Etudes de Critique biblique, astrologique nostradamiquej et linguistique.
lundi 6 décembre 2021
Patrice Guinard et son fiasco de 2014 dans l'affaire Marcelin/Macelin au coeur du prophétisme de Nostradamus à la fin de sa vie
Patrice Guinard et son fiasco de 2014 dans l’affaire Marcelin/Macelin au coeur du prophétisme de Nostradamus à la fin de sa vie.
En 2014, Guinard (1967-2020) publia sur son site (CURA) l’étude ci-dessous sur les années 1566-1567, qui correspondent à la mort de Nostradamus. Dans son intitulé, il emploie l’expression « faux Nostradamus », cherchant probablement à montrer qu’il n’était pas dupe quant à l’authenticité de certaines publications « nostradamiques » alors même qu’il manque totalement d’esprit critique quant à la datation des éditions centuriques antidatées.. Il s’en prend notamment à l’Italien Barozzi. Il nous reviendra d’apprécier la valeur de son traitement. A notre connaissance, il s’agit d’une des rares fois où Guinard passa quelque temps dans une bibliothèque étrangère, puisqu’il signe la dite étude de Mantoue. On relévera cette formule: « Il s’agit d’un faux, probablement concocté après la mort de Nostradamus, peut-être traduit d’une version française perdue. Le texte ne présente aucun intérêt. » Il semble bien que Guinard n’ait pas eu accés au texte français dont dérive la production italienne alors qu’il existe une édition du manuscrit français, datant du début du XXe siècle Guinard écrit « .Le texte est prétendument dit traduit d’un original français » Quant au peu d’intérêt des textes concernés, il nous apparait que Guinard n’en a pas su prendre toute la mesure, notamment quant à l’annonce de la naissance d’un certain « Marcelin », qu’il préfére rendre par « Macelin » pour faire un jeu de mots en italien, que l’on retrouve dans un célébre quatrain des Centuries. Il semble bien que Guinard soit passé totalement à côté de l’affaire Marcelin qui fut l’acte prophétique ultime de Michel de Nostredame. Malheureusement pour lui, il n’aura pas eu accés au manuscrit dont dérivent les éditions italiennes et qui a été mis en ligne récemment par la BINA (Bibliothèque Internationale Numérisation Astrologique) cf notre étude sur le « tournant prophétique des années 1560′ (in Revue Astroprophétique, 26 02 21) dont nous extrayons le passage suivant:
»Le quatrain 76 de la centurie VIII du second volet, ne se comprend ainsi que sur la base du manuscrit en question: « Et ne veux rien mettre de l’an 1567 que dans le mois d’avril naistra un de quelque grand Roy et monarque qui fera sa fin cruelle et sanguinolente (…)On le nommera MARCELLINUS (en majuscules ndlr)mais on ostera de son nom l »R’ » Ce qui donne ‘Plus Macelin que Roy en Angleterre (…) son temps s’approche » Marcelin sans R donne Macelin.rapproché de l’italien pour boucher. » Nostradamus est au moment de sa mort puissamment marqué par la théorie des conjonctions (cf édition 1906 p. 10) qui impressionnera dans les années 1580 jusqu’à un Jean Bodin dans un chapitre de sa République. Ce quatrain de la huitième centurie montre que le corpus prophétique de Nostradamus avait été exploité par ceux qui se chargèrent de la confection du second volet des Centuries – le camp favorable à l’avénement d’Henri de Navarre à la Couronne de France, selon la formule du Janus Gallicus (1594) En ce sens, l’on ne saurait affirmer que les Centuries ne relévent pas formellement d’une certaine façon de l’oeuvre de Nostradamus mais certainement pas de la période des années 1550. Tout comme les quatrains des almanachs, la prose de Nostradamus aura servi à nourrir un certain nombre de quatrains des Centuries. » Or, voyons si l’on retrouve en italien, chez Barozzi, une référence à ce Marcelin attestée dans le dit manuscrit inconnu de Guinard et dont on dispose d’un exemplaire que nous venons de consulter à la BNF. Eh bien, oui, on ne sera pas déçu, ce qui est bien dommage pour Guinard: dans son chapitre IV « Delle horribili spettacoli & avennuti dell anno 1567″ on trouve « » Si chiamara Marcellino ma sara levato di suo nome la R ». et dans ses Annotationi, Barozzi revient sur ce Marcellino detto Macello »qu’il compare à Jésus, notamment au ciel de sa Passion. Ainsi, Guinard, faute de disposer de l’original français, élabore tout un roman en toute impunité, persuadé qu’il est que l’on ne trouvera jamais la source française! en fait, on est en présence d’une traduction littérale de ce passage du manuscrit.
CORPUS NOSTRADAMUS 179 — par Patrice Guinard
Les faux Nostradamus italiens des années 66-67 : il vero Giuditio, il vero Pronostico, li Presagi et Pronostici
Après la mort de Nostradamus en juillet 66, la belle vie commence vraiment pour les usurpateurs de tous poils, imposteurs et faussaires des oeuvres et du patronyme du prophète salonnais, dont un certain Michel Nostradamus le Jeune qui signe aussi Mi. de Nostradamus (cf. CN 180). Une floraison de pronostics divers, mis au nom de Nostradamus, commence à envahir les foires et les étals de libraires, à commencer par deux pronostications italiennes parues dans diverses éditions, Il vero et universale giudicio et Li Presagi et Pronostici.
179A Il vero et universale giudicio sopra le quattro stagioni, di M. Michele Nostradamo Astrologo Eccellentissimo, Et Medico di Salon di Craus [sic] di Provenza,
Nel qual si vede brevemente quanto mostrano le stelle, & Pianeti di mese in mese, & di quarto in quarto, dell’anno 1566
… Tradotto fidelmente di Francese iu [sic] Italiano.
Trino (Trento), [Giovanni Francesco et Giolito de Ferrari ?], « con licentia de Superiori », 1566, in-4, 4 ff. (vignette au frontispice)
° BC Trento: t-G 2-op f 60
Il vero et universale giudicio sopra le quattro stagioni Il vero, et universale Giuditio
179B Il vero, et universale Giuditio di M. Michiele Nostradamo, astrologo Eccell(entissimo) & Medico di Solon [sic] di Craus [sic] di Provenza,
nel quale si vede brevemente quanto mostrano le stelle, & Pianeti di mese in mese, & di quarto in quarto dell’anno 1566
… Deo semper laus, & gloria
Trino (Trento), [Giovanni Francesco Giolito de Ferrari], « con licentia delli Superiori » (A4v), [1566], in-4, 4 ff. (pas de vignette)
° BN Marciana Venise: MISC 1339. 017
→ Giuseppe Dondi & Marina Bersano Begey, Le cinquecentine piemontesi, vol. 3, Turin, 1966, p.241, n.1373
→ Chomarat, 1989, n.78
La première pronostication existe en deux versions : l’une avec un vignette au frontispice et dite traduite du français, l’autre sans vignette et au titre et précisions modifiés au frontispice. Elle contient les quartiers lunaires sommairement commentés pour chacun des douze mois de l’année avec un faciebat controuvé de Nostradamus, et un commentaire de l’éclipse lunaire d’octobre 1566 dans un contexte italien. Les données des quartiers ne correspondent pas à celles de l’Almanach de Nostradamus pour l’année 1566. Il s’agit d’un faux, probablement concocté après la mort de Nostradamus, peut-être traduit d’une version française perdue. Le texte ne présente aucun intérêt.
