mercredi 23 décembre 2009

Le processus de l'importation/emprunt en astrologie

par Jacques HalBronn



Il convient de se méfier des emprunts, qui sont autant de fausses pistes mais qui n'en sont pas moins inévitables. L'astrologie n'aura certes pas échappé à cette tentation de recourir aux savoirs les plus divers, ce qui risque fort d'égarer l'historien de ce domaine qui se retrouve incapable de dissocier le noyau de l'astrologie de ce qu'elle a pu récupérer ici ou là, au cours de sa longue carrière. Quand les dits emprunts correspondent à des savoirs prestigieux ou singulièrement cohérents, la tentation est grande pour l'astrologue de se les approprier définitivement, de les mettre sur le compte de l'astrologie. On entend ainsi tel astrologue défendre la présence et la pérennité de tel emprunt en astrologie en en décrivant l'intérêt, d'où souvent une accumulation, une juxtaposition de belles choses, de beaux objets, qui n'en constituent pas moins un ensemble hétéroclite et hétérogène. L'emprunt relève de l'avoir et non de l'être et il peut déformer, défigurer, dénaturer ce à quoi il s'applique. L'avoir est certes nécessaire à la manifestation de l'être - passage de la puissance à l'acte- mais il ne saurait être que supplétif, un moyen et non une fin.
Giuseppe Bezza ( « Historiographie de l'astrologie », Paris, EHESS, 2004, Ed. Brepols) soutient, à juste titre, que la symbolique zodiacale à laquelle recourt l'astrologie, serait issue de certaines représentations du cycle saisonnier (voir notre entretien avec Serge Bret Morel, à paraitre sur Teleprovidence.com).
A diverses reprises l'astrologie a été conduite à importer des subdivisions préexistant dans d'autres domaines ou à généraliser un processus au départ limité à l'une de ses branches, en vue de l'étendre à d'autres, non sans risquer de pratiquer ainsi quelque forme de placage. On pense aux degrés monomères littéralement plaqués sur l'astrologie de façon à conférer du sens à chacun des 360° du zodiaque. Dans ce domaine, l'on notera d'ailleurs une certaine créativité et de nombreuses propositions, comme celle de Gilles Verneret (récemment intervenu au Colloque du RAO, à Lyon) avec ses "degrés existentiels" laquelle diffère des "sabian symbols" de Rudhyar; de ceux de Sepharial (Volasfera), de Charubel (Robert Amadou a publié un travail à ce sujet pour des formes plus anciennes)
Par la suite, de tels emprunts vont s'incruster sans pour autant démontrer leur pertinence par delà une certaine commodité, une certaine euristique à la valeur très relative. On pourrait en dire autant probablement des maisons astrologiques dont les significations, liées aux âges de la vie, ont vraisemblablement préexisté à leur présence au sein du corpus astrologique. Emprunts donc au cycle annuel comme à celui du cycle de vie. Notons que c'est le sens même du mot zodiaque, ce qui pourrait donner à penser que le mot zodiaque a à voir, au départ, avec les significations des maisons astrologiques. A contrario, les significations des maisons astrologiques correspondent assez mal au découpage du mouvement diurne, si ce n'est au nom d'un certain système de correspondance, qui ne fait sens que dans le cadre des techniques prévisionnelles de direction..
On aura compris que, selon nous, tout habillage d'un cycle est arbitraire et relève de l'emprunt à d'autres domaines. On nous fera probablement remarquer que tout cycle est, de toute façon, dans l'absolu, arbitraire. Mais ce n'est pas le même niveau d'arbitraire, l'un servant visiblement de cadre à l'autre, qui lui est subalterne.
En conséquence de quoi, nous dirons que ces subdivisions sont interchangeables et peuvent être mises au goût du jour, comme l'a fait un Jean-Pierre Nicola, à partir des années soixante du siècle dernier.
Toute tentative de vouloir maintenir indéfiniment de tels emprunts au sein de l'astrologie relève d'une volonté de blocage, d'une résistance à un recentrage, à un ressourcement qui ne saurait se situer au niveau des emprunts, si ce n'est précisément en ce qui concerne la mise en place de configurations principales et maitresses, tout comme une langue, une fois débarrassée de ses emprunts se ressource dans ses racines originelles, dans tous les sens du mot racine.
Mais peut-on concevoir une astrologie dépouillée de ses emprunts à diverses cyclicités? Il est clair que l'astrologie emprunte à l'astronomie mais pas tout et pas n'importe quoi et disons-le elle le fera avec modération, sans avoir les yeux plus gros que le ventre.
