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En marge du colloque consacré
à Nostradamus, qui aura lieu à la Bibliothèque
nationale de France le jeudi 23 janvier 2003 : Entretien avec
Bruno Petey-Girard, maître de conférences à
Paris 12 - Val de Marne, qui propose une nouvelle édition
des Prophéties de Nostradamus
à paraître chez Garnier-Flammarion à l'occasion
des 500 ans de la naissance de l'auteur.
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Choniques.fr : Comment établit-on
aujourd'hui une édition de Nostradamus
?
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Michel
de Nostredame dit Nostradamus,
lithographie, XIXe |
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BPG : Je ne suis pas un spécialiste
de Nostradamus. Flammarion a fait appel
à moi en tant que seizièmiste. Dans mon approche du
texte, j'ai dès l'abord choisi d'écarter de mes préoccupations
ses éventuels aspects prophétiques et oraculaires, refusant
de me prononcer sur sa capacité à prédire l'avenir
; je ne l'ai lu que comme un texte poétique, un recueil de
quatrains décasyllabiques en rimes croisées, organisés
en centuries. Mon souci majeur a été celui de l'établissement
du texte qui se révèle, plus peut-être que pour
tout autre texte de la période, problématique et complexe.
J'ai dans un premier temps dû faire le choix du corpus à
éditer. En effet, les Prophéties
présentent trois strates : la première est constituée
par les 353 quatrains publiés en 1555 - soit 3 centuries et
53 quatrains -, la seconde par les 289 nouveaux quatrains publiés
en 1557 - ce qui porte le compte à 6 centuries et 42 quatrains
- et enfin la troisième par les 300 quatrains publiés
à titre posthume en 1568 et qui forment 3 centuries distinctes
qui s'ajoutent au texte de 1557 sans pour autant réellement
le compléter. Pour cette dernière série se pose
la question de l'authenticité, qui n'a toujours pas été
éclaircie. Pour cette raison, je n'ai retenu que les textes
parus du vivant de l'auteur.
Les éditions de 1555 - deux éditions qui, à la
même date, proposent deux tirages différents -celles
de 1557 - deux éditions différentes parues en septembre
et en novembre - ne proposent pas un texte qui puisse donner entière
satisfaction à un éditeur moderne ; elles comportent
toutes des erreurs que Nostradamus n'a pas pris soin de corriger d'une
édition à l'autre. La forme en vers est impitoyable
: certains vers ne riment pas, d'autres ont plus ou moins de dix syllabes.
Ailleurs, le texte est visiblement faux. L'éditeur moderne
se trouve donc placé devant un impératif travail de
correction reposant sur des conjectures que la difficulté de
compréhension des textes rend fort souvent hasardeuses. Pour
corriger avec quelque certitude, il faudrait pleinement comprendre,
ce qui n'est que rarement le cas.
Par ailleurs, les éditions de 1557 qui donnent les textes que
j'ai choisi de retenir pour cette édition comportent de nombreuses
fautes typographiques ; ces fautes sont pour la plupart corrigées
dans l'édition posthume de 1568.
J'ai donc choisi une position médiane : prendre comme texte
de base celui de l'édition de 1568 tout en ne retenant que
les quatrains publiés en 1557 ; j'y ai intégré
les leçons plus satisfaisantes des éditions antérieures
ainsi que les conjectures des spécialistes de Nostradamus,
Pierre Brind'amour, Jean
Dupèbe, Roger Prévost...
J'y ai adjoint un glossaire et un ensemble de notes brèves
qui peuvent permettre un accès plus aisé à la
langue de Nostradamus.
Chroniques.fr : Peut-on parler des doutes
sur la sincérité de Nostradamus ?
DCB : Poser ainsi la question n'a pas
grand sens par rapport à l'époque, si tant est qu'elle
puisse en avoir en littérature. Peut-être faudrait-il
mieux parler des motivations de Nostradamus dans le contexte des mentalités
de son époque.
Au XVIe siècle, les écrits prophétiques abondent.
Nostradamus participe à cet engouement et publie tous les ans
entre 1550 et sa mort un almanach de pronostics pour les différents
jours de l'année ; l'Europe entière fait appel à
son jugement d'astrologue. Par ailleurs, il manifeste un intérêt
vif pour les écrits qui conservent la "science sacrée"
des Anciens et compose vers 1545 une Interprétation
des Hiéroglyphes de Horapollo. On ne peut que difficilement
supposer qu'il fut un charlatan ; sans doute se sentait-il prophète,
statut particulièrement ambigu et difficile à tenir
en contexte chrétien. Les écrits de ses nombreux détracteurs
en sont la preuve.
Chroniques.fr : Quelle est selon vous l'explication
d'une telle longévité du texte de Nostradamus ?
DCB : A la différence de ceux
de bien des écrivains qui figurent en bonne place dans le panthéon
littéraire, la longévité du texte de Nostradamus
n'est pas liée à des qualités reconnues par l'institution.
Ce texte et le personnage de Nostradamus ont été auréolés
par ce qui s'est déclenché après eux. Le texte
brut résiste en raison de la spécificité de son
écriture proprement fascinante. Il est angoissant, terroriste.
Il correspond à la définition que les poètes
de l'époque donnaient à la poésie dans laquelle
fureur poétique et fureur prophétique étaient
indissolublement liées. L'impact terrible du texte réside
dans sa capacité à susciter des interprétations
au-delà de son caractère énigmatique et abstrait.
Il répond peut-être ainsi au désir profond et
permanent des hommes de prédire l'avenir. Le succès
de ce texte que peu de gens ont lu dans sa forme originale est spécialement
récurrent dans les périodes de crise, où réapparaissent
des peurs primitives.
Propos recueillis par Marie-Noële
Darmois
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Avec Jean Céard,
Roger Prévost, Yvan Cloulas,
Jean Dupèbe, seizièmistes
et Geneviève Guilleminot (BnF,
Réserve des Livres rares) et Geneviève
Voitel (sous réserve), (BnF, département Philosophie,
histoire, sciences de l'homme).
Colloque
Il y a 500 ans : Nostradamus
Jeudi 23 janvier 2003
18h30 -20h30
Petit auditorium
Site François-Mitterrand |
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