samedi 28 novembre 2009

L'erreur polyplanétariste de l'astrologie cyclique

par Jacques HalBronn


Le remarquable apport de Jean-Pierre Nicola, il y a un demi-siècle, fut de comprendre que l'on pouvait changer les significations des planètes et des signes sans que cela remette en question les structures de l'astrologie. De fait, Nicola aura ainsi montré qu'il y avait là un certain espace de liberté pour la pensée astrologique, sans que cela vienne pour autant bouleverser la pratique de l'astrologie, ce qui ne l'empêche donc nullement, par exemple, de collaborer à Astroflash, dans les années soixante-dix et de faire école pour former des praticiens tout aussi capables que ceux ayant reçu une culture astrologique traditionnelle.
Mais, à notre avis, l'espace de liberté ouvert à la recherche astrologique est beaucoup plus vaste que Nicola ne l'avait imaginé et, ce faisant, il n'est pas parvenu à sortir l'astrologie de son ornière. La grande question est en effet celle-ci : que peut-on changer et que ne peut-on changer en astrologie sans que l'astrologie cesse d'être l'Astrologie? Jusqu'où peut-on - et doit-on - aller?
Certes, les travaux de Gauquelin, à la même époque, militaient en faveur d'un certain polyplanétarisme puisque cinq planètes paraissaient jouer un rôle à la naissance, du point de vue du mouvement diurne, c'est à dire par rapport à la rotation de la Terre sur elle-même en 24 heures environ.
Mais il eut fallu en tirer deux leçons que Nicola ne tira point :
1 ce polyplanétarisme était réservé à ce qu'on appelle les "maisons astrologiques" et ne concernait pas les signes. Le thème natal devait donc évacuer les positions des planètes en signes
2 ce polyplanétarisme faisait sens en vue de rendre compte d'un découpage des fonctions humaines. Il ne faisait pas sens au niveau cyclique, c'est à dire précisément au niveau du parcours sur l'écliptique, les exigences de structuration du Temps n'étant pas celle de l'Espace.
Autrement dit, le systéme RET par son polyplanétarisme ne pouvait convenir qu'au niveau spatial, donc rotationnel, niveau où d'ailleurs toutes les planètes sont dotées de la même vitesse de progression et ne sont pas considérées du point de vue de leurs différences en matière de révolution, ce qui est, au demeurant; le fondement même du dit RET.
Donc, le travail de Nicola au niveau du polyplanétarisme aurait du se limiter au mouvement diurne et ne pas considérer le zodiaque. Or, Nicola a mis en place le zodiaque réflexologique tout comme, pour les maisons le SORI, au sein du thème natal dont il n'a pas perçu le caractère hybride, confondant rotation et révolution, espace et temps, en un seul et même plan.
La notion de cyclicité obéit à de tout autres critères que celle de "division du travail" au sens de Gauquelin, (classement socioprofessionnel). Il importe certes que le parcours de la configuration suivie soit balisé et donc que les subdivisions choisies marquent une évolution. On aura compris que la diversité spatiale n'est pas la diversité temporelle. L'une exige une pluralité de planètes autour d'un même lieu de naissance, l'autre une pluralité de phases autour d'une seule et même planète. La division en 12 du zodiaque peut jouer, en l'occurrence, ce rôle puisque le zodiaque s'articule sur l'écliptique, quel que soit d'ailleurs son point de départ (tropique, sidéraliste, stellaire). En ce sens, le travail de Nicola sur le zodiaque réflexologique pourrait s'inscrire au sein d'une astrologie cyclique, sans aucun lien avec le thème natal et relevant de ce qu'on appelle l'astrologie mondiale. Encore faudrait-il ne pas conférer aux 12 signes la même importance qu'aux quatre grands secteurs découpés par les axes équinoxiaux et solsticiaux.. La division en 12 n'est nullement, en effet, un impératif ni pour les maisons, ni pour les signes et l'on ne peut que constater que Nicola a préservé et maintenu de telles subdivisions, se contentant d'en reformuler les significations. Autrement dit, Nicola n'a pas suffisamment libéré la pensée astrologique de certains découpages arbitraires pas plus qu'il n'est parvenu à dissocier le zodiaque du cadre du thème natal alors que les travaux de Gauquelin, alors récemment publiés, l'y auraient invité, le dit Gauquelin d'ailleurs se permettant de découper le mouvement diurne autrement qu'en 12 secteurs!
