mercredi 23 décembre 2009

Le poids des enseignants dans la hiérarchie du milieu astrologique

par Jacques HalBronn


Quel est le public actuel des colloques d'astrologie organisés un peu partout en France? Nous dirons qu'il est largement constitué des élèves, anciens ou nouveaux des (co)organisateurs. Dans nombre de cas - à Paris, Lyon, Antibes ou Bordeaux - il faudrait d'ailleurs plutôt parler de journées d'études que de colloques. Au cours de ces journées destinées aux élèves qui suivent par ailleurs des cours tout au long de l'année, l'on voit défiler une demi-douzaine de conférenciers, donnant ce que l'on peut appeler un cours "magistral" et payés comme il se doit à l'instar des enseignants.
Il faudrait étudier depuis quand l'on paie les intervenants à des colloques. Cela n'a jamais été le cas, en ce qui nous concerne, en 35 ans d'organisation de tels événements. Il fut d'ailleurs un temps où les enseignants travaillaient aussi (quasi) bénévolement, dans les années Soixante-dix. On est entré dans une spirale où les cours coutent plus cher aux élèves et où les enseignants sont mieux payés.
Au premier abord, c'est une bonne chose que l'on ne gagne pas uniquement sa vie, en astrologie, en donnant des consultations. A ce détail près que les enjeux de l'enseignement de l'astrologie sont d'une toute autre importance pour l'avenir de l'astrologie que ceux de la consultation et donc qu'il ne faudrait pas mobiliser des enseignants uniquement au regard de la motivation pécuniaire. L'enseignement de l'astrologie ne devrait-il pas être plutôt un sacerdoce? D'autant que les élèves, du fait qu’ils paient, deviennent ipso facto des clients imposant leurs exigences. Cercle vicieux! Ces exigences que l'on retrouve d'ailleurs par rapport aux colloques.
Imaginons que nous ayons- ce qui n'est pas notre cas répétons-le! - dépensé pas mal d'argent pour faire venir X ou Y. Il y a eu contrat: X parlera tant de temps et recevra tant, plus divers défraiements. Comme X doit en donner "pour son argent" à l'organisateur, il va préparer soigneusement son exposé, de préférence en recourant au "power point", c'est à dire qu'il arrive avec un "objet" tout prêt, textes et illustrations placés selon un timing rigoureux. Il a annoncé évidemment le titre de sa conférence, en accord avec un éventuel thème du Colloque, ce qui est censé garantir un minimum de convergences entre les exposés successifs. Le problème, c'est que ces exposés n'offrent entre eux qu'une très vague synergie et en tout cas ne se répondent pas les uns aux autres, soit parce que les premiers exposés n'ont pas eu connaissance des suivants, soit parce que de toute façon il n'est pas question de changer quoi que ce soit à une mécanique bien huilée. Autant de contraintes qui tendent à plomber la dynamique de tels "colloques"! Rarement, dans ces cas là, voit-on venir des astrologues de qualité autres que ceux qui ont été dument programmés, en temps et en heure. Ils n'auraient guère l'occasion de s'exprimer si ce n'est dans les couloirs ou lors des repas.
Un tel systéme n'a jamais été conforme à notre déontologie des Colloques et il nous semble d'ailleurs, en toute modestie, que nous sommes le seul véritable organisateur de "colloques" astrologiques dignes de ce nom, lesquels reposent sur la qualité de l'échange et des débats entre les participants, c'est à dire les présents. Personne dans ces colloques n'y est prioritaire, n'a droit à un temps de parole attribué durant lequel il ne sera pas interrompu et comme personne n'est payé, on n'aura pas scrupule à le laisser sur la touche s'il n'est pas en phase avec le débat ou si c'est il est peu doué pour cela. Du coup, la liste des personnes présentes n'est que de peu d'importance, comme dans un film où compte avant tout le metteur en scène qui saura faire au mieux avec ce qui se présentera.
