Etudes de Critique biblique, astrologique nostradamiquej et linguistique.
dimanche 12 novembre 2023
Yvonnes Belllanger Littérature et prophétie à la Renaissance
BABELIO
Littérature et prophéties à la Renaissance
Nostradamus et la poésie-fiction
Yvonne Bellenger
L’article revient sur une poignée de quatrains extraits des Centuries de Nostradamus pour montrer comment la variété parfois délirante des interprétations qui leur ont été appliquées provient régulièrement d’une méconnaissance de la langue du xvie siècle (lexique et syntaxe) autant que du style nébuleux du poète provençal.
1 Deux outils bibliographiques utiles : Michel Chomarat et Jean-Paul Laroche, Bibliographie Nostradam (...)
2 La première édition des Centuries ou Prophéties parut à Lyon en 1555 chez Macé Bonhomme. Elle compt (...)
1La bibliographie de Nostradamus est considérable1 mais doublement décourageante : d’une part à cause de son ampleur, d’autre part à cause de la masse de balivernes qui l’encombrent. Une chose, cependant, est certaine : c’est que ces balivernes représentent un élément majeur de la gloire universelle et durable du personnage puisque c’est comme devin qu’il publia ses Centuries2 et entendait être lu. Et une autre : c’est que cette notoriété étonnante constitue un incontestable phénomène et, ne serait-ce qu’à ce titre, mérite qu’on s’y intéresse.
3 In Scienze, credenze occulte, livelli di cultura, Firenze, 1982, p. 247-442. Dupèbe est très réserv (...)
4 Voir Brind’Amour, p. XLIX sq.
5 Voir l’article d’Olivier Millet, « Feux croisés sur Nostradamus au XVIe siècle », in Divination et (...)
6 6 Cf. l’astrophysicien Jean-Claude Pecker, qui n’a certes rien d’un « astrophile », dans sa réponse (...)
7 J. Boulenger, Nostradamus et ses prophéties, Paris, éd. Colbert, 1943, p. 129.
2Dans son article « J. A. de Chavigny, le premier commentateur de Nostradamus »3, Jean Céard a souligné l’intérêt qu’il y aurait à connaître mieux les premiers lecteurs du mage4. On sait que la reine Catherine de Médicis l’avait en grande considération. D’autre part, la ténacité et la variété de ses adversaires rendent compte indirectement de son succès5, qui dure encore sans être toujours du meilleur aloi. Aujourd’hui, ses lecteurs « diligents », comme eût dit Montaigne, quoique rares, s’efforcent, sinon de percer le sens de tous les quatrains, du moins de les replacer dans leur époque en essayant de comprendre ce que parler veut dire6 . Ainsi, il y a plus de cinquante ans, Jacques Boulenger formulait cette observation intéressante : « J’ai cru remarquer que Nostradamus retrace le plus souvent des événements du passé, et, si l’on s’était donné autant de mal pour leur appliquer ses Centuries qu’on s’en est donné pour montrer qu’elles annoncent les faits de l’avenir, on les aurait beaucoup mieux expliquées »7.
8 Brind’Amour : « L’Histoire est au cœur de la pensée nostradamienne. Il la reprend inlassablement, r (...)
9 Anatole Le Pelletier, Les Oracles de Michel de Nostredame, Paris, 1867 ; Slatkine Reprints, 1969, 2 (...)
10 Voir la préface de Jean Céard à la Bibliographie de Benazra, p. VI.
3Replacer Nostradamus dans son temps ou dans des passés qu’il pouvait connaître plutôt que dans des avenirs incertains, c’est aussi le parti adopté par les deux seuls auteurs d’éditions critiques partielles publiées récemment, à quinze ans d’intervalle, celle de Brind’Amour et celle de LeVert8. Malheureusement, ces deux éditions ne sont pas les plus connues ni les plus usitées et les commentateurs se réfèrent souvent, de nos jours, à la vieille édition Le Pelletier de 1867, qu’on a d’ailleurs jugé bon de rééditer en 19699. Dans le premier de ses deux volumes, elle propose des commentaires dont beaucoup se fondent sur une méconnaissance flagrante de l’histoire et de la langue du XVIe siècle, et sur une foi touchante dans les dons prophétiques du mage de Salon. Dans le second, elle offre le texte prétendument ne varietur des Centuries, en fait entaché d’un grand nombre d’erreurs et d’approximations10.
11 Voir à ce sujet, notamment, l’article de Céard, « J. A. de Chavigny... », p. 428.
4Comme les dimensions d’un article excluent une étude d’ensemble de ces incertitudes11, je me contenterai d’essayer de montrer, sur quelques exemples, les fantaisies et les variations auxquelles ont donné lieu quelques-uns des textes de Nostradamus.
5Je commencerai par le quatrain prétendument annonciateur de la mort accidentelle d’Henri II, qui date de la première édition des Centuries en 1555 :
12 Pour les 353 premiers quatrains (l’édition de 1555), je cite Nostradamus d’après l’édition critique (...)
Le lyon jeune le vieux surmontera,
En champ bellique par singulier duelle,
Dans caige d’or les yeux luy crèvera :
Deux classes une, puis mourir, mort cruelle. (I, 35)12
13 Benazra, bien qu’il juge Le Pelletier comme "vraisemblablement le meilleur des interprètes de Nostr (...)
6Le Pelletier, qui représente une sorte de « vulgate » de l’interprétation nostradamique13, propose l’élucidation suivante en deux temps : d’abord la paraphrase, puis les considérations générales.
7Premier temps :
Le jeune lion surmontera le vieux lion en champ bellique par duel singulier, il lui crèvera les yeux dans une cage d’or. Voici le premier des ébranchements [ ?] ; et il mourra de mort violente.
8Second temps :
14 14 Le Pelletier, p. 72. Le second meurtre dont il est question est l’assassinat d’Henri III.