Mais ce sur quoi, avant tout, Nicola aura butté, c'est la question même de la cyclicité et ce du fait de son attachement excessif à l'astronomie, prise comme paradigme, pour l'astrologie, quant à sa description du système solaire..Il a confondu en quelque sorte le message et le medium (Macluhan).Selon son raisonnement- ou son postulat- puisque chaque planète avait reçu un nom, s'était vue affecter un dieu, c'était la "preuve" qu'elle était censée jouer un rôle en astrologie, puisque l'astrologie a vocation à appréhender le ciel au regard de l'humain. La théorie des âges que Nicola élabora (voir notre texte sur ce sujet dans le présent journal de bord) ne venait-elle pas confirmer ce point de vue, chaque planète correspondant bien à un stade de la psychogénèse humaine? Mais en réalité, ce n'étaient pas tant les planètes (medium) qui jouaient ce rôle que les divinités (message) dont elles étaient porteuses. Et rien de plus normal à ce que l'ordre des dites divinités (message) suive l'ordre des planètes (medium) pour sous tendre précisément un tel agencement....Il est vrai que les travaux de Gauquelin quant au pluralisme planétaire, au niveau du mouvement diurne, pouvaient aisément porter à confusion....puisque les dits travaux apportaient la "preuve" du lien entre medium et message! Il y avait bel et bien, n'est-ce pas, des gens qui dépendaient de Jupiter, à leur naissance; et en avaient les caractéristiques....Mais Gauquelin n'apporte rien de concret, par ses statistiques, au niveau de l'astrologie cyclique articulée sur les révolutions planétaires, même s'il s'intéresse par ailleurs aux recherches des chronobiologistes, des biométérologistes concernant notamment certains rythmes chez les végétaux ou chez les animaux en rapport avec le mouvement cyclique de certains minéraux (planètes, luminaires)
Le cycle, en dépit des apparences, est le point aveugle dans l'œuvre de Nicola et cela tient probablement à l'influence d'André Barbault, son aîné, grand spécialiste français de la cyclicité astrologique pour qui le polyplanétarisme est une condition nécessaire de l'Astrologie mondiale, notamment avec son indice cyclique mais aussi, plus simplement, dans l'étude des cycles biplanétaires (Saturne-Neptune et bien d'autres). Le problème de Barbault, c'est d'avoir négligé les étoiles fixes, ce qui l'obligera à combiner des planètes entre elles et donc à prôner le polyplanétarisme au niveau cyclique.
Nous assistons là à une carence chez ces maîtres astrologues à penser correctement l'idée de cyclicité au niveau anthropocosmologique, commettant ainsi certains fatals contresens. .Les étoiles fixes sont le grand absent de l'astrologie contemporaine, tout se passant comme si elles avaient été sacrifiées sur l'autel de la scientificité astronomique selon laquelle les dites étoiles n'appartiennent aucunement au système solaire. Exit les étoiles fixes et ce d'autant que la nouvelle astronomie fournit des planètes plus lentes que celles que l'on connaissait dans l'Antiquité, pouvant donc, croyait-on, jouer le rôle des dites étoiles....sans qu'on ait à sortir du système solaire.
Dans ce cas, en ne tenant plus compte, au niveau cyclique des rapports planètes/étoiles, les astrologues dépassaient bel et bien les limites à ne pas dépasser! Ce faisant, ils portaient un terrible coup au sein même du noyau dur de l'Astrologie alors même qu'ils conservaient de l'astrologie des données dont elle aurait pu fort bien se passer! Tel est au demeurant le grand enjeu d'une réforme de l'astrologie; que peut-on et que ne peut-on pas jeter par dessus bord, selon un questionnement képlérien? A juste titre, Kepler, en tant que théoricien de l'astrologie, conservait les aspects, c'est à dire le fondement de toute configuration céleste par delà toute autre subdivision en signes ou en maisons (même si dans sa pratique d'astrologue de cour, il se montra plus conservateur), ce qui permettait de ne pas dépendre de la précession des équinoxes sans pour autant accorder trop d'importance aux axes saisonniers dont l'importance au niveau des planètes extérieures (hors du soleil et de son "escorte" (Mercure et Vénus ayant même cyclicité d'un point de vue géocentrique que le soleil) était pour le moins douteuse.