179C Il vero Pronostico calcolato dall’eccell(entissi)mo astrologo, et filosofo M. Michel Nostradamo Francese.
Il qual narra diligentemente tutte le perverse calamità, che deve incorrere l’Anno 1566 come per ragioni Astronomiche lo dimostra.
Bologna, Alessandro Benatio, « Con licentia delli Superiori », 1566, in-4, 4 ff.
° BNF Paris: Rés V 1196
→ Leoni, 1961, p.87
→ Chomarat, 1989, n.77
→ Benazra, 1990, p.77
→ Brind’Amour, 1993, p.492
→ CAT Ruzo-Swann, Avril 2007, n.9 (vendu 390 $ avec d’autres fac-similés)
Cette seconde pronostication est à rattacher à la première par les données astrométriques similaires pour l’éclipse lunaire du 28 octobre 1566 : à 23 h 50 et 15° Taureau, durée 3 h 40 (Giuditio, A4v) vs 24 h 50, durée 3 h 40 (Pronostico, A2v). L’introduction sur un feuillet (incipit « Il divino Mosè nel Sesto del Genesi » ; explicit « o gli effetti nelle cose inferiori ») cite en seconde page une série d’autorités en matière astrologique : le chapitre 4 du second livre du Tetrabiblos de Ptolémée, Hali Rodoan, Albumasar, Messahalla, Almansor, et un astrologue du nom de Pierre Maynard (Pietro Mainardo). Suivent un aperçu de l’année 1566 (avec un faciebat controuvé de M. « Nostrodamus »), un descriptif de l’éclipse lunaire du 28 octobre 1566 (A2v), et des présages attribués à Nostradamus et adressés au duc d’Orléans (le futur Henry III).
²
→ Chomarat, 1989, n.62 (sous 1564) et n.67 (sous 1565)
→ Benazra, 1990, p.67-68 (les 2 versions, sous 1564)
→ Brind’Amour, 1993, p.491
→ CAT Ruzo-Swann, Avril 2007, n.9 (vendu 390 $ avec d’autres fac-similés)
Au moins deux autres éditions antidatées du précédent texte ont été imprimées vers 1567 (ou plus tardivement) avec un titre totalement remanié. Un exemplaire de la BNF précise la nationalité de l’auteur falsifié : « Francese ». Ces éditions ne précisent pas le nom de l’imprimeur, peut-être Antonio Bellone qui exerçait à Gênes à cette date, à supposer qu’il s’agisse bien d’impressions génoises (cf. Gedeon Borsa, Clavis typographorum librariorumque Italiae, Baden-Baden, 1980). Le texte est prétendument dit traduit d’un original français.
L’introduction commençant par une référence à la Genèse est reprise de l’édition précédente, avec quelques rares modifications, par exemple l’ajout de la mention « si per certo, & non men della Noetica » (bas de A1v), l’ajout d’un numéro : « differenza 8″ pour « differenza » (A2r), etc. Au présage sommaire (« Presagio somario » pour « Presagio, et sommario »), on se contente de changer l’année 1566 en 1565 et de corriger la mention fautive « Nostrodamus ». Le reste du texte est inchangé.
Les dates et données de l’éclipse lunaire sont modifiées en conséquence : l’éclipse du 28 octobre 1566 est remplacée par celle du 17 novembre 1565 : une donnée erronée puisque l’éclipse lunaire de 1565 a eu lieu le 7 et non le 17 (cf. Cyprian Leowitz, Eclipsium omnium ab anno Domini 1554 usque in annum Domini 1606, Augsburg, Philipp Ulhard, 1556). En outre, et c’est la preuve de la supercherie, l’ensemble du commentaire sur l’éclipse de 1566 reste inchangé pour le faux daté de 1565 : par exemple la position du Soleil dans la 8e maison (« il Sole nell’ottava mansione »).
Ci-suivent le thème de l’éclipse lunaire de 1566 dans le traité de Leovitius, le même thème calculé pour la latitude d’Augsburg à environ 16 heures 16, et un autre proche des données (approximatives) du Pronostico de Benatio : recalculé à environ 13 heures 53 avec le FC à 16° en Gémeaux comme indiqué au texte (« se ne oscurera punti 16 & particelle dieci sotto il duplicato segno di Gemini ») et le Soleil et Mars au milieu de la maison VIII selon la domification de Regiomontanus.
thème de l'éclipse Leowitz thème de l'éclipse 16 h 16 thème de l'éclipse Benatio
Dans la dédicace, on remplace le duc d’Orléans par le pape Pie IV, ainsi que quelques formulations relatives au nouveau dédicataire et à l’année visée : on transforme par exemple l’expression « circa l’Anno 1566″ en « circa 1565 & 1566″, mais pas la suite du texte « che sarà l’anno il quale per la revolutione … » – ce qui contredit les propos du texte puisqu’il est toujours question de l’année 1566 alors que la pronostication concerne 1565 ! De même « 1566″ est remplacé par « 1565 tenendo per l’anno 1566″ (A3v). A la page précédente, l’expression « qualche grandissimo danno che non passeranno quelle annà [sic] de 1566 et 1567″ devient « qualche gran matrona che non passeranno quelli anni de 1566 et 1567″ (A3r). Dans l’édition non datée du même texte, la « gran matrona » est remplacée par « grande dame » (en français). La régente Catherine de Médicis semble visée, et la seconde mouture de 1565 pourrait avoir été concoctée dans les cercles de mécontents liés à François d’Anjou (cf. infra). Bien sûr c’est surtout le prestige de l’astrologue et conseiller royal qui est visé par la dédicace réorientée sur le pape Pie IV, décédé le 9 décembre 1565.
Il s’agit donc d’une version trafiquée d’un faux, destinée à discréditer Nostradamus, le protégé de Catherine de Médicis. On attribue au mathématicien et humaniste italien Francesco Barozzi alias Barocius (1537-1604) le premier commentaire d’un texte de « Nostradamus », à savoir un commentaire de cette pronostication controuvée.
Francesco Barozzi
179F Pronostico universale di tutto il Mondo
Il qual comincia dal principio dell’ anno 1565 & finisce al principio dell’ anno 1570.
Raccolto dalli Presagi del Divino Michiele Nostradamo, & dalli Pronostici di molti altri Eccellentissimi autori : & con brevi annotationi illustrato
Bologna, « Alla libraria del Mercurio » [Giovanni Rossi ?], « Con Privilegio del Rever. Mons. Bossio Vicelegato », « Con licentia de Superiori », « 1566″ [1567 ?], in-4, 12 ff.
