La légitimité incertaine (1814-1853) : retour sur les faux Louis XVII 1
Uncertain legitimacy (1814-1853: re-reading the false Louis XVII
Paul Airiau
p. 115-127
Abstracts
False Louis XVII were
numerous from the Restoration to the beginning of the Second Empire,
from Mathurin Bruneau to Baron de Richemont through Naundorff. They
caught the attention of the public and were the subjects of newspaper
articles, but they did not give birth to organized political movements
that changed the political game. This marginality makes them useful
optics through which one can analyze French political change. Their
ability to attract even ultraroyalists shows how uncertain political
legitimacy became after 1789. They also reveal that the political
universe had changed. Their claims to the throne were based on the
assertion that their biological body belonged to a dynasty rather than
to a political contract and the sovereignty of the nation. They also
ignored the theory of the two bodies of the king.
Outline
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- 1
- 2 . Sauf Yves-Marie Bercé, Le roi caché. Sauveurs et imposteurs. Mythes politiques dans l’Europe mode (...)
1Qu’un prétendu Louis XVII soit réellement le fils de Louis XVI importe peu à l’historien2.
En revanche, il lui appartient pleinement de se pencher sur la
signification des aventures des faux dauphins après 1815. Certes, le
« survivantisme » (la croyance en la survie de Louis XVII, évadé du
Temple) fut et demeure une réalité marginale, malgré des succès
passagers. Mais que des ultras, après 1815, en arrivent à accuser Louis
XVIII puis Charles X d’avoir usurpé le trône de leur neveu en dit long
sur l’incertitude de ceux qui apparaissent alors comme les soutiens les
plus évidents de la monarchie restaurée. Ils semblent de ce fait moins
éloignés qu’on ne pourrait le penser de tous ceux qui, royalistes,
bonapartistes ou républicains, contestent les fondements de l’exercice
du pouvoir par les Bourbons.
- 3 . Philippe Boutry, « Carisma di crisi e crisi del carisma : Luigi XVIII e il profeta Martin », dans (...)
2Ainsi
voudrait-on montrer le rôle révélateur, autant que catalyseur, du
survivantisme. Son apparition précoce et sa permanence renouvelée entre
1815 et la Seconde République – le baron de Richemont, le dernier grand
prétendant, meurt en 1853 – soulignent en particulier la réitération
incessante d’interrogations sur la légitimité des détenteurs du pouvoir
politique3.
Sont-ils fondés à l’exercer non seulement légalement (car la légalité
peut toujours être manipulée) mais aussi au nom d’une vérité qui
fonderait un droit ? Sont-ils les instruments de Dieu, les justes
bénéficiaires d’une règle ancestrale, l’expression de la raison, de la
volonté nationale, de la délégation populaire, les précurseurs de
l’avenir ? Tous ces points ne pouvant être abordés ici, on se
concentrera sur un seul : la multiplication des faux Louis XVII traduit
une insatisfaction politique et le remodelage des notions cardinales
pour la légitimité royale que sont la succession dynastique par
primogéniture masculine, l’articulation du corps politique et du corps
physique du roi.
Multiplication des Louis XVII et insatisfaction politique
- 4 . Emmanuel de Waresquiel, « Portraits du roi et de ses élites sous la Restauration et la Monarchie (...)
3La
dissociation entre la souveraineté et la légitimité et entre le roi et
la nation, opérée à partir de 1789, n’a jamais été vraiment surmontée
malgré les multiples tentatives monarchiques, républicaines et
impériales. L’ouverture partielle puis croissante du champ des possibles
à partir de 1812-1813 profite finalement à Louis XVIII, qui put et sut
s’imposer face à Napoléon, aux combinaisons de Talleyrand et du Sénat,
aux Alliés mal accordés, aux Français, à ses propres partisans.
Charles X hérita de son frère, mais sans la légitimité proprement
personnelle construite par celui-ci. Louis-Philippe s’imposa et fut
imposé par les élites politiques contre son cousin, son neveu, les
républicains et le peuple parisien. Tous trois alimentèrent leur
légitimité, chacun à sa manière, par l’exercice du pouvoir, la mise en
scène royale, le remodelage de la sacralité, l’exploitation de
l’enracinement historique, les projets idéologiques, l’utilisation de la
Charte4.
- 5 . « Affaire du prétendu Louis XVII », L’ami de la religion et du roi, 04/11/1834, p. 32 ; Paul Fauc (...)
- 6 . Sans compter un faux Bonaparte, Jean Charnay, annonçant l’invasion de la France par des « Turcs e (...)
4Mais
Louis XVII n’avait pas disparu de la scène politique. Les proclamations
de Louis XVIII atteignirent sans doute davantage les élites que le
peuple. Des Français en étaient restés au fils de Louis XVI, malgré
l’annonce de sa mort en 1795. Fin 1813-début 1814, les révoltes de
conscrits d’une partie de la Flandre française, rapidement devenues
soulèvement rural antinapoléonien, se firent au nom de Louis XVII
(sobriquet qui resta à leur chef)5. L’arrivée sur le trône de Louis XVIII n’empêcha même pas la multiplication des figures de son neveu6.
- 7 . Pour les publications défendant la mort de Louis XVII, voir en particulier Joseph-Marie Quérard, (...)
- 8 . Arch. Nat. (Archives nationales), BB30198 (procureur général du roi près la cour royale d’Angers (...)
- 9 . En sus des ouvrages de la note 1, Edmond Dupland, Naundorff l’imposteur, Paris, Olivier Orban, 19 (...)
5Mathurin
Bruneau est le premier cas significatif. Son aventure commence fin 1815
et s’achève en février 1818 par un procès le condamnant à sept ans de
prison (dont deux pour outrage au tribunal), où il meurt en 1822.
L’affaire est suffisamment prise au sérieux pour que des contre-feux
soient ouverts et que Béranger en fasse une chanson (« Le prince de
Navarre ou Mathurin Bruneau », qui lui vaut un procès)7.
Louis XVII devient alors un personnage que l’on investit. Sept hommes
s’identifient publiquement à lui entre 1817 et 1824, sans compter les
rumeurs (en septembre 1823, près d’Angers, un homme raconte que la
duchesse d’Angoulême a un frère vivant dans « l’isle de Maroc »)8.
Sous la monarchie de Juillet, deux prétendants dominent. Le baron de
Richemont apparaît en 1831. Condamné en 1834, évadé, il poursuit sa
carrière jusqu’à son décès en 1853. Karl-Wilhelm Naundorff surgit en
1833. Expulsé en Angleterre en 1836, il maintient ses prétentions
jusqu’à sa mort à Delft en 18459.
- 10 . T. Haustgen, M.-L. Bourgeois, « L’évolution du concept de mythomanie dans l’histoire de la psychi (...)
- 11 . Emmanuel Fureix, La France des larmes…, ouv. cité, p. 151-167, 197-209 ; Philippe Delorme, Louis (...)
- 12 . Décompte à partir de ‘The Image of France 1793-1880 at ARTFL’ (http://www.lib.uchicago.edu/efts/A (...)
6Cette
multiplication des faux Louis XVII a immédiatement fait l’objet d’une
lecture psychiatrique, contribuant à enrichir la figure du mythomane10.
On peut également délaisser l’histoire singulière des prétendants pour
s’attacher à la signification sociale de leur revendication. Le destin
du jeune roi sous la Restauration peut en rendre compte. En effet, le
régime a involontairement alimenté l’incertitude sur sa mort. La loi du
19 janvier 1816 instituant l’expiation de la mort de Louis XVI prévoit
l’érection de monuments à Marie-Antoinette, Madame Élisabeth et Louis
XVII, intégré grâce à l’intervention de Chateaubriand à la Chambre des
pairs le 9 janvier. Une ordonnance du 14 février 1816 prévoit d’achever
la Madeleine pour les y placer – ce qui ne se réalisa jamais, l’église
n’étant pas terminée. Si les corps de Louis XVI et de sa femme sont
identifiés et inhumés à Saint-Denis, celui de Louis XVII n’est pas
retrouvé lors des fouilles dans le cimetière de Sainte-Marguerite de
mars à juin 1816 (il en va de même pour sa tante). Les négociations avec
le médecin Pelletan pour récupérer son cœur (dérobé lors de l’autopsie
en 1795) n’aboutissent pas11.
Le transfert prévu à Saint-Denis ne se fait donc pas. Le jeune roi,
intégré par la bande au culte de la famille royale et de la dynastie,
est en plus peu représenté pour lui-même. Sur les 26 estampes qui le
figurent, 23 sont éditées entre 1814 et 1816 (dont 19 en 1814, la
dernière en 1826). Il n’y est seul que dix fois, étant souvent associé à
ses parents ou son père (sept fois), à sa famille proche ou élargie
(jusqu’à des victimes de la Révolution), à sa dynastie ou à des
souverains vivants. Son statut est enfin incertain. En témoignent les
appellations telles « Louis XVII » (huit occurences), « dauphin » (dix
occurences), « Louis-Charles » (sept occurences), « fils de Louis XVI »
(deux occurences), qui sont parfois associées dans un même texte12.
- 13 . J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 25, 35, 77-78, 86-88, 209 et 232-234. Voir aus (...)
7Cet
effacement peut expliquer qu’une foule essaye d’apercevoir Bruneau lors
de son arrestation à Saint-Malo et de son transfert à Rennes en
décembre 1815, et les voyages ensuite entrepris par certains depuis
Paris jusqu’à Rouen pour le visiter. Mais surtout, l’attitude
gouvernementale paraît ambiguë. En prévision du procès, le procureur de
Rouen demande à pouvoir prouver l’usurpation d’identité. Mais Decazes
refuse toute publication des actes établissant la mort de Louis XVII.
Une brochure saisie par la police, Les pourquoi de 1817, rédigée sans
doute par le publiciste Gabriel Bourbon-Leblanc, s’interrogea sur le
refus de confronter Bruneau à des personnes ayant connu le roi. Durant
l’audience, l’avocat du prétendant, qui s’était engagé à ne pas aborder
l’éventuelle évasion du Temple, l’évoque malgré tout. Il est
immédiatement censuré par le président du tribunal. Enfin, la visite à
Rouen de deux gardes du corps de Monsieur, sans doute mandés par la
duchesse d’Angoulême, participe à l’interrogation : douterait-elle de la
mort de son frère ?13
Ainsi, le choix politique de la judiciarisation, s’il affirme la mort
contre la survie, publicise la question et rend politiquement disponible
Louis XVII.
- 14 . Mémoires de Billard de Veaux (Alexandre), ancien chef vendéen ou Biographie des personnes marquan (...)
- 15 . François Ploux, De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du XIXe (...)
8Il
sert alors à la contestation. Les proclamations affichées à Rouen en
son nom en 1817 faisaient jouer la crise frumentaire (le pain bon
marché), le « bon roi » (référence à Henri IV, le roi nourricier,
réactivée par Louis XVIII et utilisée ici pour le contester), le
patriotisme (référence à la mise en congé des demi-soldes). Bruneau
attire pourtant plus de royalistes que d’anti-Bourbons : Françoise
Desprez, qui se présente comme combattante vendéenne, le soutient puis
se rétracte partiellement pour se contenter d’affirmer que Louis XVII
avait été enlevé par les Vendéens ; un comte de Lantivy, ancien chouan
(sans doute Jacques de Lantivy de Kervéno), diffuse ses positions en
Angleterre ; Nicolas-Philibert Le Chandelier de Pierreville, chouan
mayennais, envisage de s’installer près de Rouen pour aider à son
évasion ; le lieutenant-colonel Jacques-Charles de Foulques, ancien
émigré, est son messager auprès de la duchesse d’Angoulême14.
Parfaitement inscrite dans le cadre de la bouffée de rumeurs de
1814-1817, l’affaire Bruneau fut sans doute exploitée contre le
gouvernement, même par des royalistes, au risque de saper la légitimité
de Louis XVIII. On peut alors y voir une désillusion envers le roi
dépassant la récrimination ultra15.
- 16 . J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 15.
- 17 . Frédéric Degeorge, « Les proscrits de la Restauration », dans Paris révolutionnaire, Paris, Pagne (...)
9Le
faux dauphin permet donc d’exprimer indirectement son hostilité au
régime. Le sous-préfet de Fougères, visant clairement républicains et
bonapartistes, écrit ainsi en 1815 à propos de Bruneau : « […] les gens
les moins tendres pour l’auguste famille qui nous gouverne, se sont fort
attendris sur le sort de cet infortuné jeune homme, s’il est réellement
celui qu’on croit mort »16.
En 1824, certains républicains exilés à Londres accueillent même avec
une certaine faveur la revendication de Victor Persat qui vient de se
déclarer Louis XVII aux États-Unis. S’il est vrai que son frère Maurice
est des leurs, ils s’amusent pourtant à imaginer un retour dans une
France libérale où règnerait un Victor qui leur octroierait des postes.
Cette bouffonnerie leur permet de rêver au succès républicain et de
rejeter une monarchie restaurée convoitant le « pouvoir absolu » et ne
respectant pas le « gouvernement représentatif »17.
En somme, dans ce cas précis, l’image du roi populaire, simple et bon
vivant (selon Maurice, Victor couronné se contenterait d’alcool et de
femmes…), remodelage d’Henri IV que Louis XVIII est incapable de
remplacer, n’a pas totalement disparu des esprits même républicains. Le
monarque peut ici demeurer une référence positive, sous des traits qui
permettent de l’opposer au roi régnant.
Primogéniture et dynastie
- 18 . Voir notamment Michel Denis, Les royalistes de la Mayenne et le monde moderne (XIXe-XXe siècles), (...)
