lundi 12 avril 2010

Le passage de l'un au multiple au cœur de l'Astrologie

par Jacques HalBronn

Il y a déjà 30 ans quand nous donnions quelque séminaire d'astrologie à Tel Aviv (Israël), chez Dani Hermann, nous avions développé la position selon laquelle de mauvaises définitions avaient des effets pervers.
Nous avons toujours été convaincus qu'une théorie insuffisamment élaborée, étayée, serait condamnée, assez vite, à multiplier les paramètres. C'est d'ailleurs cette multiplicité même qui est symptomatique d'une carence théorique, comme dans le cas des épicycles dans l'astronomie pré-copernicienne.
Si l'on parcourt les pages de notre Journal de bord - que nous tenons depuis 2004, initialement sous le titre d'Encyclopaedia Astrologica (voir les premières années sur le site grande-conjonction.org), l'on s'aperçoit que nous avons affiné notre modèle et que nous avons évité de l'appliquer avant qu'il ne soit parvenu à maturité car nous sentions, instinctivement, que nous serions entrés dans un cercle vicieux, au nom d'une dialectique théorie/pratique qui ressemble à l'enfer, pavé de bonnes intentions. A contrario, plus un modèle peut rester économique quand on le met au contact du '"réel" et plus il sera fiable. Il suffit, dans ce sens, d'écouter nos astrologues jongler avec un grand nombre de données astrologiques pour diagnostiquer qu'ils bâtissent sur le sable.
D'ailleurs, l'idée d'un modèle simple provoque le plus souvent la risée dans une assemblée d'astrologues alors qu'une combinaison de plusieurs cycles semble être promise à moins de mauvaises surprises, comme une sorte de filet protecteur. Quand on sait à quel point un thème natal est complexe, l'on soupçonne que cela manifeste une certaine confusion théorique.
Imaginons donc tel astrologue qui commencerait avec un système très simple, comme un cycle qui serait marqué par un certain nombre de phases déterminées par le jeu des aspects, les aspects constituant une série autrement plus simple que les 12 signes ou les 12 maisons astrologiques. C'est un peu ce que voulurent faire des astrologues comme Albumasar (cycle Jupiter-Saturne) et André Barbault, à dix siècles d'intervalle.(cycle Saturne-Neptune).
Suivons donc cet astrologue en train d'appliquer son système et voyons donc comment il réagit lors de son application à des données biographiques, historiques connues. On aura compris que si son système n'est pas le bon, il ne s'en sortira qu'en recourant à certains expédients dont on pourrait dresser la liste, ce qui conduira son systéme à prendre peu à peu du ventre. Ce sera en fait le signe de son échec. En fait, en astrologie, la complexité est la preuve que quelque chose n'est pas au point car normalement l'astrologie est censée expliquer simplement ce qui peut sembler complexe. C'est ce que l'on attend d'elle.
On nous dit qu'il y a plusieurs astrologies, nous irons même jusqu'à dire qu'il y a autant d'astrologies que de planètes. Il y aurait une astrologie jupitérienne, une astrologie saturnienne, une astrologie uranienne et ainsi de suite et l'astrologue sera invité à les combiner, à prendre appui sur chacune d'elle, dans la mesure où chacun de ses astrologies est porteuse d'une temporalité différente, détermine des échéances décalées d'une astrologie à l'autre. Mais à quoi peut rimer de relier ainsi plusieurs astrologies entre elles? D'aucuns nous diront que c'est le réel qui exige cela, qui contraint l'astrologue à s'adjoindre toutes sortes d'astrologies, de paramètres pour sortir son épingle du jeu. On ne met pas tous ses œufs dans le même panier, n'est-ce pas? C’est plus prudent. Mais l'astrologie a-t-elle vraiment intérêt à courir plusieurs lièvres, c'est à dire plusieurs planètes, à la fois? Il est probable que le polythéisme fut dû à une mauvaise définition du monothéisme. Un mauvais monothéisme conduit au polythéisme, en ce sens le monothéisme comporte une dimension, un enjeu épistémologique. Dès qu'un système ne donne pas satisfaction, plutôt que de le corriger, de revoir sa copie, la tentation la plus fréquente est de dire qu'il faut tenir compte d'autres systémes. Cela a l’insigne avantage d'éviter de repenser un système- ce qui n'est pas à la portée de tout le monde - et cela permet de se contenter de combiner des systèmes qui sont pris en l'état.