On nous objectera qu'un colloque exige certaines caractéristiques à commencer par l'importance du public. Il n'y aurait pas "colloque" avec moins de 200, de 100 ou de 50 personnes dans la salle et inversement un colloque sera ipso facto une "réussite" si la salle est pleine. Et puis il faut évidemment pour que le colloque soit réussi, nous dit-on, que tout ait été bien organisé, que chaque orateur ait parlé comme prévu et indiqué sur le programme. Il faut aussi qu'il n'y ait pas eu d'affrontements, que personne n'ait haussé la voix et surtout pas entre conférenciers astreints à un certain devoir de réserve. On ne crache pas dans la soupe! Reste la question de la qualité des intervenants. Un Colloque astrologique se définit-il par la participation d’astrologues renommés, de "people", ayant publié, sans être pour autant trop médiatisés? En fait, c'est un peu comme au cinéma, il y a des films d'acteurs qui en font à leur tête et des films qui doivent beaucoup au réalisateur, au metteur en scène. Pour notre part, nous ne craignons pas de faire appel à des astrologues peu connus, peu recherchés qui sont souvent d'ailleurs révélés par nos "films" mais à Rennes, par exemple, nous avions réuni, en septembre dernier, une belle "brochette" de "personnalités" (voir sur teleprovidence) que nous connaissions de longue date -sans parler du méga-congrès de novembre 2004 "L'astrologie et le monde ", où tout le gratin astrologique voulut être présent- la question étant de parvenir à instaurer un vrai dialogue entre elles et qu'ils ne se regardent pas comme chiens de faïence. (Voir prochainement la mise en ligne, en audio, de notre colloque de 1987 "La Lune au clair"). N'oublions pas la cyclicité : ce qui convient à un certain moment n'est plus de mise à un autre, en termes de centralité ou de répartition des responsabilités dans la conduite de tels événements.
Notre philosophie des colloques diffère sensiblement et ce d'autant que nous filmons depuis des décennies nos colloques et les mettons désormais en ligne sur teleprovidence (voir en novembre le colloque de Montluçon, 1991), ce qui fait que même un faible public sur place sera complété par celui des retransmissions. Pour nous, un "bon" Colloque est celui qui aura donné lieu à de bons débats, au cours desquels les astrologues auront justement démontré qu'ils étaient capables de discuter entre eux. Car, au bout du compte, ce qui apparait, c'est que les organisateurs des "autres" colloques n'en sont nullement convaincus, ce qui explique que le temps des interventions, en dehors de celles des intervenants, à la tribune, dument mandatés est souvent quasiment nul. On se demande d'ailleurs pourquoi ne pas s'être contenté de les filmer chez eux puisqu'ils ne communiquent ni entre eux ni avec la "salle".
C'est en fait tout le système d'enseignement de l'astrologie auquel selon nous appartiennent de telles "journées astrologiques" - terme à préférer à celui de colloques - qui est défaillant et qui conduit à faire du sur place, la montagne accouchant d'une souris.
Tout se passe comme si le milieu astrologique avait compris que l'organisation de colloques était une source de prestige et de légitimité pour une structure astrologique se voulant de premier plan. Un cas étonnant, à ce propos, est d'ailleurs celui de la FDAF, qui semble ne pas chercher à exister au regard des colloques, du moins pas depuis au moins dix ans et qui n'organise pas de rencontres astrologiques de quelque ordre que ce soit, pas même à un niveau régional, comme le fait le RAO avec ses GRAOLs.
Le cas de la FDAF est assez atypique. on y publie une lettre trimestrielle, donc 4 par an. On a un site (fdaf.org) qui comporte notamment un "annuaire des astrologues", on y recense de nombreux sites, on y tient un "agenda" d'un certain nombre d'activités à venir organisées par les uns et par les autres mais pas par la FDAF, comme si l'on existait par procuration, ce qui est une façon de rester au dessus de la mêlée, en dépit, en veillant à maintenir une certaine déontologie de façade, signe jugé d'honorabilité mais sans le moindre système de contrôle et d'inspection: on se repose sur l'autocensure des adhérents, en leur âme et conscience. Cela dit, on ne saurait contester que, notamment grâce à Serge Bret-Morel, des questions cruciales ne soient posées dans leur Lettre des Astrologues, même s'il n'existe pas de forum (sur le modèle de la "Clef" du CEDRA de Maurice Charvet). Cela dit, le président fondateur de la FDAF- et toujours en exercice- est bel et bien, parallèlement, directeur de l' Institut d'Etudes Astrologiques (IEA), qui est une structure d'enseignement, sur Nantes et par correspondance, ce qui lui confère un profil assez proche d'autres responsables comme Catherine Gestas (Paris), Yvette Mollier-Giroux (Lyon), Josette Betaillole (Bordeaux), Anne-Marie Roussel (Antibes) - on notera qu'il s'agit là de quatre femmes qui ont développé des modes d'action assez proches passant par une participation, une contribution financières de la part du public et des rémunérations substantielles pour les intervenants, ce qui fait que tout est bien dans le meilleur des mondes possibles. Il faudrait compléter, une autre fois, avec la Belgique, la Suisse et le Québec et comparer avec ce qui se passe dans d'autres sphères linguistiques.
