mercredi 23 décembre 2009

La dialectique de l'un et du multiple, en astrologie

par Jacques HalBronn

Début 1976, il y aura donc sous peu 34 ans, nous avions, à 28 ans, dans Clefs pour l'Astrologie, Paris, Seghers (pp. 145 et seq) proposé une cyclicité fondée sur les notions d'unicité et de multiplicité. Il est peut-être intéressant d'examiner les éléments qui nous avaient conduit à signaler un tel processus qui est au cœur de nos travaux actuels (Astrologie 4 Etoile, projet NOA).
Imprégné, à l'époque d'Histoire et de science politique, dans le contexte de la décolonisation, nous avions observé qu'alternaient formation d'empires et mouvements d'indépendance et nous nous demandions s'il n'y avait pas là à (re)chercher une explication astrologique. On peut aussi penser que Mai 68 nous avait montré que le charisme d'un chef, comme le général De Gaulle, pouvait être contesté.
En fait, dès 1975, à Aalen (Allemagne), invité par Baldur Ebertin (Kosmobiologie) , nous avions proposé un modèle lié à Saturne et à la décolonisation. Au départ, nous recourions au passage de cette planète sur les axes équinoxiaux et solsticiaux. Le passage de l'équinoxe (axe bélier-balance) était associé par nous aux empires tandis que le passage du solstice (axe cancer-capricorne) l'était à leur ébranlement. Nous avions donc été contraints de différencier les deux axes.
On voit donc que nos observations sur le terrain étaient reformatées par rapport au modèle céleste que nous connaissions. En fait, si nous souhaitions subdiviser le cycle de Saturne, il nous fallait nous appuyer sur un tel découpage. Intuitivement, nous n'étions pas attirés par l'idée d'un cycle où Saturne aurait été combiné à une autre planète. Probablement parce que nous percevions des périodes de 7 ans.
Ce n'est que beaucoup plus tard, à l'approche de l'An 2000, que nous avons commencé à nous intéresser sérieusement aux étoiles fixes et notamment à celles que l'on appelle royales et que depuis toujours nous avions placées dans notre propre thème natal, ce qui se faisait encore dans les années soixante. Nous savions ainsi où se trouvait Antarès, que nous avions conjoint à notre conjonction Soleil-Jupiter (nous avons le même thème qu'Alain Bashung, notre jumeau né environ une heure et demie avant nous, à Paris, comme nous, le 01. 12. 1947, et qui fut étudié par Danièle Jay, au dernier colloque du RAO, 'L'astrologie dans la vie quotidienne", à propos de la technique prévisionnelle des profections)
Nous n'avons jamais considéré qu'il convenait de différencier les quatre étoiles fixes royales, entre elles, vu que les événements que nous étudions se ressemblaient. On peut dire que notre intelligence vise plus à rapprocher qu'à séparer.
L'avantage de recourir aux étoiles fixes en question plutôt qu'aux axes équinoxe-solstice tenait à un critère de visualisation qui s'est de plus en plus imposé à notre esprit. En 1986, dix ans après Clefs pour l'Astrologie (Iere édition), nous avions développé une approche anthropologique selon laquelle l'humanité s'était autodéterminée en se focalisant sur certaines configurations qui lui semblait convenir à un besoin de structurer le Temps social. Or, il fallait, pour ce faire, que l'on puisse voir les conjonctions se former, ce qui n'était pas le cas de la conjonction Saturne/axes équinoxiaux/solsticiaux. Notre réflexion, en 1986, portait singulièrement sur les travaux statistiques de Michel Gauquelin, parus une trentaine d'années plus tôt (voir notre entretien audio, peu après, mis en ligne sur Teleprovidence.com). En l'occurrence, on ne se situait plus dans des phases de 7 ans, liées au passage d'un astre à travers le zodiaque mais dans le cadre beaucoup plus ténu du mouvement diurne du point de vue d'un lieu de naissance spécifique. En fait, il s'agissait d'une astrologie bien différente d'où notre condamnation du thème natal sous sa forme hybride actuelle, alliant les deux repères.(voir les journées de Marseille et de Montpellier, 11-12 novembre 2009, sur teleprovidence). Il reste que la dimension visuelle était respectée dans le cas du mouvement diurne: l'on voyait un astre se lever ou culminer par rapport à un lieu de naissance donné, alors qu'il eut été bien difficile de dire qu'un astre passait la ligne équinoxiale ou solsticiale, sauf à attribuer telle ou telle étoile pour marquer un tel passage, avec le délicat problème de la précession des équinoxes à la clef et surtout parce qu'on ne trouve pas forcément une étoile à cet endroit.
En abandonnant le distinguo équinoxe-solstice en faveur des 4 étoiles fixes royales, nous devions aussi renoncer à l'idée d'"une phase "unitaire" de 7 ans alternant avec une phase de multiplicité de la même durée. Peu à peu, nous avions intégré au sein de la phase unitaire une phase de multiplicité, à mi parcours, ce qui se formule dans la terminologie conjonction/disjonction. L'idée force tenait au fait que la disjonction n'était pas déterminée par une quelconque conjonction mais par le fait que le signal conjonctionnel, au sens pavlovien, finissait par ne plus être reconnaissable, au fur et à mesure qu'il se dissolvait, se dénouait.
C'est dire que notre représentation initiale du monde avait changé et que nos idées de départ n'avaient plus, rétrospectivement, qu'une valeur heuristique (selon une formule chère à Frank Nguyen, voir entretien à Lyon du 13.11. 09, à paraitre sur teleprovidence) Seule subsistait la perception d'une telle alternance et le besoin d'un modèle simple pour en rendre compte. Pour nous, l'astrologie avait avant tout vocation à rendre compte d'un tel phénomène. Un point c'est tout. D'où notre hostilité à la multiplication des cycles, tout en comprenant que le passage d'un cycle à plusieurs cycles obéit précisément à ... une cyclicité. (Passage du niveau 1 au niveau 2 dans le modèle NOA, explicité par ailleurs sur notre journal de bord).
Quant au modèle NOA, il illustre bien notre idée centrale d'alternance entre le un et le multiple et n'admet aucunement une linéarité qui serait légitimée par les acquis de l'Histoire -(comme le prône Louis Mazuir, lors de la rencontre à quatre, à son atelier, le 13.11.09, à Lyon, à voir sur teleprovidence)
Pour nous, en effet, l'Histoire n'est pas, en dépit des apparences, linéaires et cela vaut aussi bien au niveau des événements que des documents et monuments. Beaucoup de gens tendent cependant à découpler ces deux plans alors qu'il est aussi bien des révolutions à un niveau qu'à un autre, de la Révolution Française à la révolution copernicienne.
Il est donc utile de psychanalyser un tel décalage qui pèse si lourdement sur la pensée astrologique. On nous parle volontiers de spirale mais rien ne prouve que d'un cycle à l'autre il y ait une quelconque progression. L'astrologie n'a que faire de cette idée de spirale qui hypothèque plus qu'elle ne conforte sa perception des choses. Si spirale, il y a, ce n'est pas du fait de l'astrologie et elle n'a donc pas à entrer dans une telle problématique qui la dépasse (du type 2012, par exemple). L'astrologie n'a pas à couvrir tout ce qui arrive dans le monde, même si cela peut correspondre à un certain moment à une certaine ambition universelle. Mais cette universalité que nous qualifierons d'inclusive et donc évolutive a un prix en terme de cohérence et d'homogénéité. Nous lui préférons une universalité exclusive et donc involutive, qui se retire du monde des apparences. Car on ne peut involuer sans se retirer et on ne peut évoluer sans annexer. Ambigüité donc d'une universalité exhaustive et disparate et d'une universalité en retrait par rapport à ses avatars infinis (les kabbalistes diraient en tsimtsoum) : en fait ces deux aspects de l'universel alternent cycliquement.
Le problème de ce qui est central ou non en astrologie se retrouve dans bien d'autres domaines comme celui de l'identité nationale face au problème de l'immigration. Si un astrologue est marqué par l'immigration, au niveau familial, il est à craindre que l'idée de "retour" vers un centre, vers une origine, une "souche", risque de lui être assez pénible. Mais de là à ce qu'il plaque une telle difficulté sur l'appréhension de l'astrologie, il y a un pas que l'on ne saurait conseiller de franchir.