10Pendant
la monarchie de Juillet d’autres éléments se font jour. Naundorff fut
reconnu comme Louis XVII par deux générations distinctes de royalistes.
D’abord des personnes ayant connu la famille royale : Agathe de Rambaud
(berceuse du dauphin), Étienne de Joly (éphémère ministre de la Justice
notamment lors du 10 août 1792), Denis Marco, ancien huissier de madame
Victoire ; et des émigrés, des combattants royalistes et des ultras
d’une certaine importance : Sosthène de La Rochefoucauld (reconnaissance
cependant incertaine et finalement abandonnée), le comte Alexis de
Lancran de Bréon (combattant de Coblence, maréchal de camp, réprimant le
soulèvement républicain du général Berton en 1822), le marquis Louis Le
Gendre de La Ferrière (combattant dans l’armée royaliste de l’Ouest),
Alexandre de Cosson (émigré de Coblence). Puis des fonctionnaires ou de
simples particuliers trop jeunes pour avoir connu la Révolution :
François Albouys (juge à Cahors, démissionnaire en 1830), Modeste Gruau
(procureur de Mayenne, épuré en 1830), Fernand Geoffroy (secrétaire du
vice-gouverneur des pages de Charles X, émigré de l’intérieur en 1830),
Édouard Bricon (libraire et éditeur), les frères Laprade (Jean-Baptiste,
prêtre, et Xavier, avocat). Chez les richemontistes, on peut relever
Amédée Nicolas (militaire démissionnaire en 1830, devenu avocat) et la
comtesse de Vabres d’Apchier (dont le père et un frère furent exécutés
comme « fédéralistes » à Lyon en 1793, et le mari pressenti comme député
en 1824)18.
11Ces
royalistes devenus légitimistes s’éloignent pourtant de « l’enfant du
miracle ». D’importantes déceptions peuvent l’expliquer. Ainsi, Agathe
de Rambaud, issue d’une famille libérale de l’administration de la
Marine avant 1789, est peu récompensée en 1815 de sa fidélité au
dauphin, maintenue jusqu’au 10 août 1792. Elle n’obtient qu’une pension
de 1 000 francs et a du mal à assurer une situation à son fils, ancien
fonctionnaire impérial qui a suivi le roi à Gand. Cosson, installé à
partir de 1797 en Angleterre où il se marie en 1810, fait une tentative
infructueuse de retour en France après 1815. Les prétendants surent
aussi être convaincants, et profitèrent de l’influence d’un prophétisme
politique plus ou moins manipulé (on le verra plus loin). Mais, pour
être efficaces, ces facteurs supposent un terrain favorable. Il faut
donc s’interroger sur le rapport à la légitimité de ces survivantistes.
Dans le cas de la Rochefoucauld, ses Mémoires justifient longuement, à
partir de ce point, que de grands ultras aient cru en la survie de
Louis XVII :
- 19 . Mémoires de Monsieur le Vicomte de la Rochefoucauld, aide de camp du feu roi Charles X, Paris, Al (...)
12« […]
en ce qui touche les amis des Bourbons, plus ils étaient sérieusement
attachés au principe de la légitimité, plus aussi ils devaient apporter
de soins à rechercher et à constater la vérité sur un point si important
de politique et de fidélité. […] Il n’était donc ni rare ni surprenant
de voir quelques personnes des plus graves et des plus honorables,
ajouter une croyance empressée, bien que circonspecte, douteuse et
momentanée, aux prétentions de ceux qui se disaient Louis XVII et aux
témoignages qu’ils en donnaient. […] tout voir, tout écouter, tout
apprécier en pareille matière, n’était-ce pas le meilleur moyen de
déconcerter la malveillance, de confondre la calomnie, de déjouer
l’intrigue, de reconnaître l’erreur ou, qui sait, la vérité
peut-être ? »19
- 20 . Michel Denis, Les royalistes…, ouv. cité, p. 123-124, 171.
- 21 . Jean Barbey, Être roi. Le roi et son gouvernement en France de Clovis à Louis XVI, Paris, Fayard, (...)
- 22 . René-François Rohrbacher, Histoire universelle de l’Église catholique, Paris, Gaume Frères, 1848, (...)
13Ainsi,
l’incertitude sur la mort de Louis XVII et le souci de la légitimité
conduisent à remettre en cause implicitement, avec gêne mais réellement,
la légitimité des rois trônant. Cela pourrait n’exprimer qu’une
insatisfaction politique profonde, comme celle de ces ultras ou de ces
chouans qui envisagèrent le remplacement de Louis XVIII par Monsieur20.
Mais c’est en fait bien une profonde incertitude sur la légitimité du
pouvoir qui se manifeste. Car ce n’est plus seulement, comme chez les
royalistes déçus par Louis XVI entre 1789 et 1792, une interrogation sur
l’exercice réel du pouvoir et l’appel à la fidélité à ce qu’il
implique ; ou une contestation de la nationalisation de la royauté et de
la « royalisation » de la nation. Ici, la fidélité au principe même de
la succession par ordre de primogéniture mâle l’emporte sur la fidélité à
la personne du roi régnant. L’exercice légitime du pouvoir est, dans le
cadre dynastique, rendu strictement dépendant d’une des règles non
écrites de la monarchie d’avant 178921.
Cette loi fondamentale est jugée plus importante que la présence sur le
trône d’un frère de Louis XVI, même s’il défend une royauté
contre-révolutionnaire (dès avant 1830, de hauts responsables
ecclésiastiques sont convaincus de l’illégitimité de Charles X, malgré
le projet ultra de ce dernier22).
Quand bien même elle serait un moindre mal, elle est foncièrement
illégitime car voilant les « attributs de la couronne ». Le sang
s’impose donc contre le sang, la primogéniture contre la dynastie, au
point, chez certains ultras, de miner la légitimité du roi effectivement
régnant, et quel que puissent être les conséquences. Car affirmer la
survie de Louis XVII est en fait affirmer une usurpation, volontaire ou
non, destructrice de toute légitimité, créatrice d’une radicale
incertitude politique et susceptible de remettre en cause la
Restauration et la dynastie bourbonnienne. De telles conséquences
expliquent peut-être que le survivantisme ne puisse se manifester
réellement qu’après 1830 : il fallait qu’il fût inappliquable pour
pouvoir se développer.
- 23 . Sur l’affaire Favras, voir Évelyne Lever, Louis XVIII, ouv. cité, p. 133-148.
- 24 . Hugues de Changy, Le mouvement légitimiste sous la monarchie de Juillet (1833-1848), Rennes, Pres (...)
