mercredi 23 décembre 2009

L'astrologie, entre unité et diversité : les Ecuries d'Augias

par Jacques HalBronn


Il importe de comprendre que la diversification n'est pas un enrichissement du concept mais son appauvrissement. Certes, l'ensemble des subdivisions et des acceptions peut-il donner l'impression contraire mais ce serait oublier qu'il y a là un morcellement, chacun n'assumant plus dès lors que sa petite part. Il est étrange que l'on parle volontiers en astrologie de polysémie alors que parallèlement, cette polysémie se retrouve saucissonnée, charcutée par le réseau des subdivisions.
Inversement, le ciel semble marqué par la diversité, du fait du nombre d'astres qu'on peut y observer mais toute la question est justement de parvenir à l'unité, en opérant un choix permettant à un seul facteur d'assumer la totalité des possibles. Ce qui conduit au monothéisme. Le Ciel, en fait, n'est acceptable, au niveau du monde monothéiste, que s'il est polarisé sur une seule et unique configuration. Sinon, l'on en reste au niveau du paganisme et du polythéisme.
Seule la cyclicité permet à la diversité de s'inscrire dans l'unité dans la mesure où les subdivisions se contentent de constituer une graduation, ne sont qu'autant de degrés marquant l'éloignement ou le rapprochement par rapport à la conjonction.
Même les déclinaisons et les conjugaisons des grammaires ne doivent être prises que comme le passage d'une expression à une autre autour d'un seul et même verbe ou nom, ce ne sont que des dérivations, des flexions. Les trois personnes du singulier et les trois personnes du pluriel s'organisent autour de la racine, identifiable à l'infinitif, qui serait la conjonction, ce qui donne six + un, soit sept.
Nous sommes d'accord avec J. P. Nicola pour déclarer que l'astrologie doit être une, toute la question étant évidemment de savoir laquelle : probablement celle qui englobe, comprend toutes les autres. Mais ce qu'il faut immédiatement ajouter, c'est que la diversité est une nécessité car toute unité sous tend une diversification à condition, toutefois, d'en garder le contrôle.
Le problème historique de l'astrologie conditionaliste aura été de ne pas rester dans les hauteurs, au dessus de la mêlée et de proposer un certain mode de manifestation non seulement comme le "bon" mais encore comme définitif. Or, ce qui est de l'ordre de la manifestation ne saurait être que temporaire.
Rester au dessus de la mêlée, qu'est-ce à dire? Cela signifie et cela implique d'élaborer un système qui n'empiète pas sur la pratique, qui laisse celle-ci libre, sachant qu'une telle liberté est aussi la reconnaissance de quelque chose d'amovible, d'interchangeable. On n'est jamais libre que dans ce qui n'est pas essentiel et notamment dans l'avoir. Ce serait vouloir avoir le beurre et l'argent du beurre que de vouloir à la fois la liberté et la permanence et cela vaut dans les deux sens. Il y a une liberté bien comprise.
Or, si l'on considère l'ensemble du corpus de l'astrologie conditionaliste, l'on note qu'il s'agit d'une astrologie clefs en main qui certes reconnait que des facteurs non astrologiques interviennent mais qui, au niveau proprement astrologique, se veut totale. C'est là commettre un contre-sens : le savoir astrologique qui nous est parvenu nous est certes présenté comme global mais c'est une illusion d'optique. C'est comme si pour donner un exemple d'homme, j'en présentais un spécimen, ce spécimen à la fois serait représentatif mais aussi serait déjà une manifestation spécifique dont il faudrait faire abstraction faute de quoi mon modèle serait faussé par l'exemple choisi.
Il eut fallu, pour bien faire, que Nicola sût s'arrêter en chemin, quitte à déclarer, à un certain stade, qu'il donnait des exemples de ce que l'on pourrait faire, parmi tant d'autres possibles. Il eut du, distinguer l'essentiel et le contingent au sein de l'édifice astrologique. Or, visiblement, à tous les niveaux, Nicola n'aura pas su se maintenir dans les hauteurs de son système, happé par les mirages de la diversité, ce qui correspond à une pensée androgyne (animus/anima), faisant le grand écart entre le général et le particulier.
Non pas, on l'aura compris, qu'il ne faille assumer une telle dualité mais dans le cadre d'une cyclicité, d'une complémentarité entre le modèle et ses expressions et non au sein du modèle lui-même. Le modèle doit se présenter comme une source qui finit par s'écouler dans de multiples directions qu'il serait vain de formaliser. Que d'aucuns, parmi les praticiens, s'essaient à une telle formalisation du processus de subdivision, c'est leur problème.
En fait, il semble que l'on n'ait pas bien tracé la frontière entre le théoricien et le praticien. Le praticien n'est pas réductible à celui qui applique un système qui serait tout prêt, il se doit de l'accommoder, de l'ajuster, il en a la liberté avec les restrictions et sous les conditions posées plus haut. Ce qu'on appelle, de nos jours, un praticien correspondrait à un troisième personnage qui serait en quelque sorte l'élève du praticien, son collaborateur appliquant telle ou telle consigne/recette, comme dans quelque officine. En fait, bien des astrologues s'efforcent de jouer les trois rôles à la fois!
On est bien là face à une division ternaire du travail qui n'est nullement réservée à la seule astrologie, on s'en doute. Il y a celui qui, périodiquement, recentre le modèle central en le nettoyant de tout ce qui a pu s'accumuler : il fait la vaisselle, la lessive. Il y a ceux qui vont utiliser les objets ainsi lavés, récurés et donc à nouveau les salir, ce sont en quelque sorte les cuisiniers qui chargent les dits objets de telle ou telle nourriture et puis il y a les clients du restaurant qui invitent leurs amis à déjeuner ou à diner. Passage du plat à l'assiette et à la fin, toute cette vaisselle -non plus au sens de faire la vaisselle- devra être remise à neuf, et ne saurait porter le souvenir de ce qu'on y a bu ou mangé, préparé et cuisiné! L'astrologie, en ce sens, nous ferait penser à un restaurant où la saleté, la pourriture, la moisissure auraient envahi l'espace du fait que l'on ne saurait plus comment s'en débarrasser!
Tout le problème, c'est qu'à un certain stade- ce qui pose la dialectique de l'eau et de la terre- l'on ne sait plus trop bien ce qui était à l'origine et ce qui a fini par s'incruster au point de sembler faire partie du système "nu". C'est cette incrustation qui fait problème!



JHB
08. 11. 09

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