuries serait donc issue de ce camp alors que la série Grandes et Merveilleuses Prédictions relèverait du camp ligueur, d’où la présence à la Ive Centurie d’un quatrain s’en prenant à la ville de Tours devenue en 1589 la capitale d’Henri III, à la veille de son assassinat. Selon nous, les éditions antidatées , comportant en leur titre 1555 ou 1557 sous le même titre de Prophéties seraient des hypostases de l’édition 1568, toutes les éditions concernées se présentant comme lyonnaises.(chez Macé Bonhomme, Antoine du Rosne ou Benoist Rigaud). On peut penser que dans un premier temps, on aura produit une édition posthume mais étrangement ne mentionnant pas la mort de l’auteur, à la différence d’autres ouvrages parus alors et que l’on se sera enhardi à faire paraître des éditons censées parue du vivant de Nostradamus. On ajoutera que selon nous, les éditions parisiennes datées de 1588 et 1589 se référant à 1561 n’auraient pas réellement réalisées à Paris, capitale de la Ligue et seraient l’œuvre du camp réformé, récupérant le contenu des Grandes et Merveilleuses Prédictions, les éditions réellement ligueuses étant parue à Rouen puis à Anvers. De même, les éditions antidatées 1555 et 1557 seraient également d’origine réformée et portant le titre de «  Prophéties  » et non de Grandes et Merveilleuses Prédictions. On relèvera le fait que la première édition connue des GPM (Rouen, 1588) porte en son titre «  divisée en 4 centuries  », élément non fourni dans l’édition Macé Bonhomme datée de 1555 pourtant effectivement constituée de la sorte. La ville de Lyon semble bien avoir été le foyer de ces diverses contrefaçons, elles-mêmes situées chez des libraires lyonnais ayant accès au fonds d’éditions de leurs prédécesseurs, encore que Benoist Rigaud censé avoir publié en 1568 les 10 centuries fût encore en activité au début des années 1590. C’est également à Lyon que parait le grand commentaire franco-latin de Jean Aimé De Chavigny, Janus Gallicus-Janus François lequel intègre des quatrains issus tant du premier que du second volet des Centuries.
En tout état de cause, l’existence dans l’édition lyonnaise 1568 à 10 centuries d’une précédente épître à Henri II, dont Ruzo avait parfaitement connaissance puisqu’il reproduit la première page de l’un et de l’autre dans son Testament de Nostradamus, aurait du inciter ce chercheur à une certaine prudence quant à l’authenticité des éditions centuriques la comportant. (à commencer par celle “posthume” de 1568 dans la mesure où la fausse épitre ne mentionne pas la précédente, laquelle relatait déjà la rencontre de Nostradamus avec le souverain. Mais s’il a existé des éditions contrefaites, il ne faudrait pas oublier que c’est tout le processus de rédaction des Centuries qui relève peu ou prou du genre de la supercherie littéraire à des degrés divers.
La question des deux titres pour les centuries
Si l’on s’en tient aux activités de Jean Aimé de Chavigny, l’année 1589 apparaît comme déterminante. En effet, tout indique qu’à cette date, qui est celle de la mort tragique du dernier Valois, on disposait des 10 centuries et des présages des almanachs alors même que nous ne disposons pas d’imprimés à cette date. Il faut attendre une édition de Cahors de 1590 (cf. RCN, p. 126) pour disposer du second volet des Centuries sous le nom de Prophéties de M. Michel Nostradamus. Centuries VIII, IX et X  ?
L’on peut se demander si le fait que l’on dispose de deux titres  :  »Grandes et merveilleuses prédictions de M. Michel Nostradamus et Prophéties de M. Michel Nostradamus ne correspondrait pas au départ à une différence de provenance. Seules des éditions parisiennes comportent le titre «  Prophéties  », dans les années 1588-1589 alors qu’en province ou à l’étranger (Anvers), c’est l’autre titre qui s’impose.




