dimanche 11 juillet 2010

Que nous dit le Cosmos sur l'Humanité?

par Jacques HalBronn

Le cosmos a bon dos. On lui fait dire ce qu'on veut et il n'est pas là pour se défendre. C'est ainsi que l'autre jour, discutant avec Daniel Giraud (pour la Télévision Astrologique), celui-ci, à Toulouse, se référait au thème natal comme s'il s'agissait d'une quelconque réalité objective. Or, il ne s'agit là rien d'autre que d'un artefact que l'on peut ou non prendre en considération.
Au lieu d'assumer la subjectivité, la créativité qui ont conduit à élaborer l'idée de thème natal sous la forme traditionnelle qui est la sienne aujourd'hui - aboutissement de toute une histoire- d'aucuns préfèrent partir du thème comme s'il s'agissait d'une réalité en soi, en quelque sorte préalable au regard que l'Humanité porte sur le cosmos.
Non pas, certes, que le thème natal ne "repose" sur des données astronomiques mais cela n'en implique pas moins le postulat selon lequel les astres interagissent entre eux, tous autant qu'ils sont, constituant ainsi un ensemble qui a pour nom thème natal et que l'on est en droit d'ériger pour un moment donné, dont le choix est astronomiquement arbitraire, quand bien même le critère choisi serait celui de la naissance d'un certain individu, soit l'articulation de deux chronologies dont le rapport n'est pas en soi évident. Autrement dit, le thème natal n'est pas une donnée immédiate de la conscience cosmique.
Il n'en est d'ailleurs pas autrement de tout lien établi entre deux astres, surtout dans le cas de transits qui relient deux astres appartenant à deux temporalités distinctes, parfois séparées de décennies, puisqu'il s'agit de mettre en rapport le thème natal avec la position des astres, telle qu'on peut l'observer bien après la naissance. Le transit n'est donc pas plus un "fait" que le thème natal. Il n'existe que parce qu'on l'a bien voulu. Et cet argument vaut tout autant pour toute relation proposée entre deux facteurs célestes, y compris dans le cas des rapports soleil-lune, même si visuellement ils sont remarquables. Quel rapport existe-t-il en effet entre une étoile et le satellite de la Terre si ce n'est leur présence dans un même espace dont les limites apparaissent d'ailleurs de plus en plus floues (cf. l'affaire de Pluton, 2006)
En fait, le cosmos est une auberge espagnole et les significations apportées à tel ou tel astre, à tel ou tel secteur, sont des projections qui relèvent de l'anthropologie et non de l'astronomie, stricto sensu, à l'instar du bloc de telle ou telle matière sculpté par un plasticien..
Que l'on nous comprenne bien, ces observations ne visent nullement à saper les fondements de l'Astrologie mais à éviter d'abord que l'on cristallise un savoir sous le prétexte qu'il serait préétabli, comme celui qui soutiendrait que ce que les hommes inventent, créent - en musique par exemple- était déjà là, attendant d'être dévoilé. Dans l'absolu, d'ailleurs, ce n'est pas faux, puisque toute combinatoire, tout arrangement fait appel à des données existantes mais que l'on structure d'une façon inédite. Mais dans le monde relatif qui est le notre, ne nous laissons pas écraser par une sorte d'universalisme anti-humaniste, relevant d'une forme de castration de mauvais aloi!
Dans un ouvrage collectif intitulé "La tentation du Christianisme (Ed. Grasset, 2009), Luc Ferry écrit parle, en s'appuyant sur la mythologie, d'un "Urteil", d'un jugement (en allemand) établissant le partage du monde tel que décrété par Zeus : "A Poséidon, Zeus va confier la mer; à Hadès les sous-sols, à Gaïa la terre, à Ouranos le ciel etc. Chaque divinité va recevoir sa juste part. (...) le monde va devenir un cosmos, c'est à dire un ordre harmonieux, beau, juste et bon, qui sera du même coup un modèle de conduite pour les humains (...) Il y a dans cet ordre du monde quelque chose qui dépasse les humains : ils le découvrent, ils ne l'inventent pas"
Ce qui nous paraît assez fâcheux dans une telle (re)présentation des choses, est le caractère quelque peu figé d'une telle description. Celui qui connait un peu l'Histoire de France sait à quel point les rois ont du lutter pour neutraliser le pouvoir que s'arrogeaient ceux auxquels ils avaient confié des responsabilités et Luc Ferry, lui même, a pu observer que l'on ne restait pas ministre à vie! A l'entendre, le bon ordre du monde voudrait que Poséidon/Neptune restât maitre des océans pour l'éternité et idem pour Hadès/Pluton (voir le film qui vient de sortir "Le choc des Titans"). Bien au contraire, de telles attributions ne sauraient être que temporaires, elles peuvent être redistribuées, élargies ou au contraire restreintes par celui qui les a déterminées. Comme le rappelle Ferry, c'est Zeus qui a fait le partage et il est donc en mesure de le défaire comme un chef de gouvernement peut opérer un remaniement. Zeus ne perd pas son statut central, l'Olympe a toujours un maître et les premières attributions de celui-ci tiennent précisément à son pouvoir de changement.
Autrement dit, nous ne pensons pas qu'il faille prendre trop au sérieux un tel agencement dont le souvenir s'est certes perpétué mais qui n'épuise nullement le problème. En ce sens, le polythéisme ne contredit pas le monothéisme, il en émane, tout comme les ministres n'existent que par l'existence même du chef, du président gardien de la légitimité du pouvoir et déléguant une partie de celui-ci à qui bon lui semble et pour une durée qu'il appréciera.
On a ainsi l'impression que les gens projettent sur le cosmos leur idéologie individualiste, leur volonté de limiter le pouvoir central en arguant de droits acquis et garantis plus ou moins fictifs, comme ce faux qu'est la Donation d'Hadrien. Chez les astrologues, c'est encore pire puisque ces dieux se sont vu affecter, apparemment définitivement et une fois pour toutes, une certaine planète qui porte carrément leur nom (autrefois l'on disait l'astre de Mars etc.) Ce serait d'ailleurs oublier que le dieu Pluton, dieu pourtant si important, n'a été attribué à un astre qu'en 1930, ce qui montre bien que l'astronomie est décalée par rapport à la mythologie- ce n'est d'ailleurs pas dans ses attributions scientifiques que d'être gardienne de l'intégrité de la dite mythologie. A nos yeux, pour tout ce qui concerne le symbolisme tant zodiacal que mythologique, l'astronomie ne saurait faire foi, elle n'en a gardé que ce qui lui convenait pour ses besoins du moment et dans l'ordre qu'il lui a plu d'adopter et de suivre.
Dans le propos de Ferry, il y a un point aveugle, qui est l'idée même de cyclicité qui est au cœur de la notion de cosmos et qui implique le changement, le renouvellement, la révolution.




JHB
11 04. 10

1- ("Pourquoi la victoire du Christianisme sur la philosophie grecque?", pp; 51-52)