° BNF Paris: Res V 1193 ; Mazarine 4° Res 15954-1
→ Chomarat, 1989, n.79
→ Brind’Amour, 1993, p.496
Barozzi, Pronostico universale di tutto il Mondo
Le texte tient en 7 chapitres, précédés d’une préface (en A2r) et d’annotationi après les chapitres 2 et 4. La préface, adressée aux académiciens bolognais, est datée de Bologne le 20 janvier 1566 (ancien style, i.e. 1567 ?). Le texte cité et commenté par Barozzi n’est ni celui du « Vero Pronostico » ni celui des « Presagi et Pronostici », mais un texte intermédiaire mentionnant (en C1r) l’éclipse lunaire du 28 octobre 1566 avec une lune correctement positionnée à 16° du Taureau (comme dans la version bolognaise), et l’allusion au décès d’une « gran Matrona » (comme dans la version génoise). Il est probable que le modèle utilisé soit une autre version du même texte. Il n’est fait aucune allusion à une dédicace au duc d’Orléans ou au pape Pie IV. Et les données de l’éclipse sont celles de l’Almanach authentique de Nostradamus : à 23 h 45 apres midy (horloge) ou 4 h 39 apres midy à 15° Tau, durée 3 h 45, points lunaires éclipsés 17 et 22 minu. (Nostradamus, Almanach pour 1566, A2v) versus à 23 h 45 (horloge) ou 4 h 39 à 16° Tau, durée 3 h 45, points lunaires éclipsés 17 et 22 minu. (Barozzi, C1r).
Il faut donc attribuer ce commentaire à Barozzi et le dater du début de l’année 1567 (nouveau style) en raison du sérieux des données formulées, et écarter je crois l’hypothèse d’une contrefaçon tardive (ca. 1616) qui suit et que je soumets au lecteur sans conviction : en effet Barozzi, poursuivi et condamné par l’inquisition en 1583 et 1587 pour des motifs obscurs, pourrait avoir été la victime d’une contrefaçon tardive — mais quel enjeu à cette date ? : Justifier les décisions inquisitoriales au moment où les défenseurs de Barozzi demandent des comptes dix ans après sa mort ? et/ou renforcer le dispositif des contrefaçons mis en place un demi-siècle auparavant, grâce au crédit d’un érudit prestigieux et dont on connaît les intérêts pour les matières occultes ? — par la confusion entretenue entre les Bossi ou Bossio, tous deux vice-légats bolognais à cinquante ans d’intervalle : Francesco Bossi en 1566 et Girolamo Bosio en 1616, d’autant plus qu’à Bologne les héritiers de Giovanni Rossi continuaient à imprimer à cette époque (cf. par exemple Al direttorio monastico di canto fermo, Bologna, heredi Giovanni Rossi, Con licenza de superiori, 1615).
179G Pronostico di Michele Nostradamo
tradotto dallo francese in lingua italiana nel 1565
- incipit : « La variacione de tempi, secondo Hipocrate, é causa dell’ infermita, di modo, che quanto piu questa variatione sia frequente … »
° Biblioteca Ambrosiana, Milano: N 263 sup (Vol. 23 degli inventari), ms. de 24 ff.
Batta, Pronostico tradotto nel 1565, p.1 Batta, Pronostico tradotto nel 1565, p.2 Batta, Pronostico tradotto nel 1565, p.6 Batta, Pronostico tradotto nel 1565, p.45
Traduction manuscrite d’un texte mis au nom de Nostradamus, traduite en italien en 1565, et répertoriée par Mario Gregorio en 2006 dans son Répertoire, n.1563-003 [sic] au lieu de 1565-004.
Le texte est précédé d’une dédicace du traducteur au gouverneur de Milan Gabriel de la Cueva y Girón (1515-1571) datée du 22 décembre 1564 et signée Giovanni Batta (?) Il s’agit d’une traduction italienne sur 45 pages d’un faux non identifié incluant de nombreuses mentions à des auteurs classiques, notamment Hippocrate, Galien, Aristote et Avicenne. Il contient un discours sur les 12 signes zodiacaux (Discorso dei dodeci segni, p.35) et une recette contre la peste (Rimedis ottimi, generali, et universali contra la peste, p.44), à rapprocher de la traduction anglaise du pseudo-traité de Nostradamus sur la peste (cf. CN 32). La traduction est datée in fine de Milan, le 12 janvier 1565.
Mantova, 9 Febbraio 2014
Il convient d’associer cette étude à une autre ci dessous, liée à la même année 2014 dont on signalera la virulence.
Discours à l’occasion du VIIème congrès de l’association Apotélesma de Lucia Bellizia, Gênes, 18 octobre 2014)
(cf. le programme de la réunion génoise : VII Convegno Apotélesma, le compte-rendu sur le site Apotélesma : VII CONVEGNO APOTÉLESMA, et la traduction par Lucia de la version initiale de ce texte : Bilancio sulle publicazioni annuali di Nostradamus
Patrice guinard Bilan sur les publications annuelles de Nostradamus (1550-1567)
nostradamus
CORPUS NOSTRADAMUS 190 — par Patrice Guinard
Bilan sur les publications annuelles de Nostradamus (1550-1567)
Le Pronostico sulla disposizione delle quattro parti dell’anno 1561, traduction italienne par Lucia Bellizia de « La pronostication des choses de perpetuelle memoire sur la disposition des quatre parties de l’An Mil cinq cens soixante et un » dont j’ai récemment découvert (le 17 avril dernier, exactement deux mois après la mise en ligne de sa version numérisée) une version latine manuscrite à la bibliothèque de Munich, ainsi qu’une traduction latine manuscrite de l’Almanach pour la même année dont quelques fragments avaient été retrouvés à Paris il y a trente ans, est l’occasion de dresser un bilan des publications annuelles de Nostradamus, almanachs et pronostications, qui paraissaient chaque automne pour l’année suivante entre 1549/50 et 1566/67, et malgré qu’ils aient connu une immense diffusion et été l’objet de copies et contrefaçons innombrables, intéressent encore fort peu les milieux académiques.
Les almanachs de Nostradamus ou mis au nom de Nostradamus s’écoulaient chaque année par dizaines de milliers. Une production considérable pour l’époque, bien au-delà des ouvrages que les universitaires dissèquent depuis quatre siècles dans leurs officines. Peu d’entre eux se sont penchés sur la question en raison des dissensions idéologiques suscitées par de telles recherches. Et Nostradamus n’appartenait pas à la crème intellectualisante des clubs et cercles littéraires qui commençaient à poindre à cette époque dans les milieux parisiens, pas plus que Rabelais et Montaigne d’ailleurs. Prophéties et Almanachs sont rédigés dans un langage hermétique, syntaxiquement déroutant, voire incorrect. Les propos sont énigmatiques ; les intentions sont insaisissables. L’étude de ces textes n’est pas une manne pour opportunistes et carriéristes. Il n’en faut pas plus pour orienter les profils vers des sujets plus juteux et conformes aux postes convoités.