14Bien
sûr, cela suppose de tenir pour vraie la survie de Louis XVII. La
position survivantiste ne serait qu’une variante de l’application
logique des règles successorales. Cependant, il faut ici prendre en
compte la modification de la conception dynastique issue de la
Révolution. Si la succession par primogéniture masculine n’est jamais
oubliée, la succession simplement dynastique, sur des critères
entrecroisant idéologie et considérations de personne, s’est
vulgarisée : projet de substitution du comte de Provence à Louis XVI en
1789-1790, projets d’accès au trône de la branche d’Orléans,
organisation de la dynastie napoléonienne, projets ultras de
renversement de Louis XVIII23.
La définition comme « provocation au crime », par la loi Serre du
17 mai 1819, de « l’attaque formelle contre […] l’ordre de succession au
trône », laisse aussi deviner que cette question inquiète le pouvoir.
N’évolue-t-il d’ailleurs pas lui-même, afin de préserver la dynastie ?
Si Charles X refuse le décret de Ferdinand VII abolissant la loi salique
en Espagne (29 mars 1830), il abdique pourtant en faveur du duc de
Bordeaux, en imposant un acte identique à son fils. Le monde légitimiste
se déchirera sur cet acte jusqu’à la mort du duc d’Angoulême24.
- 25 . Lynn Hunt, The Family Romance of the French Revolution, Berkeley, University of California Press, (...)
15Les
survivantistes montrent ainsi que le principe dynastique est en
lui-même atteint, puisque ses conséquences pratiques iraient contre son
objectif (garantir la continuité de l’exercice du pouvoir), et que sa
fragilisation empêche de le faire fonctionner comme avant 1789. À ce
titre, ils sont aussi révélateurs que l’indéniable échec pratique de la
succession dynastique en France au XIXe siècle. Même si tous
les monarques s’inscrivent dans une dynastie (qu’ils la prolongent ou la
fondent) et tentent de renouer ce qui s’était brisé entre 1789 et 1793,
l’union d’une famille et de la France, la nation fraternelle,
lentement, progressivement, remplace désormais la paternité royale25.
Idéologisation de la légitimité et corps du roi
- 26 . Emmanuel de Waresquiel, « Talleyrand et la légitimité… », art. cité. Pour comparer avec d’autres (...)
- 27 . Exemples d’utilisation des prophéties : dans La Voix d’un proscrit [mensuel naundorffiste], « Ext (...)
- 28 . Charles-Louis, Duc de Normandie [Naundorff], Doctrine céleste, ou l’Évangile de Notre Seigneur Jé (...)
16Ces
survivantistes représentent alors une autre conception royaliste de la
légitimité, distincte des partisans du droit historique ou des tenants
du droit divin26.
Ils réduisent la légitimité au strict respect d’une procédure, à un
formalisme juridique. Ce formalisme est cependant articulé à une
idéologisation de la légitimité qui peut les rapprocher du droit divin.
En effet, les survivantistes font aussi dépendre la légitimité du
respect de la volonté divine, par le biais du prophétisme. La
contestation de Louis XVIII, puis partiellement de Charles X, s’alimente
ainsi dans une partie du monde ultra aux prophéties politiques
circulant de manière manuscrite ou en compilations (désormais
classificatoires) imprimées, et au dernier prophète royal qu’est Thomas
Martin. Ce prophétisme se prolonge après 1830 dans un messianisme, voire
un millénarisme, qui exploite les nouvelles révélations (dont les
apparitions mariales de La Salette en 1846 dans le cas de Richemont) et
identifie les prétendants au Grand Monarque, personnage eschatologique
associé au Grand Pape, hérité d’une longue histoire remontant à la fin
de l’Antiquité, revivifié durant les années 1820-1840 par la diffusion
de recueils de prophéties27.
Naundorff lui-même prend la place de Martin une fois celui-ci mort,
réécrit les Évangiles et fonde une Église ; Richemont est identifié au
Christ par un de ses partisans ; et tous deux doivent faire advenir les
temps nouveaux de la régénération sociale voulue par Dieu28.
La légitimité dépend ici strictement de la conformation à l’ordre
divin. Louis-Philippe l’ayant abandonné, elle peut être exploitée.
- 29 . Charles-Louis, Duc de Normandie, Doctrine…, ouv. cité, p. 11. Cette position déjà présente dans u (...)
- 30 . Charles-Louis de Normandie, Adresse aux représentants de la Convention, 25 mai 1848, Paris, Lacou (...)
- 31 . L’abbé calabrais Joachim de Flore (1130-1202), dans ses interprétations de l’Écriture, et plus sp (...)
17Mais
le prophétisme peut simplement servir à garantir la survie de
Louis XVII, à dévoiler l’usurpation (chez Naundorff essentiellement). La
primauté de la règle successorale devient alors presque une règle
divine. La rupture est nette par rapport à l’Ancien régime ou aux
tenants du droit divin, où Dieu justifie d’abord le pouvoir, avant ses
règles de transmission. La légitimité demeure purement ainsi formelle.
Le prophétisme a aussi des effets inattendus. Chez Naundorff, les
Évangiles réécrits justifient le libéralisme : « Ne vous amassez point
des trésors sur la terre, et ne vous occupez point des choses
politiques ; car là où est votre trésor, là est aussi votre cœur. » Le
prophétisme alimentant l’anticléricalisme débouche sur l’abandon du
catholicisme, y compris par deux prêtres le soutenant29. Et Richemont achève sa carrière en faisant appel à l’Assemblée nationale de 1848 pour voir reconnaître ses droits30.
S’opère donc une double dynamique pour la légitimité dans l’ultracisme
prophétique : sécularisation (par la réduction de la légitimité à une
formalité) et recharge sacrale (par le fondement de la légitimité sur
l’intervention divine ou la conformation à la volonté céleste), la
seconde pouvant paradoxalement alimenter la première. À ce titre, le
survivantisme peut être rapproché des « prophètes romantiques »,
présentant les mêmes caractéristiques, enracinées dans un joachimisme
plus ou moins sécularisé : l’utilisation du christianisme comme solution
temporelle aux problèmes socio-politiques aboutit à une sécularisation à
partir d’une réactivation de la dimension religieuse31.
- 32 . Alain Boureau, Le simple corps du roi. L’impossible sacralité des souverains français, XVe-XVIIIe(...)
18De
telles évolutions ne sont pas sans effets sur la théorie des deux corps
du roi. Depuis ses origines, cette fiction juridique peut renforcer le
pouvoir royal, par investissement ; et le restreindre ou le relativiser,
par la distinction entre le corps politique et le roi régnant, ouvrant
la voie à une possible autre localisation de la souveraineté qu’en un
corps physique. Or, la Révolution, en identifiant le corps politique à
la nation, dissocie absolument le corps physique du roi du corps
politique, canonisant une distinction gommée par Louis XIV et
progressivement réaffirmée au XVIIIe siècle avec la querelle
janséniste et les revendications parlementaires. En même temps, elle
finit par identifier radicalement le corps physique de Louis XVI à la
monarchie comme forme politique, et peut ainsi supprimer celle-ci en
discréditant, dévalorisant et décapitant celui-là, dans une œuvre de
donatisme politique déjà pratiqué par la Ligue au XVIe siècle32.
