par Jacques HalBronn
Lors de nos entretiens de novembre 2009 avec des astrologues d'un certain niveau (voir sur teleprovidence, notamment à Lyon, le 13. 11), nous avons pris conscience de l'existence de blocages que l'on pourrait qualifier d'idéologiques.
Il suffit pour faire apparaitre le blocage d'engager la discussion sur le terrain de la centralité, apparemment plus accessible que celui de la cyclicité.
A partir du moment où l'on a du mal à admettre ou à reconnaitre une centralité, au niveau socioculturel, sociopolitique, il est clair, selon nous, que l'on risque de mal vivre la problématique de la cyclicité.
De même, si l'on n'accepte pas l'idée selon laquelle les sociétés sont conduites par des chefs, des leaders entrainant dans leur sillage des populations entières...Rappelons la formule de l'Evangile: "rendons à César ce qui est à César!"
Au niveau même de l'organisation de la communauté astrologique, le refus de reconnaitre une certaine centralité fera aussi problème...
Bien entendu, on l'aura compris, toute centralité est vouée à la cyclicité, c'est à dire qu'elle passe par des phases de dissolution. On connait la formule de l'alchimie: solve coagula, qui est de nature cyclique: se dissoudre pour mieux s'agréger. Pour élire une assemblée, il faut la dissoudre...
Au demeurant, nos systèmes démocratiques ne sont-ils point marqués par un principe de cyclicité?
Qu'est-ce qui peut expliquer certains blocages rendant difficile l'appréhension pleine et entière de l'idée de cyclicité au point de chercher à la fausser, à la dénaturer?
L'histoire personnelle de l'astrologue peut nous aider à saisir la genèse de telles résistances face à un vrai besoin de renouvellement et donc, préalablement, de délestage.
Nous envisagerons deux cas de figure : l'immigration et la féminisation
I L'immigration
Toute situation marquée par l'immigration comporte certains stigmates et cela vaut non seulement pour l'immigration d'un pays vers un autre mais aussi d'une région vers une autre, notamment de la province vers la capitale. (Voir, sur le site hommes-et-faits.com notre "Psychanalyse de l'étranger")
On notera que nombreux sont les astrologues qui sont arrivés à Paris, en Ile de France, en provenance d'une autre région: on songe à André Barbault, à Jean-Pierre Nicola mais aussi à Yves Lenoble sans parler d'astrologues nés dans une famille asiatique comme Frank Nguyen. Plus largement encore, il faudrait tenir compte de la tension entre la province et la capitale, même quand il n'y a pas eu physiquement de migration mais seulement mentalement.
Force est de constater que ce sont là des conditions qui peuvent générer des blocages par rapport à la cyclicité, ce qui est particulièrement fâcheux en ce qui concerne l'engagement astrologique.
En pratique, on en arrive à des positionnements assez étranges dont une des manifestations les plus flagrantes consiste à brouiller les repères : quel cycle, quel centre, quel chef, demandera-t-on d'un air ingénu...comme si toute idée d'unicité s'avérait peu ou prou insupportable. A contrario, quel soulagement face à la diversité des pôles, à la multiplication des clivages!
On nous parlera alors de spirale, de modernité, de nouvelles planètes, de fin des temps, de théorie des âges....bref d'irréversibilité. Pas de retour en arrière, surtout, ce qui peut sembler un exercice improbable en matière d'astrologie. Bien entendu, de telles attitudes risquent fort de se répercuter au niveau de la consultation : que l'on n'attende pas de ces astrologues là qu'ils aident leurs clients à assumer pleinement la cyclicité de leur existence! Il est vrai que plus l'on descend dans l'échelle sociale, plus la cyclicité devient une abstraction, tant les personnes sont sujettes à une diversité d'influences de tous ordres et à la merci des contingences les moins maîtrisées!
II La féminisation
Sociologiquement, l'on connait la proportion des femmes dans les réunions astrologiques, du moins à un certain niveau, celui des cours et des séminaires d'astrologie, ce qui inclut les "colloques" organisés par des structures ayant en réalité un soubassement avant tout pédagogique et qui consistent à faire venir telle ou telle "sommité" pour un cours magistral.
