samedi 23 janvier 2010

La mode des concordances en astrologie

par Jacques HalBronn

Une solution "miracle" souvent prônée en astrologie pour pallier les effets de la diversité des techniques et des méthodes pourrait porter le nom de "concordance", terme que nous emprunterons au domaine du prophétisme. Rappelons que nous avons consacré une vingtaine d'années à explorer la littérature prophétique et notamment aux recueils prophétiques (1987-2007).
L'abbé Chabauty recommandait ainsi, il y a 135 ans, la formule de la concordance ("Les Prophéties Modernes vengées ou Défense de la concordance de toutes les prophéties", Poitiers, 1874) : une fois constituée une "collection des prophéties", il ne fallait pas s'arrêter à une prophétie en particulier, il fallait considérer leur ensemble et examiner "en quel point s'accordent le plus grand nombre des témoins prophétiques". (p. 19)
On pourrait aisément transposer un telle approche au corpus astrologique, à ce détail près que l'on parle rarement en astrologie de "recueil" de textes et que l'on préfère le terme plus noble de "tradition", qui recouvre une réalité tout aussi syncrétique.
Que de fois n'avons-nous pas entendu des enseignants conseiller de s'intéresser aux recoupements, aux convergences entre toutes sortes de critères, ce qui faisait que leur multiplicité, de leur quantité, n'était pas censée faire problème puisque c'est grâce à elle, au contraire, que des lignes de force pourraient se dessiner et apparaitre! C’est ce que l'on pourrait appeler le désordre organisé...Le thème natal se prête idéalement à une telle démarche et accueille tout nouvel apport sans réticence, à commencer par de nouvelles planètes qui vont ainsi permettre de préciser la focalisation.
Cette idée de rassemblement, d'ensemble supposé, marque toute la pensée astrologique du XXe siècle, depuis l'ensemble constitué par le système solaire jusqu'à l'ensemble de tout ce que contient le thème natal, l'ensemble de toutes les techniques prévisionnelles etc. C'est le syndrome du corpus, du canon qui est à la fois marqué par une certaine fermeture et par un évident éclectisme.
Pour notre part, le XXIe siècle astrologique va devoir rompre avec une telle épistémologie concordantiste car le présupposé de l'interaction entre tout ce qui porte le nom d'astrologie - ou dans le cas étudié plus haut de prophétie- est certes valable au niveau scientifique et politique ("il faut de tout pour faire un monde") et notamment astronomique mais certainement pas dans celui des sciences humaines dont on sait qu'elles sont menacées par l'accumulation des émanations, des secrétions, des traces de toutes sortes, qui sont stockées dans des bibliothèques, le terme recouvrant à la fois des lieux et des ouvrages à caractère anthologique (cela semble bien être le cas de la Tétrabible, telle que composée par Ptolémée, à partir de diverses sources), comme ces innombrables recueils prophétiques qui marquèrent aussi bien le XVIe siècle que le XIXe siècle. Parfois, les colloques sont aussi l'occasion d'un telle collection de "curiosités" (voir le dernier Colloque du RAO, en novembre 2009, "L'astrologie et la vie quotidienne") mais c'est aussi le cas de "Dictionnaires", comme celui d'Henri Gouchon, paru en 1935 mais réédité jusqu'à ce jour, non sans être augmenté. Comme disait en 1937 Néroman (voir notre étude sur son congrès, dans la présente livraison), il faut se méfier d'une certaine richesse de l'astrologie due à l'existence d'un certain bazar.
Certes, il n'est pas inintéressant, dans certains domaines, d'étudier les convergences, les recoupements- et même Serge Bret-Morel (voir son site l'astrologie et la raison et les récents enregistrements sur teleprovidence) semble victime d'une telle illusion (voir ce qu'il écrit à propos du "savoir faire" de l'astrologue, de sa panoplie, faudrait-il dire). On nous parle de boite à outils, comme Emmanuel Leroy), du chirurgien qui tantôt se sert de tel instrument, tantôt de tel autre, lors d'une opération...
Que dire de l'approche statistique en Astrologie? Elle s'apparente à une telle recherche de convergence dès lors que l'astrologue statisticien va mettre en avant les points communs entre les thèmes des personnes ainsi réunies, du fait d'une même appartenance à un facteur donné. On pourrait en dire autant de la synastrie qui consiste à relever ce qui se recoupe entre deux thèmes. Mais même la consultation astrologique n'est-elle pas la constitution d'un corpus constitué d'une part du thème astral et de l'autre de tout le vécu d'un individu donné, avec pour objet de faire apparaitre des convergences?
Paradoxe d'ailleurs que ce souci de convergence, dans la pratique, voisinant, chez les astrologues, avec une tendance à différencier chaque facteur au niveau théorique!.
Ce qui fait problème, c'est le manque de hiérarchisation. Qu'à partir d'un modèle central et aussi simple que possible l'on puisse greffer des sous-modèles, forcément provisoires et épistémologiquement forcément plus douteux, cela nous parait acceptable. Mais qu'en l'absence d'un tel modèle, l'on fasse d'entrée de jeu cohabiter toutes sortes de paramètres, de critères en vue....de déterminer le facteur dominant, c'est là que le bât blesse!
Si l'on transpose le débat, au niveau politique, nous dirons qu'il y a le régime présidentiel où c'est le président qui choisit son équipe et qui fait pendant au Parlement dont il n'est pas issu et qu'il y a le régime parlementaire où le premier ministre est le chef du parti vainqueur des élections, ce qui, en pratique, revient -sauf dans le cas d'une victoire écrasante d'un parti, à ce que le premier ministre soit la résultante des alliances conclues en vue de constituer une majorité de gouvernement. Dans un cas on va de haut en bas, de l'un vers le multiple et dans l'autre de bas en haut, du multiple vers le un, ce dernier cas de figure étant le mieux accepté présentement en astrologie, ce contre quoi nous nous élevons, même si nous sommes conscients que les deux processus se complètent et se relaient cycliquement. Il est en effet des moments où le pouvoir qui vient d'en haut doit laisser la place au pouvoir qui vient d'en bas mais cela n'est pas à sens unique. Mais ce qui vaut au niveau de l'organisation d'une société vaut-il pour l'organisation d'un savoir? C'est la question qu'aborde le NOA.





JHB

Aucun commentaire: