mercredi 23 décembre 2009

La théorie astrologique et le lâcher prise au regard du NOA

par Jacques HalBronn


Avec le recul, l'on est mieux à même de relever certaines erreurs stratégiques commises par certains acteurs de la vie astrologique française, au cours des 50 dernières années.
L'un des exemples les plus remarquables est probablement celui de Jean-Pierre Nicola et du COMAC dont nous avons suivi l'aventure, à divers titres, depuis les années soixante du siècle dernier.
Selon nous, Nicola a commis l'erreur suivante, consistant à mettre en place une intégration verticale plutôt qu'horizontale, comme on dit dans le domaine économique. A partir du moment où il y a engagement dans une certaine pratique astrologique, l'on risque fort de ne plus pouvoir se situer au dessus de la mêlée, car on ne peut être au four et au moulin. C'est l'analyse que nous faisions, dès 1975, en fondant le MAU (voir enregistrement audio sur teleprovidence), celui qui veut diriger doit accepter d'être relayé par une équipe en laissant à celle-ci une grande marge de manœuvre, ce que nous avons fait depuis 1975 également, à la FLAP (Faculté Libre d'Astrologie de Paris)où les enseignements astrologiques les plus divers étaient donnés, mais à l'époque, nous pensions l'unité au niveau de la centralité du pouvoir et non du recentrage de l'astrologie sur un cycle unique...

Le paradoxe de la démarche de Jean-Pierre Nicola est d'avoir prôné une unité de l'astrologie mais non un modèle unitaire, non pas une organisation unitaire, d'où ses attaques contre celui qu'il appelle le "pape de l'astrologie" (en l'occurrence André Barbault), comme le rappelle la sortie récente d'un Florilège de la revue Astrologie, parue dans les années 1976-1979. (cf. infra)
Au lieu d'apparaitre comme le fournisseur d'un modèle global que chaque astrologue aurait pu accommoder à sa guise, Nicola aura préféré contrôler la "chaine" de haut en bas. Et ce faisant, il se sera marginalisé, devenant au bout du compte le chef d'une chapelle parmi d'autres, aux côtés de l'astrologie karmique, de l'astrologie humaniste, de l'astrologie holistique et j'en passe.
L'autre jour, nous entretenant avec Catherine Aubier -(voir interview sur teleprovidence), celle-ci, par rapport à certaines questions que nous lui (nous) posions, avait jugé bon de renvoyer à Nicola. Ce qui était fort sage mais qui ne l'empêchait pas, pour autant, de pratiquer une astrologie bien différente de celle préconisée par le COMAC, structure garantissant l'orthodoxie de la pensée conditionaliste et qui surveille l'usage qui est fait du label.
Il eut été plus raisonnable de lâcher prise et de laisser libre chaque astrologue de pratiquer sa guise pourvu qu'il reconnût comme base de travail, comme référentiel les textes de Nicola.
Or, en ce qui nous concerne, nous souhaitons éviter de commettre les mêmes erreurs en renonçant d'entrée de jeu aux sirènes de la verticalité pour gagner au niveau de l'horizontalité, en contrôlant, ce que dans le cadre du NOA, nous appelons le niveau 1. Autrement dit, nous prônons un lâcher prise pour ce qui est des niveaux 2 à 4.
Il est vrai que n'ayant pas tenté de théoriser outre mesure les notions de maison, de signe, d'aspect, de planète, nous n'avons pas grand mérite à laisser le jeu ouvert aux caprices de chacun, nous contentons de mettre en place un super-cycle (Saturne/étoile.. fixes) et une théorie de la fondation de l'astrologie acceptable sur le plan anthropologique du fait justement de sa simplicité.(voir notre Etrange Histoire de l'Astrologie, Paris, Artefact, 1986).
L'erreur que nous n'avons pas commise fut de ne pas confondre l'essentiel et l'accessoire, le public et le privé, le défendable horizontalement au niveau de l'interdisciplinarité et le défendable verticalement, au niveau de la pratique. Car vouloir défendre l'astrologie au niveau de sa pratique est un bien faible argument dans la bouche d'un théoricien! C'est un repli du à un échec d'un dialogue avec le monde scientifique, académique mais aussi une incapacité à intégrer la diversité même des pratiques astrologiques. On en arrive ainsi à vouloir privilégier une certaine pratique de l'astrologie, mettant ainsi tous ses œufs dans le même sac!
