Etudes de Critique biblique, astrologique nostradamiquej et linguistique.
dimanche 1 juin 2025
Aeneas Silvius Piccolomini as a Transitional Figure between the Middle Ages and the Renaissance”’- Groningue Décembre 1997
"Studies in Intellectual History - Volumes 101-150"
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BRILL’S STUDIES
IN
INTELLECTUAL HISTORY
General Editor
A.J. Vanderjagt, University of Groningen
Editorial Board
M. Colish, Oberlin College
J.I. Israel, University College, London
J.D. North, University of Groningen
R.H. Popkin, Washington University, St. Louis-UCLA
VOLUME 117
✓ s
^ 68 ^
PIUS II
‘EL PIU EXPEDITIVO PONTIFICE’
Selected Studies on Aeneas Silvius Piccolomini
( 1405 - 1464 )
EDITED BY
ZWEDER VON MARTELS and ARJO VANDERJAGT
✓ s
V 6 8 'i '
BRILL
LEIDEN • BOSTON
2003
The medal on the front of this book is by Andrea Guazzalotti of Prato (1460);
a copy may be seen at the Schweizerisches Landmuseum, Zurich.
This book is printed on acid-free paper.
Library of Congress Cataloging-in-Publication Data
Pius II, “el piu expeditivo pontifice” ; selected studies on Aeneas Silvius Piccolomini
(1405-1464) / edited by Zweder von Martels and Arjo Vanderjagt.
p. cm. - (Brill’s studies in intellectual history. ISSN 0920-8607 ; v. 117)
“This volume finds its origin in a workshop which was held at the University of
Groningen on December 12-13, 1997, entitled Aeneas Silvius Piccolomini as a
Transitional Figure between the Middle Ages and the Renaissance”’-Pref.
Includes bibliographical references and index.
ISBN 90-04-13190-6 (alk. paper)
1. Pius II, Pope, 1405-1464. 2. Church history—Middle Ages, 600-1500.1. Title: Pius
2nd, “el piu expeditivo pontifice”. II. Martels, Z. R. W. M. von. III. Vanderjagt, Arie
Johan. IV Series.
BX1308.P565 2003
282’.092-dc21
2003052333
ISSN 0920-8607
ISBN 90 04 13190 6
© Copyright 2003 by Koninklijke Brill NV, Leiden, The Netherlands
All rights reserved. No part of this publication may be reproduced , translated, stored in
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Fees are subject to change.
PRINTED IN THE NETHERLANDS
CONTENTS
Preface. vii
Contributors. ix
Enkyklios paideia in the Work of Aeneas
Silvius Piccolomini
Benedikt Konrad Vollmann. 1
From Samarkand to Scythia: Reinventions of Asia
in Renaissance Geography and Political Thought
Margaret Meserve. 13
Aeneas Silvius Piccolomini as a Historiographer: Asia
Benedikt Konrad Vollmann. 41
The New Landesgeschichte: Aeneas Silvius on
Austria and Bohemia
Rolando Montecalvo. 55
Aeneas Silvius Piccolomini’s De curialium miseriis
and Peter of Blois
Keith Sidwell. 87
Alltag an der Kurie: Papst Pius DL (1458-1464) im
Spiegel Zeitgenossischer Berichte
Claudia Marti. 107
Pius II and Francesco Sforza. The History of Two Allies.
Marcello Simonetta.147
VI
CONTENTS
Pius II and the Formation of the Ecclesiastical
Institutions of Pienza
Giuseppe Chironi. 171
‘Reject Aeneas!’ Pius II on the Errors of his Youth
Thomas M.. Izbicki. 187
‘More Matter and Less Art.’ Aeneas Silvius Piccolomini
and the Delicate Balance between Eloquent Words and Deeds
Zweder von Martels. 205
The Fruit of Love. Aeneas Silvius Piccolomini about
his Illegitimate Child
Zweder von Martels. 229
Index. 249
PREFACE
This volume finds its origin in a workshop which was held at
the University of Groningen on December 12-13, 1997, en¬
titled ‘Aeneas Silvius Piccolomini as a Transitional Figure
between the Middle Ages and the Renaissance’. The organizers
were fully aware that a short workshop could not do full jus¬
tice to Piccolomini (1405-1464), the humanist, author, courtier,
inveterate traveller, conciliarist and then papalist, priest, bishop
and finally pope under the name Pius II (1458-1464), urban
architect of Pienza, grand patron of the arts, and would-be cru¬
sader. Piccolomini’s scholarship, his literary and widely rang¬
ing humanist work, his political and ecclesiastical activities,
but especially the personal, likeable style of his writings led
Jacob Burckhardt to call him his ‘Liebling’ - his love -, a term
he used only for one other person: the painter Raphael. 1
Given this estimation and that of others down to our own
century, the workshop sought to understand Piccolomini and
his work as a way to approach the Latin literature and culture
of the fifteenth-century Renaissance. Hence a title was chosen
for this book that would demonstrate the importance of Picco¬
lomini to his contemporaries. It was taken from the words of
the Milanese ambassador Agostino Rossi (f after 1476) a year
after Piccolomini’s death, which describe him as el piii expedi-
tivo, el piii libero pontifice chefusse may. 2
Tom Izbicki, Keith Sidwell, Zweder von Martels and Bene¬
dict Vollmann were participants in the original workshop; their
papers were rewritten and expanded to the form in which they
are published here. Furthermore, Dr von Martels and Professor
1 Ludwig von Pastor, Tagebiicher, Briefe, Erinnerungen , ed. W. Wlihr
(Heidelberg) 1950), p. 273. For an evaluation of Burckhardt’s utterances, see B.
Widmer, Enea Silvio Piccolomini in der sittlichen und politischen
Entscheidung, Basler Beitrage zur Geschichtswissenschaft 88 (Basel and Stutt¬
gart, 1963), pp. 1-3.
2
See Professor Marti’s article below, p. 145.
Arnaud Bernier Notre guide de la langue arabe et de ses dialectes.
Notre guide de la langue arabe et ses dialectes
par Arnaud Bernier
Avec plus de 250 millions de locuteurs, l’arabe est l’une des principales langues du monde. Souvent mal connue et vectrice de clichés, la langue arabe est à la fois science et poésie. Voyageons ensemble aux confins de l’Afrique et du Moyen-Orient pour faire sa connaissance !
Quand on parle des langues d’avenir, on évoque le chinois, parfois le russe, l’espagnol aussi. Plus rarement l’arabe, langue trop souvent oubliée. N’est-ce pas pourtant une prétendante sérieuse au titre ? Elle fait partie des 5 langues les plus parlées au monde. Langue des sciences, des arts, de civilisation et de religion, l’arabe a eu un impact colossal sur les cultures du monde. Année après année, fidèle à ses traditions, la langue arabe continue de voyager, de s’enrichir et de fasciner. Entre l’arabe littéral, ses innombrables dialectes et son alphabet reconnaissable entre tous, comment définir l’essence de cette langue insaisissable ? Babbel vous met sur la piste !
Où parle-t-on la langue arabe dans le monde ?
L’arabe est la langue officielle de 24 pays et l’une des 6 langues officielles de l’ONU. Il s’agit des 22 États de la Ligue Arabe, auxquels s’ajoutent l’Érythrée et le Tchad. La moitié de ces États arabophones sont en Afrique (Algérie, Comores, Djibouti, Égypte, Érythrée, Libye, Maroc, Mauritanie, Somalie, Soudan, Tchad et Tunisie). L’autre moitié se situe en Asie (Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Oman, Palestine, Qatar, Syrie et Yémen).
Arabe, turc, persan… faisons le point ! La majorité des arabophones étant musulmans – et l’arabe étant la langue du Coran – un amalgame courant consiste à confondre langue arabe et Islam. Le plus grand pays musulman du monde n’est pourtant pas arabophone puisqu’il s’agit de l’Indonésie. L’arabe est une langue sémitique. Contrairement aux idées reçues, elle n’a aucun lien de famille avec le turc – qui appartiendrait au groupe des langues altaïques. Le persan ou farsi, première langue d’Iran, n’est pas apparenté à l’arabe. Il s’agit d’une langue indo-européenne… comme le français ! De même, en Afghanistan, les deux langues majoritaires sont des langues iraniennes : le dari et le pachto. La pratique de la langue arabe y est minoritaire, loin derrière l’ouzbek ou le turkmène. Elle est réservée à la religion et au commerce extérieur avec le Moyen-Orient.
L’alphabet arabe
Chez Babbel, nous avons pris l’habitude de démystifier les systèmes d’écriture. L’alphabet cyrillique ne demande pas plus de deux jours d’apprentissage. Notre tour du monde des alphabets nous a déjà fait voyager du Caucase à la péninsule coréenne. Quant à l’alphabet arabe… ce n’est pas un alphabet au sens où on l’entend pour l’alphabet latin ! Appelé abjad ou alphabet consonantique, l’alphabet arabe ne note que les consonnes. Il s’écrit et se lit de droite à gauche et comporte 28 lettres.