En fait, le problème de l'enseignement de l'astrologie pèse lourdement sur l'avenir de l'astrologie. On s'en explique: tout enseignant qui se respecte se doit de proposer un programme - à l'instar de tout organisateur de "journées d'études" (voir plus haut). Il faut donc qu'il y ait "du contenu" de même que l'on ne peut "vendre" des débats ou des tables rondes parce qu'il n'y a pas de "contenu" précis et garanti. On ne peut rester dans le vague. Donc on va étoffer et par là même on va lester les cours d'astrologie de toutes sortes de techniques à apprendre, en un certain temps. On aura compris que l'enseignant ne peut se permettre- ce serait suicidaire - d'offrir une astrologie qui ne serait pas "bien" structurée et compartimentée. Tout élagage lui apparaitra comme une hypothèque sur le recrutement de nouveaux élèves. On ne vend pas du vent! Ce qui fait qu'il y a bel et bien un trust, un "lobby" des enseignants en astrologie qui n'a aucun intérêt à alléger les programmes. On est dans une logique d'enseignement technique : on parle d'outil à maîtriser, étant entendu que l'outil existe et que l'on ne va pas réinventer la brouette, comme disait un des tenants de cette position. Or, il semble que Serge Bret-Morel - qui d'ailleurs intervient dans le cadre de l'IEA d'Alain de Chivré (voir le site de l'IEA) se rallie, au bout du compte, à une tel modus operandi en disant -renversant ainsi la vapeur - que c'est la théorie qui est contingente, changeante et l'outil l'essentiel, ce qui est permanent. Donc apprendre cet outil est une valeur sûre car l'outil restera l'outil, la "base" : on peut donc investir dans l'outil et donc s'inscrire à des cours d'astrologie, sous quelque forme que ce soit.
Au vrai, l'enseignement astrologique, au regard du sociologue de l'astrologie, apparait comme le cœur même de la vie astrologique. Il passe avant la théorie qui n'est au mieux qu'un appoint pédagogique mais aussi avant une pratique sauvage dont il faudrait endiguer les excès par des directives déontologiques, une pratique qui en recourant à d'autres savoirs que l'astrologie tendrait d'ailleurs à relativiser l'importance de l'enseignement astrologique, ce qui serait évidemment bien fâcheux! L'enseignant astrologique apparaitrait donc comme le personnage le plus raisonnable si on le compare aux théoriciens lançant des explications plus ou moins bien reçues par le milieu scientifique et aux praticiens à la solde d'un public assez peu regardant sur les moyens. L'enseignant serait la partie la plus saine de la société astrologique. On pourrait parler ici d'une classe moyenne, d'une petite bourgeoisie, qui aurait ainsi pris le pouvoir, se démarquant d'un certain prolétariat de praticiens besogneux mais aussi d'une élite prête à brader l'argenterie de l'astrologie au nom de spéculations hasardeuses et mouvantes, et ne se souciant guère d'effaroucher la clientèle, ce qui expliquerait que l'on n'invite pas aux "colloques" ceux des chercheurs les plus en pointe, ce qui est notre cas.
Comme nous le fait remarquer (lors d'un entretien non enregistré) Hubert Brégent, les élèves ne risquent-ils pas d'être déconcertés devant la diversité des enseignements proposés? Ne faudrait-il pas reporter à un stade plus avancé l'accès à des choix (voir notre Colloque "Le(s) choix de l'astrologie")? On remet ainsi sur le tapis la question des "bases". Or, justement, ce que l'on désigne sous ce nom ne sont pas des bases mais bien plutôt des prolongements, à partir d'un centre, d'une source. Dire que les divisions en signes, maisons, aspects, planètes sont des "bases", n'est-ce pas tenter de verrouiller, de sanctuariser les pratiques astrologiques d'une certaine génération qui ne veut pas que ce qu'elle a appris devienne caduc? Quid de la formation permanente et du recyclage? Cela dit, il nous semble souhaitable qu'en première année, l'on commence par les grands principes permanents de l'astrologie qui sont assez simples (voir nos travaux et ceux de Gauquelin) puis que par la suite, l'on présente aux élèves des solutions, des propositions complémentaires en leur précisant qu'il revient à chaque astrologue d'effectuer, en aval, ses propres aménagements, pourvu que le cadre général soit bien dégagé et respecté.

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JHB
09.11. 09

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