lundi 8 mars 2010

La tarologisation de l'astrologie

par Jacques HalBronn

La plupart des astrologues que nous avons croisés, en quarante ans de fréquentation assidue des milieux astrologiques, semblent s'être mis d'accord au moins sur un point, à savoir que l'astrologie serait fondée sur un décryptage de la Nature. Or, il semble qu'une telle position soit de moins en moins tenable en ce début de XXIe siècle. Un des derniers penseurs de l'astrologie à avoir défendu avec un certain brio une telle représentation des choses est Jean-Pierre Nicola, qui s'ingénie à faire parler, en quelque sorte, le systéme solaire, le mouvement diurne, l'écliptique comme si ceux-ci avaient quelque chose à nous dire que nous devrions entendre.
Nous avons récemment mis en exergue (voir notre JBA) la question des équinoxes. Pendant des décennies, les manuels d'astrologie ont tenté de nous faire croire que la psychologie zodiacale s'expliquait pas le cycle saisonnier. Que n'a--t-on pas entendu à propos de l'énergie printanière du signe du bélier? Or, cette belle construction s'effondre quand on prend conscience de ce que les équinoxes sont par définition doubles, en quelque sorte, gémellaires, ce qui, pour peu que l'on développe l'analogie, est carrément aux antipodes du portait type du bélier que l'on voudrait d'ailleurs opposer au signe de la balance, l'autre signe équinoxial. Il est déjà pour le moins étrange que l'on veuille différencier deux signes équinoxiaux qui devraient offrir, au contraire, une forte similitude entre eux et qui plus est devraient correspondre à un profil assez bas. A cela on ajoute généralement que le bélier est martien et la balance vénusienne, en oubliant de préciser qu'ils sont suivis par des signes, le taureau et le scorpion, respetivement, qui ont des valeurs inverses. Autrement dit, Mars et Vénus dominent conjointement tant le printemps que l'automne, c'est dire que le début de ces deux saisons est mal différencié, à l'inverse de l'autre polarité luminaires/Saturne.
On pourrait évidemment conclure que les portraits ordinaires du bélier doivent être abandonnés. Mais le public comprendrait-il qu'on le privât d'un signe aussi "parlant" et dans lequel tant de gens se reconnaissent ou du moins ont envie de se reconnaitre, ce qui serait plus honnête? Car il y a visiblement des signes qui plaisent plus que d'autres, qui sont plus faciles à 'porter" comme l'on parle d'un habit.
Entendons par là que l'on a bien là la preuve de ce que l'astrologie telle que nous la connaissons aujourd'hui n'a pas grand chose à voir avec le cycle saisonnier et qu'elle est parasitée par une sorte de tarot zodiacal qui va du bélier aux poissons et dont on ne sait pas plus que pour le tarot selon quel raisonnement on a ordonnés ainsi les symboles et pas autrement. Mais cette tarologisation du zodiaque, aussi intéressante soit-elle du point de vue divinatoire, n'a pas grand chose à voir avec une véritable astrologie axée sur les équinoxes et les solstices, les phases de la lune et les stades du mouvement diurne. D'ailleurs, nous avons montré que les maisons astrologiques avaient disposé autrefois de leur propre iconographie, constituant ainsi un autre tarot qui serait à l'origine du Tarot que l'on connait, un des cas les plus simples étant l'arcane de la mort à mettre en rapport avec la maison (VIII) de la mort .(voir nos "Recherches sur l' Histoire du Tarot et de l'astrologie", Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1993). Autre tarot, encore, celui de la série des dieux planétaires (rappelons que Mlle Le Normand avait crée vers 1800 un tarot mythologique).
Bien des astrologues ont d'ailleurs capté cette vérité en associant le tarot à leur pratique des tarots zodiacaux, planétaires et "domifiés" (maisons astrologiques). Ce qui fait un ensemble de 4 séries très pittoresques avec le Tarot.
Nous avons, nous-mêmes (voir Mathématiques Divinatoires, Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1983) proposé une disposition deux par deux de certaines arcanes majeurs, sur la base d'un total de 22 - et nous sommes allés jusqu'à faire dessiner un nouveau jeu insistant sur les similitudes entre les arcanes ainsi accouplées. C'est ainsi que le Diable (15) fait pendant au Chariot (7). Certains tarologues ont repris ce principe, comme Catherine Gestas, pour disposer de 11 couples de cartes (chaque fois avec un total de 22, nombre d'arcanes majeurs), ce qui ferait pendant aux six polarités zodiacales voire aux polarités planétaires sous tendues par le dispositif des domiciles (chaque planète étant associé à un certain nombre de signes, en domicile mais aussi en exaltation)
