samedi 23 janvier 2010

Le problème du syncrétisme astrologique

par Jacques HalBronn


Une des leçons que l'on peut tirer des travaux menés par Michel Gauquelin nous semble être la suivante: il est possible d'isoler certains facteurs en dépit de la diversité des contextes. C'est un point important car cela va à l'encontre de ce que pensent bien des astrologues.(voir notre table ronde, à Montpellier, sur le sujet des statistiques, sur teleprovidence)
Comment se fait-il en effet que l'on puisse trouver des convergences célestes pour des professions qui sont embrassées en raison de toutes sortes de motivations, de contingences? Cela montre, selon nous, qu'il existe des structures dominantes qui ne sont pas affectées sérieusement par les particularités des uns et des autres. On pourrait ainsi parler d'une autonomie structurelle qui autorise la recherche statistique.
On qualifiera le domaine sur lequel Gauquelin développa une certaine expertise comme spatial, en cela qu'il relève d'une temporalité extrêmement brève. Et l'on peut, selon nous, poser la loi suivante: plus le temps est court, plus la différenciation spatiale importe et plus le temps est long, moins cette différenciation pèsera. On pourrait ainsi parler d'une astrologie au temps court et d'une astrologie au temps long, l'une étant plutôt psycho-professionnelle et l'autre plutôt sociopolitique, ce qui définit assez bien le distinguo entre astropsychologie et astrologie mondiale.
Le cas du Zodiaque relève-t-il de tel plan plutôt que de tel autre? Reconnaissons que le zodiaque tel qu'il est présenté par les astrologues n'est pas un sujet d'étude simple. Initialement - et en cela tous les historiens de l'astrologie sont d'accord - le zodiaque est un cycle qui n'a pas de vocation à classer les gens selon quelque typologie. Qu'il se raccorde au cycle saisonnier ou au cycle diurne (chez les conditionalistes), il s'agit avant tout de baliser un processus lié au Temps et le signe variera selon le moment considéré d'un cycle donné.
Peut-on envisager des statistiques - ce que n'a pas fait Gauquelin - liée au découpage dans le temps? Il semble bien qu'il faille éviter toute rigidité en ce domaine, tout découpage ne pouvant ici qu'être indicatif, indiquant l'évolution de la conjonction considérée, dans son processus alternatif de séparation e de rapprochement.
Comment se fait-il, dès lors, qu'existe une typologie zodiacale vouée à distinguer les gens les uns par rapport aux autres? On nous répondra qu'il n'est pas indifférent, "pour l'astrologie" - quelle astrologie? - que l'on soit né à tel ou tel moment d'un cycle. Et c'est bien là que le bât blesse car, en tout état de cause, il s'agit là d'une affirmation - voire d'un postulat- venant sensiblement compliquer le statut épistémologique de l'Astrologie laquelle a déjà fort à faire sans le dit postulat.
Encore convient-il de distinguer entre les recherches en astrologie "courte" et en astrologie "longue"(cf. supra), à savoir que plus le cycle est court, plus la spatialité importe et vice versa. C'est d'ailleurs la leçon que l'on tirera des résultats Gauquelin qui ne valent que dans le cadre d'une astrologie "au temps court", à savoir où les changements de phase s'effectuent en un laps de temps très bref.
Il peut sembler paradoxal que des passages aussi brefs sur un secteur- au sein d'un cycle - puissent avoir des effets aussi déterminants sur le plan typologique. On pense à une sorte de "roue de fortune" comme on en utilise pour les loteries ou à la roulette, dans les casinos. Pour comprendre ce qui se passe, il importe d'entrer dans la logique du vivant. Le cycle ne détermine pas, il ne fait que révéler quelque chose qui est déjà là. Quand le fœtus nait au moment fugace, éphémère, où telle planète passe, il n'est pas fonction en son essence du dit moment, il ne l'est en quelque sorte qu'existentiellement, c'est à dire qu'il manifeste son essence à cette occasion, en attrapant 'la balle au bond". Augmentez le temps cyclique -c'est à dire que chaque secteur se présentera pendant une durée plus grande- et une telle chose deviendra de plus en plus inconcevable car cela impliquerait un temps d'attente accru, ce qui risque fort de ne plus être compatible avec les conditions de la venue au monde, lesquelles obéissent, in fine, à un timing extrêmement précis, ne laissant qu'une marge de manœuvre de temps infime. Aucun biologiste ne se hasarderait, en effet, à affirmer que tout se joue au moment de la naissance. On comprend d'ailleurs assez mal-- avouons-le - l'approche de Suzel Fuzeau-Braesch, biologiste, spécialiste des insectes, auteur d'une édition du Que Sais je sur l'astrologie (1989), avocate du thème natal, au sens le plus complet qui se puisse être (maisons astrologiques, positions planétaires en signes, aspects etc), dont la démarche statisticienne est foncièrement différente de celle de Gauquelin.
