mercredi 23 décembre 2009

Sur l'approche bret-morélienne de l'astrologie

par Jacques HalBronn

Les plus récentes positions exposées sur le site/blog "l'astrologie et la raison" de Serge Bret-Morel, suscitent, de notre part, les réactions suivantes (en vue de l'entretien que nous aurons dans quelques jours avec SBM, à Lyon, le 10. 11. 09)
Nous remarquerons que la question de la réforme de l'astrologie est reportée, de facto, sine die, si l'on s'en tient à sa "phénoménologie" globale. En effet, si tout facteur astrologique fait partie intégrante du "savoir" de l'astrologue, il n'est donc pas question de distinguer entre les parties centrales de l'astrologie et celles qui sont contingentes et qui pourraient être remplacées voire supprimées du fait justement de leur contingence. La marge de manœuvre de la réforme astrologique s'en trouve, ipso facto, sensiblement réduite sinon anéantie. En confondant les fins et les moyens, l'on accorde aux moyens un statut disproportionné, ce qui ressort quand on a perdu de vue les fins...
De même, l'on pourrait dire que la question des fondements de l'astrologie devient celle des rapports entre l'astrologue et ses clients bien plus que celle des rapports de ses clients avec les astres. Or, à notre connaissance, si astrologie il y a, c'est que certaines personnes sont marquées par certaines configurations, astrologue ou pas astrologue et thème natal ou pas thème natal. L'astrologue et son thème natal ne sont là, selon nous, que pour assister à un processus et en témoigner. Selon nous, le thème n'est au mieux que le révélateur de quelque chose qui de toute façon existe, même si le thème n'a pas de valeur, notamment en raison d'un accouchement artificiellement provoqué.
SBM semble passer totalement sous silence la question le fait que si l'astrologie est volontiers décrite comme un langage, il serait probablement plus approprié de dire que c'est une langue, la langue de substitution pour ceux qui souffrent de n'avoir rien à dire, on veut ici parler des astrologues face à ceux qui ont peur de n'avoir rien à être, les clients. L'astrologue, grâce à l'astrologie, acquiert une autorité qui s'exercera sur ceux qui viennent à lui mais il la devra à la dite astrologie et lui en sera reconnaissant, car cela aura changé sa vie. Au pouvoir des astres vient se substituer celui des astrologues chez ceux qui justement- les clients- ne trouvent pas leur énergie dans un lien direct avec les dits astres, on est là dans un certain mimétisme.
Se pose aussi la question de la promiscuité de l'astrologie avec d'autres "savoirs", comme le tarot, la numérologie, dont les bases sont totalement différentes même si les utilisations qui en sont faites tendent à converger avec celles de la pratique astrologique. Au demeurant, l'observation du positionnement des astrologues sur Internet témoigne éloquemment de l'existence de telles convergences, au niveau de la pratique de l'entretien. Les astrologues se retrouvent aux côtés d'autres pratiques et même quand ce n'est pas le cas bien des astrologues ne se privent pas de recourir à autre chose qu'à l'astrologie, du fait même de la demande de la clientèle qui non seulement a des questions à poser mais a aussi des desiderata sur la façon dont il convient d'y répondre, appréciant que l'astrologue ait d'autres cordes à son arc, pour "vérifier" et confirmer.(entretien non enregistré avec l'astrologue Solange Lacrevaz-Prandi, d'Annecy, le 07. 08. 09) et l'on ne parle pas d'autres recours de la part de l'astrologue, dont il serait vain, d'ailleurs, de tenter une quelconque recension.
En conclusion, nous dirons que tant que l'astrologie prétendra qu'elle vaut pour tout un chacun, elle ne sortira pas de l'ornière dans laquelle elle a, depuis trop longtemps, versé. L'astrologie ne s'en sortira qu'au prix d'un certain élitisme, c'est à dire en s'en tenant aux couches supérieures de la société, lesquelles sont relativement moins bousculées et ballottées par les aléas de l'existence et les décisions venues d'en haut.
Laissons -pour l'amour du ciel - au vulgum pecus, au commun des mortels, le champ de cette pratique de terrain, ouverte à tous et dont l'astrologie n'est somme toute qu'un facteur parmi d'autres, et largement instrumentalisé-servant d'alibi- et donc dénaturé.
