samedi 23 janvier 2010

D'un congrès à l'autre: 1937-1997 : quel changement?

par Jacques HalBronn

Dans cette étude nous comparerons les actes de deux colloques tenus à soixante ans de distance, à Paris, l'un en 1937, lors de l'Exposition Universelle, l'autre, en 1997, au Foyer International d'Accueil de Paris. Le premier rassemblait les disciples de Dom Néroman (alias Maurice Rougie, ingénieur des mines), autour du fondateur du Collège Astrologique de France, l'autre ceux de Jean Pierre Nicola; en présence également du chef de l"école conditionaliste (COMAC). Le colloque de 1997 s'intitule '"L'astrologie : une science en marche" alors que celui de 1937 porte le nom de 'Un acte. le colloque de 1937' (Ed. sous le ciel)
Ce qui frappe, ce sont les points communs entre ces deux événements et une certaine impression de déjà vu, quand on compare 1997 à 1937. Deux Colloques qui se présentent sous le signe d'une certaine exigence et d'une certaine rigueur terminologique, en prônant tous deux une très forte assise astronomique comme le meilleur moyen de mettre fin à certaines errances et à une persistante marginalisation de l'Astrologie.
Nous retiendrons un point qui nous semble singulièrement important pour l'avenir, à savoir le discours tenu, à soixante ans de distance, sur l'apport des statistiques à l'astrologie (voir le récent débat tenu à Montpellier, sur teleprovidence). Rapprochement d'autant plus concevable que déjà en 1937 existait, notamment avec Choisnard, dès avant la première guerre mondiale, mais aussi Krafft et Lasson, dans les années Trente, à la veille de la seconde guerre mondiale, toute une série de résultats statistiques. Soixante ans plus tard, nous avons ceux de Michel et Françoise Gauquelin et de Suzel Fuzeau-Braesch. Les similitudes entre les deux colloques s'expliquent, au demeurant, en partie par le fait que Nicola (né en 1929) n'est pas sans avoir pris connaissance des publications de Néroman.
En 1937, dans sa communication intitulée "La discipline scientifique dans l'effort moderne", Néroman - qui avait débuté l'astrologie quelques années plus tôt, notait : "Le contrôle astrologique est au premier chef difficile parce que chaque règle formulée est propre à un facteur défini et que l'effet de chaque facteur est modifié, altéré et souvent anéanti par l'effet collectif de tous les autres facteurs. En d'autres termes, l'effet astrologique est essentiellement un effet de synthèse et le contrôle est essentiellement un examen analytique. On est désarmé" (p. 128
Comparons avec le propos de Patrick Le Guen, dans sa communication de 1997 (pp. 17 et seq) intitulée " En matière de recherche, outre les statistiques existe-t-il d'autres voies, d'autres méthodes pour valider le signal astrologique?":
"L'interférence de facteurs extra-astrologiques(contexte culturel, familial, historique) pouvait venir modifier, amplifier, contrarier les corrélations obtenues"
"La non prise en compte des variables extra-horoscopiques (..) peut affaiblir considérablement la valeur de ses résultats".
Le Guen face à certains résultats négatifs de Gauquelin se demande : 'Et justement, s'il ne trouve pas de résultats probants pour les planètes Soleil, Mercure, Uranus, Neptune et Pluton, ou pour les signes et les aspects, cela ne tient-il pas à l'inadéquation de ces hypothèses de travail?" et d'insister sur la "globalité du thème".
Les deux écoles semblent conclure que si la voie statistique a ses limites, pour ne pas parler de la pratique qui est fonction d'un grand nombre de paramètres non astrologiques, la voie royale resterait celle de la cohérence théorique, passant par un sévère élagage. D'ailleurs, comment aurait-on pu déterminer les significations propres à chaque facteur au sein d'un ensemble aussi imbriqué si ce n'est à partir d'une systématique sous-jacente dont Nicola pense avoir trouvé le secret? On reconnait ainsi que l'astrologie ne fait sens qu'au niveau des archétypes, quelle que soit la formulation que l'on en fasse, mythologique, symbolique, métaphysique....En fait, pour ces deux écoles, on ne prouve pas l'astrologie au niveau pratique, on ne fait que l'appliquer avec tout ce que cela implique d'ajustements au terrain.