On retrouve ce système d’écriture dans d’autres langues, notamment le persan, le kurde et l’ourdou. Depuis l’an 1000, il est également utilisé par les Ouïghours. Jusqu’en 1928, il servait de transcription au turc qui utilise depuis une version de l’alphabet latin.
Arabe littéral et arabe dialectal
L’arabe est certainement le meilleur exemple de diglossie. La diglossie est le fait pour une langue d’être divisée en plusieurs variétés régionales, parfois non compréhensibles entre elles. L’arabe, en tant que langue, peut désigner deux réalités différentes : l’arabe littéral d’une part, l’arabe dialectal d’autre part.
L’arabe littéral est le nom donné à la langue standardisée. Langue administrative et politique, c’est celle qui est reconnue comme langue officielle des pays arabophones. C’est aussi celle que l’on retrouve dans le Coran, dans les médias et dans les précis de grammaire. Elle domine dans la communication écrite et formelle, dans la religion et dans les échanges internationaux. Mais dans les faits, personne n’a l’arabe classique pour langue maternelle. L’arabe dialectal est la langue utilisée à l’oral dans la vie quotidienne. Elle prend des formes très différentes d’un territoire à l’autre.
Pourquoi une telle diglossie ? C’est le fruit d’évolutions historiques, sociales et politiques. Comme toutes les langues vivantes, l’arabe change au fil du temps. Langue poétique devenue langue religieuse à partir du VIIe siècle, elle a conquis un immense territoire aux influences variées. Les anciens dialectes, pas entièrement disparus, se sont adaptés pour se mêler à l’arabe. Copte en Égypte, berbère au Maghreb, araméen en Syrie… L’histoire de la langue arabe est une histoire de migrations et d’enrichissements culturels. Intéressons-nous aux principaux dialectes de l’arabe.
Quels sont les principaux dialectes de l’arabe ?
Les distinctions dialectales de l’arabe se font à plusieurs niveaux. Les linguistes ont d’abord privilégié une approche par régions. Il y aurait ainsi un arabe occidental par opposition à un arabe oriental. Mais au sein même de ses régions, les différences sont nombreuses. Au point d’abandonner parfois la catégorisation en dialectes pour privilégier le terme de langues.
Arabe occidental et arabe oriental
L’arabe occidental, ou arabe maghrébin, désigne la variété linguistique présente – par ordre alphabétique des territoires – en Algérie, en Libye, au Maroc, en Mauritanie et en Tunisie.
Par déduction, tous les autres territoires arabophones sont rattachés à l’arabe oriental. On peut faire la distinction entre quatre aires linguistiques que sont :
– l’arabe égyptien ;
– l’arabe mésopotamien, principalement en Irak ;
– l’arabe levantin, en Syrie, au Liban, en Palestine et en Jordanie ;
– l’arabe péninsulaire, commun aux autres États arabophones de la péninsule arabique.
Arabe dialectal : quelques exemples
En arabe algérien, langue maternelle d’environ 40 millions de locuteurs, certaines voyelles ont tendance à disparaître. Par exemple, le mot سماء (s’ama, ciel) se prononce s’ma. À l’inverse, l’arabe syrien reste plus fidèle à l’arabe littéral dans la prononciation. Autre illustration : كيفاش ؟ (kifach, comment ?), وقتاش ؟ (weqtach, quand ?) et la tendance à ajouter -ach à la fin des mots interrogatifs en arabe algérien et en arabe marocain. Au Liban ou en Égypte, on prononce à l’inverse kif.
Qu’est-ce que l’arabizi ?
Preuve que l’évolution de la langue arabe est loin d’être terminée, un nouveau parler est apparu dans les années 1990. Il s’agit de l’arabizi, qui peut se comprendre comme la fusion de l’arabe et de l’anglais (inglizi en arabe) à l’image du franglais, ou comme la contraction des mots arabe et easy. L’absence de claviers arabes sur les premiers téléphones portables a conduit a remplacer les lettres manquantes par des chiffres. La lettre « ء » devient un 2, le « ع » devient un 3 ou encore le « ح » devient un 7. Un phénomène qui tend aujourd’hui à disparaître mais que l’on retrouve encore sur les réseaux sociaux.
Nicolas Baguelin Quelle est la bonne prononciation de l'hébreu?
Quelle est la bonne prononciation de l’hébreu ?
Nicolas Baguelin
L’étudiant en hébreu qui débute et qui est un peu curieux se trouve rapidement confronté à
une question : quelle est la bonne prononciation de l’hébreu ? Qu’il s’agisse d’hébreu
moderne ou biblique, chaque méthode fait choix d’une prononciation particulière et la
présente souvent comme LA prononciation « normale » et unique de l’hébreu. Je me souviens
d’avoir été surpris d’entendre un ami séfarade prononcer différemment de ce qui était présenté
dans la méthode élémentaire d’hébreu biblique de J. Weingreen et plus tard d’avoir découvert
la prononciation standard de l’israélien comme étant encore différente de l’une et de l’autre.
Je propose donc dans cet article de donner quelques points de repères sur les différentes
prononciations de l’hébreu sans prétendre à l’exhaustivité, puis de conclure par quelques
suggestions pratiques.
La prononciation massorétique.
Comme point de départ, prenons la prononciation de l’hébreu massorétique. Les massorètes
(VIIe-Xe siècles) et plus particulièrement les naqdanim (ponctuateurs) sont reconnus comme
les fixateurs du texte faisant actuellement autorité dans le judaïsme. Auparavant, le texte
biblique est déjà fixé dans ses consonnes, mais dans le but de fixer sa tradition orale de lecture,
les naqdanim ajoutent à ses consonnes deux types d’éléments :
- Les éléments de l’ensemble appelé du « nikud » que l’on peut traduire littéralement
par ponctuation mais qui précise non seulement les voyelles, mais aussi la valeur de
certaines consonnes et les phénomènes de redoublements de consonne (signes
diacritiques du shin, les deux dagesh, mapiq, maqef).
- Les éléments appelés « teamim », signes de cantillation qui permettent donc de
chanter le texte et pour la majorité d’entre eux qui indiquent également la place de
l’accent tonique. C’est la raison pour laquelle ils sont souvent improprement appelés
« accents ». On peut inclure dans cet ensemble les signes pasek et meteg/geaya. Tous
ces signes sont colorés en bleu dans l’édition du Tanakh proposée sur
www.mekorot.org
Texte massorétique avant l’ajout du nikud et des teamim :
בראשית ברא אלהים את השמים ואת הארץ
Texte massorétique avec nikud :
בְּ רֵ אשִׁ ית בָּ רָ א אֱ הִ ים אֵ ת הַ שָּׁ מַ יִם וְ אֵ ת הָ אָ רֶ ץ׃
Texte massorétique avec nikud et teamim :
בְּ רֵ אשִׁ ֖ ית בָּ רָ ֣ א אֱ הִ ֑ ים אֵ ֥ ת הַ שָּׁ מַ ֖ יִם וְ אֵ ֥ ת הָ אָ ֽ רֶ ץ׃
Ce système fixant la prononciation et la cantillation du texte biblique hébreu est identifié sous
le nom de système de « Tibériade ». C’est ce système qui est enseigné classiquement comme
prononciation de (voir suuite du texte sur le web)
Yehouda Shurpin La loi orale était elle censée demeurer orale?
La Loi Orale était-elle censée demeurer orale?
par Yehuda Shurpin
L’étude du Talmud est un pilier fondamental de la vie juive, et les volumes du Talmud aux pages usées témoignent de nombreuses heures d’étude fervente.
L’étude du Talmud est un pilier fondamental de la vie juive, et les volumes du Talmud aux pages usées témoignent de nombreuses heures d’étude fervente.
Dans cet article:
Pourquoi le Talmud était nécessaire
L’interdiction d’écrire la Torah Orale
L’écriture du Talmud
Le Talmud de Jérusalem et le Talmud de Babylone
Pourquoi le Talmud était nécessaire
Samuel Hirszenberg, “Juden beim Talmudstudium, Paris”
Samuel Hirszenberg, “Juden beim Talmudstudium, Paris”
Comme toute personne ayant étudié la Bible peut en témoigner, il y a certains versets pour lesquels il est impossible de savoir à quoi ils font référence en regardant simplement le verset. C’est le cas par exemple du commandement de se circoncire, ou de mettre des tefiline au bras et à la tête, ou encore de prendre les quatre espèces lors de la fête juive de Soukkot.
Il n’y a aucun moyen de savoir, à partir des seuls versets, ce que l’on est censé couper exactement lorsqu’on se fait circoncire, ou comment mettre les tefiline, ou même ce que c’est. Il en va de même pour presque tous les autres commandements. La Torah Écrite donne plus de détails pour certains commandements que pour d’autres, mais en fin de compte, il y a un manque flagrant de détails et d’informations.
C’est là qu’intervient la Torah Orale. Elle est pour ainsi dire un « mode d’emploi » et un « guide usuel » de la Torah. Grâce à elle, nous pouvons comprendre ce que veut dire la Torah et déterminer les détails des différents commandements. En outre, nous disposons de règles d’exégèse qui nous permettent de déterminer le point de vue de la Torah sur diverses questions qui ne sont pas abordées directement. La Torah Orale comprend des traditions et des extrapolations basées sur la Torah inscrite, la Bible.