Comme nous l'avons expliqué dans autre texte de la présente livraison de notre journal de bord, l'on pourrait soutenir que SBM fait le jeu du tout puissant "lobby" des enseignants en astrologie qui a pris le pouvoir depuis le début des années 90, avec la synergie de l'ARRC d'Yves Lenoble et du GAP (devenu AGAPE) de Solange de Mailly Nesle pour faire pièce aux Colloques "MAU" (bien que le MAU ait lui-même généré la FLAP, la Faculté Libre d'Astrologie de Paris, quinze ans plus tôt, mais sans que la FLAP ne pèse sur l'organisation de ses "congrès"). Si l'on suit, en effet, les dernières argumentations de SBM, elles peuvent se résumer en une formule :"l'outil astrologique avant tout".
Le fonds du problème est là : qu'est ce qui est contingent et qu'est ce qui ne l'est pas au niveau du "savoir" astrologique? Nous avons montré que ce qui était contingent, c'était le réseau des subdivisions (maisons, signes, aspects, planètes) parce que l'on peut en changer le nombre, la signification et que c'est au choix du praticien, pourvu que l'essentiel soit préservé, à savoir un modèle fondamental qu'il importe périodiquement de "désincruster" de toutes les taches, les macules, qui ont pu y adhérer pour le rendre à sa virginité. Tout au contraire, pour SBM, un tel ensemble doit rester permanent, envers et contre tout et c'est bien plutôt les recherches quant au super modèle, à la super théorie qui sont amovibles et remplaçables. Il y a là un véritable conflit épistémologique au sein même de l'intelligentsia astrologique, SBM apparaissant comme le cheval de Troie du camp des enseignants de la technique astrologique au sein du camp réformateur.(voir nos entretiens passés et à venir sur teleprovidence). Selon la victoire de l'un ou l'autre camp, le destin de l'astrologie au cours des prochaines décennies sera bien différent.
En conclusion, nous (ré)examinerons les enjeux d'un tel débat auquel pourraient d'ailleurs se joindre des non astrologues car il dépasse largement le cadre de l'astrologie. Revenons sur l'idée de cyclicité en recourant à une image empruntée aux sciences dures: passage du gaz au liquide et du liquide au solide, du fait du froid croissant puis, en sens inverse, passage du solide au liquide et du liquide au gaz du fait du recul du froid, de l'augmentation de chaleur. Plus le monde se refroidit et plus il se solidifie, passant de l'air à l'eau et de l'eau à la terre. (Soit trois Eléments sur les Quatre utilisés en astrologie, avec le Feu (à noter que le gaz sert à l'éclairage, depuis le "bec de gaz jusqu'au tube au néon). On peut donc prendre le parti du "solide" ou celui du "liquide" pour appréhender une science, en tant que savoir, comme pour appréhender un champ d'étude. L'approche cyclique n'est-elle pas censée maintenir un certain équilibre entre ces deux pôles.
Nous dirons que cet équilibre se situe au niveau des hommes et non des textes. Nous attendons d'un praticien -et cela englobe toute personne qui cristallise un certain savoir, à un certain moment (et donc pour commencer l'enseignant car toute pratique relève d'un enseignement en amont, à ne pas confondre avec une théorie, plus encore en amont). Nous dirons que le théoricien pose une thèse, l'enseignant produit une antithèse, en ce qu'il va donner forme, incarnation, passagère au modèle, alors que le praticien en fera la synthèse. Le statut d'enseignant-chercheur (si prisé actuellement à l'Université) apparait dès lors comme assez ambigu en ce qu'il articule et combine deux fonctions en quelque sorte antagonistes, du liquide et du solide.... Un tel paradigme unissant étrangement ces deux statuts n'est peut-être pas sans effet sur la pensée épistémologique de certains...
Résumons-nous, donc : ce qui s'est solidifié est conduit, cycliquement, à se liquéfier voire à se gazéifier, ce qui fera perdre ses contours et ses clivages au produit parvenu au terme de son évolution (ex-volution : vers l'extérieur, la périphérie du champ par opposition à in-volution, mouvement vers l'intérieur le centre du champ). Certes, le retour vers le point origine conduit-il à un état quelque peu indifférencié, "abstrait", du moins pour ceux qui n'ont pas une perception très fine et subtile des choses. Certes, cet état initial est-il "contingent" puisqu'il ne tardera pas à se retrouver structuré, chargé de nouvelles divisions, lors du prochain cycle. Mais cette contingence ne concernera, une fois de plus, que sa périphérie, elle restera fondamentalement une permanence en ce qui concerne le noyau. A contrario, la contingence de la périphérie, quant à elle, est bel et bien radicale, c'est à dire que rien ne subsistera, en principe, de ce qui avait été établi lors du cycle précédent. CQFD.



JHB
08.11. 09

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