samedi 23 janvier 2010

L'Astrologie, comme phénomène écartelé entre deux mondes

par Jacques HalBronn

L'astrologie, contrairement à ce que laissent entendre bien de ses "penseurs" est d'apparition tardive, non seulement en tant que savoir mais en tant que réalité. Il y avait une humanité avant l'Astrologie et d'ailleurs également une humanité après l'astrologie. Autrement dit, l'astrologie correspondrait, selon nous, à un certain stade de l'évolution de l'Humanité. Or, beaucoup d'astrologues sont tentés par le grand écart et jouent à la fois sur le tableau de l'hyper-ancienneté et de l'hyper-modernité!
Il est essentiel de comprendre cette position en quelque sorte médiane de l'Astrologie d'un point de vue épistémologique, du fait du risque de réduction anachronique qui menace toute position intermédiaire. Nous dirons que l'astrologie correspond à un stade pré-technologique mais qu'elle a introduit déjà quelque chose d'artificiel dans le fonctionnement des sociétés, de par l'importance même qu'elle accorde aux astres, monde si éloigné du monde sublunaire et apparemment sans rapport avec elle.
Autrement dit, l'astrologie est ballotée entre le monde qui la précède et le monde qui lui fait suite, en quelque sorte entre deux infinis. Tantôt elle est sommée d'intégrer la modernité astronomique, informatique, de se "mettre à l'heure", tantôt, elle doit intégrer des réalités humaines qui lui sont bien antérieures et qui ne relèvent pas d'elle. Nous vivons dans un monde triple dont l'astrologie n'est que l'un des piliers. L'exemple de la Lotharingie (dont le mot Lorraine dérive), issue de l'Empire de Charlemagne, prise entre le monde gallo-franc et le monde germanique illustre la difficulté de tout positionnement intermédiaire -bien que central - tant dans l'espace que dans le Temps.
La notion de disjonction que nous avons développée, depuis déjà quelque temps, ramène l'Humanité à un état pré-astrologique. A chaque cycle, nous revivons le passage de l'état pré-astrologique vers l'état astrologique et inversement, selon que la conjonction se constitue ou se déforme. Autrement dit, la disjonction conduit à un recul et la conjonction nous fait progresser.
Le problème de l'astrologie, comme nous le laissions entendre, c'est de ne pas savoir assumer sa centralité, son "ni-ni". D'où la difficulté à établir son statut scientifique. En effet, la science moderne joue sur deux tableaux: elle découvre des choses qui sont très anciennes, comme dans le cas des planètes transsaturniennes et en cela elle empiète sur l'Histoire. D'où son propre écartèlement du fait qu'elle veut passer par dessus le centre dont l'identité n'est jamais trop aisée à cerner (on ne le sait que trop, en politique). On a ainsi des astrologues qui nous parlent de l'Univers, des particules, de l'astrophysique pour expliquer l'astrologie, jouant ainsi à la fois la carte de la modernité -puisque ce sont là des travaux récents et celle de l'ancienneté, puisque ces travaux nous parlent d'un passé de type big bang....
Il nous semble essentiel, au regard de l'astrologie, d'apprendre à assumer cette médianité qui nous fait, nécessairement, côtoyer les autres plans spatio-temporels dont on ne saurait évidemment nier l'existence ni l'importance. Mais de là à ce que l'astrologie se laisse envahir et déborder sur l'un ou l'autre de ces fronts, il y a un pas que nous ne saurions franchir.
Or, à partir du moment où l'on admet que l'Astrologie est postérieure à un certain stade de l'Humanité, cela signifie qu'elle n'a pas à en rendre compte et qu'elle doit se focaliser sur le domaine qui lui est propre et qui correspond à une valeur ajoutée. Mais, en même temps, l'Astrologie ne saurait, pour autant, jouer à fond la carte de la modernité car elle s'est constituée en un certain temps, à un certain stade de la conscience et de la connaissance humaines qui n'est pas celui de notre ère mais qui n'est pas davantage celui d'une ère qui précède la sienne. Nous sommes là-on l'aura compris- sur un modèle à trois ères : avant, pendant, après.