Il n’existe toujours aucune édition des oeuvres complètes de Nostradamus, pas même limitée aux fameuses Prophéties. En aucune langue ! Les éditions existantes s’appuient sur des textes corrompus, sans qu’aucune recherche comparative textuelle n’ait été effectuée. Je renvoie à mon appel de 2008 (CN 94) et à l’indigence des études universitaires passées et présentes (CN 59). Les deux récents ouvrages universitaires ne traitent de Nostradamus et de ses oeuvres que par des voies détournées. D. Crouzet de la Sorbonne en 2011, au prix d’un nombre incalculable de déformations, réévalue les quatrains à l’aune des orientations confessionnelles et religieuses de l’époque. Comme si Nostradamus ne s’en fichait pas des chamaillages partisans, catholiques ou protestants, papistes et huguenots ! S. Gerson de l’université de New York en 2012 retrace avec de nombreuses lacunes la postérité de Nostradamus sans s’intéresser aux textes du XVIe siècle (cf. CN 130 et CN 165). Mais laissons cette misère pour entrer au vif.
Au fil des années et notamment avec l’avènement de la section Nostradamica au CURA, de nouveaux textes ont été révélés et édités. A mi-parcours, et ne sachant si la seconde moitié du travail à effectuer le sera, je souhaite à l’occasion de cette nouvelle rencontre Apotélesma et à l’invitation de Lucia, effectuer un bilan de l’état actuel des recherches (i.e. de mes recherches) concernant les publications annuelles de Nostradamus.
DIFFUSION DES TEXTES
Ces textes, Almanachs, Pronostications, et peut-être aussi Présages, étaient imprimés en octobre et diffusés en novembre lors de la foire lyonnaise de la Toussaint. Il y avait à Lyon à l’époque 4 grandes foires annuelles à Lyon : la fête des Rois ou de l’Épiphanie en janvier, celle de Pâques ou de la Quasimodo (commençant le lendemain du premier dimanche après Pâques), la foire estivale d’Août, celle de la Toussaint en novembre. Elles furent établies au début du XVe siècle : deux foires en 1420, au nombre de trois en 1444, puis finalement quatre en 1463 par lettres patentes du roi Louis XI. C’est un peu l’équivalent de nos soldes actuelles de janvier et de juillet. Elles firent de Lyon un carrefour commercial de premier plan entre l’Allemagne, l’Italie et la Suisse. On y trouvait des draps et toiles, des denrées cosmétiques et alimentaires, des métaux, du cuir, des armes, des peaux, des dés et cartes à jouer, des livres. Elles duraient deux à trois semaines et commençaient toujours le lundi.
Ainsi en 1560, 1561 et 1562 (d’après les Almanachs Lenoir pour les dites années, en E7v, E7v, et C5v) :
- pour la foire des Rois du lundi 8 au lundi 29 janvier 1560, du lundi 13 au lundi 03 février 1561, du lundi 5 au lundi 19 janvier 1562
- pour la foire de Pâques du lundi 22 avril au mardi 14 mai 1560, du lundi 14 avril au lundi 05 mai 1561, du lundi 13 au lundi 27 avril 1562
- pour la foire d’Août du lundi 5 au lundi 26 août 1560, du lundi 4 au vendredi 22 août 1561, du lundi 3 au lundi 17 août 1562
- pour la foire de la Toussaint du lundi 4 au mardi 12 novembre 1560, du lundi 3 au jeudi 20 novembre 1561, du lundi 2 au lundi 16 novembre 1562
En réalité la foire de la Toussaint de 1562 a été annulée (ainsi que les deux premières foires de 1563) en raison des troubles provoqués par l’occupation des Protestants à Lyon en 1562 (Brésard, p.85). Nombreux semblent avoir été ceux qui n’ont pu se procurer l’Almanach et la Pronostication de Nostradamus pour cette année 1562. Ainsi l’allemand Hans Rosenberger, dans une lettre du 15 décembre 1561, demande expressément à Nostradamus s’il peut lui envoyer lui-même deux ou trois exemplaires de l’Almanach dédié au pape Pie IV dont la version lyonnaise est perdue mais dont on connaît deux exemplaires légèrement différents d’une impression parisienne trafiquée (cf. CN 181). Des faux circulent un peu partout, même à Lyon. On ne peut se fier à quiconque, et pour Rosenberger, seul Nostradamus est susceptible de lui fournir le texte authentique.
A LA RECHERCHE DES TEXTES PERDUS
C’est exactement notre problème et le point crucial qui nous occupe aujourd’hui : la recherche de ce qu’a vraiment écrit Nostradamus ! Car éradiquées les falsifications et contrefaçons de toutes provenances, principalement d’origine parisienne, même les pronostications et almanachs lyonnais les moins douteux souffrent pour la plupart des erreurs, transformations, ajouts et réécriture des imprimeurs, éditeurs et intermédiaires. On n’a conservé qu’un seul manuscrit d’une telle publication annuelle, calligraphié en 1561 par Chevigny le secrétaire de Nostradamus : « Les praedictions de l’almanach de l’an 1562″ dont le texte diffère beaucoup de la version parisienne abrégée retrouvée (cf. CN 181). Il y a donc trois strates dans l’appréhension de ces documents : les textes authentiques de Nostradamus (idéalement les manuscrits signés de sa main), les textes transmis puis imprimés par ses éditeurs autorisés, les textes reproduits, transformés ou falsifiés mis au nom de Nostradamus.
Idéalement seul le premier niveau m’intéresse, mais la plupart des documents conservés appartiennent évidemment aux deux autres strates. Quelques exemples. Dès 1554, l’imprimeur lyonnais Jean Brotot reçoit l’Almanach et la Pronostication et, jugeant inopportune la double publication, décide de fondre les deux textes en un seul et de l’imprimer sous l’intitulé « Prognostication nouvelle, & prediction portenteuse, pour l’an 1555″. Ce texte curieux et unique par sa composition comme par son iconographie a été redécouvert en 2007 lors de la vente Ruzo à New York (cf. CN 14).
A partir de 1561, Jean de Chevigny est recruté par Nostradamus pour retranscrire ses textes à destination de ses correspondants et de ses imprimeurs. Chevigny y ajoute ici et là du sien, adoucissant le texte original jugé trop brut, trop obscur, « décalé », voire subversif. L’Almanach avignonnais Pierre Roux pour l’an 1563 est l’exemple typique d’une telle « collaboration ». En 1589, le même Chevigny, sous le nom de Chavigny, entreprend de retranscrire, à partir des opuscules en sa possession à cette date, l’essentiel des « présages », c’est-à-dire des formulations à vocation oraculaire, hormis les explications d’ordre astrologique et météorologique, dans un manuscrit de 722 pages, le « Recueil des Presages prosaïques ». Le précieux manuscrit, en partie inédit, ayant appartenu à un médecin dijonnais au XVIIIe siècle avant d’être racheté par la bibliothèque de Lyon (BM Lyon, ms 6852), a hélas subi des dégradations irréversibles. C’est pourtant le seul document qu’il nous reste pour certains opuscules. B. Chevignard en a réalisé en 1999 une version partielle s’arrêtant à l’année 1559.
