samedi 23 janvier 2010

Le statut du thème natal en Histoire de l'Astrologie

par Jacques HalBronn
Ce qui distingue l'historien de l'astrologie de l'astrologue faisant de l'Histoire de l'astrologie, c'est l'importance accordée au statut du thème natal. A lire certains auteurs, l'on a l'impression que la cote de l'astrologie dépende de la production de manuels conçus pour l'érection des thèmes! Même un Paul Choisnard, au début du XXe siècle, ne dissociait pas l'astrologie du thème natal : "Toute l'astrologie scientifique (sic) repose sur la figure céleste pour un moment et pour un lieu donné"(Langage astral, Paris, Chacornac, 1902). C'est au demeurant dans cette voie que s'engagea Michel Gauquelin, à cette différence que ce dernier, à juste titre, ne s'embarrassa point des positions zodiacales natales, alors que pour Choisnard c'était là un facteur déterminant, notamment au niveau de l'"hérédité astrale". Le polytechnicien n'allait-il pas jusqu'à écrire : " L'astrologue capable de dire d'avance en jugeant une personne qu'elle doit être née sous la quadrature de Mars et de Saturne, je suppose, exprime là un ensemble de facultés dont le jugement est soumis au contrôle de la science par le fait même du langage employé". Choisnard rêvait d'expériences où à l'examen d'une personne, l'astrologue déterminerait, sans l'aide du thème évidemment, les configurations significatives et que cela soit ensuite vérifié par le thème!
Or, l'Histoire de l'Astrologie ne saurait à l'excès se polariser sur le recours au thème natal, à commencer par le fait que celui-ci, en tant que tel, est d'apparition relativement récente. On en arrive ainsi à de véritables aberrations et à des erreurs de perspective dans la grande majorité des ouvrages ou des études consacrés à l'Histoire de l’Astrologie. Si l'on admet, en effet, que l'astrologie dépend des données astronomiques, force est de constater que celle-ci ne lui ont pas fait défaut notamment depuis le XVIIIe siècle, sans parler bien évidemment de l'observation directe du ciel, quand il s'agit de dresser le thème "horaire", comme chez William Lilly et sa Christian Astrology.(voir notre étude en postface de la réédition de l'"Introduction" de Claude Dariot, Ed. Pardés, 1991).
On n'est donc pas avec l'astrologie en face d'un phénomène qui dépendrait d'une source pouvant se tarir ou passer par des hauts et des bas et dans ce cas comment se pourrait-il que la pratique de l'astrologie ait pu connaitre une sorte d'éclipse tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, comme il ressort des propos d'Yves Lenoble et de Roy Gillett, dans les Actes du Colloque de Rambures (2002, parus en 2008 à Rouen 'L'astrologie d'hier et d'aujourd'hui, codirigé par Charles Ridoux)? Certes, le calcul du thème natal a pu effectivement dépendre de l'existence de certains documents tout comme d'ailleurs certaines prévisions à long terme. En effet, les ouvrages mis en circulation, pendant ces deux siècles, par les astronomes -on pense pour la France à la Connaissance des Temps- limitaient le travail de commentaire que l'astrologue pouvait réaliser en aval. Mais était-ce le cas pour l'astrologie mondiale qui n'a besoin que d'informations relativement limitées, lui permettant notamment de déterminer les dates de certaines conjonctions? Ce n'est nullement là un travail de précision du même ordre que l'établissement minutieux d'un thème natal!.