- 33 . Emmanuel Fureix, La France des larmes…, ouv. cité, p. 223-272.
- 34 . Idem, p. 236.
19Les
faux dauphins, en tendant à réduire leur projet politique à une règle
successorale, minent radicalement la théorie politique de la monarchie.
Point de transmission immédiate de la continuité de l’État, aucun
exercice de la puissance temporelle, nulle autorité ou majesté. Ne
demeure qu’une vacuité : celle du père, que le fils doit combler. Cette
extrême simplicité peut être comprise comme l’impossibilité de faire
face à la recharge symbolique des deux corps du roi, partiellement
efficace au prix d’évolutions, que produit la Restauration33.
Elle dirait ainsi la réussite du projet restaurateur, et ses limites,
puisque la revendication survivantiste ne disparaît pas. Elle souligne
aussi que le pouvoir se légitime également par son simple exercice,
lequel permet le déploiement de codes symboliques renforçant à leur tour
ce pouvoir. Elle dit enfin que, d’une certaine manière, chez les faux
Louis XVII, la règle d’une monarchie successive, établie comme
transcendante, se substitue au corps politique, joue contre le corps
physique trônant et en faveur du corps physique revendiquant. Les
survivantistes ignorent le corps politique, ne se soucient que du corps
mortel. En même temps, ce simplisme est associé de manière complexe à
une forte idéologisation. Mais les règles destinées à garantir la
continuité de l’État, la perpétuation de la souveraineté par la
succession des corps physiques des monarques, la sécurité politique par
la stabilité, peuvent-elles être investies d’une participation à une
mission du pouvoir ? Ou peut-on leur ajouter un projet idéologique qui
deviendrait une nouvelle loi fondamentale ? La primauté de l’idéologie
rend la théorie dépendante de l’application du projet, et lui fait
courir le risque de disparaître si d’autres idéologies s’imposent. Mais
les survivantistes ne sont pas seuls dans cette évolution. Lors de la
mort de Louis XVIII, la Restauration idéologise partiellement les corps
royaux : Charles X s’engage à poursuivre son frère (corps physique) en
régnant selon la Charte (corps politique)34.
- 35 . Pierre Karila-Cohen, « Charles de Rémusat… », art. cité, p. 414.
20Ainsi,
la multiplication des corps physiques avec la réitération des
prétendants, la concurrence des incarnations et l’inlassable
interrogation sur le possible survivant traduisent, notamment dans
l’ultracisme, non seulement qu’on ne peut plus rabattre définitivement
le corps politique sur le corps physique, mais que même la théorie des
deux corps du roi est mourante, ou morte. Car le corps politique est
désormais celui de la nation, ou du peuple, avec laquelle le corps du
roi ne peut plus faire un – ou tout au moins, ils doivent composer pour
former un corps politique bancal. Les ultras eux-mêmes, en partiels
héritiers du libéralisme aristocratique et du jansénisme judiciaire
d’Ancien Régime, le savent bien. Abandonnant de fait tout espoir de
revenir à une politique fondée sur le roi seul, ils cautionnent, voire
revendiquent et organisent contre le roi et ses ministres ce qui
s’expérimente comme une forme de parlementarisme. Ils assument leur
idéologisation du corps politique sans en tirer toutes les conséquences.
L’échec systématique des Louis XVII souligne également que la
naturalité du corps ne peut efficacement s’opposer à l’artificialité du
contrat social. Le corps royal n’est plus une politique, quoi qu’ils en
veuillent. Ils expérimentent le même échec que Charles X se faisant
sacrer, tentant d’investir divinement de la légitimité son corps comme
corps royal et par là la monarchie restaurée. Mais ce souci diffère trop
de celui de la majorité des responsables politiques, qui veulent
achever l’histoire de la France comme sujet corporellement distinct du
roi, à la manière de Rémusat en 1840, qui montre la continuité physique
de la nation en installant à la Chambre des pairs les statues
d’illustres Français des siècles précédents dont des descendants sont
pairs35.
- 36 . Le Siècle, 9 décembre 1843, [p. 3].
21Ignorant
en fait la théorie des deux corps du roi mais alimentant une
incertitude sur le détenteur du pouvoir, les survivantistes,
paradoxalement, participent à la désincarnation politique du
libéralisme. Ainsi, à rebours, montrent-ils que la Révolution l’a
emporté. La souveraineté de la nation est devenue indépassable. Comme
l’écrit Le Siècle à propos du défi naundorffiste aux légitimistes venus
visiter le duc de Bordeaux à Londres en décembre 1843 : « Pauvre
légitimité ! S’il faut en effet la chercher dans la personne des princes
et non dans la volonté des nations, Dieu aurait bien dû la marquer sur
leur front d’un signe ineffaçable. »36.
22*
- 37 . Paul Airiau, notice Gruau dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité, p. 116-117 ; G (...)
23Les
multiples Louis XVII et l’impossibilité de les faire disparaître
montrent combien les Français sont agités par une profonde indécision
politique, combien la légitimité change de sens et combien se
renouvellent ou se décomposent les justifications de son fondement, y
compris chez les ultras. Se déroulent alors des itinéraires politiques
complexes. Modeste Gruau, d’origine légitimiste, débute ainsi une
carrière judiciaire interrompue en 1830. En lien avec un milieu
prophétique, il reconnaît en Naundorff Louis XVII, puis accepte ses
revendications messianiques. Il s’oriente alors vers un libéralisme
religieux débouchant dans un libéralisme politique et une hostilité
radicale au monde légitimiste et au catholicisme. Sur ces bases
contestataires, se construisent et se perpétuent également de petits
milieux. La petite fille de Rambaud épouse Léon Verger, un neveu du
secrétaire d’Étienne de Joly, éphémère ministre de la Justice en
juillet-août 1792 et qui reconnut en Naundorff Louis XVII ; une des
nièces de la même Rambaud épouse Xavier Laprade ; une autre épouse
Augustin Solard, dont le frère, Auguste, bonapartiste marié à Églantine
Pégot (fille du général d’empire Jean Pégot et belle-fille du
littérateur Emile Marco de Saint-Hilaire, fils de Denis Marco), finit
secrétaire général de la préfecture d’Orange sous le Second Empire37.
Les faux Louis XVII peuvent ainsi servir diachroniquement et
synchroniquement à apprécier quasiment de manière micro-historique les
voies de la politisation, l’articulation des héritages et des projets
politiques et les évolutions des opinions politiques des Français.