Montgomery (le jeune lion) terrassera Henri II (le vieux lion) en champ clos, dans un tournoi où ils jouteront l’un contre l’autre, seul à seul (par singulier duel) ; il lui crèvera l’œil d’un coup de lance porté au travers de la visière d’or de son casque (dans cage d’or). Voici le premier des deux meurtres qui abattront l’arbre dynastique des Valois ; ainsi Henri II, blessé mortellement, périra de mort violente.14
15 Brind’Amour, p. 100.
16 16 Ibid., p. 101.
9De son côté, dans son édition des Premières Centuries, Brind’Amour observe : « Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle, chez César de Nostredame mais pas encore chez Jean-Aimé de Chavigny, que ce quatrain fameux [...] fut rapproché du tournoi du 1er juillet 1559 ... »15. À son avis, « la clef du quatrain réside en fait dans son propos, qui n’est pas de décrire un événement réel mais un prodige aperçu dans les airs, une apparition où des combattants célestes annoncent un conflit à venir et sa résolution. [...] Nous poserons donc l’hypothèse que le prodige que décrit ici Nostradamus représente un combat céleste entre deux protagonistes dont les blasons représentent des lions ; l’un enfonce sa lance dans la visière de l’autre : c’est l’annonce de la victoire future. L’un est jeune, l’autre vieux ; en 1554, quand Nostradamus compose ces vers, dans la perspective du moment, le jeune est Henri II, le vieux, avec son heaume doré, Charles Quint. Et voilà bien l’interprétation traditionnelle renversée ! »16. Sans doute, mais cette nouvelle interprétation elle-même demeure très hypothétique, ce que note d’ailleurs honnêtement son auteur.
17 Apparemment ignorée de Brind’Amour.
18 Comme on vient de voir avec Brind’Amour, cette remarque n’est pas tout à fait exacte. La suite du c (...)
19 LeVert, p. 67.
20 Jacques Finné, art. "Tamerlan » du Nouveau Dictionnaire des Œuvres, Laffont-Bompiani, Paris, Laffon (...)
10Celle de LeVert17 est différente : « Ce quatrain [...] est le plus important des prophéties de Nostradamus, celui qui fit sa réputation. Les contemporains l’interprétèrent comme prédisant la mort du roi Henri II, qui périt dans un tournoi18. [...] La « cage d’or » fut comprise comme désignant le casque doré du duel. Mais on est tenté de s’émerveiller moins de la pénétration prophétique de Nostradamus que de la crédulité des courtisans, puisque de toute évidence le quatrain décrit une situation rappelant le sort de Bajazet »19. Et de fait, l’infortuné sultan Bajazet (ou Bayezid) Ier avait été au XIVe siècle proprement « encagé » par le redoutable conquérant mongol Tamerlan, qui « exerça une véritable fascination sur les écrivains de la Renaissance par sa férocité et le faste oriental dont il s’entoura »20. Quant à la cage où Tamerlan le cruel aurait fait enfermer Bajazet, la tradition la répute de fer, même si l’histoire tempère les choses. Cela dit, qu’une cage de fer, à la faveur des espaces traversés et du temps écoulé, soit devenue au milieu du XVIe siècle une cage d’or n’aurait rien d’étonnant.
11Ces diverses lectures, celle de Le Pelletier « traditionnelle » et imprécise, celle de Brind’Amour rigoureuse en son début et imaginative dans sa suite, celle de LeVert moins informée sur l’histoire du texte mais plus intéressante sur ses implications historiques, montrent clairement l’ampleur des divergences et l’incertitude de toutes ces interprétations.
21 En particulier avec le quatrain I, 60 « Un Empereur naistra près d’Italie... », qui d’après Le Vert (...)
22 Constater qu’un savant comme Georges Dumézil donnait dans le panneau (voir son livre « ... Le moyne (...)
23 P. 153, n. 1.
12De rapides coups de sonde suffisent à montrer qu’il en va presque toujours ainsi, d’autant plus que Nostradamus est supposé avoir tout prévu, en particulier les grands événements du futur que sont par exemple la Révolution et l’Empire21, Inutile de discuter cela dans le détail : avec cet auteur, une analyse de texte donne toujours l’impression de se battre contre les moulins à vent22. Je me bornerai donc à examiner l’un des termes clés qui, aux yeux de certains exégètes, prouve le don prophétique de l’auteur des Centuries et dont l’analyse repose sur la combinaison d’un contresens dû à l’ignorance de la langue du XVIe siècle et à un emballement incontrôlé de l’imagination. Je fais allusion à l’expression commun advenement qui, selon Le Pelletier, signifie « l’usurpation de la royauté par le tiers état »23, autrement dit la Révolution.
24 Voir Benazra, p. 36. Je cite dans l’édition qu’en a donnée Le Pelletier.
25 Le Pelletier, p. 154.
26 Le Pelletier, loc. cit., souligné par moi.
13Dans son Épître à Henri II publiée en 155824, Nostradamus explique au roi25 qu’il écrira ses prophéties « accommençant depuis le temps présent, qui est le 14 de Mars 1557, et passant outre bien loing jusques à l’Advenement qui sera après, au commencement du septième millénaire... »26. Or il avait déjà fait mention de cet advenement dans l’épître à César (dont le style ne laisse pas de rappeler celui de l’écolier limousin de Rabelais tant il est amphigourique et embarrassé). Ayant déclaré qu’il hésitait à révéler ce qu’il voyait de l’avenir, parce que cela risquait fort d’être désagréable, Nostradamus poursuivait :
27 Texte de 1555, éd. Brind’Amour, p. 8, § 9. Souligné par moi.
... puis me suis voulu extendre declarant pour le commun advenement par obstruses et perplexes sentences les causes futures, mesmes les plus urgentes, et celles que j’ay apperceu, quelque humaine mutation que advienne scandalizer l’auriculaire fragilité, et le tout escrit sous figure nubileuse plus que du tout prophétique.27
14Il s’agit en somme d’un principe de composition et d’inspiration chez les vaticinateurs, comme le montre le contexte. Le mot advenement signifie ici, conformément à l’étymologie, ce qui advient, ce qui arrive. Il faut comprendre commun advenement comme « ce qui arrive en général, communément », soit l’ensemble des événements. Sur ce point, je ne suis pas d’accord avec la traduction du passage donnée par Brind’Amour, que voici :