Certes, il est des périodes où les témoignages d'une vie astrologique intense semblent manquer mais cela ne tient nullement à une crise du prophétisme -si l'on prend ici ce terme dans le sens très large de connaissance de l'avenir, par toutes les techniques possibles - mais par la concurrence que connait l'astrologie au sein d'une telle nébuleuse. Nous sommes persuadés que dut exister à toute époque une pratique liée aux données astronomiques, quand bien même cela ne donnait pas toujours lieu à des publications ayant été conservées jusqu'à ce jour. Il importe donc de distinguer entre la carte et le territoire, la carte étant ici ce qui est imprimé et conservé et le territoire la vie astrologique réelle. Dès lors, ce que l'on peut dire ou écrire sur certaines périodes doit être reçu avec une certaine prudence, surtout quand cela émane de personnes pour lesquelles l'astrologie n'est pas sans le thème. Qu'un événement aussi dramatique que la Révolution Française et l'épopée napoléonienne corresponde, aux dires des historiens de l'astrologie à un 'creux" dans le graphique des publications est pour le moins paradoxal! Il n'est d'ailleurs qu'à rappeler le cas de Pierre d'Ailly qui, dès 1414, avait, astrologiquement, mis en avant l'an 1789. Or; cela ne passa nullement inaperçu à la fin du XVIIIe siècle.(voir nos études, “Exégèse prophétique de la Révolution Française”, in Actes du Colloque Prophétisme et Politique, Paris, Politica Hermetica, 1992, Recherches sur l'Histoire de l'astrologie et du Tarot, Paris, La Grande Conjonction - Trédaniel, 1993, La Vie Astrologique il y a cent ans, Ibidem, 1992). Faut-il souligner que la parution régulière, durant ces deux siècles, des Centuries nostradamiques et des épitres en prose qui les accompagnent ne pouvait qu'éveiller et/ou maintenir un certain intérêt pour l'astrologie mondiale et notamment les conjonctions (voir par exemple le quatrain 86 de la IVe Centurie auquel nous consacrons une étude dans cette livraison)? Encore faudrait-il prendre en compte les périodiques et pas uniquement les ouvrages dont le contenu est recensé dans les catalogues des bibliothèques. Prenons le cas du travail de Jean-Yves Le Naour ('Nostradamus s'en va-t-en guerre, 1914-1918', Paris, Hachette, 2008)- celui-ci n'a pas pris en compte divers périodiques astrologiques comme Influence Astrale ou le Voile d'Isis. Rappelons cependant que le XIXe siècle aura été celui des constitutions, des calendriers électoraux et que cela a pu faire concurrence à l'astrologie, comme si les hommes avaient décidé de prendre en main la gestion de leur temps, c'est aussi, avec la révolution industrielle, une ère où les horaires de travail sont de plus en plus contraignants et ne dépendent plus du cycle saisonnier ni même, avec le développement de l'électricité, du cycle diurne.
Il reste que pour un astrologue praticien actuel, l'important semble bien être de montrer l'ancienneté de la pratique consistant à dresser un thème sur la base de données astronomiques. Le dernier colloque "l'astrologie et la vie quotidienne" du RAO (non enregistré en vidéo) a réuni des astrologues dont un certain nombre n'était pas sans s'intéresser, d'ailleurs, à l'histoire de la littérature astrologique : Danièle Jay, Denis Labouré, Yves Lenoble, notamment. Mais tous étaient axés sur le moment de la naissance ou en tout cas s'intéressaient prioritairement une astrologie liée à un instant donné. (voir aussi notre entretien, à Montpellier, avec Françoise Moderne, élève de Giuseppe Bezza, sur teleprovidence)
Or, il nous apparait qu'une telle focalisation sur une astrologie du moment (de la naissance ou de tout autre "événement"), c'est à dire, plus précisément, d'une astrologie thématologique, qui englobe l'ensemble des configurations existantes en les étudiant les unes par rapport aux autres- au nom de quelque solidarité astrologique du système solaire- ne permet pas d'appréhender de façon satisfaisante la genèse de la pensée astrologique et son développement jusqu'à nos jours. L'obstacle épistémologique tient au statut de l'astrologie mondiale laquelle apparait, aux yeux de nombre d'astrologues, comme la "danseuse" de l'astrologie, celle qui la conduit à prendre des risques prédictifs exagérés qui contribuent périodiquement à son discrédit. Un tel préjugé anti-Mondiale, au sein même du milieu astrologique - pèse en définitive sur les représentations que les astrologues tendent à donner de leur domaine, quand ils sont en position d'historien, comme c'est le cas dans le collectif "L'Astrologie d'hier et de demain", issu d'un Colloque tenu à Rambures, près d'Abbeville, en 2002 (paru aux Presses Universitaires de Rouen en 2008) et codirigé par Charles Ridoux, lui-même, paradoxalement, pourtant passionné d'Astrologie mondiale et auquel participèrent, notamment, Yves Lenoble et le britannique Roy Gillett mais aussi André Barbault.
