samedi 23 janvier 2010

Vers un nouveau paradigme de la genèse de l'Astrologie

par Jacques HalBronn

En ce début d'une nouvelle décennie, il importe, selon nous, de changer de paradigme concernant la façon dont l'astrologie est née et s'est développée jusqu'à nos jours y compris.
Que dit l'ancien paradigme? Que l'astrologie n'a pas été inventée par les hommes, qu'elle est en quelque sorte le langage de l'Univers dont les hommes feraient partie. Par conséquent, plus nous comprenons et découvrons l'Univers, plus l'astrologie pourra progresser et se constituer en tant que Science. Quand on considère, par exemple, le système RET de J. P. Nicola, il est évident qu'il n'aurait pu se mettre en place sans la découverte des planètes transsaturniennes, donc pas avant 1930, puisqu'il inclut Pluton. Grâce aux avancées de l'astronomie, l'on accéderait enfin aux clefs de l'astrologie.
L'un des défauts de cette approche est qu'il laisse entendre que l'astrologie aura passé le plus clair de son histoire, avec des données incomplètes et l'on peut se demander, rétrospectivement, comment elle a bien pu fonctionner pendant tant de siècles encore qu'on l'on puisse se fier à l'ingéniosité des praticiens qui parviennent toujours à se débrouiller, avec les moyens du bord. Cependant, étrangement, les noms de dieux attribués aux planètes ne semblent pas, à en croire Nicola ou Gauquelin, complètement aberrants. Quand Nicola parle de Mars ou de Vénus, les astrologues s'y retrouvent peu ou prou. Par quel miracle puisque ces noms ont été attribués alors que l'on n'avait pas encore le RET? C'est dire que la prise en compte des transsaturniennes est plus un problème qu'une solution pour la pensée astrologique. Le problème, c'est qu'apparemment les astrologues modernes n'arrivaient pas à expliquer pourquoi ils devraient laisser de côté ces nouvelles planètes, du fait de l'adoption d'un postulat selon lequel l'astrologie n'avait de légitimité qu'en se calquant sur l'astronomie. On nous serinait d'ailleurs qu'astrologie et astronomie ne firent qu'un pendant une très longue période. Il fallait donc bien assumer ce lien quelles qu'en seraient les conséquences, sur l'autel de la modernité!
Est-ce qu'une telle représentation des choses -l'heure du bilan étant venue- aura contribué à intégrer l'astrologie à l'Université, toutes disciplines confondues, réunies (il y a Un dans Université)? Il serait bien vain de le croire si ce n'est dans le domaine de la sociologie des mentalités et des croyances et de l'Histoire des textes et de l'art.
Existe-t-il un autre paradigme de rechange? Oui, nous le pensons. Et ce paradigme prend largement le contrepied du précédent. Il nous parle d'une Humanité établissant, se fixant des signaux, à partir d'un choix très restreint de configurations et donc sans aucune intention d'intégrer toutes les données astronomiques alors connues et encore moins à connaitre au cours des siècles voire des millénaires suivants. Il nous parle aussi de toutes sortes d'additions qui sont venues se greffer autour de ce premier socle et ce jusqu'à nos jours. Il nous dit qu'entre ce socle primordial et ces ajouts, existe un fossé épistémologique, que l'on pourrait résumer en disant que ces ajouts sont des secrétions du dit socle, comme les fruits d'un arbre. L'arbre continue à exister alors que les fruits subissent une transformation : ils pourrissent, ils sont consommés, ils sont mis en conserves etc., bref ils n'ont qu'un temps tout comme les feuilles voire les branches.
Si l'on garde donc cette image de l'arbre et de ses fruits - mais l'on pourrait en trouver bien d'autres du même ordre à commencer par l'Humanité qui s'efforce de ne pas être submergée, étouffée par les déchets de toutes sortes qu'elle produit sans pour autant s'identifier avec de telles déjections.
