Jung semble avoir fait basculer l'astrologie dans le sens de ses convictions personnelles et il est temps de signaler un tel rôle. Voici ce que l'on nous dit de Jung (article de Didier Lafargue, "Le bonheur en soi", in revue Acropolis, n°210, Aout-novembre 2009, pp. 20-21:
"Jung était opposé aux grandes communautés où l'individu atrophie sa liberté au profit d'un esprit collectif tyrannique. (..) A l'opposé du kolkhoze soviétique (..) le psychologue conseillait à chacun d'avoir sa maison et son jardin. (..)Il est bon de s'entourer de beaux objets sur lesquels notre âme se projette. (...) A mesure que l'homme avance en âge, la contemplation, la réflexion et les images intérieures jouent ce qui est naturel un rôle de plus en plus grand. La vie éternelle qui attend chacun d'entre nous fait alors juger les choses d'un autre point de vue"
Autrement dit, Jung était favorable à l'individualisme, rien n'importait davantage pour lui que de parvenir à s'individuer (individuation). Certes, il s'agit là d'une phase majeure mais n'est pas moins importante, celle qui ramène à l'unité. En ce sens, Jung ne semble pas avoir eu un sens aigu de la cyclicité et son discours sur l'Age en témoigne car à l'entendre on ne revient pas à la jeunesse au sortir de la vieillesse :sa position est linéaire et comme beaucoup de ceux qui parlent de "progrès", on est dans l'irréversible, on ne peut qu'aller de l'avant.
Or, nul ne saurait contester que ce qui est de l'ordre de l'être soit infiniment plus homogène que ce qui l'est de l'ordre de l'avoir. L'être conduit à l'unité, l'avoir à la diversité. D'où une cyclicité qui conduit alternativement de l'un à l'autre. On notera l'importance que Jung semble accorder aux objets, donc à l'avoir, le "moi" lui même devant une sorte d'objet à contempler....un "acquis" qu'il faut chérir précieusement tel l'Avare de Molière.
La Science appréhende mieux l'être que l'avoir, lequel lui échappe largement tant qu'elle ne l'a pas élagué et structuré.
Ce qui est de l'ordre de l'avoir, chez quelqu'un, est inévitablement hétéroclite, c'est un ensemble d'idées, d'opinions, d'objets, de choses ramassées un peu partout, au fil du temps, un véritable grenier où tout vient s'entasser. Il ne faut point y chercher de cohérence sinon de surface, à la façon d'un inventaire (à la Prévert), d'un dictionnaire (alphabétique) ou d'un catalogue.
On ne sera donc pas surpris de devoir rencontrer chez les personnes qui sont à la merci de l'avoir les positions les plus contradictoires et les plus incompatibles entre elles.
Telle opinion qui nous séduira cohabitera avec l'opinion inverse qui nous hérissera....
L'Astrologie actuelle semble avoir voulu investir le créneau de l'avoir, méprisé par la Science. Elle -même se présente, d'ailleurs, comme relevant largement de l'avoir quand on considère l'ensemble de ce qui/que constitue sa Tradition.
Non pas que l'on ne puisse recenser l'avoir mais cela le sera de façon artificielle sous la forme d'un classement alphabétique ou sur la base de tel ou tel critère (taille, couleur, forme etc )
Souvent, l'on voit des personnes passer d'une phrase à l'autre des généralités à des affirmations de spécificité irréductible. C'est ainsi qu'après nous avoir déclaré qu'il ne fallait pas "généraliser" à propos des femmes, l'on nous signale que telle personne a très bien compris....les femmes, le féminin. (?!). Un autre qui part en guerre contre les "synthèses" s'affirmera héritier des grands philosophes!
L'on est en droit, dès lors, de se demander si les futurs astrologues sont bien conscients de ce à quoi ils ont affaire quand ils entendent dresser le portrait de quelqu'un.
Et si l'on considère le "vécu" des gens, ce n'est pas mieux. Leur vie est le plus souvent une succession d'événements disparates dont il peut sembler assez vain de tenter de les inscrire dans un quelconque cadre astrologique....
Comme nous le voyons dans l'entretien que nous a accordé Mireille Petit (sur teleprovidence), l'on peut se demander s'il n'y a pas ici quelque lien avec la fameuse dialectique cerveau gauche/cerveau droit (théorie qui s'est constituée dans les années Soixante-dix du siècle dernier et actuellement fort contestée). L'hémisphère droit serait le siège de l'irrationnel, de l'affectif, de l'imagination et donc l'hémisphère gauche gérerait plutôt le besoin de rationalité.
. Mais ce que nous remarquons, c'est que ceux qui prétendent que "le hasard n'existe pas", que tout s'explique...seraient précisément dans la négation de la dualité cérébrale et non dans son affirmation.
Le problème de l'astrologie tiendrait précisément au fait d'une hyperrationalisation s'"étendant à ce qui ne devrait pas être rationalisé car étant du domaine de l'avoir et non de l'être.
Or, étant donné qu'une telle ambition va justement à l'encontre des frontières du rationnel, cela entraine l'astrologie sur des sables mouvants, le thème natal incarnant à merveille une telle utopie du fait de sa volonté d'empiétement sur ce qui est situé au delà des limites de la rationalité, c'est à dire de ce qui dépasse le cas particulier.
En conclusion, l'influence de Jung nous semble avoir été sinon pernicieuse du moins déséquilibrante pour l'Astrologie. On devrait mentionner la notion d'archétype qui aura été utilisée par certains astrologues pour entériner notamment les 12 signes du Zodiaque, entités composites constituées de toutes sortes de facteurs (maison, saison, élément, symbole, maitrise), ce qui revient à figer l'astrologie dans un syncrétisme (voir l'exposé de Jean-Marie Lepeltier, Colloque de Rennes, sur son "astronomie symbolique, où il propose un thème natal sans recourir aux significations zodiacales). D'ailleurs Jung voyait surtout dans l'astrologie un recours pour comprendre les cas difficiles qu'il pouvait rencontrer....ce qui impliquait que le modèle astrologique était censé traiter des pathologies, ce qui; selon nous, est aux antipodes de sa vocation initiale.
JHB
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