On nous objectera que J. P. Nicola a pris délibérément, dès les années soixante, ses distances par rapport à tout un symbolisme que l'on pourrait qualifier de "tarotique". En réalité, il faudrait plutôt dire qu'il refuse de bâtir l'astrologie à partir d'un tel symbolisme, que c'est plus un point d'arrivée qu'un point de départ. Le symbolisme du bélier n'est donc pas pour lui une matrice mais, au bout du compte, il n'en est pas moins ravi de retrouver sa teneur en fin de parcours. Idem pour la série planétaire associée notamment à une théorie des Ages. Nicola procède à une sorte de révolution copernicienne qui inverse certes les rapports de force mais qui ne change pas les protagonistes. Les apparences ne changent guère mais les fondements ont changé, ce qui est déterminant au regard de Nicola et de ses adeptes. Le problème, c'est que c'est un peu trop beau pour être vrai et que tout se passe comme si l'on cherchait à déboucher, in fine, sur un renforcement du symbolisme astrologique. Mars reste Mars, le bélier reste le bélier et ainsi de suite si bien que les descriptions fournies par Nicola, recoupent largement ce que les astrologues disaient et savaient déjà. En ce qui concerne la théorie des Ages avancée par Nicola selon laquelle la psychogénèse correspondrait aux valeurs des divinités réparties selon un certain ordre entre les planétes : on passerait par un stade mercurien (88 jours) puis vénusien (225 jours), puis martien et ainsi de suite, le temps de révolution correspondant à une certaine tranche d'âge, nous dirons que le cycle se fait dans un sens puis en sens inverse comme il se doit quand on n'est pas dans la linéarité. Le problème de la théorie des Ages de Nicola est qu'elle se situe dans une perspective linéaire qui ne convient pas à la démarche astrologique. Autrement dit, cycliquement, une fois parvenu au stade saturnien, on repasse ensuite au stade jupitérien pour revenir au stade mercurien, ce qui finalement couvrirait soixante ans, selon la logique proposée. En fait, la vraie question posée par Nicola serait la suivante: existerait il une sorte de généalogie des dieux, ayant quelque valeur pour la psychogénèse, qui ferait que l'on passerait, au cours de sa vie, d'un dieu à un autre -Saturne étant, ainsi, représenté par un vieillard - selon quelque progression? On pourrait même, à la limite, soutenir qu'un tel agencement aurait pu inspirer ceux qui nommèrent les planètes. On se retrouve donc bel et bien dans une perspective socioculturelle qui ne préjuge aucunement du fait que tel astre serait intrinsèquement porteur de telle valeur....
L'on retrouve d'ailleurs, au premier abord du moins, le même problème avec les résultats Gauquelin dont on nous dit qu'ils rejoignent et recoupent les significations traditionnelles des planétes.("Les personnalités planétaires", Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1992). Est-ce que le type martien de Gauquelin ne ressemble pas au type martien des astrologues? Nous répondrons d'abord que ce type, dans les statistiques considérées, ne confirme en aucune façon le caractère martien du signe du bélier puisque Gauquelin ne se situe pas sur le plan zodiacal mais sur celui du mouvement diurne quotidien (rotation et non révolution). Pour expliquer les résultats Gauquelin, il semble qu'il faille supposer l'existence de castes exerçant héréditairement certains métiers et ayant telle planète pour "totem", pour divinité. On peut imaginer une prière quotidienne et collective lors de la montée de la dite planète à l'horizon, qui aurait finalement généré une sensibilité particulière chez les rejetons de telle ou telle caste par rapport à la planète correspondante, laquelle se manifesterait dans leur comportement au moment de naitre, encore de nos jours. On aurait donc nommé les dites planètes en rapport avec la corporation concernée, ce qui fait qu'il n'y aurait finalement rien d'extraordinaire à ce qu'une correspondance puisse être observée, sans que cela implique aucunement que ces planètes étaient de tout temps vouées à contrôler les dites corporations. On est donc bien là, encore une fois, face à un phénomène socioculturel.
Où voulons-nous en venir? Que l'astrologie est indissociable d'une dimension culturelle et que toute culture se distingue de l'état de nature par un processus de choix, forcément arbitraire et conventionnel déterminé par telle société humaine, au regard de ses besoins et de ses connaissances. D'où l'inanité de projeter sur le passé nos problématiques modernes, à commencer par les planètes transsaturniennes et un hyperindividualisme couplé d'ailleurs avec un comportement de plus en plus collectif sur le plan commercial et médiatique. L'astrologie est indéniablement marqué par l'époque où elle s'est formée et elle ne saurait intégrer en cours de route que ce qui a déjà été "semé" alors -raisonnement d'ailleurs que les astrologues sont les premiers à tenir au niveau prévisionnel! Si une astrologie solaire peut se démarquer du plan culturel en mettant en évidence qu'elle est un facteur déterminant du dit plan, ne serait-ce qu'au niveau saisonnier, a contrario, l'autre astrologie suit un processus inverse et part du culturel pour remodeler le cosmos en lui apportant une dimension supplémentaire. Une fois, de plus, on a là un modèle cyclique qui va dans un sens puis dans l'autre, en feed back. Il importe d'avoir à l'esprit l'ensemble du paysage et non une partie seulement.


JHB
29. 01. 10

1 commentaire:

Soso a dit…

Merci pour ce très bon site, vraiment un panaché de bonnes et intéressantes idées. Surtout continuez ainsi. Bon courage
Cordialement .

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