En 1594, le même Chavigny fait imprimer à Lyon un volumineux ouvrage intitulé « La premiere Face du Janus françois » qui aborde cette fois l’explication des quatrains versifiés de Nostradamus, pris dans ses Almanachs comme dans ses Prophéties. Le texte des quatrains, comme celui des Présages au manuscrit évoqué, est parfois modifié en vue d’une plus grande clarté aux yeux de l’interprète. C’est ainsi que le texte de Nostradamus subsiste parfois dans des versions « arrangées » dont ne subsiste aucune version originale.
D’autres textes, hormis les extraits donnés par Chavigny, n’existent qu’en traduction : les originaux français sont perdus. C’est le cas de l’Almanach pour l’an 1559 en version anglaise (cf. CN 75), de la Pronostication pour l’an 1564 en version italienne (cf. CN 165 et le Convegno di Genova en 2012), et de la Pronostication pour l’an 1561 en version manuscrite latine (traduction italienne Lucia Bellizia, et bientôt française).
REPÉRAGE ET NOMBRE HYPOTHÉTIQUE DES TEXTES ORIGINAUX
Il a pu exister une trentaine de ces publications annuelles, éphémères rédigés l’année précédente pour l’an à venir, et diffusés lors de la foire lyonnaise d’Automne. J’en ai recensé 33, un nombre hypothétique dépendant des informations recueillies de sources diverses et de leur interprétation : ce sont les 15 PRONOSTICATIONS pour les années 1550 à 1564, les 15 ALMANACHS pour les années 1553 à 1567, et les PRÉSAGES MERVEILLEUX pour les années 1555, 1557 et 1558. La plupart de ces textes sont perdus, quelques rares d’entre eux peuvent être reconstitués, certains ne subsistent qu’à l’état fragmentaire grâce à Chavigny. Les quatrains accompagnant le calendrier des saints pour chaque mois, au nombre de 12 ou 13, n’existent que pour l’année 1555 et les années 1557 à 1567. On peut estimer, grâce à la parution du Recueil de Chavigny (et suite à mon étude « L’Isle à Cumes : Les quatrains perdus de l’almanach pour 1556 et la milliade de quatrains », CN 159) que la totalité de ces quatrains nous sont connus. C’est l’objet même de cette présente communication d’analyser, année par année, les textes dont nous disposons.
LES PRÉSAGES MERVEILLEUX
On n’a conservé qu’un texte intitulé PRÉSAGES MERVEILLEUX, celui pour l’an 1557 (édité par moi-même aux CN 46, 128 et 157). Il a pu exister deux autres textes similaires pour les années 1555 et 1558, et a priori tous adressés au roi de France Henry II, lequel se les faisait lire devant la Cour selon le témoignage de Montluc : « Sa Majesté faisoit lire les presages de Nostradamus le jour de devant, & lisoient pour le lendemain bonnes nouvelles, au Roy. Le courrier y arriva ce jour mesmes : & le lendemain y avoit ‘ville rendue’. » (cf. CN 143). Ce pourrait être une allusion à la prise de Thionville (bastion espagnol) en juin 1558, et l’expression « ville rendue » a pu figurer soit au calendrier de l’Almanach pour 1558, soit dans les Présages Merveilleux pour 1558. Les deux textes sont perdus. Quant à l’existence de « Présages Merveilleux pour l’an 1555″, elle me semble indiquée par le témoignage de Nostradamus lui-même dans son adresse au roi Henry II aux Présages pour 1557 : « à cause que l’annee passee l’air n’estoit en telle serenité ne les astres disposez, ne me feut possible si amplement specifier les faictz & predictions futures de l’an cinq cens cinquante & six » (cf. CN 46) et par celui d’Alexandre de La Tourette qui dans une lettre à Jean Morel, datée du 12 décembre 1554, déclare envoyer à son correspondant des « presaiges merveilleux » de Nostradamus (cf. CN 16). Ainsi Nostradamus aurait adressé au roi de France depuis 1555 jusqu’en 1558 (sauf en 1556, et il s’en excuse) des textes énigmatiques appelés PRÉSAGES MERVEILLEUX que le roi se faisait lire par distraction ou réel intérêt devant la Cour et probablement certains ambassadeurs. Henry II décède en juillet 1559. Aucun texte similaire n’est attesté pour cette année-là (cf. CN 51).
L’ASTROLOGIE DES QUARTIERS LUNAIRES
Hormis la dédicace, le texte est constitué de considérations sur les quartiers lunaires, au nombre de 49 pour l’année 1557, du premier quartier de janvier 1557 au premier quartier de décembre 1557. La composition suit une trame plus ou moins variable : situation astrologique et positions planétaires remarquables, considérations météorologiques dépendantes de la configuration astrologique, conséquences médicales et énumération des maladies liées aux configurations météorologiques, parfois conséquences sur les récoltes, et surtout présages et visions politiques pour le quartier lunaire en cours. C’est l’intérêt du texte nostradamien et ce pourquoi on le recherche et on le lit encore aujourd’hui en dépit de la cécité académique.
Les moments astrologiques et les configurations planétaires sont approximatifs : ainsi le premier quartier lunaire de janvier 1557, donné pour le 7 janvier à 21 heures, a lieu en réalité le lendemain à 7 heures du matin (sous la latitude de Lyon), et la conjonction Saturne-Lune donnée à 16° du Bélier, a lieu d’après les calculs modernes le 7 janvier à 14 heures 50, et à 18°50 du Bélier. Les qualités traditionnelles de la planète Saturne (froideur et siccité) impliquent un temps froid et sec, et les maladies qui en découlent. Les considérations politiques et événementielles, voire les révélations oraculaires propres au texte nostradamien, bien que semblant s’appuyer sur les matériaux qui précèdent, nous semblent étranges, improbables, illogiques, voire incompréhensibles dans leur formulation. C’est ce qui fait l’originalité du texte nostradamien, et ce en quoi il se distingue des productions similaires. Tout ce passe comme si le matériau astrologique ne servait que de support à l’acte divinatoire. Nostradamus, souvent considéré comme le plus célèbre astrologue moderne, ne fait que se servir de l’astrologie, de ses symboles, de ses codes, de son langage et de sa logique.
STRUCTURE ET CONTENU DES ALMANACHS ET PRONOSTICATIONS
Les Almanachs appartiennent eux aussi à cette astrologie des quartiers lunaires. On y trouve en plus un calendrier des saints comprenant pour chaque jour de l’année une formule laconique et pour chacun des douze mois un quatrain versifié, ainsi que diverses pièces annexes (fêtes mobiles, foires, etc.). Le calendrier est morcelé avec les quartiers lunaires du mois (comme dans l’Almanach pour 1557), ou il les précède (comme dans les Almanachs pour 1559 et 1560). Le calendrier semble avoir été adressé à l’imprimeur séparément du texte des présages.
