mardi 22 décembre 2009

Critique d'une astronomie prise comme matrice structurelle

Par Jacques HalBonnn


La grande idée de Jean-Pierre Nicola aura été de trouver un moyen de différencier astrologiquement les planètes entre elles sur la base de certaines de leurs caractéristiques astronomiques (vitesse de révolution et éloignement relatif, qui vont d'ailleurs de pair).
Certes, le corps humain est-il un exemple de différenciations fonctionnelles entre les organes qui le constituent (cœur, poumons, estomac, bouche, yeux etc, etc). L'Homme Zodiaque est bien connu iconographiquement pour représenter les correspondances entre les parties du corps et les signes du zodiaque. Mais justement un tel dispositif se révéla surtout utile aux médecins devant traiter telle partie malade. Plus généralement, nous dirons que c'est la pathologie, la carence, qui sont cause de nombreuses différenciations et aussi de certains progrès, notamment au niveau technique. C'est ainsi que la théorie des tempéraments (d'Hippocrate) est certainement liée à des dysfonctionnements organiques de certaines "humeurs" (bile (jaune, noire), sang, muqueuse)
En effet, quand un organisme connait un dysfonctionnement, il faut intervenir ponctuellement là où il y a problème, ce qui conduit à un besoin de différenciation en vue d'une localisation. La plupart des divisions astronomiques visent à localiser un astre, à baliser le système solaire, tout comme l'on nomme les rues d'une ville pour se repérer ou les membres d'un même groupe. De là à chercher des fonctions du fait des dénominations, il y a un pas que franchit l'astrologie en général et la "conditionaliste" en particulier.
Il faut comprendre que de telles appellations sont aléatoires, interchangeables et somme toute conventionnelles. Celles là ou d'autres....L'important est que l'on s'entende, que l'on sache de quoi on parle...Ni plus, ni moins.
Y-a-t-il un quelconque intérêt pour l'astrologie à conférer des significations à des éléments d'un ensemble qui, au niveau astronomique, ne correspondent pas à des fonctions distinctes. On pourrait par exemple comprendre que l'on établisse des correspondances entre certains organes du corps et certaines fonctions psychiques mais au niveau astronomique, une telle différenciation n'existe pas. Mars n'a pas une fonction distincte de Jupiter au regard de l'astronomie alors que pour la médecine, le cœur n'a pas la même fonction que le foie... Cela dit, l'on peut s'amuser à mettre en correspondance une planète avec un organe du corps mais ce n'est pas l'astronomie qui est ici le point de départ mais bien le corps humain qui est la matrice. De même pourrait-on dire que les planètes aient pu être mises en correspondance avec des dieux de la mythologie (la couleur rouge de telle planète rapprochée de l' 'Horus égyptien, du Arès grec ou du Mars latin) mais certainement pas l'inverse?
Autrement dit, tout se passe comme si le cosmos avait été rapproché d'autres domaines plus structurés que lui et non l'inverse. Qu'ensuite, à partir de certaines qualités attribuées aux astres, l'on ait cru que l'on pouvait partir des astres, il y a là bel et bien un contresens épistémologique voire métaphysique. Au mieux, les dénominations astrales ne seraient qu'un maillon d'une chaine de correspondance et non leur point de départ, comme semble le laisser penser Nicola. Erreur de perspective d'autant plus surprenante que Nicola prend ses distances par rapport à toute une tradition sans pour autant aller jusqu'à détrôner le cosmos d'un statut matriciel qui n'est pas le sien, diachroniquement.
En revanche, le corps humain nous parait bel et bien jouir d'un tel statut, avoir pu servir de référentiel par rapport auquel toutes sortes de séries, d'ensembles auraient pu être raccordés et donc unifiés au sein d'un ensemble plus vaste d'analogies.
Dans le cas des planètes "Gauquelin", dont la pérennité à travers les âges semble avoir été démontrée statistiquement depuis déjà un bon demi-siècle on a bel et bien affaire à un référentiel planétaire correspondant à des fonctions socioprofessionnelles bien différenciées. Mais, comme nous l'avons dit, cette mise en correspondance ne s'appuie pas en réalité sur un matriciel astronomique mais sur des correspondances issues de la mythologie et probablement de la médecine. En évacuant les dites correspondances, pour ne s'en plus tenir qu'aux planètes proprement dites, Nicola se voit contraint de surinvestir ce plan en affirmant - ce qui renvoie à la question de la poule et de l'œuf - que tout le système de correspondance découle du système solaire alors qu'il nous semble assez évident que le système solaire n'a pas conféré mais reçu des attributions par mimétisme avec d'autres plans, donc de façon parfaitement anthropocentrique.
Tout le système RET de Nicola n'a point d'autre raison d'être que d'autonomiser la symbolique astronomique et d'en faire le commencement et non le milieu voire la fin d'une chaine analogique. Tel semble bien, avec le recul, avoir été le pari et l'enjeu de sa démarche, consistant à traduire en termes philosophiques la position de chaque planète au sein du système solaire, de la Lune jusqu'à Pluton selon le code R pour représentation, E pour existence, T pour transcendance. Véritable "révolution copernicienne" qui ferait du système solaire non pas une entité en orbite autour des représentations humains mais le centre des dites représentations.