Juste avant le don de la Torah sur le mont Sinaï, D.ieu dit à Moïse qu’Il lui donnera « les tables de pierre, la Torah et les commandements ».1 En ajoutant le mot « commandements » en plus de la Torah, D.ieu implique qu’il existe des commandements qui ne sont pas inclus dans la « Torah ». Ceci, parmi d’autres, est une implication claire de l’existence de la Torah Orale.
La Torah elle-même nous ordonne de respecter la Torah Orale :
Vous ferez ce qu’ils vous diront, à l’endroit que l’Éternel choisira, et vous vous conformerez à tout ce qu’ils vous diront. Tu feras selon la loi qu’ils t’instruiront et selon le jugement qu’ils te diront, tu ne t’écarteras pas de la parole qu’ils te diront, ni à droite ni à gauche.2
Les traditions de la Torah orale ont été transmises de génération en génération, de Moïse à Josué, puis aux chefs et aux sages de chaque génération,3 jusqu’à ce que, après la destruction du Second Temple, elles soient consignées par écrit dans ce que l’on appelle la Michna, le Talmud Bavli (le Talmud de Babylone) et le Talmud Yerouchalmi (le Talmud de Jérusalem).
Ce qui précède nous amène à la question évidente. Si la Torah Orale est si essentielle pour comprendre la Torah Écrite, pourquoi la Torah Orale ne fut-elle pas écrite d’emblée ?
L’interdiction d’écrire la Torah Orale
Talmud de Babylone – Guadalajara 1482
Talmud de Babylone – Guadalajara 1482
Avant que Moïse ne reçoive les secondes tables, « L’Éternel dit à Moïse : “Écris ces paroles pour toi-même, car c’est par ces paroles [littéralement, par la prononciation de ces paroles] que J’ai formé une alliance avec toi et avec Israël.” »4
Le Talmud explique que ce verset implique qu’il y a une interdiction de dire les mots écrits par cœur, et d’écrire la Torah Orale :
Rabbi Yehouda bar Na’hmani, l’orateur public de Rabbi Chimone ben Lakish, enseigna ce qui suit : Il est écrit : « Écris ces paroles pour toi-même », ce qui implique que la Torah doit être mise par écrit ; et il est également écrit : « car c’est par ces paroles » (littéralement, « par la prononciation de ces paroles »), ce qui implique qu’elle ne doit pas être écrite. Que devons-nous en penser ? Cela signifie : concernant les paroles écrites, vous n’avez pas le droit de les dire par cœur ; et les paroles transmises oralement, vous n’avez pas le droit de les réciter à partir d’un texte écrit.
Un tanna de l’école de Rabbi Ichmaël a enseigné : Il est écrit : « Écris ces paroles » – tu peux les écrire (c’est-à-dire la Torah Écrite), mais tu ne peux pas écrire la halakha (c’est-à-dire la Torah Orale).5
De nombreuses raisons sont données pour justifier l’interdiction d’écrire la Torah Orale. Parmi celles-ci :
● En pratique, si l’on devait écrire la Torah Orale, y compris toutes les lois qui régissent tous les cas possibles qui pourraient se présenter, il n’y aurait pas de fin à la quantité de livres qu’il faudrait écrire. Par conséquent, seules les parties de la Torah qui peuvent être limitées – c’est-à-dire les vingt-quatre livres d’écriture – devaient être écrites ; le reste est censé être transmis oralement.6
● Tout texte écrit est sujet à des ambiguïtés, à des interprétations multiples, à des dissensions au sein du peuple et à la confusion quant aux actions à entreprendre sur la base de la loi. Par conséquent, D.ieu a également donné une tradition qui serait enseignée oralement de maître à élève, afin que le maître puisse clarifier toute ambiguïté. Si cette tradition orale avait également été mise par écrit, il aurait alors fallu un autre travail d’explication et d’élucidation pour expliquer ce travail, à l’infini. Cette préoccupation s’est d’ailleurs vérifiée lorsque la Torah Orale finit par être mise par écrit.7
● La tradition orale est l’explication de la Torah Écrite. Lorsqu’elle doit être apprise oralement, l’étudiant ne la comprendra qu’auprès d’un maître qui enseigne bien la matière ; si elle devait être écrite, on pourrait être tenté de se contenter du texte écrit, même sans vraiment le comprendre.8
● Garder une partie de la Torah à l’oral permet de s’assurer que la Torah reste le trésor privé de la communauté de l’alliance. Si toute la Torah avait été écrite, n’importe quelle nation aurait pu la copier et la revendiquer comme sienne ; du fait qu’elle n’est que partiellement écrite, toute copie faite sans accès à la Torah Orale serait immédiatement discernable comme étrangère à la Torah.9
L’écriture du Talmud
Le Talmud est une collection d’écrits qui couvre toute la gamme de la loi et de la tradition juives. Les Juifs consacrent beaucoup de temps à l’étude du Talmud. On voit ici un volume ouvert du Talmud.
Le Talmud est une collection d’écrits qui couvre toute la gamme de la loi et de la tradition juives. Les Juifs consacrent beaucoup de temps à l’étude du Talmud. On voit ici un volume ouvert du Talmud.
Pendant plus de mille ans, depuis l’époque de Moïse jusqu’à celle de Rabbi Yehouda le Prince (fin du IIe siècle de l’ère commune), personne n’avait composé de texte écrit dans le but d’enseigner la Loi Orale en public. Dans chaque génération, le chef de la cour ou le prophète de cette génération prenait pour lui-même des notes des enseignements qu’il recevait de ses maîtres, et les enseignait oralement en public. De même, certains individus prenaient pour eux-mêmes des notes de ce qu’ils avaient entendu concernant l’explication de la Torah et de ses lois, et les nouveaux concepts déduits à chaque génération concernant les lois qui n’avaient pas été communiquées par la tradition orale, mais plutôt déduites au moyen de l’un des treize principes de l’exégèse biblique et acceptées par la haute cour.10 Car s’il y avait une interdiction d’écrire la Torah Orale, elle ne s’appliquait qu’à sa transmission effective par écrit ; l’écrire pour un usage personnel, cependant, était permis.11
Avec la montée des empires grec et romain et leur persécution des Juifs à l’époque du Second Temple, il devint de plus en plus difficile d’apprendre et de transmettre les enseignements de la Torah de maître à élève. De plus, à cette époque, il y avait des conflits dans la loi juive qui, en raison de l’augmentation des décrets contre l’étude de la Torah, n’étaient pas réglés, car il fallait pour cela que règnent la paix et le calme.
À l’époque où les écoles de Hillel et de Chammaï furent bien établies dans le siècle précédant la destruction du Temple, les différends sur la loi étaient devenus si répandus que l’on craignait qu’il semble y avoir en définitive « deux Torahs ». Les conditions instables empêchèrent les sages de l’époque de résoudre ces différends, et même ne serait-ce que les organiser et les catégoriser.12
Ce n’est qu’à l’époque de Rabbi Yehouda le Prince, qui entretenait des liens d’amitié étroits avec l’empereur romain Antonin, que les persécutions romaines connurent un certain répit.
Rabbi Yehouda et ses collègues, prévoyant les troubles à venir et la dispersion croissante du peuple juif à travers la Diaspora, ce qui entraînerait alors de nouvelles incertitudes concernant la Loi Orale, profitèrent de cette période de paix pour entreprendre de rassembler tous les enseignements, lois et commentaires qui avaient été entendus de Moïse et enseignés par les tribunaux de chaque génération concernant l’ensemble de la Torah. Après avoir analysé ces enseignements, Rabbi Yehouda composa un texte unique faisant autorité qui serait disponible pour tous.