Notes
. Outre Lionel Parois, Essai de bibliographie sur Louis XVII, Paris, 1992 (nombreuses publications depuis), sont indispensables : Joseph-Marie Quérard, Les
supercheries littéraires dévoilées. Galerie des auteurs apocryphes,
supposés, déguisés, plagiaires, et des éditeurs infidèles de la
littérature française pendant les quatre derniers siècles : Ensemble les
industriels littéraires et les lettrés qui se sont anoblis à notre
époque, Paris, chez l’éditeur, 5 tomes, tome 3, 1850, p. 17-121 ;
Léon de la Sicotière, « Les faux Louis XVII (première partie) », « Les
faux Louis XVII (seconde partie) », Revue des questions historiques, volume 32, 1er juillet 1882, p. 147-209, 1er octobre 1882, p. 494-591 (Les faux Louis XVII, Paris, V. Palmé, 1882) ; René Le Conte, Les faux Dauphins, Paris, PUF, 1924 ; Jacques Hamann, Maurice Étienne, Louis XVII et les 101 prétendants, Paris, Le Sémaphore, 1999.
2 . Sauf Yves-Marie Bercé, Le roi caché. Sauveurs et imposteurs. Mythes politiques dans l’Europe moderne,
Nouvelles Études historiques, Paris, Fayard, 1990, p. 328-339, qui
inscrit les faux dauphins dans la longue durée et apporte des grilles
d’analyse (p. 378-415).
3 . Philippe Boutry, « Carisma di crisi e crisi del carisma : Luigi XVIII e il profeta Martin », dans Jean-Michel Sallmann, Philippe Levillain[dir.], Forme di potere e pratica del carismo,
Napoli, Liguori editore, 1984, p. 93-108 ; Mona Ozouf, « L’idée et
l’image du régicide dans la pensée contre-révolutionnaire :
l’originalité de Ballanche », dans François Lebrun, Roger Dupuy[dir.], Les résistances à la Révolution. Actes du colloque de Rennes (17-21 septembre 1985), Paris, Imago, 1987, p. 331-341 ; Emmanuel de Waresquiel, L’histoire à rebrousse-poil. Les élites, la Restauration, la Révolution,
Paris, Fayard, 2005, p. 22-24 et 43-68, reprenant et approfondissant
Emmanuel de Waresquiel, « Talleyrand et la légitimité : la “révolution”
du 31 mars 1814 », dans Jean-Yves Mollier, Martine Reid, Jean-Claude
Yon [dir.], Repenser la Restauration. Actes du colloque, Paris,
Musée de la vie romantique, Châtenay-Malabry, Maison de Chateaubriand,
septembre 2003, organisé par le Centre d’histoire culturelle des
sociétés contemporaines, Paris, Nouveau monde, 2005, p. 57-68 ; Sheryl Kroen, Politics and Theater. The Crisis of Legitimacy in Restoration France, 1815-1830, Berkeley, Los Angeles, London, University of California Press, 2000, spécialement p. 35-36 ; Emmanuel Fureix, La France des larmes. Deuils politiques à l’âge romantique (1814-1840), Seyssel, Champ Vallon, 2009 ; François Guizot et la culture politique de son temps, textes rassemblés et présentés par Marina Valensise, Paris, Gallimard/Le Seuil, 1991 ; Pierre Rosanvallon, Le moment Guizot, Paris, Gallimard, 1985.
4
. Emmanuel de Waresquiel, « Portraits du roi et de ses élites sous la
Restauration et la Monarchie de Juillet, une contribution à l’étude des
représentations du pouvoir », Versalia. Revue de la Société des amis de Versailles, n° 9, 2006, p. 178-194. Sur la Restauration : Volker Sellin, « Restauration et légitimité en 1814 », Francia, 26/2, 1999, p. 115-129 ; Martin Wrede, « Le portrait du roi restauré, ou la fabrication de Louis XVIII », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 53, n° 2, avril-juin 2006, p. 112-138 ; Pascal Simonetti, « Mourir comme un Bourbon : Louis XVIII, 1824 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 42, n° 1, janvier-mars 1995, p. 91-106 ; Emmanuel Fureix, La France des larmes…,
ouv. cité, p. 26-34, 97-109, 170-183 et 219-317. Sur Louis-Philippe: Jo
Burr Mardagant, ‘Gender, vice and the political imaginary in
postrrevolutionary France: reinterpreting the failure of the July
Monarchy’, The American Historical Review, volume 104, n° 5, décembre 1999, p. 1460-1496, et ‘Representing Queen Marie-Amélie in a “bourgeois” monarchy’, Historical Reflections,
volume 32, n° 2, 2006, p. 421-451; BradfordBrown, ‘The rhetoric of
premature mourning. Assassination attempts and the civil religion of the
July Monarchy’, Proceedings of the Western Society for French History,
volume 29, 2001, p. 80-88; Pierre Karila-Cohen, « Charles de Rémusat et
l’impossible reconstruction de la Monarchie de Juillet », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, tome 44, n° 3, juillet-septembre 1997, p. 404-423; Michaël Marrinan, Painting Politics for Louis-Philippe. Art and Ideology in Orleanist France, New Haven, Yale University Press, 1988.
5 . « Affaire du prétendu Louis XVII », L’ami de la religion et du roi, 04/11/1834, p. 32 ; Paul Fauchille, Une chouannerie flamande au temps de l’Empire (1813-1814). Louis Fruchart, dit Louis XVII, d’après des documents inédits, Paris, A. Pedone, 1905.
6
. Sans compter un faux Bonaparte, Jean Charnay, annonçant l’invasion de
la France par des « Turcs et des barbaresques », jugé à Trévoux en
septembre 1817, condamné à cinq ans de prison : Bénaben, « Politique », Mercure de France, 20 septembre 1817, p. 573.
7 . Pour les publications défendant la mort de Louis XVII, voir en particulier Joseph-Marie Quérard, Les supercheries…, ouv. cité ; J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce Louis XVII évadé du Temple ?, Documents inédits tirés des Archives de Police et des Greffes judiciaires, Paris, Librairie Perrin et Cie, 1911.
8
. Arch. Nat. (Archives nationales), BB30198 (procureur général du roi
près la cour royale d’Angers au secrétaire général du ministère de la
Justice, 24/09/1823). Sur les prétendants, voir les références de la
note 1.
9 . En sus des ouvrages de la note 1, Edmond Dupland, Naundorff l’imposteur, Paris, Olivier Orban, 1990.
10 . T. Haustgen, M.-L. Bourgeois, « L’évolution du concept de mythomanie dans l’histoire de la psychiatrie », Annales Médico-psychologiques. Revue Psychiatrique, volume 165, n° 5, juin 2007, p. 334-344.
11 . Emmanuel Fureix, La France des larmes…, ouv. cité, p. 151-167, 197-209 ; Philippe Delorme, Louis XVII, la vérité. Sa mort au Temple confirmée par la science, Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 2000, contesté par Philippe Alexandre Boiry, Louis XVII avait-il deux cœurs ?, Versailles, Éditions de Paris, 2004.
12
. Décompte à partir de ‘The Image of France 1793-1880 at ARTFL’
(http://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/mckee/), utilisant les
estampes parues dans la Bibliographie de la France.