Néroman demande à "remettre de l'ordre dans les notions fondamentales que nous acceptons(...) admettre très peu de lois et même comme je l'ai fait jusqu'en n'en admettre qu'une, la grande loi cosmique, la Loi d'Hermès, naturellement escortée de toutes celles qui en dérivent comme de purs théorèmes. On croira que nous risquons d'être moins riches en règles. Allons donc! Est-ce être riche que d'avoir un stock hétérogène de dictons contradictoires et de les connaitre assez pour sortir toujours celui dont on a besoin? Pour faire illusion, ce bric-à-brac est une richesse, pour édifier une science, il ne vaut rien"
Nicola, lui aussi, a souhaité évacuer de l'astrologie certains dispositifs.
Mais là où persiste un obstacle épistémologique majeur et apparemment non réglé, soixante ans plus tard, c'est l'idée, apparemment fort sensée, selon laquelle on ne saurait isoler un facteur astrologique d'autres facteurs astrologiques mais aussi extra-astrologiques, ce qui semble devoir compromettre sensiblement l'approche statistique dans ce domaine, alors que le travail de l'astrologue est voué à la synthèse, notamment au regard du thème natal.
Revenons sur ce que Le Guen écrit concernant les résultats statistiques de Gauquelin. Visiblement, il ne pense pas que l'on puisse fonder l'astrologie sur les statistiques si ce n'est au prix d'un très complexe aménagement dont on voit mal la méthodologie et qui marcherait au cas par cas! Et ce qui frappe, c'est qu'en fait, l'idée d'une interdépendance des facteurs, notamment par rapport au thème natal, est posée comme une évidence, sans parler de celle qui découle de la structure même intégrée du système solaire. On en arrive à l'idée que l'astrologie serait foncièrement un objet complexe (le thème) décrivant un monde complexe au moyen d'un modèle non moins complexe (le système solaire, le premier et le second mobiles). On ne sait donc pas si la critique des travaux de Gauquelin est liée aux résultats insuffisants ou si c'est une critique de principe par rapport à tout discours qui prétendrait échapper à la dite complexité, considérée, en quelque sorte, comme un postulat, tout au plus, en élaguant un peu, pourrait-on délester l'astrologie de certains de ses dispositifs les plus étranges, tout en maintenant les planètes, les signes, les maisons, les aspects, constituant une sorte de tétralogie dont peu d'astrologues sont parvenus à s'extraire, ce que pourtant un Kepler, il y a 400 ans, avait tenté de faire - sans être autrement suivi- privilégiant finalement les aspects planétaires et évacuant signes et maisons du noyau de l'astrologie.
Notre propre approche rompt avec ce qui a été décrit jusqu'ici à propos de ces deux colloques (1937 & 1997) placés, pourtant, sous le signe d'une certaine réforme. Elle se définit désormais dans le cadre du NOA, le Nouvel Ordre Astrologique qui prévoit 4 niveaux bien distincts.
Pour commencer, nous dirons que les résultats Gauquelin sont exhaustifs concernant le mouvement diurne, c'est à dire le thème natal - ce qui n'épuise en revanche pas la question de la cyclicité, notamment en Astrologie mondiale. Ce qui ne ressort pas des travaux Gauquelin n'appartient tout simplement pas au niveau 1 de NOA et se situe à des niveaux inférieurs ( 2 à 4) ne se prêtant pas aux mêmes exigences épistémologiques. Ce surplus correspond à des additions, à des prolongements certes utiles, en un certain sens, mais aléatoires et se prêtant à un nombre illimité de solutions ponctuelles, propres à chaque astrologue. Une telle complexité ne saurait donc imposer sa loi au niveau 1. Autrement dit, les travaux de Gauquelin font apparaitre une ligne de démarcation entre le niveau 1 et les niveaux 2 et plus, en ce qui concerne la dimension astrologique de la venue au monde des humains, laquelle n'est certes qu'une dimension de l'astrologie. Autrement dit, toute utilisation du thème natal recourant à ce qui n'a pas été retenu par Gauquelin se situe extra muros du niveau 1 et ne pourra être intégrée dans le niveau 1 que par d'autres biais, notamment au regard d'une certaine cyclicité planétaire, dégagée de la question du thème natal (cf infra), notamment au niveau des aspects.
Imaginons une assiette sale. Quand on fait la vaisselle, l'assiette sera débarrassée de ses déchets mais qui nierait que l'assiette ne peut pas être décrite sans les dits déchets? Gauquelin a fait la vaisselle ou la lessive de l'astrologie natale. Ceux qui le contestent nous font penser à des personnes incapables de distinguer entre ce qui est propre et ce qui est sale, même s'il est évident que toute chose est amenée à se salir de par l'usage qui en est fait. Il est d'ailleurs remarquable, sémantiquement, que le mot "propre" signifie ce qui définit réellement un objet ou un sujet. D'où les expressions "au sens propre", "à proprement parler", la "propriété" de quelque chose étant ce qui la caractérise, ce qui lui correspond intrinsèquement. L'on pourrait donc revendiquer une astrologie propre ( en anglais '"A proper Astrology", même si en anglais l'opposition avec sale n'existe pas, on emploie le mot "clean"). Encore faut-il trouver le produit qui permette à l'astrologie de retrouver sa propreté et sa propriété...., de se "réapproprier" son niveau 1.
Si l'on passe à la question des cycles, l'on ne dispose pas de l'équivalent des travaux de Gauquelin et l'astrologie mondiale au stade où l'a conduite un André Barbault, n'a pas vraiment fait ses preuves en ce sens qu'elle n'a pas fait la ou la lessive. Tout au plus, cependant, a-t-on mis de côté les significations zodiacales qui empêchent de faire apparaitre des récurrences quand on attache trop d'importance au passage de telle planète en tel signe (mais cela n'empêche pas certains de continuer à discourir sur l'entrée de Pluton en capricorne!, un des sujets prévus au prochain colloque Source-SEP Hermès de mars 2010, à Paris). Le grand absent, c'est évidemment les étoiles fixes (voir le récent ouvrage de Danièle Jay ("Le Ciel en mouvement, clé des jugements astrologiques", Poissy, Ed. Sep Hermès, 2006, ch. VIII "Les étoiles fixes") alors qu'en revanche, l'on se trouve dans une combinatoire pluri-planétaire et pluri-cyclique (sur laquelle Yves Lenoble, passé d'ailleurs par l'école de Nicola, s'exprime abondamment, voir ses interventions au prochain colloque Source-SEP Hermès). Comment dès lors distinguer le niveau 1 des autres niveaux du NOA?
Ce qui plombe l'astrologie mondiale actuelle, c'est, paradoxalement, l'absence d'une véritable cyclicité. Comment cela? "Mais l'astrologie mondiale ne fait que traiter des cycles, nous répliquera-t-on, vous voulez plaisanter!" La forêt ici cache l'arbre contrairement à un certain adage... L'ensemble de ces cycles constitue ce qu'on peut appeler une "usine à gaz" qui n'aurait pas grand chose à envier au thème natal dont on sait qu'il est lui aussi, par le biais des transits, bombardé par toutes sortes de "cycles" qui se succèdent et se juxtaposent tout au long de l'existence. Mais bien plus grave, il semble qu'en fait les astrologues n'aient pas une idée claire de ce que c'est qu'un cycle car si c'était le cas ils n'éprouveraient pas le besoin d'en combiner plusieurs! Il est vrai qu'à partir du moment où l'on fait l'impasse sur les étoiles fixes pour constituer des cycles, l'on est contraint soit d'associer deux planètes entre elles, ce qui génère des distorsions de toutes sortes (cf. infra), soit de les relier au thème d'une personne ou d'une entité, d'un événement, notamment en ce qui concerne le "retour" d'un astre sur sa position dans le thème ou encore dans le même signe zodiacal (ce qui est un substitut grossier au passage sur telle étoile fixe)