Comme base de son texte, Rabbi Yehouda utilisa les enseignements de Rabbi Akiva et de son disciple Rabbi Méir, en raison de leur grande capacité à retenir ce qu’ils avaient appris et de la manière superbe et extrêmement concise et précise dont ils avaient organisé leurs propres enseignements ainsi que ce qu’ils avaient entendu des générations précédentes. Il ajouta également d’autres enseignements, en laissant certaines de leurs formulations originales, mais parfois aussi en les modifiant.13
Comme il y avait des rabbins qui pouvaient avoir entendu de la bouche d’autres sages des opinions minoritaires qui n’étaient pas acceptées comme halakha, Rabbi Yehouda les inclut aussi dans la Michna. De cette façon, si quelqu’un dirait : « J’ai entendu une tradition différente de la part de mes maîtres », il serait possible de se référer à la Michna et de lui dire : « Peut-être que ce que tu as entendu était l’opinion d’untel ».14
Il classa et répartit les lois par sujets et en différents traités, puis chaque traité fut divisé en chapitres et en lois.15 Chaque loi est appelée une michna, mot qui découle soit de la racine chana dont le sens est « enseignement » et « instruction », soit de la racine cheni, qui signifie « second », étant la seconde partie de la Torah. Ainsi, l’ensemble de l’ouvrage en général est appelé Michna ou, au pluriel, les Michnayot.16
Bien que toutes les sources classiques s’accordent à dire que c’est Rabbi Yehouda qui rédigea l’intégralité de la Michna que nous possédons aujourd’hui,17 les avis divergent quant à savoir s’il l’a réellement écrite ou s’il continua de l’enseigner oralement. Rav Cherira Gaon et Rabbi Chlomo Its’haki (Rachi) sont d’avis que Rabbi Yehouda se contenta de formuler oralement l’ensemble de la Michna, mais que celle-ci ne fut mise par écrit que de nombreuses années plus tard.18 Maïmonide, en revanche, écrit explicitement que Rabbi Yehouda rédigea lui-même l’ensemble de la Michna.19 Pour tenter de concilier ces deux points de vue, certains expliquent que si Rabbi Yehouda rédigea effectivement une copie personnelle de la Michna, celle-ci fut en général enseignée oralement à l’origine, et ce n’est que plus tard que la version écrite fut utilisée.20
Tout le matériel existant ne fut pas inclus dans la Michna. En effet, si Rabbi Yehouda avait tenté de tout rassembler, cela aurait été trop long et aurait été oublié, allant à l’encontre de l’objectif même de la Michna. C’est pourquoi Rabbi Yehouda, avec l’aide de son collègue Rabbi Nathan, formula les sujets essentiels et les règles générales dans un langage abrégé et précis. Ils bénéficièrent d’une aide divine dans la composition de la Michna de telle sorte qu’un même mot peut être la source de plusieurs principes fondamentaux de la loi juive ainsi que de l’exégèse.21
Par impératif de concision, la Michna n’inclut pas non plus de nombreuses lois qui étaient connues de tous, comme les détails des tefiline, des tsitsit, de la mézouza, etc. Par exemple, la toute première Michna, qui traite des lois de la récitation du Chéma, ne commence pas par nous informer qu’il doit être récité le matin et le soir, mais par demander « Quel est le bon moment pour dire le Chéma ? », en prenant pour acquis que l’on connaît déjà l’obligation de la récitation quotidienne du Chéma.22
Ces caractéristiques de la Michna lui valurent d’être généralement acceptée comme la somme définitive de la loi juive ; en effet, sa compilation (vers 3949/189 de l’ère commune) marque la fin d’une époque, les sages de la Michna étant connus dans l’histoire juive sous le nom de tannaïm (« instructeurs », d’une racine araméenne apparentée à chana), les sages suivants étant appelés amoraïm (« explicateurs »). La Michna a supplanté tous les recueils et formulations antérieurs des enseignements tannaïtiques, qui furent dès lors appelés baraïtot (sing. baraïta), mot qui signifie « [enseignements] extérieurs [à la Michna] ». La collection la plus importante de baraïtot est celle de Rabbi ‘Hiya (un élève de Rabbi Yehouda) et de Rabbi Ochaya, appelée Tossefta. Elle suit l’ordre de la Michna et la complète, en développant un peu plus les lois.23
Dans un sens plus large, le terme baraïta inclut d’autres collections de matériel contenant des enseignements des tannaïm, tels que la Meguilat Taanit, le Mekhilta, le Sifra, le Sifri, le Seder Olam Rabba et le Zohar.24
Le Talmud de Jérusalem et le Talmud de Babylone
Un exemplaire du Talmud de Jérusalem découverte dans la Gueniza du Caire.
Un exemplaire du Talmud de Jérusalem découverte dans la Gueniza du Caire.
Les sages de la période talmudique, appelés amoraïm, continuèrent d’étudier, de développer, de clarifier et d’élucider la Michna, tout en développant leurs propres idées nouvelles basées sur les règles d’extrapolation.
Peu après la mort de Rabbi Yehouda, les attaques et les persécutions contre les Juifs vivant en Israël s’intensifièrent et la migration des Juifs vers la Babylonie s’accrut. Cette migration comprenait un grand nombre des principaux sages de l’époque dont Rabbi Abba Aricha (plus connu sous le nom de Rav), l’un des principaux disciples de Rabbi Yehouda. D’autres sages et disciples de Rabbi Yehouda, tels que Rabbi ‘Hiya et plus tard Rabbi Yo’hanane bar Naf’ha (qui, jeune garçon, assistait aux leçons de Rabbi Yehouda), demeurèrent en Israël. Ainsi, pendant un certain temps, il y avait de grands centres d’étude, des yeshivot, à la fois en Babylonie et en Israël, et certains amoraïm faisaient régulièrement l’aller-retour entre les deux, apportant les enseignements de chaque centre d’étude à l’autre.
Rabbi Yo’hanane (mort vers 4050/290 de l’ère commune) devint la principale autorité talmudique en Terre d’Israël. Il entreprit de rassembler les enseignements et les explications des sages post-michnaïques, ce qui devint la base de ce qui fut plus tard connu sous le nom de Talmud Yerouchalmi (Talmud de Jérusalem). Les générations suivantes d’amoraïm en Israël continuèrent d’ajouter divers enseignements, notamment aggadiques (homilétiques et non juridiques). Cependant, le travail sur le Talmud de Jérusalem fut interrompu assez brusquement lorsque le souverain romain Gallus, en 4111/351 de l’ère commune, attaqua et dévasta la Terre d’Israël, instituant des décrets sévères contre les Juifs. La plupart des sages restants s’enfuirent en Babylonie, et le Talmud de Jérusalem demeura sous sa forme rudimentaire.
Pendant ce temps, les centres d’étude en Babylonie continuaient à prospérer, et ce n’est que vers l’an 4152/392 de l’ère commune que Rav Achi, avec son collègue Ravina I, entreprit la rédaction de ce qui allait devenir le Talmud Bavli (le Talmud de Babylone). Ils rassemblèrent les enseignements des sages antérieurs, organisèrent et clarifièrent leurs affirmations sur la Michna et les discussions des amoraïm sur celles-ci, et les présentèrent d’une manière logique et compréhensible.25
Les deux Talmuds contiennent beaucoup des mêmes enseignements, et chacun cite des sages de l’autre centre. Cependant, comme la composition du Talmud de Jérusalem ne fut jamais menée totalement à terme, contrairement au Talmud de Babylone, et comme ce dernier fut achevé environ 150 ans plus tard, le Talmud de Babylone est beaucoup plus connu et est considéré comme faisant plus autorité. En fait, toute référence non spécifiée au Talmud fait presque toujours référence à la version babylonienne.
(Il existe également des différences de style – le Talmud de Jérusalem est écrit avec moins de va-et-vient que le Talmud de Babylone – et de langue : les discussions amoraïques du Talmud de Jérusalem sont écrites en araméen occidental [syriaque], tandis que dans le Talmud de Babylone, elles sont écrites dans le dialecte araméen oriental.)
Après la mort de Rav Achi et de Ravina I, leurs collègues et disciples qui avaient participé à la rédaction du Talmud achevèrent leur tâche monumentale. La mort de Ravina II (fils de Rav Houna et neveu de Ravina I) le 13 Kislev de l’an 4236/475 de l’ère commune (ou, selon certains, 4260/499 de l’ère commune) est considérée comme la fin de l’ère talmudique.26
Après la mort de Ravina II et l’achèvement du Talmud, il n’y eu aucun autre ajout au Talmud, et le Talmud ne devait pas être contesté. Les sages de l’époque suivante (connus sous le nom de Rabbanan Savoraï) ont cependant ajouté quelques légères touches éditoriales, telles que des citations de la Michna aux endroits où le Talmud commence un nouveau sujet.27
Les sages qui ont dispensé les enseignements, les ordonnances et les décrets qui constituent le Talmud représentaient la totalité des sages d’Israël, ou du moins la majorité d’entre eux. Pour cette raison, et parce que le Talmud fut accepté comme faisant autorité par la quasi-totalité du peuple juif de l’époque, ses lois sont considérées comme liant tous les Juifs, quels que soient le moment et le lieu où ils vivent.28 Et c’est précisément ce caractère liant qui a maintenu notre identité juive forte pendant des milliers d’années tout au long de ce long et amer exil. Puissions-nous mériter la rédemption ultime rapidement de nos jours !
NOTES
1.
Exode 24,12.
2.
Deutéronome 17,10-11.
3.
Voir “Une chronologie de la transmission de la loi orale” pour la chronologie de la transmission de la Torah orale depuis Moïse jusqu’à l’époque talmudique.
4.
Exode 34,27.
5.
Talmud, Guitine 60b.
6.
Ibid, Erouvine 21b. Voir Rabbi Yehouda Loewe (le Maharal de Prague), Gour Aryé, Exode 34,27 ; Rabbi Yossef Albo, Sefer ha-Ikarim 3:23.
7.
Maïmonide, Guide des Perplexes 1:71 ; Sefer ha-Ikarim loc. cit.
8.
Rabbénou Nissim, commentaire du code de Rabbi Its’hak Elfassi, Meguila 14a.
9.
Tossafot sur le Talmud, Guitine 60b, basé sur Chemot Rabba 47:1 et Bamidbar Rabba 14:9.