28 Brind’Amour, p. 8-9.
...j’ai depuis entrepris de m’étendre, en révélant pour l’ensemble du monde, en phrases obscures et ambiguës, les choses futures, même les plus imminentes, et celles que j’ai aperçues, quels que soient les bouleversements qui viennent scandalizer [sic] les oreilles délicates, et le tout composé dans un style obscur plutôt que absolument prophétique.28
29 Ibid., p. 8, n. 20. Savonarole est plusieurs fois cité dans cette épître, expose Brind’Amour.
15Brind’Amour justifie sa traduction de causes par « choses » dans une note : « Premier emploi de causes au sens de choses [...] ; il s’agit d’un italianisme indirect (cosa), par le biais du latin de Savonarole »29. Je n’en suis pas convaincue et je ne crois pas que causes doive se traduire par choses. Ce mot a plutôt son sens habituel (motif, raison) et renvoie aux causes diverses des choses non moins diverses qui se produiront (le commun advenement). D’autre part, je ne traduis pas du tout la fin du paragraphe comme Brind’Amour et « plus que du tout prophétique » ne me paraît pas vouloir dire « plutôt que prophétique » mais le contraire. « Du tout » au XVIe siècle veut dire « totalement », et « plus que du tout prophétique » signifie simplement « plus que totalement prophétique », c’est une hyperbole appuyée qu’on pourrait rendre par quelque chose comme « archi-prophétique ». Si bien que la traduction de ce passage, il est vrai caricaturalement obscur, serait plutôt, à mon avis :
... j’ai depuis entrepris de m’étendre, en révélant pour ce qui arrivera communément, en phrases obscures et ambiguës, les causes de ces événements à venir, même les plus imminentes, et celles que j’ai aperçues, quels que soient les bouleversements qui viennent scandaliser les oreilles délicates, et le tout composé dans un style obscur, et archi-prophétique.
16D’ailleurs dans un passage presque immédiatement suivant, Nostradamus fournit lui-même cette explication :
30 Brind’Amour, p. 9, § 11.
[Les prophètes] par le moyen de Dieu et des bons anges ont receu l’esprit de vaticination, par lequel ilz voyent les causes loingtaines et viennent à prevoyr les futurs advenementz, car rien ne se peult parachever sans luy.30
17Brind’Amour traduit fort justement ce passage :
[Les prophètes] ont reçu de Dieu et des bons anges l’esprit de prophétie par lequel ils voient les causes lointaines et viennent à prévoir l’avenir, car rien ne peut s’achever sans Dieu.
18Ici, le traducteur garde aux mots causes et advenement le sens qui me paraît être le leur dans le paragraphe précédemment cité.
19Mais c’est quand on lit l’explication de Le Pelletier qu’on se prend à rêver, et d’autant plus que son explication a quasiment force de loi dans les milieux nostradamiens :
31 Le Pelletier va jusqu’à imprimer ces trois mots en petites capitales !
32 Le Pelletier, p. 153, n. 1. Italiques de l’auteur.
Le commun advenement31, c’est-à-dire : le règne mis en commun, ou l’avènement au règne du populaire, l’usurpation de la royauté par le tiers état, composé de ceux qu’on appelait autrefois gens du commun, par opposition aux gens de qualité (noblesse, clergé, magistrature, armée).32
20Cela ne s’invente pas. Il est évident qu’en tordant ainsi le cou au texte, on peut lui faire dire à peu près ce qu’on veut, et en particulier lui faire prédire la Révolution française, la machine à vapeur, et pourquoi pas Monica Lewinski ?
33 La Clef de Nostradamus Isagoge, Pans, Pierre Giffart, 1710, p. 428. 34-Le Pelletier, p. 178.
21On trouvera peut-être piquant, par conséquent, de voir qu’avant la Révolution, dans sa Clef de Nostradamus isagoge publiée en 1710, l’anonyme auteur qui signe « Un solitaire » commentait le même passage de l’épître à César en assurant que « le commun advenement ne veut rien dire autre chose, que la Ligue ou le soulèvement des Princes et Etats Etrangers contre la Maison de Bourbon, sous le glorieux et incomparable Regne de Louis le Grand »33 — autrement dit la coalition des ennemis de la France. N’insistons pas. Ces constatations montrent trois choses : que le XVIIIe siècle commençant n’imaginait guère la Révolution, qu’il ne comprenait plus guère la langue du XVIe siècle et que, même sans Révolution à se mettre sous la dent, ses exégètes ne manquaient pas de munitions.
22On pourrait aligner à l’infini ce genre de perles. Je ne prendrai qu’un vers, le quatrième d’un quatrain prétendument consacré à la fuite de Louis XVI à Varennes :
Le part solus mary sera mitré
Retour conflict passera sur le thuille
Par cinq cens un trahyr sera tiltré
Narbon et Saulce par coutaux avons d’huile. (IX, 34)
23Sur un texte aussi peu explicite, on imagine que les glossateurs s’en sont donné à cœur joie. Arrêtons-nous aux deux noms cités dans le dernier vers, Narbon et Saulce. Le Pelletier comprend :
34 Le Pelletier, p. 178.
... il [Louis XVI] sera trahi par un noble nommé Narbonne (un tiltré Narbon) ; un fils et petit-fils de chandeliers-marchands d’huile, nommé Sauce (Saulce avons d’huile) le fera mettre au milieu de garde (per custodes)34.