Il nous apparait qu'il importe d'inverser les perspectives et de considérer le thème astral comme une forme particulière de la pensée astrologique et certainement pas son expression centrale. A partir de là, nous ne saurions réduire l'examen du statut de l'astrologie en tel ou tel siècle à la production de manuels voués à enseigner le dressage du thème.. Il faudrait d'ailleurs faire la part aussi de l'activité pédagogique en astrologie d'un Denis Labouré ou d'un Yves Lenoble comme pouvant expliquer l'accent mis sur la didactique de l'astrologie, en tant que baromètre de la vie astrologique pour une période donnée...Là encore, voilà une approche quelque peu biaisée où se retrouvent les praticiens placés face aux questions de leurs clients comme les enseignants divulguant les méthodes pour devenir son propre astrologue. Et l'astrologie par informatique-Yves Lenoble ayant longtemps travaillé pour Astroflash - va dans le même sens: l'érection de thèmes.
On en arrive ainsi à parler de 'renaissance de l'astrologie", à la fin du XIXe siècle, au prisme de la production de manuels d'astrologie, à partir des années 1890. (voir l'étude d'Y. Lenoble dans le collectif sus mentionné). Or, si l'on considère le flux de la production, en France, de manuels astrologiques au cours des XVIe et XVIIe siècles, en ignorant tout le reste de la littérature astrologique, l'on risquerait fort de commettre des erreurs d'appréciation. (voir notre étude sur le manuel d'Auger Ferrier (1550), sur le site du Cura.free.fr). Inversement, une telle recrudescence dans la production de traités d'initiation, d'"introduction", comme on disait autrefois, ne reflétera pas nécessairement, avec pertinence, la réception de l'astrologie à une certaine époque.
Nous avons récemment exhumé un texte astrologique au sein d'une mince brochure parue dans les années 1873-1874, à une époque où ne paraissaient pas/plus/pas encore d'outils pédagogiques en astrologie. L'auteur est un certain de Villeplaine (alias C.V. B. Delphes). Il est signalé très brièvement dans le Répertoire Chronologique Nostradamique (Paris, Grande Conjonction- Trédaniel, 1990n p. 427) pour des "Calculs astrologiques et nostradamiques" évoqués par Torné Chavigny dans son almanach pour 1877 (p. 10), sans mention de la dite conjonction.(voir sur Villeplaine, une étude plus développée dans notre rubrique Estudes nostradamiennes, à venir)
La conjonction est annoncée dans une fort mince brochure anonyme intitulée : "
Ceci est une prédiction astrologique. Le 16 décembre prochain 1874" BNF Lb56 5104
Elle sera complétée par la suite par un "Follicule à joindre à la Prédiction astrologique, le 16 décembre prochain 1874. Réponse aux critiques" (BNF Lb57 5740). Villeplaine, dans sa "Prédiction astrologique'" signale une conjonction Mars-Jupiter pour décembre 1874. Il ne se propose aucunement de dresser le thème correspondant à la dite conjonction comme le proposerait aujourd'hui Yves Lenoble (voir son exposé sur les syzygies à paraitre dans les actes du Colloque précité du RAO). En fait, Villeplaine s'en tient à une tradition conjonctionnelle fort ancienne, illustrée notamment au Moyen Age et à la Renaissance par le système des "Grandes conjonctions" Jupiter-Saturne, initiée par le Persan Albumazar à la fin du IXe siècle, lequel connut une extraordinaire fortune jusqu' au XVIIIe siècle.
Le procédé suivi par Villeplaine pour déterminer le temps de cette conjonction est des plus simples et il conviendrait d'ailleurs plutôt de poser le problème à l'envers à savoir repérer dans les éphémérides les convergences entre les colonnes dévolues à chaque planète puis étudier à quoi cela pourrait correspondre.