Les qualités de Nostradamus


En 2015, Patrice Guinard a publié deux ouvrages sur Nostradamus (Books on demand), ce qui nous a conduit à préciser les éléments de notre dossier.:    il s'agit d'un diptyque :   Nostradamus occultiste et de Nostradamus traducteur.
Un point semble avoir échappé à cet éminent nostradamologue, la question de la mention des "qualités" professionnelles de Nostradamus. On note ainsi que ce qui  se présente comme paru  chez Antoine du Rosne ne porte aucune mention de cet ordre alors même que l'on connaît un grand nombre d'œuvres de Nostradamus ou qui lui sont attribuées dans les années 1550-1560  qui fournissent les détails en question.
Étrangement,  même la traduction de Nostradamus de la Paraphrase de Galien censée parue chez Du Rosne ne signale pas que le dit Nostradamus est lui-même médecin – Nostradamus n'a même pas droit à un “M.” pour “Maître” devant son nom, ce qui ne s'est jamais vu à l'époque et l'on ne sera donc pas surpris que les éditions des Prophéties censées parues dès 1555 chez Macé Bonhomme, ne donnent pas davantage de précision sur l'identité de Nostradamus alors même qu'à la même époque de nombreux ouvrages signés Nostradamus ou qui l'imitent, ne se priventr pas d'indiquer qui est ce Nostradamus. (il suffit de consulter sur Google  les "images" de cette production pour s'en assurer). Bien entendu les édition des Prophéties   parues dans les années 1580-90 ne mentionnent pas les titres de Nostradamus et tout indique que les éditions des Prophéties des années 1550-1560 sont en réalité   calquées sur elles. En revanche, dans la seconde partie du XVIIe siècle, la forme simple «  Michel Nostradamus  », sans précision devant le nom est attestée. C'est ainsi que la traduction anglaise de 1672 donne  The True Prophecies or prognostications of Michael Nostradamus  » mais c'est dans les «  mazarinades  » nostradamiques que la pratique est attestée couramment  cf Benazra, RCN, op. Cit  ; pp. 220 et seq ) avec la producton de Jacques Mengau et ses «  Advertissements  » «  predict(s) par Michel Nostradamus, Paris, I. Boucher 1651-1652, donc sous la Fronde et l'on sait que telle édition centurique antidatée de 1568 est parue en 1649. Citons aussi les Visions astrologiques de Michel Nostradamus, paris, Veuve A. Musnier, 1649. L  édition Antoine du Rosne, de la Paraphrase pourrait bien dater de cet autre âge d'or nostradamique, outre celui de la Ligue, que fut le temps de la Fronde.
Une seule exception toutefois, pour les éditions datées de 1568. On dispose d'une édition indiquant qui est ce Nostradamus. Elle comporte une vignette que l'on retrouve dans les Prédictions pour 20 ans (cf icono ci-dessous) "trouvée en la Bibliothèque de nostre defunct dernier décédé (...) Maistre Michel  de nostre Dame (..) par Mi. de Nostradamus le Jeune.  On note que le premier quatrain des Centuries est associé à ce "successeur"de Nostradamus, ce qui nous conduit à penser que ce quatrain n'est justement pas de Michel de Nostredame mais qu'il aura été récupéré par les faussaires lesquels  ont  pu penser d'ailleurs qu'il  s'agissait bel et bien de Michel de Nostredame et non de Mi. de Nostradamus le Jeune.. D'ailleurs, c'est cette même erreur qui aura conduit les dits faussaires à emprunter aux faux almanachs parisiens parus dans les années 1560, du vivant de Nostradamus, les vignettes dont ils se serviront pour fabriquer les fausses éditions Antoine du Rosne, ce qui vaut tant pour les Prophéties que pour la dite  traduction de Nostradamus de la Paraphrase, toutes comportant une vignette différente de celles de la production authentique.
Ce quatrain serait donc le premier attesté par une source extérieure aux éditions centuriques.
Estant assis de nuit secret estude,
Seul reposé sus la selle d'aerain,
Flambe exiguë sortant de solitude
Fait proférer qui n'est à croire vain
Il existe des variantes de ce quatrain. (cf P. Brind'amour Les premières centuries ou Prophéties, Droz, 1996, pp; 45 et seq C'est ainsi que l'édition Macé Bonhomme 1555 comporte “repousé” au lieu de “reposé” alors que celle d'Antoine du Rosne 1557 comporte bien “reposé. (variante non signalée par Brind'amour) Ce chercheur qui n’hésite pas à y voir un emprunt à une édition des Centuries signale (p. LVII) que ce quatrain aurait été repris par Jean Dorat en 1581 sous la forme suivante alors qu'au vrai, on n'y retrouve que les mots estude et repos dans le seul premier verset de cet épithalame: . Nous avons montré que ce premier quatrain avait été utilisé par Nostradamus le Jeune et il est très probable que ce dernier en soit l’auteur, le dit quatrain ayant été par la suite intégré dans le canon centurique.
Jouissant du repos de mon tranquille' estude
Un esprit vint à moy qui de voix assez rude
Me dit ou me sembla me dire tel propos
Que fais-tu là Dorat en cet obscur repos
Insistons sur le fait que l'on a fort bien pu confondre en effet,ce Mi (chel) de Nostradamus le Jeune avec Michel Nostradamus. C'est ce même Dorat qui servira à Chavigny lequel latine lui consacre une épitre dans son Janus François de 1594 (pp/ 31 et seq)) pour dater de 1570 citer un quatrain dûment estampillé quant à sa centurie et à son numéro, dans un texte relatif à l'Androgyn, introduit par un certain Jean de Chevigny (cf Benazra, RCN; pp/ 95 et seq), ouvrage que l'on connaît par ailleurs dans le cadre des œuvres complètes de 1586.du dit Dorat, paru peu avant sa mort.-(Androgyni Interpretatio, Œuvres, tome I).. Chavigny est d'ailleurs le premier à revendiquer cette identité, en tète du Janus Gallicus Selon nous, il aura ajouté au texte de Dorat de 1586 cette épître à Larcher en se servant des coordonnées d'une édition centurique de la fin des années 1580 en l'antidatant pour les besoins de la cause, ce qui le rend suspect d'avoir participé à d'autres entreprises de plus grande envergure du même ordre.
On notera que Chavigny, dans le Janus Gallicus, vers 1589-96, prend la peine de signaler les qualités de Nostradamus en tant que “conseiller et médecin ordinaires des tres chrestiens roys de France etc “ et ne se contente pas de fournir sèchement son nom, sans autre développement Prend on la mesure de cette mention “Michel Nostradamus”, dans toutes les éditions des Centuries du XVIe siècle – à une exception près ( dans une présentation d'une prétendue édition 1568), sans indiquer même qu'il est astrologue alors qu'en ce qui concerne un Antoine Crespin, on lit “astrologue de France, médecin et conseiller ordinaire du Roy & de Monsieur son frère unique”( référence en 1578 au duc d'Alençon, qui mourra en 1584) L'on peut mettre l'absence de précision sur le compte la célébrité du personnage 20 ans après sa mort, quand diverses éditions centuriques commencèrent à circuler mais de son temps, apparemment, Nostradamus n'était pas assez célébre pour que l'on n'indique pas ce qu'il était et au service de qui il servait. On notera d'ailleurs que les éditions des Centuries à part les épîtres datées de 1555, 1557 ou 1568 – on saute après une vingtaine d'années sans aucune édition, jusqu'en 1588- ne comportent jamais de préface à qui que ce soit..
Comme on dit, le diable est dans les détails. Quand on examine les vignettes, l'on remarque une sorte de croix de Lorraine sous le fauteuil sur lequel est assis le personnage dans le vrai-faux (car il est bien paru à cette date) almanach pour 1561. Cette croix figure également dans l'édition Veuve Nicolas Roffet de 1588. Il ne s'agit pas ici de soutenir que cet almanach pour 1561 aurait été antidaté du fait qu'il porte les armes des Guises de Lorraine mais il faut quand même rappeler que la maison de Guise n'a pas attendu la Ligue pour se manifester; A la mort d'Henri II en 1559, les Guises seront très proches de son fils aîné, François II,, ce qui correspond tout à fat à la date de confection du faux '(mais non antidaté) almanach pour 1561.
La notice Wikipedia est explicite :
Fils aîné d'Henri II et de Catherine de Médicis, il Monte sur le trône de France à l'âge de quinze ans après la mort accidentelle de son père le 10 juillet 1559. Son règne éphémère n’a duré qu'un an et cinq mois mais constitue un prélude majeur au déclenchement des guerres de religion. Son règne est en effet marqué par une importante crise politique et religieuse. À son avènement, il confie les rênes du gouvernement aux Guise, les oncles de son épouse MHYPERLINK "https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Ire_d%27Écosse" arie Stuart, reine d'Écosse, partisans d’une politique de répression à l'égard des protestants.”
On comprend mieux comment cette croix de Lorraine a pu se retrouver dans les éditions parisiennes ligueuses mais disparaîtra dans les éditions centuriques antidatées et comment les dites éditions se sont servi des faux almanachs également parisiens.
En revanche, cette croix de Lorraine ne figurera dans aucune édition censée parue dans les années 1550 chez Antoine du Rosne, qu'il s'agisse des Prophéties ou de la Paraphrase. On peut certes soutenir que l'almanach pour 1561 aura copié les vignettes de 1557-57 en ajoutant ce signe mais pourquoi aurait-on opté en 1557 pour une autre vignette que celle des Pronostications pour 1555 ou 1557? Cela se comprend en revanche pour le faux almanach pour 1561 qui ne reprend d'ailleurs pas la menton “M. de Nostredame” figurant sur les vignettes des dites Prognosticatiions, le faux almanach utilisant d'ailleurs une vignette alors que les almanachs de Nostradamus n'en comportent pas à l'époque. Pour nous, le scénario aura été le suivant. Le libraire parisien de 1588 reprend la vignette du faux almanach tout aussi parisien de 1560 (pour 1561) puis à partir de là seront fabriquées les fausses éditions lyonnaises (1555, 1557), toutes dépourvues, du fait de la négligence du copiste, de cette petit croix.
Passons à une observation qui cette fois concerne la série “Nostradamus le Jeune” : dans les éditions centuriques qui la comportent, il est toujours mentionné que Nostradamus a été”médecin du Roy Charles IX & l'un des plus excellens astronomes qui furent jamais”. Cette donnée est à l'évidence tronquée car l'on sait que sa source comportait bel et bien le nom des trois rois de France, Henri II (mort en 1559), François I (mort dès l'année suivante)I et Charles IX. L'absence de mention d'Henri II est d'autant plus étrange qu'y figure une épitre de Nostradamus au dit roi Henri Second. Le titre complet est fourni par le Janus Gallicus de 1594 et sa reprise de 1596, Commentaires du Sr de Chavigny sur les Centuries et Prognostications de feu M. Michel de Nostradamus. En 1595, le même Chavigny avait t fait paraître une Prognostication de l'advénement à la Couronne de France (du) Prince Henry de Bourbon, roi de Navarre (…) le tout tiré des Centuries & autres commentaires de M. Michel de Nostradame jadis conseiller & médecin de trois Roys. Dans les Pléiades, le même Chavigny (1606) rappellera encore “jadis Conseiller & Médecin de trois Rois tres Chrestiens” . En revanche, dans les éditions centuriques de 1605 (date de l’épître de Vincent Sève à Henri IV qui y figure en tête des sixains), il est indiqué en tête du dernier volet (mais non sur la page de titre principale) :”Prédictions admirables pour les ans courans en ce siècle. Recueillis des Mémoires de M. Michel Nostradamus (de son) vivant Médecin du Roy Charles IX & l'un des plus excellens Astronomes qui furent jamais”. Cette fois, seul le nom de Charles IX figure et telle est bien la source immédiate de la série Nostradamus le Jeune, dont on connaît des éditions datées de 1568. (cf notre appareil iconographique) En 1672, la traduction anglaise précisera bien “ Michael Nostradamus, physician to Henry II., Francs II. And Charles IX. Kings of France” On notera que le point suivant la mention du nombre implique que l'on lise “second, troisième, neuvième”. Or, l'on sait que ce code de prononciation s'est perdu depuis au regard de la langue française.
On attirera enfin l'attention sur le fait que la vignette d'origine du “portrait” de Nostradamus le Jeune comporte une mention manuscrite  : Quid altius astris, c'est à dire quoi de plus élevé, de plus haut que les astres, belle formule pour un astrologue - dans les éditions non centuriques comme les Prédictions pour 20 ans, (Rouen, Pierre Hubault, dédiée au jeune duc d'Alençon) et que cette formule disparaît dans les éditions centuriques. Cela fait écho à ce qu'écrit le poète Jean Passerat (1534-1602), ami de Jean Dorat (1508-1588),   : Vel Phoebo ignotum nihil est, nihil altius astris (au sein d'un texte bilingue latin-français intitulé Nihil. Nemo. Quelque chose. Tout. Le moyen. Si peu que rien. Caen, Imp. de la Veusve de Jacques Le Bas. 1596. ) La traduction française rend le passage ainsi “Rien est plus eslevé de ces beaux feux célestes”. Nous n’excluons pas qu’il puisse exister un lien entre Passerat et ce Nostradamus le Jeune car comme dans le cas de Dorat, il semble que l’on ait publié tardivement, à la veille de leur mort, des textes datant des années 1560-1570., traduit en français «  Rien  »).. Rien n'est plus élevé que les astres( cf sur l’intérêt de Dorat pour les prophéties, Monique Bouquet.La Sibylle: Parole et representations). Il est un fait que Nostradamus intéressa de nombreux poétes de son temps tels que Dorat mais aussi Ronsard (cf Stéphane Gerson .Nostradamus: Le prophète HYPERLINK "https://books.google.fr/books?id=GNOSCwAAQBAJ&pg=PT103&lpg=PT103&dq=Ronsard++Nostradamus&source=bl&ots=yWNPPH30C6&sig=msEwTFWMxIC0rQfVkvtMyid8asw&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj798q7irPUAhXFOhQKHUIiBeIQ6AEIPTAE" de HYPERLINK "https://books.google.fr/books?id=GNOSCwAAQBAJ&pg=PT103&lpg=PT103&dq=Ronsard++Nostradamus&source=bl&ots=yWNPPH30C6&sig=msEwTFWMxIC0rQfVkvtMyid8asw&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj798q7irPUAhXFOhQKHUIiBeIQ6AEIPTAE" nos malheurs. XVIe-XXIe siècle, 2016) Que certains poétes aient utilisé des pseudonymes nostradamiques n’est pas à exclure, comme dans le cas de cet Antoine Crepin (alias Nostradamus puis Archidamus) dont on ne sait pas grand chose quant à sa biographie.(à ne pas confondre avec d’autres auteurs du même nom mais d’une autre époque)
En bref, il semble donc qu' une seule édition 1568 à 10 centuries ait utilisé la vignette Nostradamus le Jeune et reprenant de façon certes tronquée, les qualités de Nostradamus mais que les autres éditions n'aient même plus pris cette peine, alors qu'elles se présentent comme réalisées au lendemain de la mort du dit Nostradamus!.Quant à notre série “Nostradamus le Jeune” , ainsi nommée par nous du fait de sa vignette, elle pourrait dater de 1605 se référant explicitement en son titre à 1568 – sans mentionner Charles IX, du moins en son titre principal “ Reveues & corrigées sur la coppie imprimée à Lyon par Benoist Rigaud. 1568”. L'édition de 1649 et celle de 1568, ne mentionnent pas Benoist Rigaud mais mettent en avant en leur titre le seul Charles IX. On voit donc que nous avons droit à trois vignettes: celle des pronostications authentiques (pour les années 1555, 1557, 1558) ), celle des pronostications contrefaites ( Pronostication pour 1562, à Paris, Barbe Regnault, que l'on retrouve dans les Prophéties datées 1555, 1557) et celle associée aux publications de ce Mi. de Nostradamus le Jeune.(1568, 1605, 1649) On notera que les autres éditions 1568 ne comportent aucune vignette représentant un personnage, ce qui contraste avec les éditions des années 1555-1557, ce qui indique soit que l'on aura abandonné cette pratique, soit que cette pratique de telles vignettes sera apparue ultérieurement, (elle n'est d'ailleurs pas en usage dans la série Grandes et Merveilleuses Prédictions 1588-1590) ce qui signifie que le scénario d'une édition posthume aurait précédé celui du scénario d'une édition en train de se faire, 4 centuries en 1555, 7 centuries en 1557 voire, selon certaines hypothèses, 10 centuries en 1558 (avec le second volet introduit par une Épître à Henri II, que Nostradamus aurait adressée au roi, à la veille de sa mort en tournoi, en 1559, édition non retrouvée cependant. Cet autre scénario se serait calqué sur la succession des éditions des années 1580-1590. et c'est d'ailleurs ce qui rend le dit scénario, fort ingénieux, particulièrement attractif aux yeux de bien des nostradamologues, encore de nos jours.. Autre “détail”, la vignette de l'almanach pour 1561 et ses dérivés, inverse l'ordre des luminaires observables à travers la fenêtre de ce bureau: Dans les vignettes authentiques, le soleil se situe à gauche et la Lune à droite de la fenêtre, alors que dans les vignettes des éditions “pirates”, et donc dans les éditons 1555 et 1557, c'est la Lune qui est placée à gauche et le soleil à droite.
C'est dire que règne une certaine confusion entre Nostradamus et Nostradamus le Jeune puisque la vignette du second aura servi pour le premier comme il le ressort de notre corpus iconographique, du fait d'un certain "glissement".
Il reste que  c'est la vignette des faux almanachs parisiens  pour les années 1560   qui aura finalement servi pour les édition antidatées, la vignette Nostradamus le Jeune n'ayant servi que pour l'édition "posthume" de 1568. On notera d'ailleurs que jamais les éditions 1568 n'utiliseront les vignettes 1550, dont on rappellera qu'elles servirent d'abord pour les éditions parisiennes    ligueuses, notamment chez la veuve de Nicolas Roffet.


