par Jacques HalBronn
Les astrologues se sont longtemps démarqué des tarologues en ce qu’ils étaient censés discourir plus intelligemment et plus rationnellement de leur discipline. Or, force est de constater que ce n’est plus vraiment le cas…
Insensiblement, l'astrologie contemporaine tend à se tarotiser et il n'est donc surprenant, comme on l'a déjà signalé dans ce JBA, que tant d'astrologues n'hésitent pas ou plus à recourir aux services du Tarot. Ne basculerait-on pas vers l'astromancie? C'est ce que nous allons apprécier. Mais sait-on d'ailleurs où passe la frontière entre astrologie et astromancie? Généralement, l'on nous dit, à ce propos, que la limite à ne pas dépasser serait de déborder de la prévision vers la prédiction, ce serait cela la ligne rouge! Mais en fait, pour ce qui nous concerne, il est urgent de redéfinir, d'une autre façon et dans un autre esprit, où passe cette ligne et ce que cela implique.
Qu'entendons-nous d'ailleurs par tarotisation? Nous dirons que le tarot est constitué d'une série de cartes offrant un certain ordre théorique, puisque numérotées (sauf un arcane majeur) mais qu'en pratique, les cartes peuvent se combiner de toutes les manières possibles. Bien plus, la raison d'être de l'ordre de base est des plus obscures et on ne nous explique pas pourquoi l'on passe de telle arcane à telle arcane.
Or qu'en est-il en astrologie? Certes, là encore, il existe des ordres: celui des 12 signes, celui des planètes, selon leur disposition dans le ciel, celui des maisons, celui des Eléments. Mais ces ordres ne sont pas davantage que dans le Tarot respectés ni expliqués. Pas plus que ce n'est d'ailleurs le cas dans un alphabet et l'on sait à quel point un classement alphabétique ou alphanumérique est arbitraire et nous fait passer du coq à l'âne.
Certes, il existe un ordre des saisons, un ordre qui fait alterner le jour et la nuit, un ordre des lunaisons mais il sert bien souvent d'alibi, de couverture, à des pratiques que l'on pourrait qualifier de désordonnées. Demandez à un astrologue pourquoi l'on passe des Gémeaux au Cancer, pourquoi l'on passe de Mars à Jupiter, de Neptune à Pluton, non pas sur le plan astronomique mais sur le plan astrologique! Il sera bien embarrassé pour répondre! Saluons, néanmoins, les travaux de J.P. Nicola à ce propos.
Mais suivons, cette fois, l' astrologue - quelle que soit son école- dans son processus d'interprétation d'un thème, dans l'usage des transits...Que se passe-t-il? Le thème mettra en avant tel et tel signe, telle et telle planéte, répartis chaque fois diversement. Et ne parlons pas ici de la façon dont l'astrologue décidera d'aborder et d'activer -au niveau prévisionnel -le dit thème et qui est assez imprévisible....
Voyons ce que nous propose Dan Rudhyar dans son approche dynamique du thème : il nous invite à parcourir celui-ci, en suivant l'ordre des signes et des maisons, et nous annonce que nous vivrons certaines choses selon un tel ordre, ce qui fera se succéder les planètes selon les agencements les plus variés.
Voyons ce que nous proposent les adeptes des transits: à tel moment, on sera marqué par telle planète, puis ensuite par telle autre et ainsi de suite et ce dans un ordre qui s'il correspond à une certaine réalité astronomique - mais qui ne fait pas sens pour l'astronome qui na cure du thème natal et des aspects qu'envoient les planètes à une carte du ciel vieille de plusieurs années, à savoir le dit thème natal! - ne correspond à aucun cycle cohérent au niveau structurel, les cycles s'entrecroisant et se chevauchant à l'infini. Et que dire de ces "retours" de Saturne sur le thème natal, et des aspects de Saturne au dit Saturne "radical" - mais cela vaut pour toute autre planète - et qui fait que ce qui vaut pour telle personne ne vaut pas pour telle autre puisqu'elle n'est pas née au même moment, comme si chacun vivait dans un monde déconnecté des autres? Rappelons, enfin, l'indice cyclique d'André Barbault qui ne s'intéresse qu'à la concentration de planètes dans un coin du zodiaque plus ou moins étroit et ce sans considération d'une quelconque cyclicité régulière, du moins à l'échelle d'une génération voire d'un siècle.
On nous répondra que ce désordre que nous évoquons et dénonçons n'est jamais que le reflet et le miroir de la réalité humaine, tant individuelle que collective. On est là en face d'un processus d'implosion du savoir astrologique au nom d'une part du désordre des hommes et de celui des astres. Le problème, c'est qu'il peut exister un ordre derrière l'apparence du désordre et qu'il revient probablement à l'astrologie de savoir mettre en évidence cet ordre sous -jacent au lieu de s'ajuster, par les procédés que l'on a vus, au prétendu désordre du monde d'en bas comme d'en haut, désordre qui se manifeste inévitablement dans les détails, dans l'aléatoire..