10.
Maïmonide, introduction au Michné Torah.
11.
Voir le commentaire de Rachi sur le Talmud, Chabbat 6b.
12.
Commentaire de Rachi sur le Talmud, Bava Metsia 33b.
13.
Voir Iguéret Rav Cherira Gaon.
14.
Michna, Edouyot 1:6.
15.
Maïmonide, introduction au Michné Torah. Cependant, voir Iguéret Rav Cherira Gaon, qui affirme que beaucoup de ces traités existaient déjà avant que Rabbi Yehouda ne rédige la Michna.
16.
Kitsour Klalei HaMichna 1.
17.
Une exception est l’opinion de Rabbi Yaakov ‘Haguiz dans Sefer Halakhot Ketanot 2:71-78. Il affirme que c’est en fait le père de Rabbi Yehouda, Rabbi Chimone, qui rédigea la Michna, mais qu’elle est attribuée à son fils Rabbi Yehouda car la période de tranquillité qui lui permit de le faire vint à la suite de l’incident qui s’était produit lors de la circoncision de Rabbi Yehouda (voir l’histoire de Rabbi Yehouda et d’Antonin mentionnée ci-dessus).
18.
Iguéret Rav Cherira Gaon ; commentaire de Rachi sur le Talmud, Erouvine 62b ; Kovets Techouvot ‘Hatam Sofer (Jérusalem: Makhone ‘Hatam Sofer, 1982), responsum 45.
19.
Maïmonide, introduction au Michné Torah ; Rabbi David ben Zimra (Radbaz), responsum 1303 ; commentaire de Rabbénou Be’hayé sur Exode 34,27.
20.
Voir Rav Tzvi Hirsch Chajes, Mevo ha-Talmud, ch. 33. Sur cette base, il explique pourquoi l’Iguéret Rav Cherira Gaon implique parfois que Rabbi Yehouda l’a réellement écrit, et d’autres fois, qu’il l’a simplement formulé oralement.
21.
Iguéret Rav Cherira Gaon.
22.
Maïmonide, commentaire de la Michna, Mena’hot 4:1 ; son fils, Rabbi Avraham, cité dans “Essay on Aggadah” (imprimé comme introduction à Ein Yaakov). Certains suggèrent que c’est la raison pour laquelle il n’y a pas de traité ‘Hanouka (voir ‘Hatam Sofer, Guitine 78a).
23.
Iguéret Rav Cherira Gaon affirme qu’en général, lorsque le Talmud fait précéder un enseignement de la phrase tanou rabbanane (“les rabbins ont enseigné”), il cite une baraïta formulée par Rabbi ‘Hiya et Rabbi Ochaya. (Voir, cependant, Rabbi N.D. Rabinowich, Talmudic Terminology [Jérusalem, 1988], p. 36, pour une discussion de certaines exceptions apparentes à cette règle).
24.
Pour une liste plus étendue, voir le début de Sarei ha-Elef de Rav Mena’hem Kasher.
25.
Voir Dorot HaRishonim, vol. 5, ch. 64 et suivants. Voir aussi Codex Judaica, entrée pour l’année 4152 (392 CE) et les citations qui s’y trouvent.
26.
Iguéret Rav Cherira Gaon.
27.
Iguéret Rav Cherira Gaon ; Dorot HaRishonim, vol. 6, chs. 9-11.
28.
Maïmonide, introduction au Michné Torah.
par Yehuda Shurpin
Le Rav Yehuda Shurpin, éminent érudit et chercheur, est membre de la rédaction de Chabad.org. Il est également le rabbin de la Chabad Shul de St. Louis Park, dans le Minnesota, où il réside avec son épouse, Ester, et leurs enfants.
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Maurice Ruben Hayoun La place et le rôle de la tradition orale dans le judaisme
La place et le rôle de la tradition orale dans le judaïsme…
Juin 8, 2018, 11:37 AM
Depuis les origines, depuis la proclamation de l’idée religieuse judéenne, le judaïsme a toujours eu deux sources auxquelles il s’est abreuvé : l’une est la Tora écrite, les vingt-quatre livres canoniques de la Bible hébraïque, la Tora shé bikhtav et la Tora orale, la Tora shé be’al péh (mot à mot, la Tora qui est sur la langue).
Donc qui n’est pas consignée par écrit mais transmise oralement de génération en génération. Si le statut de la première Tora n’a jamais été fondamentalement contestée dans le judaïsme, celui de la seconde l’a été, d’abord par les Saducéens dans l’Antiquité juive, puis par les Karaïtes lors du Moyen-Age, ces théologiens juifs avaient précédé le slogan latin sola scriptura ( l’Ecriture seule, et pas les commentaires prescriptifs de l’Eglise), et enfin par les adeptes de la réforme et du libéralisme dans le XIXe siècle allemand. Je renvoie sur ce point précis à mon ouvrage Le judaïsme libéral (Hermann Editeurs, 2016).
Je ne parle pas de l’Eglise chrétienne qui s’est, pour sa part, approprié le corpus dit vétérotestamentaire, tout en le vidant de son contenu positif, notamment tout le système juridico-légal de la Tora qui devenait superflu à la suite de l’apparition et du sacrifice de Jésus…
Donc, aux yeux de l’église chrétienne, la tradition orale n’avait aucune valeur contraignante. Ni même aucune légitimité. Plus tard, au Moyen Age, lorsque la théologie chrétienne se sera consolidée, il sera question du sensus judaicus senus carnalis (le sens juif est le sens de la chair), et donc pas de l’esprit.
Mais en quoi consiste au juste cette tradition orale qui accompagne toujours l’interprétation des versets de la Tora orale ? Il s’agit du vécu et du penser des maîtres de la tradition qui ont appris à interpréter les textes consignés par écrit. Or, on sait bien que la lettre fige, voire pétrifie ou tue alors que le verbe, la langue orale, vivifie et actualise.
On évitait ainsi un grave décalage entre l’écrit tel qu’il figure dans les Ecritures et l’évolution de la vie de tous les jours : au cours de l’évolution historique, certaines choses apparaissent qui n’étaient pas prévues depuis les origines. Par l’interprétation orale, on élargit le spectre de l’écrit pour une sorte de mise à jour ou à niveau.
Ce corpus d’interprétations orales ne devait pas quitter ce statut d’oralité. Il y avait dans la littérature ancienne un certain interdit d’écriture afin de ne pas donner au verbe humain, à l’intellect humain le même statut que celui de la Tora écrite, censée provenir du Ciel. Un passage talmudique concernant ce point est absolument clair : ce qui t’a été transmis par oral tu n’as pas le droit de le transmettre par écrit : ma shé nimsar lékha be al péh, eynekha rashaï le mossro bikhtav…
Comment, alors, en sommes nous parvenus à avoir ce volumineux corpus de traditions orales consignées par écrit ? La réponse est simple : ce sont les vicissitudes de l’Histoire juive, plus proche de la martyrologie que d’une Histoire nationale ou religieuse proprement dite, qui dictèrent cette transformation : pour sauver l’ensemble des lois de la Tora, censée en compter pas moins de 613 (taryag mitswot), pour préserver toute la tradition de l’oubli et de la disparition pure et simple, les Sages ont choisi d’enfreindre une seule loi, l’interdit d’écriture, dans le but de sauver tout le reste.
C’est ainsi que la tradition talmudique justifie ce qu’il faut bien nommer une révolution copernicienne : la mise par écrit des exégèses des Sages. C’est donc la détresse qui dominait toute l’Histoire juive au lendemain de la destruction du second Temple et de la mise à sac de Jérusalem, qui a transformé la nécessité en loi : il fallut consigner par écrit tous les enseignements des sages dans leurs académies, faute de quoi ils se seraient perdus entièrement.
Les deux plus anciennes tendances, probablement stylisées afin de camper ce que fut dans la vie concrète l’activité académique des générations, sont dénommées d’après le prénom de leurs fondateurs respectifs : Hillel et Shammaï. Et pour bien les mettre en évidence, on les a opposés l’un à l’autre.
La première brille par son humanité, sa tendresse et sa douceur, tandis que la seconde passe pour avoir été un modèle de rigueur et de dureté. Au point qu’aujourd’hui même, quand on dit qu’on défend un point de vue rigoriste, on se réclame de l’école de Shammaï.
On peut utiliser une métaphore hébraïque à son propos : Fiat justicia pereat mundus (Que la justice soit, le monde dût il en périr) ; en hébreu cela se dit : ykkov ha-din et ha ha-har: la loi percera même la montagne, s’il le faut…
Comment se présente cette tradition orale qui a donc perdu son oralité pour les raisons mentionnées ci-dessus ? Elle se révèle à nous sous la forme d’innombrables commentaires de la Tora écrite : d’un côté, on a des commentaires très sérieux, juridico-légaux, portant presque exclusivement sur le corpus juridique de la Torah, il s’agit alors des midrachim de la halakha (midréché halakha), œuvres de juristes chevronnés qui n’ont aucun sens da la fantaisie ; d’un autre côté, nous avons les midrachim plus abordables, qui mettent la Tora à la portée des plus simples. Il s’agit alors des midréché aggada, l’aggada étant un récit narratif qui vous plonge dans une situation concrète. Afin de rendre plus claire et moins abstraite la tradition.