D'entrée de jeu, Nicola aura voulu non pas mettre fin à la diversité des dispositifs astrologiques mais tenter de les articuler les uns par rapport aux autres, ce que s'efforcera par la suite de faire un Patrice Guinard, passé par le conditionalisme à ses débuts. (Voir le Manifeste, cura.free.fr). Nicola garde donc les planètes, les signes, les maisons, les aspects, le thème natal, les transits et en cela ne se démarque guère des autres astrologues. Et c'est en cela qu'il erre. Dans Astrologie Pratique (repris dans le Florilège de la revue Astrologique (1976-1978), réalisation Sébastien Marc, Toulouse, 2008), l'on trouve une description des 12 signes zodiacaux, conçus sur de nouvelles bases, Voilà qui montre que pour Nicola, son système devait être validé à ce niveau, celui de tout un chacun. Il y a là, selon nous, un empiétement du moins si l'on se place au niveau 1 (selon le NOA). Croire que l'on puisse imposer un discours sur les signes du zodiaque nous semble singulièrement chimérique, et ce quel que le soit le mode de raisonnement proposé.
En fait, avec Nicola, l'on en reste à l'idée que le moment de naissance est pertinent -du moins au niveau 1 - au regard des positions zodiacales. En réalité, il apparait que le mouvement diurne est bien plus déterminant pour ce moment. Le mélange de ces deux plans reste donc bien fâcheux. C'est, d'ailleurs, une erreur commise par bien des adversaires de l'astrologie qui ont pour excuse qu'elle correspond aux positions de moult astrologues. C'est ainsi que Jacky Cordonnier (Dérives religieuses, Ed Siloé- La Source (58), 2008, p.17) écrit doctement : 'Le principe de l'astrologie était le suivant à l'heure où l'enfant vient au monde, les astres exercent sur lui une influence mystérieuse et fixent son caractère et son avenir (..) L'astrologue, afin de déterminer très précisément le thème astral d'un individu vient superposer aux 12 maisons les signes zodiacaux qui sont divisés en 12 secteurs égaux (..) où se tiennent les 10 astres du système solaire" Pour Nicola, les transits sont une donnée sûre de l'astrologie : " Si l'on admet l'influence des astres à la naissance, il faut admettre la continuité de cette influence et en tester la valeur par l'observation de toutes les répétitions de configuration". (Florilège, op. cit, pp. 253 et seq). L'astrologie en tant que sujet se trouve ainsi réduite à ses manifestations objectales les plus tordues...
Or, Nicola aurait du plutôt se placer au dessus de la mêlée, fournissant des outils laissant toute liberté d'utilisation aux praticiens sans entrer dans des pratiques combinatoires accessoires. Le problème, c'est que les outils élaborés par la "maison" Nicola étaient déjà de niveau 2 ou 3 (au regard du NOA) et donc n'étaient pas utilisables par des astrologues ayant déjà mis en place leur façon de penser les dits outils, empiétant sur leur liberté de créer à un niveau subalterne, Nicola ne leur accordant plus que le niveau 4 pour s'exprimer, celui de la consultation. Pourtant, Nicola est conscient de devoir accéder à l'unité (propre au niveau 1 NOA): " L'astrologie conditionaliste unifie les données connues en les approfondissant, révélant des significations nouvelles sans accroitre le nombre des signes, des planètes, des maisons (...) Elle offre à l'astrologie un socle théorique et pratique commun, un paradigme". Qu'est-ce que l'astrologie prônée par Nicola "unifie"? Nous avons, bien au contraire, l'impression qu'elle laisse l'astrologie à son niveau 2 avec ses subdivisions diverses et ne lui permet pas d'accéder au niveau 1, ce qui impliquerait la mise en place d'un axe central dont tout dériverait. On pourrait dire que le niveau 1 chez Nicola est le conditionnement non astrologique auquel l'astrologie devrait se référer. Autrement dit, Nicola propose de n'appréhender l'objet astrologique qu'au regard du sujet non astrologique tout comme un thème ne peut être interprété que compte tenu de ce que l'on sait de la personne concernée (d'où les exemples d'interprétation de gens connus dans Astrologique) ou de ce qu'elle dit d'elle-même (dans le cas d'inconnus).
Nicola n'a pas compris qu'il y a les maîtres à penser et les petits maitres et qu'il ne faut pas se mettre à dos ces derniers en piétinant leurs plattes bandes! Ce que nous entendons par petits maitres, ce sont les astrologues du niveau 2 qui ont quelque prétention à penser l'astrologie mais qui ne sont pas de taille, cependant, à accéder au niveau 1 illustré, au IXe siècle, par un Albumazar/ Abou Mashar ( 787-886 ), astrologue persan, mettant en place le cycle des conjonctions Jupiter-Saturne, en réduisant les 12 signes zodiacaux à 4 groupes de trois, lequel dominera l'astrologie occidentale jusqu'au XVIIIe siècle et sera encore pris en compte notamment par un Jean Bodin, dans sa République, à la fin du XVIe siècle. Le rêve d'André Barbault aura probablement été de prendre le relais d'un Albumazar. Il lui fallait, pour ce faire, intégrer les planètes transsaturniennes, ce qui l'engagea dans une voie sans issue, en dépit de certains succès prévisionnels illusoires -(on pense à 1989) à partir du cycle Saturne-Neptune. Tout se passe en fait comme si les transsaturniennes avaient remplacé les quatre étoiles fixes royales mais, à la différence d'Albumaza, aucune cyclicité régulière ne découlait de l'approche de Barbault sinon avec une périodicité surdimensionnée par les transsaturniennes, alors que chez l'astrologue/astronome persan, l'unité de temps était de 20 ans (temps d'un retour de Jupiter sur Saturne). Pour notre part, nous avons suivi la piste de niveau 1 Albumazar-Barbault pour en arriver à ce que nous appelons l'Astrologie Quatre Etoiles, autour de l'An 2000, suspendant jusque là toute pratique astrologique.