Voilà ce que Villeplaine a pu trouver dans les colonnes de la Connaissance des Temps:
Jupiter ascension droite 13° 39' déclinaison 9° 40'
Mars " 13° 40' " 9° 40'
Peu importait, d'ailleurs, à Villeplaine dans quel signe se formait la conjonction. Nous savons qu'il s'agissait du 25° Balance (cf Grandes Ephémérides de Gabriel (tome second 1700-1899), Paris, Trédaniel-Grande Conjonction, 1990, pp. 150-151)
En conclusion, nous dirons que le baromètre de l'impact social de l'astrologie, pour une décennie voire un siècle donné, n'est pas automatiquement tributaire de la quantité de manuels d'astrologie qui paraissent. Il est plus heureux mais plus difficile en raison de la dispersion que cela peut impliquer de dépouiller les textes parus sous les noms les plus divers, et comportant, parfois fugitivement telle allusion, au détour d'un chapitre. La recherche par titres a ses limites. Il faudra attendre la numérisation des contenus et pas seulement des titres pour accéder à une appréhension plus juste de l'impact de l'astrologie. C'est ainsi que la presse actuelle comporte souvent une rubrique astrologique mais celle-ci n'est pas signalée en première page...Par ailleurs, la fréquentation des officines d'astrologues est-elle fonction du nombre de manuels astrologiques? On peut sérieusement en douter.
Procéder ainsi est bien plus simple que de dresser un thème et n'exige pas notamment de tenir compte d'un lieu donné ni d'une heure particulière. C'est plus '"à la louche" surtout quand il s'agit, comme en astrologie mondiale, d'événements annoncés qu'il n'est pas obligé de dater au jour près alors qu'un tel souci de précision est indispensable pour dresser quelque thème que ce soit, le mot thème étant ici synonyme de précision extrême, dans la mesure où les positions en maisons peuvent changer à quelques minutes d'intervalle.
Autrement dit, il ne faut pas être grand clerc pour repérer des conjonctions, il suffit de feuilleter les pages des éphémérides, d'autant que les données propres à chaque planète sont placées en parallèle, donc se prêtent aisément à un tel exercice. Qu'il soit bien clair en effet, l'astrologie mondiale est au niveau astronomique et des calculs beaucoup plus accessible que l'astrologie natale! D'ailleurs, tout astronome est en mesure de déterminer à l'avance quand il y aura conjonction entre deux planètes. Ce n'est que lorsque l'on passe au niveau du thème que les choses se compliquent singulièrement. Si l'on étudie le système des grandes conjonctions Jupiter- Saturne, cela relève également de repérages fort simples et l'on ne peut même pas parler de calculs : il suffit d'ouvrir les tables appropriées et d'étudier toutes les convergences qui s'offrent entre deux planètes, surtout si l'on s'en tient aux seules conjonctions. Une autre affaire est évidemment d'interpréter ces configurations et la durée de leurs effets. De Villeplaine, par ailleurs lecteur assidu des Centuries, était bien imprudent de croire que la conjonction qu'il avait identifiée serait à effet immédiat, étant donné que toute cause met du temps à produire des effets et que tous les effets ne se manifestent pas nécessairement simultanément mais sur une certaine période de temps. (sur cet auteur, voir notre étude dans les Estudes nostradamiennes). En tout cas, il est peu probable que Villeplaine ait été le seul, en son temps, à s'intéresser aux conjonctions planétaires, le texte de son pronostic fut forcément rédigé à l'attention d'un certain public qui s'y entendait peu ou prou.