Selon notre nouveau paradigme, la première chose est de prendre conscience - ce qui peut sembler aller de soi pour des gens habitués au cosmos- de l'existence de cycles et de ce qui peut s'accumuler au cours d'un cycle et ne doit pas se maintenir au cycle suivant. Vivre un nouveau cycle ne consiste pas à ajouter mais aussi à éliminer, à évacuer (pour faire du vide). Cela n'interdit pas évidemment aux historiens de conserver tout ce qui a pu ainsi être secrété au cours des siècles ou d'une vie, dans des musées, des bibliothèques, des archives, des banques de données.
Mais l'important est que l'arbre ne disparaisse pas sous ses secrétions et c'est d'ailleurs ce à quoi sert le cycle saisonnier qui restitue l'arbre dans sa nudité, avec la chute des feuilles et des fruits, récoltés ou non, et montre que ce qui l'ornait était passager.
La question est de savoir où se situe le tronc de l'astrologie et comment ce tronc s'est maintenu, perpétué au cours des âges. En effet, que sait-on aujourd'hui de l'astrologie? On peut certes la prendre comme un bloc mais ce bloc comporte tout un tas de notions, de subdivisions qui se sont accumulées et dont l'astrologie n'a pas su se délester, ne parvenant pas à distinguer l'essentiel du contingent, l'arbre de son feuillage comme un visage mangé par une énorme barbe et une chevelure envahissante. L'astrologie serait donc victime d'un dysfonctionnement cyclique, ce qui est un comble et qui préjuge mal des conseils que les astrologues peuvent dispenser à leurs clients!
On nous objectera qu'il est donc légitime d'avoir intégré de nouvelles données, telles que les transsaturniennes, que l'astrologie a bien fait sa mue....C'est là qu'il y a justement malentendu! Ces nouvelles données, quelles qu'elles soient, ne changent rien au 'tronc", au 'socle" établi depuis des millénaires. Elles relèvent d'un nouvel habillage, d'une nouvelle mode, sans plus. Mais cela n'autorise pas les astrologues qui sont censées veiller sur leur discipline, à tout mélanger, quand bien même s'agirait-il d'un retour aux sources de l'astrologie!
Cette question du ressourcement est un piège pour nombre de chercheurs. Imaginons que l'on retrouve la source d'une fable de La Fontaine, lequel a lourdement emprunté à Esope. Va-t-on pour autant se mettre à remanier ses célèbres textes, les corriger.? C'est que par rapport à une source, des choix se font, des options se prennent. Si l'astronomie est la source de l'astrologie, elle l'est à l'instar d'un bloc de marbre pour le sculpteur. On ne va quand même pas réduire le Penseur de Rodin au matériau dont il est issu, extrait.
Une autre objection se présente alors: vous nous dites qu'il ne faut pas réduire une chose à ses secrétions et maintenant vous soutenez qu'on ne doit pas se focaliser sur la source, sur l'origine! N'y a-t-il pas là contradiction? Nous dirons que l'astrologie n'est pas une sécrétion de l'astronomie, qu'elle n'en est pas le fruit, en tout cas pas à la façon dont un fruit émane d'un arbre pas plus que la sculpture n'est le fruit du bloc initial dont elle provient, à moins de ne prendre le mot fruit qu'au sens figuré. Ce qui change ici, c'est l'intervention humaine, le facteur H. Mais aussitôt vient une nouvelle objection: ce que les astrologues ont ajouté, au cours des siècles, comment ils ont 'enrichi" l'astrologie, n'est-ce pas justement l'œuvre des hommes? Nous répondrons que ces ajouts ne sont que le feuillage dont l'arbre astrologique a besoin de se parer pour vivre dans un contexte donné et le rôle des historiens de l'astrologie consiste à relever les modalités de l'intégration de l'astrologie au sein d'une culture donnée (voir notre ouvrage 'Le monde juif et l'astrologie. Histoire d'un vieux couple", Milan, Archè, 1985, à partir de notre thèse de 3e cycle, EPHE-Paris III, 1979)
Mais comme nous le disions, le vrai problème n'est pas là: il tient au fait que les astrologues ne savent plus reconnaitre le "tronc" de l'astrologie, son unité, et que, faute de mieux, ils adoptent en vrac tout ce qui a un quelconque rapport avec le sujet. Dieu reconnaitra les siens...Mais existe-t-il un dieu des astrologues pour déterminer ce qui est à garder et ce qui est à jeter, sans confondre le bébé avec l'eau du bain? Les astrologues reprochent à leurs critiques de ne pas savoir faire le tri mais en sont-ils eux-mêmes capables? Beaucoup répondent que leurs clients témoignent de la qualité de leur Astrologie. Ils ont bon dos les clients!