13 . J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 25, 35, 77-78, 86-88, 209 et 232-234. Voir aussi Évelyne Lever, Louis XVIII, Paris, Fayard, 2006 (1re édition 1988), p. 469-473.
14 .
Mémoires de Billard de Veaux (Alexandre), ancien chef vendéen ou
Biographie des personnes marquantes de la Chouannerie et de la Vendée
pour servir à l’histoire de France et détourner les habitants de l’Ouest
de toute tentative d’insurrection, Paris, Lecointe et Pougin, Versailles, Borreswil, 3 tomes, tome 2, 1832, p. 262-263. J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 86-87, 148 ; René Le Conte, Les faux dauphins, ouv. cité, p. 62-65.
15 . François Ploux, De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du XIXe siècle,
Collection historique, Paris, Aubier, 2003, p. 130-170. Sur le cas
Bruneau, Yann Guérin, « Le Dauphin de 1815 : étude d’une rumeur », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, volume 110, n° 2, 2003, p. 111-128.
16 . J.[eanne] de Saint-Léger, Était-ce…, ouv. cité, p. 15.
17 . Frédéric Degeorge, « Les proscrits de la Restauration », dans Paris révolutionnaire,
Paris, Pagnerre, 1848, p. 186-190. Voir aussi la mise en cause du
gouvernement et de la Cour dans la notice « Bourbon-Busset dit Leblanc
(Gabriel) » de la Galerie historique des contemporains, ou nouvelle
biographie, nouvelle édition, dans laquelle se trouvent réunis les
hommes morts ou vivants, de toutes les nations, qui se sont fait
remarquer à la fin du 18e siècle et au commencement de celui-ci, par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes, seconde édition, Bruxelles, Aug. Wahlen et Comp., 10 volumes, volume 2, 1822, p. 363-364.
18 . Voir notamment Michel Denis, Les royalistes de la Mayenne et le monde moderne (XIXe-XXe siècles), Paris, Kincksieck, 1977, p. 215-216 ; Guy de Rambaud, Pour l’amour du dauphin. Madame Agathe de Rambaud, Versailles, 10 décembre 1764, Aramon, 18 octobre 1853,
Parçay-sur-Seine, Anovi, 2005 ; notices sur naundorffistes et
vintrasiens dans Jean-Marie Mayeur et Yves-Marie Hilaire [dir.], Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, 10 tomes, tome 10, Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges du christianisme. « Sectes », dissidences, ésotérisme, Paris, Beauchesne, 2001.
19 . Mémoires de Monsieur le Vicomte de la Rochefoucauld, aide de camp du feu roi Charles X, Paris, Allardin, 5 tomes, tome 5, 1837, p. 46-47.
20 . Michel Denis, Les royalistes…, ouv. cité, p. 123-124, 171.
21 . Jean Barbey, Être roi. Le roi et son gouvernement en France de Clovis à Louis XVI, Paris, Fayard, 1992, p. 17-70 (surtout 37-42).
22 . René-François Rohrbacher, Histoire universelle de l’Église catholique, Paris, Gaume Frères, 1848, 29 tomes, tome 28, p. 291-292.
23 . Sur l’affaire Favras, voir Évelyne Lever, Louis XVIII, ouv. cité, p. 133-148.
24 . Hugues de Changy, Le mouvement légitimiste sous la monarchie de Juillet (1833-1848), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004, p. 61-63, 74-75, 144-145 et 177-179 ; Stéphane Rials, Le légitimisme, Que sais-je ?, Paris, PUF, 1983, p. 15-17.
25 . Lynn Hunt, The Family Romance of the French Revolution, Berkeley, University of California Press, 1992, traduction française Le roman familial de la Révolution française, Paris, Albin Michel, 1995.
26
. Emmanuel de Waresquiel, « Talleyrand et la légitimité… », art. cité.
Pour comparer avec d’autres contre-révolutionnaires Gérard Gengembre, La Contre-révolution ou l’histoire désespérante, Paris, Imago, 1989.
27 . Exemples d’utilisation des prophéties : dans La Voix d’un proscrit [mensuel naundorffiste], « Extrait de la prophétie dite
d’Orval », « Fragment de la prédiction d’une religieuse de Bellay »,
« Notice sur Martin. – Troisième partie », 20 octobre 1839, p. 250-253,
253-254 et 254-260 ; « L’an 1840. (Extrait de la Quotidienne du
11 novembre) », 20 novembre 1839, p. 285-287 ; A. G., « Réponse »,
« Note sur la prophétie d’Orval », « Extrait d’un recueil de
prédictions, publié par le libraire Bricon, en novembre 1830 »,
20 décembre 1839, p. 298-309, 321-323 et 323-324 ; A. Gozzoli, « Lettre
du Prince au rédacteur », « Notre tâche est remplie : nous allons
laisser parler l’avenir », 20 avril 1840, p. 436-441 et 441-444 ; La vérité sur le fils de Louis XVI connu sous le nom de l’ex-baron de Richemont, Grenoble, Baratier, 1849.
Sur les liens entre
survivantisme et prophéties : Philippe Boutry, « Carisma di crisi… »,
art. cité ; Philippe Boutry et Jacques Nassif, Martin l’archange, Paris, Gallimard, 1985 ; Claude Guillet, La rumeur de Dieu. Apparitions, prophéties et miracles sous la Restauration, Paris, Imago, 1994 ; Michel Denis, Les royalistes…, ouv. cité, p. 216-218 ; pour le cas de la Salette, Jean Stern, La Salette. Documents authentiques, 3 tomes, tome 3, 1er mai 1849 – 4 novembre 1854, Paris, Les Éditions du Cerf, 1991, p. 228, 330, et Michel Corteville, La
« Grande Nouvelle » des Bergers de La Salette. Le plus grand amour, les
plus fortes expressions, I. L’apparition et ses secrets, Supplément au périodique L’Impartial, n° 178, 2e trimestre 2001, p. 188, 202 et 401.
Sur les prophéties dans la France du XIXe siècle, Thomas A. Kselman, Miracles and Propheties in Nineteenth-Century France, New Brunswick, Rutgers University Press, 1984 ; Éloïse Mozzani, Magie et superstitions de la fin de l’Ancien Régime à la Restauration, Paris, Robert Laffont, 1988, p. 250-273, 315-330 et 379-382 ; Jacques Halbronn, Le texte prophétique en France. Formation et forme,
thèse d’État sous la direction de Jean Céard, Université
Paris 10 -Nanterre, 1999, f° 765-864 ; Paul Airiau, « Le Grand Monarque
dans le catholicisme français (XIXe-XXe siècles) », Le souverain caché—Politica hermetica, n° 14, 2000, p. 66-95 et « Prophétisme politique (dans la France contemporaine) » dans Patrick Sbalchiero [dir.], Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002, p. 645-646 ; pour une période postérieure, Hilaire Multon, « Les temps sont proches ». Prophétisme politique et culture apocalyptique dans le catholicisme français et italien (1859-1878), thèse d’histoire sous la direction de Philippe Boutry, Université Paris 12 – Créteil Val de Marne, 2002.