Quand nous entendons certaines conférences en astrologie mondiale, qui se tiennent de nos jours, nous sommes frappés par la débauche des moyens utilisés qui dissimule mal une définition insuffisante du cycle en ce que le cycle porte en lui-même sa propre dialectique puisqu'il est axé sur une conjonction et que cette conjonction, par définition, est vouée à se défaire pour se reconstituer plus tard, selon une cyclicité parfaitement régulière, liée à la vitesse de révolution de la planète considérée (dans le cas d'un cycle planète/étoile fixe) ou à celle des révolutions combinées des deux planètes formant cycle (dans le cas d'un cycle planète/planète), ce qui ne correspondra au cycle "propre" d'aucune de deux planètes ainsi associées. Pour s'en tenir à ce principe de propreté, défini plus haut, en effet, la combinaison de deux planètes ne respecte pas le cycle propre ni de l'une ni de l'autre, notamment au niveau numérique. Or, chez les champions de la cohérence du système solaire -on pense notamment à l'école conditionaliste - qui accorde une certaine importance à la "loi" de Titius-Bode sur la disposition des révolutions planétaires les unes par rapport aux autres- le concept de cycle biplanétaire devrait faire problème. C'est ainsi que Saturne qui fait en quelque sorte pendant à la Lune, avec ses 29 ans face aux 29 jours de l'astre des nuit, se retrouve quand il est combiné à une autre planète, ne jamais restituer ce nombre au niveau cyclique! Bien plus, selon son partenaire planétaire, le temps saturnien différera, du simple (Jupiter- Saturne, 20 ans) au double (Jupiter-Uranus, 44 ans)
Ce que les hérauts de l'astrologie mondiale actuelle ne semblent pas avoir encore compris, c'est qu'il vaut mieux se servir d'un seul cycle dont ont maîtrise pleinement les phases que d'une pléiade de cycles utilisés ponctuellement et partiellement, de façon brouillonne et confuse! C'est ainsi que pour étudier un cycle A, on n'a pas besoin de faire intervenir un cycle B puis un cycle C etc. dès lors que l'on a compris que le cycle A génère ses propres résistances quand il passe par une période disjonctionnelle. Or, le grand avantage de n'utiliser qu'un seul cycle plutôt que deux, trois ou quatre, c'est que l'on reste dans une seule et même cyclicité et donc que l'on respecte le principe d'un retour, au bout d'un temps bien défini et toujours numériquement identique, à la conjonction. Faute de quoi, la cyclicité se démultiplie et part dans tous les sens. Or, ce travers n'a pas été évité par l'astrologie mondiale telle qu'elle s'est développée depuis les années trente du XXe siècle.
On nous objectera évidemment que l'on ne peut faire abstraction des planètes existant dans le système solaire: elles sont bien là, n'est-ce pas? De quel droit les astrologues pourraient-ils ne pas tenir compte de tout ce que l'astronomie leur offre généreusement sur un plateau? On retrouve là le même argument que par rapport à Gauquelin (cf supra) : pourquoi pas Uranus, Neptune, Pluton, Mercure et, sacrilège,... le soleil, qui serait le grand oublié! On touche là à un postulat de conformité astrologie/astronomie qu'il serait criminel de ne pas respecter!
Tout se passe en effet comme si l'astrologie n'ayant pas de colonne vertébrale s'accrochait désespérément à l'astronomie! Et de fait, l’absence d'une doctrine cyclique digne de ce nom conduit à cette politique de Gribouille, qui n'est certes pas sans quelque tonalité poétique! Le paroxysme aura évidemment été la façon dont les astrologues se sont précipité sur les nouvelles planètes, générant ainsi une inflation et une pléthore inqualifiables, même si, selon Nicola, on peut ne pas tenir compte de ce qu'il n'a pas retenu dans son RET -qui s'arrête à Pluton et ignore les astéroïdes, pourtant présents au cœur de la Loi de Bode - et qui, en quelque sorte, ferait double emploi! Qui ne voit qu'il faille mettre de l'ordre dans un tel fouillis!