Si l'astrologie emprunte à l'astronomie, elle devra en effet le faire avec discernement. Or, il arrive que des épigones, dès lors qu'une source a été identifiée, considèrent qu'ils peuvent puiser sans limites dans un tel vivier et cela explique les dérives du recours aux planètes transsaturniennes et aux divers astéroïdes, sous prétexte que c'est aussi de l'astronomie!
Nous pensons qu'il convient de signaler le cas des emprunts à la mythologie et à ce que l'on pourrait appeler une sorte de théomancie ou de panthéomancie dont chacun sait que l'astrologie est affectée. On en arrive à devoir entendre des déclarations d'astrologues selon lesquels l'astrologie serait fondée sur la mythologie et comme l'astronomie moderne recourt à la dite mythologie, l'on assiste à un amalgame entre astronomie et mythologie dans la tête de plus d'un astrologue de ce début de XXIe siècle. Or, quel que soit la qualité de l'agencement mythologique, on ne voit pas pourquoi l'astrologie devrait se résigner pour toujours à son incrustation, sans basculer dans une certaine forme d'aliénation.
Le problème, c'est qu'à force d'emprunter à gauche et à droite à toutes sortes de séries de termes, l'astrologie, comme le dit Serge Bret Morel, n'est plus qu'un patchwork, l'ensemble des dites séries ne constituant pas forcément un tout spécialement cohérent, ce qui n'empêche pas le dit SBM (voir son site L'astrologie et la raison) de qualifier de 'système" une telle collection, fortement syncrétique.(voir son texte sur le "savoir faire astrologique".
Il conviendrait enfin d'éviter l'anachronisme consistant à dater une discipline de l'apparition de tel ou tel de ses emprunts. Dater ainsi l'origine du zodiaque ne revient nullement à dater celle de l'astrologie laquelle peut lui être aussi bien antérieure que postérieure. Et il en est de même pour tout emprunt. On peut ainsi parfaitement concevoir une astrologie ayant précédé le zodiaque, du moins sous la forme généralement reconnue et il en est de même pour tous les emprunts susmentionnés, mythologie comprise. A cela, SBM pourra nous répondre que ce qui l'intéresse, c'est l'origine de l'astrologie actuelle, telle qu'elle se pratique de nos jours. Fort bien! Mais épistémologiquement, une telle position purement historiographique, nous parait bien limitée même si, à l'évidence, elle a l'avantage de disposer d'une très riche documentation comparée à celle dont on dispose pour des stades antérieurs.
Par quel retournement en est-on donc arrivé à ne plus rien savoir de ce qui est central et à être en surabondance de ce qui est secondaire? Tel est bien en effet le constat que l'on peut faire de l'état de l'astrologie actuelle, ce que l'on peut expliquer, somme toute, par le manque d'envergure de ceux qui de nos jours se consacrent à l'astrologie, plus doués pour les détails que pour retracer les grandes lignes, les axes majeurs.
On nous décrit sous le nom de "bases" non pas les structures nues mais leur habillement comme quelqu'un qui ne connaitrait autrui que par telle ou telle parure et non pour ce qu'il est en soi, si bien que dès qu'il voit la dite parure, il croit qu'il s'agit de telle personne et non pas de telle autre. Une astrologie à l'image d'une gastronomie qui s'intéresserait plus aux sauces et aux accompagnements qu'à la qualité du produit censé être ainsi assaisonné, comme si cela importait fort peu!
Certes, il existe une astrologie mondiale qui pourrait comporter un schéma de référence mais un divorce s'est fait entre les tenants de cette astrologie et ceux qui se sont spécialisés dans l'approvisionnement en ingrédients. Il serait temps de réconcilier ces deux branches, tout en faisant admettre la primauté de l'une sur l'autre.
On aura compris qu'au regard du NOA -le Nouvel Ordre Astrologique- un tel processus d'importation appartient à la phase évolutive du cycle, c'est à dire aux niveaux 2 à 4. Ces niveaux correspondent, en quelque sorte, à un processus d'endettement qui pèse sur notre liberté et il importe périodiquement de nous en libérer, tout comme de tout ce que nous avons pu générer ou proférer. Or, il y a une large population humaine qui voudrait, au nom d'une certaine éthique, que nous restions indéfiniment prisonniers de ce que nous avons émis et produit, de notre passé. Il importe de distinguer un passé contingent individuel, dans la durée brève, et un passé fondateur collectif, dans la longue durée. Le passé individuel risque fort d'empêcher de remonter, d'accéder à la source commune.



JHB
17. 11. 09

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