mardi 22 décembre 2009

Théorie et pratique: un débat récurrent en Astrologie

par Jacques HalBronn

Quand on parle avec des astrologues de telle réforme à envisager pour l'astrologie, on en vient assez naturellement à la question de la pratique. D'abord, parce que toute réforme, quelque peu approfondie, met en cause des pratiques appliquant un modèle antérieurement admis et suivi. Ensuite, parce qu'il s'agit d'apprécier la valeur des changements proposés.
Voilà qui pose à l'évidence le problème de la pratique, mot qu'on emploie et que l'on met en avant plus ou moins opportunément. A entendre certains, la théorique serait validée par la pratique, sans que l'on sache exactement où ils sont allés chercher cette idée, dans quels ouvrages, dans quel cadre....A moins que cela ne fasse partie de ces clichés et autres lieux communs que l'on accepte un peu vite. On est là dans une épistémologie populaire de plus ou moins bon aloi.
Quels rapports, en vérité, "la" théorie entretient-elle avec "la" pratique? Quel est leur niveau d'interdépendance? De quelle pratique parle-t-on?
On commencera par faire remarquer qu'une pratique confuse ne prouve rien, ce qui est le plus souvent de celle que l'on observe en astrologie, à savoir des conditions d'expérimentation - mot également très prisé et qui fait scientifique - rendant très difficile d'isoler et de suivre un facteur donné au sein de tout un ensemble, assez disparate.
Ensuite, nous insisterons sur le fait qu'une théorie est vouée à évoluer par elle-même, en quelque sorte, en prenant conscience de ses incohérences et des interférences dont elle a pu être victime et cela sans passer par une pratique.
Un autre problème est celui de trouver la bonne application d'une théorie. Il lui faut une interface. Si l'on n'a pas la bonne interface, une théorie risque de rester en plan ou ne pas être utilisée à bon escient, ce qui n'empêcherait d'ailleurs pas le praticien de s'en trouver satisfait.
Enfin, nous dirons qu'il revient précisément au praticien de déterminer les conditions d'applicabilité d'une théorie en lui apportant les compléments nécessaires, au moyen notamment de subdivisions commodes et "pratiques". Autrement dit, une théorie est toujours "brute" et ne saurait être appliquée telle quelle sans un certain nombre d'aménagements.
Il ne faudrait pas non plus confondre pratique et observation. Il va de soi que le théoricien observe le monde. On pense à la légendaire pomme de Newton qui l'aurait mis sur la voie de sa théorie de la gravitation. Il est clair que l'on ne peut faire, par exemple, de l'astrologie mondiale sans relever certains événements, certaines récurrences mais ce n'est point là ce qu'on peut appeler de la pratique.
En revanche, quand on a élaboré une certaine loi - mot qui est parfois préférable au mot pratique- il s'agit d'en confirmer l'existence. Mais très vite, se pose un problème de définition, d'analyse des faits au regard de la dite loi. C'est ainsi que l'on se rendra compte que les formulations utilisées sont soit trop rigides, soit trop souples. Dans un cas, cela ne marche quasiment jamais et dans l'autre, cela marche dans tous les cas, quelle que soit la loi considérée. Mais en fait, il n'est nullement indispensable pour un bon théoricien de passer par une pratique pour se rendre compte des insuffisances de sa théorie et souvent c'est une réflexion structurelle qui fait progresser la théorie et non telle ou telle application. La pratique est une aide, un palliatif à une démarche théorique insuffisamment prévoyante.
Le grand danger, on s'en doute, pour le théoricien est de croire un peu trop vite que sa théorie a été validée par telle ou telle expérimentation, surtout s'il l' a lui-même conduite, ce qui est bien souvent le cas dans un milieu astrologique fort mal organisé et hiérarchisé, où il n'est pas aisé de trouver des collaborateurs.
Insistons sur le point suivant: une théorie est plus facile à discuter sur le plan théorique que sur le plan pratique. Si par exemple nous contestons certains travaux de Jean-Pierre Nicola (cf. journal de bord d'octobre et de novembre), ce n'est pas parce que ça ne marche pas mais bien parce que leur formulation, en tant que telle, fait problème. Or, ce qui n'est pas acceptable, ne "tient pas debout" sur le papier n'a pas à passer au stade de la pratique, dans une sorte de solution de repêchage, de "second chance" (en anglais). On doit retirer d'une pratique une théorie qui aura fait long feu et ce en dépit de tous les résultats avancés, c'est là une règle d'or pour une cité scientifique et qu'il faudrait commencer à respecter dans celle de l'astrologie. C'est un principe que nous avons posé depuis 40 ans quand nous travaillions sur les dispositifs des domiciles. Si un dispositif n'est pas théoriquement satisfaisant, il est tout à fait vain de tenter de l'appliquer. On sait que Suzel Fuzeau-Braesch pensait autrement: on observe les résultats -dans des conditions d'ailleurs qui nous semblent bien aléatoires - et cela vient valider la théorie aussi opaque serait-elle.
Ajoutons que dès lors que l'on en est au stade de la pratique, les discussions entre praticiens sont le plus souvent des dialogues de sourds, chacun d'ailleurs s'appuyant sur des résultats expérimentaux qu'il n'est nullement en mesure de présenter alors que les discussions entre théoriciens ont nettement plus de tenue et que chacun peut en suivre l'argumentation laquelle ne saurait s'appuyer sur des données inaccessibles.
C'est finalement bien plutôt par une interaction entre l'astrologie et d'autres domaines que la théorie astrologique - qui est l'ensemble cognitif auquel tous les astrologues qui se respectent sont censés contribuer mais aussi se soumettre- peut se réformer. Bien plus qu'avec la bénédiction d'une quelconque clientèle au nom de laquelle l'astrologue praticien prétendrait dicter aux théoriciens sa loi. Il y a là une tentative de renversement de la pyramide astrologique qui n'est nullement innocent et qui relève de la dialectique du savoir et du pouvoir. Si, en effet, l'astrologie est de l'ordre du savoir, elle doit être dominée par ceux qui en ont la maitrise théorique, épistémologique, historique. Si, a contrario, elle est de l'ordre du pouvoir ou plutôt des pouvoirs (télépathie, voyance, intuition), alors son destin est aux mains des "hommes de l'art" et les théoriciens sont seulement invités à expliquer comment et pourquoi "ça marche". C'est, en vérité, ce mélange d'intellectualisme et d'anti-intellectualisme, de rationalité et d'irrationalité qui fait du milieu astrologique actuel un ensemble singulièrement hybride et quelque peu schizophrénique, jouant indistinctement sur tous les tableaux.




JHB
31.10. 09

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