par Jacques HalBronn
En 1995, nous avons soutenu un mémoire de DESS -" Le milieu astrologique, ses membres, ses structures", dans le domaine de l'ethnométhodologie (Paris VIII St Denis, à voir sur teleprovidence.com et texte sur Cura.free.fr, dont une partie parut sous le nom de Guide Astrologie, Paris, E. O. Laurens, 1997). D'autres nous avaient précédé, tel Hubert Brun (mémoire sur le site CURA.free.fr), dans un mémoire touchant également à l'astrologie. Parmi les "astrologues" qui ont suivi ou accompagné peu ou prou un tel parcours au sein de l'ethnométhodologie, signalons, à divers titres, Robert Amadou, Yves Lenoble, Annie Joly.
Quatorze ans plus tard, nous nous proposons de revenir sur les apports de cette formation, en précisant que l'aventure de l'ethnométhodologie commença pour nous en 1989, avec la rencontre d'Yves Lecerf (décédé fin 1995), responsable de ce département.
On pourrait d'ailleurs considérer la sommes d'entretiens, de débats qui ont été mis en ligne depuis 2008 (et même 2007) sur Teleprovidence (et précédemment sur d'autres supports Internet) comme se situant dans la continuité de notre mémoire, en fournissant une abondance de témoignages offrant un certain intérêt ethnologique..
Le concept qui nous apparait, rétrospectivement, comme le plus porteur pourrait être celui d'accountability. Par là nous entendons surtout la façon dont les membres parlent du dit groupe et des (ethno)savoirs véhiculés par le dit groupe. Dans le cas du milieu astrologique, on s'intéressera donc à la façon dont les astrologues- si par là on désigne, très vaguement, ceux qui s'inscrivent dans cette mouvance- communiquent sur l'Astrologie, comment ils en parlent. Et les centaines d'heures d'enregistrement vidéo que nous avons tournées nous permettent de faire le point sur cette accountability.
Mais d'entrée de jeu, une question se pose, celle de la compétence des personnes que nous avons interrogées à procéder à une telle accountability. Quand on visionne, en effet, nombre de ces vidéos, l'on en arrive à se demander si chaque astrologue peut correctement parler d'astrologie. Face à nos questions, un mélange d'improvisation et de notions souvent disparates et contradictoires qui se succèdent au cours de l'entretien.
Or, l'astrologue peut-il faire l'économie, l'impasse, par rapport à ce travail d'accountability. A la différence de nombreuses professions, l'astrologue est souvent amené à défendre son activité et pas seulement à la pratiquer. Comment s'y prend-il? Ne devrait-il pas avoir reçu une formation, un argumentaire, pouvant lui servir à s'exprimer sur ce sujet? Est-il normal que chaque astrologue puisse tenir un discours personnel? Dans le domaine religieux, tout le monde n'est pas théologien.....
On nous objectera que nous n'avions pas à poser certaines questions aux astrologues que nous, individuellement ou collectivement, rencontrés au cours de notre "enquéte". Il est un fait qu'au départ, nous étions assez réticents à interpeller toutes sortes d'astrologues et préférions nous focaliser sur une certaine élite, telle que nous l'avions recensée dans nos Guides. Mais peu à peu, l'idée de rencontrer des astrologues "tout venant" fit son chemin. Nous suivions en cela l'exemple de la FDAF qui faisait cohabiter, en son sein, et notamment dans son '"annuaire", des astrologues de niveaux très différents, non sans risquer de basculer dans une certaine promiscuité.
En ce sens, la FDAF et Teleprovidence auront contribué à la dévedettisation de l'astrologie, chaque astrologue, pour peu qu'il en ait les moyens financiers ou techniques, ayant désormais les moyens d'exister au niveau de ce média qu'est Internet et y prospérant plus du fait de compétences techniques (constitution de sites plus ou moins attractifs) qu'en raison de sa réputation et de son expérience.. Quant à Roger Héquet, par exemple, il parvint même à créer sa propre télévision, tout en étant extérieur au milieu astrologique (TV Urania, début 2007)
C'est pourquoi cette expérience de l'accountability nous aura conduit à proposer un certain recentrage au niveau du discours tenu par les membres du "village" astrologique.