Les Pronostications ont une structure différente : elles sont composées de présages pour chacune des saisons, précédés d’une dédicace et suivis d’un relevé sommaire des phases lunaires mensuelles ainsi, accessoirement, d’un petit texte sur les éclipses de l’année. Dans les premières pronostications (pour 1553 et 1555), les présages saisonniers sont suivis de présages géopolitiques pour les principales régions européennes. Dans les pronostications pour les années 1560 et 1561 les thèmes d’ingrès précèdent et illustrent le texte des présages saisonniers.
Ainsi l’entrée du Soleil en signe cardinal (Bélier, Cancer, Balance, Capricorne) caractérise l’astrologie des Pronostications, et non plus seulement les quartiers lunaires. L’unité temporelle n’est plus la semaine soli-lunaire, mais le trimestre. On résumera les caractéristiques principales des trois séries de publications annuelles comme suit :
PRÉSAGES : DÉDICACE, QUARTIERS LUNAIRES
ALMANACHS : DÉDICACE, CALENDRIER (avec QUATRAINS et FORMULES JOURNALIÈRES), QUARTIERS LUNAIRES
PRONOSTICATIONS : DÉDICACE, PRÉSAGES SAISONNIERS, PHASES LUNAIRES SOMMAIRES, ÉCLIPSES
ALMANACHS ET PRONOSTICATIONS : LE BILAN
Nous ne connaissons les premières publications annuelles de Nostradamus que par les extraits laissés par Chavigny dans son Recueil précité. Probablement moins consistantes que les publications ultérieures d’après les extraits rapportés, elles furent probablement toutes publiées à Lyon. Ce n’est qu’après 1555 que paraissent des versions aussi imprimées en d’autres lieux : peut-être Anvers en 1555 (pour l’année 1556), et surtout Paris à partir de l’année suivante. Ces tout premiers opuscules ne contenaient pas de quatrains.
01. La Pronostication pour l’an 1550
On ignore l’imprimeur lyonnais : peut-être Jean Pullon de Trin, imprimeur de la première édition du Traité des Fardements et Confitures de Nostradamus sous le titre hypothétique « Le vray & parfaict embellissement de la Face, & la maniere de faire des confitures » (édition perdue). Chavigny n’a laissé que 10 présages de ce texte que j’ai supposé être une Pronostication, et non pas un Almanach (CN 02). Le destinataire du texte est inconnu.
02. La Pronostication pour l’an 1551
On ne sait rien du texte paru l’année suivante. Chavigny lui-même déclare ne pas avoir réussi à la retrouver (CN 03).
03. La Pronostication pour l’an 1552
Comme pour la Pronostication pour 1550, on ignore le destinataire de l’épître comme l’imprimeur lyonnais. En revanche on sait qu’il s’agit bien d’une Pronostication et non d’un Almanach car un astrologue du nom de Laurent Videl cite en 1558 deux présages de cette « pronostique » ou « pronostication », ultérieurement rapportés par Chavigny (CN 141). Chavigny a consigné 26 présages de ce texte, y compris les deux rapportés par Videl (CN 04). La pronostication a été plagiée par un autre astrologue et faiseur d’almanachs du nom de Claude Fabri dans un texte antidaté peut-être imprimé à Agen en 1559 : « La Vraye Prognostication Nouvelle pour l’An 1552″ (CN 24).
04. L’Almanach pour l’an 1553
A partir de cette année, Nostradamus aurait fait publier deux opuscules annuels : un Almanach et une Pronostication. Videl a retenu 7 ou 8 présages de cet Almanach inconnu de Chavigny (CN 141). Il aurait été dédié à un grand seigneur, et Nostradamus aurait déclaré à son propos que ni la lyre de Jupiter ni Saturne (le temps) ne sauraient le détruire ! Malheureusement pour l’heure il est perdu (CN 05). On le retrouvera. Peut-être à Aix.
05. La Pronostication pour l’an 1553
Comme pour les textes précédents, on ignore le destinataire de l’épître comme l’imprimeur lyonnais. Chavigny nous a laissé 53 extraits de ce texte composé de présages généraux pour l’année, de présages pour les quatre saisons, puis de présages pour l’Italie, la France, l’Espagne et l’Allemagne (CN 06).
06. L’Almanach pour l’an 1554
C’est le premier texte dont des fragments assez nombreux (149) nous sont parvenus, toujours grâce à Chavigny. On ignore le destinataire de l’épître comme l’imprimeur lyonnais, peut-être Antoine du Rosne dit Lizerot, comme l’attesterait un acte notarial retrouvé par Louis Gimon en 1882 (CN 07).
07. La Pronostication pour l’an 1554
C’est le second opuscule totalement perdu. On sait par l’acte notarié précité que Nostradamus en a interdit la diffusion à l’imprimeur Bertot dit la Bourgogne, en raison de l’extrême corruption de son impression, et ordonné de le transmettre à son confrère Antoine du Rosne, qui deviendra l’un de ses imprimeurs pour les Prophéties. Les deux versions sont perdues et Chavigny ne les connaît pas.
08. Les Présages Merveilleux pour l’an 1555
Le texte est perdu (cf. supra).
09. L’Almanach pour l’an 1555
Chavigny nous a laissé des extraits de deux textes pour l’année 1555, un Almanach et une Pronostication. Les manuscrits et imprimés de ces textes sont perdus. Et nous avons une Pronostication (actuellement à la BM de Lyon) qui est un collage, comprenant des quatrains versifiés, réalisé par l’imprimeur Jean Brotot à partir des deux textes précités. C’est le seul cas d’une pronostication contenant des quatrains. L’imprimeur explique ses intentions dans une lettre adressée à Nostradamus (CN 13). L’Almanach est en outre attesté par Videl qui en donne trois à quatre extraits non repris par Chavigny qui en donne 43, hormis ceux repris dans la Pronostication imprimée (CN 16). Je pense avoir identifié la dédicace de l’ouvrage (à Claude de Savoie, comte de Tende) dans un éphémère traduit en allemand à Nuremberg (CN 17).
10. La Pronostication pour l’an 1555
Le texte original de la Pronostication est perdu. Le collage imprimé par Brotot a été édité par moi-même en avril 2007 et décembre 2008 (CN 56 et 101). La Pronostication était adressée au prévôt de Cavaillon Joseph des Panisses. Chavigny a laissé 5 présages du texte originel (manuscrit ou imprimé) non repris dans l’exemplaire Ruzo de la bibliothèque de Lyon. Ces extraits sont corroborés dans un Almanach parisien tardif qui est une contrefaçon de textes antérieurs (CN 14).
11. L’Almanach pour l’an 1556
Chavigny a retenu 130 présages de cet almanach perdu, aussi mentionné par Videl qui nous en laisse trois de plus. Imprimeur et dédicataire nous sont inconnus (CN 35). L’almanach ne contient pas de quatrains contrairement à tous ceux des années ultérieures (mais cf. CN 159).
12. La Pronostication pour l’an 1556
Chavigny nous a laissé 30 extraits de ce texte perdu dont on ignore tout par ailleurs.