Jarovisation, donc, selon nous, qui affecterait bel et bien l'Astrologie telle qu'elle est devenue, telle qu'elle se pratique. Non pas que nous condamnions, en tant que telles, ces procédés que nous qualifierons de divinatoires, car selon nous il n'y a pas d'Astrologie pour tous, l'Astrologie étant, de notre point de vue, réservée à une minorité d'êtres. Pour les autres - et aussi pour ces êtres d'ailleurs - les mancies sont d'une certaine utilité et cela vaut aussi pour un animal. Mais on bascule là dans un registre bien spécifique qui n'a pas grand chose à voir avec l'astrologie, si ce n'est l'emprunt à un certain langage et à certaines sources d'information d'ordre astronomique mais traitées d'une façon bien spécifique. Un devin ne regarde, n'observe pas un foie comme un médecin, ni le ciel comme un astronome ou un "vrai" astrologue". En fait, selon nous, à partir du moment où l'astrologie se trompe d'objet d'étude, elle ne peut que se dévoyer et se corrompre et en l'occurrence quand elle cherche à comprendre ce qui arrive au niveau individuel au premier venu, par delà ses engagements collectifs qui, eux, concernent l'astrologie sur le plan quantitatif - mais alors l'individu n'est qu'un élément d'un ensemble bien plus vaste, que ce soit dans le cadre d'une catastrophe naturelle, d'une épidémie, d'une guerre, d'une élection, d'un match de foot ou de la sortie d'un film faisant des millions d'entrées ou de téléspectateurs.
On est donc bien loin, ici, du clivage: prévoir ou prédire car prévoir l'imprévisible, c'est bien "prédire" et le désordre est imprévisible, celui qui touche à des microdécisions, à des micro-événements qui ne font sens que pour un individu donné, à un moment donné et dont d'ailleurs le plus souvent il ne garde pas mémoire, tant leur nombre est proportionnel à leur caractère éphémère et "insignifiant"..
Qu'est-ce donc, pour nous, qu'une astrologie échappant à la tarotisation? C'est une astrologie qui ne met en avant que des processus rigoureusement récurrents, sans interférence, parfaitement réguliers synchroniquement et diachroniquement tout à la fois. Pour qu'il y ait ordre, il importe de savoir trouver le bon "angle" de vue, à savoir déterminer quel cycle planétaire privilégier et quelle humanité étudier et suivre. L'hypothèse qui, en quelque sorte, sous-tend la "vraie" Astrologie, c'est qu'une certaine humanité manifeste un certain cycle astral. Il importe donc de déterminer quelle humanité et quel cycle. On pourrait parler ici d'un repli stratégique, d'un retrait de l'astrologie autour de son noyau dur, de son donjon. Que les "mancies" environnantes y cherchent parfois refuge, pourquoi pas, sous certaines conditions, en tant que 'para-astrologies" mais qu'elles n'en gardent pas moins leurs distances et ne cherchent pas à se substituer à elles, en dépit des emprunts qui pourraient faire illusion!
En l'état actuel de l'Astrologie, nous serions enclins à conseiller de constituer trois paquets de cartes, l'un comportant des noms de planètes, un autre des noms de signes et un troisiéme des noms de maisons astrologiques. Tout astrologue qui se respecte sera certainement en mesure d'interpréter un tel triple tirage, relatif à une date, à un événement, à une personne. Un autre procédé, préconisé par Marielle-Fréderique Turpaud et par Gilles Devilleneuve (voir leurs vidéos sur la Télévision Astrologique) consiste à demander au "demandeur" de choisir des cartes, cette fois non retournées, de signaler celles qui l'attirent et celles qui lui déplaisent.
Au demeurant, les astrologues français de la fin du XVIIIe et du XIXe siècle avaient compris qu'ils pouvaient fort bien se passer des données astronomiques "réelles", "brutes" et n'en faire pas moins du bon "travail". De fait, cette astrologie se prête fort bien aux contraintes de la divination. Seule une réforme en profondeur de l'astrologie permettrait d'éviter de telles dérives. Qu'est-ce au demeurant que le Tarot sinon un mélange, un saupoudrage justement, de ces trois "paquets" signalés plus haut?