En fait, il y a là un problème qui relève de l'épistémologie de l'Histoire de l'Astrologie. Il semble que les astrologues ne comprennent guère comment est née leur discipline, quelle en a été la génése. Ils s'appuient sur des textes qui n'épuisent nullement la question. Ils confondent l'Histoire de l'Astrologie avec celle de sa littérature (notamment la Tétrabible) comme l'on pourrait confondre l'Histoire des Hébreux/Juifs avec la Bible! Or, il est clair que l'astrologie telle que la relate Ptolémée, astronome plus qu'astrologue, au IIe siècle de l’ère chrétienne, en est déjà à un stade de décadence, où le niveau 1 (NOA) est mélangé avec les autres niveaux, formant ainsi les bases d'un certain "savoir-faire" astrologique. (Voir notre récent entretien avec Serge Bret Morel, sur teleprovidence)
Que l'astronomie soit la source, le matériau dont l'astrologie se sert pour établir sa cyclicité, on ne saurait en douter. C'est la cyclicité cosmique qui aura servi de matrice à la mise en place d'une cyclicité humaine, par delà le cycle saisonnier, par trop limité par la brièveté relative de la révolution terrestre. De là à en conclure que tout ce qui relève, a relevé, relèvera (un jour) de l'astronomie doive s'inscrire dans le discours astrologique, il y a là un pas que l'on ne saurait franchir!
Une des raisons de l'objection de P. Le Guen aux résultats Gauquelin, c'est qu'ils compromettent la validité du principe selon lequel tout ce qui existe dans le système solaire aurait ipso facto une portée astrologique (du moins au niveau 1 NOA). Reconnaissons que Gauquelin n'a pas toujours sur tirer toutes les conclusions relatives à ses propres travaux (voir notre entretien audio avec lui, sur teleprovidence). Or, astronomiquement, il n'y a évidemment aucune raison pour que Mercure ou Uranus ne jouent pas un rôle astrologique au même titre que Mars ou Saturne. Ce qui montre que le fait qu'une planète existe astronomiquement ne prouve pas qu'elle existe nécessairement astrologiquement. Comment, dès lors, expliquer un tel décalage, mis en évidence par les statistiques de Gauquelin? Par le facteur H, c'est à dire par les besoins et les connaissances des Hommes à un moment donné, soit lors de la fondation de l'astrologie.
Ce facteur H, comme nous le désignerons désormais, intervient bien entendu également au niveau de la cyclicité astrologique. Nos sociétés n'ont que faire d'un trop plein de cycles, d'une "richesse" encombrante, pour reprendre la formule de Néroman. Adoptons une astrologie à visage humain, qui ne multiplie pas les cycles, de façon aveugle et irresponsable et qui soit en phase avec le rythme des sociétés! A vouloir utiliser trop de cycles, on éparpille l'astrologie... Certes, la vie des humains n'est-elle pas complexe, obéit-elle vraiment à une cyclicité idéale? C'est bien là qu'il importe de ne pas vouloir se servir de l'astrologie pour tout expliquer de ce qui arrive aux hommes. On nous objectera que d'une part, nous prônons une astrologie à échelle humaine et que de l'autre, nous ne voulons pas que l'astrologie soit un miroir fidèle de ce qui nous arrive! Ce n'est là qu'une contradiction apparente, on l'aura compris mais dont il est urgent que les astrologues se libèrent.
Le rôle de l'astrologie, historiquement, n'a pas été, du moins initialement, de refléter le monde sous sa forme la plus chaotique mais au contraire de recourir au cosmos (en grec, ordre) pour précisément introduire de l'ordre dans le monde. Un clivage se fait jour ici entre les astrologues qui acceptent l'idée que l'astrologie ait été créée par les hommes (facteur H) et ceux qui considèrent que les hommes se sont conformés à un système astrologique préexistant et donc ne prenant pas spécialement en compte le dit facteur H.