Un des travers majeurs qui ont été manifestes dans le passé aura été, en ce qui concerne la théorie des cycles, de mal en décrire le processus, les étapes. Le cas d'Uranus est emblématique : au lieu d'intégrer une dimension uranienne dans le cycle, par le jeu des aspects, l'on va avoir besoin de se servir de la planète Uranus! Car que l'on ne nous dise pas que les astrologues ont attendu la découverte d'Uranus (en 1781, à une époque où tout le monde est d'accord pour dire que l'astrologie n'était plus ce qu'elle était) pour commencer à annoncer des changements! C'est une plaisanterie!
Donc, suivions cet astrologue disposant d'un système mal élaboré, mal maîtrisé dont il ne connait pas toutes les possibilités. Il va forcément rencontrer des données qu'il ne pourra intégrer au moyen du dit système, soit que les dates ne collent pas, soit que ce qui s'y passe alors ne corresponde pas. La tentation sera grande de faire jouer d'autres facteurs, astrologiques ou non, pour combler un tel décalage épistémologique. On bascule dans la multifactorialité qui est la boîte à Pandore. Mais admettons que notre astrologue commence par se dire que les facteurs qu'il n'a pas inscrits dans son système de départ pourraient jouer, tout de même, un certain rôle. De fil en aiguille, notre astrologue risque fort de mobiliser le ban et l'arrière ban de tout ce qui bouge ou traîne dans le ciel. Tantôt, il fera jouer tel cycle, tantôt tel autre mais de façon ponctuelle car il sent bien qu'il ne peut tout de même pas prendre en compte chaque cycle dans son intégralité, il s'en tiendra donc aux croisements entre cycles, aux carrefours comme les affluents d'un fleuve. Notre astrologue s'intéressera à tout ce qui vient s'adjoindre à son système, si tant est qu'il ait préservé un quelconque intérêt pour celui-ci car à un certain moment, il n'y a plus vraiment de systéme et on ne sait plus qui interfère, interagit avec qui! Et l'on en arrive ainsi à une sorte d'hydre aux multiples têtes qu'est l'astrologie actuelle.
A contrario, prenons un astrologue qui a construit un système dont il maîtrise les différentes phases, notamment par l'élaboration d'une théorie des aspects sophistiquée, cet astrologue aura introduit une dialectique, une polarité, c'est à dire une dualité. Et il aura aussi réfléchi aux passages critiques entre les deux pôles. Il aura soigneusement écarté tout référentiel zodiacal, toute sectorisation rigide. En effet, ces secteurs auraient fini par imposer leur loi, leur droit d'octroi dès que l'on passe d'un signe à un autre, d'une maison à une autre. On sait à quel point, en effet, les astrologues ont un souci exacerbé de précision quand un astre passe d'un secteur à un autre, d'un ascendant à un autre et surtout à quel point chaque secteur est fortement différencié de ceux qui le précédent et de ceux qui le suivent, alors même qu'ils appartiennent à une même saison ou à un même temps de la journée.
On aura compris que les deux écueils que doit éviter le "bon" concepteur de systèmes mais aussi le '"bon " applicateur, c'est la multiplication des interactions planétaires et la diversité des secteurs zodiacaux et autres. Cet astrologue de qualité doit résister à de telles sirènes, qu'il améliore son dispositif (être) au lieu de se servir de nouveaux facteurs (avoir)! Autrement dit, quand le système "nu" ne marche pas comme souhaité, qu'il ne se dise pas immédiatement "et si l'on tenait compte de telle autre donnée...." pour éviter de mettre le doigt dans un engrenage infernal!
La crédibilité de l'astrologie dépend du respect d'une telle discipline. Il faut que l'astrologue soit prévisible, c'est à dire que le système dont il se sert soit transparent et bien balisé d'avance, qu'il se situe sur un plan bien précis et s'y tienne. Car bien des dérives systémiques tiennent à ce que l'astrologue n'a pas su correctement déterminer son objet d'étude. Avec un certain cynisme, d'aucuns nous répliqueront que tant que l'astrologue se sert de données astronomiques, il respecte son cahier de charges. Mais ce n'est pas sérieux: ces données astronomiques constituent un tel kaléidoscope que c'est là une condition nécessaire mais pas suffisante. Il est hors de question pour l'astrologie du XXIe siècle d'accepter que l'astrologue puisse puiser indéfiniment et sans discernement dans le vivier astronomique! On ne peut plus tantôt faire appel à un transit de Saturne, tantôt à un aspect avec Pluton, tantôt avec l'entrée de Jupiter dans un nouveau signe et tout à l'avenant.(voir le Colloque "Unité et diversité de l'astrologie, sur la Télévision Astrologique), sachant que les facteurs ainsi mobilisés comportent des récurrences diverses, qui ne se représenteront pas de la même façon par la suite. Au final, le système de départ considéré risque fort, dans ces conditions, de n'être plus qu'un conglomérat, un agglomérat difforme. Le plus drôle, c'est que cette immersion de l'astrologie dans un tel bain astronomique prendra des allures de scientificité, au nom de l'unité du système solaire... L'astronomie a bon dos! Et inversement, celui qui aura opté pour un cycle auquel il se tient rigoureusement se verra reprocher de ne pas tenir compte de tous les facteurs disponibles! Il y a là un obstacle épistémologique (Bachelard)