On comprend d'ailleurs les dérives, les tentatives de ressourcement comme si la perte d'un enfant pouvait être compensée par le fait que l'on a retrouvé ses géniteurs! Ce sont là des pis allers! Mais les enfants ne sont-ils pas les "fruits" de leurs parents?
Cela dit, une autre objection existe face à ce nouveau paradigme, en admettant même que l'on puisse s'entendre sur le vrai "tronc" de l'astrologie. Comment le dit tronc a-t-il pu perdurer par delà la transmission culturelle, orale ou écrite, la fréquentation des astres.? Car paradoxalement, toute cette littérature astrologique qui a été stockée a au moins le mérite d'exister, de se transmettre par toutes sortes de moyens, à commencer par les astrologues eux-mêmes de par leur profession (dans tous les sens du terme). Alors que ce tronc apparait comme une chose assez fantomatique, quasiment abstraite, ontologique?
Or, de deux choses l'une :
-ou bien l'astrologie est un phénomène purement culturel et cela ne pose pas problème épistémologiquement : les astrologues véhiculeraient un certain "savoir faire" (selon la formule de Serge Bret Morel, voir son site "l'astrologie et la raison" et notre entretien à la télévision astrologique). Ils auraient pour cela besoin d'un certain support divinatoire, comme un '"thème" (natal ou horaire ou celui de la date d'une fondation d'Etat etc.), sans que cela préjuge aucunement d'une quelconque influence astrale. Si de surcroit, les personnes regardent le ciel, elles peuvent en tirer quelque enseignement mais il faut pour cela qu'elles aient un certain bagage astronomique, sans parler du recours aux télescopes. A moins de se contenter d'ouvrir les éphémérides, ce qui est réservé aux astrologues et astrophiles mieux équipés, en règle générale, que leurs clients. Un astrologue, en ce sens, serait plus, de par ses connaissances, dépendant de l'astrologie - et de l'astronomie - qu'un non astrologue.
-ou bien l'astrologie correspond à un véritable déterminisme qui n'exige de nos jours aucune transmission de connaissance par le biais de tel ou tel outil de travail. Nous serions marqués par certaines configurations, que nous le voulions ou non, que nous le sachions ou non. C'est dans ce cadre que se situent les résultats statistiques de Gauquelin qui n'ont rien à voir avec le travail de l'astrologue influant nécessairement sur son client. Ce déterminisme s'originerait dans la fixation de certains signaux - le fameux "tronc" de l'astrologie, sa colonne vertébrale - par des sociétés fort anciennes. Mais ce socle se serait perpétué bien au delà des limites de temps et d'espace des dites sociétés jusqu'à nos jours et ce quel que puisse être l'état de connaissance de l'astrologie et de l'astronomie des civilisations concernées, qu'il soit considérable ou qu'il soit quasiment nul, au niveau de leurs populations, prises dans leur ensemble. Gauquelin avait bien compris l'importance qu'il convenait d'accorder à l'hérédité planétaire (ce que Choisnard, avant lui, appela l'hérédité astrale). En d'autres termes, notre rapport avec le 'socle' astrologique serait transmis génétiquement. On touche là à la question de la transmission lamarckienne des caractères acquis. Là encore, il conviendrait de distinguer entre ce qui peut se transmettre génétiquement et ce qui ne le peut pas. On retrouve ainsi notre problématique initiale : faire la part de ce qui est essentiel, déterminant (au sens propre) et de ce qui ne l'est pas et donc en restera au seul niveau d'une transmission en surface, de par l'éducation.