35 Op. cit., p. 82 et 85. Au grand émoi de J.-C. Pecker, art. cit., p. 171, col. b.
36 LeVert, p. 28.
24— car pour coutaux, Le Pelletier lit custos ! Disons-le : c’est à peu près la manière de voir de Dumézil dans sa « sotie nostradamique »35. Quant à LeVert, tout en admettant que le quatrain est à peu près incompréhensible, il fournit sans doute la bonne réponse en rappelant qu’« il y avait eu un petit scandale auquel Catherine de Médicis avait été mêlée en son temps avec l’archevêque de Narbonne, accusé de simonie. D’autre part, un courtisan nommé Saulce avait bien fait plaisir à la reine en lui proposant de prendre son couteau pour couper le nez à la maîtresse du roi, Diane de Poitiers. Selon toute probabilité, les quatrains contiennent des quantités de souvenirs de ce genre à propos d’anecdotes et de menus incidents qui sur le moment ont pu sembler importants aux acteurs et aux témoins, mais qui sont aujourd’hui complètement oubliés, ou à peu près »36.
37 Celle de 1792 mentionnée dans la lettre à Henri II cité par Le Pelletier, p. 156.
38 Date à laquelle le quatrain X, 91 annonce l’élection d’un pape jésuite qui n’eut jamais lieu.
39 Le 1er mars 1555, date de l’épître à César, Nostradamus annonce : « ...et que de present que ceci j (...)
40 40 Cf. Benazra, p. 162.
41 Texte de Le Pelletier, t. I, p. 249, sixain 44.
25II est vrai que la langue de Nostradamus, systématiquement obscure, favorise comme à plaisir toutes les jongleries et tous les trucages. En particulier sur les dates. Il arrive quelquefois — mais rarement — que des dates données en clair aient l’air de tomber juste37. Mais tant d’autres ne correspondent à rien, de 160938 (pas de chance : au lieu que 1610...) à 173239, etc., que le simple calcul des probabilités suffit à tout expliquer. De plus, l’ingéniosité des commentateurs est sans borne et ce commentaire du premier vers du sizain 44 — apocryphe, il est vrai40 —, « Six cens et quinze vingt grand Dame mourra... »41, en donnera une idée.
42 Chevalier de Jant, Predictions tirées des Centuries de Nostradamus, qui vray semblablement se peuve (...)
... puisque le nombre de 15, de 20, de 6 ans font celui de 41, ou autrement de celuy 1641, auquel temps mourut à Cologne la Reyne Marie de Medicis, Mere de Louis XIII, si nous suivons l’ancien style. Mais comme la réforme du Calendrier, appelle Grégorien, est arrivé après les Predictions de l’Auteur, elle fut confirmée par une Declaration du Roy Charles IX, en 1574 [sic]. Et ce qui en ce temps-là paroissoit 1641, est aujourd’hui 1642, qui est l’année en laquelle mourut cette Reyne.42
43 Cf. Benazra, p. 159.
26On peut citer aussi Le Pelletier commentant le quatrain ajouté à la Xe Centurie dans l’édition de 1605 et tout aussi apocryphe que le sixain précédent43 :
Quand le fourchu sera soustenu de deux paux,
Avec six demy-corps, et six sizeaux ouvers,
Le trespuissant Seigneur, héritier des crapaux,
Alors subjuguera sous soy tout l’univers.
27Premier temps, l’élucidation :
44 La lecture que fait Benazra de ces vers est la même que celle de Le Pelletier. Il paraît que c’est (...)
Un fourchu soutenu de deux paux est la lettre V appuyée de chaque côté sur un I, et formant un M, dont la valeur numérique est de mille, en chiffres romains. Un demi-cor, ou la section d’un cor de chasse coupé en deux, forme un C, dont la valeur numérique est de cent. Une paire de ciseaux ouverts forme un X, dont la valeur numérique est de dix. - Un M, six C et six X, en chiffres romains, correspondent donc au millésime de 166044
28Les généralités qui suivent valent d’être citées :
45 Ce que signifient les crapauds, explique une note, puisque les crapauds étaient l’emblème des rois (...)
46 Le Pelletier, t. II, p. 118-119.
Le 10 mars 1661 (lendemain de la mort du cardinal Mazarin), le grand roi Louis XIV, héritier des lis45, qui régnera alors en France, saisira d’une main ferme les rênes de l’Etat et assujettira tout à son pouvoir.46
29Mais l’un plus vertigineux exemples de ces acrobaties arithmétiques est offert par le quatrain III, 57 :
47 Toutes les éditions donnent taintz {ou tainctz), ce qui fait un vers faux. J’adopte la correction d (...)
Sept foys changer verrés gent Britannique
Taintes47 en sang en deux cent nonante an :
Franche non point par apui Germanique.
Aries doute son pole Bastarnan.
48 LeVert, p. 171-172.
49 Brind’Amour, p. 409.
30Les trois premiers vers se laissent lire : sept changements sanglants du côté britannique, rien en Franche grâce à l’appui germanique. Point important : quel est le sens du mot Franche : la France ? C’est la variante de l’édition de 1557, mais elle ne signifie pas forcément grand-chose (Nostradamus a-t-il revu son texte ?). La Franche-Comté ? C’est ce que comprend LeVert48. S’agit-il de l’adjectif « franche, libre » ? C’est ce que comprend Brind’Amour, de façon très cohérente : « Vous verrez la gent britannique changer sept fois, teinte de sang, en deux cent quatre-vingt-dix ans, non qu’elle soit indépendante, mais grâce à l’appui germanique »49.
31En fait, la grande question, c’est de savoir de quand partent les 290 ans. Or ces vers ont été édités pour la première fois en 1555.
50 Brind’Amour, p. 409. On nous a d’abord expliqué que Bastarnan, dans le quatrain, vient pour Bastami (...)
32Malgré cette apparente évidence, le commentaire de Brind’Amour, fondé sur une interprétation purement astrologique (appelée par le dernier vers du quatrain), ne convaincra que ceux qui ont envie de l’être, la plupart des autres (dont je suis) étant bien incapables d’opposer le moindre argument à sa démonstration : « Il est possible que les 290 ans soient à compter, en gros, de 1265, année où fut établi le premier Parlement anglais, à 1553 qui vit l’intronisation de Marie Tudor et la restauration du catholicisme. D’après la chorographie de Ptolémée (Tétrabible, II, 3), le trigone d’orientation nord-ouest, dominé par le Bélier, exerce son influence sur la Bretagne, la Gaule, la Germanie et la Bastarnie (Astrophile, p. 274). Ces régions relèvent approximativement d’un même climat, entre 48 et 52 degrés de latitude »50.