Le Talmud va encore plus loin pour souligner l’aspect primordial de cette tradition orale faite de métaphores et d’images concrètes, en édictant le principe suivant : veux-tu connaître Celui qui a dit que le monde soit et le monde fut, alors apprends l’aggada (retsonekha la da’at mi shé amar wé haya ha olam ? Lemad aggada…)
On peut dire sans crainte de se tromper que l’aggada a horreur de l’abstraction ; elle opte entièrement pour la métaphore, pour la parabole, pour tout ce qui rapproche du réel ; elle bannit de son vocabulaire tout ce qui relève de l’intellectualisme pur. Et c’est probablement elle qui est à l’origine des récits paraboliques de Jésus conservés dans les Evangiles.
Lorsqu’elle veut visualiser un commandement, que ce soit un interdit ou au contraire un commandement positif, elle commence par dire ceci : A quoi cela ressemble-t-il ? Qu’est ce que cela peut bien signifier ? Et elle dit aussitôt ceci : pensez à un roi qui ordonne telle ou telle chose à ses sujets, etc… etc…
Voici un exemple encore plus terre-à-terre, sans que cette formule n’implique la moindre nuance péjorative : pourquoi donc la vache rousse a-t-elle des cendres aux vertus lustrales, c’est à dire purificatrices ? Certes, nous ne savons pas pourquoi il en est ainsi mais la tradition orale nous explique la situation : le veau d’or a causé un grave traumatisme dans l’histoire religieuse d’Israël. Il fallait laver cette souillure.
L’Aggada trouve la similitude suivante : Que se passe-t-il lorsqu’un enfant salit le palais du roi en y déposant ses excréments ? Eh bien, c’est sa mère qui vient nettoyer ce que son fils a souillé. De même, la vache rousse nettoie la faute du veau : c’est sa mère… Lui ne saurait être tenu pour responsable de quoi que ce soit !
Avec une telle explication si terre à terre, si triviale, les paysans incultes de Galilée comprenaient enfin le rapport entre le veau d’or et la vache rousse… Les savants de la science des religions ou des religions comparées ne seront probablement pas convaincus par cette solution mais voilà les pupitres des prédicateurs et des sermonnaires judéens des premiers siècles de l’ère chrétienne n’occupaient pas des chaires au Collège de France…
Mais cette tradition orale a suscité bien des controverses au sein même du judaïsme, et bien évidemment à l’extérieur aussi. Je vais me concentrer sur un exemple émanant d’un juif allemand qui en 1822 à Berlin a directement consacré une analyse à ce sujet portant sur les «débordements» de cette même tradition qualifiée d’arbitraire et de comportement parasitaire.
Cette critique que j’esquisse ici même provient d’un érudit nommé Lazarus Bendavid (1762-1832) et qui était aussi mathématicien. Faisant partie du célèbre Culturverein, cénacle culturel pour la renaissance juive, il y a prononcé une conférence sur la loi écrite et le loi orale. Voici ce qu’il dit en tête de son allocution.
L’arbre magnifique de la religion a été envahi par des parasites qui en ternissent l’éclat et nous font perdre de vue sa beauté et sa grandeur. Ces branches gourmandes ont rabougri les rameaux de cet arbre, en ont aspiré la sève et détruit le feuillage à l’ombre duquel une humanité réconciliée et fraternelle pouvait se reposer ; et qu’a-t-on fait pour y remédier ? rien du tout et parfois même moins que rien.
On contemplait ces excroissances avec une crainte révérencielle car on pensait qu’elles représentaient l’arbre lui-même. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pour la bonne raison qu’on n’osait pas s’en prendre à ces parasites car on ne savait pas faire le départ entre la loi écrite et la loi orale. La conséquence en fut l’impossibilité de définir l’essence du judaïsme lui-même.
Demain, je consacrerai mon article à l’analyse de cette étude de Lazarus Bendavid
à propos de l'auteurNé en 1951 à Agadir, père d'une jeune fille, le professeur Hayoun est spécialiste de la philosophie médiévale juive et judéo-arabe et du renouveau de la philosophique judéo-allemande depuis Moses Mendelssohn à Gershom Scholem, Martin Buber et Franz Rosenzweig. Ses tout derniers livres portent sur ses trois auteurs.
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« Le terrier de Franz Kafka »… Une étrange nouvelle
Juin 3, 2018, 10:28 AM
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veillez à nous le signaler.
Voilà une nouvelle de Kafka, la toute dernière avant sa disparition due à la tuberculose en 1924, qui m’a donné du fil à retordre, si l’on veut bien me passer cette expression. Après une lecture très attentive, tant la nature même de ce narrateur-constructeur m’a constamment dérouté, j’ai cherché à construire (je dis bien que c’est une construction intellectuelle de ma part, et peut-être absolument étrangère à l’esprit même de son concepteur) un ensemble intelligible, logique, à l’aide de références autobiographiques, disséminées dans le texte.
J’en ai trouvé quelques unes qui ramènent à deux éléments fondamentaux dans l’existence même de Kafka, et qui en appellent tant au conscient qu’à l’inconscient : sa judéité et sa maladie qui l’emportera en 1924 et qui fut diagnostiquée dès 1917. Je le souligne encore une fois : il se pourrait bien que je me trompe, mais je me demande aussi vraiment si Kafka a voulu respecter les normes d’une nouvelle, logique avec un début et une fin… D’ailleurs, le récit s’arrête de manière abrupte, sans avoir de fin… C’est donc une œuvre inachevée, comme toute œuvre humaine conditionnée par notre nature mortelle.
Encore un détail qui renforce bien involontairement mon désarroi d’interprète-commentateur : par le hasard des envois des éditeurs et l’ordre chronologique de mes lectures, avant de me mettre à l’étude du Terrier (traduction nouvelle par Jean-Pierre Verdet, Gallimard, 2018), j’avais achevé la lecture non moins intrigante de Thomas l’obscur de Maurice Blanchot (également paru chez Gallimard).
Je sortais donc d’un livre frappé du coin de l’imaginaire et du fantastique, des pensées morbides, mortifères de l’auteur, pour sauter dans un autre monde symbolique, kafkaïen, tout aussi pénible : j’allais donc de Charybde en Scylla… Cela m’a tellement affecté que j’ai renoncé à parler de cette longue nouvelle de Blanchot, en me promettant de réserver un meilleur sort à ses autres œuvres qui sont entre mes mains.
Revenons au Terrier. J’ai cru sentir, vers le milieu du récit, un changement de style, d’approche et même de sensibilité de ce narrateur, mi-homme et mi- animal. De quoi s’agit-il ? On nous présente un narrateur qui parle de son terrier car il ne vit pas sur terre mais sous terre où il s’est creusé un terrier afin d’échapper à tous ses ennemis, imaginaires pour la plupart , mais qui l’obsèdent de tout temps et justifient les précautions infinies dont il s’entoure, au point même de créer une fausse entrée de son gîte, une sorte de tapis de mousse visant à égarer d’éventuels intrus.
Sur plus de cinquante pages, c’est-à-dire une bonne moitié de l’œuvre, le narrateur-creuseur évoque son travail dans le terrier qui fait parfois figure de refuge, de place forte d’où personne ne pourra le déloger ; il présente aussi ses entrepôts regorgeant de carcasses d’animaux dont l’odeur embaume son gîte et dont il se repait à l’instar de tous les autres insectes qui chassent pour se nourrir.
Les galeries souterraines font penser à des dédales, des labyrinthes que le narrateur est le seul à bien connaître… Mais on se demande ce que signifient toute cette volonté, toute cette ardeur à creuser toujours un peu plus, comme si on voulait se couper définitivement du monde des hommes. Dont on n’attend plus rien : l’homme malade se sait condamné.
Voici, à présent, les différentes citations que j’ai relevées pour reconstruire un sens et tenter de percer au jour l’intention profonde de l’auteur. Je dois, cependant, rappeler quelque chose : Max Brod fut l’ami et le légataire testamentaire universel de Kafka, lequel l’avait prié de brûler toutes ses œuvres après sa mort…
Mais Brod s’est attiré l’inimitié et l’agacement des spécialistes de Kafka en raison de ses interprétations juives ou judaïsantes… Même un éminent spécialiste de Kafka comme Claude David, dont je fus jadis l’étudiant au département d’études germaniques, a contesté cette approche judaïsante de Brod… Selon moi, à tort, avec tout le respect dû à la mémoire d’un si grand spécialiste de la littérature allemande.
Une chose demeure incontestable : comme l’auteur se savait gravement malade et donc condamné, certaines déclarations se retrouvent presque automatiquement sous sa plume : Pour qui les vieux jours approchent, il fait bon avoir un terrier comme le mien, où se mettre à l’abri quand arrive l’automne (p.31). On a l’impression de lire les dernières volontés d’un homme qui se prépare à quitter le monde des vivants… L’automne c’est la saison où les arbres perdent leurs feuilles et pour les êtres humains c’st l’antichambre de la mort.