Quant au débat autour de prévision et prédiction en Astrologie, lancé par la FDAF (Fédération des Astrologues Francophones), nous considérons qu'il convient de le présenter autrement. Le comment compte davantage que le quoi. Que l'on songe, par exemple, au fait qu'au début du XXe siècle, les conditions d'hygiène n'étaient pas celles que nous exigeons aujourd'hui. Il ne suffit pas qu'une opération ait lieu mais de ne pas accepter qu'elle se déroule n'importe comment quand bien même résultat "positif", il y aurait. Un avortement peut se dérouler à l'hôpital ou dans quelque lieu plus ou moins sordide. Comprenons-nous bien : dans un environnement douteux, peu importe quelles sont les intentions du praticien, les fins ne justifient pas, ne sauvent pas les moyens.. Or, ce que préconise la FDAF nous parait entrer dans une telle logique : si l'astrologue poursuit des fins honorables, peu importent les moyens auxquels il recourt!
Il importe, selon nous, de juger des procédés utilisés et ce quels que soient ce que l'on entend obtenir ainsi. Une astrologie brinquebalante, mal maîtrisée dans son articulation rationnelle par le praticien, lequel se contente de dire que 'ça marche" est-elle tolérable sous prétexte que les intentions sont raisonnables? Le raisonnable exorciserait l'irrationnel! Il est grand temps - et en cela nous rejoignons, dans la ligne de J. P. Nicola, mais avec des apports qui lui sont propres -on distinguera l'esprit et la lettre - un Patrice Guinard (voir ses textes sur le site de l'Italienne Fernanda Nosenzo, aster center.it) et sur son propre site cura.free.fr)- de s'assurer que l'astrologue utilise des méthodes viables et ne se contente pas de résultats immédiats ni de se donner bonne conscience en ne franchissant pas une certaine ligne rouge. Nous ne sommes pas des alchimistes qui transformons le plomb en or par quelque opération du Saint Esprit. L'astrologie doit impérativement s'épurer sur le plan théorique avant même d'être confiée à des praticiens aussi bien intentionnés soient-ils. on ne doit plus sauter les étapes et donc d'abord s'assurer que le système tient rationnellement (voir Néroman et son "Traité d'Astrologie Rationnelle", paru dans les années 40 du siècle dernier, réédité depuis), qu'il est cohérent en toutes ses parties, qu'il ne comporte pas d'éléments juxtaposés on ne sait trop comment -attention aux sirènes du symbolisme qui accordent trop de foi à des séries pittoresques (tarot, zodiaque, mythologie) qui fascinent les clients mais qui ne constituent pas un ensemble structuré, à moins, comme on l'a dit, de les traiter comme une sorte de test de Rorschach (Bachelard comparait d'ailleurs le Zodiaque à un "test de Rorschach d'une humanité enfant") mais telle n'est pas la vocation première de l'astrologie que de véhiculer de telles images qui ne sont pour elles qu'un épiphénomène souvent bien envahissant et difficile à contrôler chez les clients qui ne connaissent d'elle que de telles manifestations hétéroclites et hétérogènes! Le savoir du client ne saurait se substituer à celui de l'astrologue.
C'est donc bien là que passe cette «ligne rouge" et le client doit en être averti. Il ne s'agit nullement de dire que tant que l'on reste dans le champ de la psychologie, il n'y a pas de problème et que tous les moyens sont bons alors que lorsque l'on bascule dans celui de la "prédiction", aucun moyen ne serait admissible! La vraie question n'est pas de cet ordre. Va-t-on se mettre dans les mains de quelqu'un qui maîtrise son domaine, qui en a évacué tout ce qui était douteux notamment au niveau d'une logique cyclique - et Dieu sait si le zodiaque au niveau symbolique est un ensemble peu ragoutant en tant que série de notions censées constituer un continuum! - ou bien se contentera-t-on -par ignorance et méconnaissance - de juger sur la bonne mine du praticien qui ne "vous veut que du bien" mais qui recourt à un savoir bien étrange? Cette "étrangeté" de l'astrologie est une affaire autrement plus grave que la question du prévoir ou du prédire et d'ailleurs les sciences, les plus dures, n'ont de cesse que d'accéder à la "prédictibilité", terme qui n'est nullement banni de leur vocabulaire. En fait, il y a des gens qu'il faut protéger contre eux-mêmes tout simplement parce qu'ils ne sont pas capables de distinguer entre un savoir bien structuré - et l'on observe à quel point les éléves en astrologie ont peu d'esprit critique! - et un ensemble de procédés qui partent dans tous les sens, produisant nécessairement une sorte de salmigondis, de soupe assez suspecte, ce qui les condamne à juger sur la "bonne mine" du praticien et non pas sur la qualité des outils qu'il entend employer! On ne fait pas de la bonne astrologie avec de mauvais produits et il ne suffit pas d'ajouter quelque sauce pour que cela sauve la mise si ce n'est qu'avec une bonne sauce, l'on peut accomoder n'importe quoi! Autrement dit, revenons à l'exigence de la qualité du produit, de son origine- comme on le fait dans la vie "réelle" au niveau alimentaire mais aussi écologique et même sociopolitique et exigeons que le praticien de l'astrologie s'approvisionne en des sources fiables.
JHB
12. 02. 10
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