.Certes, les étoiles fixes n'appartenaient-elles pas au système solaire et donc n'étaient pas acceptables pour la doxa astronomique moderne.....Belle concession en effet, preuve de bonne volonté de la part des astrologues que de s'en démarquer, de les oublier. En revanche, visuellement, pour les humains que nous sommes, leur présence n'en est pas moins indéniable et de tout temps, bien avant même que l'on ait su distinguer parmi elles quelques "planètes".(astres errants, en grec, par opposition à étoiles fixes). La notion de cyclicité impliquait une configuration comprenant un astre mobile tournant autour d'un astre fixe et entrant périodiquement en conjonction avec lui - expression qui ne signifient nullement une rencontre physique mais seulement visuelle! . Ce système fut battu en brèche au Moyen Age avec la théorie des grandes conjonctions (Jupiter-Saturne), on se contenta alors d'avoir deux planètes dont forcément l'une était plus rapide que l'autre mais dont aucune n'était fixe, ce qui en aurait fait une étoile. En renonçant aux étoiles, l'on privait ainsi l'astrologie de certains repères chronologiques qui allaient lourdement hypothéquer son potentiel prévisionnel et a contrario introduire des données prévisionnelles non pertinentes.
Or, tout le débat tourne autour de la question d'une influence des astres s'imposant aux humains ou voulue par les humains. Débat qui remplace celui des années soixante sur astrologie physique, causale et astrologie symbolique, synchronique. Il semble que Nicola ait opté pour la première approche en ignorant l'existence d'une troisième voie, celle que nous avons ouverte dans les années 80 (L'étrange histoire de l'astrologie, Paris, Artefact 1986) à savoir que ce sont les hommes qui ont structuré le ciel astrologique en opérant des choix (thème du colloque du 11 novembre, à Marseille) en rapport avec leurs besoins et leur perception du ciel. Dans le cas de figure d'une influence du ciel, on est dans le polyplanétarisme, puisque, selon Nicola; le systéme solaire constitue un.... système de signifiants/signifiés, de signaux. Dans le cas où les hommes s'autoprogramment, toute la question est de savoir quels sont les repères qu'ils choisirent pour ce faire, ce qui, au vrai, est la question principale de l'astrologie à laquelle il convient qu'elle réponde et à laquelle nous pensons, pour notre part, avoir répondu (Astrologie 4 Etoiles), ce qui nous met en phase avec le monothéisme du fait d'un monoplanétarisme que nous prônons.
Certes, l'on nous objectera, comme l'on ne s'est pas privé de le faire, depuis plus de 20 ans, que si l'astrologie est une invention des hommes, elle n'a pas grande valeur! C'est dire la foi humaniste de nos astrologues! L'astrologie ne serait-elle, selon nos adversaires, qu'une réalité socioculturelle? Dans ce cas, elle n'existerait que dans des sociétés qui y croient et qui s'y conforment. Or, un des postulats de l'astrologie voudrait que les hommes agissent selon les astres qu'ils le veuillent ou non....Là encore, l'on oublie la voie de la génétique, de l'hérédité astrale qui fait que ce qui au départ est culturel finisse par se transmuter en naturel, à un niveau subconscient, ce qui force à réfléchir sur la notion de conscience. Il semble que nous ayons en nous plusieurs niveaux de conscience, que nous soyons conscients de certaines choses à un certain niveau de notre corps et de notre cerveau et pas à d'autres.
En conclusion, nous dirons que l'action des astres sur l'Humanité - par delà quelques évidences quant à la consubstantialité de l'homme avec le cosmos - ne s'opère que sous certaines conditions. Autrement dit, elle aurait pu ne pas se produire ou se produire autrement si les hommes en avaient décidé autrement. Il est donc crucial de déterminer ce qui fut décidé par nos lointains aieux, ce qui constitue le fondement même de l'astrologie. Si l'on part, en revanche, sur de fausses bases, c'est toute l'astrologie qui s'en trouve plombée et désaxée.

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JHB
23.10. 09

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