lundi 12 avril 2010

Le Yang et le Yin : entre la vie et la mort

par Jacques HalBronn

Ces derniers temps, nous avons intégré le Yin et le Yang dans notre théorie cyclique (voir notre entretien avec Annick Perthu, sur la Télévision Astrologique), le Yin faisant suite au Yang, tant dans le temps que dans l'espace (origine, centre).
Il nous apparait que la dialectique de la vie et de la mort n'est nullement étrangère au débat puisque la mort succède à la vie. Passage de la présence à l'absence.
Peut-on comprendre le Yin sans l'associer à la mort, tel sera ici notre questionnement.
Prenons l'exemple d'une pièce de Shakespeare et jouée sur scène au XXIe siècle. Nul ne contestera que Shakespeare est mort et que son temps est déjà assez éloigné du notre. Que signifie donc jouer Shakespeare aujourd'hui alors qu'il existe des pièces dues à des auteurs encore vivants? Pour le Yin, c'est une façon de donner vie à de la mort et n'est-ce pas là la raison d'être même du Yin que de perpétuer, de prolonger indéfiniment ce qui a été émis à un instant T.
Mais on peut aller plus loin en disant que l'absence est une forme de mort et que le Yin a vocation à remplacer, à se substituer à ce qui ne se trouve pas ou plus là, maintenant. Bien plus, le seul fait de lire un texte écrit en un autre lieu, à un autre moment, nous fait déjà basculer dans une problématique Yin.
A contrario -et l'on pense au jazz à ses débuts, aux jam sessions - le fait d'improviser dans le moment présent serait Yang. Le Yin aurait donc une temporalité bien différente de celle du Yang, un peu comme un papillon que l'on capturerait et épinglerait.
Le Yin, on le concédera, passe par l'appropriation de ce qui émane du Yang aux fins de le momifier, de l'immortaliser en quelque sorte.
Cette acquaintance du Yin avec ce qui disparait, s'oublie, avec ce qui "meurt", pourrait d'ailleurs expliquer la négation de la mort comme la fin de quelque chose car pour le Yin, il n'y a pas de fin à la fin, ce qui évite de remonter vers le Yang, qui est Vie. Autrement dit, le Yin se veut apporter de la vie à la mort. C'est le principe de la survie.
Nous retrouvons là les marques d'une "guerre" pour le pouvoir entre le Yin et le Yang, le Yin tendant à vouloir s'émanciper, se libérer de l'emprise du Yang dont il ne serait que le vassal, le subalterne, le serviteur, voire l'esclave.
Le Yin ne s'intéresse guère à l'origine des choses - ou du moins n'y est-il pas à l'aise laissé à lui-même mais à ce qu'elles deviennent, à leur avenir. Ce qui l'entraine à se servir de choses parvenues dans un état assez lamentable mais qu'il va transmuter en leur donnant une "seconde chance", une seconde vie en quelque sorte.
Ecoutons d'ailleurs le type Yin s'exprimer: il nous affirmera que le Yin est Vie puisqu'il redonne vie à ce qui était inerte, il apporte un nouveau signifié au signifiant à l'instar d'un violoniste actuel jouant du Mozart. Il nous montrera quelle créativité il y a à interpréter le texte d'un autre! Et apparemment, cela lui suffit! Ne voilà -t-il pas que Mozart ressuscite devant nous, à nos oreilles! C'est ainsi que récemment, nous avons organisé une soirée de lecture collective de textes parus, avant la seconde guerre mondiale, de notre grand-mère maternelle, Claude Jonquière (voir sur le site de la Cave à poèmes). C'était un revival! Avec le yin, les morts sont parmi nous et continuent à exister par notre intermédiaire!
Pour devenir un "bon petit Yin", il faut, très jeune, apprendre à lire un texte, une partition et le tour est joué!. On notera que les machines sont très "yin" : il suffit de mettre un disque dans l'appareil et la voix, la musique resurgissent, et cela ressemble bougrement à de la vie! Mais, comme le Canada Dry et l'alcool, cela n'en est pas vraiment! En ce sens, le Yin est un monde, un royaume d'ombres. (voir le mythe de la Caverne de Platon) Les concerts de musique "classique" sont des lieux privilégiés des valeurs Yin et l'interprète y fait oublier le compositeur ou en tout cas est perçu comme celui qui le fait revivre, renaître.
Autre chose, cependant, d'assumer le principe Yang, de faire jaillir de soi une parole, un son, un geste, une semence et pas seulement de la recevoir! Le Yang est dans l'instant présent alors que le Yin est dans un continuum passé-futur ; pour lui, le présent est évanescent, passager. Et pourtant, sans le présent, il n'y a ni passé ni futur puisque le passé est un ancien présent et que le futur est déterminé par le présent...

JHB
12. 02. 10

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