Nous avons consacré, pour notre part, beaucoup de travaux à la question du féminin et la présence massive de l'élément féminin dans la vie astrologique ne nous apparait nullement comme dénuée de signification. (Voir nos textes sur le site grande-conjonction.org)
Cela dit, paradoxalement, il semblerait que cette question de la sexuation soit finalement assez peu traitée par le discours astrologique voir niée au nom des catégories astrologiques qui ne lui accordent, somme toute, qu'une portion congrue. Nous en avions d'ailleurs conclu (dans de précédents textes) que l'entrée en astrologie pouvait tenir à une difficulté existentielle face à la dualité. Et il est vrai que le "un" comme le "deux" sont plutôt noyés dans le propos astrologique ordinaire en quête d'une plus grande complexité.
En vérité, nombreux risquent d'être les astrologues soutenant que l'astrologie serait justement le dépassement du un et du deux, thème natal oblige! Même les 12 signes semblent contester en effet une telle simplification, réduction, de l'astrologie...
Nous dirons, d'entrée de jeu, que la femme capte mieux l'objet que le sujet, autrement dit les manifestations que leurs causes premières si l'on admet que l'objet dépende, soit fonction du sujet. Mais c'est là, au demeurant, tout l'enjeu du débat!
Nous voudrions montrer que toute fixation au niveau de l'objet nuit à la conscience de la cyclicité et qu'il n'est pas de cyclicité sans retour au sujet.
Soulignons d'abord que face à un objet nous ignorons a priori son origine, tout au plus pouvons-nous prétendre savoir qui le tient ou le détient, ce qui est une toute autre paire de manches. En effet, un objet s'acquiert, se transmet, on se le procure. Manquer le rapport sujet-objet, c'est passer à côté de la problématique de la causalité. Faire l'économie du sujet est une tentation simplificatrice, réductrice mais qui peut donner l'illusion d'une certaine cohérence, l'accès au sujet étant perçu comme une source sans fin de complication. Ainsi, la quête de l'unité, du centre peut passer, aux yeux de certains, pour chimérique à la façon d'un aveugle qui incapable de percevoir le soleil en mettrait en question jusqu'à l'existence...
Faire l'impasse sur le rapport sujet-objet, c'est s'abstraire du principe de causalité. Prenons le cas d'une personne qui parle trop fort dans le métro ou qui s'entretient sur son mobile avec une personne qui n'est même pas présente. A l'évidence, ce qu'elle dit n'intéresse pas tout le monde mais tout le monde est amené à entendre ce qu'elle dit. Il y a là une carence au niveau de la conscience causale, décalage. A partir du moment où cette personne incivile ne se demande pas si ce qu'elle dit intéresse ceux qui sont forcés de l'entendre, il y a problème. On peut fermer les yeux, pas les oreilles....La personne en question peut aussi considérer que si les autres ne parlent pas, ils n'existent pas et donc peu importe qu'ils l'entendent. Celui qui ne secréterait pas quelque chose n'aurait pas d'existence, serait vide et en parlant on le remplirait....Le silence fait problème à certaines personnes car il renvoie au mystère du sujet. A contrario, toute expression -ne serait-ce que visuelle- permettrait de circonscrire le dit sujet, de l'enfermer dans l'objet ainsi généré, de le réduire. On passerait ainsi, d'une seconde à l'autre, de l'infiniment grand à l'infiniment petit. Le silence est d'or, la parole est d'argent. L'on comprend tout le prix du silence, de l'absence, en ce que cela ne permet pas à l'autre d'avoir prise sur nous. Or, le seul fait de connaitre le signe de quelqu'un, bien évidemment son thème, et déjà le sujet devient objet, on peut parler de lui, le disséquer sous réserve, certes, que l'information astrologique soit viable, ce qui est un présupposé que d'aucuns sont tout prêts à accepter pour les besoins de leur cause.
Un discours, faut-il le rappeler, est également un objet. Ce que dit quelqu'un n'est pas ipso facto l'auteur de ce qui est dit. Ce que dit quelqu'un ne définit donc pas la personne qui s'exprime mais tout au plus ses intentions, ses opinions. Or, pour les femmes, nos opinions nous définissent, c'est du moins une conclusion à laquelle nous sommes parvenus. Ce n'est pas, pour elles, le sujet qui définit l'objet mais l'objet qui situe le sujet. Les femmes rêvent, en leur for intérieur, d'une civilisation de l'objet où l'on choisirait ce que l'on veut être, au supermarché : une sorte de bal masqué. Un monde où le temps serait comme aboli, réduit à la portion congrue, où les échéances et les distances seraient raccourcies, où il ne s'agirait pas de pouvoir mais de vouloir. Qui veut, peut. Tout ne serait plus qu'affaire d'appropriation au prix du plus minime apport. Répéter ce qu'autrui a dit et ipso facto cela devient mien puisque c'est passé par moi, par le truchement de quelque transmutation alchimique.