Certains critiques ont assimilé cette entreprise de creusement de galeries souterraines aux travaux d’écriture, au labeur auquel l’écrivain se soumet pour produire une œuvre : il creuse avec son front, son front ensanglanté par tant d’efforts, comme on peut le lire ici : J’étais heureux quand mon front était ensanglanté (p 33). Et quelques pages plus loin, Kafka revient sur cette image et y mêle l’idée même de Providence : Probablement parce que la Providence tenait à la conservation de mon front qui est un marteau-pilon particulièrement opportun (p.41).
On creuse avec son front. Voici une phrase qui avalise mon interprétation : Je m’égare un moment dans ma propre création (p.49)
Pourquoi ce vif sentiment de culpabilité ? C’est bien le thème central de l’œuvre de ce Juif pragois, employé par une compagnie d’assurance, lui qui n’était jamais sûr de rien et versait si facilement dans l’imaginaire.
Il sent peser sur ses épaules l’hostilité générale. Est ce une allusion à l’antisémitisme ambiant qui faisait rage à l’époque, n’épargnant personne ? Il faut bien trouver une raison à cette nécessité de vivre seul, barricadé derrière des mottes de terre où le moindre bruit, le moindre sifflement ou bruit vous met en alerte et fait que vous retenez votre souffle :
Le terrier m’offrait de bons moments au cours desquels je n’étais pas loin de me dire que l’hostilité du monde à mon égard avait peut-être cessé – ou pour le moins se calmait- ou que la puissance du terrier me dispensait du combat à mort que j’avais mené jusque là. Le terrier me protégeait peut-être plus que je ne l’avais jamais pensé ou que j’osais l’imaginer quand j’étais à l’intérieur… Cela étant, un effroi subit vous arrache à ces rêves enfantins. (p.55)
L’inévitable finit par arriver : le sentiment de solitude pèse à notre narrateur mi homme et mi animal. Ses sens sont aux aguets, (p.63 mais il ne vient personne et je suis réduit à dépendre de moi seul). Si vous êtes désespérément seul (Seul comme Franz Kafka, disait Marthe Robert), vous ne pouvez compter sur personne, aucune âme charitable ne viendra à votre secours en cas de besoin, aucun ami ne viendra à la rescousse.
De fait, le terrier a du bon mais il comporte aussi des failles : Si seulement j’avais quelqu’un en qui je puisse avoir confiance, que je puisse placer à mon poste d’observation, je pourrais alors bien sûr, descendre en toute tranquillité… Et pourtant, ce désir d’isolement dont on souffre à un moment donné n’en reste pas moins prédominant puisque l’auteur écrit ceci : Admettre volontairement quelqu’un dans mon terrier me serait extrêmement pénible (p.65) Car Le terrier et moi sommes étroitement liés (p.73).
Mais peut-on vivre éternellement sans contact avec personne ? On ne peut pas rompre tout contact avec le monde des hommes : J’ai changé d’endroit ; du monde d’en haut je suis venu dans mon terrier et j’en ressens sur le champ les effets (p.77)
Dans la citation suivante, je vois une allusion aux Juifs et à leur destin, même si le contexte renvoie aux petits insectes ou autres rongeurs dont parle l’auteur. (p.83) : Quel peuple perpétuellement actif et que leur assiduité est importune…
Cette déclaration reprend en termes plus choisis les défauts que les antisémites attribuaient aux juifs, dénonçant leur activisme dans tous les domaines, notamment culturels et économiques.
Nous avons à faire à un homme, le narrateur qui se sait condamné et dont la fin est proche. Quand il dit qu’il creuse, il signifie aussi qu’il lutte contre la maladie qui va l’emporter : n’est ce pas aussi une manière d’avoir enfin la paix ? Lisons cette citation : Alors, la paix y serait garantie et je serai son gardien. Mais justement une telle harmonie ne règne pas présentement et je dois être à mon travail, presque heureux qu’il soit désormais bien directement consacré à la place forte… (p.93).
Comment interpréter cette fausse joie, cette accalmie qui tarde à venir ? Est ce un désespoir de ne jamais voir arriver la rédemption tant attendue ? Car, au fond, quelle est la caractéristique majeure de l’époque messianique, sinon la paix, la paix univesrelle.
S’il croyait à une issue heureuse, Kafka ne serait plus Kafka : un grain de sable vient tout compromettre, Un bruit qui existe depuis toujours. Et c’est quoi, ce bruit ? Je pense que c’est l’antisémitisme, un mouvement irrationnel qui sévit depuis toujours comme le disait Théodore Mommsen.
A la fin de la nouvelle, Kafka en appelle à la raison, de manière presque désespérée : Si la raison doit revenir à l’honneur, elle doit y revenir pleinement. Il parle aussi de paix, ce qui est très révélateur : Quand je reviendrai, la paix retrouvée, je réparerai tout définitivement (p.105)
A l’évidence, le terrier ne saurait être ce havre de paix auquel aspire l’auteur : (p.129) Là du moins, je serai en paix, autant que la paix puisse régner encore ici.
Cette nouvelle retient encore par devers elle son secret, celui d’un homme de lettres qui vit dans son imaginaire, entièrement absorbé par sa création littéraire. Ne parle t il pas de son front, symbole de l’intelligence, comme d’un marteau-pilon ?
à propos de l'auteurNé en 1951 à Agadir, père d'une jeune fille, le professeur Hayoun est spécialiste de la philosophie médiévale juive et judéo-arabe et du renouveau de la philosophique judéo-allemande depuis Moses Mendelssohn à Gershom Scholem, Martin Buber et Franz Rosenzweig. Ses tout derniers livres portent sur ses trois auteurs.
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Dieu, quelle place dans la cité ?
Mai 31, 2018, 10:28 AM
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Tel est l’intitulé du colloque, organisé le 24 mai au soir, lors de la nuit de la philosophie, par Madame Paule Henriette Levy, la talentueuse directrice de le RCJ et responsable de l’action culturelle du FSJU. Il s’agit de la seizième édition de cette sympathique rencontre qui se tient à Aix en Provence, dans les locaux de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix en Provence, sous les auspices du centre culturel Darius Milhaud.
L’amphithéâtre universitaire où tous les orateurs ont parlé, est une ancienne chapelle aménagée pour ce nouvel usage mais tout en conservant de splendides peintures murales et une très bonne acoustique.
On conviendra aisément que le sujet – la place de Dieu dans la cité- était très vaste et que nous n’étions pas de trop pour tenter de la cerner : étaient présentes Mesdames P-H. Levy et Perrine Simon-Nahum, qui animaient les deux tables rondes qui se sont succédées, séparées par un buffet très bienvenu, offert dans la cour de l’Institut. Les participants étaient Messieurs Dan Arbib, Nicolas Baverez et Hakim Al-Karaoui.
L’auteur de ces lignes a eu l’honneur de prendre part à la première table ronde, en fait un agréable échange de vues avec Me Paule Henriette Lévy qui fut, aux côtés de la responsable du centre culturel juif d’Aix en Provence, la puissance invitante…
Comment parler de la place de Dieu dans la cité, près d’un siècle après le cri lancé par Fr. Nietzsche dans son livre, Ainsi parlait Zarathoustra qui parodie, comme chacun sait, le style biblique : Dieu est mort… Qu’est-ce qui se cache derrière cette formule à l’emporte-pièce et volontairement si provocante ? Que faut-il en déduire ?
C’est le terme d’un processus de désenchantement du monde (Entzauberung der Welt), d’une expulsion de Dieu comme l’autorité suprême de l’intelligibilité de l’univers, c’est une manière de rejeter la férule tyrannique de l’Eglise chrétienne, surtout catholique, car dans le cas de l’Allemagne, l’advenue de la religion évangélique a libéré les esprits et s’est caractérisée par une grande liberté dans la critique textuelle des textes bibliques et évangéliques révélés ou prétendus tels.
Dieu, considéré durant tout le Moyen Age de l’Europe chrétienne comme le créateur des cieux et de la terre, par sa simple volonté et son Verbe créateur à nul autre pareil, tandis que la science qui le constitue en objet, la théologie, se voyait promue au rang de reine des sciences : la critique de ce système est nettement perceptible dans la première partie du Faust de Gœthe, notamment dans le Prologue au ciel, où le héros, revenu de tout et ne croyant plus en rien, dit avoir tout étudié, toutes les sciences, y compris le droit et, pour couronner le tout, la théologie, censée donner un sens ultime, voire insurpassable au monde et aux hommes qui l’habitent.