28 . Charles-Louis, Duc de Normandie [Naundorff], Doctrine
céleste, ou l’Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ dans toute sa
pureté primitive, tel qu’il l’a prêché lui-même pendant sa carrière
terrestre ; Révélé de nouveau par trois Anges du Seigneur, et confirmé
par Jésus-Christ lui-même, par la réprobation de la Papauté romaine ;
avec toutes les preuves de son imposture contre la doctrine de notre
Sauveur, s.l., 1839, p. 33. ; La Voix d’un proscrit : « De
la Doctrine céleste », 20 septembre 1839, p. 216, « Suite de la
correspondance », 20 décembre 1839, p. 319, « Plaidoyer de M. Gruau de
la Barre pour la Doctrine céleste. – Physionomie des débats »,
20 janvier 1839, p. 346 ; L. Esp. J. V. Claravali del Curso [abbé Louis
Veyron], Vie de Mgr le duc de Normandie, fils de Louis XVI et de
Marie-Antoinette, roi et reine de France, Que la révolution fit orphelin
en 1793, et qu’elle raya du nombre des vivants en 1795, connu dans le
monde sous le nom d’ex-baron de Richemont, Paris, Lyon, Imprimerie de Dumoulin et Ronet, 1850 ; C.[laude] F.[rançois] Nicod, L’avenir
prochain de la France entrevu dans les vrais principes de la société,
de la liberté, de la souveraineté soit populaire, soit nationale, et
dans la révolution de 1789. Ouvrage philosophique, politique et
religieux, Paris, Gaume frères, Lyon, Dumoulin et Ronet, 1850 et,
sur ce cas, notice par Fernand Rude dans Jean-Marie Mayeur et Yves-Marie
Hilaire [dir.], Dictionnaire du monde religieux…, ouv. cité, tome 6, Xavier de Montclos [dir.], Lyon. Le Lyonnais, le Beaujolais,
Paris, Beauchesne, 1994,p. 316-318. Sur la pensée religieuse de
Naundorff, Paul Airiau, « De Swedenborg à Naundorff : le cas de
Melchisédech », Melchisedech—Politica hermetica, n° 19, 2005, p. 72-82, et notice dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité,p. 184-187.
29 . Charles-Louis, Duc de Normandie, Doctrine…, ouv. cité, p. 11. Cette position déjà présente dans une lettre à Mgr
Blanquart de Bailleul, 20/09/1836 (Archives du diocèse de Versailles,
dossier Appert). Sur les abbés Laprade et Appert, notices de Paul
Airiau, dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité, p. 6-7 et 155-156. Sur l’évolution anticléricale à partir du prophétisme, Hilaire Multon, « Les temps sont proches »…, ouv. cité.
30 . Charles-Louis de Normandie, Adresse aux représentants de la Convention, 25 mai 1848, Paris, Lacour, s.d.
31 . L’abbé calabrais Joachim de Flore (1130-1202), dans ses interprétations de l’Écriture, et plus spécialement de l’Apocalypse,
annonçait un âge de l’Esprit à venir rapidement, animé par des hommes
spirituels. Son héritage, appelé joachimisme, irrigue largement
l’Occident chrétien sous des formes diverses. Henri de Lubac, La postérité spirituelle de Joachim de Flore, 2 tomes, tome 2, De Saint-Simon à nos jours, Paris/Namur, Lethielleux, 1981 ; Paul Bénichou, Le temps des prophètes. Doctrines de l’âge romantique,
Paris, Gallimard, 1977 ; Bernard Plongeron, « Le christianisme comme
messianisme social », dans Jean-Marie Mayeur, Charles et Luce Pietri,
André Vauchez et Marc Vénard [dir.], Histoire du christianisme, 14 tomes, tome 10, Bernard Plongeron [dir.], Les défis de la modernité (1750-1840), Paris, Desclée, 1997, p. 837-905 ; Nicole Edelman, Voyantes, guérisseuses et visionnaires en France, 1785-1914, Paris, Albin Michel, 1995 ; Paul Airiau, « Les millénarismes » dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité, p. XXVIII-XXXV ; Hilaire Multon, « Eschatologie, visions du futur et prophétisme (XIXe-XXe siècles). Essai d’historiographie » dans André Vauchez [dir.], L’Attente des temps nouveaux. Eschatologie, millénarismes et visions du futur, Turnhout, Brepols, 2002, p. 75-95.
32 . Alain Boureau, Le simple corps du roi. L’impossible sacralité des souverains français, XVe-XVIIIe siècles, Paris, Éditions de Paris, Max Chaleil, 2000 (1re édition 1988) ; Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Le Seuil, 1990, p. 138-166 ; Dale K. Van Kley, Les origines religieuses de la Révolution française, 1560-1791, Paris, Le Seuil, 2002, p. 55-56, 83-84, 206-208 et 273-287 ; Michael Walzer, Régicide et révolution. Le procès de Louis XVI. Discours et controverses, Paris, Payot, 1989 ; Lynn Hunt, Le roman familial…, ouv. cité, p. 35-38 et 59-68 ; Annie Duprat, Le roi décapité. Essai sur les imaginaires politiques, Paris, Les Éditions du Cerf, 1992, notamment ch. 3 ; Antoine de Baecque, Le corps de l’histoire. Métaphores et politique, 1779-1800, Paris, Calmann-Lévy, 1993 ; Joan B. Landes, Visualizing the Nation. Gender, Representation, and Revolution in Eighteenth-Century France, Ithaca, London, Cornell University Press, 2001, p. 57-80.
33 . Emmanuel Fureix, La France des larmes…, ouv. cité, p. 223-272.
34 . Idem, p. 236.
35 . Pierre Karila-Cohen, « Charles de Rémusat… », art. cité, p. 414.
36 . Le Siècle, 9 décembre 1843, [p. 3].
37 . Paul Airiau, notice Gruau dans Jean-Pierre Chantin [dir.], Les marges…, ouv. cité, p. 116-117 ; Guy de Rambaud, Pour l’amour…, ouv. cité ; Arch. nat. F1 B1 173/18, « Solard Auguste ».
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Bibliographical reference
Paul Airiau, « La légitimité incertaine (1814-1853) : retour sur les faux Louis XVII », Revue d'histoire du XIXe siècle, 39 | 2009, 115-127.Electronic reference
Paul Airiau, « La légitimité incertaine (1814-1853) : retour sur les faux Louis XVII », Revue d'histoire du XIXe siècle [Online], 39 | 2009, Online since 15 December 2012, connection on 29 September 2017. URL : http://rh19.revues.org/4142 ; DOI : 10.4000/rh19.4142Top of page
About the author
Paul Airiau
Docteur en histoire (IEP de Paris) et professeur agrégé d’histoire dans l’académie de Paris
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