jeudi 7 mars 2024

jacques halbronn Réflexions critiques sur le texte de Reuven Sivan, "Eliezer Ben Yehouda et son oeuvre de linguiste. (L'Harmattan, 2004"

jacques halbronn Réflexions critiques sur le texte de Reuven Sivan, "Eliezer Ben Yéhouda et son oeuvre de linguiste" -L'Harmattan, 2004 "La langue parfaite" Dans l'ouvrage intitulé La Renaissance de l'Hébreu parlé" -L'Harmattan 2004, figure un texte consacré à l'oeuvre de linguiste d'Eliezer Ben Yéhouda que nous entendons commenter.(pp. 18 ét seq). Sivan écrit "En un temps miraculeusement bref, (cette langue) a atteint le haut degré de perfection d'une langue vivante à tous égards, son vocabulaire ne cesse de s'enrichir etc" Or, une telle vision pragmatique de la langue ne nous parait pas saine et n'apparait pas notamment dans ce texte l'idée d'une réforme de l'hébreu, en le débarrassant de ses corruptions, de ses emprunts afin de restituer sa systémique originelle, en réparant (Tikoun) cette langue soumise à tant de tribulations sans oublier le passage de l'écrit à l'oral si important pour les langues sémitiques. Cette notion d'enrichissement nous semble éminemment suspecte car elle vient légitimer toutes sortes de dérives et d' hybridations, non sans un certain cynisme. On nous parle ainsi d'un"haut degré de perfection", de réussite; Mais qu'est ce donc que la "perfection" pour une langue? Sivan évoque la linguistique de l'époque de Ben Yéhouda (p. 50) qui "se préoccupait de questions relatives à l'origine du langage, à la comparaison des langues voisines et mais ce n"est qu''avec Ferdinand de Saussure, à la fin du siècle, qu'un changement décisif se produisit dans les moyens de comprendre et d'étudier le langage" On se demandera si Ben Yehouda a réussi à mettre en évidence une systémique de l'hébreu et s'il était formé à mener une telle recherche fondamentale, à savoir déterminer sa "colonne vertébrale", sa logique, sa symétrie à commencer par un travail sur les marqueurs de genre et de nombre qui affectent la conjugaison. On a plutôt l'impression d'une fuite en avant, préférant le quantitatif au qualitatif! Est ce ainsi, vraiment, que l'on construit un temple, sans commencer par en sonder les fondements et les fondations, bref les structures? Voyons quel était, quelques années plus tôt, l'approche de Gérard Haddad dans le volume intitulé "La renaissance de l'hébreu" Desclée de Browuer, 1998, dans un texte intitulé "La psychose inversée". Que faut-il donc entendre par "renaissance d'une langue"? Et d'abord, ne s'agit il pas là de constater une certaine pathologie affectant cette langue et dont il faudrait la guérir? Mais où est donc fourni le diagnostic et le traitement? Qu'est ce qui se serait perdu en cours de route, que convient-il de réparer ou bien se contentera-t-on d'appliquer " une emplatre sur une jambe de bois" ? Est ce que l'on prend ici la peine, pour sous-tendre les jugements, de nous présenter un modéle idéal de langue, une théorie générale à laquelle on référerait le projet hébraique ou bien cette langue serait-elle un cas à part? La langue française pourrait-elle prise comme objet de comparaison, par exemple? La phonologie ne cherche -t-elle pas à faire apparaitre des processus communs à toutes les langues, par delà les questions lexicales, ce qui revient à relativiser la diversité babélienne des langues? Dès lors, que l'on s'intérroge sur le traitement des "marqueurs" de genre et de nombre, ce qui aurait permis de faire apparaitre certaines anomalies que nous avons eu tout le loisir de signaler dans d'autres travaux comme ce "Ata" qui est la marque de la deuxiéme personne du masculin singulier et qui est plus long que le 'At" de la deuxiéme personnes du féminin singulier! L'hébreu moderne ne respecte pas la logique dialectique du passage de l'écrit à l'oral, ce qui est le mal dont souffrent la plupart des langues "vivantes" actuelles. Cela peut paraitre quelque peu paradoxal vu que l'hébreu n'écrit que les consonnes dans son alphabet à 22 lettres mais il y a tout un "jeu" de marqueurs, consistant dans la prononciation ou la non -prononciation d'une consonne qui fait défaut à l'hébreu moderne ainsi d'ailleurs qu'aux reconstitutions "massorétiques" du texte biblique. Prenons le cas de l'adjectif "guedola", grande au féminin, il devrait au masculin se dire "gado(l)" avec occultation du Lamed final. Biens pis, nous sommes en face d'un cas de surmarqueur car en fait le féminin de cet adjectif n'est pas "guedola" mais "gadol" avec prononciation du Lamed. Rappelons aussi que l'on doit passer du féminin au masculin, avec un processus d'abréviation et non du masculin au féminin, comme on l'enseigne généralement pour le français car la logique veut que l'on dégrossisse le féminin et non que l'on prolonge le masculin. Que Ben Yehouda ait omis de s'intéresser à ces questions de base est une chose mais que ceux qui commentent son oeuvre, avec le recul, se révélent incapables d'en faire la critique en est une autre. Que l'on vienne nous parler de la "richesse" d'une langue sans se préoccuper des risques de son hybridation dont l'anglais est tellement atteint, du fait même de ses emprunts massifs et inconsidérés au français, nous sidère! Pour qu'une langue puisse intégrer des mots nouveaux, encore faut-il qu'elle ait la maitrise de son fonctionnement global! Enfin, signalons que pour nous la langue est une composante majeure du "plan divin" du fait même de cette dualité qui est posée dès le premier chapitre de la Genése (Soleil Lune, masculin, féminin) JHB 07 03 24

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