Etant donné que la conjonction qui marque le règne de l'astrologie est ponctuelle, qu'elle n'est pas permanente, cela signifie que lorsque la dite conjonction se défait, on quitte, pour un temps, le stade astrologique. C'est le moment de la disjonction. Comme l'astrologie est cyclique, il ne pouvait en être autrement, toute cyclicité générant du temporaire. D'ailleurs, dans nos sociétés modernes, il y a un temps pour les élections qui ne dure pas indéfiniment même si souvent les campagnes tendent à se chevaucher...
La grande erreur des astrologues, à notre sens, aura été de vouloir intégrer dans le champ de l'astrologie ce qui n'en dépendait pas à savoir une extrême diversité des comportements humains que l'Astrologie avait justement vocation à réduire et à dépasser. Certes, cette diversité est indéniable car l'ère de l'astrologie n'y a pas mis fin, tout comme l'astronomie n'a pas disparu du fait que l'astrologie s'est construite sur elle en y introduisant un ordre nouveau, une centralité cyclique qui échappe à la dite astronomie. Cela aura conduit ainsi l'astrologie, par la suite, à développer des techniques susceptibles d'appréhender une certaine complexité du monde...pré-astrologique et cela s'est fait, évidemment, au prix d'une énorme complexification de son modèle de départ qui aura boursouflé son visage.
La sagesse voudrait que l'on admît qu'il y a deux temps : un temps conjonctionnel de centralité et un temps disjonctionnel de décentralité qui renoue, périodiquement, avec une ère pré-astrologique dont il convient, évidemment, de bien comprendre le mode de fonctionnement et par opposition à laquelle l'ère astrologique s'est édifiée. Cette ère qui s'exprime pleinement en phase disjonctionnelle se caractérise par une forme de démocratie directe, parvenant à des consensus autour d'un chef, alors que la phase conjonctionnelle part du centre pour atteindre l'ensemble, le chef s'autodéterminant de par un "appel" cosmique qui le conduit à se déplacer dans l'espace, franchissant et abolissant les distances, un peu à la façon d'une Jeanne d'Arc. "Si tu ne vas pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi"(in "Le Bossu", de Paul Féval)
Le problème est rendu d'autant plus complexe que toute l'Humanité n'est pas passée génétiquement à l'ère astrologique et qu'une grande partie en est restée à l'ère antérieure même si elle doit subir, de facto, le poids de la "caste" astrologique. On est là dans une sorte de symbiose entre deux humanités si ce n'est que toutes deux sont marquées par l'ère pré-astrologique chaque fois que revient la période disjonctionnelle. L'ère astrologique aurait ainsi généré des sortes de mutants voués à diriger l'Humanité et dont nos modernes élections célèbrent le pouvoir, au cours d'un certain cérémonial de soumission, censé correspondre à la conjonction, ce qui n'est nullement le cas de nos jours, si bien que le processus s'en trouve faussé car comment élirait-on quelqu'un de la caste conjonctionnel en une période disjonctionnelle? Dalleurs, ce processus électoral nous semble bien plutôt correspondre, de par son démocratisme sous-jacent, à une phase disjonctionnelle où l'élu est celui qui est porté par le peuple. La phase conjonctionnelle correspondrait davantage à l'esprit des monarchies, des dynasties. Rappelons que celle-ci n'ont nullement disparu au sein de l'Union Européenne et notamment à l'Ouest (de l'Angleterre à l'Espagne en passant par les pays scandinaves, la Belgique et les Pays Bas), le phénomène étant encore plus fort à la fin du XIXe siècle, sans parler des tentatives de restauration en France, au début de la IIIe République. Les Etats Unis sont quasiment la seule entité, au monde, du moins depuis leur Indépendance, à la fin du XVIIIe siècle, à ne pas avoir connu la réalité dynastique laquelle relève, selon nous, peu ou prou, structurellement, du champ de l'Astrologie. Même le Canada reconnait l'autorité symbolique du souverain britannique...