51 « Pendant la deuxième guerre mondiale [...], Gœbels mit en place un service d’espionnage chargé d’ (...)
52 Question intéressante, mais à côté de la question que je suis en train d’examiner. De plus, je ne s (...)
33Le Vert préfère sagement évoquer l’histoire de l’interprétation de ce quatrain : « Ces vers ont longtemps été considérés comme l’une des plus importantes prophéties de Nostradamus, prédisant des bouleversements politiques en Grande-Bretagne. Le quatrain a eu, semble-t-il, quelque importance juste avant la seconde guerre mondiale, en encourageant certains dirigeants nazis à envahir la Pologne51 : 290 ajoutés à 1649 (date de l’exécution de Charles Ier) donnent 1939, année critique pour les Britanniques ». Suit son analyse, qui ne porte pas sur cette durée et ses limites mais sur la situation des frontières françaises au XVIe siècle52.
53 France-Loisirs, 1981. Ce livre inepte fut un vaste succès commercial.
54 Fontbrune, p. 268.
34Chez le nommé Jean-Charles de Fontbrune, l’un des derniers et le plus nul, peut-être, des commentateurs de Nostradamus, qui écrit page après page n’importe quoi dans son Nostradamus historien et prophète53, le point de départ est 1628, date du siège de La Rochelle. Aucune justification. Pourquoi le siège de La Rochelle plutôt que la prise du Havre en 1562 ou celle de Calais en 1558 ? Nul ne le saura. Point d’arrivée 1918. 1918-1628 = 290 ans54.
55 Auxquelles il consacre tout un chapitre : p. 135 sq.
35Pour Le Pelletier, le quatrain se rapporte aux révolutions d’Angleterre55 : 1501 (début [ ?] de la Renaissance) + 290 = 1791 (l’année précédant 1792).
56 L’anonyme auteur de l’Eclaircissement des véritables Quatrains de maistre Michel Nostradamus, 1656 (...)
36À côté de ces divergences, ou plutôt avant elles, il faut remarquer que le calcul fait par les commentateurs de l’ancien régime, qui ne soupçonnaient pas que la Révolution viendrait mettre à bas leur belle assurance, n’allait pas chercher midi à quatorze heures. Ils faisaient tout platement partir les 290 ans de la date où Nostradamus publia son livre, soit 1555 + 290 = 184556. Si bien qu’on se trouve devant les variations suivantes :
Brind’Amour
1265 (1er Parlement anglais)
+ 290 = 1553 (Marie Tudor)
Les nazis
1649 (exécution de Charles Ier)
+ 290 = 1939 (2e guerre mondiale)
Fontbrune
1628 (La Rochelle)
+ 290 = 1918 (1ère guerre mondiale)
Le Pelletier
1501 (La Renaissance)
+ 290 = 1791 (dernière année de la royauté)
XVIIe-XVIIIe s.
1555 (Les Centuries)
+ 290 = 1845 (terme d’une longue ère de paix en France)
37Il est tentant de proposer pour terminer un quatrain qui pourra sembler d’actualité :
L’an mil neuf cens nonante neuf sept mois
Du ciel viendra un grand Roy d’effrayeur
Resusciter le grand Roy d’Angoulmois.
Avant après Mars régner par bonheur. (X, 72)
57 57 Le Vert, p. 247.
38Le commentaire de Fontbrune propose une fois encore une interprétation catastrophique (plus ça casse et plus ça passe — et plus ça se vend) et voit là-dedans une prochaine réapparition d’Attila. Le Pelletier ne parle pas de ce quatrain. LeVert lit dans le mot Angoulmois l’anagramme de Mongolois et avance une explication à mon avis peu convaincante en suggérant que, si « à l’époque de Nostradamus [on lisait ces vers] comme une manifestation de millénarisme, il est possible que tout cela évoque le Mongol Gengis Khan, chef d’une armée destructrice, ou Calvin, qui avait achevé son Institution chrétienne en Angoumois »57.
58 Cela dit, on ne sera pas étonné d’apprendre qu’au XVIe siècle, le grand roi en question n’était aut (...)
39Je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire pour Angoulmois d’aller chercher une anagramme et je comprends plutôt qu’en 1999, descendra du ciel — selon Nostradamus — un pouvoir effrayant qui ressuscitera, pour le bonheur des peuples, le grand roi d’Angoumois, province qui avait été l’apanage de François Ier, comte d’Angoulême avant son avènement. Il est vraisemblable que le grand roi lié à cette province à l’époque où écrit Nostradamus soit celui-là plutôt que tout autre. C’est le retour de l’âge d’or du père des lettres que semble donc annoncer ici le prophète provençal. Et c’est tout le bonheur que je souhaite au lecteur58.
40Il faut conclure sur une question. Puisque le thème de ce numéro de Babel est « Littérature et prophétie », où est la littérature dans tout cela ?
59 « Sur la poétique de Nostradamus », in Poétique et narration. Mélanges offerts à Guy Demerson, Pari (...)
41Elle est dans le fait que les Prophéties sont rédigées en quatrains de décasyllabes, structure poétique évidente. De plus, au XVIe siècle, poésie et prophétie sont germaines : ut prophetia poesis. Et j’ai déjà eu l’occasion de dire pourquoi à mon sens Nostradamus est un vrai poète59 par la puissance de ses images, liée certainement à l’obscurité du sens, et par les effets saisissants que suscitent ses vers. Je n’y reviendrai pas.
60 Paris, Desjonquères, 1996.
61 P. 130-132.
62 P. 134-137.
63 P. 147.
64 64 P. 149.
65 65 P. 157.