Nous mettrons en avant les points suivants:
1 les hommes ont choisi certaines configurations. La question est de savoir lesquelles et elles sont peu nombreuses, tant au niveau du découpage en castes socioprofessionnelles (à la façon Gauquelin) qu'au niveau cyclique.
2 Ces configurations fondées sur des phénomènes de résonance entre corps célestes ne concernent pas des facteurs fictifs ou n'ayant qu'une existence mathématique (signes, maisons, aspects). Ce sont avant tout des conjonctions se produisant selon une périodicité parfaitement régulière.
3 La sensibilité à de telles configurations est héréditaire. Il ne suffit pas de naitre pour capter certains signaux. Le thème natal pour tous ne relève pas du socle de l'astrologie mais appartient à ses ramifications subséquentes. Cette sensibilité n'implique aucun apprentissage, la preuve en étant avec les travaux de Gauquelin concernant la naissance.
Désormais, les critiques de l'astrologie devront, elles aussi, singulièrement se renouveler. L'argument de la précession des équinoxes n'a plus de sens pour une astrologie qui ne considère le zodiaque que comme une simple commodité, l'important étant la conjonction entre deux facteurs réels, ou en tout cas parfaitement perceptibles (dans le cas des travaux Gauquelin, il s'agit du "lever" d'un astre à la naissance).
Les critiques concernant le fait que les astres sont ou non capables d'agir sur l'Humanité sont caduques puisque ce sont les hommes qui ont conféré à ces astres, lors de certaines configurations déterminées par les dits hommes, le statut de signaux. Autrement dit, le débat ne se situe plus sur le front astronomique.
La ligne de front s'est déplacée, elle concerne désormais les biologistes, les généticiens. Est-ce qu'une sémiologie fondée sur des cycles se répétant indéfiniment est susceptible de se transmettre de sorte qu'une personne puisse naitre avec la faculté de reconnaitre et de réagir des signaux (dans le cas Gauquelin avant même la naissance), sans passer par le plan visuel (mais plutôt auditif), c'est à dire sans diriger son regard vers les dits signaux, puisqu'il est avéré que dans nos sociétés, on ne regarde plus guère le ciel étoilé, en dehors de certains cercles?
On aura compris que le scénario astrologique le plus recevable, selon nous, pour la décennie qui s'ouvre est le suivant : à un moment X de l'Histoire de l'Humanité, certaines populations se sont branchées sur certaines configurations qu'elles se choisirent. Il ne s'agit pas tant de sociétés entières mais plutôt de castes pouvant exister au sein de diverses sociétés et pratiquant une certaine forme de religion (mot qui implique un lien). Quand quelqu'un nait, ce n'est donc pas en faisant son thème que l'on saura s'il est réceptif aux dits signaux puisque le thème est lui-même fonction d'une certaine sensibilité. L'activité neurosensorielle (neuro-auditive) doit pouvoir à terme se mesurer et donc se localiser cérébrale ment chez certaines personnes à l'approche de certaines configurations sur le point de se former.
Par voie de conséquence, tout ce qui n'appartient pas au dit socle constitue un ensemble qui n'est nullement à défendre et à justifier scientifiquement. C'est une astrologie extra muros qui s'est, elle, perpétuée à sa façon par une tradition livresque, laquelle revêt d'ailleurs les formes les plus diverses.

JHB
30. 12. 09

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