Mais ne vient-il pas un moment où l'astrologue se voit contraint de faire appel, au moins, à des facteurs non astronomiques? Peut-on rêver d'un système cyclique réduit à ses données structurelles et qui rendrait compte, asymptotiquement; à lui tout seul, de toute la diversité du monde sublunaire? Il importe en effet de choisir le bon "angle de vue", ce qui signifie aussi, par ailleurs - ce qui avait occupé Kepler qui ne jurait que par les aspects en astrologie - les aspects pertinents (puisqu'un aspect est un angle). Et la question à laquelle il importe de répondre est : qu'est- ce qui - et encore mieux qui -et de quelle façon- dépend du système astrologique ainsi proposé?
A ce stade là, il convient de ne pas confondre une immersion basique de tous les règnes, animal, végétal, minéral, se trouvant sur la Terre et ce que nous appelons l'Astrologie. C'est pourquoi, le référentiel saisonnier n'appartient pas selon nous à l'Astrologie même si celui-ci a pu servir culturellement de matrice pour élaborer tel ou tel système. Le fait d'être né sous un signe zodiacal ou sous une autre ne nous intéressera pas et d'ailleurs rien de ce qui relève du système des 12 signes - et plus généralement du 12 - ne nous concernera ici. Il ne sera donc pas question de subdiviser un cycle en 12 pour constituer le "bon" système astrologique ou d'accorder quelque importance- comme le fait Rudhyar- à la lunaison en tant que telle. Que tout soit consubstantiel à tout ne nous regardera pas ici et en tout cas ne saurait servir de fondement- mais éventuellement de logique, au prix de quelque transposition commode, ce qui est une autre affaire- à une "vraie" Astrologie.
Un autre principe que nous poserons aux fins de bien délimiter le champ de l'Astrologie, telle que nous la pensons - nous préférons nous exprimer ainsi plutôt que de laisser croire que nous défendons le corpus astrologique dans son ensemble tel qu'attesté par la Tradition tant ancienne que moderne- est l'affirmation que l'astrologie concerne avant tout une minorité de personnes. C'est un point essentiel qui aura été négligé par la plupart des chercheurs (Gauquelin le met assez bien en évidence, toutefois) et qui aura lourdement hypothéqué leurs travaux. L'astrologie mondiale esquive en partie le problème, en s'intéressant à des résultantes, ce qui confère, de facto, un certain poids, aux décideurs de tous ordres. Si l'astrologie prévoit, en effet, ne doit-elle pas s'intéresser, en tout premier lieu, à ceux qui "prévoient" - au sens de décident- ce qui sera? L'astrologie ne doit-elle pas nous aider à comprendre ceux qui ne sont pas sous l'influence des autres hommes mais qui ont vocation à les entrainer? Autrement dit, il serait vain de dresser des thèmes astraux pour tout un chacun car la plupart d'entre nous sommes conditionnés par des phénomènes collectifs qui sont la conséquence des initiatives d'une certaine élite que l'astrologie a la mission d'observer et ce d'autant plus que cette élite ne doit son pouvoir qu'à la dite astrologie de par les pouvoirs qu'elle leur confère par rapport au reste des mortels. Ce sont en quelque sorte des demi-dieux.
Concluons: est-il pour autant interdit et surtout impossible de se servir de quelque astrologie, aussi tarabiscotée soit-elle, pour un large public? Pourquoi pas, à condition de parler d'astromancie. Après tout l'astrologie a une utilisation très particulière de l'astronomie qu'elle instrumentalise à sa façon, pourquoi, à son tour, l'astrologie ne serait pas également instrumentalisée par des formes de divination, d'autant que celles-ci ont probablement précédé son émergence?
Nous voilà donc face à un triptyque astronomie, astrologie -nous parlerons volontiers d'une cosmocratique-, astromancie -nous parlerons dans ce cas d'une cosmothérapie.
.

JHB
13.02. 10

Aucun commentaire: