mercredi 23 décembre 2009

Qu'est-ce que c'est qui "marche" en Astrologie?

par Jacques HalBronn

On connait la chanson : "l'astrologie, ça marche" ou "mon astrologie, elle marche!", ce qui est souvent une façon de mettre fin à un débat ou de s'y refuser au moyen d'un tel satisfecit que l'on se décerne ou que des clients auraient décerné.
Le problème, c'est qu'il faudrait encore savoir en quoi ça marche. C'est ainsi que des lunettes servent à mieux voir et en ce sens, les lunettes, ça marche!
On peut ainsi faire toutes sortes d'hypothèses sur ce que l'on attend de l'astrologie puisque le "ça marche" est fonction nécessairement de ce qu'on en attend.
Imaginons donc que telle personne cherche avant tout à dire des choses pertinentes à ses interlocuteurs et ce grâce à l'astrologie. Donc, elle va vouloir "vérifier" que quand elle parle à quelqu'un, en se servant de l'astrologie, ce qu'elle dit "passe" bien. Ce sera l'occasion de déclarer "ça marche", cela donne les résultats attendus!
Maintenant, mettons nous dans la situation d'une personne qui, dans la vie courante, ne fait pas d'astrologie et qui cherche à communiquer avec autrui. Elle souhaite que l'on trouve ses propos intéressants, que des gens approuvent son point de vue.
Et si l'astrologue ne recherchait pas autre chose qu'une telle approbation....de la part de ses interlocuteurs et que c'était cela dont il voulait voir si "ça marchait"...? Peut-être sans l'astrologie, cet astrologue souffrait-il de problèmes de communication ou tout simplement n'arrivait pas à se faire entendre ou à se faire prendre au sérieux. Et peut être qu'avec ce statut de quelqu'un qui, sans être astrologue, est identifié comme s'y connaissant en astrologie, cette personne, du fait de sa pratique de l'astrologie, constatait un "mieux" sensible. Elle pourrait dire alors que ça marche! Etant entendu qu'il s'agit là d'abord de satisfaire un besoin ou de calmer une certaine inquiétude en se rassurant sur ses propres performances. L'affirmation de soi passe souvent par le rapport à autrui et l'image qu'il nous renvoie. Il y a parfois des personnes qui souffrent d'un certain sentiment d'impuissance et la comparaison au niveau sexuel n'est pas forcément stérile, l'astrologie serait-elle un viagra de la parole et donc on peut observer que "ça marche".
Souvent des personnes qui ont du mal à se faire entendre en société, au sein d'un groupe, vont trouver par les entretiens astrologiques qu'elles conduiront une certaine compensation, quelque revanche sur le sort.
Selon nous, même si cela doit choquer certains astrologues pratiquants/praticiens, on pratique surtout l'astrologie pour s'affirmer socialement et "ça marche" d'abord pour l'astrologue! Ceux qui ne "pratiquent" pas l'entretien n'ont probablement pas une telle attente et c'est peut -être là une essentielle ligne de clivage au sein du milieu astrologique, entre ceux qui ont des problèmes personnels à régler grâce à une relation à autrui "assistée" par l'astrologie et ceux qui poursuivent des recherches sur un autre plan.. Ajoutons, cependant, qu'outre l'entretien astrologique, il y a aussi l'enseignement qui peut apporter des satisfactions du même ordre, à savoir, d'abord, qu'on écoute le prof, qui a "des choses à dire", à transmettre, ce qui comble un certain sentiment de vacuité. Le cours d'astro procure des "joies" plus complexes mais cela relève toujours du fait que l'astrologie permet d'avoir des choses à dire, de "pouvoir" communiquer, se faire entendre et même se faire payer et que "ça marche"! On aurait là affaire à une sorte de donjuanisme, de la part de gens qui ne cessent de nouer de nouveaux rapports impliquant tout de même une certaine intimité psychique, une certaine présence physique, qui passe par une certaine forme de séduction.
On comprend mieux pourquoi tant d'astrologues préfèrent donner des conseils que faire de véritables prévisions dument datées car au fond ces astrologues là ne veulent pas se faire remarquer mais plutôt rejoindre le peloton, être dans la bonne moyenne de la population. Quelqu'un qui a besoin de lunettes parce qu'il voit mal n'a pas besoin d'un télescope...En cela, nous ne rejoindrons pas tout à fait les propose de Serge Bret-Morel (sur "le savoir faire astrologique", site l'astrologie et la raison). Car SBM ne semble pas se demander -double questionnement - pourquoi l'on fait de l'astrologie et pas autre chose (c'est la question du "choix de l'astrologie" qui est le thème du Colloque des 11-12 novembre 09) et pourquoi l'on va voir l'astrologue et pas quelqu'un d'autre. En cela SBM nous semble quelque peu manquer de recul probablement parce qu'habitué à l'astrologie, il n'en perçoit plus l'étrangeté. Or, pour nous, le "choix de l'astrologie" est révélateur d'un manque, d'une absence - d'où, dans la consultation astrologique - absent de la consultation proprement psychologique et psychanalytique - le rôle de l'image, du dessin, du visible, qui, dans notre philosophie, jouent - et ce n'est pas gratuit - le rôle de substitut, de remplacement (de subrogé, en anglais "surrogate"). Ce "savoir faire" astrologique relèverait plutôt du "systéme D" -on procède avec les moyens du bord, on se débrouille, faute de mieux, faisant de nécessité vertu, tentant de présenter comme "normal", comme "allant de soi" ce qui est en fait un pis aller. Alliance de l'aveugle et du paralytique que celle de l'astrologue et de son client, chacun, quelque part, complétant l'autre. L'un prenant la parole, en "lisant" le thème ou en prétendant le lire, ce qui revient au même, en terme d'assurance, l'autre en s'efforçant de se retrouver dans le propos de 'son" astrologue, ce qui ne saurait manquer de lui faire plaisir voire de lui procurer quelque jouissance et quelque sentiment de revanche sur la vie, lui, le muet, le bègue devenu orateur écouté, enfin, avec attention.
Sentiment de pouvoir, généré par les mots qui s'imposent à l'autre parfois plus qu'ils ne le décrivent tel qu'il est. (voir l'ouvrage de Sarah Mostrel, "Osez dire Je t'aime" (Ed. Grancher, 2009)
En conclusion, il faut se mettre à la place de l'astrologue et se situer de son point de vue pour comprendre ce que son "ça marche" signifie. Il s'agit là avant tout, selon nous, d'un enjeu personnel existentiel qui passe par le rapport à l'autre mais qui renvoie d'abord à soi-même à l'aune du regard d'autrui. Qu'est ce que finalement l'astrologie apporte aux astrologues praticiens si ce n'est d'abord une "pratique" d'eux-mêmes? On conçoit que le type d'astrologie dont on se sert alors est d'assez peu d'importance, c'est "de l'astrologie" comme on dirait, sans autre précision "c'est du poulet" sans s'intéresser à la provenance. Ce qui semble compter c'est ce que cela apporte et rapporte de parler au nom de l'astrologie, sous couvert de l'astrologie, étant entendu que si le public changeait son rapport à l'astrologie, dans son imaginaire, cela risquerait de troubler un certain écosystème s'articulant sur deux populations, l'une qui cherche à se draper dans une certaine autorité transcendantale et l'autre qui a besoin d'un discours un peu musclé, corsé, pour s'activer qu'elle ne trouve pas dans la vie courante. C'est dire que le message ici importe moins que le médium - dans tous les sens du terme - et ce message - dont le caractère proprement astrologique est, au vrai, assez relatif - relève généralement du plus simple bon sens et c'est pour cela, d'ailleurs, que 'ça marche".
Tout cela était tolérable et supportable tant que les dits praticiens/enseignants ne prétendaient pas prendre le pouvoir au sein de la communauté astrologique comme il semble que cela ait été le cas, depuis une vingtaine d'années
Il est clair qu'une astrologie aux indications trop sommaires- comme celle que nous proposons- ne convient pas à ce profil de personnes dans la mesure où elle ne fournit pas une trame suffisamment riche permettant de sous tendre tout un discours. Le meilleur moyen de repérer les astrologues qui recourent à l'astrologie pour pallier à une certaine carence verbale est précisément de relever leur engouement en faveur d'une astrologie "bavarde".






JHB
05. 11. 09

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