Une idée assez communément répandue veut que l'astrologie française n'ait renoué avec l'astronomie réelle -et non fictive- que dans la dernière décennie du XIXe siècle (voir Yves Lenoble, in collectif L'astrologie d'hier et d'aujourd'hui, Rouen, 2008). Si l'on considère qu'Eustache Lenoble -dont nous avons montré toute l'importance le premier et ce bien au delà de 1666 - auteur d'un traité astrologique classique- fut réédité au début du XVIIIe siècle puis, sous une forme un peu particulière -qui trahissait un divorce avec les éphémérides- à la veille immédiate de la Révolution Française (voir nos Recherches sur l'Histoire de l'Astrologie et du Tarot, Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1993), l'on serait contraint d'admettre que l'astrologie et l'astronomie ne communiquèrent plus, en France, pendant près de deux siècles encore qu'il faille faire la part des almanachs, comme le note Roy Gillett (dans sa contribution au collectif "L'astrologie d'hier et d'aujourd'hui, opus cité) lequel par ailleurs, bien à tort, affirme que l'astrologie de Jean-Baptiste Morin (de Villefranche) ne cessa jamais de se perpétuer du XVIIe siècle jusqu'à nos jours. On retiendra en tout cas que selon Gillett, aucun traité d'astrologie digne de ce nom ne serait paru Outre Manche de la fin du XVIIe siècle à la fin du XIXe siècle, jugement largement infirmé par les historiens tels Wilhelm Knappich ("Histoire de l'astrologie", trad. de l'allemand par Henri Latou, Paris, Oxus, 2008, pp. 223 et seq.) ou Derek et Julia Parker ("Astrologie. Son origine. Son histoire", trad. de l'anglais, Paris, Faivre, 1989, pp. 177 et seq, voir La vie astrologique il y a cent ans, Paris, La grande conjonction-Trédaniel, 1992). Tout comme on prend comme repère en France l'année 1666 et la fondation de l'Académie des Sciences, il semble que la création de la Royal Society of London for the improvement of Natural Knowledge, dès 1660, ait joué le même rôle Outre Manche. On a du mal à comprendre en quoi l'exclusion de l'astrologie de certains cénacles aurait pu affecter si promptement la production astrologique à destination d'un public relativement large mais ce public était-il en mesure de faire les calculs nécessaires? Cela laisse entendre que l'astrologie était une profession assez élitiste du moins jusqu'au XVIIIe siècle. Par la suite, du fait d'une certaine disgrâce dans les cercles cultivés, il fallut mettre en circulation des sous-produits, des succédanés, plus accessibles, notamment pour le public féminin qui prendra le relais. (cf Recherches sur l'Histoire de l'astrologie et du tarot, Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1993). Ce qu'on appelle généralement renaissance de l'astrologie, c'est le retour des astrologues à une astronomie réelle se dégageant, non sans mal, de toutes sortes d'expédients. Il y a là, quand même, l'entretien d'une certaine confusion quant à l'usage du mot "Renaissance" à propos du revival supposé de l'astrologie à la fin du XIXe siècle. Il faudrait plutôt dire que l'astrologie sort alors d'un certain isolement en étant récupérée par la mouvance théosophique mais son statut scientifique ne s'améliore guère, en dépit des efforts du polytechnicien Paul Choisnard (alias Flambart) lequel, plutôt que de revoir les fondements de l'astrologie se contente de les confirmer dans leur ensemble, sans dégager un noyau dur dont le reste dériverait sur un mode mineur.
Le fait pour l'astrologie de renouer avec les données astronomiques, au point d'intégrer tout ce que l'on trouve dans la Connaissance des Temps, y compris les planètes transsaturniennes, étrangères à la tradition astrologique, n'aura certainement suffi à mettre fin à un divorce dont les causes sont plus profondes. La preuve en est que les attaques fomentées contre l'astrologie, au XVIIe siècle, visent une astrologie qui n'a rien à se reprocher sur le plan astronomique. Il y aurait désinformation à laisser entendre que là serait le cœur du problème.
Cela dit, force est bien de constater que - conséquence plutôt que cause du dit divorce (voir nos Recherches sur l'Histoire de l'astrologie et du tarot, Paris, Grande Conjonction-Trédaniel, 1993)- l'on prit l'habitude - notamment chez le tarologue Ettteilla au sein d'un ensemble de publications "occultes"- de dresser des thèmes à partir d'un matériau ne correspondant plus à la réalité astronomique (un peu à l'instar de l'astrologie chinoise) mais en recourant à un astrologique de la fin du XVIIe siècle - bien après 1666, faut-il le souligner - à savoir celui d'Eustache Lenoble, baron de Saint Georges, auteur d'une Uranie, ouvrage salué par Pierre Bayle comme montrant que l'astrologie avait encore des avocats pour défendre sa cause, au tournant du XVIIIe siècle. Rappelons aussi le cas du comte Henri de Boulainvillers, un autre aristocrate.(dont les traités restés manuscrits furent réédités au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, aux Ed. du Nouvel Humanisme de J. Duvivier, avec des études de Renée Simon qui lui consacra une thèse de doctorat). Notons aussi qu'une astrologie populaire cohabitait de longue date avec une astrologie s'appuyant sur l'astronomie. C'est le cas pour le XVIe siècle, du Livre d'Arcandam. Et il semble bien que c'est cette astrologie de bas étage qui aura survécu alors qu'une astrologie plus élitique voyait son lectorat s'effondrer. Les progrès de l'instruction auront permis à une astrologie plus sophistiquée de renaitre, non pas tant du fait d'une reconnaissance des milieux scientifiques mais du fait d'un accès plus large du public à des ouvrages plus savants. Il faudrait parler de parvenus, de nouveaux riches de la culture générés par les progrès de l'enseignement, dotés d'un certificat d'études, attirés par le bagage chatoyant d'une astrologie matinée de mythologie, d'astronomie, s'intéressant aux personnages célèbres et aux événements marquants, sans parler de la dimension psychologique voire psychanalytique. L'astrologie, raccourci providentiel pour rejoindre les cercles huppés.