Il est un contresens encouragé par le structuralisme, et qui tend à oublier le sujet derrière l'objet, l'invariant derrière ses manifestations diverses et variées. Aucun texte ne saurait être, anthropologiquement, un invariant, en ce sens que pour nous génétique et anthropologie sont intimement liés. Ce qui ne se transmet que culturellement ne relève qu'accessoirement de l'anthropologie. Or, si l'on transplante, à la naissance, un "sauvage", un "primitif" dans nos sociétés, il s'adaptera à celles-ci et ne véhiculera rien de sa société d'origine. Le cas des adoptions l'atteste. Il en est de même au niveau technologique, cela ne se transmet pas davantage génétiquement, aussi sophistiquées les performances obtenues par les parents. En fait, le véritable invariant se situe dans l'aptitude à s'inscrire dans une culture, quelle qu'elle soit, d'où un relativisme culturel qui nous conduit à penser qu'il n'y a aucune raison de tolérer des héritages culturels non pertinents au niveau biologique et neurologique si ceux-ci font obstacle à l'intégration sociale au sein d'une culture donnée, considérée alors comme absolu, du moins à titre provisoire. Bien entendu, un enfant issu de l'immigration, marqué par la culture immigrée de son entourage, se trouvera en décalage. Nous avons dit, par ailleurs, que l'immigré tendra à faire obstacle à toute idée de centralité, donc de cyclicité puisque le cycle implique la reconnaissance d'un centre d'où tout est issu et découle.
La règle que nous posons, en astrologie, c'est que tout ce qui est contingent ne soit considéré que comme une manifestation d'une faculté : je mange mais peu importe ce que je mange, je parle mais peu importe en quelle langue je parle mais il faut bien que je mange quelque chose, que je connaisse une certaine langue. En parlant, je prouve que j'ai la faculté de parler mais il n'y a aucune raison que l'homme soit associé à telle langue en particulier. Il en est de même en astrologie, l'important est que l'Humanité prenne conscience d'une cyclicité fondamentale, que nous considérerons comme un invariant biologique et génétique, ce qui ne signifie pas que chaque individu naisse avec le même potentiel. L'astrologie est d'abord un fait collectif, ce qui ne signifie pas qu'elle ne soit pas activée par une minorité d'individus que nous qualifierons de capteurs. Mais il y a toute une hiérarchie sémiologique fondée sur les facultés de captation et c'est cette hiérarchie qui fait que l'Humanité est ce qu'elle est et certainement unique dans l'univers, sous la forme que nous connaissons, quand bien même partagerait-elle une même culture, notamment au niveau technique, avec d'autres humanités. En ce sens, la cyclicité astrologique, telle que nous la décrivons, nous apparait comme un des traits les plus marquants de notre Humanité, par delà les diverses lectures et aménagements qui peuvent en être proposés, à telle ou telle époque, chez tel ou tel astrologue, en telle ou telle région du globe. Ceux qui dénoncent en l'astrologie la diversité de ses pratiques font fausse route, cette diversité n'étant qu'un épiphénomène propre à l'application de tout modèle.
Ajoutons qu'il importe de distinguer le point de vue du créateur et celui du consommateur, le client de l'astrologue étant assimilable à un consommateur d'astrologie. Les points de vue ne sont pas les mêmes. Imaginons un pianiste qui jouerait toujours la même chose, chaque soir, devant des publics différents. Le public serait satisfait alors que le pianiste aurait la sensation de stagner même si le public se renouvelle. Tout se passe comme si certains astrologues avaient gardé une mentalité de consommateur et ne se préoccupaient guère de la vitalité de l'astrologie et des risques de décadence. Le problème se pose d'ailleurs en bien des domaines, notamment, justement en musique, où dans les salles de concert, on joue la plupart du temps des répertoires qui n'ont guère changé depuis un bon demi-siècle.






JHB
22.11.09

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