66 P. 159.
42Dans son livre Les Langues occultes de la Renaissance60, Pierre Béhar examine l’œuvre de Nostradamus comme étant celle d’un disciple d’Agrippa61 influencé par les thèses de Ficin, des auteurs hermétiques et de Léon l’Hébreu62. Les Prophéties ne puisent pas seulement à la source prophétique mais aussi à l’astrologie et « en cela encore Nostradamus suit à la lettre les instructions d’Agrippa de Nettesheim63 qui avait consacré un chapitre de son De occulta philosophia à démontrer qu’il n’est pas de divination parfaite sans l’astrologie »64. Elle est en outre inspirée de la Cabale, à lui transmise soit par ses origines sépharades hispano-provençales, soit par l’influence de Léon l’Hébreu65. Et c’est aussi en quoi il est poète : « Il a été animé de cette même fureur apollinienne, dispensatrice à la fois du don de poésie, qui jadis illuminait la Sibylle de Delphes et suscitait les transes des prêtresses de Didyme, sous les auspices desquelles le devin place ses centuries. Aussi, si les prédictions de Nostradamus sont d’esprit prophétique, elles seront composées en vers : dans tous les sens du terme, en style sibyllin »66.
67 M.-L. Demonet, Les Voix du signe. Nature et origine du langage à la Renaissance (1480-1580), Paris, (...)
43Sur ce style sibyllin, les avis sont partagés. Marie-Luce Demonet, dans sa grande thèse sur Les Voix du signe, n’est pas tendre. Elle relève la syntaxe « très fautive » des Centuries, les vers boiteux. « C’est une langue archaïque et inachevée qui est imitée, écrit-elle, de la langue rustique et barbare des premiers temps ». Pis encore. C’est une langue confuse qui mélange toutes les époques, « passéiste et prospective en même temps, imparfaite sans l’accomplissement que lui donnera le lecteur », où l’achèvement du sens prophétique est éludé. Conclusion sévère : « Dans nul autre texte contemporain la distance n’est aussi réduite entre le texte inspiré et les mots vides »67.
68 Texte publié en 1973. Chaque âge a ses folies.
69 François Crouzet, Nostradamus poêle français, Paris, Julliard, 1973, p. 62-63.
70 Ibid, p. 55.
44Ce n’est pas le point de vue de François Crouzet pour qui « chez Nostradamus comme chez [... ] tout vrai poète, il y a [...] beaucoup plus que prouesse technique et pur jeu verbal. Il y a la certitude absolue, qu’elle soit folle ou non peu importe, que le langage est la clef même du réel. Un prodigieux orgueil intellectuel, qui entraîne les uns vers la folie de la cabale, et c’est Pic de la Mirandole ou Reuchlin, les autres vers une prétention inouïe - comparable seulement au dogmatisme des marxistes68 — à tout expliquer par la philologie, et c’est Scaliger (avec qui Nostradamus s’est brouillé, car on ne se supporte pas quand on est à peu près du même avis) »69. Et encore ces mots : « La poésie-fiction, comme la science-fiction, ne relève vraiment que de l’esthétique. Toute la difficulté, c’est précisément de l’arracher aux maniaques de l’occultisme et aux extra-lucides de tout poil, de la rendre au domaine des lettres, de lui rendre sa dignité proprement littéraire »70.
45En quoi les critiques littéraires sont aussi peu d’accord entre eux, on le voit, que les « extra-lucides de tout poil ».
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NOTES
1 Deux outils bibliographiques utiles : Michel Chomarat et Jean-Paul Laroche, Bibliographie Nostradamus. XVIe-XVIIe-XVIIle siècles, Baden-Baden et Bouxviller, Editions V. Koerner, 1989 ; Robert Benazra, Répertoire chronologique nostradamique (1545-1989), Paris, Trédaniel, 1989.
2 La première édition des Centuries ou Prophéties parut à Lyon en 1555 chez Macé Bonhomme. Elle comptait 353 quatrains, répartis en trois centuries (cent quatrains) et une quatrième incomplète. C’est de cette publication que le regretté Pierre Brind’Amour a donné une édition critique en 1996 à Genève chez Droz. En 1557, est parue à Lyon, chez Antoine du Rosne, une nouvelle édition des Centuries (complétée jusqu’à la VIIIe centurie). Nostradamus est mort en 1566. La première édition comprenant les dix centuries date de 1568, à Lyon chez Benoît Rigaud ; elle est donc posthume. Sur tout cela, voir le livre de R. Benazra.
3 In Scienze, credenze occulte, livelli di cultura, Firenze, 1982, p. 247-442. Dupèbe est très réservé sur le personnage de Chavigny, qu’il considère comme un imposteur ou peu s’en faut : voir son édition des Lettres inédites, Introduction, p. 23-24. Voir aussi Brind’Amour, p. LX-LXVIII.
4 Voir Brind’Amour, p. XLIX sq.
5 Voir l’article d’Olivier Millet, « Feux croisés sur Nostradamus au XVIe siècle », in Divination et controverse religieuse en France au XVIe siècle, Cahiers V. L. Saulnier, 4, 1987, p. 103-121.
6 6 Cf. l’astrophysicien Jean-Claude Pecker, qui n’a certes rien d’un « astrophile », dans sa réponse à Dumézil (auteur d’une Sotie nostradamique) parue dans Le Débat, n° 29, mars 1984, « Nostradamus au collège de France », p. 167-175.