13. Les Présages Merveilleux pour l’an 1557
A partir de 1557 la situation s’améliore car les éditions lyonnaises sont doublées de parisiennes dont quelques exemplaires nous sont connus. L’exemplaire de Daniel Ruzo est actuellement à la bibliothèque de la Maison Nostradamus à Salon. Le texte est adressé au roi Henry II. Il a été édité par moi-même en trois fois : en janvier 2007, septembre 2010 et décembre 2011 (CN 46, CN 128 et CN 157).
14. L’Almanach pour l’an 1557
On a conservé un exemplaire ayant appartenu au même Ruzo, acheté à la vente Swann de New York en avril 2007 (aussi à la bibliothèque de la Maison Nostradamus à Salon). Comme le précédent, il est imprimé par Jacques Kerver à Paris. Je l’ai édité dès décembre 2006 à partir d’une copie qui circulait parmi les nostradamologues (CN 41). Le texte est adressé le même jour que le précédent à Catherine de Médicis, l’épouse du roi.
15. La Pronostication pour l’an 1557
Il existe deux exemplaires de la version parisienne, imprimée à Paris par Guillaume Le Noir pour Jacques Kerver (l’un au Musée Paul Arbaud à Aix, l’autre au centre Bandy à Nashville). Le texte est adressé à Antoine de Bourbon, père du futur Henry IV. J’en ai donné une édition au CURA en février 2007 (CN 47). Aucune édition lyonnaise de ces textes pour l’an 1557 n’a été conservée.
16. Les Présages Merveilleux pour l’an 1558
Ce texte hypothétique est perdu (cf. supra). Chavigny l’ignorait.
17. L’Almanach pour l’an 1558
Le texte aurait été imprimé à Lyon, puis à Paris, Gand et Anvers. Il n’en subsiste aucun exemplaire, mais seulement les 202 présages recueillis par Chavigny, ainsi que quelques autres maquillés dans un opuscule parisien (cf. mon étude à paraître). Il pourrait avoir été adressé à Jeanne d’Albret (CN. 58 et CN 61). Les dates des privilèges (5 juillet et 20 septembre 1557) confirment que les éditions lyonnaises ont bien précédé les parisiennes.
18. La Pronostication pour l’an 1558
Le texte est adressé au sénéchal de Lyon Guillaume de Gadagne, chez qui Nostradamus a séjourné lors de son voyage à Paris durant l’été 1555. C’est le seul texte dont ont été retrouvées les deux éditions, l’une lyonnaise en collection privée (vente Thomas-Scheler, 2010), l’autre parisienne à la bibliothèque royale de La Haye. J’ai édité le texte de la version parisienne en septembre 2007 (CN 73) et prépare une édition comparative des deux versions.
19. L’Almanach pour l’an 1559
Ce texte est perdu mais peut être en partie reconstitué, comme je l’ai montré pour le mois de Janvier (CN 75) grâce aux 300 présages choisis par Chavigny dans son Recueil de 1589 (CN 186) et à trois traductions anglaises dont la première donne le texte des quatrains et les formules du calendrier (An Almanacke for the yeare of oure Lorde God 1559 ), la deuxième les données astrométriques du calendrier (An Almanacke for the yere, from the birthe of our saviour Iesu Christ 1559 ), et la troisième, mal nommée « pronostication », l’ensemble des présages pour chacun des douze mois (The Prognostication for the yeare of oure Lorde 1559 ). On ignore cependant le dédicataire de l’épître, probablement le roi François II.
20. La Pronostication pour l’an 1559
Le texte est perdu. On se contentera des 140 présages laissés par Chavigny. Il est adressé à Charles de Guise, cardinal de Lorraine (CN 123).
21. L’Almanach pour l’an 1560
C’est le second almanach adressé au même destinataire, Claude de Savoie, comte de Tende et ami de Nostradamus. L’exemplaire Ruzo de la version parisienne a été acquis à la vente Swann de New York en avril 2007. J’en ai donné séparément le texte de l’épître en juin 2008 (CN 97), celui des hauts de page rognés et des quatrains en décembre 2011 (CN 148 et 155), et récemment, en août 2014, le texte des présages jusqu’à la fin de l’almanach (CN 183).
22. La Pronostication pour l’an 1560
La version lyonnaise de cet opuscule, récemment redécouvert (catalogue Thomas-Scheler, 2010) mais auparavant sauvegardé par Ruzo, a été éditée au CURA en décembre 2011 (CN 152).
23. L’Almanach pour l’an 1561
On ne sait rien de la version lyonnaise de cet almanach, adressé à la duchesse Marguerite de Valois, soeur du roi Henry II. J’ai établi une reconstitution de la version parisienne d’après les fragments laissés par Chavigny et l’exemplaire défectueux de la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris : i.e. la dédicace en mars 2011 (CN 137), le texte des présages en décembre 2011 (CN 153), et les quatrains en décembre 2013 (CN 173). J’ai découvert en avril 2014 à la bibliothèque de Munich une traduction latine manuscrite de cet opuscule dont la traduction permettrait de compléter mon texte.
24. La Pronostication pour l’an 1561
Chavigny a légué 221 présages dont les versions françaises sont perdues. Mais il existe une traduction latine manuscrite de cet opuscule (récemment découverte à Munich avec l’opuscule précédent), établie par Augustinus Güntzer, et traduite en italien par Lucia Bellizia. Le texte est adressé à Renée de Valois, la fille cadette du roi Louis XII et tante du roi Henry II.
25. L’Almanach pour l’an 1562
Il existe deux exemplaires légèrement différents de la version parisienne de l’Almanach pour 1562, ainsi qu’une version manuscrite des présages de l’almanach. Un cas unique qui permet de se faire une idée des déformations subies par le texte à l’impression par rapport au texte nostradamien originel. J’ai édité au CURA en avril 2014 les deux versions de l’épître adressée au pape Pie IV et les formules du calendrier, et donné un fac-similé des présages d’après une copie établie par l’abbé Hector Rigaux en 1906 (CN 181).
26. La Pronostication pour l’an 1562
La version lyonnaise, éditée par Pierre Brotot et imprimée par Antoine Volant, est parue avec une préface douteuse, non datée et adressée à Jean de Vauzelles. Une contrefaçon parisienne reprend le texte de la préface avec quelques modifications. En avril 2014, j’ai édité les deux versions de la préface et transcrit les présages saisonniers de la pronostication (CN 181 et 182).
27. L’Almanach pour l’an 1563
On ne connaît ni version lyonnaise ni parisienne de cet almanach, mais une version avignonnaise qui semble avoir été retouchée par Chevigny, le secrétaire de Nostradamus. L’épître dédicatoire est rédigée en italien, et le destinataire, Fabrice de Serbelloni, semble avoir été imposé à Nostradamus. Plus de deux mois séparent le faciebat de la date de la dédicace.
28. La Pronostication pour l’an 1563
Ce texte est totalement perdu. Chavigny n’en a conservé aucun présage dans son Recueil. On connaît un exemplaire d’une contrefaçon italienne suspecte, qui ne recoupe probablement pas le texte qui aurait été imprimé à Florence par Giorgio Marescotti.