Mais n'est-ce pas précisément le lot de Nicola de n'être somme toute que l'un de ces petits maitres, lui qui n'a pas été en mesure de déterminer une superstructure englobant la totalité du corpus astrologique dans toute sa diversité? On notera que Nicola n'a guère, au cours de sa longue carrière, assumé le rôle d'unificateur de la communauté astrologique, toutes tendances confondues et ce parce qu'il n'a pas compris comment intégrer la diversité du milieu astrologique au sein d'un modèle qui en rendrait compte, par diversifications successives (passage vers les niveaux 2, 3, 4 de NOA). Comme nous le disions, Nicola aura opté pour la verticalité, c'est à dire qu'au lieu de rester au niveau 1, il a voulu contrôler les niveaux inférieurs, de la théorie à la pratique, avec les avantages et les inconvénients qui en découlent.
Le point aveugle de l'œuvre de Nicola nous apparait ainsi comme concernant le domaine de la cyclicité et c'était d'ailleurs assez inévitable à partir du moment où il considérait le système solaire comme un tout indivisible et indissociable, du moins celui qu'il avait circonscrit selon un modèle qui lui est propre. Nicola explique ainsi que ce qui n'est pas pris dans son système -comme les astéroïdes - fait double emploi. Nicola nous parle d'un 'clavier de 10 cycles', d'une "pyramide des cycles" (Florilège, op. cit. pp. 69 et seq) et d'ajouter que 'pour contrôler les relations entre un événement historique et un ou plusieurs cycles, il suffit (sic) de dresser le thème". Décidément, il y a là un rendez-vous manqué avec l'unité de l'Astrologie, au sommet!
Quel qu'ait pu être l'intérêt de Nicola pour l'astrologie mondiale (comme l'attestent quelques textes de la revue Astrologique), celle-ci n'a pas été repensée par lui autour d'un concept unitaire. Tout au plus, pourrait-on parler d'une quête de résultante, de dominante par le biais de calculs, de coefficients, permettant ainsi de passer, illusoirement, du multiple au un, de façon conjoncturelle. C'est ce que tenta Barbault avec sa quête d'indices (de concentration planétaire, indice cyclique), tentant d'établir un graphique de synthèse au lieu de dégager une véritable axialité. L'idée de Barbault, reprise de Gouchon, consistait à opter pour une approche quantitative : peu importait la planète ou le signe, ce qui comptait c'était le rassemblement ou la dispersion d'un bouquet de planètes sur l'écliptique, ce qui présupposait que le système solaire constitue, astrologiquement et non pas seulement astronomiquement, un ensemble d'un seul tenant, ce qui allait dans le même sens que les idées de Nicola, en intégrant trois astres inconnus des Anciens, Uranus, Neptune, Pluton.
Il est indéniable, en tout état de cause, que l'astrologie mondiale soit au cœur du niveau 1 (NOA), ce qui conduira, à juste titre, Barbault, à laisser de côté les positions zodiacales au profit des cycles. Cette dézodiacalisation, engagée par ailleurs par Gauquelin, voire par Volguine (encadrements planétaires) est la condition sine qua non pour accéder au niveau 1. Or, Nicola aura beaucoup (trop) investi dans la reformulation du zodiaque (réflexologique, photopériodique, voir, par exemple, sur le site de Richard Pellard, www.astroariana.com), dont il semble d'ailleurs, à lire Astrologique, que c'est, à ses yeux, son apport principal à l'astrologie, lui permettant comme il le dit d'échapper au dilemme : étoiles ou saisons. Rappelons cependant que les aspects constituent eux-mêmes un zodiaque si par zodiaque l'on entend le balisage d'un cycle et qu'il ne faut pas confondre le zodiaque des constellations avec les conjonctions des planètes avec les étoiles fixes. Nicola n'a pas compris que toutes les subdivisions astrologiques étaient contingentes, en dehors de la conjonction et qu'il importait de respecter la fluidité cyclique au lieu de tenter de la compartimenter (zodiaque réflexologique, SORI) au delà d'un simple mode de repérage, en laissant croire que nous étions marqués, les uns et les autres, par notre signe de naissance. Le modèle gauquelinien d'une typologie planétaire (au regard du mouvement diurne) est évidemment préférable à toute approche zodiacale qui confère la priorité à la subdivision par rapport au cycle lui-même, ce qui revient à une emprise du niveau 2 NOA sur le niveau 1. En lâchant prise au niveau de l'astrologie mondiale, Nicola se condamnait à se cantonner au niveau 2 qui n'est nullement unitaire et qui n'a pas à l'être. En fait, Nicola aura confondu unité et consensus....mais y-a-t-il consensus au delà de l'unité et si ce n'est pas rapport à un point origine auquel l'on revient périodiquement avant de rebasculer dans la diversité? Ce faisant, irréversiblement, Nicola aura échoué à imposer ses subdivisions joliment ravalées, au delà du cercle de ses partisans puisque le propre des subdivisions est la contingence et l'absence de fondement scientifique, ce qui est patent en astronomie, où les subdivisions (zodiaque, aspects) ne sont qu'un métalangage purement conventionnel au même titre que les systèmes et échelles de mesure ou les modes de dénomination (noms des planètes etc.).