7 J. Boulenger, Nostradamus et ses prophéties, Paris, éd. Colbert, 1943, p. 129.
8 Brind’Amour : « L’Histoire est au cœur de la pensée nostradamienne. Il la reprend inlassablement, résumant ses sources, abrégeant tout, comme si l’avenir n’allait pas manquer de ramener les événements passés », p. XLVI. Et Liberté LeVert, dans son livre The Prophecies and Enigmas of Nostradamus (Firebell Books, Glen Rock, N.J., 1979) : « Il remplissait ses livres non de prophéties (on n’en trouve que de temps en temps) mais de vers portant sur les événements du temps, l’histoire du passé, des généralités, de la critique sociale [ ?], de l’économie, des scandales de cour, plus une certaine quantité de vers à faire frémir inspirés par la peur de la guerre et de la persécution religieuse », p. VIII. À ces deux éditions des Centuries, il faut ajouter celle, très remarquable, des Lettres inédites procurée par Jean Dupèbe, dont l’introduction est un guide aussi précieux que rigoureux, denrée rare en nostradamisme (Genève, Droz, 1983). — A noter que Frances Yates avait fait un compte rendu très élogieux du livre de LeVert dans le Times Literary Supplement du 14 mars 1980 : "Le lecteur, écrivait-elle, tirera beaucoup de plaisir de ce commentaire qui renvoie la plupart des allusions à des événements du temps de Nostradamus, et non à des époques encore à venir. La retraite d’un grand personnage dans un lieu renfermé n’est pas la vision de Napoléon à l’île d’Elbe mais rappelle la retraite de l’empereur Charles Quint qui venait d’avoir lieu peu de temps avant la publication des prophéties. Quand Nostradamus parle de « Bretaigne », il entend la Bretagne [et non la Grande-Bretagne] : de sorte que les convulsions politiques de « Bretaigne » n’annoncent pas l’exécution de Charles Ier ni d’autres événements majeurs de l’histoire britannique mais se rapportent à des faits survenus en Bretagne au XVIe siècle. « Hister » est le Danube et non pas une façon de désigner « Hitler ». Les prophéties se rapportent presque toutes à l’histoire du XVIe siècle, en particulier à la monarchie française et à ses relations avec les puissances contemporaines. Et quand Nostradamus risque effectivement une prophétie sur ce qui doit arriver dans l’avenir, il se trompe à peu près toujours, sa plus énorme bourde étant d’avoir annoncé à Henri II une carrière glorieuse peu de temps avant la mort accidentelle du monarque dans une joute. »
9 Anatole Le Pelletier, Les Oracles de Michel de Nostredame, Paris, 1867 ; Slatkine Reprints, 1969, 2 vol. Sauf précision contraire, c’est le tome I que je citerai.
10 Voir la préface de Jean Céard à la Bibliographie de Benazra, p. VI.
11 Voir à ce sujet, notamment, l’article de Céard, « J. A. de Chavigny... », p. 428.
12 Pour les 353 premiers quatrains (l’édition de 1555), je cite Nostradamus d’après l’édition critique de Brind’Amour. Pour les autres, d’après LeVert quand il retient ces quatrains. Sinon, d’après Le Pelletier.
13 Benazra, bien qu’il juge Le Pelletier comme "vraisemblablement le meilleur des interprètes de Nostradamus », estime cependant que ses commentaires, « se rapportant à son époque, reflètent les préoccupations de ses contemporains devant 1’« Empire » de Napoléon III », p. 416. À opposer au jugement nettement plus sévère de Céard dans la préface du même ouvrage, p. VI-VII.
14 14 Le Pelletier, p. 72. Le second meurtre dont il est question est l’assassinat d’Henri III.
15 Brind’Amour, p. 100.
16 16 Ibid., p. 101.
17 Apparemment ignorée de Brind’Amour.
18 Comme on vient de voir avec Brind’Amour, cette remarque n’est pas tout à fait exacte. La suite du commentaire est plus intéressante et, vraisemblablement, plus juste.
19 LeVert, p. 67.
20 Jacques Finné, art. "Tamerlan » du Nouveau Dictionnaire des Œuvres, Laffont-Bompiani, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », t. VI, p. 6995-6996.
21 En particulier avec le quatrain I, 60 « Un Empereur naistra près d’Italie... », qui d’après Le Vert « est d’ordinaire rapporté à Napoléon, mais [...] s’appliquerait mieux à certains empereurs romains », p. 80.
22 Constater qu’un savant comme Georges Dumézil donnait dans le panneau (voir son livre « ... Le moyne noir en gris dedans Varennes ». Sotie nostradamique, Paris, Gallimard, 1984) laisse un peu mélancolique. Voir le débat avec Pecker, cité plus haut, n. 6.
23 P. 153, n. 1.
24 Voir Benazra, p. 36. Je cite dans l’édition qu’en a donnée Le Pelletier.
25 Le Pelletier, p. 154.
26 Le Pelletier, loc. cit., souligné par moi.
27 Texte de 1555, éd. Brind’Amour, p. 8, § 9. Souligné par moi.
28 Brind’Amour, p. 8-9.
29 Ibid., p. 8, n. 20. Savonarole est plusieurs fois cité dans cette épître, expose Brind’Amour.
30 Brind’Amour, p. 9, § 11.
31 Le Pelletier va jusqu’à imprimer ces trois mots en petites capitales !
32 Le Pelletier, p. 153, n. 1. Italiques de l’auteur.
33 La Clef de Nostradamus Isagoge, Pans, Pierre Giffart, 1710, p. 428. 34-Le Pelletier, p. 178.
34 Le Pelletier, p. 178.
35 Op. cit., p. 82 et 85. Au grand émoi de J.-C. Pecker, art. cit., p. 171, col. b.
36 LeVert, p. 28.
37 Celle de 1792 mentionnée dans la lettre à Henri II cité par Le Pelletier, p. 156.
38 Date à laquelle le quatrain X, 91 annonce l’élection d’un pape jésuite qui n’eut jamais lieu.
39 Le 1er mars 1555, date de l’épître à César, Nostradamus annonce : « ...et que de present que ceci j’escriptz avant cent septante sept ans troys moys unze jours, par pestilence, longue famine et guerres, et plus par les inundations le monde entre cy et ce terme prefix, avant et après par plusieurs foys, sera si diminué, et si peu de monde sera, que l’on ne trouvera qui vueille prendre les champs, qui deviendront liberes aussi longuement qu’ilz ont estés en servitude... », Brind’Amour, p. 34-35. Le compte est clair : 1555 + 177 = 1732. Mars + trois mois = juin. Le 1er + 11 jours = le 12. Que s’est-il donc passé le 12 juin 1732 ? Rien. Mais cette fausse donnée, les exégètes l’ont oubliée.
40 40 Cf. Benazra, p. 162.