Quand nous avions réalisé nos guides (notre DESS en étant un, d'ailleurs paru sur le site du CURA.free.fr, mais aussi en partie, dès 1997, chez O. Laurens, sous le nom de "Guide Astrologique"), nous avions recouru à des critères de sélection bien différents, à savoir non pas le rapport vertical en direction du public - ce qui est somme toute le cas de la plupart des sites y compris celui de la FDAF - mais le rapport horizontal, à savoir la participation d'un astrologue à la "vie astrologique", au sens sociétal du terme (participation à des colloques, à des associations, à des revues spécialisées)
En termes d'accountability; signalons notre "Livre blanc de l'astrologie" (2006), dont une partie fut consacrée à reproduire les textes présentés par les astrologues eux mêmes à leur sujet (quatrieme de couverture, prospectus divers). Mais déjà dans notre DESS (1995), nous avions demandé aux astrologues de compléter la notice que nous avions rédigée à leur sujet.
Force est de constater que l'on assiste à une dispersion des discours et des énergies et ce d'autant que les astrologues n'ont plus besoin de se rencontrer pour exister socialement encore que l'on puisse penser que les annuaires d'astrologues aient plus d'impact qu'une publicité individuelle en ce qu'ils sont censés apporter un certain label de garantie, surtout si les astrologues qui y figurent ont signé un engagement à caractère déontologique. Teleprovidence a recueilli ces discours parallèles où chaque astrologue représente, en quelque sorte, à lui tout seul, l'Astrologie face au public et en parle à sa guise, même si certaines formulations soient parfois reprises d'un astrologue à l'autre. L'on pense à la découverte et à l'intégration progressive et successive des transsaturniennes qui revient d'un discours à l'autre, montrant que le moment de leur découverte n'est pas fortuit, ce qui à vrai dire engage l'astrologie dans une direction décalée par rapport à la position d'une astrologie aux fondements inchangés depuis des siècles voire des millénaires.
Mais nous voudrions insister sur un point qui nous avait échappe en 1995, à savoir que les personnes attirées par l'astrologie de façon "lourde" pourraient, selon nous, dans une proportion notable, être atteintes de certains troubles relationnels pouvant être assimilés à une certaine forme de sociopathie laquelle serait précisément masquée - ou que l'on tenterait du moins de masquer - par le moyen de l'Astrologie. Il est ainsi remarquable que certains astrologues parlent de l'astrologie non point tant comme d'un outil devant s'appliquer à un domaine spécifique mais comme d'une sorte de "loupe" permettant de mieux voir ce qui se passe autour de soi. Pour résumer une telle accountability en milieu astrologique, nous dirons que si l'astronome a besoin d'une lunette pour explorer le ciel, l'astrologue a besoin d'une lunette pour comprendre le monde et cette lunette recourt à des données fournies précisément par la lunette de l'astronome, notamment en ce qui concerne les planètes "télescopiques" que sont les transsaturniennes, invisibles à l'œil nu, même si Uranus est parfois observable sans télescope.
L'astrologie, nous apparait-il permettra de voir plus loin et plus vite mais non pas que la moyenne mais pour être dans la moyenne. tout comme une personne se servant de lunette ne prétend pas voir mieux que celles qui n'en portent pas. En ce sens, l'astrologie se voudrait ici normative, permettant de compenser des carences qui marqueraient par trop l'individu par rapport au groupe. On pourrait même se demander si les clubs astrologiques que sont les associations et autres groupes ne réuniraient pas des personnes ayant toutes besoin de se servir de l'astrologie pour exister, pour communiquer, en ayant l'illusion de la normalité. Mais on sait que de tels procédés ont leurs failles. C'est ainsi que l'on observe dans tel ou tel rassemblement d'astrologues des comportements problématiques qui font penser à un simulacre de sociabilité. On trouve d'ailleurs des signes du même ordre chez les musiciens qui ne travaillent ensemble que par le truchement de partition, ce qui cache parfois paradoxalement une acuité musicale assez médiocre, d'où la nécessité d'un fort bagage théorique et technique.. On pourrait en dire autant, probablement, de clubs de poètes où chacun ne s'exprime qu'en lisant ou récitant quelque texte, laissant qu'une place marginale et souvent exagérée par ce qui en est dit à l'improvisation. Contraste d'ailleurs étonnant entre la richesse de ce qui est exprimé par le truchement des divers outils et la pauvreté de la communication spontanée.
Pour en revenir aux groupes astrologiques qui se réunissent périodiquement (par exemple l'association Source, à Paris), l'on observe que les échanges entre les personnes présentes sont quasiment nuls. Les intervenants font chacun leur "numéro", l'un à la suite de l'autre et le public doit de facto assister muet pendant deux heures aux exposés alors même que le dit public est censé avoir une certaine compétence en la matière et c'est peut être d'ailleurs pour cela qu'il n'a pas voix au chapitre alors que des élèves, en astrologie, eux seraient invités à poser des questions. mais on passerait alors de la relation horizontale à la relation verticale qui concerne des personnes extérieures au milieu astrologique. Pour donner le change, le président de séance annonce un temps de question qui ne vient jamais ou sous la forme de questions écrites (comme au RAO) Bien entendu, tous les prétextes sont utilisés dont le plus classique est qu'on n'a pas le temps ou qu'il est déjà bien tard. En fait, tout se passe comme si seules les personnes programmées, ayant "préparé" quelque chose auront le droit de prendre la parole et de toute façon il est convenu que les intervenants se comportent en fait comme des enseignants et que l'on n'attend pas de personnes de la salle -(des femmes au dessus de 50 ans, à 90%) d'exposer quoi que ce soit de quelque peu substantiel et dont on ne connaisse le contenu qu'après coup, surtout si cela émane de gens inconnus ou dont on ne contrôle pas le propos. Quant à un vrai débat organisé entre les intervenants pouvant laisser apparaitre des dissensions, il serait fort mal venu, cela ferait désordre. Quoi que disent les uns et les autres, il est entendu, de toute façon, que tout ce qui est dit est compatible et ne saurait être contradictoire.
Or, l'on sait que dans la "vraie" vie, heureusement, les choses ne se passent pas ainsi. Mais justement, les astrologues ne sont pas forcément à l'aise dans la vie "sans filet". Ils fuient les discussions animées et non balisées. Et n'oublions pas que pour beaucoup d'entre ces astrophiles, l'astrologie leur aura permis d'échapper à un certain mutisme et de passer à un propos abondant tant sur le plan "scientifique" et général que sur le plan du rapport à autrui, au niveau du relationnel. On retrouve ce même phénomène dans certains groupes religieux. On pense au bouddhisme japonais de la Soka Gakai (avec son mantra) ou du groupe lié à Bruno Gröning, qui génère une métamorphose chez les adeptes au niveau du discours, les faisant passer de personnes marginalisées par leur difficulté d'expression, par leur timidité au statut de coach et de maître à penser, de gourou, faisant des conversions autour d'elles, dispensant le bien et le vrai autour d'eux alors même que; dans une forme de schizophrénie, ces personnes continuent à présenter des troubles de comportement qui n'ont pas cessé pour autant dès lors que les dites personnes quittent le terrain connu, à la façon d'un aveugle perdu s'il ne suit pas son parcours habituel et bien tracé.
On pense à ces personnes qui ne savent pas traverser une rue sans passer par les passages prévus à cet effet. En apparence, on se dira que ces personnes sont de bons citoyens mais cela cache souvent l'incapacité à communiquer avec les automobilistes. On a noté en effet que l'absence de feux de signalisation ne provoquait pas plus d'accidents car tant les piétons que les automobilistes faisaient plus attention les uns aux autres. On notera d'ailleurs que les immigrés, les étrangers sont souvent beaucoup plus respectueux de la signalisation que les autochtones.
Il serait bon pour asseoir notre propos de mettre en place des tests faisant apparaitre le degré de perceptions des signes au sein d'un groupe. Dans un groupe constitué de personnes "normales", ces signes jouent un rôle majeur alors qu'il est quasiment nul dans un groupe fondé sur le recours à des codes rigides. On ne parlera pas indéfiniment devant des gens qui expriment par leur mimique des objections, on sentira rapidement que telle personne de l'assistance a une faculté d'expression et de réflexion supérieure éventuellement aux intervenants désignés, on saura respecter les personnes présentes pour ce qu'elles valent sans qu'il soit besoin de connaitre leur statut officiel. En fait, les groupes auxquels nous faisons allusion savent mal prévoir ce qui peut se passer si le programme n'est pas respecté religieusement; les responsables ont peur de ce qui risquerait de survenir....Nous dirons d'une façon schématique que l'on préfère ce qui est figé et déjà établi à ce qui est vivant et susceptible de surprendre et de déstabiliser.
JHB
10. 10. 09
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