29. L’Almanach pour l’an 1564
Chavigny nous a laissé 455 présages et les 12 quatrains de ce texte dont aucun exemplaire ne subsiste. On ignore le dédicataire de l’épître.
30. La Pronostication pour l’an 1564
Le texte original est perdu. On le connaît par les 185 présages qu’en donne Chavigny et par la traduction florentine imprimée par Giorgio Marescotti. Le texte est adressé au roi de France Charles IX.
31. L’Almanach pour l’an 1565
Une version du texte a été imprimée par Benoist Odo, nouvel imprimeur lyonnais de Nostradamus. Le texte est dédié au roi Charles IX comme le précédent. Aucune pronostication n’est attestée pour cette année et pour les deux suivantes.
32. L’Almanach pour l’an 1566
On a retrouvé deux exemplaires de la version lyonnaise de l’Almanach pour 1566, l’un à Naples, l’autre à Montréal. Le texte aurait été dédié en octobre 1565 à Honorat de Savoie, le fils de Claude décédé en avril 1566.
33. L’Almanach pour l’an 1567
Cet almanach a été imprimé par Benoist Odo comme celui pour l’année 1565. Il en existe une copie en collection privée établie par l’abbé Hector Rigaux en 1904. Il existe aussi une traduction italienne dont un exemplaire se trouve à Cracovie.
LE NAUFRAGE DE LA LITTÉRATURE NOSTRADAMIENNE
La moitié des opuscules sont perdus ; six parmi les survivants sont conservés en Provence dont quatre à Salon et deux à Aix. Parmi les 17 textes retrouvés, cinq concernent des versions lyonnaises, sept leur réplique parisienne, l’un d’entre eux est une édition avignonnaise, deux autres n’existent qu’en traduction italienne, un autre encore qu’en traduction latine, et le dernier grâce à plusieurs traductions anglaises. Un résumé de la situation apparaît au tableau qui suit ; dans la colonne « contenu édité », les cases jaunies correspondent aux textes et fragments restant à éditer.
OPERA NOSTRADAMICA, Oeuvres (in?)-Complètes de Nostradamus, Almanachs, Pronostications, Prophéties, 1550-1567, mise à jour PG, CURA, 24-07-2016
mise à jour du tableau 24-07-2016
Parmi les autres textes de Nostradamus, j’ai publié au CURA, puis en février 2015 dans Nostradamus traducteur : Horapollon et Galien, la traduction versifiée des Signes hiéroglyphes d’Horapollon (CN 166, 12-2013) et celle de la Paraphrase de Galien sur l’Exhortation de Ménodote (CN 67, 08-2007), et en mars 2015, dans Nostradamus occultiste : Codes et Procédés de chiffrement dans l’oeuvre de Nostradamus, le Testament de Nostradamus (CN 175, 04-2002 puis 11-2013). J’ai édité au CURA les Significations de l’Eclipse qui sera le 16 Septembre 1559 (CN 119, 11-2009, deux lettres de Nostradamus datant de l’année 1566, l’une à Catherine de Médicis imprimée par Benoist Rigaud (CN 174, 12-2013), l’autre, manuscrite et inédite, à Joachim de Cléron et datée du 25 février 1566 (CN 100, 07-2008), et le Traité des Fardements et des Confitures (édition Volant, 1555 ; CN 202, 09-2015).
Les lettres de la correspondance choisie de Nostradamus, les Clarorum virorum epistolae, ont été éditées par Eugène Lhez en 1961 (seulement la traduction des lettres envoyées par Nostradamus), par Jean Dupèbe en 1983 (texte latin et traduction partielle des lettres, expurgées des données astrologiques), par Robert Amadou en 1991 (traduction des lettres par Bernadette Lécureux et données astrologiques brutes), et par Pierre Brind’Amour en 1993 (analyse critique des données astrologiques seules). Parmi les autres textes de Nostradamus restant à éditer figurent les fameuses Prophéties dont il n’existe encore aucune édition fiable après 450 ans d’errements (Brind’Amour en 1996 n’édite que 4 centuries, Petey-Girard en 2003 seulement 7 dans une version contestable, en ignorant la véritable édition de 1557, avalisant ainsi les erreurs d’éditions plus tardives, « 1557 Du Rosne » i.e. ca. 1560, et « 1568 Benoist Rigaud » i.e. 1568A ca. 1571), et La nativité du prince Rodolphe (un manuscrit inédit de 1565), soit au total une dizaine de textes en plus des 33 publications annuelles.
Malheureusement il n’existe pas en France d’éditeur motivé, bienveillant ou éclairé : seulement des marchands de fadaises à trois balles, comme il n’existe pas d’intérêt pour Nostradamus en Université et dans les centres de recherches subventionnés, si ce n’est pour l’édition de comparables fadaises motivées par des intérêts idéologiques et leurs impératifs pseudo-didactiques. Comme pour l’astrologie et son histoire, voire pour l’épistémologie du fait astrologique, les sphères intellectualisées et conformistes sont plombées par des groupuscules de malfaiteurs pseudoscientistes, lesquels irriguent aussi les sous-produits de la culture que sont les encyclopédies en ligne du genre Wikipedia. Partout le même discours consensuel piloté par les daubards de lettres qui ne veulent rien voir ni entendre. Cette surdité a son pendant dans le recyclage des quelques traits pertinents pillés dans les études originales. J’en ai fait l’expérience lors de la parution de mon Manifeste pour l’Astrologie, traduit en quatre langues, singé ici ou là par quelque pisse-bec, mais rarement cité à propos. Aussi renvoie-je mon lecteur à mon appel salonnais de 2008 (CN 94) : A quand une édition (in)complète des oeuvres de Nostradamus ?
Tolosa-Genova, 02 août 2014 (Discours à l’occasion du VIIème congrès de l’association Apotélesma de Lucia Bellizia, Gênes, 18 octobre 2014)
(cf. le programme de la réunion génoise : VII Convegno Apotélesma, le compte-rendu sur le site Apotélesma : VII CONVEGNO APOTÉLESMA, et la traduction par Lucia de la version initiale de ce texte : Bilancio sulle publicazioni annuali di Nostradamus)
Patrice Guinard, octobre 2014 Lucia B. Patrice G., octobre 2014
Bilan sur les publications annuelles de Nostradamus (1550-1567)
(Discours de Gênes, Congrès Apotélesma, 18-10-2014)
http://cura.free.fr/09-10nostra/1410gen.html
24-10-2014 ; revised 24-07-2016
© 2014-2016 Patrice
Onnotera aussi que Guinard ne mentionne pas notre publication de 2002 (Ed Ramkat), Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus, où l’on trouve un corpus significatif dont il se sert. (cf aussi 1991, « Une attaque réformée, in RHR) En ce qui concerne la question de la ‘filiation » nostradamique, nous renvoyons notamment à notre série d’études, sur le site prophéties.it ‘(dir. Mario Gregorio).
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