Lors du Colloque de 1997, un des orateurs, Philippe Pinchon ("Signal et symbole") écrit: "Le signal présuppose l'existence d'un émetteur- la mécanique céleste- et d'un récepteur - l'Homme". Nous remettons en question une telle représentation. Pour nous, le récepteur détermine ce qu'il prend de l'émetteur tout comme le sculpteur ne garde du bloc qu'il utilise que ce dont il a besoin pour réaliser son œuvre. Pour nous, le mot signal est directement lié à la notion d'aspect et plus précisément de conjonction. Ce n'est pas l'astre qui émet mais la configuration qui a été choisie par les hommes pour faire sens cycliquement. Or, des configurations, il y en a un nombre infini - puisque tout intervalle peut être retenu entre deux corps célestes - si l'on ne s'en tient pas aux conjonctions - à la différence du nombre de planètes pouvant servir à constituer une configuration. D'ailleurs, pour l'astronomie, la conjonction n'a aucune pertinence particulière, d'autant qu'elle est très relative, les astres ne se rencontrant jamais réellement, c'est un effet de perspective. Tout au plus, l'astronome s'intéressera-t-il aux occultations et aux éclipses, sans parler des nouvelles lunes. C'est dire que l'idée de signal astrologique est déjà marquée par le facteur H, avec ce que cela implique de sélection, de choix parmi une infinité de possibles. Autrement dit, c'est un leurre que de parler d'une astrologie planétaire de type RET sans codifier les interactions en son sein et c'est alors qu'il devient évident qu'il faille opter pour certaines interactions parmi tant d'autres. En refusant ou en reportant une telle problématique combinatoire, on en arrive, comme le font les intervenants aux deux colloques étudiés, à situer la question des interactions hors du modèle (cf. supra) alors que celles-ci se placent au cœur du modèle, à partir du moment, certes, où un choix parmi les dites interactions a été opéré. En fin de compte, cela signifie que faute d'avoir réglé le problème au niveau théorique, les astrologues s'en remettent à la pratique pour le gérer au coup par coup!
En fait, un certain clivage semble partager les astrologues: d'un côté, ceux qui pensent que le système solaire génère sa propre résultante, du fait même du thème natal (voir Y. Lenoble, Initiation à la pratique des cycles, Poissy, ARRC, 1994), qui considèrent que l'enfant est marqué par la structure du dit thème natal, sans que l'on sache trop bien comment - pas plus que l'on ne sait comment on a pu déterminé la signification propre à chaque planète ( à moins de raisonner comme Nicola élaborant le RET) et de l'autre, ceux, comme nous, qui soutiennent que ce sont les hommes qui ont déterminé le ciel "utile" à leurs projets, selon des codes extrêmement simples et que c'est l'enfant qui choisit de naitre à un moment qui lui correspond - là encore selon des codes des plus sommaires - étant entendu que si la naissance ne se déroule pas normalement, le thème perd alors toute valeur. Face à face deux astrologies, la première complexe - et disons-le compliquée - qui fait des humains des récepteurs subissant l'empreinte céleste alors que la seconde favorise une astronomie humanisée, décantée, apprivoisée, instrumentalisée au service de l'Humanité. De même, l'astrologue va choisir ce qui lui parle dans le thème, la "carte du ciel" qu'il étudie, comme le note Olivier Peyrebrune (La cause philosophique de l'astrologie, op. cit, 2009, p. 21) : "Ce qui semble vrai en astrologie n'est souvent que du ressenti : on constate que les règles s'effacent devant le discernement intuitif".
En conclusion de ce long article, nous soulignerons le fait que lorsque l'on regarde le ciel, même si l'on ne sait pas distinguer les astres entre eux, il est relativement aisé de remarquer des conjonctions, quand bien même ne connaitrait-on pas la différence entre planètes et étoiles. C'est d'ailleurs probablement en observant des conjonctions en train de se faire que les astronomes ont pris conscience de l'existence de deux types d'astres, étoiles errantes (planètes) et étoiles fixes. L'astrologie de niveau 1 NOA ne va pas beaucoup plus loin dans la complexité. Selon nous, parmi ces conjonctions, il fallut en choisir une qui en serait en quelque sorte la reine, à l'instar de l'ordre social sur Terre. C'est en revanche, le passage du niveau 1 au niveau 2 qui introduit une complexité supplémentaire- d'où la production de lourds traités-surtout en astrologie généthliaque. (voir notre étude dans la présente livraison sur l'astrologie mondiale au XIXe siècle, dans les milieux nostradamistes), de façon à faire "coller" toujours plus, l'astrologie avec la complexité du réel sublunaire.