Un des travers de tant d'astrologues est de croire que l'on peut régler la question de la cyclicité en se servant du thème natal, ce qui s'articule sur la théorie des Ages, chère à Nicola, qui n'a qu'un seul défaut, celui de générer autant de départs de cycles qu'il y a de naissance -chacun atteignant tel âge à tel moment et pas à tel autre - ce qui va radicalement à l'encontre des principes de l'astrologie mondiale qui propose une cyclicité universelle.
Cette solution est préférée à celle consistant à déterminer les cycles majeurs, ce qui est la principale tâche du niveau 1, celle qui confronte directement astronomie et astrologie et dont tout le reste découle et dérive. Ayant renoncé, d'entrée de jeu, à tout recours aux étoiles fixes - autre point aveugle de l'approche de Nicola qui le condamne à passer par une pléiade d'intercycles planète/planète. En effet, pour Nicola, les étoiles fixes sont extérieures au système solaire et n'ont donc pas droit de cité en Astrologie. Il n'a pas compris qu'à l'origine de tout le champ zodiacal, qu'il est loin de négliger, il y a justement les dites étoiles fixes lesquelles servent à baliser le parcours des planètes par le processus de conjonctions successives. Il n'a pas compris que l'astrologie est au départ une élaboration humaine, une projection intégrant la dialectique planètes/étoiles.
Il y a un lien évident entre les idées de centralité et de normativité. A partir du moment où l'on renonce à faire de l'astrologie un retour vers la norme - dans un sens psycho-sociologique- tout comme, alternativement et cycliquement un éloignement de la norme, l'on risque fort de fausser la pensée astrologique (voir nos textes sur pratique normative et pratique palliative et le colloque de Rennes, sur teleprovidence)
Un autre problème, chez Nicola, est le rejet des travaux de Gauquelin, lesquels ont l'énorme avantage de contribuer à faire apparaitre des choix qui ne sont pas dictés par le seul point de vue astronomique (absence du soleil, de Mercure, du fait de leur triple emploi avec Vénus, au niveau d'une cyclicité annuelle, des positions zodiacales à la naissance etc.). Or, c'est par la statistique - essentielle au niveau 1 - que l'on peut déterminer les configurations mises en place par les premiers astrologues législateurs. Croire que l'on peut faire abstraction des choix ainsi réalisés arbitrairement, sur des bases socioculturelles, en élaborant une astrologie non sélective, "globale", nous apparait comme un contresens majeur.
Le grand avantage du NOA, c'est précisément d'intervenir là où il y a une absence et non là où il y a un trop plein. C'est la leçon que nous avons tiré au bout de 40 ans d'investigation, abandonnant peu à peu la perspective des petits maîtres de l'astrologie (niveau 2), tout en la respectant pour sa faculté d'innovation mais la mettant en garde contre toute tentative de se substituer au exigences du niveau 1. (voir nos entretiens de Lyon, novembre 2009, sur teleprovidence)
En d'autres termes, le NOA prévoit sa propre diversification, établissant un organigramme qui laisse chacun à sa place, du petit maître (d'école) à l'astrologue de terrain, pourvu que les uns et les autres gardent conscience de l'ensemble du tableau à la fois en son unicité - impliquant une transparence - et sa multiplicité (forcément plus opaque), en sachant que seul le niveau 1 est défendable scientifiquement, alors que les autres niveaux ont vocation à intégrer des données de plus en plus spécifiques, au risque de perdre de vue la structure sous-jacente laquelle doit être périodiquement reconfirmée, tel l'arbre d'hiver dépouillé de ses parures passagères de l'Eté.




JHB
26.11. 09

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