Certes, nous savons que pour beaucoup d'astrologues, c'est au moment où nait l'enfant, où il pousse son premier cri - peu importe - que les astres laisseront leur empreinte sur son psychisme, voire - ce qui est encore plus improbable - sur son physique comme si le physique pouvait changer à quelques heures voire à quelques minutes d'intervalle, un ascendant cancer étant, par exemple, censé différer singulièrement, au niveau morphologique, d'un ascendant lion par exemple. On comprend pourquoi nombreux sont de nos jours les astrologues à avoir opté pour le karma et l'idée selon laquelle la personne choisirait son moment de naissance, très à l'avance - des années, des décennies, des siècles?- de sorte de naitre exactement au moment correspondant à son être, à son "âme", ce qui exclue ou inclue tout accouchement artificiellement provoqué. Voilà qui leste encore un peu plus le "casier", le dossier épistémologique de l'astrologie, ce dont, d'ailleurs, bien des astrologues n'ont cure!
En revanche, dès lors que l'on passe à une astrologie au temps long, l'on quitte le plan de la naissance pour celui du cours de l'existence. A la naissance, le fœtus est dans un dialogue avec le cosmos, il n'est pas encore réellement pris dans une vie sociale complexe comme cela sera le cas au fur et à mesure qu'il avancera en âge. D'ailleurs, pour beaucoup d'astrologues, il semble qu'ils en soient restés à ce sentiment fœtal de solitude, où le monde humain extérieur est réduit à la portion congrue et n'existe qu'au regard et au prisme du thème natal. En fait, une fois que nous naissons, nous devenons un "zoon politikon", un "animal politique", un citoyen, membre d'une certaine tribu et partageant un sort commun avec toute une société. Ce qui va compter, dès lors, ce seront les changements que subira la dite société. Et tel est là précisément le champ d'action de l'astrologie de temps long.
Mais revenons à ce problème de la typologie zodiacale, sorte de chauve-souris de l'Astrologie, réalité hybride mais ô combien marquante pour son image. On nous dit qu'il a existé des zodiaques à telle ou telle époque... Mais pour quoi faire? Pour distinguer les gens entre eux ou pour marquer les moments d'une cyclicité, pour une astrologie "courte" ou bien "longue"?
A lire certains traités d'astrologie, on reste perplexe. On nous parle de la cyclicité zodiacale mais un peu plus loin on nous décrit, à longueur de pages, les 12 types zodiacaux où l'on devrait se retrouver. Par quel tour de passe-passe? S'agirait-il encore d'un nouveau postulat venant s'ajouter à l'"addition" épistémologique déjà bien lourde de l'astrologie? Et les astrologues s'en expliquent-ils ou bien ne font-ils, au bout du compte, que tenter de refléter sinon de justifier, phénoménologiquement, une pratique sociale existante, notamment auprès du public et dans les médias? C'est bien là une des questions majeures pour l' Histoire de l'astrologie, bien plus importante, par exemple, que celle, tant rebattue, de son supposé déclin, sous la Révolution Française.
Pourtant Vauquelin n'a-t-il pas montré, depuis un demi-siècle, qu'à la naissance, ce n'était pas le signe qui comptait mais la planète? A la rigueur, pourrait-on encore admettre la prise en compte du signe ascendant, ce qui est "moins pire"...Il y a d'ailleurs peut-être un lien à établir entre le repérage par le fœtus de "sa" planète et une certaine prise en compte des étoiles fixes traversées par la dite planète. Ajoutons qu'aussi bien les planètes que les étoiles appartiennent tant à l'astrologie au cycle court qu'à l'astrologie au cycle long, même si c'est à des titres différents. Rappelons aussi que le thème natal, longtemps appelé horoscope - terme récupéré par la presse en rapport avec le signe solaire, ce qui est un comble! - était centré sur l'ascendant, dont le mot horoscope était synonyme, terme qui signifie un facteur horaire visible (par rapport à l'horizon), ce qui est le cas, par excellence, d'une étoile.
Comment se fait-il donc que pour une astrologie "moderne" qui ne veut plus entendre parler des étoiles fixes, l'option planétaire ne l'ait pas emporté sur l'option zodiacale, du moins au niveau du thème natal, par exemple, chez un Jean-Pierre Nicola, réformateur de l'astrologie, à l'époque même où se constituaient puis se divulguaient les travaux de Gauquelin, dans les années cinquante-soixante du siècle dernier? Il est vrai qu'à la place des étoiles, l'on avait justement le zodiaque qui en est une sorte de prolongement, d'amplificateur mathématique. Rappelons, quand même, l'existence d'un zodiaque des constellations cher aux astronomes et qui pose le problème de la précession des équinoxes face à un zodiaque des signes revendiqué par les astrologues occidentaux, objet des plus abstraits si ce n'est qu'il se revendique, au niveau du point vernal, du cycle saisonnier propre à l'hémisphère Nord, sans plus la moindre dimension visualisable. Soulignons cependant le fait que les astrologues ont évidemment toute liberté, dans leur pratique, à structurer l'espace-temps comme ils le souhaitent mais que cela relève alors, dans le système NOA, non pas du niveau 1 mais du niveau 2 (voir nos récents débats à ce sujet sur téléprovidence), c'est à dire s'inscrivant dans des exigences épistémologiques beaucoup plus floues et dont l'astrologie, au niveau interdisciplinaire et universitaire, n'a pas à assumer les fondements.