Face à un texte, comment allons-nous l'appréhender? Allons-nous nous demander qui en est l'auteur ou bien allons-nous définir son auteur présumé à partir du dit texte? Est-ce que le même propos tenu par des personnalités différentes offrira un seul et même contenu? Est-ce que ce contenu ne sera pas tributaire de la connaissance que je puis avoir de la qualité de son auteur? Tel propos que l'on jugera banal dans la bouche de telle personne revêtira une signification autrement plus forte chez telle autre. On ne saurait donc à l'évidence réduire quelqu'un au discours qu'il tient, que ce soit pour l'élever ou l'abaisser. Et l'on pourrait en dire autant pour tel geste émanant de telle personne, ce geste devant être resitué par rapport à la personne concernée; il n'aura pas la même signification.
Or, chez les femmes, un tel travail d'identification du sujet derrière l'objet est souvent très limité voire jugé inutile. Il serait tellement plus simple que les gens soient jugés sur ce qu'ils ont que sur ce qu'ils sont ou si l'on préfère si l'on pouvait déterminer l'être de l'autre par son avoir, donc par son dire. Il suffirait ainsi de changer d'avoir pour changer d'être...
Nous avons ainsi pu remarquer dans des conversations à quel point les femmes semblaient ne pas tenir compte de la qualité de leur interlocuteur et ne pas prendre la peine de relier ce qu'elles voyaient ou entendaient à ce qu'elles pouvaient percevoir du dit interlocuteur, à un niveau, il est vrai, plus subtil...
Et c'est justement là que le bât blesse! On nous dira que l'on ne capte quelqu'un qu'au regard de ce qu'il exprime, donc de ce qu'il montre. Mais, dans l'Evangile, l'on nous parle de ceux qui ont des yeux et ne voient pas, des oreilles mais n'entendent pas...Tout le monde, apparemment, n'a pas accès au sujet et doit s'en tenir à l'objet, faute de mieux. D'ailleurs, l'astrologie ne prétend-elle pas, du moins à ce que d'aucuns le prétendent, à nous renseigner sur ce sujet qui nous échapperait, grâce notamment au thème natal? Seraient dès lors attirés vers l'astrologie, ceux qui ont un problème avec le sujet, ce qui les empêche de capter, à temps, les causes puisque c'est au niveau du sujet que les causes des effets à venir se situent et non au niveau de l'objet qui appartient déjà au passé. C'est ainsi que l'on peut dire que celui qui ignorent les causes ne sait où il va....à condition de ne pas assimiler le mot cause au mot passé....
Autrement dit, celui qui peine à parvenir au niveau du sujet peut-il vivre la cyclicité, la centralité, l'unité liée à la personne du chef? Il risque fort, celui-là, de s'arrêter en chemin et d'en rester au niveau de l'objet. Or, cet objet est par définition stérile, il n'engendre pas, à l'instar d'une feuille morte, il est condamné à pourrir, à la dégénérescence. Seul le retour au sujet est régénérateur. Selon nous, la femme entretient un rapport privilégié avec l'objet et en revanche elle fait l'impasse sur le sujet. Elle préférera le '"que suis-je?" au 'qui suis-je?" Autant elle dépensera de l'énergie pour décrire un objet, aussi fidèlement que possible, autant la question de l'origine de l'objet semble devoir lui échapper, si la dite origine n'est pas explicitement inscrite sur le dit objet, ce qui ne constitue pas une preuve décisive, au demeurant. Comme si le cordon ombilical entre sujet et objet était radicalement rompu...