Qu'en est-il donc de la traduction de Nostradamus de la Paraphrase? On ne saurait exclure qu'il en soit l'auteur et qu'on l'ait retrouvée à sa mort dans ses "papiers".  On peut certes se demander pourquoi les faussaires auraient pris la peine de produire cette Paraphrase de Galien, sans grand intérêt au regard du prophétisme centurique et dont on s'accorde à reconnaître qu'elle n'a pas grande valeur
«  Je ne vis, déclare François  Buget ( Bulletin du Bibliophile) 1861,) dans cette traduction souvent presque inintelligible, même avec le secours du latin, qu'une suite d'offenses à la grammaire et au sens commun, de contresens faits à plaisir et d'omissions qui brisent le fil de la pensée dans le but évident de révolter le lecteur et de se faire passer pour un fou  ». Mais l'on peut se demander si cette traduction bâclée n'aurait pas été le fait de quelque préposé. Au fond, ce serait faire injure à Nostradamus que de la lui attribuer, ce qui n'empêche que le dit Nostradamus ait pu par ailleurs s'intéresser à un tel projet -ceci expliquant cela- puisque la lecture de la correspondance de Nostradamus (cf Dupébe, Nostradamus. Lettres Inédites, Droz, 1983, pp. 51-54) permettait, en tout cas, d'apprendre que Notsradamus s'était bel et bien lancé dans un tel travail lequel avait, selon toute vraisemblance, pu circuler en manuscrit. Olrias de Cadenet, un des cousins de Nostradamus se fâcha même avec lui pour avoir émis (en 1560) des réserves sur une telle entreprise dont il avait pu prendre connaissance . Pour quelque raison, on trouva utile vers la fin du siècle, d'en faire une impression,vraisemblablement, à partir du manuscrit retrouvé dans la bibliothèque du défunt, agrémentée de quelques gravures alors que la traduction d'Horapollon par le même Nostradamus (cf Guinard, Nostradamus traducteur op. cit) resta inédite jusqu'au Xxe siècle.. Il fallait donc avoir accès au manuscrit de la correspondance de Nostradamus pour songer à produire la dite Paraphrase, ce qui est aussi le cas pour l’accès au manuscrit des Présages Prosaïques, ce qui semble avoir été le cas de Chavigny. Notons aussi que les éditions parisiennes de 1588-89 reprennent les quatrains de l’almanach pour 1561, en lieu et place des quatrains centuriques (cf Benazra, RCN), ce qui exigeait la possibilité d’ un tel accès assez réservé.
Certes, les faussaires ont ils pu faire leur possible pour conférer un cachet d'authenticité à leur contrefaçon mais de là à se lancer dans la réalisation de deux éditons de la Paraphrase, datées 1557 et 1558, cela semble bien hors de proportion. Et pourtant, comment expliquer que les dits faussaires aient pu négliger de préciser les qualités médicales du traducteur lequel  était parfaitement en vie à l'époque? Rappelons que la vignette concernée a bel et bien circulé dès le début de la décennie 1560 mais qu'elle n'est pas autrement attestée pour les années 1550, hormis bien entendu les dites contrefaçons..  Il y a donc un mystère concernant les motivations liées à la publication de la Paraphrase laquelle apparaît comme un complément aux Prophéties. Mais comme le note Guinard,  la dite édition comporte certaines singularités, tant et si  bien que c'est Guinard lui même qui pourrait apporter un semblant de réponse à une telle énigme. (cf pp. 180 et seq)Nous n'entrerons pas ici dans des considérations sur le contenu de l'édition de la Paraphrase, en précisant que même si la traduction a pu être de Nostradamus, cela ne signifie pas que l’Épître qui l'introduit le soit. Citons Guinard  (p. 257)  à propos de la Paraphrase et de son épître : "nous sommes en présence d'un dispositif consommé mais qui n'a pas encore livré ses secrets". Dont acte. Il reste que les critères qui nous  semblent déterminants à savoir l'absence de mention des qualités de "docteur" de Nostradamus, plus le fait que c'est précisément chez le même libraire que paraîtront deux éditions, dont l'une comporte des ajouts à la Centurie VII par rapport à l'autre, avec les même vignettes reprises des  faux almanachs parisiens non attestées avant 1560,- et ne comportant pas la mention M. De Nostredame- nous obligent à situer ces éditions dans les années 1580, quelle que puisse être par ailleurs l'authenticité de la traduction.
. On y trouve comme à l'habitude une épître, cette fois adressée  au Baron de La Garde, Admiral du Levant (cf Guinard; Nostradamus traducteur, op. cit.  ^/ 257).., datée du 17 février 1557.. Robert Benazra dans une notice relative à son testament, nous précise que  "Nostradamus possédait deux astrolabes. En effet, son bisaïeul, Jean de Saint-Rémy, lui avait légué un «  instrument  » pouvant servir à dresser des thèmes et il avait reçu un astrolabe en cadeau du baron Paulin de La Garde, commandant des galères du roi en Méditerranée." Dans ce contexte posthume, on peut se demander si l'on n'avait pas retrouvé une traduction manuscrite de la Paraphrase de Galien qui aurait été transmise à quelqu'un comme Jean Aimé de Chavigny  comme cela semble bien  avoir été le cas pour le Recueil des Présages Prosaïques, dont à l'évidence le dit Chavigny se servit pour son Janus Gallicus (1594), lequel comporte le commentaire de plusieurs quatrains probablement repris du dit Recueil dont on sait que le dit Chavigny avait l'intention de le publier en 1589, à Grenoble,   (cf B. Chevignard,  Prédictions, Paris, Seuil 1999) On sait aussi  que les éditions parisiennes de la Ligue ont eu également  connaissance de certains quatrains d'almanachs (pour 1561) contenus dans le dit Recueil dans laquelle on a du puiser. On rappellera à ce propos que les éditions ligueuses comportent des pages de titre qui ne correspondent pas vraiment à leur contenu.


  Mais revenons  sur la série Grandes et Merveilleuses Prédictions, Rouen, 1588-89 et anvers 1590  en relevant une bévue que l'on retrouve étrangement dans les éditions Lyon Antoine du Rosne 1557  mais pas dans les éditions Benoist Rigaud 1568
1557  Les Prophéties  (.. ) dont il en y a trois cents qui n'ont encores iamais est imprimées
1588  Grande et Merveilleuses Prédictions  "dont il en y a trois cens qui n'ont encores jamais esté imprimees. Esquelles se voit representé une partie de ce qui se passe en ce temps, tant en France, Espaigne, Angleterre etc
On a "dont il en y a " au lieu de "dont il y en a" comme dans Lyon 1568
En revanche, il n'y a pas dans la série  7 centuries  la mention "Adioustées par le dict Autheur? On peut certes penser que cette mention vise les centuries VIII, IX et X.  Mais cette même mention se trouve déjà dans les éditions à 7 centuries des années 158-89 (Paris)-90 (Cahors) et viserait plutot la VIIe Centurie:
""revue &  additionnées par le dict Autheur  pour l'An 1561  de 39 articles  à la dernière centurie" Paris 1588
Cela signifie que le titre des éditions 1557 correspond à un contenu non pas de 7 mais de 6 centuries! Or, on n'a pas conservé d'édition à 6 centuries, cela pourrait correspondre à une édition antidatée à 1556, signalée au titre de la série Vrayes Centuries et Prophéties  (...) revues & corrigées  suivant  les premières éditions  imprimées en Avignon en l'an 1556 et de Lyon en 1558 (Amsterdam 1667)
1555  4 centuries
1556  6 centuries (se terminant par le quatrain latin)
1560 (pour l'an 1561)  7 centuries (comme indiqué dans les éditions de 1588)
On aura compris que les pages de titre nous racontent une histoire qui ne correspond  pas à leur contenu mais  nous avons la faiblesse de penser que les dites pages de titre offrent une certaine fiabilité au regard de la chronologie des "fausses"  éditions.
Les éditions sans mention "ajoutés par l'auteur" devaient correspondre à 6 centuries  et les pages de titre 1557 sont reprises des pages de titre Rouen 1588 etc
Quant aux éditions à 7 centuries, elles correspondent aux pages de titre de éditions de Paris 1588-1589.et auraient servi pour le premier volet des éditions à 10 centuries. Lyon 1568
 