L'histoire de la typologie zodiacale s'ancre dans une littérature populaire, une bibliothèque "bleue", celle des almanachs (voir notamment celui qui parut sous la Révolution, recourant au calendrier révolutionnaire, et dont nous donnons des extraits dans la série Zodiaque que nous avons dirigée, au début des années 1980, chez Solar (réédité chez France Loisirs). Le pli fut donc pris assez tôt de classer les gens non pas d'après leur signe ascendant mais leur signe solaire. Le "Kalendrier et Compost des Bergers" et celui des Bergères, plus complet en son iconographie mensuelle (voir nos "Etudes sur les éditions ptolémaïques de Nicolas Bourdin", Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1993) mettent en avant le rapport de chaque mois avec deux signes zodiacaux successifs. Il ne s'agit donc pas d'une nouveauté propre au XXe siècle, en ses années Trente mais bien d'une tradition s'étant finalement immiscée dans le "canon" astrologique, au syncrétisme si patent, du XXe siècle.
Par quel biais, le zodiaque "solaire" acquit-il ainsi un tel statut populaire avant de faire son entrée dans la "doxa" astrologique la plus élitique, telle qu'exposé notamment dans l'"Astrologie Universelle" de Françoise Hardy, exposant les thèses de J. P. Nicola et de son école? On rappellera que le zodiaque s'origine, sur le plan iconographique, dans les almanachs. Nous dirons qu'il est un emprunt à l'iconographie des travaux et des jours, même si c'est sous une forme bien corrompue et souvent méconnaissable (voir nos travaux sur la genèse du symbolisme zodiacal).
La question des emprunts, dans tous les domaines, en linguistique notamment, est une affaire souvent complexe, c'est celle des sources, du syncrétisme. Elle égare souvent les historiens et les chercheurs et donne lieu à de fausses représentations du passé. Dans le cas du zodiaque, nous dirons que tout se passe comme si la tradition des activités mensuelles, au cours du cycle annuel, que nous évoquions avait continué à exister bien après qu'elle ait été récupérée par l'Astrologie. Or, c'est souvent le cas d'un emprunt: l'anglais aura ainsi emprunté, depuis 1000 ans au français mais cela n'aura évidemment pas mis fin à l'existence du français, en tant que tel, ce qui n'est d'ailleurs pas sans quelque peu brouiller les pistes. Autrement dit, la thèse que nous défendons ici est la suivante:
Il est clair que nombreuses sont les définitions et les acceptions du mot Zodiaque. En ce qui concerne les almanachs, le terme zodiaque est inapproprié puisque l'iconographie des mois est antérieure à son usage astrologique. Mais peut-être le terme en question décrivait-il déjà les mois de l'année....Ce qui vient encore un peu plus compliquer les choses, c'est que les mois de l'année sont liés peu ou prou, de toute façon, au cycle soli-lunaire. Et c'est d'ailleurs, probablement pour cette raison de vicinité que l'astrologie s'y est intéressée....C'est l'occasion de rappeler que l'astrologie se construisit dans un processus de dépassement du cycle soli-lunaire et que ce sont avant tout les planètes "extérieures" -Mars-Jupiter et Saturne qui la constituent (les transsaturniennes, comme chacun sait, étant sensiblement plus tardives quant à leur présence au sein de la science astronomique). Les travaux de Gauquelin en montrant que ni le soleil, ni Mercure ne donnaient de résultats statistiques probants, viennent confirmer que le poids principal est bien du côté des planètes dites extérieures, un seul astre y correspondant au rythme annuel, Vénus.
En conclusion, nous dirons que l'astrologie devrait se défier des divers emprunts qu'elle a effectué pour nourrir ses subdivisions et qu'il importe d'en relativiser l'importance au sein de la pensée astrologique, en n'accordant à ces dénominations qu'un intérêt historique comme lorsque l'on emprunte, encore de nos jours, aux racines grecques pour désigner tel ou tel produit, idée, invention.
De là à attacher de l'importance au mois de naissance de quelqu'un, il y a là évidemment un pas que l'on ne saurait désormais plus franchir car ce serait confondre l'emprunt et son nouvel usage avec la source et son ancien usage.
Ainsi, on aura plaqué le cycle des mois sur le parcours des planètes et donc sur les étoiles fixes qui le balisent lesquelles, bien évidemment, sont d'un usage antérieur à un tel emprunt. On aura étendu cette application au niveau du cycle diurne, ce qui aura donné la succession des signes ascendants. Face à la question des inversions saisonnières d'un hémisphère à l'autre mais aussi dans une volonté de ne pas associer le zodiaque au seul processus solaire; l'école conditionaliste (voir L'Astrologie Universelle, op cit) a élaboré une nouvelle définition du zodiaque liée à l'arc diurne mais, étrangement, n'en continue pas moins à classer les gens d'après leur signe solaire...et non selon l'ascendant.


JHB
08. 12. 09

1 commentaire:

susane a dit…

Merci infiniment pour cette utile et précieuse information. Super votre blog, bravo !

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