41 Texte de Le Pelletier, t. I, p. 249, sixain 44.
42 Chevalier de Jant, Predictions tirées des Centuries de Nostradamus, qui vray semblablement se peuvent appliquer au temps present, et à la guerre entre la France et l’Angleterre, contre les Provinces-Unies, s. l. ni imprimeur, 1673.
43 Cf. Benazra, p. 159.
44 La lecture que fait Benazra de ces vers est la même que celle de Le Pelletier. Il paraît que c’est évident.
45 Ce que signifient les crapauds, explique une note, puisque les crapauds étaient l’emblème des rois mérovingiens et que c’est Clovis qui leur a substitué les lis.
46 Le Pelletier, t. II, p. 118-119.
47 Toutes les éditions donnent taintz {ou tainctz), ce qui fait un vers faux. J’adopte la correction de Brind’Amour.
48 LeVert, p. 171-172.
49 Brind’Amour, p. 409.
50 Brind’Amour, p. 409. On nous a d’abord expliqué que Bastarnan, dans le quatrain, vient pour Bastamie, « région entre les sources de la Vistule et l’embouchure du Danube... ». L’abréviation Astrophile renvoie au livre de Brind’Amour Nostradamus astrophile, Ottawa-Paris, Klincksieck, 1993. Pour Tétrabible, j’avoue mon embarras.
51 « Pendant la deuxième guerre mondiale [...], Gœbels mit en place un service d’espionnage chargé d’étudier les prophéties afin de les utiliser pour la propagande en France », LeVert, p. VIII.
52 Question intéressante, mais à côté de la question que je suis en train d’examiner. De plus, je ne suis pas convaincue par l’argumentation de LeVert selon qui ce quatrain se rapporte « à la Bretagne. Les deux territoires mentionnés, la Franche-Comté et la Bretagne, étaient périphériques par rapport à la France proprement dite. La Bretagne avait été annexée à la suite d’un tour de passe-passe dynastique et elle manifestait toujours un fort sentiment séparatiste. La Franche-Comté était sous la domination des Habsbourg et faisait partie de l’héritage bourguignon. Le thème général du quatrain est l’appropriation par la France des provinces frontières », p. 172.
53 France-Loisirs, 1981. Ce livre inepte fut un vaste succès commercial.
54 Fontbrune, p. 268.
55 Auxquelles il consacre tout un chapitre : p. 135 sq.
56 L’anonyme auteur de l’Eclaircissement des véritables Quatrains de maistre Michel Nostradamus, 1656 : « Le troisième vers dit à la gloire de la France que durant ce temps, elle ne change[r]a point, ny de Religion, ny de Gouvernement ; et la Prophétie de l’Auteur s’est desja vérifiée par cent ans passez... », p. 179. Les Predictions tirées des Centuries de Nostradamus qui vray semblablement se peuvent appliquer au temps present, et à la guerre entre la France et l’Angleterre, contre les Provinces-Unies du chevalier de Jant, déjà citées, notent plus brièvement à propos de ce même troisième vers : « Ce qui signifie tres clairement que pendant ce temps-là [les 290 ans] l’on ne verra point changer la France, comme la nation Anglaise tant au Gouvernement de son Estât, qu’en la Religion », p. 15-16. Même interprétation chez Guynaud, auteur d’une Concordance des prophéties de Nostradamus avec l’Histoire, depuis Henry II jusqu’à Louis le Grand, en 1693 : « Les Anglois changeront sept fois, ou quant à la Religion, ou quant au Gouvernement. [...] Nostradamus dit ceci par trois mots, France non point : c’est-à-dire vous ne verrez point changer la France en 290 ans, comme vous verrez les Anglois... », p. 205 et 207. Même chose chez Le Pelletier, p. 136. Mais variante très fantaisiste chez Fontbrune, une fois de plus : « On verra la nation britannique changer sept fois en deux cent quatre-vingt-dix ans qui seront teints de sang, et cela envers la France [ ?], qui, lorsqu’elle n’aura plus le soutien de l’Allemagne, doutera de son pôle attractif à cause de la machine de guerre allemande » — laquelle machine de guerre allemande sort du quatrième vers, avec Aries qui signifie « Bélier », et donc « machine de guerre », cela va de soi ! (p. 267-268).
57 57 Le Vert, p. 247.
58 Cela dit, on ne sera pas étonné d’apprendre qu’au XVIe siècle, le grand roi en question n’était autre que Louis XlV. C’est ce qu’affirme Guynaud, en 1693 : « Cela veut dire que dans l’espace d’environ trois cens ans, Dieu donnera de nouveau à la France un grand Roi de frayeur, c’est-à-dire un grand Prince qui fera trembler toute l’Europe, et que par sa prudence et par sa valeur les peuples s’imagineront que Louis le Grand sera ressuscité ; ce qui nous est dénoté par le Grand Roi d’Angoulmois, dont Nostradamus ne s’est apparemment servi que pour faire son Vers... » (p. 349-350) — en somme, comme Victor Hugo avec « Jerimadeth ».
59 « Sur la poétique de Nostradamus », in Poétique et narration. Mélanges offerts à Guy Demerson, Paris, Champion, 1993, p. 177-190. Poète de second ordre, sûrement, mais poète.
60 Paris, Desjonquères, 1996.
61 P. 130-132.
62 P. 134-137.
63 P. 147.
64 64 P. 149.
65 65 P. 157.
66 P. 159.
67 M.-L. Demonet, Les Voix du signe. Nature et origine du langage à la Renaissance (1480-1580), Paris, Champion, 1992, p. 485.
68 Texte publié en 1973. Chaque âge a ses folies.
69 François Crouzet, Nostradamus poêle français, Paris, Julliard, 1973, p. 62-63.
70 Ibid, p. 55.
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POUR CITER CET ARTICLE
Référence papier
Yvonne Bellenger, « Nostradamus et la poésie-fiction », Babel, 4 | 2000, 105-121.
Référence électronique
Yvonne Bellenger, « Nostradamus et la poésie-fiction », Babel [En ligne], 4 | 2000, mis en ligne le 30 mai 2013, consulté le 12 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/babel/2872 ; DOI : https://doi.org/10.4000/babel.2872
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