 
Les deux familles de titres centuriques


Notre propos s’articulera autour de la dualité des titres. D’une part les Grandez et merveilleuses prédictions de M. Michel Nostradamus et de l’autre les Prophéties de M. Michel Nostradamus. (cf  R. Benazra, Répertoire Chronologique Nostradamus, Paris, Trédaniel- Grande Conjonction, 1990 et Ruzo  Testament de Nostradamus, Ed du Rocher, 1982)
Selon nous, le premier titre est «  ligueur  » et le second «  protestant  », puisque selon nous le premier volet est  Catholique  et le second (centuries VIII-X) au service d’Henri de Navarre
Si l’on applique une telle grille, toutes les éditions portant en leur titre principal le mot «  Prophéties  » seraient le fait d’une production réformée. Or, l’examen des diverses éditions (cf RCN, op. cit. pp; 118 et seq) fait apparaître deux séries d’éditions ’1555-1568  et 1588-89 que l’on n’attribue pas spécialement au camp du futur Henri IV. Le cas le plus remarquable est l  »édition Lyon 1568 qui est la seule avant les années 1590 à comporter les 10 centuries et donc le second volet avec la fausse épître à Henri II  (cf nos Documents Inexploités sur le phénomène Nostradamus,  Ed Ramkat 2002) et c’est en fait cette édition «  complète  »  posthume (tout en ne signalant pas le récent décès de l’auteur comme cela est attesté pour d’autres textes de cette même année) qui est au cœur de notre étude.


I Les Grandes et Merveilleuses Prédictions
Il s’agit probablement du premier intitulé utilisé, celui de Prophéties étant plus tardif, si l’on fait la part évidemment des éditions antidatées 1555-1568 (cf. RCN, pp. 8 et seq) On connaît, grâce à Daniel Ruzo, grand collectionneur de nostradamica, une édition sous ce titre parue à Rouen en 1588 chez le libraire Raphaël du Petit Val.  Cet exemplaire a disparu et nous devons nous reposer sur la description qu’en donne Ruzo qui l’avait dans sa collection, depuis dispersée. En dépit du titre, le contenu ne comporte aucune division en centuries mais une suite de 349 quatrains dont nous ne savons pas s’ils étaient ou non numérotés.
L’édition suivante chez le même libraire normand comporte six centuries et donc des quatrains absents de la précédente édition, notamment le quatrain IV, 47 selon la numérotation en vigueur. Or, ce quatrain s’en prend explicitement à la ville de Tours «  garde-toi Tours de ta proche ruine  », En 1589, Henri III s’était établi dans cette ville fuyant Paris, contrôlée par les «  ligueurs  ». Selon nous, ce quatrain aura donc été ajouté au vu des circonstances politiques. (cf. notre étude Les centuries et la Ligue  Colloque de 1997, publié par l’École Normale Supérieure) Ce  quatrain figure dans les éditons antidatées parues sous le titre de Prophéties  Lyon 1555-1557 (cf. infra) Cette édition tronquée en ses dernières pages  ne comportait  pas selon nous  la VIIe centurie et selon nous cela correspond à une édition à six centuries s’achevant par un quatrain latin marquant la fin de l’ensemble.
En 1590, sous le même titre, parait à Anvers une édition comportant 35 quatrains à la VIIe Centuries (et non 40 ou 42 comme dans les éditions parues sous le titre de Prophéties antidatées  de 1557 et 1568(cf. infra)
Ces éditions se référent à une édition d’Avignon, 1555  (cf. colophon de l’édition Anvers 1590), mais ne la produisent pas.
Cette série ne comporte pas les Centuries VIII-X, mais est toujours introduite par une «  préface  » à César, datée  du 22  juin 1555 (alors que celle de Macé Bonhomme 1555 est datée du Ier mars)
Selon nous, cette série ne  génère pas de fausses éditions si ce n’est que leur contenu est en partie faussement attribué à Nostradamus. On peut s’interroger sur l’authenticité de la Préface à César dès lors que l’on considère que Nostradamus n’a jamais voulu faire paraitre de telles «  centuries de quatrains  ». Une partie du texte est reprise, comme l’a noté Pierre Brind’amour ‘Nostradamus astrophile), du Compendium de Savonarole. Rappelons que le dit César naquit fin 1553 et qu’Henri II mourut eb 1559, ce qui délimite une certaine fenêtre de tir, un terminus.
 




