La consultation astrologique est-elle un marché de dupes?

par Jacques HalBronn

A propos d'Apple, la célèbre marque de matériel informatique, nous lisons cette formule dans Time ( : "Apple (...) doesn't ask people what they want; it tells them what they're going to want next" ce que l'on traduira ainsi: 'Appel ne demande pas aux gens ce qu'ils veulent, il leur dit la prochaine chose qu'ils voudront ". Cela a au demeurant des relents de prévision....
Or, paradoxalement, les astrologues n'aiment pas qu'on leur dise que lorsqu'ils interprètent un thème, ils annoncent au client comment il se percevra à l'avenir. Ils préfèrent de loin affirmer que ce qu'ils déclarent correspond à ce que le client sait de lui-même et par lui-même. D'aucuns parlent de résonance, de prise de conscience, que sais-je?
Tout se passe comme si la majorité des astrologues imaginaient que leur cahier de charges impliquait d'étudier de façon spécifique chacun de leur client en recourant au thème natal individuel. Telle est du moins l'idée qui a perduré au XXe siècle et que d'aucuns tentent de perpétuer pour le siècle suivant. En fait, un certain malentendu nait du fait que les praticiens croient qu'il dépend d'eux de "prouver" l'astrologie.
Or, l'activité du praticien de l'astrologie se situe dans le champ du commercial qui a ses règles et ses pesanteurs, d'où la légitimité de notre référence à Apple.
Souvent, nous prenons, dans nos entretiens pour la télévision astrologique, le cas d'un coiffeur, d'un couturier, d'un cuisinier - autrefois l'on aurait aussi pensé à une modiste- mais l'on pourrait allonger la liste des occupations qui fonctionnent sur la suggestion et non sur la "vérité", comme un marchand de voitures. Mais même un grand cuisinier ne fait pas de la cuisine pour une seule personne sous prétexte que ce qu'il a concocté ne ferait sens que pour elle! Aucun concepteur de voiture ne le fait pour un seul client : ce serait ruineux et épuisant! Tout créateur a besoin d'un public et une (seule) hirondelle ne fait pas le printemps.
Est-ce que le lecteur de l'horoscope de presse s'imagine, un instant, que le texte qu'il parcourt ne vaut que pour lui? Les astrologues "sérieux" ne laissent de se gausser de ces textes passe partout et qui vaudraient pour des millions de gens comme si, disent-ils, les gens vivaient les mêmes choses que leur prochain. En fait, ces mêmes astrologues ont une grave carence de yin et un excès de yang. En d'autres termes, ils ne semblent pas comprendre que les sociétés - et leurs membres- n'ont pas tant besoin de vérité que de nouveauté et que la nouveauté rapproche les gens alors que la vérité les sépare.
Autrement dit, les gens viennent chez l'astrologue pour qu'il les montre sous un nouveau jour, qu'il en parle comme on ne l'avait encore jamais fait auparavant. Il vient pour se parer de nouveaux habits et le fait qu'il ne soit pas le seul à les porter ne le gène en rien, bien au contraire! En fait, c'est au client de se retrouver non dans ces nouveaux habits mais malgré eux, c'est un challenge que de suivre une mode tout en préservant sa personnalité!
En fait, idéalement, chaque astrologue de talent devrait proposer à ses clients, chaque année, un nouveau "look" comme le ferait un grand coiffeur ou un grand couturier. Quel client serait dès lors assez naïf pour déclarer chaque année à quel point cette nouvelle coupe (celle du coiffeur comme celle du couturier) lui va bien, qu'elle a été fait spécialement pour lui, en rapport avec sa personnalité! Quel manque de lucidité, vraiment!
Ne serait-il donc pas plus sage que de dire les choses comme elles sont? Tout comme il y a des petites couturières et des grands couturiers, des petites cuisinières et des grands cuisiniers - excusez notre sexisme! - il est clair que plus l'on monte dans la hiérarchie, plus ce que l'on crée touchera un grand nombre et non un petit nombre! C'est là un paradoxe que l'on paie plus pour porter un manteau présenté en grande pompe à tout un milieu que pour quelque robe qui n'existera qu'en un seul exemplaire, de façon tout à fait artisanale! Mais, un certain individualisme est très petit bourgeois!
Nos sociétés ont besoin de créateurs qui inventent des modes qui rassembleront pour un temps toute une société, qui lui conféreront une certaine harmonie. N'avons-nous pas souffert de trouver dans certaines réunions des gens s'habillant n'importe comment, chacun à sa guise? Cela détone. Ce n'est pas dans le (bon ton. Or, il faut donner le "la"! Celui qui donne le "la" est yang mais il s'adresse à un public "yin" qui a besoin de lui pour faire corps.
En tout état de cause, l'astrologie est née d'une telle obligation sociale à unifier la société, à la faire marcher au même rythme et nous souffrons quand nous entendons des astrologues nous expliquer que chacun d'entre nous vit à son propre rythme, transits obligent.
Marché de dupes, disions-nous, en notre titre...Il ne faudrait pas, en effet, prendre les gens pour des imbéciles à l'instar de ce marchand qui s'évertuerait à convaincre chacun de ses clients qu'il a ce qui lui convient à lui spécialement et qui raconterait, peu ou prou, la même chose à tous en leur demandant ingénument s'il n'a pas ainsi capté ce qui leur est vraiment propre. On ne lui en demande pas tant!
On peut certes imaginer tel vendeur de voiture qui demanderait le signe astral de ses clients - voire leur thème astral carrément! -et qui, après avoir mimé quelques savants calculs- déclarerait "j'ai ce qu'il vous faut, ce que vous attendiez depuis toujours! et aujourd'hui, c'est le grand jour:! Certes, tous les moyens sont peut être bons pour vendre mais l'on est passé de la réclame tapageuse et souvent mensongère, outrancière, du boniment à la publicité de meilleur aloi. Les astrologues semblent avoir pris un peu de retard dans leur stratégie de communication, plutôt ringarde sur les bords.
C'est tout le problème de l'identité qui se pose: l'on ne peut que se différencier qu'à partir du moment où l'on appartient à un groupe et que l'on s'en démarque à partir d'une base commune.

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JHB
06.04. 10
8- Vol. 175, n°14, 2010, p. 23)