dimanche 11 juillet 2010

Parler le langage de l'autre

par Jacques HalBronn

Il nous arrive de devoir parler le langage de l'autre pour nous faire comprendre mais est-ce que nous nous exprimons fidèlement à ces moments là?
Prenons le cas de Ludwig Van Beethoven qui nous a laissé tant de partitions. Est-ce que celles-ci ne sont pas autre chose qu'un pis aller? Avait-il le sentiment que celles-ci restituaient sa musique, lui qui fut admiré pour ses talents d'improvisation? Ce n'est donc pas parce que Beethoven se prêta à un tel jeu que celui-ci s'y retrouvait totalement.
Quant à l'interprète, quelles sont ses motivations? Se faire passer pour le compositeur, prendra sa place, tel un usurpateur, un héritier?
Il est vrai que l'interprétation d'une pièce (musique, poésie) peut prétendre à être perçue comme une production originale du moins chez un auditeur insuffisamment averti. Et cela vaut aussi bien si c'est l'auteur lui-même qui interprète une œuvre dont il fut l'auteur dans un passé plus ou moins éloigné. Peut être ne serait-il plus capable, présentement, de générer une œuvre ayant cette même force? On peut se plagier soi-même, faire croire que l'on est encore ce qu'on est plus, que l'on vit d'ailleurs dans des conditions qui ne s'y prêtent guère. On fait les choses à contre temps, ce qui frise l'imposture. On s'imite soi-même.
Mais donner à l'autre les moyens de se faire passer pour moi, n'est ce pas une entreprise chimérique, faustienne, un fantasme d'immortalité? Il y a là quelque complicité et quelque complaisance! Quelle étrange entreprise que celle qui consiste à aider quelqu'un à se faire passer pour ce qu'il n'est pas!
A partir du moment où nous apprenons à lire à quelqu'un - à un enfant - et ce quel que soit le langage, le support utilisés - et cela vaut pour une partition- nous lui enseignons comment tromper son monde. Nous en faisons une sorte de "tourne disque" qui se met à faire entendre la "voix de son maître" (nom d'une célèbre marque de disques représentant un chien). La lecture est l'ancêtre de nos pick ups, de nos grammophones, de nos "lecteurs" de CD.
Certains nous diront que ce serait criminel que de ne pas permettre à un enfant à lire aussi tôt que possible. C'est la mission de l'alphabétisation! Quel handicap que de ne pas savoir lire! Il est vrai que si l'enfant devient soudainement sourd et muet, cela peut être utile! Mais crée-t-on une morale en pensant aux divers handicaps dont nous pouvons être affectés! Une société où chacun sait lire, c'est un monde fait pour ceux qui n'entendent pas! On sait que l'on peut traduire en langage des signes et même en braille- si en plus il y a des sourds muets non voyants- une parole, un son. Mais que dire de ceux qui sont nés sourds muets, sont-ils en mesure de restituer l'œuvre originale? On nous objectera que telle sonate de Beethoven, que l'on trouve sur une partition imprimée ou non, est l'œuvre originale, telle que le compositeur lui-même l'a voulue, transmise...
Il faut se rendre à l'évidence, chaque fois que l'on délègue, l'on déclenche un engrenage, l'on recourt à des expédients, à des faux semblants et qui plus est l'on contraint souvent quelqu'un à exécuter quelque chose dont il n'est pas l'auteur et ce pour des motifs plus ou moins avouables, dont le moindre n'est pas l'argent. L'autre devient ainsi un mercenaire. L'autre pour nous remplacer, pour se substituer à nous est en effet contraint à recourir à des procédés qui quelque part sonnent faux.





JHB
06. 04. 10

7- cf. Alexandre Moatti, "Les indispensables astronomiques et astrophysiques pour tous", Paris, Odile Jacob, 2009, pp. 33 et seq).

1 commentaire:

Sovania a dit…

Merci pour cet article qui m’a fait découvrir votre site très intéressant. Au plaisir de vous lire à nouveau.
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