II Les Prophéties
Les Protestants disposaient des 7 premières centuries produites par les tenants de la Ligue et ils décidèrent de leur ajouter 3 centuries numérotées VIII, IX  et X. Ce seraient donc eux qui auraient géré l’ensemble sous le titre de Prophéties, à commencer comme on l’a dit par l’édition antidatée de 1568, qui sera «  authentifiée  » par les Prophéties de Crespin à la puissance divine et à la nation française (censés parues en 1572 mais c’est selon nous une édition antidatée pour la circonstance. Même observation concernant le quatrain reproduit en 1570 dans le livre consacré à un Androgyne, et comportant notamment un texte de J. de Chevigny (cf Benazra, RCN, op; cit; pp. 96-97) Dans la foulée, les mêmes faussaires (ou d’autres?) se décidèrent à produire une édition datée de 1555 puisque cette date figurait dans les Grandes et Merveilleuses Prédictions (cf Benazra, RCN,op. cit p. 127), édition à 353 quatrains et donc avec plus de quatrains que l’édition signalée plus haut (Rouen Du Petit Val, 1588,  cf RCN, op. cit  pp. 122-123)/
En ce qui concerne les éditions Antoine Du Rosne, 1557, dont on dispose de deux versions (celle d’Utrecht non signalée dans le RCN). elles comportent respectivement 40 et 42 quatrains à la VIIe centuries donc davantage que l’édition Anvers 1590 qui n’en compte que 35.  Rappelons en passant l’argument très souvent utilisé par Benazra, Ruzo ou Guinard et al tous refusant la thèse d’éditions 1555-1557-1568  antidatées . selon lequel ce sont les éditions des années 1580-90 qui ne comporteraient pas certains quatrains qualifiés de «  manquants  »! Rappelons aussi en passant que les vignettes utilisées pour les éditions 1555-1557 sont prises d’un faux almanach parisien pour 1563 (cf RCN, op. cit. pp. 58-59) et que le second volet des centuries comporte un quatrain annonçant ou célébrant le couronnement d’Henri IV à Chartres en janvier  1594, lequel quatrain figure dans toutes les éditions du second volet, ce qui nous conduit à penser que la fausse édition Lyon, Benoist Rigaud 1568 date au plus tôt de 1593. Et enfin, rappelons que Chavigny semble avoir été marqué par l’année 1589 (date du manuscrit du Recueil des Présages Prosaïques  et date terminale du commentaire du Janus Gallicus, date supprimée dans l  »édition de 1596, qui se contente d’un «  iusques à présent  ».(cf RCN, op. cit. pp. 142-143)
Abordons à présent la délicate question des éditions parisiennes parues en 1588-1589 sous le même titre de Prophéties.  On serait évidemment enclin de les situer dans le champ ligueur, vu l’origine parisienne affichée. Mais selon nous, ce n’est là qu’un stratagème et le titre de Prophéties et non de grandes et merveilleuses prédictions va dans ce sens. Si l’on a produire de fausses éditions lyonnaises  pour 1555-1568, pourquoi pas, en effet, de fausses éditions parisiennes pour une période sensiblement plus récente et donc dont la production locale était bien plus accessible.
Au demeurant, ces éditions   » parisiennes  », censées être contemporaines des Grandes et Merveilleuses Prédictions (RCN, op. cit. pp. 118 et seq), qu’elles émanent de la Veuve de Nicolas Roffet, de Pierre Ménier, ou de Charles Roger, s’inscrivent difficilement dans la chronologie des autres éditions. Étrangement, la préface à César y est cette fois datée non pas du Ier mars 1555 mais du Ier mars 1557 et la date avancée ailleurs 3767 et non 3797, comme le note Benazra.
L’intérêt de ces éditions n’est pas négligeable. On y trouve  des formules qui manquent ailleurs:
Prophéties de M. Nostradamus adioustées outre les précédentes éditions. Centurie IV après le quatrain conclusif 353 de l’édition Macé Bonhomme 1555.
et puis
«  Prophéties de M. Nostradamus. Adioustées nouvellement. Centurie septième. (cf Benazra, RCN, pp. 118 et seq)  mais on n’y trouve pas les quatrains de la VIIe centurie tels qu’on les connaît notamment d’après l’édition Anvers 1590 ni comme ils se placent dans les éditions 15557 et 1568.  Les bibliographes parlent alors comme on l’a dit d’éditions corrompues, eux qui s’en tiennent à la chronologie résultant d’une lecture au premier degré des dates d’édition successives.
Ajoutons un point très important, toutes ces éditions parisiennes, largement identiques, se référent en leur titre à l’année 1561: «  dont il y en a 300 qui n’ont encores esté imprimées lesquels sont en ceste présente édition. Revues & corrigées par l’auteur pour l’an 1561 de 39 articles à la dernière Centurie  ».
On nous propose donc le scénario suivant:  une première édition à 3 centuries (avec un appendice), suivie d’une seconde comportant 3 centuries supplémentaires (l’appendice étant intégré dans la centurie IV), ce qui donne six centuries, et enfin d’une troisième édition à 39 quatrains à la centurie VII
Ajoutons immédiatement que le contenu de ces éditions diffère singulièrement de leur titre et ce qui nous intéresse ici, ce sont les intitulés qui nous semblent correspondre à une certaine réalité, qui est celles des Grandes et Merveilleuses Prédictions, avec l’augmentation entre 1588 à 1590 du nombre de centuries, étant entendu que la dite série rouennaise telle qu’elle nous est parvenue est très vraisemblablement incomplète puisque l’on ne trouve pas d’édition à seulement 6 centuries, ce qui constitue un chaînon manquant.
Mais revenons sur la référence à 1561 qui peut laisser perplexe plus d’un chercheur. Il faudrait donc entendre, si l’on s’en tient au dit scénario, que la septième centurie à 39 quatrains (mais à 35 seulement dans l’édition Anvers 1590) ne serait parue  qu’en 1561 alors que l’édition de Lyon Antoine du Rosne datée de 1558 comporte déjà la dite centurie VIIe!    il y a là quelque dissonance bibliographique  ! Les éditions 1557 auraient dû porter la date de 1561 pour correspondre à cette chronologie assez concevable du moins dans l’esprit des faussaires puisque rappelons-le toutes ces éditons sont antidatées, ce qui n’empêche pas qu’il puisse exister une chronologie «  virtuelle  », aussi fictive serait-elle. On aura noté que la préface à César des éditions parisiennes est datée de cette même année 1557, mais dans les éditions 1555 et 1557, elles portent bien l’année 1555! On rappellera que le titre de l’édition 1588 Rouen Petit Val ne correspond pas non plus à son contenu puisqu’on y annonce une division en 4 centuries alors que d’après Ruzo,, l’ensemble n’était même pas encore divisé en centuries. Si l’état de cette première édition des GPM  est concevable, cela signifierait qu’il a existé une toute première éditon qui n’était pas encore structurée en centuries, à 349 quatrains. D’ailleurs, Ruzo (Testament de Nostradamus) précise que le texte débute, à l’intérieur, par la  formule «  Prophétie de Nostradamus  ».
On terminera avec l’édition Cahors Jaques Rousseau, 1590 (cf Benazra, RCN, pp . 126 et seq) laquelle comporte deux volets, c’est la première du genre si l’on excepte l’édition 1568. La date de la préface est du 22  juin 1555, date qui  figure dans la série Grandes et Merveilleuses Prédictions (GMP), ce qui montre bien que les auteurs de ces éditions «  Prophéties  »,  disposaient de la dite série GMP. En 1594, Benoist Rigaud publie les deux volets. (cf Benazra, RCN, op. cit. pp 140 et seq). Cette édition Cahors a pu servir de modèle pour confectionner l’édition Lyon, Benoist Rigaud, 1568; Benazra affirme évidemment l’inverse  à savoir que c’est l’édition de Cahors qui reprend celle de 1568!
Ce que nous retiendrons de plus remarquable à l'examen du corpus centurique du second seizième siècle, marqué notamment par le passage des Valois aux Bourbons, c'est le cas de ces éditions dont le titre ne correspond pas au contenu. Cela trahit selon nous le caractère tardif des élections parisiennes, à savoir que l'on aurait dans certains cas, disposé d'un catalogue des publications nostradamiques mais sans les ouvrages eux-mêmes. Dès lors, certains éditeurs inventeront des contenus sans prendre garde que cela ne correspondait pas aux titres. Autrement dit, les dits éditeurs nous auront ainsi restitué de vrais titres d'ouvrages disparus mais transmis de faux contenus. Cela vient encore plus embrouiller le paysage centurique : centuries faussement attribués à Nostradamus, éditions antidatées et pages de titre ne correspondant pas au contenu ainsi déclaré. Sur ce dernier point, on comprend mieux le sentiment de dégradation des centuries exprimé par nombre de nostradamologues à l'encontre des éditions parisiennes, d'autant que le contenu des dites éditions ne correspond pas vraiment à celui des éditons antidatées, lesquelles certes sont antidatées mais comportent un contenu qui correspond mieux aux titres des éditions parisiennes que celle-ci. Autrement dit, on ne connaîtrait le vrai contenu de telles éditions que par le biais des éditions antidatées restituant le dit contenu. D'un côté fausses pages de titres mais contenus fidèles à la production centurique initiale et de l'autre, les bonnes pages de titres mais avec des contenus fantaisistes comme d'intégrer dans telle édition les quatrains (présages) de l'almanach pour 1561.(il existe un vrai et un faux almanach pour cette année cf Benazra , RCN, op. Cit pp/ 42 et seq)) C'est en combinant ces deux catégories que l'on peut avoir quelque chance de restituer la dite production dans son intégrité.
  Mentionnons un extrait de la description que Benazra donne des éditons parisiennes des Centuries: (RCN, pp 118 et seq):
Centurie septiéme: “Dans cette centurie, on a inséré 12 quatrains qui n'en ont jamais fait partie. (..) ce sont ceux qui devaient être publiés comme présages pour l'almanach pour 1561”. Apparemment, voyant que le titre mentionnait l'anné 1561, les éditeurs, faute de mieux, ont repris des éléments associés effectivement à l'année en question, lesquels éléments sont d'ailleurs tout à fait authentiques. Mais cela ne correspond nullement- du point de vue du nombre, aux 39 articles ajoutés à la dernière centurie annoncés au titre. Cela suppose en tout cas, que l'on ait disposé soit des almanachs de Nostradamus, soit plus probablement du Recueil des présages prosaïques, paru en 1589 (Chavigny étant l'éditeur) si l'on en croit le manuscrit conservé (publié en partie par B. Chevignard, Présages de Nostradamus, Paris, Seuil, 1999, pp. 143 et seq), en rappelant que nombre de quatrains d'almanachs furent commentés dans le Janus Gallicus du dit Jean-Aimé de Chavigny, Beaunois, qu'il faut probablement considérer comme l'auteur de la fausse édition de l'Androgyn (antidaté à 1570), introduite par un certain Jean de Chevigny, un quasi homonyme, secrétaire de Nostradamus, le dit Jean Aimé se servant d'une édition dûment calibrée en centuries et en quatrains à l'instar de l'édition de Cahors (1590) par exemple.


Des titres sans contenu adéquat
Une des observatins les plus stupéfiantes quand on examine les descriptions des édiitions successives pour la période 1588-1590 telle que fournies par R. Benazra, (RCN op. Cit) ou M. Chomarat (Bibliographie Nosradamus, Baden Baden, Koerner, 1989), c'est bien le décalage entre les titres des ouvrages et leur contenu. Ce point là semble avoir été jusqu'à présent négligé et peu exploité.
La question est de savoir si ce qui intéresse le plus l'historien des textes, c'est le titre ou le contenu. La tendance semble avoir été de s'en tenir au contenu plutôt qu'au titre mais cela n'allait pas sans déclencher quelque perplexité plus ou moins avouée.
Nous proposerons ici d'accorder toute son importance aux titres mais aussi tout de même à l'articulation interne.
En ce qui concerne le titre, l'on voit émerger, si l'on s'en tient au seul corpus des éditions parisiennes, l'année 1561. “Les ¨Prophéties de M. Michel Nostradamus. Dont il y en a qui n'ont encores esté imprimées. Additionnées par l'auteur pour l'an 1561 de 39 articles à la dernière centurie”
Il semble que dans les édiions de 1568, le titre ait été tronqué:
Les Prophéties de M. Michel Nostradamus Dont il y en a 300 qui n'ont encores jamais esté imprimées . Adioustées de nouveau par ledict Auteur”
La suite “pour l'an 1561 de 39 article à la dernière centurie” a disparu à moins évidemment que l'on soutienne que cet élément aurait été ajouté par rapport à l'édition de 1568. Il s'agit là de l'ajout à un ensemble de 6 centuries- la dernière centurie étant la sixième se terminant par un quatrain latin très net à ce sujet- d'un appendice de39 quatrains, lequel ne constitue pas stricto sensu une centurie à part entière et d'ailleurs cette “septième” centurie ne sera pas complétée sauf à considérer les 58 sixains (et non quatrains) qui figureront au siècle suivant. Or, les éditions datées de 1557 ne signalent même pas cette addition à la “dernière centurie” alors qu'elles comportent bel et bien 40 quatrains pour l'une et 42 quatrains pour l'autre, en la centurie septième, ce qui fait dire à tel commentateur que les éditions mentionnant l'addition de 39 articles pour l'an 1561 n'avaient pas connaissance des éditions 1557! Rappelons que les éditions 1568 ont supprimé, à moitié, la mention d'une telle addition ultime de 39 quatrains, ce qui est étonnant si elles font suite à une édition de 1557 qui n'en fait nulle part mention non certes pas e, son contenu – puisque la centurie VII s'y trouve bien- mais en son titre. Tout indique au contraire que l'on aura composé une édition '1557” à ^partir d'une édition “1568', en évacuant le morceau de phrase subsistant “ adioustées de nouveau par le dict auteur”. Rappelons que toutes ces éditions portent le même titre principal “Prophéties de M. Michel Nostradamus” à la différence des éditions de Rouen et d'Anvars, “Grandes et merveilleuses Prédictions de M. Michel Nostradamus” lesquelles ne fournissent pas la moindre explication quant à la moindre addition. En ce sens, notre inclinaison serait de considérer des titres ne comportant aucune mention de ce type comme plus tardives.
Passons à la structure interne de ce corpus des “Prophéties” qui nous éclaire encore un peu plus puisqu'au milieu de la Centurie IV nous trouvons 'Prophéties de M. Nostradamus adioustées outre les précédentes impressions. Centurie quatre”. Il s'agit là d'un chaînon manquant puisque la première édition du groupe, Prophéties, Lyon, Macé Bonhomme, ne comporte que 53 quatrains à la centurie IV et que l'addition part du quatrain numéroté 54. Il est normal que l'édition Macé Bonhomme ne l'indique pas puisque l'addition n'a pas encore eu lieu mais il ne l'est guère que l’édition Antoine du Rosne 1557 qui comporte cette fois une centurie VII “complète” ne fasse pas figurer après le quatrain 53 qu'une addition a été opérée. Mais il est vrai qu'elle ne précise pas davantage l'addition qui ouvre sur la centurie VII; Or, pour en revenir aux éditions parisiennes de 1588-1589, à l'intérieur de l'ouvrage, on lit “ Prophéties de M. Nostradamus adioustées de nouveau par lecdict auteur. Centurie Septième.”, élément qui manquera à l'intérieur de l'édition 1568, dont on a vu que le titre annonçant cette dernière addition avait été tronquée par comparaison avec les dites éditions 1588-1589. Le fait d'indiquer “centurie septième” montre d'ailleurs que cet 'appendice” (“39 articles à la dernière centurie” aura fini par constituer une septième centurie, d'où la numérotation du second voler mentionnant nommément “centuries VIII-IX-X” au tire dudit second volet, notamment dans l'édition Lyon 1568.
Le problème, c'est que lorsque l'on passe à la question du contenu en termes de quatrains, comme on en a averti le lecteur, plus haut, ces éditions parisiennes apparaissent comme fort défectueuses, et en tout cas sans grand rapport avec ce que l'on peut lire en leurs titres. Cela aura conduit probablement à considérer les dites éditions comme peu fiables alors qu'au contraire, celles-ci nous apparaissent, la question des quatrains mis à part, comme tout à fait utiles pour toute entreprise visant à établir la chronologie et la genèse du premier volet de 7 centuries.
Mais répétons -le, la série Grandes et Merveilleuses Prédictions ne s’embarrasse quant à elle d'aucune information concernant les étapes de formation de l'ensemble 7 centuries si ce n'est dans le cas de la première édition du dit groupe laquelle comporte en son titre (mais ce point ne sera pas repris dans les autres éditions du même groupe) “Les grandes et merveilleuses prédictions de M. Michel Nostradamus divisées en quatre centuries” (Rouen, Raphael du Petit Val 1588). Cela est à comparer avec le premier état de l'autre groupe
Macé Bonhomme 1555. Les Prophéties de M. Michel Nostradamus, sans autre précision. Cette fois, c'est le groupe Grandes et Merveilleuses Prédiction qui s'avère plus précis avec la mention de 4 centuries. L'absence de cette indication dans l'édition datée de 1555 nous apparaît comme sensiblement lapidaire en comparaison des éditions suivantes du dit groupe.
On aura compris que si l'on s'en tient au pages de titre des diverses éditions parues en 1588 et 1589, l'on est en mesure de restituer avec quelque vraisemblance la dit genèse éditoriale à savoir
I “divisées en 4 centuries” (dont la Ive à seulement 49 (Rouen 1588) ou 53 quatrains (Lyon 1555)
II Une addition de 3 centuries,, intégrant le premier groupe de quatrains de la Centurie IV ce qui donne une édition à 6 centuries (aucun exemplaire ne nous en est parvenu)
III Une addition de 39 quatrains à la sixième centurie (mais on n'en trouve que 35 dans l’édition Anvers des Grandes et Merveilleuses Prédictions) Notons toutefois que cette édition se réfère in fine à une première édition datée de 1555; à Avignon.
Ensuite, il revient de nous pencher sur l'historique du présent corpus d' éditions au prisme de la question des éditions antidatées, en négligeant la question des contenus en termes de quatrains, dont on fera ici totalement abstraction jusqu'à nouvel ordre.
L’intitulé des éditons parisiennes de 1588-1589 nous semble correspondre à l'état final du premier volet avec mention des additions successives à la fin de la IIIe et de la Vie centuries. Cela suppose donc qu'il y eut des éditions à 4 centuries, à 6 centurie et à 7 centuries et qui sait à 3 centuries, puisque la Ive centurie semble additionnelle avec ses 49/53 quatrains avec le même profil que la VIIe. Mais on laissera ce point en suspens.
La seule donnée se référant à une production du vivant de Nostradamus concerne évidemment la mention de l'année 1561, où se met en place une addition à la dernière et Vie centurie. Autrement dit, cela signifierait que l'ensemble à six centuries aurait été achevé avant 1561. Dès lors, pourquoi ne pas dater de 1557 le passage de trois centuries plus une centurie IV à 53 quatrains à un ensemble à 6 centuries puisque cette date figure sur deux éditions du groupe des “Prophéties” lesquelles mentionnent justement une addition de 300 quatrains. Quant à l'édition “posthume” de 1568, elle aurait le statut d'une édition à 10 centuries avec ses deux volets,.
1555-1557-1561-1568, telles seraient les dates clef du “scénario” que nous considérons comme fictif des éditions centuriques des années 1555-1568. Rappelions que 1555 est une date qui figure dans l'édition Anvers 1590 des grandes et merveilleuses prédictions. (l'absence de cette mention dans l'édition Rouen 1589 tiendrait au fait que la fin de la dite édition ne nous est point parvenue.
Oe, si l'on admet que les Protestants ont réalisé les centuries VIII à X, il leur revenait de présenter une édition complète à 10 centuries comme celle de 1568. Mais cela ne saurait dater d'avant le temps de la Ligue, c'est à dire le milieu des années 1580, avec la crise dynastique de 1584, due à la mort précoce du frère d'Henri IIII, le duc François d'Alençon. Il leur revenait de laisser entendre que Nostradamus avait publié de son vivant au moins les 7 premières centuries, suivies après sa mort en 1566 d'un supplément de 3 centuries d'où cet échelonnement 1555 -1557-1561. et seule l”édition antidatée de 1561 manque à l'appel. Benazra à juste titre date cette dernière de 1560, vu qu'il est indiqué “ajouté pour l'année 1561 (cf RCN, pp 51 et seq) et il situe cette édition chez Barbe Regnault, à Paris mais il s'agit de toute façon d'une chronologie fictive, ce qui ne signifie pas que les 7 sept premières centuries seraient parues d'emblée d'un seul tenant. Les faussaires ont fort bien pu procéder par étape, en une sorte de surenchère, mais on n'a pas gardé les dites éditions en tant que telles mais seulement leurs “traces” par le biais des titres. Il est possible que ces édition seraient parues dans les années 1588-1589 et que par la suite, des éditeurs aient souhaité produire de fausses éditions de ces éditions premières des centuries, mais sans en fournir le contenu complet. *En ce sens, les bibliographes qui décrivent ces éditions comme défectueuses n'auraient pas tort, si ce n'est qu'elles le sont non points par rapport aux éditions antidatées mais par rapport à des éditions disparues des mêmes années 1588-1589 dont seraient issues les éditions 1555-1557-1561 et 1568., lesquelles nous sont parvenues si ce n'est pour l'édition 1561, laquelle a probablement existé.
Autrement dit, les éditions 1588-1589 qui nous sont parvenues seraient antidatées tout comme les éditions 1555-1568. Ces dernières seraient parues au cours des dites années 1588-89 alors que les fausses éditions 1588-1589 auraient été confectionnées plus tardivement. Une édition Cahors 1590 est la seule qui nous soit parvenue d'une telle entreprise, elle a servi à l'édition de 1568 et comporte la même mention tronquée “ adioustées de nouveau par ledict Auteur” au titre du Premier volet et non l'inverse comme le propose Benazra qui dit que c'est l'édition de 1568 qui aurait été reprise par l'édition de Cahors Jaques Rousseau. On est donc en face d'un étrange phénomène de contrefaçons à plusieurs niveaux.
Quid dans ce cas de la date de parution des Grandes et Merveilleuses Prédictions (1588-1590? On a dit que ces éditions en dehors de la première qui mentionne une division en 4 centuries qui a du correspondre à la toute première édition des Centuries à 4 centuries, ne fournissent aucune donnée ni au titre ni à l'intérieur de la formation progressive du premier volet si ce n'est que la VIIe centuries de l'édition d'Anvers comporte 35 quatrains et non 39 comme annoncé dans la présentation de l'édition antidatée de 1560-61. A ce stade de la recherche, nous adopterons la position suivante à savoir que le titre de l'édition “divisée en 4 centuries” a bien dû exister en 1588 mais que les autres éditions ont repris un tel titre sans la dite mention et seraient en fait les éditions réellement parues dans les années 1588-89, mais sans considérer utile de signaler les étapes successives. Elles seraient calquées sur l'édition Cahors 1590 et d'ailleurs l'édition Anvers est également datée 1590.
Pour terminer sur le décalage entre le titre et le contenu, l'édition 1588 'divisée en 4 centuries”, telle que Ruzo qui est le seul à notre connaissance à l'avoir eu sous les yeux – n'est nullement divisée en centuries mais est constituée d'une suite de 349 quatrains. Autrement dit, si le titre de la dite édition est probablement authentique, l'édition en tant que telle ne l'est point. On reste perplexe face à une telle disparité sur laquelle nous ne sommes guère étendus. On relèvera néanmoins un cas extrême, à savoir le fait que dans les éditions portant référence à 1561 en leur titre, on ne trouve pas les quatrains de la centurie VII, mais, comme l'a noté Benazra, les 12 quatrains de l'almanach de Nostradamus pour 1561.On a là un exemple de bricolage qui est assez typique de la pratique des contrefaçons, lesquelles n'hésitent à pratiquer le plagiat ou l'emprunt. (comme dans le cas des Protocoles des Sages de Sion, cf notre édition, Ramkat 2002)
1589 est une année clef: c'est celle de la mort d'Henri III. C'est la date à laquelle se réfère le Janus Gallicus de Chavigny (en 1594) ainsi que celle d'une probable édition du Recueil des Présages Prosaïques par le même C havigny (à Grenoble), comportant les quatrains des almanachs dont on a vu l'usage pour l'année 1561.. Dans le Janus Gallicus, on trouve des commentaires à la fois de certains quatrains issus des 10 centuries mais aussi de certains quatrains des almanachs parus, quant à eux, bel et bien du vivant de Nostradamus, ce qui justifiait l'entreprise visant à produire d'autres quatrains censés parus à la même époque.
Les additions successives du premier volet


Une des preuves du caractère antidaté des éditions 1557 et 1568 tient au fait que les marques d'addition n'y figurent pas. Certes, pour quelqu'un qui n'a pas pris connaissance des éditions ligueuses, cela ne pourra etre relevé. Mais la thèse selon laquelle les éditions ligueuses seraient issues de l'édition 1557 Antoine du Rosne ne peut raisonnablement tenir car on voit mal pourquoi l'on aurait indiqué des additions qui n'auraient pas existé précédemment. Cette tendance à supprimer les marques additionnelles dans le corps de l’ouvrage vient compléter nos observations concernant les pages de titre.
Or, l'on observe que l'édition à 7 centuries parue à Anvers (celle de Rouen nous étant parvenue tronquée) se présente comme d'un seul tenant et renvoie à une prétendue édition d'Avignon 1555, laissant carrément entendre que dès 1555 les 7 centuries auraient déjà été publiées. «  imprimées premièrement en Avignon par Pierre Roux Imprimeur du Légat en l'an mil cinq cens cinquante cinq  ./ Avec privilège du dit Seigneur  »
Les éditions parisiennes de la même période ont donc précédé celles de Rouen, ce qui nous amène à penser que la série Rouen-Anvers ces Grandes et Merveilleuses prédictions serait antidatée. C'est en tout cas, cette série qui aura servi pour produire les éditions Du Rosne,d’autant que l'on y trouve la même formule «  dont il en y a  »
Robert Benazra a restitué le découpage des éditions parisiennes – sans en tirer d'ailleurs la moindre d'ordre chronologique RCN, pp. 118 et seq)
Prophéties de M  . Nostradamus adioustées outre les précédentes éditions . Centurie quatre suivent les quatrains 54 à 100
Prophéties de M. Nostradamus adioustées nouvellement. Centurie septième. Précisons que si le titre indique une addition à la «  dernière centurie  » de 39 «  articles  », on ne retrouve pas un tel nombre au niveau du contenu, ce qui montre que l'on a raison de considérer les éditions parisiennes comme défectueuses, mais non pas au regard d'une édition 1557 retrouvée mais d'une édition perdue parue sous la Ligue.Les éditeurs modernes de l’édition Antoine du Rosne (Bibl Budapest) ne se sont pas encombré de tels «  détails  »., s'en tenant à une logique chronologique n'envisageant même pas la possibilité de l’anti-datation.
Ajoutons que tout se passe comme si l'édition 1557 comme celle de 1590 Anvers voulaient passer sous silence le premier jet de 4 centuries tout comme d'ailleurs, le stade à six centuries s'achevant par un avertissement en latin, disparu dans l  'édition Anvers 1590  . On aurait ainsi voulu occulter la publication Rouen Du Petit Val de 1588 dont le titre signale bien «quatre centuries  ».. Ainsi, non seulement, l'on produit des éditions antidatées mais en outre, l'on tend à supprimer la trace d'éditions récemment parues. Et cependant, on n'en trouve pas moins une édition antidatée à 4 centuries Macé Bonhomme 1555 mais cette fois sans indication de contenu au titre  ?
Le titre des premières éditions
Il nous semble fort improbable que les toutes premières éditions des Centuries que nous datons de 1584-85 n'aient pas rappelé les titres d'un Nostradamus mort plus de 15 ans auparvan. En, ce sens, nous nous fierons à ce qu'en dit en 1594 le Janus Gallicus de Chavigny:rappelant en son titre le nom des rois Valois sous lequel il aurait exercé, à savoir Henri II et ses deux fils François II et Charles IX. Or, ce n'est le cas d'aucun des éditions des années 1588-90 qui nous soient parvenues, ce qui nous incité à penser que ces éditions ne font que rebondir sur de précédentes éditions, parues lors des années précédentes.
Quand il s'est agi de fabriquer des éditions antidatées du vivant de Nostradamus ou au lendemain de sa mort, une telle mention eut été inutile. Toutefois, l'on connaît une édition à l'effigie de Nostradamus le Jeune qui rappelle qu'il fut médecin de Charles IX mais omettant de mentionner ses prédécesseurs, Henri II (dont il aurait annoncé la mort en tournoi) et le bref règne de son fils sous le nom de François II.
Mais ces faussaires ne parvinrent , apparemment pas , à rendre compte du vide béant existant entre les éditions du vivant de Nostradamus, dans les années 1550-1560 et les prétendues rééditions des années 1580, à savoir qu'aucune édition ne serait parue durant ce laps de temps, ce qui ne serait pas la marque d'une fortune remarquable..On peut supposer que les toutes premières rééditions perdues aient pu s'efforcer de s'en expliquer, ne serait-ce qu'en parlant de textes retrouvés, «  recouvrés  », à la mort de l'auteur dans le style de l’épître à Henri IV, datée de 1605.




Les spécificités du second volet
Ce qui vient étayer la thèse que nous soutenons d'une instrumentalisation du second volet par les adversaires des Guises, d'origine lorraine, tient à la présence de divers quatrains, dont notamment ceux annonçant la victoire de la maison de Vendôme sur celle de Lorraine, avec des anagrammes comme respectivement Mendosus et Norlaris mais aussi en clair. Chacun savait à l'époque que le Roi de Navarre était aussi Duc de Vendôme et les Guises liés à la Maison de Lorraine. Or, de telles formules ne figurent qu’au second volet.
Grand Mendosus obtiendra son Empire IX 35
Mendosus tost viendra à son haut régne IX 50
Le ranc lorrain fera place à Vendosme X, 18Par ailleurs, bien que Chavigny ne cite pas ce quatrain, le quatrain VIII, 86 visant expressément à la fois le couronnement de Chartres et l'entrée d'Henri de Navarre dans Paris.




De Bourg La Reine parviendront droit à Chartres(…) Feront entrée d'armée à Paris clause
De façon assez étonnante, le commentateur décidé à prouver que Nostradamus avait prévu ceci ou cela se voit pris à son propre piège face au critique qui retourne ses arguments pour prouver le caractère tardif, après coup, du passage concerné. Bien entendu, au delà de la clôture définitive du canon nostradamique dans le cours du XVIIe siècle, l'argument ne porte plus de la part du critique et cette fois, il lui faut se confronter avec le processus d’interprétation du 'nostradamiste, convaincu de la vertu prophétique de Nostradamus, en personne, à distinguer de la recherche du nostradamologue lequel s'intéresse à une travail collectif et transgénérationnel, se présentant d'une part sous la forme d'ajouts sur le texte et d'ajouts autour du texte. Paradoxalement, le “nostradamiste” va se trouver névrotiquement face à un dilemme du moins pour la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle, quant aux éditions s'étalant entre 1555 et 1605 (avec les sixains et l’épître à Henri IV) sur un demi-siècle : plus il prouve que Nostradamus avait annoncé tel éventement et plus il apporte de l'eau au moulin du nostradamologue partisan d’éditions antidatées! De même, dans le domaine de l’exégèse biblique, plus l'on veut prouver que l'arrivée de Jésus correspond aux prophéties et plus le discours qu'on lui attribue est suspect d'une part de vouloir “coller” à la prophétie ou de référer à des textes retouchés antidatés. Et donc bien plus tardifs qu'on ne le prétend.


Un tel marquage n'aurait guère fait sens en 1568 (avec la prétendue première édition des centuries VIII-X) et encore moins en 1558 (selon certaines hypothèses), avant la mort d'Henri II sauf évidemment à se raccrocher, en désespoir de cause à l”idée que Nostradamus avait déjà prévu une telle situation, trente ans avant la crise dynastique ouverte en 1584 par la mort du dernier fils d'Henri II et de Catherine de Médicis! En revanche, nul ne conteste que de fausses éditions aient pu être datées de la sorte; Une chose est de rétablir la chronologie virtuelle et une autre la chronologie réelle mais pour certains esprits, il y aurait comme unie incapacité à faire le distinguo entre ces deux niveaux, laquelle incapacité est caractéristique d'une dimension androïdale, à savoir que ce qui est dit et écrit fait loi et que c'est le dernier “avis”,, “ordre”, qui fait autorité. De la même façon, dans le domaine religieux, la plupart des Juifs s'en tiennent au dernier statu quo, ce qui conduit à une démarche apologétique à l”'opposé d'une approche critique des textes. On touche là en quelque sorte à une programmation mentale qui conduit à valider d'office la dernière mouture chez l'esclave, le serviteur et l'on retrouve là la dialectique du maître et de l'esclave. Celui qui a une mentalité de maître n'est pas prisonnier d'une telle “loi” de robotique ,non signalée par Azimov. Le test du texte est probablement ce qui doit permettre de séparer le maître et l'esclave.. Pour le philosophe Alain,. penser, c'est d'abord se dire non à soi-même, sans avoir besoin d'autrui, pratiquer l'auto-critique. On retrouve là la dynamique interne de l'androgyne.
La dualité religieuse des Centuries, à travers leurs deux volets, à l'instar de la Bible, avec ses deux Testaments, se manifeste avec un quatrain annonçant la 'ruine de Rome ' (X, 65) et qui fait pendant au quatrain IV 46, au premier volet, sur la ruine de Tours. “O vaste Rome, ta ruyne s'approche” H”Garde toy Tours de ta proche ruine”
En outre, les sources de ce second volet sont spécifiques puisque l'emprunt à la Guide des Chemins de France ne concerne que des quatrains du sceond volet avec notamment le quatrain Varennes ou le quatrain Chastres devenu Chartres et quelques autres(IX, 19 et 20, 86, 87, X, 18)
Mais l’on trouve aussi le quatrain “Macelin”, qui a sa source dans une publication de Nostradamus relative à l'Antéchrist censé naître à la Saint Marcelin?. Or l'on connaît l'intérêt des Réformés pour ce thème, le pape étant souvent assimilé à l'antéchrist..
On s'interrogera également sur le verset “Le Roy de Bloys dans Avignon régner” (VIII 38 et 52) qui pourrait être un emprunt à une brochure d'Antoine Crespin Archidamus, lequel s'en prenait aux “Juifs du pape”.. Étrangement, le quatrain VIII 52 est incomplet en son quatrième verset. (cf Demonstracion de l'Eclipce lamentable du Souleil que dura le long du jour de la Seint Michel dernier passé 1571 etc , Paris, Nicolas Dumont)
Le Roy de Bloys dans Avignon regner
Une autre foys le peuple emnopolle
Esleu sera renard ne soucent (sic) mot
Faisant le S. public uivant (sic) pain d'orge
Tirannizer après tout à ung cop
Mectant à pies des plus grands sur la gorge
suivi par
A nostre S. Père le Pape par l'astrologue du treschrestien Roy de France & de Madame la Duchesse de Savoye. Salut
Les deux premiers vers se retrouvent dans VIII, 38, à la suite.
Comme pour Mi. de Nostradamus le Jeune (I, 1), il semble que Crespin, autre pasticheur de Nostradamus, ait été mis à contribution pour remplir les centuries.
Rappelons qu'à l'inverse, les premières centuries sont marquées par le camp de la Ligue, la seconde centurie se terminant par le quatrain cent dont le dernier verset est ainsi tourné “Qu'on se viendra ranger à la grand ligue” Patrice Guinard commente le quatrain VI, 23 comme annonçant la Journée des Barricades (Nostradamus occultiste op. Cit)
Et seront peuples esmeus contre leur Roy (…) Rapis (anagramme de Paris) onc (jamais) en si tres dur arroy”. En voulant trop prouver, il ne fait qu'entériner la thèse d'une rédaction des Centuries à cette époque. Le 12 mai 1588, Paris -et les Guises jouent un rôle dans ce soulèvement - se révolte contre Henri III soupçonné d'accepter qu'un prince protestant, Henri de Navarre, puisse lui succéder. Ce mois de mai 1588 -s'il devait se refléter dans ce quatrain- fournirait un terminus pour la parution des éditions centuriques se référant à cet événement et de fait, on ne trouve pas dans les bibliographies d'édition centurique entre 1568 et 1588. Cela dit, la centurie VI correspond à un prolongement d'une édition à 4 centuries dont la Ive centurie à 49 quatrains laquelle peut avoir précédé cette date. C'est lors des additions à ce premier état que différents quatrains hostiles à Henri III et à Henri de Navarre seront ajoutés, à l'instar du quatrain IV, 46, Garde toi Tours de ta proche ruine. C'est aussi le moment où le duc de Guise – qui prétendait au trône de France- sera assassiné o la demande d'Henri III le 23 décembre de la même année, lors des États Généraux de Blois. Henri III et Henri de Navarre se rencontreront au Plessis-Lès-Tours  le 30 avril 1589....Henri III sera assassiné le 2 aout de la même année. On voit que la période allant de la Journée des Barricades à l'assassinat d'Henri III se situe au cœur de l'histoire des Centuries, qu'elle ait été annoncée ou qu'elle y ait été répercutée. On notera que pendant une longue période, les bibliographes des centuries se contentèrent de recenser les diverses éditions en négligeant ce qui pouvait valider ou invalider telle ou telle édition au prisme de la littérature de l'époque alors même que les faussaires avaient constitué des “preuves” de leur authenticité, notamment par des publications datées des années 1570, on pense à l’Épître de Jean de Chevigny de 1570 comportant mention explicite d'un quatrain, ce qui d'ailleurs ne fait que souligner le fait que l'écho des centuries du vivant de Nostradamus et à sa mort, mis à part évidemment les éditons elles-mêmes, semble avoir été très faibles et pour cause, ce sont les faussaires s'étaient rendus compte. L’épître de Chevigny est d'ailleurs un cas unique en son genre, les autres recoupements posant le problème de la récupération de textes marqués par Nostradamus, imités de ses quatrains d'almanachs, par les faussaires pour remplir ces centuries, tâche assez colossale, ce qui montre bien que les faussaires nnages portèrent des noms de lieux, la géographie et l'histoire se conjuguant. (cf. François Secret “De quelques courants prophétiques et religieux sous le règne de Henri III, in Revue de l'histoire des religions Année 1967 Volume 172 Numéro 1 pp. 1-32 cf.)
s'étaient donné les moyens de valider leur entreprise, ,o, seulement par la production d'éditions mais aussi par la quantité de quatrains ainsi constitués, ce qui explique des expédients comme le recyclage de la Guide des Chemins de France. Paradoxalement, c'est l'utilisation de textes sans caractère prophétique qui dans certains cas aura eu le plus d'impact, le meilleur exemple étant, sous la Révolution, le quatrain comportant le nom de Varennes qui aura frappé les imaginations!, La réputation des Centuries aura été singulièrement sous tendue par l'usage de noms propres, d'autant que bien des noms de personnages sont aussi des noms de lieux La présence d'un nom propre dans un quatrain (parfois sous forme d'anagramme) aura largement contribué à la réputation des Centuries et seul un Victor Hugo connaitra une telle influence internationale parmi les écrivains d'expression française avec son œuvre majeure, les Misérables, à 300 ans d'intervalle, un Hugo qui avait un vrai don d'écriture à la différence de Nostrdamus, sachant que les mille quatrains et plus qui lui furent attribués sont dus à des plumes anonymes.






Le prophétisme antidaté




,Le débat autour de la date des éditions centuriques touche bien entendu à la tentative de la part de certains de laisser croire qu'un texte avait annoncé un événement suffisamment longtemps à l'avance.(cf notre texte prophétique en France, op. Cit)
Il ne faut pas aller chercher plus loin pour comprendre la raison qui aura sous-tendu la fabrication datées de 1555 et/ou 1557. Un exemple célébre est l'annonce prétendue de la mort en 1559 du roi Henri II, succédant à son père François Premier. Si un quatrain est désigné pour avoir annoncé un tel drame, survenu lors d'un tournoi parisien, il fallait impérativement que Nostradamus l'ait annoncé auparavant  . Il est d'ailleurs possible que cela ait été le cas non pas dans les Centuries mais dans quelque almanach ou prognostication.
Mais toujours est-il que tout indique qu'un quatrain 35 – figurant dans la toute première centurie, fut certainement conçu dans ce sens . (cf Brind'amour, Nostradamus  ; Les premières centuries ou prophéties, Droz, 1996, , pp.99 et seq). Parmi les commentateurs, intéréssons-nous à la première édition anglaise (1672). Théophile de Garencières y atteste de la fortune du dit quatrain  :  » This is one of the Prophecies that hath put our Author in credit, as well for the clearness as for the true event of it  » ce que nous traduirons ainsi «  C'est l'une des prophéties qui aura fait le plus pour le crédit de notre auteur etc  ».Le même Garencières nous indique (p  ; 25) que César de Nostredame (auquel la Préface est adressée) s'y référe, en 1614 dans son Histoire de Provence;parue à Lyon chez Simon Rigaud, un descendant de Benoist Rigaud, l'éditeur de l'éditon à 10 centuries antidatée 1568 (cf aussi RCN,  ; 177 et seq)
Nous ferons remarquer que ce n'est pas seulement la mention de l'oeil qui aura marqué les esprits ou celle d'un duel mais un jeu de mots que ne restitue pas la traduction anglaise qui rend «  Dans cage d'or l'oeil lui crevera  » par «  In a Golden cage  he shall put out his Eye  ». Selon nous, bien que cela n'ait pas été signalé à notre connaissance par les commentaires qui nous sont parvenus  ; Il faudrait, selon nous, lire danas «  Cage d'or  », «  de lorges  », sous forme d'anagramme  , vu que celui qui porta le coup fatal au souverain était Gabriel Iet de Montgomery, comte de Lorges. Ajoutons que l'on a cherché à faire ressortir le mot «  grain  » pour référér à l'orge, à partir du mot «  Grand  », ce qui montre bien que l'identité de Gabriel de Lorges était bien connue. César de Nostredame (Histoire, p  . 782) signale un autre texte “accordant merveilleusement bien avec ce qu’il en avoit dit en quelque autre endroit en ces termes courts & couverts, L’orge estouffera le bon grain, (comportant le) nom de celuy qui porta ce coup de lance tant malheureux etc”.
Pour nous, c'est la présence même de ce quatrain I, 35 qui vient confirmer la supercherie des éditions antidatées, censées parues dans les années qui précédèrent le tournoi mortel. Etrangement, plus l'on trouve de correspondances entre tel verset et tel événement des années 1550 à 1590, et plus on a la preuve que l'on est en présence non seulement d'éditions mais de textes antidatés. On peut certes affirmer que les centuries annoncent le temps de la Ligue mais il est bien plus probable qu'elles furent rédigées soit alors soit ultérieurement, a posteriori.