Si le champ de l'avoir est éminemment complexe et hétérogène, et c'est une galère dans laquelle l'astrologie ne peut que se perdre, dans tous les sens du terme, en revanche, celui de l'être se réduit à un nombre très restreint de possibilités - être en haut ou être en bas de l'échelle sociale, être seul ou en groupe. Le reste relève, peu ou prou, de l'avoir, c'est à dire de l'habillage, de l'habitat, de l'habitude (même racine qu'habeo, en latin, avoir). Nous dirons que lorsque l'on quitte le niveau 1, l'on passe au stade de l'habit (qui ne fait pas le moine, dit l'adage) et que l'on peut changer ce que l'on a "comme de chemise". Bien des gens confondent d'ailleurs l'être et l'avoir, tout simplement parce qu'ils ignorent ce que c'est que l'être, ce que c'est qu'être. L'avoir est par définition une imposture. Quand on vend une robe à quelqu'un, on alimente son avoir mais en même temps si on lui reprenait sa robe, ce ne serait que du vol, pas du viol, pas de la violence qui s'attaquent au corps nu, donc à l'être. Tout ce qui habille le corps est de l'ordre de l'avoir mais aussi tout ce qui vient, en quelque sorte, habiller le psychisme. En cela l'astrologie se distingue-t-elle de la psychanalyse, l'une travaillant plutôt sur l'avoir et l'autre sur l'être. L'avoir, c'est ce que nous recevons, l'être, ce que nous émettons. Nous dirions que l'on accède à l'être par l'abstraction, c'est à dire le dépouillement de l'avoir alors que nous accédons à l'avoir par l'extraction, ce qui est secrété par l'être et qui devient pour le récepteur de l'avoir. Appréhender l'être de l'autre consiste souvent, pour bien des gens, à le réduire à une expression ponctuelle qui ne saurait épuiser son être. (Voir à ce sujet le film "Rapt"). Quand Néroman parle d'un savoir hétéroclite en parlant de la tradition astrologique, il entend, à ce qu'il nous semble, l'avoir, l'acquis de l'astrologie, c'est à dire tout ce qui a pu être secrété au cours des siècles par les astrologues et dont ils ont tant de mal à se délester, à la déshabiller pour qu'elle retrouve son être, son essence, son inné par delà tout ce que le dit être a pu, peut ou pourra produire.
Mais là où ne suivrons ni Néroman, ni Nicola, c'est quant à l'idée implicite selon laquelle l'astrologie serait du côté de la Nature plutôt que de la Culture. Le passage de l'astronomie à l'astrologie serait, précisément, selon nous, le passage de la Nature à la Culture. (Voir notre entretien avec Nicola et Philippe Pinchon, sur teleprovidence et le colloque de Montréal, également sur teleprovidence), étant entendu que la Culture émane certes de la Nature mais, en quelque sorte, la transcende, la sublime, elle n'en est jamais qu’une manifestation parmi une infinité de (com) possibles, restés virtuels. L'astrologie est aussi un dépassement du cycle annuel, donc du cycle saisonnier et le fait qu'elle recourt parfois à tel ou tel modèle n''est qu'un épiphénomène (de niveau 2), une commodité tout comme c'en est une pour l'astronomie de se servir de l'iconographie zodiacale ou des noms de dieux pour se repérer, pour indiquer une progression (évolution) ou une rétro/dé/gradation (involution). Certes, l'éthique de l'astrologie consiste-t-elle à vivre au rythme du cosmos mais c'est d'un cosmos revisité par l'Homme, "humanisé", "humaniste" qu'il s'agit et non d'un donné brut qui n'aurait pas être retravaillé. L'astrologie appartient, selon nous, au champ juridique mais ce n'est pas un Droit livresque mais, au départ, un droit oral s'articulant sur quelques données extrêmement simples à observer au Ciel. Une écriture en quelque sorte par défaut: où il s'agit non pas d'écrire mais de choisir parmi les choix possibles, à la façon de certains tests où il faut cocher les réponses correctes, sans avoir quoi que ce soit à rédiger. Une astrologie du cochage - cochante- procédant par élimination- infiniment plus simple que l'astrologie généthliaque et donc indépendante de la production livresque (voir notre étude sur cette littérature dans la présente livraison, à propos notamment de la seconde moitié du XIXe siècle)



JHB
10.12.09

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