L'autre piège que nous dénoncions est celui de la modernité, qui consiste à soutenir que tout ce que l'on découvre au niveau astronomique, depuis la fin du XVIIIe siècle, ferait sens astrologiquement et ce tant au nom de la modernité que du fait que ces astres ne sont pas nés, pour autant, d'hier. On voudrait ainsi que l'astrologie intégrât ces nouvelles données. Nous avons déjà fréquemment balayé un tel argument qui est le fait d'un contresens historique et anthropologique, à savoir que l'astrologie est née d'un choix parmi une infinité de configurations possibles et que c'est sur ce choix d'une cyclicité centrale que l'Humanité s'est re/auto/programmée. Il serait donc tout à fait anachronique de vouloir mettre en place une nouvelle programmation qui n'aurait d'effet que sur le très long terme, outre le fait que les conditions socioculturelles, socioreligieuses, sociopolitiques ne le permettraient probablement pas sans parler de l'invisibilité des transsaturniennes (à l'œil nu). Que vaudrait une telle astrologie télescopique comme si nous devions passer notre temps derrière autant de télescopes?. Les seuls télescopes dont nous disposions génétiquement, ce sont nos yeux!
.Ce qui caractérise cette ère astrologique vaut la peine d'être quelque peu approfondi face aux défis écologiques actuels. L'expérience astrologique aura consisté à s'allier au cosmos pour renforcer le potentiel humain au moyen d'une cyclicité d'envergure, mais restant à échelle humaine (7 ans (Saturne/étoiles fixes royales) et non 36 ans (Saturne-Neptune) d'une conjonction à l'autre!). Les astres dont on se sert ne se trouvent en aucune façon perturbés ou atteints dans leur fonctionnement, ne serait-ce qu'en raison de leur distance, de leur inaccessibilité. Ce sont les hommes qui auront décidé de donner du sens à certaines configurations choisies entre mille. On est ici à un stade intermédiaire entre la seule soumission à la Nature et la fabrication d'une nature artificielle, celle de la technologie, on est, avec l'astrologie, dans une nature humanisée mais non menacée par l'Homme. En ce qui concerne Darwin, la prise en compte de l'ère astrologique devrait conduite à quelques retouches de la théorie évolutionniste car, à l'évidence, l'Homme n'a pas été confronté aux astres mais il a jugé bon de générer une symbiose d'un genre particulier n'impliquant pas de leur demander leur avis, ni de connaitre leur réalité intrinsèque. On est dans le domaine du signe, de la sémiologie, du langage mais pas encore de l'écriture au sens traditionnel du terme, qui implique de graver des signes sur un matériau mais bien plutôt de fixer des repères sur un matériau en constant changement qu'est le cosmos. La différence entre l'âge astrologique et l'âge technologique se situe au niveau génétique. Au cours de l'ère astrologique, les hommes ont transmis à leur progéniture certains acquis, sans passer par les bibliothèques, parce que l'ère astrologique s'adresse aux sens, à l'ouïe, à la vue. A contrario, notre ère technologique actuelle est totalement tributaire d'une transmission post-utérine l'enfant qui nait aujourd'hui n'est pas plus apte qu'il y a 2000 ans à se servir d'un ordinateur. Imaginons une humanité qui aurait tout perdu de son environnement technologique actuel, que lui resterait-elle sinon ce bagage astrologique qui lui permettrait de s'organiser autour de chefs auto-désignés de par leur rapport privilégié au cosmos et ne se manifestant qu'à intervalles aussi réguliers qu'une horloge? Par ailleurs, l'on est en droit de se demander s'il ne serait pas bon pour l'Humanité de programmer son progrès autrement qu'elle ne l'a fait. Nous renvoyons à la Science fiction et à l'épopée de "Dune" de Frank Herbert où les seuls ordinateurs acceptés sont les humains eux-mêmes, les "mentats" (voir Brian Herbert et K. J. Anderson, "La guerre des machines", trad. de l'anglais, Paris, R. Laffont,2003 (The butlerian Jihad, suivi de "The Machine Crusade"). Mais pour cela, il faut commencer à se méfier d'une technologie qui sert avant tout à fausser les perspectives, à créer une fausse égalité, une fausse parité par toutes sortes d'expédients aliénants et il ne s'agit donc pas là d'une écologie au seul niveau physique mais aussi au niveau psychique et mental.



JHB
16. 12. 09

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