Il était évident, et la seconde table ronde l’a amplement prouvé, nous n’étions pas sur la même longueur d’ondes : mon exposé initial s’en est tenu à la philosophie, à l’histoire des idées et à la confrontation entre le pensée discursive et la Révélation, alors que la suite s’est focalisée sur les débats actuels au sein de l’hexagone autour de l’islamisme…
Or, comme le montre le dernier ouvrage de notre collègue Jean-François Colosimo (Aveuglements… Cerf, 2018), cette éclipse progressive de Dieu a commencé dès la fin du Moyen-Age, si célèbre pour sa tentative de faire de la philosophie grecque, revue et corrigée, la servante de la théologie, et donc l’asservissement de la spéculation philosophique à la foi religieuse, pour donner naissance à la scolastique ; pourtant c’est à cette même époque que la pensée gréco-arabe a permis à au moins un médecin-philosophe du XIIe siècle, Ibn Tufayl, de rédiger une épître de Hayy ibn Yaqzan (Vivant fils de l’éveillé), qui permet à un solitaire, né sans parents dans une île déserte, sans jamais avoir subi la moindre influence d’une tradition religieuse fondée sur une révélation divine, de parvenir à scruter efficacement les mystères de l’univers, d’en donner une description, fondée sur ses propres et uniques capacités intellectuelles… sans avoir jamais été catéchisé ou élevé dans une communauté religieuse.
Plus tard, même son jeune protégé, le grand Averroès (Ibn Rushd), l’auteur du fameux Traité décisif dira que la religion, donc la Révélation, est la première éducatrice de l’humanité. Sous entendu : ceux qui le méritent et savent le faire, finiront par s’émanciper du surnaturel et du miraculeux.
A la regarder de plus près, cette théorie précède de plusieurs siècles la thèse de G.E. Lessing dans son Education du genre humain (Erziehung des Menschengeschlechts). Il serait intéressant de voir s’il existe entre ces deux auteurs une relation de source à emprunteur…
Nous tenons avec cette belle épître, rédigée dans un style élégant et sobre, initialement traduite par Léon Gauthier, la toute première critique des traditions religieuses et de la notion même de Révélation. Jamais une telle entreprise n’avait eu lieu, jamais un sage ne s’était assigné pour tâche de se mesurer à un tel défi.
Qu’il l’ait ou non voulu, le sage musulman a ouvert la voie à l’idée même de critique des religions révélées et de leur message, sous forme de dictée divine ou comme une loi de même provenance. Cette épître est une sorte de manifeste humaniste qui, au milieu du XIIe siècle et au sein d’une communauté religieuse qui, de nos jours, pose tant de problèmes à l’Europe judéo-chrétienne, a dégagé un horizon absolument nouveau pour son temps : l’épître fut traduite en hébreu médiéval et le meilleur commentateur juif d’Averroès, Moïse de Narbonne (1300-1362) l’a commentée avec talent : toutes les copies de ce manuscrit, tant à notre Bibliothèque Nationale de Paris ou ailleurs dans le monde (Berlin, Munich, Leeuwarden, Oxford, Hambourg, etc…) comportent, en plus du texte de l’épître, le subtil commentaire de Moïse de Narbonne. Mais le monde chrétien, moins attentif aux productions philosophiques des milieux arabes ou andalous, a attendu quelques siècles avant de disposer d’une version latine procurée par Pococke (1604-1691)(Philosophus autodidactus) qui parla d’une Robinsonnade arabe.
Cette manière de donner congé à Dieu ne manquait pas d’élégance ; l’auteur ne mettait pas vraiment fin à la présence de Dieu dans la cité, ni dans sa cité (nécessairement musulmane), mais frayait une voie nouvelle à la sagesse orientale et promouvait une approche du divin, totalement autre. On est loin de la Cité de Dieu de Saint Augustin… C’est la hikma (hochma en hébreu) qui prenait le pas sur la falsafa (philosophie gréco-arabe). La sagesse est antérieure au savoir démonstratif.
L’époque de la Renaissance a représenté une étape importante dans cette évolution historique puisque la conscience européenne, affectée par les critiques de Spinoza et soucieuse de mieux comprendre ses assises théologiques et les sources qui les abreuvent, s’est lancée dans un vaste examen des langues anciennes… Elle ne voulait plus de commentaires des textes, inspirés par la foi religieuse mais les textes eux-mêmes, étudiés hors la présence des clercs.
Cette tendance a, comme on l’a dit plus haut, donné naissance à l’humanisme et à la Réforme de Luther (qui placarda ses thèses en octobre 1517 sur la porte de son église à Wittenberg) et qui bouleversa ainsi l’équilibre religieux des pays germaniques. Mais Luther et ses partisans ne récusaient pas Dieu en tant que tel mais simplement la vision que le catholicisme romain entendait en imposer.
Tout mouvement initial finit toujours par s’accélérer, qu’on l’ait ou non voulu : cet effort de sécularisation, de laïcisation, a fini par se développer au point de dominer le siècle des Lumières qui s’est construit contre Dieu et son régime sur terre, mais l’Aufklärung allemande est bien plus modérée que son corollaire français par exemple. Et notamment, en matière d’exégèse biblique. Un exception, peut-être : les Fragments d’un Anonyme (en fait un philosophe de Hambourg, Hermann Samuel Reimarus), publiés par Lessing en personne.
Mais l’Allemagne s’est abstenue de décocher les traits les plus violents contre la croyance religieuse, contrairement à ce qu’a fait Voltaire, par exemple. Aujourd’hui encore, des notions qui nous apparaissent, à nous Français, comme coulant de source ne sont pas perçues comme telles en Allemagne où la religion est encore et toujours une matière académique comme les autres…
Comme la société française a presque entièrement perdu son homogénéité sociologique, ce pays et sa laïcité se sont retrouvés, depuis une bonne décennie, confrontés à une contestation communautariste, essentiellement arabo-musulmane, qui ne se résout pas à cet exil de Dieu hors du monde. Les croyants ne veulent pas s’émanciper du surnaturel, du religieux ou du miraculeux… Autant de choses que la mentalité française ne parvient pas à admettre, depuis au moins la loi de séparation de 1905.
Mais les deux autres religions monothéistes se défendent pour conserver à Dieu de nombreuses prérogatives dans la cité. Pourtant, le discours religieux fait partie intégrante de la culture européenne. La Bible constitue l’humus irremplaçable de notre spéculation philosophique et ses commentaires juifs ou chrétiens ont irrigué les siècles.
Pourtant, on cite souvent ce passage talmudique où Dieu affirme en être lui-même réduit à la portion congrue dans cet univers qu’il a pourtant créé ; il se retranche, dit-il dans une légende talmudique, dans l’espace confiné séparant les deux chérubins du temple, l’un de l’autre.
La question divine revient sur le devant de la scène grâce ou à cause des revendications d’une certaine religion dont les adeptes sont devenus la seconde religion du pays. Mais même jadis, dans sa politique à l’endroit des communautés musulmanes de son empire (voir la brillante thèse de Madame Jalila Sbaï, La politique musulmane de la France, 2018) les différents gouvernements de la République ont tout fait pour corriger cette tendance qui leur apparaissait comme une sorte de déviance…
Le ministère des colonies et les autres institutions qui géraient l’empire français étaient d’avis qu’avec le temps on pourrait convertir tout ce monde aux idéaux laïcs et républicains. On connaît la suite…
Mais voilà, de nos jours, cette forte réaffirmation de la présence divine et de sa loi, se passe en France métropolitaine avec, non plus des sujets musulmans, soumis au statut de l’indigénat, mais des citoyens française à part entière, décidés à défendre leur vision ou leur conception du monde (Weltanschauung). Comment mettre fin à ces dissonances et rétablir une paix civile sans restriction aucune ?
En fait, il faudrait prendre des mesures fortes et intelligentes, respectueuses des croyances de chacun dans la mesure où elles n’entrent pas en collision avec la République qui a le dernier mot, insistant sur la complémentarité des cultures et non sur leur opposition diamétrale.
On a oublié que Maître Eckhart, le fondeur ou l’inspirateur de la mystique rhénane entendait démontrer la véridicité de sa foi chrétienne en se servant des écrits d’Averroès et de Maimonide, traduits en latin… Quel bel exemple d’universalité de l’intellect humain…
Ce problème de la coexistence dans un même état de populations d’origines différentes et régies par d’autres lois que les leurs, a déjà été évoqué dans la littérature talmudique. Il s’agissait de savoir si les enfants d’Israël devaient se soumettre aux lois des puissances étrangères d’occupation.
C’est un sage du IIIe siècle, un certain Samuel, qui émit un principe, formulé en langue araméenne et qui a fait couler tant d’encre et gaspillé tant de salive : Dina de malkhouta dina (Guittin, fol. 10b), la loi du royaume, c’est la loi. Etant entendu que ce royaume ne nous contraint pas à violer des interdits fondamentaux pour le respect desquels il vaut mieux trépasser que transgresser…
Dieu trouve toujours des voies d’accès que l’homme ne soupçonne guère. En somme, un colloque très riche, un public aixois très attentif et des intervenants de très grande valeur.
à propos de l'auteurNé en 1951 à Agadir, père d'une jeune fille, le professeur Hayoun est spécialiste de la philosophie médiévale juive et judéo-arabe et du renouveau de la philosophique judéo-allemande depuis Moses Mendelssohn à Gershom Scholem, Martin Buber et Franz Rosenzweig. Ses tout derniers livres portent sur ses trois auteurs.
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