Terminons par ces réflexions: l’astrologue est, aux yeux de son client, perçu d'abord comme sujet. Ce qu'il dit n'est entendu qu'au prisme de ce qu'il est supposé être. L'astrologue est ainsi chargé, doté de qualités qui confèreront aux objets dont il s'entoure une aura singulière encore que l'on puisse dire que ce sont certains objets spécifiques qui qualifieront l'astrologue en tant que tel. Il conviendrait dès lors de distinguer parmi les objets ceux qui sont qualifiants de ceux qui sont qualifiés. Dans le cas du thème natal, il semble que la perception soit double: le thème natal dans les mains de l'astrologue "ferait" l'astrologue mais ce que l'astrologue en tirerait en termes de conseil serait entendu du fait de sa qualité ainsi constituée d'astrologue, ce qui conduirait, évidemment, le client à accorder un certain crédit, une certaine crédibilité au propos tenu et à s'efforcer de correspondre, peu ou prou, au dit propos. Le même propos tenu par un autre que l'astrologue aurait été bien entendu perçu tout autrement et souvent rejeté. Le message est ici largement le messager.
Bien entendu, nous n'avons ici affaire qu'à un succédané de sujet dans la mesure même où le sujet, ici - l'astrologue- on l'a vu, est défini par l'objet qu'il détient....à savoir l'astrologie. Plus l'objet 'astrologie" est substantiel, plus le sujet 'astrologie" se verra "gonflé"/enflé dans son être. D'où la nécessité, éprouvée par nombre d'astrologues, de charger la barque de l'astrologie, faute de quoi le sujet astrologue deviendrait inconsistant. Mais comment dans ce cas alléger l'astrologie, la réformer, la libérer? Cercle vicieux!
Est-ce le thème astral, qui est un objet, qui permet d'accéder au sujet sous prétexte que le dit thème traite du sujet? Il semble qu'il y ait là comme un tour de passe-passe visant à inventer un objet qui ne ferait qu'un avec le sujet. Ce serait là le fantasme de la carte du ciel, notamment sous sa forme informatisée (lire sur la naissance d'Astroflash, dans le cadre des supermarchés "Intermarché" et de la marque de voitures SIMCA, l'ouvrage de R.G. F. Guérin, Paris, ed. Le cavalier bleu, 2008, pp. 89 et seq.), c'est précisément ce qui sensibilisa Suzel Fuzeau-Braesch (voir ses déclarations (en audio) reprises sur teleprovidence). Ayant enfin accès au sujet ou du moins à sa structure profonde, sous une forme graphique, l'astrologue n'a plus alors qu'à suivre le "patron" (pattern). Le thème est un chien d'aveugle. L'objet thème astral mettrait ainsi fin à la dualité sujet/objet, essence/existence....Mais en même temps, par sa diversité même -cela part dans tous les sens, surtout si l'on y greffe les transits - il reste pris dans les rets de l'anecdotique, du "factuel", du C. V. (curriculum vitae) que sont notamment les maisons astrologiques. L'interprétation du thème est inévitablement rétrospective et donc se fixe sur l'objectivation du sujet, ce qui tient à son foisonnement extrême, aux dissonances et aux contradictions qu'il présuppose, incompatible avec une approche ontologique...André Barbault a raison de voir dans le thème le miroir des accidents de la psyché, donc l'expression du contingent, faisant ainsi basculer l'astrologie vers le pathologique.
Autant donc de blocages, d'obstacles face à une véritable cyclicité, exigeant un retour au "vrai" sujet", au vrai moteur, celui qui met le monde en mouvement. Beaucoup s'arrêtent à mi-parcours et s'en contentent - victimes des délices de Capoue auxquels succomba le carthaginois Hannibal sur la route de Rome.(fin du IIIe siècle avant notre ère)
A dire vrai, le problème relève de la sémiologie- d'une neuro-sémiologie, dirons-nous plus précisément - indissociable du statut épistémologique de l'astrologie, tant en amont qu'en aval. Celui qui ne reconnait pas les signes ne parvient pas à la cause cosmique pas plus qu'il n'identifie les causes humaines, au niveau du sujet. En outre, celui qui ne comprend pas la force du sujet ne saisira pas la façon dont l'astrologie est née de par la volonté justement du sujet. Il voudra, comme on l'entend si souvent, dans la bouche des astrologues, présenter l'astrologie comme le fait d'une observation que les hommes auraient conduite des structures cosmiques et non comme l'œuvre législative et légiférante des hommes seuls capables de structurer le monde. D'où, de facto, un certain antihumanisme qui se cache derrière l'affirmation selon laquelle l'homme ne serait que partie prenante du cosmos, ce qu'il faudrait comprendre comme le comble de l'humanisme, l'homme devenant cosmos et le cosmos devenant homme....
JHB
23.11. 09
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