Nous ne suivrons absolument pas Nicola dans cette direction, ce qui ferait bien trop d'honneur au cosmos. Le seul signe qui nous semble "parlant" au niveau des mouvements cosmiques, est celui des conjonctions. Ce n'est pas comme le soutient Nicola le mouvement ou/et la distance de telle planète par rapport au soleil qui importerait mais les "aspects" entre les planètes et la sphère des étoiles fixes ou, du moins entre deux planètes, comme l'avait bien compris Kepler dont Nicola semble par ailleurs se revendiquer....Les planètes ne s'exprimeraient, selon nous, que par le ballet qu'elles forment entre elles ou entre elles et les étoiles (selon notre propre approche) et non pas leur vertu propre.
On ne reviendra pas ici sur un autre problème qui est celui de la non nécessité pour l'astrologie de tenir compte de toutes les planètes du système solaire. En tout état de cause, à partir du moment où le système solaire perd le statut matriciel que voulait lui conférer Nicola, la question ne se pose ni ne s'impose plus. Il semble que Nicola soit parti du constat qu'en astrologie, toutes les planètes comptaient au niveau de la pratique pour en faire un postulat sous forme de sophisme: si en astrologie, chaque planète importe, et si l'astrologie découle de l'astronomie, donc chaque planète du système solaire est porteuse de signification de façon intrinsèque.
Pour nous, la question des dénominations des planètes n'est qu'un épiphénomène - comme le sont toutes formes de correspondance- ce qui n'exclut certes pas que d'aucuns astrologues-législateurs aient conféré aux dénominations affectées aux planètes une signification, notamment au regard des intitulés mythologiques respectifs et aient mis en correspondance planètes et castes. Les dénominations astronomiques sont bel et bien de seconde main et l'on sait que lorsque l'on emprunte à un champ quelconque, l'on en arrive à conférer le statut de source à ce qui ne l'est aucunement. Cas de figure banal en textologie (Histoire des textes) et que nous avons largement abordé dans nos travaux universitaires (thèse d'Etat, post doctorat, voir notre article " Jacques Halbronn", sur Wikipedia).
Nous dirons que plusieurs exégèses se sont développées autour du ciel. L'une à partir des attributions mythologiques propres à chaque planète, -dont nous avons montré qu'elles ne s'originent pas dans le cosmos mais qu'au contraire elles annexent celui-ci l'autre, qui correspond à notre "école" veut que le seul signe pertinent soit celui formé, cycliquement, par les rapports entre les astres eux-mêmes, ce qui, somme toute, correspond à une acception satisfaisante de la notion de signal, au sens pavlovien du terme. Tout comme le chien de Pavlov - dont Nicola traite assez abondamment - la formation de la conjonction stimule un certain comportement à mesure que la conjonction est de plus en plus évidente et inversement quand celle-ci peu à peu se dénoue.
En ce qui concerne le processus conjonctionnel et plus largement cyclique, nous dirons qu'il est le seul "signe" qui émane du système solaire et encore, selon nous, à condition, de connecter une planète avec une étoile. Or, il existe un nombre infini de configurations possibles, bien plus important que le nombre de planètes. C'est ainsi, pour ne prendre que le cas de Saturne, il y a Saturne-Mars, Saturne-Jupiter, Saturne-Uranus, Saturne-Neptune, Saturne Pluton sans parler des rapports avec un nombre considérable d'étoiles fixes. Et tout est à l'avenant si l'on prend d'autres planètes....Il aura donc bien fallu faire des choix pour isoler la configuration de référence, celle à laquelle il serait accordé astrologiquement quelque importance. Selon nous, le choix qui s'opéra fut celui des conjonctions de Saturne avec une série d'étoiles fixes, dites royales et correspondant initialement aux 4 directions de l'espace. Les raisons d'un tel choix, de toute façon nécessaire, furent, selon nous, le parallèle avec le rapport soleil-lune, structuré en 4 périodes de 7 jours. L'on voulut retrouver le même système à une autre échelle, d'où un choix permettant de formater 4 périodes de 7 ans, sans que chacune de ces périodes n'ait à être différenciée quant à sa signification.
En conclusion, nous dirons que l'on doit distinguer les vraies et les fausses matrices "symboliques". On entendra par vraies matrices celles qui sont porteuses objectivement d'une certaine structure -l'organisme humain, les saisons, le jour et la nuit- pour les distinguer des imitations analogiques projetées sur des données qui en elles-mêmes ne génèrent pas de structure mais peuvent se nourrir des structures existantes, se calquer sur elles. Il est urgent qu'un tel tri s'opère en ce qui concerne l'astrologie. C'est ainsi que les mois de l'année nous semble être un cas limite: ils sont certes articulés sur les saisons mais ils sont aussi dus aux lunaisons (rencontres mensuelles lune-soleil) lesquelles ne sont pas, en elles-mêmes, une structure signifiante, ce qui oblige à plaquer dessus les saisons au prix d'un passage du 4 au 12, tout à fait arbitraire.
Il serait bon d'approfondir les "vraies" matrices qui sont souvent bafouées par la technique. C'est ainsi que la dialectique du masculin et du féminin se retrouve enfouie par des réseaux de correspondances qui finissent par être considérés comme ayant une quelconque valeur matricielle. N'oublions pas que les astres, au regard de l'astrologie, sont plus souvent des supports- c'est le dieu Mars qui intéresse l'astrologie gauquelinienne et non la planète Mars - que des causes directes, ce qui complique évidemment le rapport entre astrologie et astronomie/

JHB
28. 10. 09

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