Soutenue sous la Révolution, à sa façon, par un Etteilla (alias Alliette), c'est sous le patronage d'une autre tarologue, Marie-Adélaïde Le Normand ( 1772-1843), qu'une astrologie, astronomiquement correcte, refera son apparition, en 1845, donc deux ans après la mort de Mademoiselle Lenormand, au sein d'une sorte d'encyclopédie de la divination, sous la forme d'un véritable traité d'astrologie, au sens moderne du mot - mais aussi dans le style des traités des XVIe-XVIIe siècles - à savoir "Le Grand Jeu de Société, pratiques secrètes de Mademoiselle Le Normand", Paris, soit un titre qui correspond au milieu alors visé par l'astrologie. Nous avions signalé cette publication dès 1992 dans La Vie Astrologique, il y a cent ans (Paris, La Grande conjonction-Trédaniel, p. 49), collectif auquel participèrent Patrick Curry et Nicholas Campion, et il est étonnant qu'Y. Lenoble n'en ait pas pris connaissance, à dix ans d'écart. Le fait que nous n'ayons pas été invités au Colloque de Rambures par M. Ridoux aura conduit à ce que l'Histoire de l'astrologie moderne soit laissée à des astrologues n'ayant au mieux que des connaissances de seconde main-sans parler de certains partis pris à l'égard de tel ou tel courant- et ne respectant pas dès lors toutes les règles déontologiques de la discipline historique face à des historiens plus aguerris pour les périodes antérieures, ce qui déséquilibre sensiblement la valeur scientifique des deux volets : Astrologie d'hier et d'aujourd'hui.
On ignore quel en fut l'auteur, un homme - lecteur d'Albumazar, Ptolémée et Zael- de telles anthologies parurent en latin à la fin du XVe siècle - plus probablement qu'une femme, en dépit du patronage affiché de la célèbre Mademoiselle Lenormand (BNF microfiche R 37806). Le cas n'est pas rare à l'époque que l'on joue la carte féminine pour les noms d'auteurs. Le prospectus de présentation du volume sur l'astrologie était ainsi rédigé en cette année 1845, donc sous Louis Philippe (Monarchie de Juillet) : "L'Astrologie ancienne et moderne, basée sur l'astronomie la plus avancée et la plus profonde contient amplement tout ce qu'il faut savoir pour dresser un thème, des tables de concordance, des hauteurs de maison, des ascensions obliques et d'éphémérides ainsi que des méthodes prophétiques (sic) au moyen desquelles on prévoit les événements qui nous attendent dans le monde, dans l'année, dans le courant de la vie etc". Le titre du volume était, quant à lui, le suivant:"Astrologie ancienne et moderne contenant toutes les tables nécessaires pour dresser toutes sortes de thèmes en quelque lieu et quelque âge que ce soit", comportant un dictionnaire des termes techniques. Ainsi, cette "Astrologie Ancienne et moderne" constitue-t-elle le premier traité astrologique connu ayant vocation à former des astrologues à renouer avec le thème natal. Pour notre part, le thème natal, qu'il soit calculé à partir de données astronomiques ou qu'il le soit à partir de computations kabbalistiques ou tarologiques (comme ce fut souvent le cas au XIXe siècle, notamment avec le traité d'Ely Star qui sera réédité au siècle suivant), il importe assez peu.(voir le système NOA), les enjeux épistémologiques de l'astrologie se situant au niveau de l'astrologie mondiale et non de l"astrologie généthliaque.




JHB
02. 12.09

1 commentaire:

susane a dit…

Ton blog est superbe, que de belles idées!

voyance en ligne